COUR DES COMPTES
--------
QUATRIEME CHAMBRE
--------
PREMIERE SECTION
--------
Arrêt n° 70149
COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION
DU SICOVAL (HAUTE-GARONNE)
Appel
d’un
jugement
de
la
chambre
régionale des comptes de Midi-Pyrénées
Rapport n° 2014-337-0
Audience publique du 15 mai 2014
Lecture publique du 27 juin 2014
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇE
LA COUR DES COMPTES a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2013 au greffe de la chambre
régionale des comptes de Midi-Pyrénées, par laquelle M. X, comptable de la
communauté d’agglomération du SICOVAL depuis le 6 janvier 2009, a élevé appel du
jugement n° 2013-0012 du 3 octobre 2013 par lequel ladite chambre l’a constitué
débiteur des deniers de la communauté précitée pour la somme de 13 045,82 €,
augmentée des intérêts de droit calculés à compter du 26 décembre 2012 ;
Vu le réquisitoire du Procureur général n° 2014-12 du 5 février 2014
transmettant la requête précitée ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article
L. 1617-5 ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
Vu la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur
l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
2
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement
général sur la comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 relatif à la constatation et à
l'apurement des débets des comptables publics et assimilés, notamment son article 21 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le rapport de M. Yves Rolland, conseiller maître ;
Vu les conclusions du Procureur général n° 275 du 6 mai 2014 ;
Entendu, lors de l’audience publique de ce jour, M. Rolland, en son rapport,
M. Yves Perrin, avocat général, en les conclusions du ministère public, M. X, informé
de l’audience, étant présent et ayant eu la parole en dernier ;
Entendu, en délibéré, M. Philippe Geoffroy, conseiller maître, en ses
observations ;
Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes de
Midi-Pyrénées a constitué M. X débiteur de la communauté d’agglomération du
SICOVAL de la somme de 13 045,82 € à raison de dix titres de recettes émis sur des
budgets annexes de la communauté, pris en charge en 2004 et 2005 et atteints par la
prescription de recouvrement sous sa gestion commencée le 6 janvier 2009 ;
Attendu que M. X fait valoir que la preuve de la réception par les débiteurs
des commandements de payer ou des lettres de rappel diligentés par l’un de ses
prédécesseurs en 2005 n’est pas apportée ; que dès lors, les créances litigieuses auraient
été prescrites soit antérieurement à sa gestion, soit dans les tout premiers mois suivant
sa prise de fonction, alors que le délai qui lui était ouvert pour émettre des réserves
n’était pas expiré ; qu’ainsi, dans les deux cas, il n’y aurait pas lieu à charge ;
Sur les huit créances prises en charge en 2004
Considérant qu’en application de l’article L. 1617-5 du code général des
collectivités territoriales susvisé, le délai ouvert au comptable pour recouvrer les
créances des collectivités locales et de leurs établissements publics est de quatre ans
après la prise en charge du titre ; que si le délai prévu par l’article 1
er
de la loi susvisée
du 31 décembre 1968, évoqué dans les conclusions susvisées du Procureur général,
détermine la période pendant laquelle il revient à l’ordonnateur d’émettre un titre en vue
de recouvrer une créance détenue sur une autre collectivité publique, le délai ouvert au
comptable pour le recouvrement de ce type de créances, une fois le titre émis et pris en
charge, est également celui prévu à l’article L. 1617-5 précité ;
Considérant que le dossier ne comporte aucune pièce attestant que les
diligences de recouvrement dont le jugement entrepris indique qu’elles seraient
intervenues en 2005, à savoir une lettre de rappel pour le débiteur public et des
3
commandements de payer pour les débiteurs privés, aient été reçues par lesdits
débiteurs ; que de la sorte, il n’est pas établi que la prescription des titres ait été
interrompue ; qu’ainsi c’est à bon droit que M. X soutient que la preuve n’est pas
apportée que ces huit créances auraient été atteintes par la prescription sous sa gestion ;
qu’en conséquence, il y a lieu d’accueillir le moyen et d’infirmer le jugement en tant
qu’il inclut ces huit titres, d’un montant total de 11 612,62 €, dans le débet prononcé ;
Sur les deux créances prises en charge en 2005
Considérant que les deux créances concernées, d’un montant total de
1 433,20 €, ont été prises en charge le 19 avril 2005 par l’un des prédécesseurs de
M. X ; qu’aucune diligence intervenant dans un délai de quatre ans n’est évoquée,
a
fortiori
attestée ; que ces deux créances ont ainsi été atteintes par la prescription de
recouvrement le 19 avril 2009, soit sous la gestion de M. X, commencée le 6 janvier
2009 ;
Attendu qu’aux termes de l'article 60 modifié de la loi de finances du 23
février 1963 susvisée, la responsabilité d'un comptable est engagée «
dès lors qu'une
recette n'a pas été recouvrée
» et cette responsabilité «
ne peut être mise en jeu à raison
de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans
réserve lors de la remise de service ou qui n'auraient pas été contestées par le
comptable entrant, dans un délai fixé par l'un des décrets prévus au paragraphe XII
ci-après
» ; qu’aux termes de l’article 11 du décret du 29 décembre 1962 susvisé, «
les
comptables publics sont seuls chargés de la prise en charge et du recouvrement des
ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs
» ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées, s’agissant d’opérations
qu’il a prises en charge sans exprimer de réserves à l’encontre de son prédécesseur, que
le comptable est tenu de préserver les créances concernées et de poursuivre leur
recouvrement en opérant des
diligences adéquates, complètes et rapides ; qu’il y a ainsi
lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable à raison d’une créance non
recouvrée et définitivement compromise durant sa gestion faute de diligences, quand
bien même le titre litigieux ait été atteint par la prescription dans les premiers mois de la
gestion, antérieurement au délai ouvert pour émettre des réserves ;
Considérant que, comme il est dit au rapport d’appel susvisé, le juge des
comptes s’estime fondé à ne pas prononcer un débet à raison d’une créance ancienne
atteinte par la prescription, si l’extinction de la créance litigieuse survient pendant la
gestion d’un comptable dont les fonctions ont eu une durée inférieure au temps imparti
pour émettre valablement des réserves ; que toutefois, si la prescription des deux titres,
intervenue le 19 avril 2009, est antérieure au délai de six mois fixé par l’article 21 du
décret du 5 mars 2008 pour permettre au comptable d’émettre des réserves, la durée de
la gestion du requérant a excédé six mois ; qu’ainsi la dérogation jurisprudentielle
précitée ne trouve pas à s’appliquer au bénéfice de M. X qui n’invoque aucune réserve
formulée à l’encontre de ces deux titres ; qu’en conséquence il y a lieu d’écarter le
moyen tenant au fait que lesdites créances ont été atteintes par la prescription
antérieurement au délai de six mois précité ;
4
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1 – Le jugement n° 2013-0012 du 3 octobre 2013 de la chambre
régionale des comptes de Midi-Pyrénées est infirmé en ce qu’il a inclus dans le débet
prononcé à l’encontre de M. X les titres qui avaient été pris en charge lors de l’exercice
2004, pour un montant de 11 612,62 €.
Article 2 – Le débet prononcé à l’encontre de M. X est ramené à 1 433,20 €.
Article 3 – La requête est rejetée pour le surplus.
------------
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section.
Présents : M. Vachia, président, MM. Lafaure, Bertucci, Maistre, M
me
Gadriot-Renard
et M. Geoffroy, conseillers maîtres.
Signé : Jean-Philippe Vachia, président, et Annie Le Baron, greffier.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Cour des
comptes.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers
de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et
aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main,
à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en
seront légalement requis.
Délivré par moi, secrétaire général.
Pour le secrétaire général
et par délégation, la greffière principale,
Chef du greffe de la Cour des comptes
Florence BIOT