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Cour de discipline budgétaire et financière
Seconde section
Arrêt du 18 juillet 2014,
« Comité interprofessionnel du logement Aliance 1% Logement »
N° 194-685
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REPUBLIQUE FRANCAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE
Siégeant à la Cour des comptes en audience publique a rendu l’arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre I
er
du livre III, relatif à la
Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le code de la construction et de l’habitation ;
Vu l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines
personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
Vu le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux
marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article 3 de l’ordonnance
n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou
privées non soumises au code des marchés publics ;
Vu le déféré du 28 juillet 2009, enregistré au parquet général le 31 juillet 2009 par
lequel le président de la cinquième chambre de la Cour des comptes a saisi la Cour de
discipline budgétaire et financière de diverses irrégularités relevées dans la gestion de
plusieurs organismes agréés par le ministre chargé du logement aux fins de collecter la
participation des employeurs à l’effort de construction (1% logement) ;
Vu le réquisitoire du 26 mars 2012 par lequel le procureur général a saisi de cette
affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline
budgétaire et financière ;
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Vu la décision du 29 août 2012 par laquelle le président de la Cour de discipline
budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Eric Thévenon, conseiller
référendaire à la Cour des comptes ;
Vu les lettres du 25 février 2013 par lesquelles le procureur général a mis en cause
Mme X... et Mme Y..., respectivement présidente du conseil d’administration et directrice
générale du comité interprofessionnel du logement (CIL) Aliance 1% Logement, ensemble les
avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du 30 août 2013 du président de la Cour de discipline budgétaire et
financière transmettant au procureur général le dossier de l’affaire, après dépôt du rapport de
M. Thévenon, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du procureur général en date du 18 septembre 2013 informant le président
de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du
dossier de l’affaire, de poursuivre la procédure en application de l’article L. 314-4 du code des
juridictions financières ;
Vu les lettres du 19 septembre 2013, par lesquelles le président de la Cour de
discipline budgétaire et financière a transmis, pour avis, en application de l’article L. 314-5 du
code des juridictions financières, le dossier de l’affaire au ministre de l’économie, des
finances et de l’industrie et à la ministre de l’égalité des territoires et du logement, ensemble
les avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du 23 octobre 2013 par laquelle le président de la Cour de discipline
budgétaire et financière a transmis au procureur général le dossier de l’affaire, conformément
à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu l’avis du 30 octobre 2013 de la ministre de l’égalité des territoires et du logement ;
Vu la décision du procureur général du 20 mars 2014 renvoyant Mmes X... et Y...
devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l’article L. 314-6 du
code des juridictions financières ;
Vu les lettres recommandées de la greffière de la Cour de discipline budgétaire et
financière adressées le 26 mars 2014 à Mmes X... et Y..., les avisant qu’elles pouvaient
prendre connaissance du dossier de l’affaire et leur adressant la décision de renvoi et la
décision d’inscription au rôle, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu les mémoires en défense produits par Me Patrick Baudoin pour Mme X..., le
3 juin 2014, et par Me Thomas Bidnic pour Mme Y..., le 4 juin 2014 ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d’audition et le rapport
d’instruction de M. Thévenon ;
Entendu le rapporteur, M. Thévenon, résumant son rapport écrit, en application des
articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en
application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12
du code des juridictions financières ;
Entendu en leurs plaidoiries, Maîtres Baudoin et Bidnic, respectivement pour
Mme
X... et pour Mme Y..., Mesdames X... et Y... ayant été invitées à présenter leurs
explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;
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Sur la compétence de la Cour
Considérant que le CIL Aliance 1% Logement est une association à caractère
interprofessionnel agréée par l’État pour collecter la participation des employeurs à l’effort de
construction, conformément aux dispositions des articles L. 313-1 et R. 313-22 du code de la
construction et de l’habitation ;
Considérant que le CIL Aliance 1% Logement est un organisme habilité à percevoir
des cotisations obligatoires soumis au contrôle de la Cour des comptes, conformément aux
dispositions de l’article L. 111-7 du code des juridictions financières ;
Considérant que les représentants, administrateurs ou agents des organismes soumis au
contrôle de la Cour des comptes sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et
financière, conformément aux dispositions du I-c) de l’article L. 312-1 du code des
juridictions financières ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mmes X... et Y... sont justiciables de la
Cour de discipline budgétaire et financière ;
Sur l’absence d’avis du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
Considérant que l’absence de réponse du ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie à la demande d’avis formulée le 19 septembre 2013 ne fait pas obstacle à la
poursuite de la procédure en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions
financières ;
Sur la prescription
Considérant que, conformément aux dispositions de l’article L. 314-2 du code des
juridictions financières, la Cour de discipline budgétaire et financière ne peut être saisie après
l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait
de nature à donner lieu à l’application des sanctions prévues par le titre premier du code des
juridictions financières ;
Considérant que le déféré du président de la cinquième chambre a été enregistré au
parquet de la Cour de discipline budgétaire et financière le 31 juillet 2009, qu’en conséquence
les irrégularités commises postérieurement au 31 juillet 2004 ne sont pas couvertes par la
prescription de cinq années susmentionnée ;
Sur l’octroi d’un prêt du CIL Aliance 1% Logement à Mme Y...
Considérant que la décision de renvoi du procureur général près la Cour des comptes,
ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 20 mars 2014
comportait des poursuites relatives à l’octroi par le CIL Aliance de prêts au bénéfice de
Mme Y... ; qu’au cours de l’audience, le procureur général a abandonné ces poursuites dont la
Cour de discipline budgétaire et financière n’est, de ce fait, plus saisie ;
Sur le paiement de prestations au cabinet Z...
Considérant que, de 2001 à 2006, Mmes X... ou Y... selon les cas, ont confié au
cabinet Z..., société d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, une vingtaine de
missions pour un montant évalué à 3 258 619 € TTC ; que ces missions portaient notamment
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sur l’assistance personnelle à la présidente de l’association, sur l’assistance au contrôle fiscal
du CIL Aliance, sur la conception d’un nouveau système d’information et de gestion au sein
du CIL, sur la mise en place de nouvelles règles comptables et sur l’arrêté des comptes des
filiales du CIL ;
Considérant que la décision de renvoi ne vise que des commandes passées et des
factures réglées au cabinet Z... à partir du 1
er
septembre 2005, date d’entrée en vigueur de
l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou
privées non soumises au code des marchés publics, pour un montant total de 184 782 € TTC,
correspondant d’une part à une mission de mise en oeuvre des nouvelles dispositions
comptables pour un montant de 141 128 € TTC et d’autre part, à une mission d’arrêté des
comptes pour 43 654 € TTC ;
Considérant que le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles
applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l’article 3 de
l’ordonnance du 6 juin 2005 précise en son article 7 les seuils et les procédures formalisées
applicables aux marchés et aux accords-cadres ; que pendant la période comprise entre le
31 décembre 2005 et le 1
er
janvier 2008, le seuil au-dessus duquel un marché ou un accord-
cadre devait donner lieu à une procédure formalisée était de 210 000 € HT, soit de
251 160 € TTC (au taux normal de 19,6 %) pour les marchés de fournitures et de services ;
Considérant que l’article 10 du même décret dispose qu’en dessous des seuils fixés à
l’article 7, les marchés sont passés selon des modalités librement définies par le pouvoir
adjudicateur ; qu’il en va de même pour les marchés de services qui relèvent de l’article 9 du
décret ;
Considérant que la décision de renvoi du ministère public se borne à relever qu’aucune
des commandes de prestations au cabinet Z... d’octobre 2005 à mars 2006 par la présidence
du CIL Aliance n’ayant été précédée d’une procédure de publicité ou de mise concurrence, les
obligations résultant des dispositions mentionnées ci-dessus de l’ordonnance du 6 juin 2005
ont été méconnues ;
Considérant, par ailleurs, que le montant des sommes en cause (184 782 € TTC) est
relativement faible par rapport aux montants payés au cabinet Z... pendant la période
comprise entre 2001 et 2006 (3 258 619 €) ; que les prestations en cause s’inscrivaient dans la
continuité de missions engagées avant le 1
er
septembre 2005 ;
Considérant, en outre, que la période au cours de laquelle les prestations en cause ont
été commandées et payées (du 1
er
septembre 2005 au 5 juillet 2006) se situe au début de la
période d’application de l’ordonnance du 6 juin 2005 (1
er
septembre 2005) et du décret
n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 (31 décembre 2005)
et que ce n’est que le 29 mai 2009
que l’Agence nationale pour la participation des employeurs à l’effort de construction
(ANPEEC), organisme de contrôle auquel est soumis le CIL Aliance, a fait connaître son
analyse sur l’ordonnance du 6 juin 2005 et le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 par
une lettre circulaire de son directeur général aux présidents des CIL ;
Considérant qu’eu égard aux circonstances particulières de l’affaire, il n’y a pas lieu
de mettre en cause la responsabilité de Mme X... ni celle de Mme Y... ;
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ARRETE :
Article 1
er
: Mme X... et Mme Y... sont relaxées des fins de la poursuite.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, seconde section,
le 27 juin deux mille quatorze par M. Toutée, président de la section des finances du Conseil
d’État, président ; M. Ménémémis, conseiller d’État ; M. Duchadeuil, conseiller maître à la
Cour des comptes ; M. Prieur, conseiller d'État ; M. Geoffroy, conseiller maître à la Cour des
comptes.
Lu en séance publique le 18 juillet deux mille quatorze.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce
requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et
officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Le président,
La greffière,
Henri TOUTÉE
Isabelle REYT