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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA GRANDE VITESSE
FERROVIAIRE :
un modèle porté au-delà de
sa pertinence
Rapport public thématique
Synthèse
Octobre 2014
AVERTISSEMENT
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et
l’utilisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes
figurent à la suite du rapport.
SOMMAIRE
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
1
Les limites d’une réussite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
2
Un processus de décision qui conduit inéluctablement à la réalisa-
tion de lignes nouvelles
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
3
Un coût non soutenable
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25
INTRODUCTION
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’histoire de la grande vitesse ferroviaire en France est celle de la rencontre, il y
a 30 ans, entre une technologie d’avant-garde et un large public. Nombre de
Français ont eu en effet l’occasion de profiter du confort et de la vitesse d’un
mode de transport qui est de surcroît considéré par les villes desservies comme
une marque indispensable de modernité.
À mesure que le réseau de lignes à grande vitesse (LGV) s’est étendu, la perti-
nence du modèle et ses bénéfices pour la collectivité se sont progressivement
réduits : les nouvelles lignes sont de moins en moins rentables, le nombre très
important de dessertes devient contradictoire avec la notion même de grande
vitesse, la marge dégagée par cette activité dans son ensemble diminue et cou-
vre chaque année un peu moins le déficit des autres activités ferroviaires de la
SNCF.
Cette enquête complète plusieurs travaux de la Cour consacrés au transport fer-
roviaire : transport express régional en 2009, Transilien en 2010, entretien du
réseau ferré national en 2012, comptes et gestion de RFF en 2013, trains d’équi-
libre du territoire (TET) en 2014.
Elle met en lumière trois faits qui conduisent à remettre pour partie en cause le
modèle actuel et qui constituent les trois chapitres du rapport :
• les bénéfices de la grande vitesse ferroviaire pour la collectivité sont moin-
dres qu’escomptés et l’investissement très lourd qui a été consenti s’est fait au
détriment de l’entretien du réseau classique ;
• le processus de décision pour la réalisation d’une LGV se présente de façon
rationnelle mais, dans la pratique, il reste très dépendant de paramètres sub-
jectifs et politiques ;
• les ressources financières affectées à la construction des infrastructures
permettent aujourd’hui tout juste de financer les lignes en cours de construc-
tion.
Deux questions majeures restent ouvertes :
- celle de l’arbitrage entre la hausse des péages dus par la SNCF qui réduisent
les profits de la grande vitesse mais sont indispensables pour rénover et moder-
niser le réseau classique ;
- le choix d’une ressource pérenne de substitution à l’écotaxe pour que puissent
être réalisées d’ici 2030, à la fois les nouveaux projets, notamment ceux retenus
par la commission « Mobilité 21 », et d’autres infrastructures qualifiées de prio-
ritaires par les pouvoirs publics, tels que le canal Seine-Nord Europe.
INTRODUCTION
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Les limites d’une réussite
Succès
technique,
le
TGV
est
aujourd’hui en France la composante
dominante du système de transport
ferroviaire de voyageurs sur longue
distance. Sa faculté de desservir tout
le territoire à partir du réseau clas-
sique outre les lignes à grande
vitesse, lui confère un attrait particu-
lier. Cette image positive ne doit
occulter ni les limites de cette réus-
site, ni ses effets négatifs sur le reste
du système ferroviaire.
Un modèle français caractérisé par
un matériel spécifique, roulant aussi
sur le réseau classique pour desservir
des destinations plus nombreuses
que dans tout autre pays
Vingt ans après la mise en service en
1964 du
Shinkansen
au Japon, la SNCF
devenait le pionnier de la grande
vitesse ferroviaire en Europe, en met-
tant en service les premiers tronçons
de ligne à grande vitesse (LGV) sur la
liaison Paris-Lyon. Le succès initial de
cette liaison a conduit les pouvoirs
publics à favoriser le développement
d’un réseau de LGV. Ces lignes étaient
conçues initialement pour des trains
roulant jusqu’à 270 km/h, vitesse por-
tée à 300, puis 320 km/h sur les lignes
les plus récentes. Le réseau atteint
aujourd’hui
2 036
km
avec
une
perspective d’extension à 2 700 km
d’ici 2018, lorsque les quatre lignes
actuellement en construction seront
achevées.
Le réseau français se caractérise par la
« grande vitesse mixte » où des rames
spécialement conçues pour la grande
vitesse, les TGV, roulent à la fois sur les
LGV ouvertes à ce seul trafic, mais
peuvent aussi emprunter le réseau
classique. En moyenne, une rame de
TGV roule environ 40 % de son temps
sur le réseau classique, à la vitesse
propre à ce réseau, soit inférieure à
220 km/h. De cette mixité résulte une
spécificité du modèle français :
la des-
serte d’un grand nombre de destina-
tions, plus de 230 au total, composées
aussi bien d’arrêts intermédiaires que
de dessertes en bout de ligne. Cette
particularité a des répercussions tant
sur la vitesse moyenne des TGV que
sur leur rentabilité.
Considérant
les
investissements
considérables
nécessaires
pour
construire les LGV et acheter le maté-
riel roulant, la grande vitesse ferro-
viaire doit en effet constituer un mode
de transport de masse, c’est-à-dire
satisfaire un trafic élevé, obtenu par
des rames de grande capacité et de
fort taux de remplissage. Elle sera
donc d’autant plus rentable qu’elle
dessert des bassins de population
importants avec des fréquences éle-
vées (23 allers-retours par jour entre
Paris et Lyon ou Paris et Nantes, par
exemple). Or la France souffre déjà
d’un déséquilibre entre sa capitale et
le faible nombre d’autres grandes
métropoles. Le fait de multiplier les
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les limites d’une réussite
dessertes entraîne nécessairement de
moindres fréquences et surtout un
plus grand parc dont l’achat, l’entre-
tien et le renouvellement pèsent sur
les comptes.
Dessertes et destinations du TGV
Source : Guide TGV, SNCF (juin 2014)
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les limites d’une réussite
La « zone de pertinence » de la
grande vitesse ferroviaire par rap-
port à la voiture et l’avion est com-
prise entre une heure trente et trois
heures de trajet
Quatorze pays dans le monde prati-
quent la grande vitesse ferroviaire
avec des modèles très différents. En
Asie, la Chine et le Japon possèdent
les deux premiers réseaux mondiaux,
avec des lignes totalement séparées
du
réseau
classique.
Plusieurs
modèles
coexistent
en
Europe :
l’Espagne (premier réseau européen)
et la France pratiquent une mixité par-
tielle. D’autres pays, comme l’Italie,
ont un réseau à grande vitesse exclu-
sif. L’Allemagne présente l’originalité
d’avoir une mixité intégrale : son
réseau grande vitesse est limité et il
est emprunté par des convois clas-
siques roulant à vitesse normale, ce
qui limite d’autant les plages où la
grande vitesse peut être utilisée. La
priorité a en fait été donnée dans ce
pays à la rénovation du réseau clas-
sique afin de le désengorger au béné-
fice du transport du fret Nord/Sud.
Cette hétérogénéité a deux consé-
quences. Il est tout d’abord difficile de
tirer
les
leçons
des
expériences
menées dans les pays voisins, à l’ex-
ception d’une seule : le TGV n’est vrai-
ment compétitif par rapport à la voi-
ture et à l’avion, en termes de parts de
marché du trafic total entre deux
villes, que pour des durées de trajet
comprises entre une heure trente et
trois heures, soit des distances de 350
à 600 ou 700 km. En deçà, la voiture
l’emporte, au-delà, c’est l’avion.
Les limites d’une réussite
10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Carte des lignes à grande vitesse en Europe
Source : L’Europe de la Grande Vitesse, RFF, 2014
Il est ensuite difficile de parler de
« réseau TGV européen » tant sont
diverses les pratiques des différents
pays du continent en la matière. Dès
lors, l’argument d’un réseau européen
est rarement pertinent pour justifier
la réalisation d’une ligne nationale. Si
le TGV Paris-Londres est pertinent,
Paris-Barcelone ne l’est pas, compte
tenu de la distance, et Lyon-Turin non
plus, au regard de son coût.
En France, le TGV a stabilisé le déclin
du trafic voyageur de la SNCF. Il reste
minoritaire dans les déplacements et
n’est pas utilisé à titre principal par
ceux qui font du gain de temps une
priorité. Il se heurte par ailleurs à de
nouvelles formes de concurrence
Dans sa zone de pertinence, le TGV
entraîne à la fois une augmentation
du trafic total et un report modal de
l’avion et de l’automobile au profit du
TGV. Ces reports cumulés atteignent
ainsi 67 % des gains de trafic totaux
pour le TGV Méditerranée et 55 %
Les limites d’une réussite
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
pour les TGV Atlantique et Est - pre-
mière phase.
Le trafic en 2013 était de 53,8 Md de
voyageurs-km
1
. Il stagne depuis cinq
ans. Ce niveau a été atteint au détri-
ment des modes de dessertes clas-
siques longue distance par les trains
Intercités, dont la fréquentation a été
divisée par cinq en trente ans et qui
ont vu la suppression de nombreuses
destinations. Le trafic des trains de
proximité (TER) a en revanche aug-
menté parallèlement à celui des TGV,
posant ainsi la question de la réparti-
tion de dépenses entre réseau grande
vitesse et réseau classique.
Source : Cour des comptes (d’après le SOeS et les bulletins mensuels des transports)
Note : Les km de LGV correspondent à l’échelle de droite (carrés pleins pour les lignes opéra-
tionnelles, grisé pour celles en construction)
Km de LGV en service et fréquentation des TGV et autres trains longues distances (en
voyageur-km) (1980-2020)
Contrairement à une idée reçue, le
TGV n’est pas majoritairement utilisé
par ceux dont le gain de temps est la
priorité, c’est-à-dire les voyageurs à
titre professionnel : les motifs profes-
sionnels comptent seulement pour un
tiers dans les motifs de déplacement.
1
Voyageur-kilomètre : unité de mesure qui équivaut au transport d'un voyageur sur une
distance d'un kilomètre
Les limites d’une réussite
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Utilisation des TGV suivant les motifs : privés à 63,8 % et professionnels à 36,2 %
(en milliers de déplacement)
Source : Cour des comptes après traitement des données de l‘enquête nationale transports et
déplacements
De plus, les usagers du TGV figurent
parmi les déciles les plus élevés de
revenus (contrairement aux trans-
ports régionaux ou à l’automobile par
exemple). Ce double constat sur les
revenus et les motivations des usa-
gers du TGV conduit à s’interroger sur
la pertinence d’un modèle fondé en
partie sur la desserte par des TGV
d’extrémités de ligne par voie clas-
sique. Le confort d’un trajet sans rup-
ture de charge doit être mis en
balance avec des taux d’occupations
plus faibles et la mobilisation d’un
parc important de rames coûteuses
dès lors qu’elles ne sont pas utilisées à
plein et à pleine vitesse sur l’ensemble
de leur parcours.
Enfin, s’il est avéré que le TGV, dans sa
phase initiale de développement, a
conquis une part du marché (souvent
supérieure à 60 %) sur l’avion et l’au-
tomobile
grâce
au
seul
facteur
« vitesse », la période récente a vu
apparaître un changement de com-
portement d’une partie des consom-
mateurs, pour qui le prix devient plus
important que la durée du trajet.
Compte tenu, entre autres, de la dis-
parition d’un grand nombre de liai-
sons ferroviaires longue distance clas-
siques (Intercités/TET), la clientèle
tend à s’éloigner du ferroviaire au pro-
fit des autres modes de transport,
autocar ou covoiturage, qui sont deve-
nus, au même titre que l’aviation à bas
prix (
low cost
) de redoutables concur-
rents. La SNCF est encore protégée
par les restrictions qui existent en
France sur le transport par autocar
sur de longues distances mais cette
situation de monopole de fait n’est
pas appelée à durer.
Les limites d’une réussite
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les arguments concernant l’impact
sur l’environnement, le développe-
ment de l’économie ou l’égalité des
territoires sont à nuancer
Le TGV bénéficie d’un
a priori
favora-
ble en ce qui concerne son impact sur
l’environnement, qui est à nuancer :
l’efficacité énergétique, par persone
transportée, dépend par définition du
taux d’occupation. Si ce taux est net-
tement supérieur pour le TGV à celui
des modes concurrents pour les lignes
les plus fréquentées, il chute nette-
ment, dès lors que les TGV roulent sur
des lignes classiques. Le même raison-
nement s’applique aux émissions de
CO
2
par passager : si le taux d’occupa-
tion du TGV est inférieur à 50 %, le
bilan CO
2
du TGV n’est pas meilleur
que celui de l’autocar. En outre, ces
émissions dépendent aussi de l’origine
de l’électricité utilisée. Par des achats
sur le marché, la SNCF en importe une
partie nettement plus « carbonée »
que la moyenne française, qui est
remarquablement basse en raison de
son origine nucléaire. Ceci peut, sui-
vant les méthodes de calcul retenues,
dégrader encore le bilan en CO
2
.
Par ailleurs, la phase de construction
des lignes à grande vitesse (LGV) est
elle aussi fortement productrice de
CO
2
: ainsi, un bilan carbone complet
de la LGV Rhin-Rhône (branche Est) a
fait apparaître que si l’on met en
balance l’ensemble des émissions
entraînées par la construction d’une
ligne avec les émissions économisées
grâce au report modal des transports
en faveur du TGV, ce n’est que 12 ans
après sa mise en service que la ligne
deviendrait neutre en carbone.
Au final, le coût de la tonne de CO
2
« évitée » grâce aux LGV, critère de
pertinence environnemental des pro-
jets, reste incomparablement plus
élevé que le cours du marché carbone
et même que la valeur tutélaire du
coût public de la tonne de CO
2
évitée
fixée à 32 € en 2010, et évaluée à
100 € en 2030.
En ce qui concerne le développement
économique, il existe un contraste
entre
l’opinion
générale
suivant
laquelle une LGV est toujours un fac-
teur positif de développement écono-
mique et les quelques études scienti-
fiques qui dressent un bilan plus neu-
tre. Selon ces dernières, une région
déjà dynamique le reste, avec ou sans
LGV. Une région en difficulté le reste
aussi et les exemples d’activités qui se
développent autour des infrastruc-
tures ferroviaires nouvelles corres-
pondent plus à des déplacements qu’à
des créations nettes.
Il en résulte qu’une LGV a un effet
ambivalent sur l’aménagement du ter-
ritoire. Contrairement à l’idée d’un
TGV pour tous qui mettrait les terri-
toires à égalité, le TGV a plutôt ten-
dance à accentuer la polarisation
autour des grandes métropoles, sin-
gulièrement des plus grandes d’entre
elles, Paris au premier chef, et à des-
servir les zones moins urbanisées.
Face à ce bilan en demi-teinte, il sem-
ble nécessaire de revoir le modèle
français, de deux points de vue au
moins :
Les limites d’une réussite
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
- technologique tout d’abord : alors
que la France a réellement été une
pionnière en matière de grande
vitesse ferroviaire, elle n’a pas réussi à
imposer son modèle au plan interna-
tional, à deux exceptions près. De sur-
croît, les paramètres des nouveaux
appels d’offres internationaux requiè-
rent des vitesses commerciales supé-
rieures à 350 km/h, que l’offre fran-
çaise n’est pas en mesure de satisfaire.
Pour pallier ce retard, un « TGV du
futur » figure parmi les 34 projets du
plan
de
la
« Nouvelle
France
Industrielle » annoncé en juillet 2013.
- politique ensuite, qui consiste à
mieux articuler la grande vitesse et les
autres modes de transport ferroviaire.
À cette fin, plutôt que de considérer le
TGV comme le seul marqueur de la
modernité et s’enfermer dans la
contradiction « TGV partout, arrêts
partout », il est urgent de définir une
offre, entre TER et TGV, qui, sur un
réseau classique mais rénové, propose
des dessertes à vitesse rapide mais
inférieure à 220 km/h. De même, l’arti-
culation entre le ferroviaire et les liai-
sons routières modernisées (covoitu-
rage, autopartage par exemple) doit
être considérée comme une priorité
de la politique du transport de voya-
geurs.
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
2
Un processus de décision qui
conduit inéluctablement à la
réalisation de lignes nouvelles
L’investissement dans les LGV est
soumis à une évaluation socio-éco-
nomique dont les résultats, même
négatifs, s’effacent fréquemment
devant des processus de décision
conduisant à des réalisations dont la
pertinence est parfois contestable.
Cette tendance est renforcée par un
recours croissant aux financements
des collectivités territoriales. Ces
interventions appellent des contre-
parties pouvant aller à l’encontre de
la rationalité de l’investissement
dans la grande vitesse, comme l’illus-
trent les projets les plus récents.
L’analyse socio-économique des pro-
jets est perfectible mais reste indis-
pensable
Parmi les projets de nouvelles LGV ou
toute autre infrastructure de trans-
port, il convient de distinguer les plus
profitables pour la société et ceux qui
le sont beaucoup moins. L’analyse
socio-économique est la méthode la
plus employée au niveau international
pour l’évaluation de ces investisse-
ments. En ramenant à un critère
unique de nature monétaire des don-
nées disparates (valeur du temps,
valeur d’une tonne de carbone, etc.),
elle permet de calculer les gains pour
la société résultant d’un investisse-
ment public en soustrayant les coûts
induits et en tenant compte aussi de la
durée de vie de l’infrastructure au
moyen du taux d’actualisation. Le
résultat de cette somme pondérée, la
valeur actualisée nette (VAN), comme
le rapport entre la VAN et les crédits
publics (soit la VAN par euro investi),
sont des paramètres importants de
comparaison entre projets. Le taux de
rendement interne ou TRI, qui corres-
pond au taux d’actualisation qui
annule la VAN, est lui discriminant :
tout projet dont le TRI est inférieur à
une certaine valeur, 4 %, est en prin-
cipe éliminé.
L’analyse multicritères, qui constitue
l’autre méthode d’évaluation, est
moins technique, et répond mieux à la
question de solutions alternatives
(une voie ferrée plutôt qu’une route)
mais présente l’inconvénient de lais-
ser une large place à la subjectivité
dans la pondération des critères.
En France, la loi d’orientation des
transports (LOTI) de 1982 prescrit de
joindre un bilan socio-économique et
environnemental au dossier d’en-
quête publique des plus importantes
opérations d’investissement dans le
domaine des transports. L’ensemble
des investissements publics civils sont
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
16
soumis à une analyse de ce type en
vertu de la loi du 31 décembre 2012
de programmation pluriannuelle des
finances publiques. Pour les plus gros
projets, une contre-expertise indépen-
dante est désormais imposée.
Au terme de l’analyse socio-écono-
mique conduite actuellement, l’avan-
tage dominant des infrastructures fer-
roviaires réside dans le gain de temps
qu’elles permettent. Cette analyse
rencontre toutefois plusieurs limites.
Tout d’abord, les contre-expertises
indépendantes sont rendues difficiles
par la réticence de la SNCF à commu-
niquer les données du trafic par ligne,
en raison du secret des affaires. Ces
données sont pourtant indispensables
aux évaluations et aux contre-exper-
tises.
Par ailleurs, la survalorisation du
temps gagné a tendu à effacer l’évolu-
tion du comportement des consom-
mateurs en faveur des transports plus
lents mais moins chers. Elle a surtout
justifié la réalisation d’un nombre de
lignes toujours plus important au
détriment de l’entretien du réseau
classique, créant un déséquilibre dont
les conséquences sont aujourd’hui
sérieuses.
Malgré ces imperfections, la Cour
estime que l’analyse socio-écono-
mique doit conserver sa prééminence
– si les travers évoqués ci-dessus sont
corrigés –, dans la mesure où le critère
de rentabilité reste déterminant pour
justifier d’un emploi optimal des res-
sources publiques. Le débat demeure
néanmoins vigoureux entre les parti-
sans de cette approche et ceux qui
estiment que des motifs extra-écono-
miques (égal accès des territoires à la
grande vitesse, par exemple) doivent
être intégrés dans les paramètres des
choix. Ce débat est d’autant plus
actuel qu’une nouvelle instruction
ministérielle de juin 2014 institue une
approche multidimensionnelle des
évaluations pour les transports, sans
citer l’évaluation socio-économique
dans son cadre. Or, dans la pratique,
l’évaluation socio-économique s’effa-
çait déjà souvent devant des proces-
sus de décision moins rationnels. La
nouvelle instruction risque d’amplifier
cette tendance.
La prise de décision est en principe
fondée sur des étapes successives
mais dans les faits elle est irréversi-
ble dès le départ
La durée de réalisation des infrastruc-
tures de transport s’est considérable-
ment rallongée en raison de la multi-
plication, en amont du projet, d’étapes
dont la participation des citoyens au
débat public est devenue un élément
essentiel. Cette participation a sur-
tout pour but de faire adhérer les
citoyens à la réalisation du projet.
La protection de l’environnement a
aussi ajouté des étapes préalables à la
décision, de même que la protection
du patrimoine pendant la phase de
réalisation. Aujourd’hui, il faut comp-
ter de 14 à 18 ans entre les premières
esquisses et l’ouverture commerciale
d’une ligne.
Un processus de décision qui conduit
inéluctablement à la réalisation de lignes nouvelles
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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Un processus de décision qui conduit
inéluctablement à la réalisation de lignes nouvelles
En France, en principe, l’étape-clé du
processus de réalisation d’une infra-
structure de transport est la déclara-
tion d’utilité publique (DUP) qui
conditionne la réalisation du projet. Or
l’expérience montre que cette étape
est noyée dans le processus d’ensem-
ble où les effets d’annonce successifs
finissent par valoir décision.
Cette observation s’est vérifiée pour le
projet de ligne Tours-Bordeaux (Sud
Europe Atlantique), où les déclara-
tions successives du Premier ministre
et du ministre des transports en jan-
vier et février 1994, concernant l’asso-
ciation des régions Aquitaine, Centre
et Poitou-Charentes à la réalisation du
projet, ont valu décision. De même, la
déclaration du Premier ministre de
mars
2004
concernant
la
ligne
Poitiers-Limoges a valu décision alors
même qu’aucune étude préalable
n’avait été engagée.
Au-delà des effets d’annonce, la
multiplication des « petits pas » finit
par ancrer un projet dans la réalité.
Certes, « débats préalables » aux
études,
« études
techniques
préliminaires », « avant-projet som-
maire », sont prévus par des textes et
validés par des décisions ministé-
rielles. Mais ces étapes déclenchent
des dépenses dont l’addition finit par
justifier la réalisation du projet.
Comme les collectivités territoriales
intéressées participent à ces dépenses
et marquent ainsi leur implication
future dans la réalisation proprement
dite du projet, il devient progressive-
ment irréversible.
Ce point est d’autant plus important
qu’il
a
justifié
l’émergence
d’un
concept de « co-construction » pour
les lignes issues du « Grenelle de l’en-
vironnement », consistant à mener de
front études préalables et concerta-
tion, en réduisant d’autant l’impor-
tance des premières au profit de la
seconde. Cela s’est particulièrement
vérifié pour le projet Poitiers-Limoges.
Dans ces conditions, la déclaration
d’utilité publique (DUP) entérine les
conclusions du débat public autant
que les dépenses induites par les
phases préalables et cesse d’être le
déclencheur de la décision.
Enfin, le financement, en dépit de son
caractère essentiel, ne constitue pas
un élément central de la décision.
Dans le cas de Tours-Bordeaux,
la
procédure de DUP s’est déroulée en
2006 et le choix du concessionnaire en
2010, le montage financier ayant pris
environ quatre ans, pour un total de
8,8 Md€.
Pour
la
ligne
Poitiers-
Limoges, alors même que l’enquête
publique est achevée, le financement
n’est pas déterminé, ni même envi-
sagé.
L’évaluation de la rentabilité atten-
due des TGV est le plus souvent opti-
miste
En principe, Réseau ferré de France
(RFF), sur qui repose
in fine
la réalisa-
tion des lignes à grande vitesse, « ne
peut accepter un projet d’investisse-
ment que s’il fait l’objet d’un finance-
ment propre à éviter toute consé-
quence négative » sur ses comptes. En
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
18
Un processus de décision qui conduit
inéluctablement à la réalisation de lignes nouvelles
d’autres termes, RFF ne peut investir
au maximum que le montant net
actualisé de ses recettes sur la durée
de vie de la ligne, estimée à 50 ans. Or,
là aussi, l’expérience montre qu’en
jouant sur les paramètres qui définis-
sent les recettes nettes actualisées, on
peut orienter les conclusions dans un
sens optimiste.
Ainsi, les recettes attendues sont
étroitement liées aux prévisions de
trafic. Dans le cas de Tours-Bordeaux,
tronçon concédé pour son exploita-
tion, RFF ne touchera par définition
aucun péage. En conséquence, sa
contribution financière à ce projet
dépend du supplément de recettes
envisagé sur la partie non concédée,
lequel dépend à la fois du niveau de
trafic et du niveau de péage. Dans les
deux cas, les évaluations préalables
font apparaître un biais fortement
optimiste.
De même, le taux d’actualisation
retenu, selon qu’il est plus ou moins
élevé, sera un obstacle ou une incita-
tion à la réalisation des projets de
LGV. Ainsi, les participations de RFF à
différentes LGV ont été calculées avec
des taux d’actualisation variables
d’une ligne à l’autre : 7,5 % pour la
ligne Est en phase un, 4 % pour Rhin-
Rhône Est en phase un, 8 % pour
Tours-Bordeaux. Enfin, même en utili-
sant des hypothèses optimistes, cer-
tains projets ne parviennent pas à un
seuil minimum de rentabilité pour la
collectivité. A titre d’exemple, pour
Poitiers-Limoges, les résultats des
études n’ont jamais dépassé un taux
de rentabilité interne (TRI) de 3,3 %,
qui justifierait de ne pas poursuivre le
projet.
La construction de LGV non renta-
bles est facilitée par le recours crois-
sant aux financements des collectivi-
tés territoriales
En raison, à la fois des demandes de
l’État et de leur poids croissant sur les
politiques d’aménagement du terri-
toire, les collectivités territoriales par-
ticipent de plus en plus au finance-
ment des projets. Elles ne le font bien
entendu que si elles y trouvent des
contreparties. Ces conditions peuvent
détériorer la rentabilité des projets.
La LGV Est a constitué un premier
exemple puisque 16 collectivités ont
participé non seulement à son finan-
cement, mais également à l’aménage-
ment du réseau classique pour assu-
rer la desserte de 16 destinations hors
TGV. Ces cofinancements ont induit
des choix contestables : présence de
deux gares (TGV Lorraine, Meuse
TGV) sans interconnexion avec le
réseau de transport régional, création
de dessertes coûteuses à la pérennité
incertaine, multiplication des arrêts à
partir de Reims.
Le cas de Tours-Bordeaux est encore
plus emblématique car il implique
58 collectivités territoriales pour un
montant total de 1,3 Md€. Outre la
complexité d’un montage financier
comprenant autant de participants,
sans d’ailleurs que ceux-ci ne soient
vraiment coordonnés, les collectivités
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un processus de décision qui conduit
inéluctablement à la réalisation de lignes nouvelles
ont subordonné leur participation à
l’obtention d’avantages multiples et
d’un calendrier aussi resserré que pos-
sible.
L’exemple le plus connu est celui de la
participation des collectivités de Midi-
Pyrénées à la ligne Tours-Bordeaux,
subordonnée à la décision de réaliser
la ligne Bordeaux-Toulouse dont le
caractère prioriaire et la rentabilité
sont
sujettes
à
interrogations.
D’engagements de desserte en amé-
nagements d’autres parties du réseau
ferroviaire, on est passé d’un projet
Tours-Bordeaux
stricto
sensu
de
300 km et 5,6 Md€ (valeur en juin
2006)
à
un
projet
Sud
Europe
Atlantique (SEA) de plus de 850 km et
14 Md€ (valeur juin 2006).
Quant à la LGV Poitiers-Limoges, pour
lui assurer une rentabilité minimale,
même faible, il est nécessaire de
reporter sur la ligne SEA une partie du
trafic de la ligne classique Paris-
Orléans-Toulouse (POLT). Ce projet de
réduction de onze à quatre allers-
retours par jour seulement a fait vive-
ment réagir certains élus locaux, de
sorte que cette hypothèse a été finale-
ment abandonnée.
21
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
3
Un coût non soutenable
Trois raisons expliquent que le coût
du modèle français de grande vitesse
ferroviaire soit devenu désormais
non soutenable : les lignes existantes
sont de moins en moins rentables,
les nouveaux projets ne sont pas
financés faute de ressources et les
profits de la grande vitesse ne suffi-
sent plus à assurer un résultat positif
pour l’ensemble SNCF.
Des lignes de moins en moins
rentables
Les coûts de construction des LGV
n’ont pas cessé d’augmenter au cours
des
30
dernières
années.
De
4,8 M€
2003
/km pour Paris-Lyon, on est
passé à 26 M€/km aujourd’hui. Ces
coûts se partagent pour les lignes les
plus récentes entre 60/70 % pour le
génie civil, 20/30 % pour le ferroviaire,
10 % pour le foncier.
La dérive entre estimations et réalisa-
tions a été en moyenne de 17 % entre
la DUP et la mise en service pour les
cinq LGV ayant fait l’objet d’un bilan
a
posteriori
. De même, les coûts d’ex-
ploitation tendent à être plus élevés
que prévu, le double par rapport aux
prévisions pour les LGV Nord ou bien
Rhône-Alpes Méditerranée.
Les prévisions de trafic sont rarement
réalisées. En régime de croisière, sur
six LGV ayant donné lieu à un bilan de
ce type, une seule, Paris-Lyon, a un tra-
fic supérieur aux prévisions, cinq un
trafic inférieur dont l’une, la LGV
Nord, un trafic inférieur de moitié. En
moyenne, les prévisions sont trop
optimistes de 24 %.
Dès lors, la rentabilité est toujours
inférieure aux prévisions et a eu ten-
dance à se dégrader à mesure que les
lignes les plus profitables étaient réa-
lisées.
Un coût non soutenable
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
22
Rentabilité
1
des LGV présentées par date de construction
Source : Cour des comptes, à partir des données du CGEDD
__________________________
2
Les rentabilités économique et socio-économique se définissent, la première comme la ren-
tabilité financière de l’ensemble RFF+SNCF calculée en euros constants et hors frais financiers,
la seconde en y ajoutant les surplus des autres acteurs (voyageurs, opérateurs d’infrastructures
concurrentes, collectivités publiques, impact sur l’environnement) comme exposé dans le
Chapitre II.
3
Député du Calvados, président de l’AFITF.
Les nouveaux projets sont dans une
impasse financière
Les projets inclus dans le projet de
schéma national des infrastructures
de transport en 2011 représentaient
une dépense de 107 Md€ dans le
domaine ferroviaire dont 60 Md€ pour
les 2 500 km de LGV à construire.
En regard de ces dépenses, les sources
de financement à la disposition de
l’agence de financement des infra-
structures de transport (AFITF) sont
inférieures à 2 Md€, tous projets et
tous secteurs confondus (c’est-à-dire
y compris routes et infrastructures
maritimes et fluviales).
Face à cette impasse, le gouverne-
ment a chargé une commission dite
« Mobilité
21 »,
présidée
par
M. Philippe Duron
2
, de répartir les dif-
férents projets en fonction de leur
degré de priorité.
L’emballement pour
la grande vitesse s’oppose en effet
aux coûts croissants de réalisation des
LGV joints à leur rentabilité décrois-
sante, les lignes les plus pertinentes
ayant été construites en premier. À la
suite des travaux de cette commis-
sion, les pouvoirs publics ont choisi un
Un coût non soutenable
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
23
scénario
encore
ambitieux
dans
lequel les dépenses ferroviaires s’élè-
veraient à 23 Md€ d’ici 2030. Il résulte
de ce choix que, hormis les chantiers
en cours de réalisation, les autres pro-
jets ne sont pas financés en l’état
actuel des ressources existantes ou
prévisibles de l’AFITF.
Les ressources disponibles sont en
voie d’épuisement
Du côté de l’État, les capacités budgé-
taires en matière d’investissement
n’excèdent pas 700 M€ en 2013. Ces
crédits sont portés par l’AFITF, dont la
Cour a eu l’occasion, par le passé, de
critiquer l’utilité. Ses ressources pro-
viennent de diverses taxes affectées,
d’une partie des amendes des radars
et d’une subvention d’équilibre de
l’État. Il était prévu que cette subven-
tion disparaisse peu à peu à mesure
de la montée en puissance de l’éco-
taxe dont le produit en année pleine
devait avoisiner 870 M€. Or, la subven-
tion de l’État a commencé à diminuer
à partir de 2013, alors même que la
perception de l’écotaxe était reportée,
désormais
sine die
.
Dans ces conditions, non seulement
l’AFITF a du mal à honorer ses enga-
gements budgétaires actuels mais,
faute d’une ressource nouvelle et
pérenne, elle n’a plus de marge de
manœuvre pour des dépenses nou-
velles jusqu’à l’horizon 2030. À cet
égard,
l’affectation
en
2015
de
recettes issues de l’augmentation de
la
TICPE
sur
le
gazole
(2 centimes/litre) ne sera probable-
ment pas suffisante pour combler le
manque à gagner lié à l’abandon de
l’écotaxe. Le risque existe désormais
que les projets nouveaux soient lan-
cés tout en étant sous-financés et que
l’État fasse le pari à la fois d’un étale-
ment dans le temps de la réalisation
des projets et d’une participation
accrue des collectivités territoriales
pour combler ce sous financement.
Cette hypothèse est d’autant plus fra-
gile que les collectivités territoriales
sont dans une situation financière
plus tendue. De surcroît, comme l’a
reconnu la commission « Mobilité
21 », certains projets très lourds,
comme le canal Seine-Nord Europe
ou la liaison ferroviaire Lyon-Turin,
qu’elle n’a pas pris en compte, suffi-
raient à eux seuls à assécher la totalité
des ressources de l’AFITF d’ici 2030
s’ils étaient lancés.
Enfin, l’activité TGV de la SNCF s’avère
de moins en moins rentable. Alors que
le chiffre d’affaire stagne depuis 2012,
la marge opérationnelle décroît sous
l’effet croisé d’un plafonnement des
recettes
et
d’une
hausse
des
dépenses. Du côté des recettes, on
constate que la SNCF est réticente,
pour des raisons commerciales, à aug-
menter le prix des billets, sachant que
le TGV est un produit déjà perçu
comme cher par l’usager. Du côté des
dépenses, la hausse des péages est
certes un facteur important, mais il
est loin d’être le seul : la hausse des
Un coût non soutenable
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
24
coûts salariaux en est un autre, de
même qu’une politique d’achat de
rames grande vitesse à l’incitation de
l’État en vue de soutenir le plan de
charge industriel de la division trans-
port du constructeur national.
Chiffre d’affaires, marge opérationnelle et taux de marge (% du CA) de TGV / France
Source : Cour des comptes, d’après les données du SOeS et de la SNCF
Or la SNCF a dans le même temps le
souci de maintenir dans l’activité TGV
une marge élevée qui lui est indispen-
sable face aux difficultés de certaines
de ses autres activités ferroviaires
(fret, TET). À cette fin, la SNCF résiste
de plus en plus aux hausses de péages
envisagées pour permettre à RFF de
financer la construction de lignes fer-
roviaires nouvelles.
Cette résistance n’en constitue pas
moins un jeu à somme nulle puisque,
si RFF ne dispose pas des recettes de
péage qui lui sont nécessaires pour
rénover le réseau classique, l’établis-
sement n’a d’autre choix que d’arrêter
cette rénovation ou de la poursuivre
en s’endettant. Comme par ailleurs la
dette de RFF tend aussi à augmenter
du fait qu’il finance des LGV de moins
en moins rentables, il n’est pas surpre-
nant que sa dette, qui atteint déjà
34 Md€, continue d’augmenter de
1,5 Md€/an.
RECOMMANDATIONS
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
25
mieux
intégrer
la
grande
vitesse aux choix de mobilité des
Français en insérant le TGV dans une
offre tirant parti de l’ensemble des
moyens de transport - ferroviaire
longue distance alternatif à la grande
vitesse (trains à 200 km/h, pendu-
laires), ferroviaire de proximité, trans-
ports collectifs (sur route et en
aérien) et coopératifs (covoiturage,
partage, location) - et en levant les
restrictions à la concurrence des
modes de transport longues dis-
tances routiers ;
parallèlement, restreindre pro-
gressivement le nombre d’arrêts sur
les tronçons de LGV et de dessertes
des TGV sur voies classiques et extré-
mités de lignes, en ne conservant que
celles justifiées par un large bassin
de population ;
assurer la transparence et l’ac-
cès aux données de la SNCF, en parti-
culier la fréquentation par ligne ;
faire
prévaloir
l’évaluation
socio-économique des projets de
LGV annoncés pour avant 2030 et
leur contre-expertise par le CGI, y
compris ceux ayant fait l’objet d’une
enquête d’utilité publique avant le
23 décembre 2013 ;
ne décider du lancement des
études préliminaires qu’après :
- la définition d’un plan d’affaires
pour la ligne, associant le gestion-
naire d’infrastructure et le ou les
opérateurs ferroviaires ;
- la prise en compte par une déci-
sion interministérielle formelle des
perspectives de financement du pro-
jet d’infrastructure et la répartition
entre les acteurs (État, RFF, éventuel-
lement collectivités territoriales) ;
veiller au paiement par l’AFITF
de ses engagements financiers vis-à-
vis de RFF et clarifier rapidement la
question des ressources de cette
agence ;
concentrer
en
priorité
les
moyens financiers sur l’entretien du
réseau par rapport aux projets de
développement et améliorer le pilo-
tage de la prestation d’entretien du
réseau ferroviaire par le gestionnaire
d’infrastructure ;
veiller à ce que la définition des
futurs ratios d’endettement du ges-
tionnaire d’infrastructure présente
une stabilité dans le temps et
conduise effectivement à ne pas
financer des projets non rentables.