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COMMUNICATION À LA COMMISSION DES FINANCES, DE
L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGETAIRE DE
L’ASSEMBLEE NATIONALE
ARTICLE 58-2 DE LA LOI ORGANIQUE DU 1
ER
AOÛT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES
Le recours par Pôle
emploi aux opérateurs
privés pour
l’accompagnement et
le placement des
demandeurs d’emploi
Mai 2014
Sommaire
AVERTISSEMENT
............................................................................
5
RÉSUMÉ
.............................................................................................
7
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
......................
13
INTRODUCTION
............................................................................
15
CHAPITRE I - UN DISPOSITIF EN REPLI ET
INSUFFISAMMENT PILOTÉ
.......................................................
25
I - Une diminution du recours aux opérateurs privés à partir de 2011,
malgré la crise
.........................................................................................
25
A -
Une mobilisation des moyens atteignant son plus haut niveau en
2010
......................................................................................................
26
B -
Une décroissance des prestations des opérateurs privés dès 2011 .. 30
II - Des conditions de mise en oeuvre insatisfaisantes
..........................
35
A -
Une volonté de sécurisation juridique des processus à partir de 2008
..............................................................................................................
36
B -
Un processus de sélection et un contrôle qualité insuffisamment
performants
...........................................................................................
41
C -
Un déséquilibre économique des marchés compromettant la
poursuite de certaines prestations
.........................................................
50
CHAPITRE II - DES ÉVALUATIONS PERFECTIBLES, DES
RÉSULTATS DÉCEVANTS
...........................................................
71
I - En France, des évaluations à l’impact limité jusqu’en 2014
..........
72
A -
L’évaluation de l’efficacité
.............................................................
73
B -
L’évaluation de l’efficience
............................................................
81
C -
Les enseignements des évaluations
................................................
86
II - À l’étranger, des ajustements plus fréquents des dispositifs
........
88
A -
Des économies, mais des résultats insuffisants au Royaume-Uni .. 91
B -
Aux Pays-Bas, un réajustement de la rémunération des opérateurs
privés pour maîtriser l’évolution des coûts
...........................................
94
C -
Une nouvelle définition des publics orientés vers les opérateurs
privés en Allemagne
.............................................................................
96
4
COUR DES COMPTES
CHAPITRE III - VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX
OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE STRATÉGIE
D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
............................................
101
I - Une réflexion stratégique en cours d’élaboration
.........................
102
A -
Une lacune des documents stratégiques
.......................................
102
B -
Une recherche de cohérence avec le déploiement de la nouvelle
offre de services interne
......................................................................
105
C -
Les orientations validées par le conseil d’administration en février
2014
....................................................................................................
109
II - Un enjeu important de conduite du changement
.........................
114
A -
Les effets de l’image négative de la sous-traitance dans le réseau des
agences
...............................................................................................
114
B -
L’orientation des demandeurs d’emploi à l’étranger
....................
120
C -
L’adhésion des demandeurs d’emploi
..........................................
122
LISTE DES SIGLES
......................................................................
129
ANNEXES
.......................................................................................
131
Avertissement
En application de l’article 58-2° de la loi organique du
1
er
août 2001, la Cour des comptes a été saisie, par lettre du président de
la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle
budgétaire, d’une demande d’enquête sur le recours par Pôle emploi aux
opérateurs
privés
pour
l’accompagnement
et
le
placement
des
demandeurs d’emploi (
cf. annexe n°1)
.
Le champ des investigations de la Cour a été arrêté après échange
avec M. Christophe Castaner, député et membre de la Commission et
M. Nicolas Dufrêne, administrateur, et précisé par un courrier du Premier
Président (
cf. annexe n° 2)
.
Il porte sur le champ, les modalités et les résultats de la sous-
traitance, par Pôle emploi, de l’accompagnement et du placement de
certains demandeurs d’emploi à des opérateurs privés. Il intègre une
perspective historique et la présentation d’exemples étrangers.
L’enquête a été notifiée à Pôle emploi, à l’Unédic et aux services
de l’État concernés le 8 juillet 2013.
L’instruction
a
été
conduite
à
partir
des
réponses
aux
questionnaires, d’entretiens menés à la direction générale de Pôle emploi
et d’échanges avec des
directions régionales et des agences du réseau de
Pôle emploi. Un questionnaire a été adressé aux 26 directeurs régionaux
de Pôle emploi, ainsi qu’aux directeurs d’agences locales de sept régions
(Aquitaine, Bourgogne, Bretagne, Haute-Normandie, Île-de-France,
Languedoc-Roussillon
et
Lorraine),
soit
314
personnes.
Des
déplacements ont eu lieu en Aquitaine, en Bretagne, en Haute-
Normandie,
en
Île-de-France
et
en
Languedoc-Roussillon.
Les
rapporteurs ont également mené des entretiens avec l’Unédic et avec les
services de l’État.
En outre, une quinzaine des principaux opérateurs privés a répondu
à un questionnaire de la Cour ; les rapporteurs ont
rencontré six d’entre
eux.
Un relevé d’observations provisoires a été communiqué aux fins de
contradiction le 31 mars 2014 au directeur général et au président du
6
COUR DES COMPTES
conseil d’administration de Pôle emploi, à la délégation générale à
l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), à la direction du
Budget, au service du contrôle économique et financier de l’État et à la
direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques
(DARES). Des extraits ont également été transmis au directeur général et
à la présidente de l’Unédic, au directeur du laboratoire d’évaluation des
politiques publiques du Centre de recherche en économie et statistiques et
à six opérateurs privés.
En complément, des auditions ont été organisées à la Cour des
comptes le 30 avril 2014, auxquelles ont participé le directeur opérations,
stratégie et relations extérieures et la directrice administration, gestion et
finances de Pôle emploi ainsi que le chef de service et adjoint à la
Déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle, le chef de
la mission fonds national de l’emploi et le chargé de mission au
département Pôle emploi de la DGEFP.
Le présent rapport qui constitue la synthèse définitive de l’enquête
de la Cour a été délibéré le 2 mai 2014 par la cinquième chambre,
présidée par Mme Froment-Meurice, présidente de chambre, et composée
de M. Duchadeuil, Mmes Dayries et Froment-Védrine, MM. Antoine,
Guéroult, Mourier des Gayets, et Mme Soussia, conseillers maîtres.
Les rapporteurs étaient Mme Corinne Soussia, conseillère maître et
M. Kléber Arhoul, rapporteur extérieur, M. Pascal Duchadeuil, conseiller
maître et président de section, étant contre-rapporteur.
Le rapport a ensuite été examiné et approuvé le 13 mai 2014 par le
comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes,
composé de M. Migaud, Premier président, Mme Froment-Meurice,
MM. Durrleman, Lefas, Briet, Mme Ratte, M. Vachia, et M. Paul,
rapporteur général, présidents de chambre, et M. Johanet, procureur
général.
Résumé
Depuis 2011, Pôle emploi a réduit son recours à des opérateurs
privés pour l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi,
alors même que ses besoins potentiels sont élevés, puisqu’il doit
simultanément faire face à un accroissement important du nombre de
chômeurs et que le développement de l’accompagnement renforcé des
demandeurs d’emploi est encore limité dans son offre de services interne.
Cette situation s’explique en partie par les conditions initiales du
recours, dans ce domaine, aux opérateurs privés. En France, ce sont en
effet les partenaires sociaux - et non l’ANPE -
qui ont lancé en 2005 les
premières expérimentations de mise en concurrence de l’opérateur public
avec des entreprises de travail temporaire et des cabinets spécialisés dans
le recrutement et le reclassement, dans l’objectif de réduire les dépenses
de l’assurance chômage grâce à un reclassement plus rapide des
demandeurs d’emploi : même si l’ANPE a été associée, à partir de 2007,
aux expérimentations suivantes, ses conseillers ont été durablement
marqués par cette initiative qui a souvent été ressentie comme une mise
en cause de leur professionnalisme.
Un dispositif en repli, insuffisamment piloté
Pour sa part, Pôle emploi a passé ses premiers marchés en 2009, en
intégrant explicitement le recours aux opérateurs privés dans sa gamme
de services destinés aux demandeurs d’emploi. Ces marchés ont, dans un
premier temps, donné lieu à un volume de prestations important, mais qui
a rapidement décru, en passant de 522 000 prestations d’une durée au
moins égale à trois mois en 2010 à 436 000 en 2011, puis à 274 000 en
2012 et à 239 875 en 2013, soit une diminution de 54 %. Les restrictions
budgétaires engagées pour assurer le retour à l’équilibre, après la forte
hausse des dépenses induites par la fusion du réseau des Assédic et de
l’ANPE, expliquent en partie la baisse amorcée en 2011. Mais la
poursuite de cette tendance en 2012 et 2013 témoigne de l’existence de
causes plus structurelles.
La procédure de passation des marchés mise en oeuvre, leur
exécution et, plus généralement, le pilotage du dispositif ont, en effet, été
caractérisés par des faiblesses ou des dysfonctionnements importants.
8
COUR DES COMPTES
En premier lieu, du fait des critères retenus, la sélection des
attributaires des marchés s’est faite en grande partie sur des prix
fortement orientés à la baisse, dans des conditions qui n’ont pas permis de
s’assurer de garanties suffisantes quant à la capacité opérationnelle et
technique des opérateurs à délivrer des prestations de qualité.
En outre, le pilotage du recours aux opérateurs privés a été
essentiellement centré sur la préoccupation d’une sécurisation juridique
des procédures et d’une gestion principalement administrative, ce qui n’a
pas permis d’engager des expérimentations novatrices en matière de suivi
et
d’accompagnement
des
demandeurs
d’emploi.
Reposant
principalement sur un respect formel des obligations inscrites dans le
cahier des charges, le contrôle qualité n’a pas non plus pleinement joué
son rôle, alors que la fragilité de certains opérateurs nécessitait pourtant
de porter une attention particulière à la valeur des prestations délivrées
aux demandeurs d’emploi.
Par ailleurs, la faiblesse et l’irrégularité des flux de demandeurs
d’emploi orientés par les conseillers de Pôle emploi vers les opérateurs
privés, par rapport au cadrage prévu par les cahiers des charges, ont
contribué à mettre en péril l’équilibre économique des marchés relatifs à
certaines prestations, et parfois l’existence-même des opérateurs dont les
marchés de Pôle emploi constituaient une part importante du chiffre
d’affaires. Avec la crise, les difficultés rencontrées par les opérateurs
privés dès 2010 se sont en effet accentuées. La méconnaissance par Pôle
emploi des dispositions contractuelles relatives au nombre minimum de
demandeurs d’emploi devant être orientés vers les opérateurs privés a
contribué à ces difficultés, qui résultent aussi pour partie de prix trop bas
proposés par les opérateurs privés pour conserver les marchés et d’une
qualité de prestation parfois insuffisante.
Ces difficultés ont été constatées par les comités de pilotage dès
2010 et par les évaluations menées à partir de 2011. Des actions en
direction du réseau ont été menées en 2012, mais leurs effets sont
demeurés limités.
Des évaluations perfectibles, des résultats décevants
La seconde expérimentation lancée en 2007, puis la mise en oeuvre,
sur la période 2009-2011, de deux marchés relatifs à l’accompagnement
des licenciés économiques et des demandeurs d’emploi éloignés du
marché du travail ont donné lieu à des évaluations menées par des
RESUME
9
chercheurs spécialisés, sous l’égide du comité d’évaluation de Pôle
emploi pour les travaux conduits depuis 2010.
Les études menées sur les marchés 2009-2011 se sont heurtées à
des difficultés méthodologiques importantes. Elles ont cependant conclu,
comme l’étude conduite sur l’expérimentation menée en 2007, que
l’opérateur public obtenait en général des performances meilleures que
celles des opérateurs privés, pris dans leur ensemble. Ces résultats
rejoignent ceux des évaluations effectuées à l’étranger, qui observent
également, de façon générale, que les performances des opérateurs privés
sont inférieures à celles des opérateurs publics locaux.
Toutefois, il convient, en premier lieu, de rappeler que les
dernières évaluations ont porté sur une période de réalisation des
prestations (2009-2010) correspondant à la première phase de mise en
oeuvre des marchés : elles n’ont donc pas intégré les éventuels effets
d’apprentissage des acteurs sur un marché qui n’est pas encore parvenu à
maturité.
En deuxième lieu, les raisons du recours à la sous-traitance
évoquées en 2009 demeurent :
-
Pôle emploi ne dispose pas en interne de toutes les
compétences nécessaires à l’accompagnement de certaines
catégories de demandeurs d’emploi. C’est par exemple le cas
en ce qui concerne les candidats à la reprise ou à la création
d’entreprises. L’offre de service interne actuelle est également
mal adaptée à la prise en charge des publics présentant des
difficultés d’ordre social ;
-
il est souhaitable que Pôle emploi puisse disposer d’un levier
externe
pour
contribuer
à
faire
face
à
l’évolution
conjoncturelle du chômage (variation globale des capacités
d’accueil, mais aussi localisation géographique), dans la
mesure où l’établissement public manque de souplesse dans
l’allocation de ses ressources internes.
Dans un contexte de stabilisation des effectifs de Pôle emploi
décidée
par
les
pouvoirs
publics,
après
deux
années
d’augmentation, la possibilité de recourir au secteur privé en
complément des redéploiements internes constitue une marge
de manoeuvre à conserver.
10
COUR DES COMPTES
En troisième lieu, des cahiers des charges plus ouverts, en
contrepartie d’un contrôle de la qualité renforcé, pourraient permettre, le
cas échéant, à l’opérateur public d’identifier des pratiques innovantes
dont il pourrait lui-même tirer parti.
En tout état de cause le maintien d’une offre externalisée doit
s’accompagner d’une indication claire des cas de recours à la sous-
traitance et de mesures propres à corriger les dysfonctionnements
importants qui sont constatés dans la mise en oeuvre des marchés.
À l’étranger, les constats des dysfonctionnements observés ont le
plus souvent donné lieu à des ajustements des dispositifs mis en place,
tant du point de vue de l’organisation des marchés que de la définition des
publics cibles ou des modalités de rémunération des prestataires. En
France, elles ont été peu modifiées à l’occasion de la seconde vague de
marchés entrée en vigueur en 2012.
En outre, les travaux d’évaluation comme l’enquête de la Cour ont
également mis en évidence un défaut fréquent d’adhésion des conseillers
et des demandeurs d’emploi au recours aux opérateurs privés de
placement, de même qu’un suivi insuffisant des personnes orientées vers
cette sous-traitance.
Vers l’intégration du recours aux opérateurs privés dans la
stratégie d’ensemble de Pôle emploi
Peu explicite jusqu’à présent dans les documents précisant les
orientations stratégiques de Pôle emploi (conventions tripartites conclues
avec l’État et l’Unédic et plan stratégique interne), le recours aux
opérateurs privés fait l’objet d’une réflexion de la direction générale et du
conseil d’administration visant à réorienter le recours à la sous-traitance,
en cohérence avec la nouvelle offre de services interne déployée en 2013.
Par une délibération de février 2014, le conseil d’administration a
d’ores et déjà adopté le principe d’un changement d’orientation
stratégique majeur pour 2015 : les demandeurs d’emploi les plus éloignés
du marché du travail, qui constituaient les publics les plus nombreux
confiés
aux
opérateurs
privés,
ne
se
verraient
plus
proposer
d’accompagnement externalisé, mais un accompagnement renforcé dans
le cadre interne de Pôle emploi ; en sens inverse, une nouvelle prestation
serait créée dans le but de sous-traiter au secteur privé l’accompagnement
des demandeurs d’emploi les plus autonomes, disposant d’un projet
RESUME
11
professionnel validé et ne nécessitant qu’un appui méthodologique pour
leur recherche d’emploi.
Cette
orientation
s’inscrit
dans
le
prolongement
de
la
réorganisation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi mise en
place au sein de Pôle emploi mi-2013, avec l’affectation de près de 3 000
conseillers en agence locale à l’accompagnement renforcé de publics en
difficulté d’insertion professionnelle.
Toutefois, il reste à déterminer les modalités concrètes de mise en
oeuvre de ce changement qui devrait avoir pour effet de doubler le
nombre de demandeurs d’emploi bénéficiant d’un accompagnement
renforcé interne ; de même, le contenu et l’intérêt de la nouvelle
prestation d’une durée de quatre mois et dédiée aux demandeurs d’emploi
les plus autonomes par rapport aux ateliers méthodologiques existants, de
courte durée, restent à préciser.
Parmi les conditions de réussite de cette nouvelle orientation, la
Cour estime qu’il est essentiel que celle-ci soit pleinement intégrée à la
stratégie d’ensemble de Pôle emploi, tant dans les orientations à décrire
dans la prochaine convention tripartite qui sera négociée entre l’État,
l’Unédic et Pôle emploi au second semestre 2014, qu’au sein des agences
locales. C’est pourquoi, il est nécessaire que la redéfinition des
prestations et des publics concernés aille de pair avec une amélioration
significative du pilotage et du contrôle qualité, de manière à favoriser
l’adhésion des conseillers de Pôle emploi et des demandeurs d’emploi.
Récapitulatif des recommandations
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
tenir compte du profil des demandeurs d’emploi et des perspectives de
reclassement sur la zone géographique de recherche d’emploi dans la
rémunération des prestataires ;
2.
prendre davantage en compte l’offre technique dans les critères de
sélection des attributaires des marchés et rejeter, sur des critères
objectifs, les offres tarifaires anormalement basses ;
3.
impliquer davantage les équipes locales de direction dans la gestion
des flux de demandeurs d’emploi orientés vers les opérateurs privés ;
4.
améliorer le contrôle qualité en l’adaptant à chaque prestation et en
utilisant un référentiel national ;
5.
mettre en place une évaluation systématique pour toute prestation
d’accompagnement sous-traitée, en définissant les modalités de
l’évaluation dès la mise en place de la prestation et en prenant en
compte une période de recul nécessaire pour tenir compte des effets
d’apprentissage) ;
6.
préciser dans la prochaine convention tripartite les nouvelles
conditions de recours aux opérateurs privés (publics et prestations)
validées par le conseil d’administration et leur intégration dans la
stratégie d’ensemble de Pôle emploi ;
7.
s’assurer par un pilotage renforcé, lors de la mise en oeuvre des
nouveaux marchés et sur toute leur durée, de la pleine intégration des
nouvelles conditions de recours aux opérateurs privés dans la
pratique de prescription des conseillers.
Introduction
Depuis
une
quinzaine
d’années,
l’accompagnement
des
demandeurs d’emploi se situe, en Europe, au coeur des politiques actives
du marché du travail
1
.
L’
accompagnement
se distingue du simple
suivi
que le conseiller
du service public met en oeuvre en faisant le point avec le demandeur
d’emploi, plus ou moins régulièrement, sur les démarches que celui-ci a
mises en oeuvre pour retrouver un emploi.
L’accompagnement peut comporter différentes actions : outre la
réalisation d’entretiens entre le conseiller et le demandeur d’emploi pour
donner des conseils relatifs à la définition du projet professionnel, à la
prospection des entreprises, ou à la manière de présenter sa candidature,
ou bien pour proposer des offres d’emploi, ou même encore pour soutenir
la
motivation
d’un
demandeur
d’emploi
de
longue
durée,
l’accompagnement peut conduire le conseiller à prescrire, avec l’accord
du demandeur d’emploi, différents types d’aide (comme une aide à la
mobilité géographique), de formations (qualifiantes ou d’adaptation à un
poste de travail) et de prestations.
Lorsqu’il
est
qualifié
de
renforcé
,
l’accompagnement
se
caractérise, non par la mise en oeuvre de compétences spécifiques, mais
par une plus grande fréquence et une durée plus longue des entretiens ; il
est donc particulièrement consommateur de ressources.
1
Par opposition aux dépenses passives d’indemnisation du chômage, les politiques
actives du marché du travail visent à faciliter le retour à l’emploi des chômeurs par
l’encouragement à la création d’emplois par des aides (allègements de charges,
contrats aidés), le développement des compétences avec des programmes de
formation des demandeurs d’emploi, et la personnalisation de l’accompagnement des
demandeurs d’emploi, notamment ceux qui sont le plus éloignés du marché du travail.
16
COUR DES COMPTES
Les effets de l’accompagnement renforcé selon la littérature
économique
Analysant les expérimentations menées notamment aux Etats-Unis,
mais aussi au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, la littérature économique
2
a
mis en évidence un triple effet bénéfique de l’accompagnement renforcé :
une réduction significative de la durée de chômage et un accès à l’emploi
plus rapide, une meilleure qualité d’emploi (durée du contrat, niveau de
salaire) et des épisodes de chômage moins fréquents.
Un accompagnement renforcé peut être beaucoup plus coûteux
pour les finances publiques ou les fonds gérés par les partenaires sociaux
qu’un suivi classique, mais il ne constitue pas seulement une dépense
supplémentaire instantanée : c’est aussi un investissement que consent la
collectivité pour minimiser ses coûts futurs en matière d’indemnisation du
chômage notamment.
En France, Pôle emploi est chargé de l’inscription et du suivi des
demandeurs d’emploi. L’opérateur public contracte avec les demandeurs
d’emploi un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE)
3
, dont le suivi
peut être réalisé de différentes façons (cf. schéma page suivante) :
-
par des conseillers de Pôle emploi (au sein des agences locales ou
auprès de conseils généraux ayant conclu une convention pour les
allocataires du RSA par exemple) ;
-
ou être confié à des tiers :
sans limitation de durée, dans le cadre d’accords de
« cotraitance »
,
conclus avec le réseau des missions locales pour l’accompagnement
des jeunes de moins de 26 ans rencontrant des difficultés ou avec le
réseau des Cap emploi pour les demandeurs d’emploi en situation de
handicap ;
2
Cf.
notamment
Conseil
d’analyse
économique,
Plein
emploi,
annexe
« Accompagnement des chômeurs et sanctions, leurs effets sur le retour à l’emploi »,
2000 et G. Parent, O. Sautory, R. Desplatz,
L’accompagnement des demandeurs
d’emploi : enseignements des évaluations,
Documents d’études de la DARES n° 178,
décembre 2013.
3
Elaboré par le demandeur d’emploi et le conseiller de l’opérateur public (ANPE,
puis Pôle emploi), le PPAE indique la nature et les caractéristiques de l’emploi
recherché, la zone géographique de recherche, le salaire attendu, les actions à mettre
en oeuvre par Pôle emploi (suivi, prestations, aides) et les actes positifs de recherche
d’emploi que le demandeur d’emploi s’engage à accomplir.
INTRODUCTION
17
pour une prestation donnée, sur une période limitée, dans le cadre de
marchés conclus par Pôle emploi avec des opérateurs privés : il s’agit
alors d’une «
sous-traitance
».
Graphique n° 1 :
Les différentes modalités d’accompagnement début 2014
Source :
Cour des comptes
Au sein de l’accompagnement externalisé, il convient de bien
distinguer la « cotraitance », qui ne fait l’objet d’aucune procédure de
marché et la « sous-traitance », qui fait appel à la concurrence selon une
procédure formalisée et qui porte sur un champ plus large que les seules
prestations d’accompagnement et de placement faisant l’objet du présent
rapport.
18
COUR DES COMPTES
« Cotraitance » et « sous-traitance »
Aux termes de l’accord-cadre de partenariat renforcé signé en 2010
par l’État, Pôle emploi et le conseil national des missions locales, la
cotraitance
se définit comme
« le contrat par lequel Pôle emploi délègue à
un organisme, pour le public spécifique dont il a légalement la charge,
l’exécution de tout ou partie de ses missions, pour la mise en oeuvre
jusqu’à leur terme des PPAE des demandeurs d’emploi, sous réserve des
conditions d’âge et de sortie et en contrepartie de laquelle il verse à cet
organisme une participation financière non corrélée à l’atteinte
d’objectifs de retour à l’emploi ».
Une telle pratique est propre à la France : les autres pays ne
connaissent que la
sous-traitance
.
Jusqu’en 2010, les trois grands réseaux auxquels Pôle emploi
recourait dans le cadre de la
cotraitance
étaient : les missions locales, pour
l’accompagnement d’une partie des jeunes de moins de 26 ans (objectif
annuel de 150 000 entrées en cotraitance) ; les Cap emploi, pour
l’accompagnement des demandeurs d’emploi handicapés (objectif annuel
de 70 000 entrées en cotraitance) ; et l’APEC pour les cadres. L’APEC a
toutefois changé de statut en 2010 : de
cotraitante
, elle est devenue
sous-
traitante
de Pôle emploi, son activité s’exerçant dans le champ
concurrentiel.
La
cotraitance
se distingue de la
sous-traitance
des prestations
d’accompagnement et de placement sur plusieurs points :
- aucun objectif de résultats n’est fixé : un volume d’orientations
annuelles vers les partenaires cotraitants est prévu par les conventions de
partenariat
à
partir
duquel
est
déterminée
une
subvention
de
fonctionnement (34,5 M€ par an pour les missions locales pour un objectif
annuel d’orientations annuelles de 150 000 jeunes, auxquels s’ajoutent 320
équivalents temps plein en personnels affectés) ;
- il n’y a pas d’évaluation des résultats comparable aux analyses de
cohortes réalisées dans le cadre de la sous-traitance ;
- la durée de l’accompagnement n’est pas limitée dans le temps (si
ce n’est l’âge limite pour la prise en charge par les missions locales).
- la prestation n’est pas normée en fonction d’un cahier des charges
précis établi par Pôle emploi.
Dans le cadre du suivi du PPAE et tout au long du parcours du
demandeur d’emploi, les conseillers de Pôle emploi peuvent prescrire
deux types de prestations :
-
des prestations
courtes
, d’une durée de quelques heures à quelques
semaines (hors du champ du présent rapport), qui peuvent être
délivrées directement par des agents de Pôle emploi ou être sous-
traitées à des prestataires :
INTRODUCTION
19
des
prestations de méthode
, sous forme d’ateliers ou de stages sur les
techniques de recherche d’emploi (rédaction d’un
curriculum vitae
et
d’une lettre de motivation, ciblage des entreprises à contacter…) ;
des
prestations d’évaluation
des compétences et des capacités
professionnelles qui peuvent prendre la forme de bilans de
compétences ou d’évaluations en milieu de travail ;
des
prestations d’orientation
, afin de définir (ou redéfinir) le projet
professionnel du demandeur d’emploi.
-
des prestations
longues
, d’une durée comprise entre trois et douze
mois portant sur
l’accompagnement et le placement
du demandeur
d’emploi, pendant lesquelles le demandeur d’emploi n’est plus suivi
par un conseiller référent à Pôle emploi : l’objectif visé est le retour à
l’emploi avant la fin de la prestation.
Les prestations longues, moins nombreuses mais plus coûteuses
que les prestations courtes, représentent 78 % du coût de l’ensemble des
prestations sous-traitées. Elles seules entrent dans le champ du présent
rapport.
De longue date, l’agence nationale pour l’emploi (ANPE) avait
recouru au secteur privé pour la réalisation de prestations courtes,
intégrées au parcours du demandeur d’emploi. À partir de 2005, compte
tenu de la fin de son monopole de placement, s’est également posée la
question du recours au secteur privé pour l’accompagnement et le
placement des demandeurs d’emploi.
Le recours aux opérateurs privés : de l’Unédic à Pôle emploi
À partir du début des années 2000, l’Unédic, institution paritaire
chargée de l’indemnisation du chômage, a contribué au financement du
développement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi par
l’ANPE, établissement public chargé de l’inscription et du suivi des
demandeurs d’emploi.
Dès la fin du monopole de placement détenu par l’ANPE en 2005,
l’Unédic a expérimenté le recours à des opérateurs privés pour stimuler
l’opérateur public et accélérer le retour à l’emploi des demandeurs
d’emploi présentant notamment un risque de chômage de longue durée.
20
COUR DES COMPTES
Cette expérimentation, menée en collaboration avec l’ANPE en
2007, a été prolongée jusqu’à la création de Pôle emploi fin 2008 par
fusion de l’ANPE et du réseau des Assédic, qui versaient les allocations de
chômage (cf. loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation
du service public de l’emploi). Mais elle a parfois été perçue par les
conseillers de l’opérateur comme une mise en concurrence
(cf. point II du
chapitre III).
Cette perception est encore présente chez une partie des
conseillers de Pôle emploi, alors que le recours aux opérateurs privés a été
fortement étendu à partir de 2009.
L’annexe n° 4 retrace l’historique du recours aux opérateurs privés
avant la création de Pôle emploi.
La question du recours au secteur privé pour des prestations
d’accompagnement a émergé plus tardivement en France que dans
d’autres pays européens, tels que le Royaume-Uni et l’Allemagne. En
prônant une plus grande personnalisation des services rendus aux
demandeurs d’emploi, la Commission européenne a encouragé le recours
aux opérateurs privés dès 1998, notamment pour développer l’innovation
dans les méthodes d’accompagnement des demandeurs d’emploi, pour
réduire les coûts et pour stimuler les services publics de l’emploi.
Les motifs de recours au secteur privé
Le recours à des opérateurs privés de placement peut être motivé par
différentes considérations, qui peuvent se combiner :
- la recherche d’innovation dans les méthodes d’accompagnement ;
- la couverture de zones géographiques dans lesquelles le service
public de l’emploi est peu présent ;
- la mise en oeuvre de prestations spécifiques ou à destination de
publics spécifiques
(externalisation dite « de spécialité »)
pour lesquels le
service public ne dispose pas ou pas suffisamment des compétences
nécessaires, compte tenu, notamment, de la faiblesse relative des besoins (par
exemple l’accompagnement à la création ou à la reprise d’entreprise) ;
- l’amélioration de l’efficience et de l’efficacité, soit directe (achats de
prestations moins coûteux que la réalisation directe de la prestation pour le
service public, meilleur taux de retour à l’emploi), soit indirecte (effet de
stimulation due à la concurrence sur des publics et prestations équivalents) ;
INTRODUCTION
21
- l’adaptation aux variations de la conjoncture grâce à une plus grande
souplesse
dans
l’affectation
des
moyens
(
externalisation
dite
de
« capacité »
) ;
-
une
mise
à
disposition
d’offres
d’emploi
non
transmises
spontanément par les entreprises à l’opérateur public.
En France, après la première phase d’expérimentation engagée par
les partenaires sociaux en 2005, le recours au secteur privé pour
l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi a été étendu
avec la conclusion de nouveaux marchés en 2009.
Cette nouveauté revêtait trois formes pour l’opérateur public :
-
le recours à une procédure de marchés à bons de commande, avec,
selon les prestations, des marchés nationaux ou régionaux ;
-
l’introduction d’une rémunération largement dépendante des résultats
obtenus par les prestataires en termes de retour à l’emploi des
chômeurs accompagnés ;
-
la présence de nouveaux opérateurs sur le marché, de taille nationale
et à but lucratif.
Les opérateurs qui ont été retenus à l’issue des appels d’offres
relevaient en fait de cinq types différents : l’AFPA et l’APEC,
associations nationales, historiquement proches de l’opérateur public,
mais dont au moins une partie de l’activité est de nature concurrentielle ;
des cabinets de reclassement à dimension régionale ou nationale ; des
entreprises de travail temporaire ; des organismes de formation, souvent à
dimension
locale ;
des
structures
spécialisées
dans
l’insertion
professionnelle, souvent à dimension locale.
Fin 2013, les prestataires
4
les plus importants de Pôle emploi par
leurs parts de marché étaient (par ordre alphabétique) : ADECCO, AFPA,
Aksis, Altedia, Arcade Anveol, C3 Consultants (y compris Initiative),
Ingeus, Randstad Var, la Société nouvelle Catalys et Sodie.
4
Pour les seules prestations d’accompagnement et de placement des demandeurs
d’emploi (prestations longues d’au moins trois mois).
22
COUR DES COMPTES
Les dépenses
5
consacrées par Pôle emploi aux prestations
d’accompagnement et de placement réalisées par des opérateurs privés se
sont élevées à 186 M€ en 2012, puis à 145 M€ en 2013. Cette enveloppe
constitue 2,9 % des dépenses de fonctionnement et d’intervention de Pôle
emploi en 2013 (contre 3,7 % en 2012) et moins de 8 % du total des coûts
opérationnels rattachés à l’accompagnement et au placement des
demandeurs d’emploi en 2012. Elle représente en 2013 le tiers des
dépenses consacrées par Pôle emploi à la formation des demandeurs
d’emploi.
Graphique n° 2 :
coût en 2013 des prestations d’accompagnement et
de placement externalisées
Source : Pôle emploi – d’après le rapport financier 2013
L’enveloppe de 145 M€ a financé la réalisation de 240 000
prestations longues en 2013 (dont 140 000 d’une durée au moins égale à
six mois) au titre des cinq prestations principales
6
qui sont analysées par
le présent rapport :
-
prestation
Atouts Cadres
, d’une durée de neuf mois, au bénéfice de
publics cadres ;
5
Hors frais de gestion administrative des contrats de sous
-
traitance.
6
Sur les caractéristiques de ces prestations,
cf. annexe n°3.
INTRODUCTION
23
-
prestation
Mobilisation vers l’emploi (MOV)
, d’une durée de six mois,
au bénéfice de demandeurs d’emploi très éloignés du marché du
travail, notamment en raison de difficultés d’ordre social (logement,
santé, situation familiale, etc.) ;
-
prestation
Licenciés économiques
(
LEC)
, puis (
LIC)
, d’une durée de
douze mois, en faveur des licenciés économiques ;
-
prestation
Trajectoire vers l’emploi
(
TRA
, puis
TVE
), d’une durée de
six mois, pour les demandeurs d’emploi éprouvant des difficultés
d’insertion professionnelle (chômeurs de longue durée), mais ne
présentant pas de difficulté d’ordre social ;
-
prestation
Objectif emploi
, d’une durée de trois mois, pour les
demandeurs d’emploi en difficulté ne nécessitant pas de revoir le
projet professionnel.
Le nombre de demandeurs d’emploi ayant bénéficié d’un
accompagnement renforcé par un opérateur privé a représenté en 2013
environ 10 % des demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A, B, ou C
7
depuis plus d’un an (2,2 millions de personnes). Près de la moitié des
adhérents à un contrat de sécurisation professionnelle ont également
bénéficié d’un accompagnement réalisé par un opérateur privé.
Le présent rapport comporte trois chapitres : le premier montre
qu’après leur mise en place par Pôle emploi à partir de 2009 avec
l’objectif de contribuer à la prise en charge d’un chômage croissant, les
marchés de sous-traitance ont rencontré des difficultés dans la mise en
oeuvre qui ont perduré et expliquent pour partie, malgré la persistance de
la crise, la diminution du nombre de demandeurs d’emploi suivis dans ce
cadre et des dépenses consacrées à la sous-traitance dès 2011.
Les résultats du recours aux opérateurs privés et les suites données
font l’objet du deuxième chapitre, à partir des évaluations menées sur les
marchés depuis 2009 qui concluent à une meilleure performance de
l’opérateur public par rapport aux opérateurs privés.
Le dernier chapitre analyse le changement majeur décidé début
2014 et dans la perspective de la troisième vague de marchés qui prendra
7
Demandeurs d’emploi sans activité (catégorie A), avec activité réduite de moins de
78 heures par mois (catégorie B) ou de plus de 78 heures par mois (catégorie C).
24
COUR DES COMPTES
effet mi-2015, par le conseil d’administration de Pôle emploi
dans le
choix
des
publics
auxquels
sera
proposée
une
prestation
d’accompagnement sous-traité : ce ne sont plus les demandeurs d’emploi
en difficulté d’insertion professionnelle, mais au contraire les plus
autonomes d’entre eux, qui bénéficieront d’une telle prestation. Il attire
l’attention sur les conditions opérationnelles à remplir pour la mise en
oeuvre de cette nouvelle
orientation stratégique
et sur l’enjeu essentiel
pour Pôle emploi
de la conduite du changement vis-à-vis des conseillers,
comme des demandeurs d’emploi, souvent réticents à l’égard de la sous-
traitance des prestations d’accompagnement.
Chapitre I
Un dispositif en repli et insuffisamment
piloté
Depuis sa création, Pôle emploi considère le recours aux
opérateurs privés principalement comme un moyen d’augmenter sa
capacité d’accompagnement des demandeurs d’emploi présentant des
difficultés et/ou nécessitant un suivi approfondi et personnalisé, dans un
contexte de chômage croissant et durablement élevé. Certains publics
particuliers (cadres, créateurs d’entreprise, jeunes diplômés, demandeurs
d’emploi ayant des difficultés d’ordre social et professionnel) bénéficient
également de prestations d’accompagnement sous-traitées.
La mise en place et l’exécution des marchés de sous-traitance se
sont heurtées à des difficultés auxquelles l’opérateur public a
insuffisamment remédié. Les volumes de prestations réalisées ont en
définitive fortement diminué à partir de 2011, pendant une période
marquée par l’augmentation du chômage.
I - Une diminution du recours aux opérateurs
privés à partir de 2011, malgré la crise
Après
la
période
d’expérimentation
menée
en
2007-2008
conjointement par l’Unédic et l’ANPE (
cf. annexe n° 4
) et la création de
Pôle
emploi,
la
sous-traitance
de
certaines
prestations
longues
d’accompagnement a été généralisée, dans un contexte de développement
du chômage, afin de compléter l’offre de services interne de l’opérateur
public qui peinait à mettre en place un suivi véritablement personnalisé.
En effet, en dehors de la cotraitance et de l’accompagnement financé sur
conventions des allocataires du RMI, puis du RSA, l’accompagnement
renforcé était peu développé au sein de Pôle emploi.
26
COUR DES COMPTES
A - Une mobilisation des moyens atteignant son plus
haut niveau en 2010
1 - Une forte augmentation du nombre de demandeurs d’emploi
Après trois années de diminution du chômage, le second semestre
de l’année 2008 a été marqué par une augmentation rapide du nombre de
demandeurs d’emploi inscrits (+ 5,3 % entre décembre 2007 et décembre
2008). Le caractère durable de la crise s’est traduit par une hausse
importante des demandeurs d’emploi qui s’est prolongée jusqu’à la
période la plus récente.
Graphique n° 3 :
évolution du nombre de demandeurs d’emploi
8
Source : STMT - Pôle emploi / DARES : demandeurs d’emploi en fin de mois
(DEFM), France métropolitaine, données cvs-cjo.
8
Seuls les demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A ou B et les licenciés
économiques bénéficient d’un accompagnement au retour à l’emploi.
2 000 000
2 500 000
3 000 000
3 500 000
4 000 000
4 500 000
5 000 000
5 500 000
janv.-2005
juil.-2005
janv.-2006
juil.-2006
janv.-2007
juil.-2007
janv.-2008
juil.-2008
janv.-2009
juil.-2009
janv.-2010
juil.-2010
janv.-2011
juil.-2011
janv.-2012
juil.-2012
janv.-2013
juil.-2013
catégories A et B
toutes catégories
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
27
Rapidement, le nombre d’actions d’accompagnement réalisées
directement par l’opérateur public a augmenté et les dispositifs
d’accompagnement des licenciés économiques ont également connu une
progression importante.
2 - La mise en place de nouvelles prestations sous-traitées
Les marchés de prestations conclus en 2008 s’inscrivaient dans le
cadre de nouvelles modalités juridiques et organisationnelles pour
l’ANPE, mais ne modifiaient pas en profondeur l’offre de services sous-
traitée. Celle-ci a en revanche évolué avec les marchés nationaux conclus
par Pôle emploi en 2009 qui faisaient suite aux expérimentations lancées
par l’Unédic et répondaient à des objectifs nouveaux :
-
consolider et étendre à l’ensemble du territoire l’accompagnement
renforcé des demandeurs d’emploi exposés à un risque élevé de
chômage de longue durée, mais ne présentant pas de difficulté d’ordre
social ou personnel (prestation
Trajectoire vers l’emploi
ou
TRA
) ;
-
mettre en oeuvre un accompagnement adapté aux nouveaux dispositifs
mis en place par l’État et les partenaires sociaux au bénéfice des
licenciés économiques, dont le nombre a augmenté avec la crise : cet
accompagnement était destiné à être mis en oeuvre pour partie
directement par Pôle emploi et pour partie par des prestataires privés
(prestation
Licenciés économiques
ou
LEC
).
La création de ces nouvelles prestations s’inscrivait dans un
ensemble de mesures prises entre 2007 et 2011 par les pouvoirs publics et
les partenaires sociaux pour personnaliser l’accompagnement des
demandeurs d’emploi afin de faire face à la crise. Parmi ces dispositifs,
figuraient
l’accompagnement
des
jeunes
diplômés
et
le
contrat
d’autonomie, mis en place par la délégation générale à l’emploi et à la
formation professionnelle (DGEFP) et pour lesquels l’État a directement
fait appel à des prestataires privés.
Pour les deux nouvelles prestations (
TRA
et
LEC)
entrées en
vigueur en septembre 2009, Pôle emploi a retenu 31 prestataires pour
64 lots à l’issue de la procédure d’appels d’offres. L’objectif était
d’accompagner 170 000 demandeurs d’emploi éloignés de l’emploi et
28
COUR DES COMPTES
150 000 licenciés économiques sur deux ans pour un budget total de
420 M€ (sur deux ans), en complément de l’offre déjà externalisée
9
et du
recrutement de 3 000 agents pour faire face à la montée du chômage
10
.
Une partie seulement des opérateurs impliqués dans les premières
expérimentations a été retenue parmi les attributaires de ces marchés.
a) En ce qui concerne les
licenciés économiques
, Pôle emploi a été
chargé de l’accompagnement des adhérents à la convention de
reclassement
personnalisé
(CRP)
et
au
contrat
de
transition
professionnelle (CTP), dispositifs mis en place par les partenaires sociaux
et l’État sur lesquels la Cour s’est déjà exprimée
11
. Cet accompagnement
a été pour moitié délégué par Pôle emploi à des sous-traitants par le biais
de la prestation
LEC
, créée à cet effet.
À compter du 1
er
septembre 2011, les deux dispositifs CRP et CTP
ont été fusionnés avec la création du contrat de sécurisation
professionnelle
12
(CSP). Ce nouveau dispositif a fait l’objet également
d’une sous-traitance de la moitié des flux concernés, sur la base d’une
prestation désormais intitulée
LIC
et d’un nouveau marché entré en
vigueur en juillet 2012.
Le coût de l’accompagnement interne et externe des licenciés
économiques est financé par une contribution spécifique, cofinancée à
9
Dans le même temps et en raison de la crise, le nombre d’accompagnements
délégués aux partenaires cotraitants a également augmenté, l’objectif annuel passant
de 100 000 jeunes en 2008 à 150 000 jeunes par an en 2010 pour les missions locales
et de 60 000 à 70 000 travailleurs en situation de handicap pour le réseau des Cap
emploi.
10
Dont 1 840 nouveaux conseillers. Parmi ceux-ci, 840 ont été recrutés en contrat à
durée déterminée pour faire face à l’augmentation du nombre d’adhésions au CSP
(effectifs hors plafond pour Pôle emploi).
11
Cour des comptes,
Rapport public thématique
:
Le marché du travail : face à un
chômage élevé, mieux cibler les politiques.
La Documentation française
,
janvier 2013,
170 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
12
Depuis janvier 2012, la mise en oeuvre du dispositif CSP est expérimentée au
bénéfice des demandeurs d’emploi en fin de CDD, en fin de mission d’intérim ou en
fin de chantier dans une trentaine de bassins d’emploi (4 626 adhésions en 2012).
Un dispositif de moindre ampleur a également été mis en place au bénéfice des
salariés concernés par des procédures collectives en entreprise (redressement
judiciaire et liquidation judiciaire). Il s’agit d’une mesure de pré-accompagnement
dans le cadre d’une cellule d’appui à la sécurisation professionnelle. Une subvention
de 306 000 € a été versée par l’État à Pôle emploi à ce titre en 2012.
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
29
parts égales par l’État et les partenaires sociaux qui s’est élevée à 158 M€
en 2011, 171 M€ en 2012 et 193 M€ en 2013.
b) Si la prestation
Trajectoire vers l’emploi
(TRA)
fait suite aux
expérimentations lancées par l’Unédic, elle s’en distingue par le ciblage
des publics concernés : alors que l’Unédic cherchait à renforcer dès les
premiers mois de chômage l’accompagnement des demandeurs d’emploi
exposés à un risque important de chômage de longue durée, la prestation
Trajectoire vers l’emploi
vise des demandeurs d’emploi déjà inscrits à
Pôle emploi depuis au moins 12 mois au cours des 18 derniers mois.
D’une durée de six mois non renouvelable (contrairement à la
prestation relative aux demandeurs d’emploi présentant des « freins
périphériques à l’emploi »
13
), la prestation
Trajectoire emploi (TRA)
s’adresse à un public hétérogène et vaste de demandeurs d’emploi
rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle durable, ou prenant
contact pour la première fois avec le marché du travail ou ayant un besoin
de mobilité professionnelle et/ou géographique et d’autres publics sans
difficultés périphériques, précisés par les directions régionales (publics
issus des Zones urbaines sensibles ou en fin de contrats aidés par
exemple).
Dans le nouveau marché conclu à effet du 1
er
février 2012, la
prestation
Trajectoire vers l’emploi,
devenue
TVE,
vise un public toujours
aussi large (les demandeurs d’emploi de longue durée) avec les mêmes
objectifs : préciser l’orientation professionnelle, faire acquérir les
techniques de recherche d’emploi, élaborer une stratégie de recherche
d’emploi et faire bénéficier d’un soutien intensif dans la recherche
d’emploi.
Mieux ciblée, la prestation
LEC
/
LIC
s’est mieux intégrée à l’offre
de services de Pôle emploi que la prestation
TRA
/
TVE
, pour plusieurs
raisons :
-
des règles d’orientation simples : 50 % des flux doivent être orientés
vers les opérateurs privés de placement sur l’aire géographique
couverte par un lot au sein du marché ;
13
Difficultés personnelles de logement, de transports, de santé, etc ou plus
généralement problèmes sociaux.
30
COUR DES COMPTES
-
un
pilotage
facilité
par
l’affectation
du
suivi
des
licenciés
économiques aux agences spécialisées et non aux agences locales,
avec des équipes spécifiquement affectées ;
-
un pilotage national et régional, voire infrarégional : au niveau
régional, le comité de pilotage se réunit au moins deux fois par an, en
associant l’Etat, les partenaires sociaux, Pôle emploi, les sous-
traitants, ainsi que des représentants du Conseil régional et des
organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA)
14
;
-
des flux par nature soumis aux aléas de la conjoncture, mais qui, dans
un contexte de crise durable et après un démarrage difficile, ont
globalement dépassé les niveaux minimaux inscrits dans les marchés.
B - Une décroissance des prestations des opérateurs
privés dès 2011
Avec la crise, l’objectif recherché à travers les marchés de
prestations n’est pas seulement l’accompagnement de publics particuliers,
mais également la possibilité de dégager des moyens internes au service
public de l’emploi pour faire face au flux croissant des inscriptions et des
entretiens dans le cadre du suivi mensuel personnalisé
.
La mise en place d’une double sous-traitance de spécialité et de
capacité au secteur privé est intervenue dans un contexte très tendu pour
l’opérateur public avec la montée du chômage, la fusion de l’ANPE et du
réseau des Assédic (intervenue fin 2008), et la redéfinition des
compétences des conseillers de Pôle emploi. Ce contexte n’a pas favorisé
une mise en oeuvre satisfaisante de la sous-traitance.
Les marchés de prestation ouverts à l’ensemble des demandeurs
d’emploi, indemnisés ou non, sur prescription du conseiller référent et
sous réserve de l’accord du demandeur d’emploi, portaient sur un volume
potentiel de plus de 500 000 demandeurs d’emploi sur deux ans, pour les
prestations de placement d’une durée au moins égale à six mois. Mais, à
partir de 2011, le recours à la sous-traitance pour le placement des
demandeurs d’emploi a diminué, qu’il s’agisse du flux annuel de
14
En raison du financement des actions de formation dont sont susceptibles de
bénéficier les adhérents au CSP pendant la période d’accompagnement.
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
31
demandeurs d’emploi confiés aux opérateurs privés ou des rémunérations
versées aux prestataires.
1 - La diminution du nombre de prestations réalisées
La mise en oeuvre de la sous-traitance de l’accompagnement
renforcé a souffert, d’une part, d’une certaine méconnaissance des
dispositifs et d’une certaine réticence des conseillers. La prescription de
prestations longues réalisées par des opérateurs privés et comportant une
dimension de placement n’entrait pas dans les habitudes des conseillers
de Pôle emploi (sauf pour les publics présentant des « freins
périphériques
à
l’emploi »).
La
qualité
inégale
des
prestataires
sélectionnés et le rejet d’un dispositif considéré comme concurrent de
l’opérateur public ont pu détourner certains conseillers de la prescription
de prestations sous-traitées (
cf. point II du chapitre III)
.
D’autre part, alors que la prescription de prestations de placement
sous-traitées n’était pas encore bien ancrée dans les pratiques des
conseillers, la réduction brutale des budgets consacrés à la sous-traitance
en 2011 pour résorber le déficit budgétaire de Pôle emploi a pu accentuer
les difficultés de gestion des flux constatées dès la mise en oeuvre des
marchés et, en amont, dès le stade des expérimentations.
Sur la période 2009-2013, en moyenne, seulement 150 000
demandeurs d’emploi par an ont participé à une prestation de placement,
d’une durée au moins égale à six mois, réalisée par un opérateur privé.
Seul le dispositif d’accompagnement des
licenciés économiques
, qui a fait
l’objet d’une attention particulière de la part de l’État et des partenaires
sociaux, semble avoir véritablement trouvé sa place dans l’offre de
services de Pôle emploi. Les prestations les plus prescrites ont été les
prestations de trois mois (
Objectif emploi
), mais leur nombre est en baisse
très sensible depuis 2009 et surtout 2011. La poursuite de cette tendance
en 2013 montre que les facteurs conjoncturels (restrictions budgétaires en
2011, délai de mise en place des nouveaux marchés en 2012) ne suffisent
pas à expliquer cette tendance forte. Sur l’ensemble des prestations, le
nombre de prescriptions a diminué de moitié (53,5 %) entre 2009 et 2013.
La prestation d’accompagnement des licenciés économiques est la
seule à suivre l’évolution de la conjoncture avec une augmentation
sensible des flux depuis 2011, après un démarrage difficile, ce qui
s’explique notamment par la décision d’orienter 50 % des publics
32
COUR DES COMPTES
concernés vers les opérateurs privés et les financements affectés versés
par l’État et l’Unédic.
Cette tendance à la baisse n’a pas été modifiée par l’abondement
du budget d’intervention par des subventions complémentaires en 2011 et
2012
15
, qui étaient pourtant destinées à augmenter le nombre de
formations suivies par les publics éloignés de l’emploi, mais aussi à
développer les prestations d’accompagnement.
Tableau n° 1 :
évolution du nombre de prescriptions de prestations
d’accompagnement sous-traitées
2009
2010
2011
2012
2013
Licenciés économiques (LEC / LIC, 12
mois)
100 740
51 258
35 320
51 219
60 603
Cadres (Atouts cadres,
9 mois)
-
6 545
10 800
13 366
9 755
Publics très éloignés de l’emploi (MOB /
MOV, 6 mois)
27 569
21 047
40 129
50 861
44 017
TRA / TVE (6 mois)
27 800
93 314
42 650
34 108
26 005
Cible emploi / OE (3 mois)
360 304
349 908
307 050
124 376
99 495
Total
dont accompagnement d’au moins 6 mois
516 413
156 109
522 072
172 164
435 949
128 899
273 930
149 554
239 875
140
380
Source : Pôle emploi (SIAD – Système d’information d’aide à la décision)
2 - La baisse des dépenses
Les dépenses budgétaires consacrées aux prestations externalisées
ont diminué fortement à partir de 2011 ; le poids relatif du suivi externe
au sein du processus « accompagner et gérer les demandeurs d’emploi »
géré par Pôle emploi a diminué de cinq points en 2012. Les prestations
longues d’accompagnement ont diminué en volume (demandeurs
d’emploi accompagnés) et en coût, contrairement aux prestations courtes
d’orientation et d’évaluation.
15
+ 110 M€ au titre du plan de mobilisation pour l’emploi au bénéfice des
demandeurs d’emploi de longue durée en 2011 (dont 19 M€ pour les prestations
d’accompagnement) et + 82 M€ au titre du sommet de crise en faveur des demandeurs
d’emploi de très longue durée en 2012 (dont 11 M€ pour les prestations
d’accompagnement).
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
33
Sur la période 2010-2013, même si le montant des recettes
annuelles d’exploitation de Pôle emploi a augmenté de 433 M€, le retour
à l’équilibre budgétaire en 2013 a été obtenu en partie par une diminution
des budgets consacrés aux prestations d’accompagnement sous-traitées,
particulièrement en 2011
16
. L’année 2012 a ensuite été marquée par la
mise en place des nouveaux marchés.
Malgré le retour à l’équilibre budgétaire de Pôle emploi en 2013, le
budget consacré à la sous-traitance de prestations d’accompagnement et
de placement n’a pas été revu à la hausse. Avec la fongibilité des
dépenses d’intervention mise en place en 2013
17
, qui permet au niveau
local d’arbitrer entre les dépenses de sous-traitance et les dépenses de
formation, la diminution tendancielle des budgets des prestations
externalisées s’est poursuivie. L’augmentation du budget des dépenses
d’intervention pour 2014 tient pour l’essentiel au plan « 100 000
formations supplémentaires » pour les demandeurs d’emploi.
16
Sur l’exercice 2011, les recettes d’exploitation ont diminué de 293 M€ et le déficit a
été réduit de 99 M€, le budget des prestations externalisées chutant de 116 M€.
17
Sauf pour les dépenses de « cotraitance » et celles liées à des conventions
particulières.
34
COUR DES COMPTES
Tableau n° 2 :
évolution des dépenses de sous-traitance au regard de
l’évolution des dépenses d’intervention
En M€
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Résultat de l’exercice
- 118
- 185
- 86
- 58
+ 68
- 30
Total des dépenses de personnel et
de fonctionnement (section IV et
dotations aux provisions et
amortissements)
3 722
4 267
3 987
4 077
4 183
4 220
Total des dépenses d’intervention*
938
989
877
889
837
906
dont prestations externalisées
dont cotraitance
dont sous-traitance
(prestations courtes et longues)
442
64
378
511
71
440
384
60
324
347
61
286
305
62
243**
Source : comptes 2009 à 2013 et budget 2014 de Pôle emploi
* Les dépenses d’intervention regroupent les prestations externalisées, ainsi que les aides à la mobilité, les
aides à l’embauche et les aides au développement des compétences.
** Le montant arrêté à 286 M€ pour 2012 inclut une charge à payer sur les nouveaux marchés entrés en
vigueur en 2012 qui s’est révélée surestimée de 25 M€ ; la baisse réelle ne serait que de 19 M€, soit 7,3 %.
En réponse à une demande de la Cour, Pôle emploi n’a
communiqué aucune décomposition indicative de la section III (budget
d’intervention) pour 2014, et a indiqué que la mise en oeuvre du principe
de fongibilité des dépenses de cette section (hors dépenses de cotraitance
et sur conventions particulières) ne permettait pas de distinguer le budget
des prestations sous-traitées qui figurent pour partie dans l’enveloppe
fongible.
La Cour considère toutefois que, tant les difficultés d’exécution
des marchés actuellement en vigueur que la mise en place des nouvelles
conditions de recours aux opérateurs privés à compter de 2015
(cf. chapitre III) justifient qu’une orientation budgétaire indicative soit
donnée par la direction générale aux directions régionales et au réseau des
agences, et qu’un système de
reporting
doit permettre de mesurer en
exécution l’adaptation aux besoins locaux que vise l’application du
principe de fongibilité des dépenses au sein de la section III du budget de
Pôle emploi.
Au sein des dépenses relatives aux prestations sous-traitées, les
dépenses de prestations de placement ont diminué de 22 % en 2013. Le
coût total des principales prestations d’accompagnement renforcé sous-
traitées est ainsi passé de 186 M€ en 2012 à 145 M€ en 2013 :
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
35
Tableau n° 3 :
montants payés par Pôle emploi au titre des
principales prestations d’accompagnement renforcé sous-traitées
18
2012
2013
prestation
M€
%
M€
%
LIC
59,0
31,7 %
50,2
34,7 %
RJLJ*
0,3
0,2 %
2,6
1,8 %
Atouts cadres
11,7
6,3 %
11,3
7,8 %
TVE
22,5
12,1 %
18,6
12,8 %
OE
66,8
35,8 %
34,5
23,8 %
MOV
26,0
14,0 %
27,4
18,9 %
total
186,4
100,0 %
144,6
100,0 %
Source : Pôle emploi (SAP)
* Redressement judiciaire et liquidation judiciaire
La diminution de moitié des rémunérations versées aux prestataires
au titre de la prestation
Objectif emploi
a fait de la prestation
LIC
le
premier poste de dépenses d’accompagnement renforcé sous-traité : les
adhérents à un contrat de sécurisation professionnelle, qui bénéficient
d’un accompagnement renforcé interne ou externe pendant douze mois,
ne sont pourtant pas nécessairement ceux qui en ont le plus besoin du
point de vue de leur distance à l’emploi.
II - Des conditions de mise en oeuvre insatisfaisantes
Malgré l’identification rapide de difficultés importantes dans la
mise en oeuvre du recours à la sous-traitance par l’ANPE, puis par Pôle
emploi, l’opérateur public a laissé la situation se dégrader, en particulier
sous l’effet de la crise, sans envisager de réelles mesures correctrices
avant 2013. Bien que les rappels au réseau effectués par la direction
générale - notamment pour organiser une gestion des flux permettant de
18
Pôle emploi ne suit pas le coût de la sous-traitance par prestation. Les données par
prestation ont été reconstituées à la demande de la Cour, mais seulement sur les
exercices 2012 et 2013, à partir de l’outil SAP utilisé en comptabilité.
36
COUR DES COMPTES
respecter les dispositions des marchés - soient restés sans grand effet, la
situation n’a pas été jugée préoccupante avant la multiplication des
retraits ou des défaillances de prestataires en 2012-2013.
Compte tenu du contexte initial de mise en oeuvre des
expérimentations menées par l’Unédic et l’ANPE
(cf. annexe n° 4)
et de
la priorité donnée lors de la création de Pôle emploi aux questions liées à
la fusion entre l’ANPE et le réseau des Assédic, l’opérateur public a
privilégié la sécurisation juridique des procédures d’appel à la sous-
traitance, en négligeant l’approche « métier » et le contrôle qualité. De
fait, les prestations d’accompagnement d’au moins trois mois n’ont pas
véritablement été intégrées à l’offre de services globale de Pôle emploi et
n’ont pas fait l’objet d’un pilotage suffisant sur le plan opérationnel.
Les dysfonctionnements observés dans la mise en oeuvre des
dispositifs d’externalisation ont non seulement eu un impact sur
l’équilibre économique des opérateurs du secteur, mais également des
répercussions sur la qualité des prestations délivrées.
A - Une volonté de sécurisation juridique des processus
à partir de 2008
Avec la mise en oeuvre de la nouvelle offre de services en mai
2008, la procédure de marchés lancée par l’ANPE a marqué une rupture
avec les pratiques antérieures de simple conventionnement d’opérateurs
locaux par les agences locales pour l’emploi, sans procédure formalisée
de mise en concurrence.
1 - La mise en place de marchés à bons de commandes pour la sous-
traitance de services d’insertion professionnelle
Les prestations de méthodes, d’évaluation, d’orientation et
d’accompagnement externalisées dans le cadre de la sous-traitance ont
fait l’objet, à partir de 2008, de marchés à bons de commandes passés
conformément à la procédure prévue à l’article 9 du décret n°2005-1742
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
37
du 30 décembre 2005
19
relatif aux règles applicables aux marchés passés
par les pouvoirs adjudicateurs non soumis au code des marchés publics.
Les marchés à bons de commande
Il s’agit de marchés conclus avec un ou plusieurs opérateurs
économiques et exécutés au fur et à mesure de la survenance du besoin par
l’émission de bons de commande. Le marché permet d’effectuer une seule
procédure de mise en concurrence pour des achats à caractère répétitif
payés au prix déterminé par le marché.
En l’absence de détermination précise du volume de prestations
concerné, le marché détaille la nature du besoin et peut fixer un minimum
et un maximum au volume acheté, qui peuvent être modifiés par avenant,
sous réserve de ne pas bouleverser l’économie du marché.
Dans le cas des marchés d’insertion professionnelle, le recours au
marché à bons de commande est justifié par l’incertitude du nombre de
demandeurs d’emploi concernés, celui-ci étant principalement fonction de
l’évolution de la conjoncture économique.
Lors de sa création, Pôle emploi a lancé des marchés de prestations
longues d’accompagnement dans l’esprit des expérimentations lancées
par l’Unédic (marchés dits « opérateurs privés de placement », entrés en
vigueur en septembre 2009). Les premiers portaient sur des prestations
courtes telles que des ateliers de recherche d’emploi ou des bilans de
compétences approfondis, tandis que ces derniers portaient sur des
prestations longues (au moins six mois) et présentaient la particularité de
lier fortement la rémunération des prestataires aux résultats obtenus en
matière de placement des demandeurs d’emploi.
Cette démarche a été encouragée par la DGEFP, qui a elle-même
conclu directement des contrats avec des opérateurs privés de placement
pour l’accompagnement de publics particuliers dans le cadre de deux
dispositifs
:
l’accompagnement
des
bénéficiaires
des
contrats
d’autonomie, d’une part, et celui des jeunes diplômés, d’autre part.
19
Pôle emploi, comme l’ANPE auparavant, entre dans le champ d’application de
l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines
personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.
38
COUR DES COMPTES
Les dispositifs confiés aux opérateurs privés par l’Etat
La prestation d’accompagnement au bénéfice des
jeunes diplômés
,
qui a été mise en oeuvre entre septembre 2007 et décembre 2008,
concernait les demandeurs d’emploi de longue durée âgés de moins de
30 ans et de niveau Bac + 2 au minimum. Le marché a porté sur un
volume de 10 000 prestations (contre 40 000 initialement prévues)
réparties sur 10 régions pour un budget de 12 M€. Le prix unitaire moyen
était de 2 000 €.
Le
contrat d’autonomie
, mis en place dans le cadre du plan
« Espoir Banlieues » concernait les jeunes de 16 à 25 ans résidant en Zone
Urbaine Sensible. Sur la première période (2008-2011), le marché portait
sur 45 000 prestations d’une durée de douze mois sur 35 départements
pour un budget de 65 M€. Sur la seconde période (2011-2012), le nombre
de prestations a été réduit à 15 000 sur 11 départements et pour un budget
de 30 M€. Le prix unitaire moyen s’élevait à 8 300 € (dont 300 € par mois
sur six mois au titre du versement d’une allocation au bénéficiaire et
environ 1 000 € d’aides matérielles pour le financement de formations ou
de matériel professionnel).
Comme pour les marchés de sous-traitance conclus par Pôle
emploi, la rémunération des prestataires a été pour partie fonction des
résultats et scindée en trois phases (entrée en prestation / conclusion d’un
contrat d’une durée au moins égale à six mois / maintien dans l’emploi
pendant au moins six mois). La part fixe a été particulièrement réduite
pour le dispositif d’accompagnement des jeunes diplômés (25 % / 40 % /
35 %) par rapport aux jeunes en contrat d’autonomie (40 % / 35 % /
25 %).
L’actualité récente a mis en évidence les risques de fraude sur ce
type de dispositifs : en particulier, un prestataire en difficulté, également
prestataire de Pôle emploi, a majoré les résultats obtenus en Seine-Saint-
Denis grâce à des attestations fictives, et a ainsi perçu des paiements
contractuellement non justifiés.
Pour l’ensemble des marchés de sous-traitance de prestations
d’accompagnement et de placement, la direction générale a défini la
forme et la durée retenues, l’allotissement technique, la forme des prix et
les modalités de paiement. Elle a également rédigé les cahiers des charges
fonctionnels et techniques en précisant l’objectif des prestations, leur
contenu, leur durée de réalisation, le public concerné, les résultats
donnant lieu à un paiement à la performance (définition des sorties dites
« positives »), les moyens et les compétences devant être mis en oeuvre
par les prestataires, ainsi que le suivi d’activité et de résultats attendu par
Pôle emploi (définition des « livrables » et des justificatifs déclenchant le
paiement). La pondération des critères relatifs à l’offre technique et à
l’offre tarifaire a également été déterminée par la direction générale. Pour
les marchés dits « opérateurs privés de placement », la procédure de
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
39
consultation a été menée directement par la direction générale, tandis que
les marchés dits « prestations aux demandeurs d’emploi » ont été conclus
par les 26 directions régionales de l’opérateur public, qui ont chacune mis
en place une commission des marchés.
En dehors de l’accompagnement des licenciés économiques
(prestation
LEC
, puis
LIC
), des cadres (prestation
Atouts cadres
) et des
chômeurs de longue durée (prestation
TRA
20
), les directions régionales ont
défini l’allotissement géographique, les lieux d’exécution obligatoires et
facultatifs, ainsi que le nombre minimal et le nombre maximal de
bénéficiaires susceptibles d’être pris en charge par an pour chaque lot.
Pour certaines prestations, elles ont également eu la possibilité de mettre
en oeuvre une stratégie régionale en affinant les publics éligibles décrits
dans les cahiers des charges. L’examen des offres, le choix des titulaires
des marchés, l’animation de la mise en oeuvre des dispositifs de suivi et
de pilotage, le contrôle des engagements contractuels et la régulation des
flux sont assurés au niveau régional pour ces prestations. Un suivi
régional, notamment des flux, existe aussi pour les marchés nationaux.
2 - Une offre de services sous-traitée
complétée progressivement
entre 2008 et 2011 et renouvelée en 2012
Sur la période 2008-2011, plusieurs procédures de marchés ont été
menées pour compléter l’offre de services sous-traitée (cf. prestation
Atouts Cadres en 2010 par exemple) et renouveler les marchés existants.
À cette occasion, le périmètre des compétences respectives de la
direction générale et des directions régionales a évolué : le marché de
prestations aux demandeurs d’emploi faisant suite à celui qui avait été
passé
en
2008
a
désormais
compris
des
prestations
longues
d’accompagnement (notamment
Trajectoire vers l’emploi
, qui sort des
marchés dits « opérateurs privés de placement » et devient
TVE
), sans
remise en cause du principe de rémunération à la performance. Il en est
allé de même pour la prestation
Objectif emploi
, qui correspondait pour
partie à la prestation
Cible emploi
existant dans le marché de 2008. Le
renouvellement du marché de prestations aux demandeurs d’emploi n’a
20
Le marché
TVE
, qui a fait suite début 2012 au marché
TRA
, a été délégué aux
directions régionales et intégré aux marchés dits de « prestations aux demandeurs
d’emploi ».
40
COUR DES COMPTES
donné lieu qu’à des ajustements mineurs des cahiers des charges, et, plus
fondamentalement, a permis d’étoffer l’offre relative à l’orientation.
Le tableau suivant retrace les étapes de mise en place des
principales prestations d’accompagnement sous-traitées :
Tableau n° 4 :
procédures de marchés relatives aux principales
prestations sous-traitées
Date d’entrée
en vigueur
Prestations
Publics bénéficiaires
Mai 2008
Prestations courtes de méthodes, d’évaluation et
d’orientation + Cible emploi (3 mois)
Tous publics
Septembre 2009
LEC (12 mois)
Licenciés économiques
Trajectoire emploi - TRA (6 mois)
Publics éloignés de l’emploi
Juin 2010
Atouts Cadres
(9 mois)
Cadres
Mobilisation vers l’emploi –
MOV
(6 mois)
Publics présentant des difficultés
d’ordre social et personnel
Février 2012
Prestations courtes de méthodes, d’évaluation et
d’orientation
+ Du diplôme à l’emploi –
DIP
(3 mois)
+
Objectif emploi
*(3 mois)
+ Trajectoire vers l’emploi –
TVE
(6 mois)
Tous publics
Jeunes diplômés
Publics peu éloignés de l’emploi
Demandeurs d’emploi de longue durée
Juillet 2012
LIC
(12 mois)
Licenciés économiques
L’offre de services externalisée actuellement en vigueur résulte
donc principalement des marchés qui ont pris effet courant 2012.
La durée initiale des marchés est variable de même que leur
possibilité de renouvellement. Avant 2012, les marchés étaient conclus
pour une durée de deux ans, renouvelables une ou deux fois pour une
période d’un an selon les cas. Le marché de prestations aux demandeurs
d’emploi entré en vigueur le 1
er
février 2012 a été conclu pour une durée
de trois ans, avec une possibilité de renouvellement d’une fois un an. Le
terme du marché de prestations au bénéfice des licenciés économiques
entré en vigueur en juillet 2012 a été porté au 31 décembre 2013, terme
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
41
initial de la convention relative au CSP : il est renouvelable deux fois
pour une durée d’un an.
B - Un processus de sélection et un contrôle qualité
insuffisamment performants
La qualité des prestations délivrées par les prestataires n’a pas fait
l’objet d’une attention suffisante de la part de Pôle emploi.
En amont, la rédaction de cahiers des charges très précis sur les
conditions de réalisation des prestations au bénéfice des demandeurs
d’emploi a davantage visé à garantir l’égalité de traitement des
demandeurs d’emploi sur le territoire qu’à assurer la qualité des
prestations délivrées, ce qui n’a pas permis de développer une capacité
d’innovation dans les méthodes d’accompagnement, particulièrement
utile dans une démarche de personnalisation des services rendus aux
demandeurs d’emploi.
En aval, le contrôle qualité a porté sur le respect formel des
obligations incluses dans les cahiers des charges, la rémunération à la
performance étant considérée comme une incitation suffisante à
l’efficacité. Cependant, au regard des « risques de
parking
»
21
qui peuvent
résulter d’incitations financières mal calibrées ou d’un ciblage insuffisant
des publics adressés aux opérateurs privés, l’observation des pratiques
des prestataires aurait dû être développée autrement que par la seule
analyse des livrables. Les risques croissants de défaillance des opérateurs
constituaient en outre un argument supplémentaire pour mieux s’assurer
de la qualité des prestations.
La durée des marchés n’a pas non plus favorisé l’amélioration de
la qualité : l’évaluation
22
des résultats obtenus par les prestataires privés
pour les prestations
TRA
et
LEC
a souligné que la durée initiale des
21
Le « risque de
parking
»
correspond à la tentation pour le prestataire de concentrer
ses efforts sur les demandeurs d’emploi dont la probabilité de retour à l’emploi est la
plus forte pour maximiser sa rémunération et de délaisser les demandeurs d’emploi les
plus éloignés du marché du travail.
22
Cf. « L’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi : évaluation du recours
aux opérateurs privés par Pôle emploi de 2009 à 2011 »,
Les Cahiers n° 15 – Etudes,
Pôle emploi, janvier 2013.
42
COUR DES COMPTES
marchés (deux ans) était insuffisante pour permettre la montée en
compétence des consultants employés par les opérateurs ainsi que la
capitalisation des savoir-faire : les effets d’apprentissage n’avaient pas le
temps de se déployer pour jouer pleinement sur la qualité des prestations
délivrées. À l’étranger, la durée moyenne des marchés est plutôt de
l’ordre de quatre à cinq ans.
1 - Une sélection opérée essentiellement par les prix
Trois difficultés majeures ont été relevées dans la mise en oeuvre
de la procédure des marchés : l’insuffisance de l’évaluation préalable de
la capacité opérationnelle des candidats, le caractère trop précis et
contraignant des cahiers des charges techniques et fonctionnels et le
caractère déterminant de l’offre tarifaire dans la sélection des
attributaires.
a)
La capacité opérationnelle et technique
Sous réserve de leur recevabilité, l’opérateur public analyse les
candidatures sur la base de la déclaration relative à leur capacité
financière, technique et professionnelle, puis examine les offres technique
et tarifaire.
Mais la capacité opérationnelle des candidats est parfois
théorique,
puisque d’un marché à l’autre, les prestataires peuvent être amenés à
fermer des locaux pour en louer d’autres dans des régions différentes dans
lesquelles ils ne sont pas déjà implantés et à recruter des personnels
spécifiquement pour l’exécution des marchés passés avec Pôle emploi.
Les recrutements et locations de locaux se faisant après l’attribution des
marchés, le délai pour mettre en place les moyens nécessaires à
l’exécution des prestations peut s’avérer insuffisant pour garantir le
démarrage de la prestation dans des conditions satisfaisantes si le
prestataire n’a pas été suffisamment diligent ou s’il s’est heurté à des
difficultés particulières (disponibilité de locaux, par exemple).
b)
Des cahiers des charges très prescriptifs
Les marchés de sous-traitance de Pôle emploi sont atypiques : alors
que la part variable de la rémunération est importante (plus de la moitié
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
43
de la rémunération versée aux prestataires
23
pour la plupart des marchés),
la précision des cahiers des charges laisse peu de marges de manoeuvre
aux opérateurs pour optimiser leurs performances ; l’opérateur public se
prive ainsi de la possibilité d’observer le développement de pratiques
innovantes qu’il pourrait ultérieurement déployer lui-même.
Les obligations contenues dans les cahiers des charges sont très
détaillées : elles portent, par exemple, non seulement sur le nombre
d’entretiens entre le demandeur d’emploi et le consultant, mais sur leur
fréquence au cours de chacune des phases de la prestation et sur le
caractère individuel ou collectif des contacts avec les demandeurs
d’emploi. De même, les moyens matériels mis à disposition du
demandeur d’emploi et les méthodes à mettre en oeuvre par le prestataire,
ainsi que le profil de l’équipe d’intervenants sont très précisément décrits
dans les cahiers des charges techniques et fonctionnels. Cette précision
des exigences de l’opérateur public est souvent considérée par les
prestataires privés, à plusieurs titres, comme un frein à l’efficacité.
L’évaluation des résultats obtenus par les opérateurs privés
24
pour les
prestations
TRA
et
LEC
a en outre mis en évidence deux constats :
-
d’une part, la volonté de déployer une offre de services strictement
homogène
peut
entrer
en
contradiction
avec
l’objectif
de
personnalisation des services rendus aux demandeurs d’emploi ;
-
d’autre part, les opérateurs privés dont les pratiques se rapprochent le
plus de celles de Pôle emploi ne sont pas forcément ceux qui
obtiennent les meilleurs résultats.
Enfin, bien que le cahier des charges soit très précis sur le profil
des demandeurs d’emploi concerné par chaque prestation, les prestataires
(et les évaluations) ont constaté que, pour la prestation
Objectif emploi
, le
public adressé par l’opérateur public était différent de celui qui était prévu
par le cahier des charges : d’une durée de trois mois, la prestation
Objectif
emploi
est normalement destinée à des publics qui ne sont pas éloignés de
l’emploi, alors que les prestataires ont été confrontés à des publics
présentant davantage de risques de chômage de longue durée.
23
La part de la rémunération variable peut cependant être plus élevée à l’étranger (au
Royaume-Uni notamment).
24
Cf. « L’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi : évaluation du recours
aux opérateurs privés par Pôle emploi de 2009 à 2011 »,
Les Cahiers n° 15 – Études,
Pôle emploi, janvier 2013.
44
COUR DES COMPTES
c)
Le poids de l’offre tarifaire
Formellement, dans les critères de sélection des attributaires, le
poids de l’appréciation de l’offre technique (70 % pour
LIC
,
Objectif
emploi
et
TVE
, 60 % pour
MOV
et
Atouts Cadres
) est plus important que
celui de l’offre tarifaire, qui est exprimée en montant unitaire par
bénéficiaire pris en charge. Toutefois, la volonté de normer précisément
le contenu des prestations sous-traitées a limité les possibilités de
différenciation des offres techniques. Le prix apparaît alors, de fait et en
dépit d’une pondération minoritaire, comme le critère déterminant dans le
choix de l’attributaire du marché. Ce constat vaut particulièrement pour
les prestations
Objectif emploi
et
Trajectoire vers l’emploi (TVE)
25
pour
lesquelles la moyenne des offres tarifaires des attributaires a même été
inférieure à l’estimation basse de Pôle emploi.
2 - Un grand nombre de lots et d’attributaires
Afin d’obtenir un maillage relativement fin du territoire, Pôle
emploi a procédé à un allotissement des marchés sur une base
géographique et, au sein de chaque lot, a défini des lieux d’exécution
obligatoires et facultatifs. Pour satisfaire à cette exigence, 95 % des
opérateurs ont répondu aux appels d’offres dans le cadre de groupements
comprenant un mandataire et des sous-traitants et/ou des cotraitants
26
.
Cette organisation a permis à certains prestataires d’être présents sur un
grand nombre de lots et de régions (les attributaires des marchés de
prestations d’accompagnement et de placement effectuent aussi le plus
souvent des prestations de méthodes et d’orientation, voire d’évaluation
ou d’appui à la création et à la reprise d’entreprise).
25
Pour la prestation
LIC
, le cahier des charges moins prescriptif a permis de donner
un poids réel plus important à l’offre technique. Alors que la moyenne des notes
techniques obtenues par les candidats ayant présenté des offres recevables était de
11,7 sur 20, celle des candidats admis à négocier s’est élevée à 14,8 et celle des
attributaires à 16,2. Sur les 27 attributaires, seuls quatre ne présentaient pas la
meilleure note technique des lots pour lesquels ils ont été retenus. La dispersion des
notes était moins forte sur l’offre tarifaire que sur l’offre technique.
26
L’organisation en groupements présente le risque de favoriser l’existence d’ententes
locales entre les prestataires. Compte tenu du contexte concurrentiel, Pôle emploi a
considéré que ce risque pouvait être limité en interdisant à un même organisme d’être
mandataire de plus d’un groupement sur un même lot de la consultation.
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
45
Certaines entreprises sont très largement implantées sur le territoire
(jusqu’à 18 régions), tandis que d’autres sont des prestataires régionaux
concentrant leur activité sur un petit nombre de prestations. En moyenne,
les prestataires réalisent neuf prestations différentes dans huit régions, la
moitié des prestataires ayant opté pour une large diversification de leurs
activités dans le cadre des marchés de Pôle emploi, l’autre moitié se
concentrant au contraire sur un nombre de prestations plus restreint.
L’incertitude quant à l’issue de la procédure de consultation incite
la plupart des prestataires de grande taille à postuler sur un grand nombre
de lots afin de maximiser les chances d’être retenus et de limiter toute
perte d’activité. En agissant ainsi, les opérateurs peuvent être amenés à
procéder à des réductions d’effectifs importants dans certaines régions, et
de manière concomitante à ouvrir des sites nouveaux et à recruter des
collaborateurs dans d’autres régions. En effet, l’implantation régionale
n’est pas un critère d’attribution des lots. Selon certains opérateurs, le
soutien à la motivation des demandeurs d’emploi et l’apprentissage des
techniques de recherche d’emploi (ciblage des entreprises à contacter,
valorisation de leur candidature…) seraient plus déterminants que le
nombre
d’offres
d’emploi
présentées
aux
demandeurs
d’emploi
accompagnés.
En 2012, l’ensemble des prestations à destination des demandeurs
d’emploi (méthode, évaluation, orientation, accompagnement) était
couvert par 1 317 marchés nationaux et régionaux attribués à 316
titulaires. En fonction de la géographie et de l’économie des territoires, la
densité régionale en marchés peut être très variable :
46
COUR DES COMPTES
Carte n° 1 :
répartition régionale des marchés de sous-traitance
Source :
Pôle emploi
Il semble étonnant que le nombre de marchés passés en Corse soit
aussi important qu’en Rhône-Alpes ou en Nord-Pas-de-Calais ou, qu’à
l’inverse, il soit du même ordre en Provence-Alpes-Côte d’Azur que dans
le Limousin, c‘est-à-dire deux fois moindre qu’en Rhône-Alpes. Le
nombre de marchés en vigueur en Haute-Normandie est deux fois plus
important qu’en Basse-Normandie, la somme des deux régions étant
égale au nombre de marchés passés en Île-de-France.
Le nombre de prestataires est variable d’une région à l’autre et
selon les prestations. Certaines régions ont recours à un nombre de
prestataires très importants, comme l’illustrent les deux exemples
suivants :
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
47
-
Haute-Normandie : 10 intervenants pour
LIC
, 15 pour
MOV
, 26 pour
Objectif emploi
et 19 pour
TVE
;
-
Midi-Pyrénées : 9 intervenants pour
Atouts Cadres
, 6 pour
LIC
, 30
pour
MOV
, 41 pour
Objectif emploi
et 41 pour
TVE
.
Le nombre d’intervenants est proportionnellement moins élevé
dans les grandes régions et notamment en Île-de-France (13 intervenants
pour
Atouts Cadres
, 8 pour
LIC
, 35 pour
MOV
, 14 pour
Objectif emploi
et
13 pour
TVE)
.
Selon Pôle emploi, cette situation se justifie par les contextes
régionaux (couverture du territoire par les prestations, réseau des
transports à disposition des demandeurs d’emploi).
Bien que le nombre d’attributaires des marchés soit élevé (316), la
moitié du chiffre d’affaires des prestations sous-traitées était concentrée
en 2012 sur 21 prestataires, l’écart des parts de marché allant de 1 à 10
entre 1
er
et le 21
ème
. La concentration est légèrement plus élevée pour les
seules prestations d’accompagnement
(cf. annexe n° 6)
.
Afin de limiter le nombre d’interlocuteurs directs, Pôle emploi a
souhaité dans un premier temps limiter ses contacts au seul mandataire du
marché, qui représente le groupement vis-à-vis de l’opérateur public.
Mais les difficultés opérationnelles rencontrées ont souvent conduit à
élargir le cercle des interlocuteurs. Le nombre de marchés et de
prestataires induit une très lourde charge administrative pour Pôle emploi
au détriment du pilotage opérationnel. Face à cette situation, d’autres
pays ont réorganisé leurs modalités de recours à la sous-traitance, ce qui
n’a pas été le cas en France
27
.
3 - Un contrôle de nature trop administrative
Le contrôle des prestataires repose essentiellement sur l’analyse
des « livrables », contractuellement définis, qui résument à différentes
phases de la prestation les objectifs visés, les actions mises en oeuvre et
les résultats obtenus. Les livrables, qui comportent également la feuille
d'émargement signée par les demandeurs d’emploi, attestent du service
27
Cf. les exemples étrangers cités au point II du chapitre II.
48
COUR DES COMPTES
fait pour déclencher le paiement et permettent à Pôle emploi de vérifier,
par exemple, que le cadencement des entretiens prévus par le cahier des
charges a bien été respecté.
Bien qu’un effort de numérisation des livrables ait été fait pour
assurer leur mise à disposition sur le poste de travail du conseiller
concerné, le parcours d’accompagnement réalisé par les opérateurs privés
n’est pas intégré de manière pratique au dossier informatisé du
demandeur d’emploi, alors que le conseiller doit réaliser un entretien de
bilan de la prestation lorsque le demandeur d’emploi n’a pas retrouvé
d’emploi à son terme.
Au regard de l’exploitation faite par Pôle emploi des bilans actuels
(intermédiaires et de fin de prestations), comme du temps consacré par les
consultants à l’élaboration exhaustive des livrables, la question est posée
de l’efficacité de ces outils du point de vue du contrôle de la qualité des
prestations délivrées.
En effet, les contrôles effectués par Pôle emploi sont davantage
centrés sur la bonne exécution des prestations par rapport aux
prescriptions des cahiers des charges que sur la qualité des prestations
délivrées. L’existence de tableaux de bord mensuels permettant de suivre
l’activité et les résultats, la vérification de la conformité des locaux et du
rythme des contacts établis entre les consultants et les demandeurs
d’emploi, l’examen des qualifications professionnelles des intervenants et
le déclenchement de contrôles ciblés en cas de plaintes de bénéficiaires ne
suffisent pas, à eux seuls, à s’assurer de la qualité des prestations.
L’instruction interne relative à la mise en oeuvre des marchés 2012
visait à développer le contrôle qualité, mais celui-ci est demeuré
hétérogène entre les régions et souvent cantonné à l’analyse des
procédures. Des avancées ont été constatées sur deux points en 2013 :
-
d’une part, la direction générale a souhaité la mise en place d’enquêtes
de satisfaction auprès des bénéficiaires des prestations externalisées :
cette démarche avait été anticipée par certaines directions régionales ;
-
d’autre part, en juillet 2013, la direction générale a mis en place un
questionnaire destiné aux directions régionales pour améliorer le suivi
qualitatif des principaux fournisseurs.
De manière plus ponctuelle, certaines régions ont pris des
initiatives en mettant en place un correspondant qualité au sein des
agences locales, chargé de la vérification de l’exécution de chaque
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
49
prestation, de la communication des anomalies à la direction régionale, ou
encore de l’organisation des temps d’échanges entre les agences locales et
les prestataires.
Mais de manière générale, l’importance des tâches de gestion de la
sous-traitance et les difficultés initiales liées au processus de facturation
28
ont focalisé l’attention sur l’organisation de la gestion administrative des
prestations. Celle-ci a été nettement améliorée avec la mise en place de
plateformes régionales qui ont notamment déchargé les agences de la
gestion des lettres de commande. Mais, depuis cette régionalisation des
relations contractuelles, les agences ont conservé peu d’échanges directs
avec les opérateurs qui auraient pourtant contribué à une meilleure
appréciation de la qualité des prestations délivrées et sans doute à une
meilleure gestion des flux, la prescription des prestations se faisant en
agence.
À l’étranger, on observe des dispositifs plus précis d’évaluation de
la qualité. En
Australie
par exemple, où le demandeur d’emploi peut
choisir son prestataire, il existe un système d’évaluation et de notation
(
star ratings
) dont les résultats sont régulièrement actualisés et mis à
disposition des demandeurs d’emploi.
Le système australien
L’évaluation est une démarche centrale dans le système australien
de recours aux opérateurs privés. Ceux-ci sont évalués tous les six mois
sur leurs performances dans l'accompagnement des chômeurs. Le système
des
star ratings
tient compte de la situation du marché du travail et des
caractéristiques des demandeurs d'emploi. Il publie les performances
comparées des différents opérateurs sur chaque site. L’objectif est
d'améliorer l'information des demandeurs d'emploi et ainsi de les guider
dans leur choix d'un opérateur.
Le contrôle des prestataires repose sur des « indicateurs clés de
performances » qui mesurent :
- le taux de retour à l’emploi ;
- les performances comparées entre opérateurs en termes de délai
de retour à l’emploi ;
- la qualité de la prestation délivrée (organisation et implication du
prestataire).
28
Plus d’un million de factures par an à traiter (pour l’ensemble des prestations).
50
COUR DES COMPTES
Lorsque ces indicateurs clés ne sont pas satisfaisants, un contrat
peut ne pas être reconduit.
Le renforcement du contrôle qualité sur les prestataires fait partie
des principes validés par le conseil d’administration de Pôle emploi en
février 2014 pour la mise en oeuvre des prochains marchés de prestations
d’accompagnement et de placement.
Les moyens nécessaires au renforcement du contrôle de la qualité
en contrepartie de l’allègement des cahiers des charges font encore l’objet
de réflexion à Pôle emploi.
C - Un déséquilibre économique des marchés
compromettant la poursuite de certaines prestations
La structure de la rémunération des prestataires présente une
particularité dans les marchés de prestations d’accompagnement et de
placement : elle comporte une part variable en fonction des résultats, très
importante pour la plupart des marchés (50 % à 60 % de la rémunération
totale).
Pour les opérateurs, le risque économique n’est pas limité à la mise
en concurrence lors du renouvellement des marchés : il existe également
en cours de marché si l’offre tarifaire du prestataire est fondée sur des
hypothèses de flux et de taux de reclassement erronées.
En effet, la rémunération est très sensible à deux facteurs :
-
les flux effectivement pris en charge, qui sont eux-mêmes déterminés
par la prescription réalisée par les conseillers de Pôle emploi et
l’adhésion des demandeurs d’emploi au démarrage et au cours de la
prestation ;
-
le dynamisme économique du bassin d’emploi qui conditionne pour
une part le taux de reclassement des demandeurs d’emploi, compte
tenu de leur faible mobilité ;
À ces facteurs, s’ajoute la capacité du prestataire à apporter les
justifications complètes nécessaires à Pôle emploi pour procéder au
paiement de la totalité de la rémunération.
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
51
1 - Des prix fondés sur des hypothèses de reclassement trop
optimistes et tirés vers le bas par la concurrence
La rémunération des prestataires est fondée sur un paiement à
l’unité pour chaque demandeur d’emploi pris en charge, alliant une base
fixe et un paiement aux résultats pouvant aller jusqu’à 60 % de la
rémunération individuelle totale. Le paiement aux résultats
29
intervient en
cas de « sortie positive » (reprise d’emploi durable) et de maintien dans
l’emploi.
L’offre tarifaire est généralement construite par les candidats en
trois temps :
-
construction d’un prix économiquement cohérent avec le contenu du
cahier des charges ;
-
ajustement du prix en fonction de la taille du lot, des moyens à mettre
en oeuvre au regard du contexte géographique (nombre de lieux à
couvrir, structure du groupement, périmètre d’intervention) et du
contexte économique de la zone géographique ;
-
réajustement du prix en fonction du contexte concurrentiel.
Cette troisième phase peut conduire à situer l’offre tarifaire en-
deçà du minimum nécessaire à la réalisation du cahier des charges dans
des conditions normales. La stratégie de conservation ou de conquête de
parts de marché a ainsi pu conduire certains prestataires à négliger la
réalité économique ou à étayer leurs propositions tarifaires par des
hypothèses trop optimistes sur la reprise économique et par conséquent
sur leurs performances en termes de reclassement
30
. D’autres au contraire,
jugeant la baisse des prix excessive, ont préféré ne pas se porter candidat
lors du renouvellement des marchés ou concentrer leur activité sur des
segments jugés moins concurrentiels.
29
La rémunération à la performance existait déjà dans le cadre des expérimentations
menées par l’Unédic et dans le premier marché passé en 2008 par l’ANPE pour la
prestation
Cible emploi.
30
Au cours de la période, certains opérateurs ont tenté de bénéficier d’un régime très
favorable de TVA pour baisser artificiellement leurs prix. Il a été toutefois été précisé
que les exonérations de TVA étaient réservées aux prestations de services au bénéfice
des publics en difficulté sociale et professionnelle (prestation
MOV
), à l’exclusion des
autres prestations d’insertion professionnelle.
52
COUR DES COMPTES
La question du juste prix s’est particulièrement posée pour les
prestations
Objectif vers l’emploi
(OE)
et
Trajectoire vers l’emploi (TVE)
qui regroupent, ensemble, les flux de demandeurs d’emploi les plus
importants. Le bilan des contrats conclus par les directions régionales
dans le cadre du marché 2012 fait apparaître que l’offre tarifaire moyenne
retenue après négociation (prix pondéré des attributaires) pour ces deux
prestations a été inférieure à l’estimation basse réalisée par les services de
Pôle emploi. La prestation
LIC
, sur laquelle s’est concentré le plus gros
prestataire de Pôle emploi pour l’accompagnement, est la seule pour
laquelle le prix moyen pondéré des attributaires a été supérieur à
l’évaluation basse.
Tableau n° 5 :
offres tarifaires retenues
Prestation
Analyse de la valeur
par Pôle emploi
Prix moyen
pondéré des
offres
recevables
Prix moyen
pondéré des
attributaires
Hypothèse
basse
Hypothèse
haute
OE (3 mois)
978 €
1 342 €
1 117 €
944 €
TVE (6 mois)
1 473 €
2 062 €
1 654 €
1 339 €
LIC (12 mois)
2 127 €
3 078 €
2 330 €
2 285 €
Source : Pôle emploi
La baisse des prix constatée depuis la mise en place des appels
d’offres en 2008, conjuguée à un flux de demandeurs d’emploi
irrégulier
et plus faible que prévu, a provoqué une fragilisation du secteur et a sans
doute conduit les prestataires à une adaptation à la baisse des moyens
alloués
à
la
réalisation
des
missions.
En
particulier,
lorsque
l’accompagnement des demandeurs d’emploi ne peut être mutualisé avec
d’autres activités de reclassement, certains prestataires font appel à des
consultants recrutés en contrats à durée déterminée et à faible expérience.
Mise en oeuvre mi-2011, la procédure de renouvellement des
marchés de prestations à destination des demandeurs d’emploi et des
licenciés économiques est en outre intervenue à un moment où la
conjoncture économique connaissait une amélioration qui a également pu
fausser les anticipations des prestataires.
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
53
Certains opérateurs estiment en conséquence que, pour des
prestations comme
TVE
, le coût horaire minimal pour effectuer une
prestation de qualité est aujourd’hui loin d’être couvert par les prix
pratiqués.
2 - Des flux de demandeurs d’emploi irréguliers et inférieurs aux
prévisions, qui accentuent les difficultés d’organisation
Une difficulté majeure et récurrente dans la mise en oeuvre des
marchés de sous-traitance concerne la régulation des flux. L’articulation
entre la liberté d’appréciation des conseillers et les nécessités d’une
régulation plus globale n’est pas non plus satisfaisante.
a)
Des flux irréguliers et inférieurs aux prévisions
Les marchés conclus entre l’opérateur public et ses sous-traitants
comportent un encadrement quantitatif des flux de demandeurs d’emploi
susceptibles d’être orientés par les conseillers de Pôle emploi vers les
prestataires. Le volume plafond représente de l’ordre de deux fois et demi
le volume plancher pour couvrir le risque d’une fluctuation importante de
la conjoncture sur la zone géographique concernée.
L’élaboration de l’offre tarifaire des candidats se fonde sur une
hypothèse de flux qui, selon le degré de prudence du prestataire, peut
correspondre aux seuils minimaux ou à des flux moyens, voire au-delà si
une dégradation de la conjoncture est anticipée.
Mais, pour un prestataire, au-delà de l’aléa des flux lié à la
conjoncture économique elle-même, plusieurs facteurs peuvent influer sur
le nombre de demandeurs d’emploi à accompagner en un lieu donné : la
charge de travail des conseillers en agence, leurs pratiques de prescription
d’une prestation sous-traitée, le taux d’adhésion des demandeurs d’emploi
à la prestation proposée
31
.
31
Les demandeurs d’emploi ont la possibilité de refuser un accompagnement sous-
traité, qui parfois ne leur est proposé que par courrier.
54
COUR DES COMPTES
En moyenne, le processus de prescription aboutit à une prestation
effectivement réalisée dans seulement un peu plus de 60 % des
propositions (69 % pour les cadres).
Par la suite, le taux d’abandon par le demandeur d’emploi en cours
de prestation varie fortement selon le public concerné. En partie dû à des
changements de situation du demandeur d’emploi (cessation d’inscription
sur la liste des demandeurs d’emploi, déménagement…), ce taux peut
varier de 10 % (cadres) à 40 % (demandeurs d’emploi éloignés de
l’emploi et/ou présentant des « freins périphériques à l’emploi »).
L’existence d’un nombre minimum et d’un nombre maximum de
demandeurs d’emploi susceptibles d’être pris en charge pour chaque lot a
normalement pour objet de donner de la visibilité à deux ou trois ans aux
opérateurs et de leur permettre d’adapter le dimensionnement de leurs
structures d’accueil et de leurs effectifs de consultants. Mais la gestion
des flux par Pôle emploi apparaît souvent insuffisamment prévisible pour
les
opérateurs.
Ceux-ci sont en effet confrontés à une double difficulté. D’une
part, le rythme des orientations de demandeurs d’emploi par Pôle emploi
vers les opérateurs privés connaît des fluctuations importantes sans que
l’on puisse dégager un facteur de saisonnalité ou toute autre explication
pour des variations très différentes d’un territoire à l’autre. D’autre part,
les flux de demandeurs d’emploi orientés vers les opérateurs privés
peuvent s’avérer, selon les prestations et les régions, très inférieurs aux
anticipations des opérateurs fondées sur les fourchettes de flux minimal et
maximal figurant au cahier des charges des prestations.
Sur l’ensemble des prestations de services aux demandeurs
d’emploi incluses dans les marchés entrés en vigueur au 1
er
février 2012
32
,
le nombre de prestations engagées en 2012 a ainsi représenté seulement
69 % du volume moyen prévu, avec des disparités régionales importantes
(
cf. carte page suivante)
.
Si certaines régions dépassent le flux moyen prévu, comme le
Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées ou la Guadeloupe, d’autres atteignent
à peine la moitié de celui-ci (Bretagne, Bourgogne, Poitou-Charentes,
Haute-Normandie, Picardie, Alsace, Réunion). Un tel écart des pratiques
32
Prestations courtes et longues.
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
55
peut être délicat à prendre en compte dans les anticipations des
opérateurs, notamment pour ceux qui sont présents dans de nombreuses
régions.
Carte n° 2 :
nombre de prestations effectivement engagées par
rapport au nombre moyen de prestations prévu par les marchés pour
2012
Source : Pôle emploi (OLIMP)
En outre, pour certaines prestations et dans certaines régions, Pôle
emploi ne respecte pas le nombre minimum de demandeurs d’emploi
devant être orientés vers les prestataires, élément pourtant déterminant de
l’équilibre économique du marché.
56
COUR DES COMPTES
À titre d’exemple, environ 20 % des 136 marchés
MOV
sont
caractérisés par ce phénomène, en première comme en deuxième période
d’exécution contractuelle. D’une période à l’autre, les régions concernées
sont restées les mêmes : les difficultés observées dès l’origine n’ont donc
pas été réglées.
En sens inverse, lorsque les volumes minimaux sont atteints, c’est
parfois au prix d’une accélération brutale du nombre de demandeurs
d’emploi orientés vers les opérateurs privés, en décalage avec les
capacités d’accueil des opérateurs. L’imprévisibilité des flux est ainsi
illustrée dans l’annexe n° 5 par la situation d’un opérateur en Île-de-
France sur la période des marchés en cours (2012 à fin 2013) pour trois
prestations.
Non seulement les flux sont souvent irréguliers et insuffisamment
calés sur les minima prévus par les marchés, mais il existe des lieux
d’exécution des prestations obligatoires, imposés dans les cahiers des
charges, qui ne reçoivent que très peu de demandeurs d’emploi et pour
lesquels la rémunération reçue ne couvre pas les coûts fixes, notamment
ceux qui sont liés aux locaux.
Afin de préserver de bonnes relations avec leur principal client,
Pôle emploi, les titulaires des marchés pour lesquels le nombre minimum
de demandeurs d’emploi à prendre en charge n’est pas respecté ne
réclament
pas
d’indemnités.
En
l’absence
d’indemnisation
des
prestataires,
Pôle
emploi
ne
s’est
pas
considéré
comme
étant
effectivement soumis à l’obligation de respecter les seuils minimaux ou
de conclure un avenant au contrat, par exemple pour fermer les sites dont
la fréquentation est très insuffisante.
Dans ces conditions, une étude qualitative confiée au cabinet Geste
sur les conditions de mise en oeuvre des marchés conclus en 2009 dans
huit régions a mis en évidence
« une maîtrise des coûts parfois délicate
»
pour les opérateurs privés de placement
:
« Pour répondre aux appels d’offres et déterminer leur seuil de
rentabilité, [les opérateurs privés de placement] se sont en général calés
sur des seuils médians (entre seuils minimum et maximum du marché).
Ceci a pu, en raison des régulations budgétaires relatives au dispositif
TRA, et du volume plus réduit qu’attendu des licenciements économiques
pour LEC, susciter des difficultés pour certains [opérateurs].
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
57
Bien que l’évaluation ne permette pas de disposer de données très
précises sur ce sujet, il semble que dans la grande majorité des cas, la
facturation par les [opérateurs] n’a pu porter que sur les deux premiers
versements prévus par les marchés, le troisième attaché à la preuve d’une
insertion dans un emploi d’au moins six mois étant nettement plus rare.
L’équilibre économique des prestations a donc dû s’établir le plus
souvent sur la base de 75 % des financements prévus ».
Dans certaines régions, des efforts importants ont cependant été
faits pour améliorer la régularité des flux et donner ainsi une visibilité
satisfaisante aux prestataires. La mise en place de plateformes de gestion
au niveau régional peut contribuer à cet objectif.
b)
Un pilotage qui manque d’efficacité
Dans le cadre du pilotage des marchés, les directions régionales
ont la possibilité de suivre les flux, le taux d’adhésion, le taux d’abandon,
les sorties dites « positives » et les paiements pour décider, le cas échéant,
d’actions
correctrices.
Mais
force
est
de
constater
que
les
dysfonctionnements relevés dans la gestion des flux dès 2010 n’ont pas
été corrigés, malgré des rappels effectués par la direction générale.
Au niveau national, le montant annuel des paiements effectués au
titre de chacune des prestations n’est pas suivi, pas plus que la structure
des rémunérations des opérateurs entre la part fixe et la part variable. En
raison de la difficulté de leur élaboration, des indicateurs utiles au suivi
du dispositif ne sont pas disponibles régulièrement (par exemple, le taux
d’abandon des prestations par les demandeurs d’emploi). Les alertes
éventuelles
sont
en
pratique
souvent
directement
portées
à
la
connaissance de la direction générale par les prestataires, en particulier
par ceux qui délivrent des prestations dans le cadre de marchés nationaux,
pour lesquels la direction générale organise des comités de pilotage
nationaux.
Depuis juin 2013, la direction générale a construit des indicateurs
et mis en place un suivi des fournisseurs considérés comme étant à risque,
mais la production des indicateurs n’est pas régulière en raison de la
complexité de production. Les marges de progrès relatives au pilotage
demeurent importantes.
58
COUR DES COMPTES
Dans ce cadre, le pilotage des flux s’avère dans l’ensemble
défaillant, sauf pour le dispositif d’accompagnement des licenciés
économiques. Outre le fait que le fonctionnement des marchés de sous-
traitance n’a pas été considéré comme une priorité par l’opérateur public,
un des facteurs expliquant l’inefficacité du pilotage des flux réside dans le
fait que le dialogue avec l’opérateur public s’est déporté des agences
locales vers les directions régionales, sous le double effet de la
régionalisation du processus de sélection des candidats et de la mise en
place de plateformes de gestion.
La tenue de comités de pilotage régionaux ou territoriaux n’a pas
suffisamment corrigé les difficultés rencontrées dans la gestion des flux,
en l’absence d’orientation à portée obligatoire donnée aux conseillers en
matière de prescription. Elle n’a pas conduit non plus à développer les
retours d’expérience, ni les échanges de bonnes pratiques, comme l’a
souligné l’évaluation publiée concernant l’accompagnement externalisé
sur la période 2009-2011
33
.
Cette complexité du pilotage des marchés confiés à des opérateurs
privés est également illustrée, au demeurant, par les comparaisons
internationales :
Le pilotage des marchés à l’étranger
En
Allemagne
, une large place est donnée aux représentants du
secteur des opérateurs privés, avec lesquels l’agence fédérale du travail
(
Bundesagentur für Arbeit)
définit un dispositif d'assurance qualité, c'est-
à-dire des normes minimales portant notamment sur les capacités
financières du prestataire - critère que l'on retrouve également au
Royaume-Uni et en Australie -, sur ses compétences en matière
d'accompagnement ou encore sur sa connaissance du bassin d'emploi
local. Cette charte n'est cependant pas contraignante.
Les flux de demandeurs d'emploi orientés vers les opérateurs privés
ont été particulièrement fluctuants dans les années 2000, ce qui a contraint
le secteur à se réorganiser. En 2004, 635 000 demandeurs d'emploi étaient
concernés par une externalisation ; en 2007, ils n'étaient plus que 245 000,
33
Cf. « L’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi : évaluation du recours
aux opérateurs privés par pôle emploi »,
Les Cahiers Etudes
, n°15, janvier 2013.
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
59
pour remonter à 443 000 en 2008
34
. La gestion effectuée au niveau
régional sans réelles règles de prescription adressées aux conseillers et la
durée des marchés, alors limitée à un an, peuvent être des facteurs
explicatifs de ces fluctuations. Les plus petits opérateurs, plus vulnérables
à ces variations, ont souvent disparu, laissant la place à des monopoles
régionaux au détriment de la compétition et parfois de la qualité des
services
35
.
La situation observée
au Royaume-Uni
illustre également la
difficulté à contrôler les conditions de réalisation de la sous-traitance. Le
Department for Work and Pensions
(DWP)
a ainsi décidé de ne contracter
qu’avec des sous-traitants chefs de file (
prime contractors
) satisfaisant à
des exigences de taille et de capacité (solidité financière comme en
Allemagne et en Australie, capacité à traiter avec d’autres sous-traitants,
notoriété locale, fiabilité du système d’information…). Ces chefs de file
peuvent à leur tour sous-traiter les prestations, et ce, sans véritable
contrôle de la part du
DWP
. En 2008, 1 419 contrats de sous-traitance
avaient ainsi été établis par le
DWP
avec 580 sous-traitants. Il existe
aujourd’hui
18
sous-traitants
principaux,
40
contrats,
mais
855
intervenants, ce qui témoigne de l'existence d'un second marché que le
DWP
ne parvient pas réellement à réguler. Les difficultés opérationnelles
sont récurrentes du fait d’un manque de coordination entre les
jobcentres
et leurs prestataires. Outre le manque de transparence quant à la
qualité
des prestataires de second rang, le partage du risque entre ceux-ci et les
prestataires de premier rang apparaît inégal, notamment en ce qui concerne
l’orientation des chômeurs les plus éloignés de l’emploi, ce qui menace la
viabilité économique du second marché.
L’atomisation du marché de la sous-traitance peut également
résulter de la liberté de choix accordée au demandeur d’emploi, comme
l’illustre le cas des
Pays-Bas
. L’introduction de bons de placement en
2004 a contribué à démultiplier le nombre d’intervenants. Ainsi, les
opérateurs privés étaient au nombre de 100 en 2003, mais de 1 960 en
2007. Sur ce total, 1 500 étaient des entreprises individuelles prenant en
charge entre 10 ou 15 demandeurs d’emploi en moyenne. Une telle
évolution s’explique notamment par le fait que le demandeur d’emploi
peut contacter directement un opérateur avant de passer par le service
public et faire avaliser son choix.
34
Kaps P.,
Public and private placement services during “Germany’s jobs miracle”
,
paper prepared for the International research Conference “the global financial crisis
and new governance of labour market policies”, 2010.
35
Schneider H., « The labour market reform in Germany and its impact on
employment services » in Lilley P. and Hartwich O. (eds)
Paying for Success : How
to make contracting out work in employment services
, 2008.
60
COUR DES COMPTES
3 - Des taux d’abandon très élevés pour certaines prestations
Le niveau de prix retenu lors de l’attribution des marchés et les
flux pris en charge ne sont pas les seuls facteurs à jouer sur la
rémunération globale des prestataires. L’importance du taux d’abandon
des demandeurs d’emploi en cours de prestation, qui conduit à une
absence totale de rémunération ou seulement au paiement d’une fraction
de la part fixe, selon le stade de l’abandon, peut avoir un impact
important sur la rémunération des prestataires. Les taux d’abandon
semblent élevés pour les publics les plus éloignés de l’emploi. Au niveau
national, ce phénomène est estimé par la part des accompagnements qui
ne donnent pas lieu à facturation de la totalité
36
de la part fixe de la
rémunération :
Tableau n° 6 :
part des prestations non facturées en totalité au titre
de la part fixe
Prestation
% de prestations sans facturation totale
de la part fixe
Atouts Cadres
5 %
LIC
4,57 %
MOV
41,56 %
TVE
42,53 %
OE
27,85 %
Périmètre : cohortes entrées en prestation entre le 1
er
janvier et le
31 décembre 2012
Source :
Pôle emploi
Dans la majorité des cas, les motifs d’abandon ne sont pas
explicités par les prestataires. Parmi les motifs signalés à Pôle emploi, les
plus fréquents sont l’état de santé, le manque d’intérêt pour la prestation,
36
Pour les prestations
MOV
,
LIC
et
TVE
, la part fixe est versée en deux fois, quel que
soit le résultat obtenu en matière de retour à l’emploi, sans proratisation de la
rémunération en fonction du temps d’accompagnement réellement effectué. Pour la
prestation
Objectif emploi
, aucune part fixe n’est versée en cas d’abandon du
demandeur d’emploi en cours de prestation.
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
61
des problèmes personnels, un déménagement, ou encore une reprise
d’emploi non comptabilisée comme une « sortie positive ».
4 - L’absence de facturation d’une partie des résultats
La rémunération des opérateurs est divisée en trois parts :
-
la part fixe, qui n’est versée que si le demandeur d’emploi a suivi la
prestation dans son intégralité (sauf en cas de reprise d’emploi avant
le terme de la prestation) ;
-
une première fraction de part variable, qui est versée dès que le
demandeur d’emploi a signé un contrat de travail entrant dans la
catégorie des « sorties positives » ;
-
une seconde fraction de part variable qui n’est versée que si le
maintien dans l’emploi est constaté trois ou six mois après la reprise
d’emploi.
La notion de « sorties positives »
Seul le retour à l’emploi « durable », défini comme un contrat de
travail, à temps plein, d’une durée au moins égale à six mois
37
est
considéré comme une sortie dite « positive », c’est-à-dire permettant le
règlement d’une fraction de la part variable de la rémunération. Selon les
prestations, peuvent s’y ajouter un contrat à temps partiel d’au moins
78 heures par mois (prestations
OE
,
TVE
et
MOV
), un dispositif de
formation
38
préalable à l’embauche sur un contrat de travail d’au moins six
mois (prestations
OE
,
TVE
,
MOV
ou
LIC
à des conditions particulières
39
),
la création ou la reprise d’une entreprise
40
(prestations
TVE
,
Atouts cadres
,
MOV
et
LIC
).
37
La succession de contrats courts d’au moins
six mois dans une période de référence
de sept mois est considérée comme une sortie « positive ».
38
Actions
de
formation
préalables
au
recrutement
(AFPR),
préparations
opérationnelles à l’emploi (POE) et autres dispositifs d’adaptation au poste de travail.
39
Pour les licenciés économiques, sont considérées, par extension, comme sorties
« positives » : une entrée en formation qualifiante ou diplômante d’au moins six mois
prescrite dans un métier qui recrute, ou une entrée en POE en vue d’un contrat d’une
durée d’au moins douze mois ou en AFPR suivie d’un contrat inférieur à douze mois.
40
Hors statut d’auto-entrepreneur.
62
COUR DES COMPTES
Tableau n° 7 :
part variable dans la rémunération des prestataires
Prestation
Publics visés
Modalités de rémunération des prestataires
En cas de reprise d’emploi
En l’absence de reprise d’emploi
MOV
(6 mois)
Publics présentant des
difficultés d’ordre
social et personnel
- 30 % à l’entrée en prestation,
- 60 % à l’issue de la prestation,
- 10 % en cas de maintien dans l’emploi au bout de trois mois
- 30 % à l’entrée en prestation,
- 60 % à l’issue de la prestation,
TVE
(6 mois)
Publics éloignés de
l’emploi
- 30 % à l’issue de la phase d’accompagnement
- 40 % en cas de reprise d’un emploi durable
- 30 % en cas de maintien dans l’emploi au bout de six mois
- 30 % à l’issue de la première
phase d’accompagnement
- 20 % à l’issue de la prestation
OE
(3 mois)
Publics peu éloignés
du marché du travail
- 70 % à l’issue de la prestation
- 30 % en cas de maintien dans l’emploi au bout de six mois
- 40 % à l’issue de la prestation
LIC
(12 mois)
Licenciés
économiques
- 20 % à l’issue de la prestation
- 50 % en cas de reprise d’un emploi durable
- 30 % en cas de maintien dans l’emploi au bout de six mois
- 20 % à l’issue de la première
phase d’accompagnement
- 20 % à l’issue de la prestation
CAD
(9 mois)
Cadres
- 50 % à l’issue de la prestation
- 25 % en cas de reprise d’un emploi durable
- 25 % en cas de maintien dans l’emploi au bout de six mois
- 50 % à l’issue de la prestation
Source : Pôle emploi – contrats conclus avec les prestataires
Les modalités de rémunération sont transposées en cas de création
ou reprise d’entreprise ou d’entrée en formation, lorsque celle-ci est
considérée comme une sortie « positive ». Pour la prestation LIC, les
modalités de rémunération sont modulées en cas d’entrée en formation
qualifiante précédant le retour à l’emploi et selon que l’emploi est
retrouvé pendant la période d’accompagnement de douze mois ou
ultérieurement.
La part variable est importante en France (entre 50 % et 60 %
selon les prestations, qu’elles s’appliquent à des cadres, des licenciés
économiques ou des demandeurs d’emploi en difficulté d’insertion
professionnelle, à l’exception de la prestation
MOV
41
), mais elle est loin
d’atteindre la proportion, qui est critiquée, retenue au Royaume-Uni.
41
qui est destinée à des demandeurs d’emploi en difficulté d’insertion sociale et
professionnelle. La part variable n’est que de 10 % pour les publics présentant des
« freins périphériques au retour à l’emploi » (pour lesquels une entrée en formation
pré-qualifiante ou certifiante est également considérée comme une « sortie positive »).
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
63
La rémunération aux résultats à l’étranger
À l’étranger, la part variable peut être plus importante qu’en France
et
le
prix
des
prestations
davantage
modulé
en
fonction
des
caractéristiques des demandeurs d’emploi, grâce au dispositif de
« profilage ».
Selon le
National Audit Office
42
, la part fixe, correspondant au
paiement lors de l’inscription d’un demandeur d’emploi britannique chez
un opérateur privé ne représente que de 4 à 12 % de la rémunération totale
possible, en fonction des caractéristiques du bénéficiaire.
Non seulement la part variable liée aux résultats est donc très
élevée, mais la contrainte pour bénéficier du paiement de la rémunération
complète est très forte, puisque celui-ci n’est acquis que si le demandeur
d’emploi conserve son emploi pendant deux ans à l’issue de la prestation
d’accompagnement.
Ce mode de rémunération suppose une forte capacité des opérateurs
à disposer de capitaux pour financer leurs opérations
43
. L’efficacité d’une
telle rémunération aux résultats fait l’objet de nombreuses interrogations
au Royaume-Uni.
En
Australie
, la rémunération est également échelonnée, mais la
condition de maintien dans l’emploi est moins difficile à atteindre : la part
variable intervient après 13 semaines, puis 26 semaines d’activité. La
rémunération est modulée en fonction du profil des demandeurs d’emploi
qui sont classés en quatre catégories par le modèle de profilage utilisé. La
rémunération perçue par les prestataires au titre du placement d’usagers
proches du marché du travail a été fortement réduite, tandis qu’elle est
passée d’environ 6 600 AUD à 10 000 AUD pour le placement d’un
demandeur éloigné du marché du travail avant la fin de la prestation.
42
National Audit Office,
The introduction of the Work programme : report by the
comptroller and auditor general
, HC-1701, 2012
43
Clegg D., « Politiques d’activation récentes au Royaume-Uni : application étendue
d’une approche restrictive »
L’aide au retour à l’emploi
, CIRAC, 2013.
64
COUR DES COMPTES
En
Allemagne
, le paiement des bons de placement, effectué en deux
tranches de 1 000 ou 1 500 €, est entièrement subordonné au retour à
l’emploi. Le premier versement intervient au bout de six semaines
d’emploi, le second au bout de six mois. Un système de malus a en outre
été introduit afin de pénaliser le prestataire lorsque les objectifs de retour à
l’emploi ne sont pas atteints.
Aux
Pays-Bas
, le paiement des bons de placements est échelonné
au cours de la prestation (contrairement à l’Allemagne) : 20 % de la
rémunération totale sont payés dès la prise en charge du demandeur
d’emploi, 30 % après six mois de participation au programme, et 50 % si
le demandeur d’emploi conserve son emploi pendant une durée suffisante.
Contrairement aux pays anglo-saxons, la part fixe a plutôt tendance à
augmenter : elle était proche de zéro en 2002 et comptait pour près de la
moitié de la rémunération en 2005, avant d’être réduite compte tenu de son
coût pour les finances publiques.
En ce qui concerne la différenciation de la rémunération selon le
profil, l’amplitude est plus faible qu’en Australie : pour une prestation
correspondant à une prise en charge complète sur deux ans, le prix est de 4
000 € (ou 5 000 € lorsque le bénéficiaire connait des « freins
périphériques » significatifs).
Au total, la rémunération aux résultats se traduit en pratique par
une rémunération qui est essentiellement constituée de la part fixe,
compte tenu de la faiblesse de l’impact des critères de « sorties
positives » et du maintien dans l’emploi :
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
65
Tableau n° 8 :
part des prestations facturées au titre de la « sortie
positive » et du maintien dans l’emploi
Prestation
% de prestations
facturées au titre d’une
sortie positive
% de prestations
facturées au titre du
maintien dans l’emploi
Atouts Cadres
14,27 %
8,84 %
LIC*
14,10 %
3,49 %
MOV
4,22 %
1,51 %
TVE
3,71 %
1,64 %
OE
4,53 %
1,33 %
Périmètre : cohortes entrées en prestation entre le 1
er
janvier et le
31 décembre 2012
* Le maintien dans l’emploi à six mois n’a pu être constaté début 2014 pour
les cohortes entrées fin 2012 dans le dispositif LIC compte tenu de la durée
de la prestation (douze mois).
Source : Pôle emploi
Par ailleurs, une partie des résultats obtenus pendant ou à l’issue de
la prestation ne donne pas lieu à facturation :
-
les reprises d’emploi de trop courte durée ou à temps partiel, c’est-à-
dire les reprises d’emploi hors définition contractuelle de la notion des
« sorties positives » ;
Les opérateurs privés soulignent la difficulté de maintenir les taux
de reclassement en « sorties positives », dans la mesure où les créations
d’emploi sont aujourd’hui plus rares et où les embauches se font
majoritairement sur des CDD d’une durée moyenne de plus en plus
courte. Pour une même prestation et une même région, les sous-traitants
ont ainsi vu leur taux de « sorties positives » diminuer entre les marchés
2008 et les marchés 2012.
-
les reprises d’emploi intervenant peu de temps après la fin de la
prestation ;
-
les sorties positives et les cas de maintien dans l’emploi qui ne
peuvent être justifiés par les pièces adéquates (contrat de travail et
bulletins de salaire), le demandeur d’emploi ne souhaitant pas
communiquer le niveau de son salaire ou considérant qu’il n’a plus à
rendre compte après sa cessation d’inscription à Pôle emploi.
66
COUR DES COMPTES
Au final, le taux de facturation par rapport au prix total
potentiellement facturable pour les demandeurs d’emploi engagés dans
une prestation d’accompagnement
est donc relativement faible :
Tableau n° 9 :
taux moyen de facturation au regard du potentiel
facturable
Prestation
% de prestations ayant fait l’objet d’une facturation
Atouts Cadres
53,28 %
LIC
44,36 %
MOV
57,84 %
TVE
37,63 %
OE
30,62 %
Périmètre : cohortes entrées en prestation entre le 1
er
janvier et le
31 décembre 2012
Source : Pôle emploi
Ainsi pour les prestations
Objectif emploi (OE)
et
Trajectoire vers
l’emploi (TVE)
, pour lesquelles les prix des attributaires retenus étaient en
moyenne inférieurs à l’estimation réalisée par les services de Pôle emploi
à partir du cahier des charges des prestations.
De manière générale, l’écart entre les prix potentiellement
facturables et ce qui a réellement été payé par Pôle emploi est élevé. Au
regard du niveau des prix, il semble que cet écart ait été mal anticipé par
les prestataires.
Contestée dans les premières expérimentations en raison du niveau
élevé de rémunération des prestataires, la sous-traitance a vu en réalité
son coût baisser fortement, notamment avec les derniers marchés, sans
qu’un « juste » prix ait pu être déterminé. On observe également que les
prix retenus ne semblent pas tenir compte du profil des demandeurs
d’emploi autant qu’à l’étranger, mais plutôt de la durée de la prestation.
Si les prix varient d’une zone géographique à l’autre, ils demeurent fixes
sur la période du marché et ne tiennent pas nécessairement compte des
perspectives réelles de reclassement des demandeurs d’emploi en
fonction du dynamisme du bassin d’emploi (les perspectives de mobilité
étant souvent limitées).
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
67
Lors de la consultation publique lancée par Pôle emploi en
novembre 2013, les opérateurs privés ont proposé plusieurs pistes
d’aménagement du mode de rémunération, sans remettre en cause le
principe d’une rémunération à la performance.
Ainsi, l’un d’entre eux a souhaité
« dans un souci d’équilibre entre
mode de rémunération – recherche du reclassement – qualité de
l’accompagnement,
que
la
part
fixe
soit
rémunératrice
d’un
accompagnement laissant plus de latitude [aux opérateurs privés] et
permette l’équilibre économique
»
.
L’opérateur propose «
que la part
variable, en sus, soit constituée d’une part individuelle par candidat et
collective sur le taux de reclassement global par cohorte. Ce dernier
devra être adapté en fonction du bassin considéré »
et qu’
« une
revalorisation des prix
[soit]
indexée sur le taux de chômage de la région
à échéance de six mois ou un an »
Plusieurs opérateurs proposent également qu’une
proratisation
de
la rémunération en fonction du temps écoulé ou du nombre de contacts
effectués soit prévue en cas d’abandon du demandeur d’emploi en cours
de prestation
.
Les modalités actuelles de rémunération qui ne tiennent pas
compte des caractéristiques du bassin d’emploi et de leur évolution dans
le temps apparaissent par ailleurs insatisfaisantes. Une dimension
collective pourrait effectivement être prise en compte dans la
rémunération. Celle-ci pourrait intervenir de plusieurs manières : soit par
une majoration du prix versé selon des conditions à définir (taux de
reclassement d’une cohorte, taux de chômage du bassin d’emploi,
satisfaction des demandeurs d’emploi), soit par une modulation de la part
fixe à l’intérieur d’une fourchette définie chaque année au niveau
national, le niveau de la part fixe étant déterminé par la direction
régionale pour chaque lot en fonction du diagnostic territorial établi
chaque année.
5 - Une fragilité économique croissante des prestataires de Pôle
emploi
La combinaison de la baisse globale des prix et de l’irrégularité des
flux a entraîné une fragilisation du secteur d’autant plus grande que
beaucoup d’opérateurs réalisent une part très importante de leur chiffre
d’affaires avec Pôle emploi.
68
COUR DES COMPTES
Les entreprises de travail temporaire, moins dépendantes des
marchés de Pôle emploi, ont plutôt réduit leur participation ou, comme
Manpower, se sont totalement retirées des marchés de Pôle emploi.
L’incertitude économique liée aux marchés conclus avec Pôle
emploi pousse certains à développer des activités connexes de
reclassement
pour
stabiliser
leur
chiffre
d’affaires
et
éviter
la
précarisation des consultants.
Au niveau national, un certain nombre d’opérateurs ont été
contraints de déposer le bilan ou de se retirer des marchés. 130 marchés
ont été impactés par les défaillances d’opérateurs et ont ainsi donné lieu à
une réaffectation des demandeurs d’emploi entre les membres des
groupements. Certains prestataires, y compris parmi les plus importants,
ont
sollicité
des
délais
pour
le
remboursement
de
l’avance
contractuellement consentie par Pôle emploi.
Ces difficultés ont été anticipées par certains gros opérateurs qui se
sont
progressivement
désengagés
des
marchés
de
prestations
d’accompagnement de Pôle emploi compte tenu du risque économique,
de la faible marge réalisée et de l’absence de synergie constatée entre le
savoir-faire acquis dans le domaine de l’intérim et l’accompagnement de
publics qui leur sont apparus comme trop éloignés de l’emploi pour
pouvoir les orienter sur les offres d’emploi dont ils ont la charge.
Pour suivre le risque de défaillance des plus gros prestataires, Pôle
emploi se fonde sur le score attribué par Altarès
44
. Sur les 23 prestataires
les plus importants des marchés de prestations aux demandeurs d’emploi,
12 présenteraient un risque élevé, voire très élevé, de défaillance à fin
2013
.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Alors que le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté
fortement avec la crise, Pôle emploi n’a pas pris les mesures nécessaires
pour tirer pleinement parti des marchés de sous-traitance. Mobilisé
notamment pour assurer la réussite de la fusion de l’ANPE et du réseau
44
Altares est une société spécialisée dans l’analyse des données économiques et
financières des entreprises.
UN DISPOSITIF EN REPLI ET INSUFFISAMMENT PILOTÉ
69
des Assédic, l’opérateur ne s’est pas attaché à améliorer l’intégration des
prestations sous-traitées dans son action globale de prise en charge du
chômage de masse. En outre, il a insuffisamment cherché à remédier aux
dysfonctionnements constatés dans les marchés de sous-traitance
(cf. point I – A – 3 du chapitre II), alors que de 2008 à 2012 plusieurs
vagues d’appels d’offres ont été engagées.
La diminution importante des dépenses de sous-traitance des
prestations d’accompagnement et de placement, amorcée dès 2011 et
poursuivie en 2012 et 2013, ne s’est pas inscrite dans une réflexion
stratégique, mais dans un contexte de régulation budgétaire, puis de
fongibilité des moyens d’intervention, défavorable à l’externalisation des
prestations.
Les conditions initiales de recours aux opérateurs privés ont
fortement joué sur une perception défavorable du dispositif par les
conseillers de Pôle emploi et sur leurs pratiques de prescription. Engagée
à l’origine par les partenaires sociaux pour stimuler les performances de
l’opérateur
public,
la
sous-traitance
d’une
partie
de
l’activité
d’accompagnement et de placement n’a pas été pleinement intégrée à
l’offre de services, alors même qu’elle aurait dû accompagner la
personnalisation des services rendus aux demandeurs d’emploi en
allégeant les portefeuilles de demandeurs d’emploi suivis par les
conseillers de Pôle emploi. Cet objectif n’a été que partiellement atteint.
Les interrogations émises sur la qualité des prestations délivrées
par les opérateurs privés ont également pu influer sur le comportement
de prescription des conseillers de Pôle emploi, qui est souvent resté
restrictif. Ni la procédure de sélection des attributaires des marchés, ni le
contrôle qualité mis en place n’ont été de nature à répondre à ces
interrogations, aggravées par la défaillance de certains prestataires mis
en difficulté par le déséquilibre structurel des marchés les plus
importants (Trajectoire vers l’emploi et Objectif emploi).
En complément des principes d’évolution des modalités de recours
aux opérateurs privés validés par le conseil d’administration, la Cour
estime nécessaire d’ajuster le mode de
rémunération et d’améliorer la
gestion des flux par l’implication des équipes de direction locales et par
l’utilisation de référentiels destinés au contrôle qualité.
70
COUR DES COMPTES
La Cour formule les recommandations suivantes à l’attention de
Pôle emploi :
1.
tenir compte du profil des demandeurs d’emploi et des perspectives de
reclassement dans la zone géographique de recherche d’emploi dans
la rémunération des prestataires ;
2.
prendre davantage en compte l’offre technique dans les critères de
sélection des attributaires des marchés et rejeter, sur des critères
objectifs, les offres tarifaires anormalement basses ;
3.
impliquer davantage les équipes locales de direction des agences dans
la gestion des flux de demandeurs d’emploi orientés vers les
opérateurs privés ;
4.
améliorer le contrôle qualité en l’adaptant à chaque prestation et en
utilisant un référentiel national.
Chapitre II
Des évaluations perfectibles, des
résultats décevants
La mesure de la performance, tant en termes d’efficacité
(rapidité
et qualité du retour à l’emploi, durée du contrat de travail obtenu, niveau
de rémunération, adéquation aux qualifications…) que d’efficience (coûts
de gestion, dépenses d’indemnisation évitées) est une question centrale
pour éclairer le débat de l’opportunité du recours à des opérateurs privés
et d’une mise en concurrence du service public de l’emploi.
Il faut cependant noter que la littérature de recherche économique
sur ce sujet est relativement peu étoffée en Europe, ce qu’a souligné en
2011 un rapport pour la Commission européenne
45
. La DARES a
récemment publié une revue des études disponibles
46
.
Des précautions doivent en outre être prises avec les résultats de
ces travaux au regard du caractère encore récent des marchés étudiés, de
l’instabilité des dispositifs, des difficultés méthodologiques auxquelles se
sont heurtées certaines évaluations (peu d’études comparatives de
cohortes) et des conditions d’exécution des marchés (flux insuffisants ou
irréguliers, profils en décalage avec le cahier des charges, etc.).
45
Finn D.,
Subcontracting in Public Employment Services
, PES to PES dialogue
(European commission), 2011
46
G. Parent, O. Sautory, R. Desplatz,
L’accompagnement des demandeurs d’emploi :
enseignements des évaluations,
Documents d’études de la DARES n° 178, décembre
2013.
72
COUR DES COMPTES
Ces évaluations sont en outre dépendantes du contexte national : il
existe une forte hétérogénéité des marchés du travail et des dispositifs
d’indemnisation du chômage, alors que ces caractéristiques structurelles
sont rarement abordées dans ces études et évaluations. Les comparaisons
et enseignements à tirer apparaissent dès lors difficiles à établir
47
.
Au-delà de la question de la valeur méthodologique de ces travaux,
se pose également celle de leur prise en compte par les pouvoirs publics
et les opérateurs. En France, le dispositif mis en oeuvre a ainsi peu évolué
avec la seconde vague de marchés entrés en vigueur en 2012, alors que
des dysfonctionnements avaient été constatés dès le démarrage des
marchés. Les actions menées à partir de 2012 pour tenter d’améliorer le
pilotage n’ont pas remédié aux difficultés mises en évidence par les
travaux d’évaluation menés sur les marchés ouverts sur la période 2009-
2011. À l’étranger les évaluations ne sont pas systématiques, mais les
dispositifs ont plus souvent fait l’objet de réformes destinées à en
accroître l’efficacité et l’efficience.
I - En France, des évaluations à l’impact limité
jusqu’en 2014
Depuis la création de Pôle emploi, les évaluations portant sur les
dispositifs mis en oeuvre par l’opérateur public sont pilotées par le comité
d’évaluation
48
de Pôle emploi, dont les membres sont désignés par
le conseil d’administration de l’opérateur public. Compte tenu de ce mode
de gouvernance, le cahier des charges des évaluations est naturellement
centré à titre principal sur la vision de l’opérateur public, ce qui oriente la
méthode d’évaluation de l’efficience.
47
Fontaine F., Malherbet F.,
Accompagner les demandeurs d’emploi
, 2013
48
Il est actuellement composé de trois représentants des organisations syndicales et
patronales, deux représentants de l’État (DGEFP et, depuis 2012 seulement, DARES),
deux représentants des inspections générales de l’État (IGAS et IGF) et une experte
représentant les collectivités territoriales. Les évaluations menées sous l’égide du
comité d’évaluation en matière d’accompagnement ont porté par exemple sur des
prestations spécifiques comme
Atouts Cadres,
ainsi que sur
l’accompagnement
interne de publics particuliers (personnes en situation de handicap, bénéficiaires du
RSA).
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
73
A - L’évaluation de l’efficacité
En 2010, Pôle emploi et la DARES ont lancé une évaluation visant
à mesurer l’efficacité comparée des programmes d’accompagnement
renforcé mis en oeuvre par Pôle emploi et par ses sous-traitants de
septembre 2009 à décembre 2011. Ses résultats ont fait l’objet de
publications en 2012 et 2013
49
. Au-delà de la mesure du retour à l’emploi,
cette évaluation avait pour objectif d’apprécier l’adéquation du contenu
des prestations aux besoins des demandeurs d’emploi.
1 - Les difficultés méthodologiques rencontrées
a)
Les biais de sélection dans la constitution des cohortes
Contrairement à l’évaluation qui avait été conduite sur une
expérimentation menée en 2007-2008 (
cf. annexe n° 4)
, les cohortes
comparées n’ont pas été constituées de demandeurs d’emploi affectés de
manière aléatoire à l’accompagnement interne et à l’accompagnement
externe.
De ce fait, malgré les corrections statistiques effectuées
a
posteriori
, l’élimination des biais de sélection n’a pu être complète : le
profil des demandeurs d’emploi orientés vers les opérateurs privés de
placement s’est révélé en moyenne plus éloigné de l’emploi que celui des
demandeurs d’emploi orientés par les conseillers de Pôle emploi vers des
prestations d’accompagnement internes. Ce constat a été corroboré par
une étude coûts-bénéfices qui a été réalisée fin 2013 sur des cohortes de
demandeurs d’emploi entrés en prestations au premier trimestre 2010.
Ainsi, les publics orientés vers la prestation
TRA
résident plus souvent en
zone urbaine sensible, sont moins diplômés et sont inscrits depuis plus
longtemps à Pôle emploi.
49
Cf. «
L’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi : évaluation du
recours aux opérateurs privés par Pôle emploi de 2009 à 2011
»,
Les Cahiers n° 15 –
Études,
janvier 2013.
74
COUR DES COMPTES
En outre, il n’existait pas de cohorte témoin qui aurait permis de
mesurer l’impact des deux dispositifs d’accompagnement renforcé par
rapport aux effets d’un simple suivi.
b)
Le manque de recul
Les évaluations engagées portent souvent sur des périodes courtes
qui ne permettent pas toujours de mesurer l’effet d’apprentissage d’une
cohorte à l’autre ou sur des cohortes bénéficiant de prestations peu de
temps après la mise en oeuvre des marchés.
C’est le cas de l’évaluation menée par Pôle emploi et la DARES
sur les résultats obtenus par les opérateurs privés sur les prestations
LEC
(licenciés économiques) et
TRA
(chômeurs éloignés du marché du
travail
)
. Alors que les dispositifs avaient été mis en place en septembre
2009, les cohortes étudiées ne sont
entrées en prestation dès novembre
2009 et mars 2010. Or, les conditions de démarrage d’une prestation
peuvent s’avérer délicates : outre la capacité opérationnelle des opérateurs
à mobiliser l’ensemble des ressources nécessaires à la date d’effet des
marchés, peuvent également jouer la méconnaissance de l’offre sous-
traitée par les conseillers de l’opérateur public et l’orientation d’un public
aux caractéristiques différentes de celles attendues, obligeant l’opérateur
à adapter ses pratiques pour atteindre les résultats recherchés. Un effet
d’apprentissage peut également résulter de l’amélioration de la
connaissance que l’opérateur peut avoir du tissu économique local et du
développement de son réseau de recruteurs
50
.
2 - Les résultats observés
a)
L’évaluation des prestations destinées aux licenciés économiques
(LEC) et aux chômeurs éloignés du marché du travail (TRA)
Conduite par enquête téléphonique auprès de deux cohortes de
demandeurs d’emploi entrés dans ces dispositifs en novembre 2009 et
50
Notamment lorsqu’il n’est pas déjà implanté sur le bassin d’emploi concerné au
moment de l’attribution du marché.
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
75
mars 2010, l’évaluation menée conjointement par Pôle emploi et la
DARES a porté sur la mise en oeuvre des prestations, l’accompagnement
dont les demandeurs d’emploi ont bénéficié et les résultats à 8, 13 et
18 mois après l’entrée dans les dispositifs.
Des monographies portant sur la mise en oeuvre des prestations ont
été par ailleurs réalisées par le cabinet d’études Geste, qui a réalisé des
entretiens de terrain dans huit régions.
Cette évaluation a
globalement constaté que les résultats obtenus
en termes de retour à l’emploi étaient plus favorables lorsque
l’accompagnement était réalisé directement par Pôle emploi, comme
l’indiquent les tableaux ci-dessous.
Si l’on tient compte des différences de caractéristiques observables
des populations accompagnées (puisque les cohortes n’ont pas été
constituées par tirage au sort), ces écarts de performance entre l’opérateur
public et les opérateurs privés se réduisent, mais demeurent significatifs
(au moins quatre points d’écart entre les taux). L’écart corrigé après prise
en compte des différences de profils de bénéficiaires entre les deux
cohortes est indiqué en italique dans les tableaux suivants :
Tableau n° 10 :
taux de retour à l’emploi
Dispositif
A 8
mois
Écart
corrigé
A 13
mois
Écart
corrigé
A 18
mois
Écart
corrigé
Licenciés économiques :
-
CRP/CTP
-
LEC
41 %
30 %
NC
57 %
49 %
+ 8,1
57 %
49 %
+ 3,8
Difficultés d’insertion :
-
CVE
-
TRA
43 %
38 %
+ 4,0
52 %
45 %
+ 5,8
52 %
45 %
+ 6,1
NB : les écarts corrigés sont exprimés en points de pourcentage : à titre d’exemple, un demandeur
d’emploi accompagné dans le cadre de la prestation interne CVE a en moyenne une probabilité de
retour à l’emploi au bout de 8 mois supérieure de 4 points à celle d’un demandeur d’emploi
accompagné dans le cadre de la prestation TRA sous-traitée.
Source : « L’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi : évaluation du recours aux
opérateurs privés par Pôle emploi de 2009 à 2011 », DARES-Pôle emploi, Les Cahiers n° 15 – Etudes,
janvier 2013
Le taux de retour à l’emploi durable, correspondant à un contrat
d’une durée au moins égale à six mois (CDI, CDD, création ou reprise
76
COUR DES COMPTES
d’entreprise), est également plus élevé lorsque l’accompagnement
renforcé est effectué par les conseillers de Pôle emploi :
Tableau n° 11 :
taux de retour à l’emploi durable
Dispositif
A 8
mois
Écart
corrigé
A 13
mois
Écart
corrigé
A 18
mois
Écart
corrigé
Licenciés économiques :
-
CRP/CTP
-
LEC
29 %
22 %
NC
43 %
36 %
+ 8,1
50 %
46 %
+ 4,7
Difficultés d’insertion :
-
CVE
-
TRA
28 %
23 %
+ 4,9
36 %
29 %
+ 5,4
42 %
33 %
+ 7,7
Source :
idem
L’écart en faveur d’un accompagnement interne s’atténue avec le
temps pour les licenciés économiques, mais croît pour les demandeurs
d’emploi en difficulté d’insertion professionnelle. L’étude note également
que l’écart est moindre pour la cohorte la plus récente, qui a sans doute
bénéficié de la stabilisation du dispositif chez les opérateurs privés et
d’effets d’apprentissage.
Il faut cependant souligner que la prestation
CVE
, considérée
comme plus efficace que la prestation
TRA
, n’a pas été déployée par Pôle
emploi sur l’ensemble du territoire national : créée fin 2006 pour
permettre une comparaison des performances entre Pôle emploi et les
opérateurs privés, la prestation CVE, coûteuse en ressources, n’a pas été
étendue à la totalité des régions. En outre, le recours à la prestation
TRA
a
été aussi considérée comme un moyen de réduire le nombre de
demandeurs d’emploi suivis par conseiller, mais aussi de tenter de
redynamiser des demandeurs d’emploi pour lesquels l’accompagnement
interne n’avait pas porté ses fruits.
L’évaluation note que «
les orientations des demandeurs d’emploi
vers les opérateurs privés ont souvent fluctué au fil du temps et se sont
avérées difficilement prévisibles et plus faibles que prévu pour les
opérateurs privés, les contraignant à s’ajuster
». Les conséquences en
ont été des difficultés d’organisation chez certains opérateurs, avec un
turn-over important des consultants et un moindre effort de formation.
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
77
Le taux de retour à l’emploi apparaît assez hétérogène selon les
opérateurs privés : les résultats obtenus par ceux qui intervenaient déjà
dans le reclassement ou l’intérim sont proches de ceux de Pôle emploi
pour les demandeurs d’emploi en difficulté de réinsertion professionnelle.
En revanche, pour les licenciés économiques, les opérateurs locaux ou
issus du monde de la formation professionnelle
obtiennent des résultats
plus proches de Pôle emploi, et la formation professionnelle est davantage
mobilisée dans le parcours des licenciés économiques pour changer
d’orientation professionnelle.
Les méthodes mises en oeuvre diffèrent également entre Pôle
emploi et ses prestataires :
Des différences de méthode entre Pôle emploi et ses prestataires
Les opérateurs privés ont réalisé davantage d’entretiens individuels
et collectifs avec les demandeurs d’emploi, d’une durée plus longue, et ont
proposé plus de prestations d’aide à la recherche d’emploi, tandis que Pôle
emploi a davantage mis l’accent sur la proposition d’offres d’emploi et la
mise en relation avec les employeurs
(cf. annexe n° 9)
. À titre d’exemple,
les OPP issus du reclassement ont effectué, en moyenne, 2,8 entretiens par
mois dans le cadre de la prestation
LEC
contre 1,5 pour Pôle emploi. Dans
66 % des cas, ils ont proposé des ateliers de ciblage des entreprises (contre
25 % pour Pôle emploi. En revanche, Pôle emploi a transmis des offres
d’emploi à 63,8 % des bénéficiaires au cours des 8 premiers mois, contre
49,2 % pour les opérateurs issus du reclassement.
La prescription de formations a été fréquente (43 %) pour les
licenciés économiques aussi bien par l’opérateur public que par les
opérateurs privés. Elle a été en revanche plus rare pour les bénéficiaires
des prestations
CVE
et
TRA
.
Enfin, l’étude constate que le suivi dans l’emploi n’a pas été
systématique, mais un peu plus fréquent chez les opérateurs privés, dont
une partie de la rémunération était liée à la preuve du maintien dans
l’emploi.
L’étude montre que les opérateurs dont les pratiques ont été les plus
proches de celles de Pôle emploi n’ont pas forcément obtenu les meilleurs
résultats.
Au total, qu’ils aient été accompagnés par Pôle emploi ou par un
opérateur
privé,
les
demandeurs
d’emploi
ayant
bénéficié
d’un
accompagnement renforcé se sont déclarés très majoritairement satisfaits
du déroulement de l’accompagnement et de l’emploi occupé à 13 mois,
même si des concessions ont dû être faites en matière de salaire.
78
COUR DES COMPTES
On constate également que le reclassement ne fait pas obstacle à
un maintien fréquent sur les listes de Pôle emploi et même à la recherche
active d’un autre emploi : six mois après la fin de la prestation
d’accompagnement des licenciés économiques, 46 % d’entre eux
demeuraient inscrits à Pôle emploi et 36 % continuaient à rechercher
activement un autre emploi
51
. Toutefois, cette particularité n’est pas
propre au dispositif : sur l’ensemble des sortants en 2011 des listes de
Pôle emploi pour motif de reprise d’emploi, 40 % continuaient à chercher
un nouvel emploi.
En définitive, les auteurs de l’évaluation des résultats du recours
aux opérateurs privés pour les prestations
LEC
et
TRA
se sont interrogés
sur la possibilité de dégager un public cible pour lequel un type
d’opérateur - public ou privé - serait systématiquement plus performant.
Mais l’étude publiée en janvier 2013 conclut que
« à ce stade, les travaux
menés n’ont pas produit de résultats probants et ne permettent donc pas
de donner d’éléments de réponse sur ce que serait la « répartition
idéale » entre opérateurs privés et Pôle emploi en fonction des
caractéristiques des publics ».
b)
L’évaluation des prestations destinées aux cadres
En ce qui concerne la prestation
Atouts Cadres
, il n’existait pas de
prestation équivalente délivrée par les équipes de Pôle emploi et
permettant une véritable comparaison des résultats. Pôle emploi dispose
en effet d’agences ou d’équipes spécialisées dans l’accompagnement des
cadres et diversement implantées sur le territoire, mais elles proposent un
accompagnement moins intensif, destiné à des publics généralement plus
proches de l’emploi.
Les résultats de l’étude menée par Pôle emploi en 2012 sur la
première période du marché
Atouts Cadres
et publiés en juin 2013
52
sont
plutôt positifs : l’accompagnement répond aux besoins spécifiques des
cadres et les taux de reclassement obtenus par les prestataires privés sont
supérieurs à ceux qui sont constatés pour des populations proches, mais
51
L’inscription à Pôle emploi est aussi nécessaire pour percevoir des allocations
complémentaires, par exemple en raison du différentiel de salaire.
52
Cf. « Évaluation de la prestation
d’accompagnement renforcé « Atouts Cadres »,
Repères et Analyses n° 56 – Études,
Pôle emploi, juin 2013.
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
79
ne bénéficiant pas de l’accompagnement renforcé : 12 mois après l’entrée
en prestation, 44 % des bénéficiaires de la prestation
Atouts cadres
avaient retrouvé un emploi salarié contre 35 % de la population de
référence. L’écart persistait 18 mois après l’entrée en prestation, même
s’il se réduisait : 55 % pour les bénéficiaires d’
Atouts Cadres
contre 49 %
pour la population de référence. Les bénéficiaires d’
Atouts
Cadres étaient
également plus nombreux à retrouver un emploi durable à l’issue de la
prestation.
3 - Les conséquences tirées lors de la deuxième vague de marchés des
travaux d’évaluation et des dysfonctionnements constatés
Selon Pôle emploi, les difficultés importantes rencontrées dans
l’exécution des marchés n’auraient été identifiées que fin 2011 et courant
2012.
C’est pourquoi la deuxième vague de marchés qui a fait l’objet de
consultations menées au second semestre 2011 pour les prestations
Objectif emploi (OE)
et
Trajectoire vers l’emploi (TVE)
et au premier
semestre 2012 pour les autres prestations (
LIC et Atouts cadres
notamment)
s’est inscrite dans la continuité de la précédente
; les
principes fondamentaux du recours aux opérateurs privés n’ont pas été
modifiés.
La Cour note cependant que dès 2010, des alertes sur le niveau
insuffisant des flux orientés vers certains sites mis en place par les
opérateurs privés avaient été émises lors de comités de pilotage, et qu’une
étude publiée par Pôle emploi en juillet 2011 sur le recours aux
prestations mettait déjà en évidence des difficultés
53
.
Des évolutions ont été introduites par Pôle emploi en 2012 : il
s’agit notamment de la mise en place de plates-formes régionales de
gestion et de l’allongement de la période ferme des marchés de deux à
53
Les constats établis dans les comptes-rendus des comités de pilotage dès 2010 ont
été corroborés par l’étude qualitative menée dans huit régions entre décembre 2010 et
juillet 2011 sur le fonctionnement des marchés de 2009. Les principales difficultés
relevées portaient sur l’irrégularité des flux, les défauts de pilotage et d’organisation,
le contrôle qualité centré sur le respect des procédures administratives et le
déséquilibre économique des marchés.
80
COUR DES COMPTES
trois ans. Par ailleurs, pour accentuer la rémunération à la performance, la
part variable a été majorée en passant de
Cible emploi
à
Objectif emploi
.
Dans le courant de l’année 2012, Pôle emploi a également mené
des actions pour peser sur les flux de prescription : rencontres entre les
opérateurs et les équipes locales, organisation d’informations collectives,
fermeture de certains sites, notamment. L’efficacité de ces actions s’est
manifestement avérée insuffisante.
À l’été 2013, pour tenir compte du risque de défaillance de certains
opérateurs, risquant de compromettre la qualité des prestations délivrées
aux demandeurs d’emploi, la direction générale de Pôle emploi a soumis
au conseil d’administration un projet de délibération visant à augmenter
de 10 points la part fixe de la rémunération versée aux attributaires des
marchés relatifs aux prestations
Objectif emploi
et
Trajectoire vers
l’emploi (TVE
), en contrepartie de la réduction de 30 % du nombre
minimum de demandeurs d’emploi orientés vers les prestataires privés.
En effet, dans un contexte économique plus dégradé que lors du
lancement de l’appel d’offres en 2011, il ne paraissait pas possible
d’augmenter le taux des sorties positives et du maintien dans l’emploi
durable pour contrebalancer l’impact d’une part fixe jugée de faible
montant (306 € hors taxes par demandeur d’emploi pour la prestation
Objectif emploi
par exemple). Selon la direction générale de Pôle emploi,
ce secteur connaissait
« depuis plus d’un an d’importantes difficultés
financières au point que sa pérennité se trouve parfois posée »
54
.
Les
mesures proposées avaient pour objectif
« d’une part, de réduire la
tension actuelle dans la qualité d’exécution des prestations, d’autre part,
de préserver l’existence d’un tissu d’opérateurs dans le moyen terme ».
Faute d’accord, le conseil d’administration n’a pas souhaité
délibérer sur cette proposition, qui avait été élaborée après des échanges
avec les opérateurs privés.
Pour les marchés relatifs à l’accompagnement des licenciés
économiques dont le cahier des charges relève de l’État et des partenaires
sociaux et non de Pôle emploi, le souci d’une amélioration des
performances a par exemple conduit à concentrer les lieux d’exécution
54
Cf. note au conseil d’administration du 10 juillet 2013 présentant les projets
d’avenants aux marchés délégués de prestation aux demandeurs d’emploi
OE
et
TVE
.
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
81
des prestations sur les bassins où les flux sont plus importants et à élargir
le champ des situations de retour à l’emploi prises en compte dans la
rémunération à la performance des opérateurs.
Pour la prochaine vague de marchés, la DGEFP envisage d’autres
améliorations visant par exemple à alléger les démarches administratives,
à favoriser la diversification des méthodes d’accompagnement des
bénéficiaires et à améliorer la structuration et la professionnalisation du
marché des opérateurs privés.
B - L’évaluation de l’efficience
Faute de données financières disponibles, l’évaluation des
expérimentations menées en 2007-2008 s’était bornée à étudier l’impact
comparé de l’accompagnement interne et externe sur la durée
d’inscription à l’ANPE. À la suite des travaux d’évaluation menés par
Pôle emploi et la DARES sur l’efficacité comparée des dispositifs
d’accompagnement renforcé réalisés directement par Pôle emploi ou par
des prestataires privés, la direction générale et le comité d’évaluation de
Pôle emploi ont souhaité prolonger cette démarche par une étude de
l’efficience comparée
du point de vue de Pôle emploi.
1 - Les limites méthodologiques
a)
La maturité du dispositif
Une étude réalisée fin 2013 présente notamment l’intérêt de
prendre en compte le parcours des demandeurs d’emploi sur deux ans et
neuf mois à compter de l’entrée en prestation d’accompagnement
renforcé.
En effet, l’objectif principal de l’accompagnement renforcé est de
rendre le demandeur d’emploi plus autonome et plus efficace dans ses
démarches de retour à l’emploi. Les effets de cet investissement ne se
mesurent donc pas seulement sur le délai ou la qualité du retour à
l’emploi à l’issue de la prestation, mais également sur le parcours futur du
demandeur d’emploi, car, de plus en plus souvent, un contrat court
précède une embauche sur un contrat à durée déterminée. Par ailleurs,
notamment pour les demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du
82
COUR DES COMPTES
travail, l’accompagnement renforcé peut porter ses fruits quelques mois
après la fin de la prestation. Enfin, un accompagnement efficace se traduit
également par une moindre récurrence des épisodes futurs de chômage.
Il est par conséquent indispensable de pouvoir analyser le parcours
des demandeurs d’emploi constituant la cohorte observée sur une période
suffisamment longue et de le comparer à celui d’une cohorte témoin.
De ce point de vue, l’analyse des gains d’efficience réalisée fin
2013 en France portant sur une période de deux ans et neuf mois, soit
entre le premier trimestre 2010 et le dernier trimestre 2013, est
particulièrement intéressante. Mais pour disposer du recul suffisant, les
cohortes étudiées ont été constituées de demandeurs d’emploi entrés dans
les dispositifs au premier trimestre 2010, soit moins de six mois après la
mise en place des nouvelles prestations. De ce fait, on peut s’interroger
sur la manière dont les effets d’apprentissage auraient pu influer sur les
résultats si l’évaluation avait été réalisée sur une cohorte entrée plus
tardivement dans le dispositif.
b)
La construction des échantillons
Les cohortes étudiées n’ont pas été constituées de demandeurs
d’emploi affectés aléatoirement aux dispositifs d’accompagnement
comparés. Conscients de cet écueil, les chercheurs de l’équipe du
CREST, qui ont développé la méthodologie de l’évaluation coûts-
bénéfices réalisée fin 2013, ont cherché à limiter les risques en appliquant
la méthode dite
« des jumeaux ».
Celle-ci consiste à effectuer les calculs à
partir de « paires » de
jumeaux, elles-mêmes constituées à partir de
chaque cohorte sur la base d’une cinquantaine de variables individuelles
présentes dans le système d’information de Pôle emploi.
La méthode des « jumeaux » ne permet pas, cependant, de prendre
en compte certaines variables déterminantes, telles que la motivation,
l’état de santé ou l’étendue des réseaux professionnel et personnel. La
constitution de cohortes par tirage au sort demeure en fait la seule
méthode permettant d’éliminer complètement les biais de sélection.
À titre d’exemple, parmi les variables prises en compte pour la
constitution des cohortes de « jumeaux », aucune ne porte sur les droits à
indemnisation restant à courir au moment de l’entrée en prestation (alors
que ce point peut avoir un impact sur la motivation). La méthode de
constitution des cohortes n’a pas non plus permis d’éliminer d’éventuels
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
83
biais liés à une pratique de radiation des listes qui pourrait ne pas être
identique pour les demandeurs d’emploi suivis en interne ou bénéficiant
d’un accompagnement externe.
c)
Une analyse des coûts biaisée
Pour l’analyse de l’efficience, les dépenses de fonctionnement non
directement imputables aux activités opérationnelles de Pôle emploi
(notamment certains frais de structure) n’ont pas été prises en compte, de
même par exemple que les frais de collecte et de mise à disposition des
offres d’emploi, puisqu’elles sont indifféremment mobilisées quel que
soit le mode de suivi des demandeurs d’emploi. Ce ne sont donc pas des
coûts complets qui ont été comparés.
Pour les opérateurs privés, c’est le montant de la rémunération
versée par Pôle emploi qui a été comptabilisé, qu’il couvre ou non le
montant des coûts réellement exposés par les opérateurs.
Cette étude vise à déterminer dans quelles conditions il serait
marginalement plus efficient pour Pôle emploi, à un moment donné,
d’externaliser les prestations plutôt que de les réaliser en interne : le
périmètre des coûts retenus dans l’étude tient compte d’économies
d’échelle existant à Pôle emploi, mais ne serait pas adapté si l’on voulait
comparer les coûts d’une répartition très différente du volume des
prestations d’accompagnement renforcé entre Pôle emploi et les
opérateurs privés (dans un sens ou dans l’autre).
Elle ne permet pas de déterminer s’il est globalement plus coûteux
en gestion pour la collectivité de recourir à Pôle emploi ou à des
opérateurs privés.
d)
Des travaux à compléter
Menée sous l’égide du comité d’évaluation de Pôle emploi, l’étude
n’exploite que les données présentes dans les bases de données de Pôle
emploi. En l’absence d’informations issues des bases de données de la
84
COUR DES COMPTES
CNAF (sur les montants versés au titre du RSA) et de l’ACOSS
55
(sur les
salaires perçus et les cotisations payées), les gains d’efficience ne sont
qu’imparfaitement mesurés.
Les auteurs de l’étude réalisée fin 2013 ont cependant cherché à
intégrer le plus complètement possible le coût des revenus de
remplacement à la charge de la collectivité pendant la période
d’inactivité. À cet effet, ils ont pris en compte une approximation des
dépenses de RSA
56
, compte tenu du profil des publics bénéficiaires des
prestations
Cap vers l’entreprise (CVE)
et
Trajectoire vers l’emploi
(TRA)
qui sont des chômeurs de longue durée, voire de très longue durée
.
2 - Les résultats
Les enseignements de cette analyse conduite par le Laboratoire
d’évaluation des politiques publiques du CREST fin 2013
57
sont doubles :
a) Pour Pôle emploi, le coût global de mise en oeuvre d’un
accompagnement renforcé est moins élevé lorsqu’il est réalisé en interne
plutôt que par un sous-traitant.
L’accompagnement interne aurait un coût unitaire (dépenses
d’indemnisation comprises) inférieur de 767 € à l’accompagnement sous-
traité
pour
les
publics
éprouvant
des
difficultés
d’insertion
professionnelle (prestations
CVE
et
TRA
).
La différence de coût serait de 2 401 € pour les licenciés
économiques (prestations
CRP/CTP
et
LIC
).
Celle-ci
s’explique
par
l’écart
important
dans
le
niveau
d’indemnisation des publics cibles des deux types de prestations pendant
55
Pour les mêmes raisons de non-disponibilité des données relatives au coût des
formations non financées par Pôle emploi, le coût de l’ensemble des formations a été
exclu des calculs de gains d’efficience. Compte tenu de la multiplicité des
intervenants (conseils régionaux, OPCA), il serait effectivement très difficile de
reconstituer de manière exhaustive les coûts de formation réellement exposés par une
cohorte de demandeurs d’emploi.
56
Environ 16 % des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A, B
ou C perçoivent le RSA.
57
Le résultat de ces travaux n’a pas encore été publié.
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
85
la durée de l’accompagnement et au-delà. : les publics en difficulté
d’insertion ont en moyenne un niveau d’indemnisation du chômage plus
faible et sont plus souvent bénéficiaires du RSA (499,31 € par mois pour
une personne seule sans ressources), tandis que les licenciés économiques
bénéficient d’une allocation plus favorable que le régime de droit
commun pendant les douze premiers mois d’indemnisation (80 % du
salaire brut antérieur au lieu de 57 %) et perçoivent ensuite une
indemnisation en moyenne plus élevée que celle des publics bénéficiant
des prestations
CVE
et
TRA
.
Tableau n° 12 :
gains d’efficience des programmes
d’accompagnement interne par rapport aux programmes
d’accompagnement externes
Coûts sur la période de 2 ans et 9 mois
Effet de CVE
par rapport à
TRA
Effet de
CRP/CTP par
rapport à LIC
Coûts de l’accompagnement
- 299 €
- 435 €
- dont coût opérationnel de la prestation
- 305 €
- 411 €
- dont coût du suivi par Pôle emploi pendant
la prestation (qu’elle soit interne ou externe)
+ 8,2 €
- 19,9 €
-
dont coût du suivi par Pôle emploi après la
fin de la prestation
- 1,3 €
- 3,5 €
Revenus de remplacement
- 469 €
-
1 966 €
- dont indemnisation chômage
+ 12,7 €
- 1 950 €
- dont RSA
- 481 €
- 16,6 €
Coûts totaux
- 767 €
- 2 401 €
Source : note du Laboratoire d’évaluation des politiques publiques (Bruno Crépon et Daphné
Skandalis) communiquée au comité d’évaluation de Pôle emploi en février 2014.
L’étude conclut que le programme
CVE
représente pour Pôle
emploi une économie de 7,2 % par rapport au programme TRA et que le
programme CRP/CTP représente une économie de 11,3 % par rapport au
programme LIC.
86
COUR DES COMPTES
L’effet comparé des programmes d’accompagnement interne et
externe a été mesuré par décile de coûts : pour les publics en difficulté
d’insertion, il apparaît que le programme
CVE
d’accompagnement interne
est le plus efficient pour les publics les plus éloignés de l’emploi, alors
que les publics orientés par les conseillers de Pôle emploi vers les
opérateurs privés sont en moyenne plus éloignés de l’emploi.
b) La différence de coûts tient beaucoup plus aux dépenses
d’indemnisation évitées qu’au coût de l’accompagnement lui-même.
L’étude tient compte de tous les évènements affectant le parcours
des demandeurs d’emploi pendant deux ans et neuf mois.
L’interruption du versement des allocations chômage peut être due
à une reprise d’emploi, mais également à une radiation ou un départ en
inactivité par exemple. De ce fait, une dépense d’indemnisation moins
élevée peut être due aussi bien à une meilleure performance en termes de
retour à l’emploi qu’à une politique de radiation des listes plus intensive.
C -
Les enseignements des évaluations
Si les évaluations du recours par Pôle emploi aux opérateurs privés
peuvent conduire à s’interroger sur son intérêt, il convient de les replacer
dans une réflexion d’ensemble.
Il faut, en premier lieu, rappeler que les dernières évaluations ont
porté sur une période de réalisation des prestations (2009-2010)
correspondant à la première phase de mise en oeuvre des marchés : elles
n’ont donc pas intégré les éventuels effets d’apprentissage des acteurs sur
un marché qui n’est pas encore parvenu à maturité. De ce
point de vue,
des évaluations complémentaires sur une période plus récente seraient
utiles, notamment pour mesurer la performance globale des opérateurs,
mais également pour vérifier si les écarts de performance entre catégories
d’opérateurs demeurent aussi importants.
En deuxième lieu, les raisons du recours à la sous-traitance
évoquées en 2009 demeurent :
-
Pôle emploi ne dispose pas en interne de toutes les
compétences nécessaires à l’accompagnement de certaines
catégories de demandeurs d’emploi. C’est par exemple le cas
en ce qui concerne les candidats à la reprise ou à la création
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
87
d’entreprises. L’offre de service interne actuelle est également
mal adaptée à la prise en charge des publics présentant des
difficultés d’ordre social.
-
Il est souhaitable que Pôle emploi puisse disposer d’un levier
externe
pour
contribuer
à
faire
face
à
l’évolution
conjoncturelle du chômage (variation globale des capacités
d’accueil, mais aussi localisation géographique), dans la
mesure où l’établissement public manque de souplesse dans
l’allocation de ses ressources internes
58
.
Dans un contexte de stabilisation des effectifs de Pôle emploi
59
décidée par les pouvoirs publics, après deux années d’augmentation, la
possibilité de recourir au secteur privé en complément des redéploiements
internes constitue une marge de manoeuvre à conserver.
En troisième lieu, des cahiers des charges plus ouverts, en
contrepartie d’un contrôle de la qualité renforcé, pourraient permettre, le
cas échéant, à l’opérateur public d’identifier des pratiques innovantes
dont il pourrait lui-même tirer parti.
Mais
il
est
nécessaire
d’apporter
des
améliorations
très
significatives au dispositif de la sous-traitance pour augmenter ses
performances.
Pour l’avenir, Pôle emploi a proposé que les nouveaux marchés
fassent l’objet d’une évaluation externe. La Délégation générale à
l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) estime pour sa part
que l’évaluation devrait être pilotée en dehors des instances de
gouvernance de Pôle emploi, ou, a minima, en lien avec les représentants
des opérateurs privés et que le champ de l’évaluation devrait inclure aussi
bien le processus d’orientation des demandeurs d’emploi en amont de la
réalisation de la prestation que les modalités de retour à Pôle emploi en
l’absence de reprise d’emploi au cours de la prestation.
58
Sur le plan global, tous les demandeurs d’emploi nécessitant un accompagnement
renforcé ne sont pas aujourd’hui suivis selon cette modalité. Il existe également des
disparités persistantes de dotations en ressources humaines entre régions que la
Direction générale s’est engagée à résorber.
59
Hors contribution du FSE pour financer à l’avenir jusqu’à 500 postes de conseillers
dédiés à l’accompagnement global.
88
COUR DES COMPTES
La Cour considère qu’il serait nécessaire d’inclure dans les travaux
d’évaluation, d’une part, une analyse des processus de diagnostic et
d’orientation des demandeurs d’emploi vers les différentes formes
d’accompagnement possibles (dont l’accompagnement sous-traité) et,
d’autre part, une analyse de la prise en charge des demandeurs d’emploi
toujours inscrits sur les listes de Pôle emploi après la fin de la prestation
externalisée.
S’il est légitime que des travaux d’évaluation soient pilotés par le
comité d’évaluation de Pôle emploi, émanation de son conseil
d’administration, un pilotage externe sous l’égide d’une instance
indépendante serait par ailleurs plus approprié pour certaines évaluations
globales, par exemple l’analyse comparative de l’efficacité et de
l’efficience d’un accompagnement interne, d’un accompagnement
cotraité et d’un accompagnement sous-traité pour un public déterminé
(jeunes de moins de 26 ans, par exemple).
II - À l’étranger, des ajustements plus fréquents des
dispositifs
De nombreux services publics de l'emploi de l'OCDE ont recours à
des opérateurs privés de placement. Rares sont cependant les pays qui ont
procédé
à
l’externalisation
de
l’ensemble
de
l’activité
d’accompagnement : dans la plupart des cas, les opérateurs privés se sont
vu confier l’accompagnement de publics particuliers, notamment les
demandeurs d’emploi les plus éloignés du marché du travail.
En 1998, la Commission européenne
60
a invité les services publics
de l’emploi, confrontés à la remise en cause de leur monopole et à un
environnement en évolution rapide, à
« définir plus précisément quel est
leur rôle propre et la valeur qu’ils ajoutent au marché, par rapport aux
fournisseurs commerciaux de services ».
Elle évoquait des hypothèses de
désengagement des services publics de l’emploi ou de mise en
concurrence avec des agences privées, quitte à ce que le service public
développe lui-même des services payants. La même année, l’Australie
mettait en place une réforme conduisant à externaliser totalement
60
Commission européenne, communication 641
« Moderniser les services publics de
l’emploi pour soutenir la stratégie européenne pour l’emploi »
, 1998.
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
89
l’accompagnement des demandeurs d’emploi, l’opérateur public ne
conservant que l’indemnisation des chômeurs.
La première expérience d’externalisation complète : le cas de
l’Australie
En
Australie
, l’accompagnement des demandeurs d’emploi a été
totalement réparti par appel d’offres entre l’opérateur public, des
opérateurs privés à but lucratif et des opérateurs privés à but non lucratif à
partir de 1998 (l’externalisation ayant débuté au début des années 1990).
79 % des 141 attributaires de l’appel
d’offres sont aujourd’hui des
organismes à but non lucratif.
L’opérateur public est aujourd’hui chargé de déterminer le profil
des demandeurs d’emploi et de les orienter vers les opérateurs sélectionnés
(ce qui n’était pas le cas lors de la mise en place initiale du dispositif).
Ce quasi-marché s’est construit en différentes étapes. Une première
phase de 1998 à 2000 a été marquée par la mise en place d’un système
d’évaluation des prestataires
.
Dans un second temps, principalement entre
2003 et 2009, les pouvoirs publics ont accentué leurs exigences en matière
de qualité des services délivrés aux demandeurs d’emploi.
Le dispositif australien a été modifié à plusieurs reprises, sans que
son principe en soit fondamentalement changé pour tenir compte de
l’évolution du contexte macroéconomique et améliorer la conception du
système.
Au fil du temps, l’Australie a vu les résultats s’améliorer en termes
de retour à l’emploi et les coûts globalement diminuer
61
. Les résultats du
dernier dispositif mis en oeuvre en 2009, le
Job Services Australia,
sont
meilleurs que ceux des systèmes précédents : le taux de placement a
augmenté de 4 points par rapport aux taux constatés précédemment.
La proportion des chômeurs en difficulté retrouvant en emploi a
également progressé : 25 % des demandeurs d’emploi classés en catégorie
4 (les plus éloignés du marché du travail) ont retrouvé un emploi avec le
Job Services Australia
, contre 15 % avec le programme précédent qui était
centré sur les obstacles non professionnels à l’emploi.
61
Unwin M., « Les services de l’emploi en Australie de 2009 à 2012 et au-delà »,
L’aide au retour à l’emploi
, CIRAC, 2013.
90
COUR DES COMPTES
L'aide fournie aux demandeurs d'emploi, à l'exception des plus
éloignés du marché du travail, représentait un coût moyen de 4 000 AUD
par emploi obtenu. Avec le programme mis en place en 2009, ce coût
moyen unitaire a été abaissé à 2 136 AUD. Le coût a également été réduit
pour l’accompagnement des personnes les plus éloignées du marché du
travail, passant de 11 000 AUD à 7 000 AUD.
Dans les années 2000, plusieurs pays européens, notamment
l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont mis en oeuvre des
réformes importantes pour faire une large place aux opérateurs privés
dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
Le recours aux opérateurs privés préexistait à ces réformes, mais
dans une moindre part et pour des prestations moins longues. Ainsi, au
Royaume-Uni, le programme
Jobclubs
a fait appel dès 1986 à des
opérateurs privés de placement pour la sous-traitance de prestations
ponctuelles. En Allemagne, l’agence fédérale du travail (
Bundesagentur
für Arbeit
) a perdu en 1994 son monopole sur les activités de placement,
la loi du 19 septembre 2001 permettant la délégation du placement à un
tiers sans autorisation préalable.
Certains pays européens se sont engagés dans la voie de la sous-
traitance de capacité dans les années 2000, comme le Royaume-Uni et les
Pays-Bas, sans toutefois aller aussi loin que l’Australie.
L’hétérogénéité
des
marchés
du
travail,
des
dispositifs
d’indemnisation et des publics bénéficiant d’un accompagnement ne
permet pas de tirer des comparaisons internationales un « modèle » qu’il
conviendrait d’adapter en France. En revanche, elles mettent en évidence
l’intérêt d’une démarche d’ajustement des dispositifs mis en place pour
corriger certains dysfonctionnements, réduire les coûts ou optimiser la
valeur ajoutée des prestations.
Ces ajustements peuvent porter sur l’organisation de la sous-
traitance (Royaume-Uni), les publics confiés aux opérateurs privés
(Allemagne) ou les modalités de rémunération (Pays-Bas). L’Australie a
également modifié son dispositif à plusieurs reprises depuis sa mise en
place en 1998, ce qui lui a permis d’améliorer les résultats obtenus.
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
91
A - Des économies, mais des résultats insuffisants au
Royaume-Uni
Le service public de l’emploi britannique a été au centre de
plusieurs réformes, dont la dernière a porté sur l’introduction du
Work
programme
en 2011 (
cf. annexe n° 8
). Cette dernière réforme n’a pas
remis en cause les principes fondamentaux du
Flexible New Deal
, mis en
place en 2009, et a élargi le recours aux opérateurs privés pour
l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
Depuis 1997, les programmes d’accompagnement vers l’emploi les
plus intensifs destinés aux publics en difficultés sont confiés par
l’opérateur public,
Jobcentre Plus,
à des opérateurs privés à but lucratif
ou non lucratif. Depuis 2009, tous les demandeurs d’emploi de plus de
douze mois sont orientés vers des prestataires privés,
Jobcentre Plus
réalisant l’accompagnement la première année.
Le système des
Employment Zones,
mis en place en 2000 sur 15
puis 13 zones géographiques à fort taux de chômage, est caractérisé par
une
plus
grande
souplesse
laissée
aux
opérateurs
privés
et
l’externalisation de l’ensemble des fonctions : information, orientation,
intermédiation, accompagnement vers l’emploi et indemnisation. Un
budget global est alloué au prestataire, y compris pour verser les
allocations aux demandeurs d’emploi.
Depuis 2007, les demandeurs d’emploi ont le choix du prestataire.
Le modèle de rémunération des prestataires, inspiré du système
australien,
comporte
une
part
variable
très
importante
pour
l’accompagnement des chômeurs de longue durée : environ 10 % de la
rémunération totale sont versés lors de l’élaboration du plan d’action avec
le bénéficiaire, 10 % en cas de reprise d’emploi et 80 % si cet emploi est
conservé pendant au minimum 13 semaines. Des paiements sont effectués
pour chaque période de maintien dans l’emploi de quatre semaines sur
une période de 52 semaines.
1 - Une diminution des coûts
Au Royaume-Uni, entre 1 million et 1,5 million de demandeurs
d'emploi ont bénéficié du
Work Programme
mis en place en 2011. Selon
le
National Audit Office
, le coût annuel public est d'environ 650 M£). Les
92
COUR DES COMPTES
précédents systèmes d'accompagnement externalisé couvraient un moins
grand nombre de bénéficiaires (entre 0,75 et 1,1 million de demandeurs
d'emploi) pour un coût plus important (786 M£). Pour 1 livre investie
dans le programme, le
Department for Work and Pension
économiserait
1,95 livre
62
.
2 - Des résultats en-deçà des objectifs
Toutefois, deux ans après la mise en oeuvre du
Work programme,
les résultats se sont avérés décevants. Selon le
National Audit Office
(2012), 25% seulement des personnes accompagnées dans ce cadre
retrouvent un emploi, alors que le
DWP
avait un objectif de 36 %. Une
renégociation des contrats pour mieux prendre en compte les coûts des
opérateurs et augmenter leurs capacités d'accueil pourrait également
relativiser les gains d'efficience.
3 - Un système de prix qui n’évite pas suffisamment le risque de
sélection implicite des bénéficiaires réels des prestations
Plusieurs études critiques
63
ont souligné que le système de prix
britannique ne favorisait pas la qualité des prestations. Les marchés de
sous-traitance de l’accompagnement des demandeurs d’emploi sont
caractérisés par l’existence d’une part variable importante, dépendant des
résultats obtenus en matière de reclassement des demandeurs d’emploi.
Les prestataires sont donc très sensibles aux incitations financières.
Au Royaume-Uni, la rémunération est fortement modulée selon le
profil des personnes accompagnées (
cf. annexe n° 8
). Celles-ci sont
classées en sept catégories allant des demandeurs d’emploi âgés de 18 à
24 ans (catégorie 1) à ceux qui étaient il y a encore quelques mois
exemptés de recherche d’emploi pour raisons médicales (catégorie 7). La
62
Cf. National Audit Office,
The introduction of the Work programme : report by the
comptroller and auditor general
, HC-1701, 2012
63
Cf. Finn D.,
Differential Pricing in Contracted Out Employment Programmes:
Review of International Evidence
, Department for Work and Pensions Research
Report n°564, 2009
et Wright S.,
Contracting Out Employment Services: Lessons from Australia,
Denmark, Germany and the Netherlands
, Child Poverty Action Group, 2008
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
93
part fixe est plus forte lorsqu’il s’agit du groupe 1 (10%) que lorsqu’il
s’agit du groupe 7 (4%, soit la plus basse). Le montant total de la
rémunération s’élevait en 2012 à 3 810 livres pour la catégorie 1 contre
13 720 pour la catégorie 7
64
.
La différenciation des parts fixes vise à limiter l’effet « parking ».
Les pouvoirs publics britanniques ont cependant reconnu l’existence de
pratiques de sélection implicite (« écrémage ») par les prestataires, malgré
le régime de paiement différencié :
« les personnes jugées les plus
difficiles à aider doivent, dans de nombreux cas, se contenter de rares
contacts de routine avec les conseillers, souvent sans aucune chance ou
presque d’être orientés vers une aide spécialisée qui pourrait leur
permettre de surmonter les barrières spécifiques les empêchant d’accéder
à l’emploi »
65
.
L’adaptation de la rémunération des opérateurs privés aux profils
des demandeurs d’emploi constitue donc un point de vigilance essentiel
pour éviter que les opérateurs ne concentrent leurs efforts de placement
sur les publics spontanément les plus proches de l’emploi ou permettant
de réaliser la marge la plus élevée.
4 - Une nouvelle organisation du recours aux opérateurs privés pour
limiter les coûts de coordination
La
dernière
réforme
du
dispositif
britannique
a
tiré
les
conséquences
d’une
organisation
de
la
sous-traitance
elle-même
génératrice de coûts.
Avant l’introduction du
Work
programme
en 2011,
Jobcentre Plus
pouvait acheter de nombreuses prestations auprès de différents opérateurs
privés de placement pour une rémunération uniforme. Après que cette
multiplication des contrats a été jugée inefficiente, le choix a été fait en
2007 de contracter avec des prestataires de premier rang uniquement (18
« prime
contractors »),
qui,
à
leur
tour,
peuvent
sous-traiter
l’accompagnement. Il s’agissait donc d’externaliser les coûts de
64
Selon le
National Audit Office
65
Newton B. et al.,
Work Programme Evaluation : Findings from the First Phase of
Qualitative Research on Programme Delivery
, Department for Work and Pensions
Research Report no. 821, 2012
94
COUR DES COMPTES
coordination. Une grande latitude a en outre été laissée aux prestataires
qui ne sont contraints par aucune norme nationale, même minimale
66
.
B - Aux Pays-Bas, un réajustement de la rémunération
des opérateurs privés pour maîtriser l’évolution des
coûts
Aux Pays-Bas, l’externalisation ne porte que sur la fonction
d’accompagnement,
les
fonctions
d’information,
d’orientation
et
d’indemnisation continuant à relever de la responsabilité de l’opérateur
public.
L’organisation des Pays-Bas distingue les services de l’emploi
animés par les agences locales du service public de l’emploi, pour les
demandeurs
d’emploi,
et
rattachés
aux
municipalités,
pour
l’accompagnement des bénéficiaires des minima sociaux. Une réforme de
2002 (
Implementation Structure for Work and Income
) a restreint le
périmètre d’intervention du service public néerlandais pour accroître celui
des opérateurs privés de placement. Les municipalités, en charge des
bénéficiaires
de
l’aide
sociale,
ont
elles
aussi
été
contraintes
d’externaliser 70 % de l’accompagnement. Un recours massif à la sous-
traitance de l’accompagnement des demandeurs d’emploi s’est mis en
place à partir de cette date.
Cette réforme concernait en premier lieu les bénéficiaires de
l’assurance chômage qui nécessitent une prise en charge spécifique, telle
qu’un accompagnement renforcé ou une formation professionnalisante.
En 2005, le ministère néerlandais du travail a déclaré que l’objectif était
de réduire l'accompagnement public « au minimum ». Les opérateurs
privés de placement peuvent désormais prendre en charge toute la
trajectoire du demandeur d’emploi, c’est-à-dire le suivre pendant toute la
période de chômage ou seulement pendant des segments de celle-ci.
Le recours aux opérateurs privés s’est rapidement mis en place et
est désormais stabilisé aux Pays-Bas
67
.
66
Clegg D., « Politiques d’activation récentes au Royaume-Uni : application étendue
d’une approche restrictive » in
L’aide au retour à l’emploi
, CIRAC,
2013.
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
95
Comparaison de deux systèmes de rémunération aux Pays-Bas
Une étude datant du début des années 2000 comparait deux
systèmes de rémunération aux Pays-Bas : l'un dénommé «
no cure, less
pay
» (une part fixe et une part variable), l'autre dénommé «
no cure, no
pay
» (il n'y a de rémunération que si le demandeur d'emploi est reclassé).
L'étude a mis en évidence des effets d' « écrémage » au sein du
deuxième dispositif, mais qui n'affectaient pas les résultats en termes de
placement des opérateurs, puisque le public orienté vers ce dispositif était
majoritairement constitué de personnes proches de l'emploi. Pour ce
public, le recours au «
no cure, no pay
» était modérément bénéfique,
puisque le taux de reclassement était de trois points supérieur par rapport
aux autres accompagnements. Ces résultats s'expliqueraient par le fait que
les opérateurs mettant en oeuvre le second dispositif étaient obligés d'avoir
des contacts réguliers avec leurs bénéficiaires.
Aux Pays-Bas, le coût de la sous-traitance de l’accompagnement a
varié dans le temps, augmentant entre la fin des années 1990 et le milieu
des années 2000 pour diminuer ensuite avec l’ajustement de la part fixe
de la rémunération des opérateurs privés. Le prix moyen d’une prestation
complète d’accompagnement, qui était de 3 500 € en 1998, a atteint
4 700 € en 2003, puis est revenu dans une fourchette comprise entre 2 800
et 3 500 € en 2007
68
, mais, selon certaines études, au prix d’une
dégradation de la qualité des prestations
69
.
Le gouvernement néerlandais n'a pas souhaité accompagner les
dernières réformes du dispositif par une évaluation. Les études sur
l'efficacité du service public et des opérateurs privés aux Pays-Bas sont
de ce fait relativement rares aujourd'hui
70
.
Une étude a néanmoins porté entre 2007 et 2008 sur la
comparaison de l'accompagnement par les municipalités et les opérateurs
privés auxquels celles-ci confiaient une partie de leur mission (28 % des
67
Koning P., Heinrich C., “Cream-Skimming, Parking and other Intended and
Unintended Effects of Performance-Based Contracting in Social Welfare Services”,
IZA Discussion Paper
No. 4801, 2010, p.12
68
Finn D., “Welfare Markets : lessons from contracting out the delivery of welfare to
work programmes in Australia and the Netherlands”, 2008
69
De Koning J., “The reform of the Dutch public employment service” in
The
Evaluation of Active Labour Market Policies
, 2007
70
De Koning J., “The reform of the Dutch public employment service” in
The
Evaluation of Active Labour Market Policies
, 2007
96
COUR DES COMPTES
bénéficiaires de l'aide sociale sont encore accompagnés en interne).
L'étude concluait qu'il n'y avait pas de différence significative en termes
de reclassement entre un accompagnement par la municipalité et un
accompagnement par un opérateur privé. Ceci peut s'expliquer par la
structure des opérateurs contractant avec les municipalités : deux tiers des
demandeurs d'emploi étaient orientés vers des opérateurs à but non
lucratif proches des municipalités dans leurs méthodes et leurs
motivations.
C - Une nouvelle définition des publics orientés vers les
opérateurs privés en Allemagne
En Allemagne, l’accompagnement des chômeurs combine à la fois
délégation de capacité et de spécialité. Depuis 2002, le recours aux
opérateurs privés intervient de deux manières :
-
la délégation du placement à un tiers, qui permet aux conseillers
d’orienter les demandeurs d’emploi vers des opérateurs privés ;
-
les bons de placement, qui sont proposés aux demandeurs d’emploi
inscrits depuis plus de six semaines et qui leur permettent de recourir à
l’opérateur de leur choix.
Le recours à des opérateurs privés est lentement monté en
puissance depuis l'entrée en vigueur des lois
Hartz
qui autorisent
l'opérateur public
71
à avoir complètement recours aux opérateurs privés de
placement. Les directions locales de la
Bundesagentur für Arbeit
gèrent
au niveau régional 180 appels d’offres environ. Après une gestion
relativement erratique des flux des demandeurs d'emploi orientés dans les
années 2000
72
, un mouvement de concentration du marché des sous-
traitants a été observé.
Une évaluation des performances comparées de l’opérateur public
et des opérateurs privés a été menée par la
Bundesagentur
fûr Arbeit
. Elle
71
25 % des supports d'accompagnement restent mis en place de manière indépendante
par des communes dites autonomes.
72
Schneider H., « The labour market reform in Germany and its impact on
employment services » in Lilley P. and Hartwich O. (eds)
Paying for Success: How to
make contracting out work in employment services
, Policy Exchange, London, 2008
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
97
portait sur un dispositif expérimental d’accompagnement des demandeurs
d’emploi éloignés du marché du travail entre 2009 et 2011. L’évaluation
a mis en évidence de meilleures performances de l'accompagnement
interne avec un retour à l'emploi pour le bénéficiaire plus rapide d'un à
deux mois par rapport à un suivi par un opérateur privé. Le taux de retour
à l’emploi à court terme est inférieur de 2,3 à 2,6
points pour les
opérateurs privés par rapport à la
Bundesagentur für Arbeit
, et le risque
de retour au chômage plus élevé de 7 points.
L’évaluation explique la moindre performance des opérateurs
privés par leur mode de rémunération
73
. Elle met en évidence une
corrélation positive pour l'accompagnement effectué par des opérateurs
privés ayant reçu un paiement élevé.
Si l'on s'intéresse à la trajectoire des demandeurs d'emploi suivis
par des opérateurs privés, il existerait un effet de blocage
dans les
premiers mois de l'accompagnement, lié au fait que l’opérateur a besoin
d'apprendre à connaître le bénéficiaire : les résultats positifs en matière
d'emploi
ne
seraient
visibles
que
20
mois
après
l'entrée
en
accompagnement
74
. Mais ces résultats ne sont positifs que pour certains
groupes (les jeunes de l'ex-Allemagne de l'Est, les femmes de l'ex-
Allemagne
de
l'Ouest
et
les
hommes
d'origine
immigrée).
L'accompagnement
serait
en
revanche
contre-productif
pour
les
personnes ayant une expérience professionnelle récente.
Quant aux bons de placement, leur effet serait positif. Seulement
23 % des bénéficiaires n'auraient pas trouvé de travail après l'achèvement
de leur programme de placement externalisé. Mais compte tenu de leur
très faible utilisation par les bénéficiaires, on peut penser que seul un
public spécifique a recours à ce dispositif : ce sont les demandeurs
d'emploi les plus proches du marché du travail qui en sont les principaux
utilisateurs (notamment chez les jeunes de moins de 25 ans)
75
. Leur usage
suppose en effet une certaine autonomie que tous les demandeurs
73
Winterhager H.,
Private Job Placement Services – A Microeconometric Evaluation
for Germany
, Discussion Paper No. 06-026, ZEW, Centre for European Economic
Research, 2006
74
Bernhard S., Wolff J.,
Contracting out placement services in Germany is
assignment to private providers effective for needy job-seekers?,
IAB Discussion
Paper 5/2008
75
Bernhard S, Kruppe, Th, « Vermittlungsgutscheine für Arbeitslose, oft ausgegeben
und selten eingelöst »,
IAB-Kurzbericht
, n°21, 2010
98
COUR DES COMPTES
d’emploi n’ont pas. Ils ne sont pourtant pas réservés aux publics les plus
autonomes : ainsi en 2008, une majoration de rémunération des
prestataires de 500 € a été mise en place pour favoriser la prise en charge
des chômeurs les plus éloignés de l’emploi et des personnes en situation
de handicap.
La décision a toutefois été prise en avril 2013 de généraliser
l’accompagnement interne des personnes confrontées à de multiples
barrières à l’emploi : ne sont désormais orientés vers l’accompagnement
externe que les personnes qui le souhaitent à travers des bons de
placement ou des personnes au chômage depuis plus de six mois, mais ne
nécessitant pas de lever des « freins périphériques au retour à l’emploi ».
L'orientation dépend toujours de la décision du conseiller de l’opérateur
public.
______________________
CONCLUSION
_____________________
L’étude des exemples étrangers ne permet pas de dégager un
modèle universellement performant : les particularités nationales,
notamment du point de vue du fonctionnement du marché du travail et
des systèmes d’indemnisation, rendent vaine toute tentative en ce sens. En
revanche,
les
comparaisons
internationales
mettent
en
évidence
l’existence de processus de fixation d’objectifs, d’observation des
résultats et d’ajustement des dispositifs qui apparaissent importants pour
mesurer la sensibilité des opérateurs privés aux incitations financières.
Si la mesure des résultats ne fait pas toujours l’objet de la rigueur
souhaitable, compte tenu de la difficulté de concilier principes
méthodologiques et contraintes opérationnelles, les études menées en
matière d’efficacité et d’efficience ont été prises en compte à l’étranger
pour faire évoluer les dispositifs mis en place. En France, les mesures
mises en oeuvre sur les marchés en cours n’ont pas été à la mesure des
difficultés rencontrées, malgré l’existence d’analyses quantitatives et
qualitatives réalisées à la demande du comité d’évaluation de Pôle
emploi.
Compte tenu de la difficulté d’observer dans les études
quantitatives déjà menées en France les effets d’apprentissage et l’impact
de méthodes innovantes, il serait souhaitable d’approfondir la démarche
d’évaluation comparée et de la généraliser pour toute nouvelle prestation
d’accompagnement mise en place, notamment quand les publics
concernés sont différents.
DES EVALUATIONS PERFECTIBLES, DES RÉSULTATS DÉCEVANTS
99
La Cour formule en conséquence la recommandation suivante :
5.
mettre en place une évaluation systématique pour toute prestation
d’accompagnement sous-traitée, en définissant les modalités de
l’évaluation dès la mise en place de la prestation et en prenant en
compte une période de recul nécessaire pour tenir compte des effets
d’apprentissage.
Chapitre III
Vers l’intégration du recours aux
opérateurs privés dans une stratégie
d’ensemble de Pôle emploi
L’année 2013 a été marquée à Pôle emploi par la mise en place des
nouvelles modalités de suivi des demandeurs d’emploi au sein des
agences
de
proximité
pour
mieux
répondre
aux
besoins
d’accompagnement des demandeurs d’emploi dans un contexte de
chômage toujours élevé et de forte progression du chômage de longue
durée. La spécialisation des conseillers selon trois types de suivi
(« accompagnement renforcé », « accompagnement guidé » et « suivi »)
s’est accompagnée d’une augmentation des moyens internes consacrés à
l’accompagnement renforcé.
C’est dans ce contexte que la direction générale de Pôle emploi a
engagé
la première étape d’une réflexion sur les publics et les prestations
devant entrer dans le champ de la sous-traitance.
En février 2014, après une large phase de consultation des
opérateurs privés à l’automne 2013, la direction générale de Pôle emploi
a proposé au conseil d’administration un changement majeur dans les
conditions de recours aux opérateurs privés de placement, en cohérence
avec le résultat des évaluations et la stratégie développée pour la nouvelle
offre de services interne. Dans un premier temps, la réflexion a porté sur
l’externalisation dite
« de capacité
76
».
Il est prévu que le recours aux
76
L’externalisation de « capacité » vise à s’adapter à l’augmentation du nombre de
demandeurs d’emploi, alors que l’externalisation de « spécialité » vise à produire des
prestations spécifiques adaptées à certains publics.
102
COUR DES COMPTES
opérateurs privés pour l’externalisation de prestations
« de spécialité »
soit abordé par le conseil d’administration au second semestre 2014.
I -
Une réflexion stratégique en cours d’élaboration
La mise en oeuvre des nouvelles modalités de suivi des demandeurs
d’emploi est une étape importante dans l’évolution de Pôle emploi. Coeur
des orientations stratégiques inscrites dans la convention tripartite signée
en janvier 2012 par l’Etat, l’Unédic et Pôle emploi, elle s’est déployée
jusqu’à présent sur le seul champ de l’offre de services interne, l’offre de
services externe (cotraitance et sous-traitance) étant peu abordée dans les
documents stratégiques.
Dans son prolongement, Pôle emploi a entrepris de redéfinir les
conditions du recours aux opérateurs privés qui n’avait jusqu’à présent
pas fait l’objet d’une véritable stratégie.
La définition de l’ensemble des publics et des prestations
concernés par la prochaine vague de marchés de sous-traitance n’est, à ce
stade, pas complète, même si une première étape importante a été
franchie avec la définition du champ de l’externalisation de
« capacité »
par une délibération du conseil d’administration en février 2014. Les
modalités pratiques de mise en oeuvre des nouvelles orientations validées
appellent
également
d’importants
travaux
d’approfondissement
opérationnel et de conduite du changement.
A - Une lacune des documents stratégiques
Jusqu’à présent, tant les conventions conclues entre l’Etat,
l’Unédic et Pôle emploi que le plan stratégique
Pôle emploi 2015
n’ont
que brièvement mentionné le recours à la sous-traitance (
cf. annexe n° 7
),
sans fournir de cadrage stratégique suffisant.
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
103
1 - La convention tripartite de 2009
La première convention, conclue le 2 avril 2009, conjuguait :
-
une externalisation de spécialité, pour des prestations « nécessitant des
compétences spécialisées dont Pôle emploi ne dispose pas en
interne »
77
;
-
et une externalisation de capacité, pour « faire réaliser des prestations
similaires à celles que Pôle emploi réalise directement dans le cadre
de son offre de service, afin de majorer ses capacités d’action et de
confronter ses méthodes et résultats à ceux d’autres opérateurs. Ces
prestations peuvent être ponctuelles ou globales ».
Cette convention précisait les modalités juridiques du recours à la
sous-traitance pour les prestations et indiquait un volume minimum de
100 000 demandeurs d’emploi à orienter vers les sous-traitants pour des
prestations d’accompagnement. Mais les publics étaient définis de
manière très large (demandeurs d’emploi relevant d’un accompagnement
renforcé ou de la création d’entreprise, licenciés économiques) et, surtout,
aucune cohérence n’était définie entre l’offre de services interne à faire
évoluer, la cotraitance
78
et la sous-traitance dans le cadre de la
personnalisation des services aux demandeurs d’emploi et face à la
montée du chômage.
2 - La convention tripartite de 2012 et le plan stratégique
Pôle emploi
2015
La deuxième convention tripartite, signée le 11 janvier 2012, s’est
inscrite dans la continuité de la précédente et, de manière très laconique,
s’est limitée à préciser que
« s’agissant de l’accompagnement, Pôle
emploi mobilise les opérateurs de placement pour des prestations longues
au profit des publics spécifiques, notamment les demandeurs les plus
éloignés de l’emploi et les licenciés économiques ».
Alors que la
77
Sont notamment visées les prestations en matière d’évaluation des compétences et
de formation.
78
La convention se bornait à prévoir la poursuite du dispositif de cotraitance et le
renouvellement des conventions de partenariat, en prévoyant d’évaluer les résultats,
ce qui n’a pas été fait.
104
COUR DES COMPTES
prescription de prestations de placement sous-traitées reculait fortement
en 2011 et que les marchés venaient d’être renouvelés, la stratégie de
recours à la sous-traitance n’a guère été explicitée. L’accent a en
revanche davantage été mis sur l’évaluation régulière de la prescription
de prestations. Aucun indicateur de suivi de cette convention ne portait
toutefois sur le résultat des accompagnements réalisés par les partenaires
cotraitants ou les prestataires sous-traitants.
Le plan stratégique
Pôle emploi 2015
n’a pas été plus précis sur le
recours à la sous-traitance. Il dispose que
« Pôle emploi doit se doter en
interne d’une offre de services répondant à ces problématiques [c’est-à-
dire aux besoins des demandeurs d’emploi qui sont les plus éloignés du
marché du travail] tout en continuant à s’appuyer sur les partenaires et
les prestataires externes ».
Le plan stratégique a également prévu de
renforcer le système de suivi des résultats des sous-traitants, en particulier
au regard du retour à l’emploi à horizon 2014. Les bilans d’étape
présentés ne mentionnent pas le recours aux opérateurs privés, sauf au
titre de l’action relative à l’amélioration du suivi des résultats.
Dans ce contexte, une plus grande visibilité de la stratégie de Pôle
emploi a été fréquemment demandée par les opérateurs, pendant la
période récente, pour adapter leur modèle économique. Comme l’a
souligné par exemple l’un d’entre eux dans sa réponse à la consultation
publique lancée par Pôle emploi en novembre 2013, la clarification de la
stratégie de Pôle emploi est un préalable à l’amélioration de la situation
économique du secteur :
« Il nous apparaît que le motif de recours aux
[opérateurs privés de placement]
doit être explicité : selon qu’il s’agit
d’une externalisation de capacité ou de qualité, le modèle économique est
différent. Dans ce deuxième cas, la rémunération est liée à la
performance, mais les marges de manoeuvre sont plus importantes dans
l’adaptation du contenu de l’accompagnement ».
Le principe d’une poursuite du recours aux opérateurs privés ayant
été acté par le conseil d’administration en février 2014, la prochaine
convention tripartite pourrait utilement reprendre les orientations validées
et décrire les conditions de recours aux partenaires cotraitants et aux
prestataires sous-traitants en matière de délégation du suivi du PPAE, par
une explicitation de la cohérence d’ensemble de l’offre de services à
destination des demandeurs d’emploi, qu’elle soit mise en oeuvre en
interne ou externalisée.
La DGEFP est favorable à cette orientation.
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
105
B - Une recherche de cohérence avec le déploiement de
la nouvelle offre de services interne
L’offre de services de Pôle emploi a été profondément revue en
2013 pour le suivi et l’accompagnement interne des demandeurs
d’emploi, conformément à la convention tripartite et au plan stratégique
Pôle emploi 2015
, sans que les conséquences de la redéfinition des
priorités de Pôle emploi («
faire plus pour ceux qui en le plus besoin
»)
soient cependant complètement tirées. En effet, si Pôle emploi développe
les moyens qu’il consacre directement à l’accompagnement des publics
en difficulté, la question du maintien de l’existence de certaines
prestations externalisées est posée.
1 - L’augmentation des besoins d’accompagnement avec la crise
L’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi a nécessité
une adaptation des modalités et des moyens consacrés à l’accueil,
l’inscription et l’information des demandeurs d’emploi. La progression du
chômage de longue durée
79
et de l’intensité du chômage
80
a en outre
soulevé
la
question
de
l’augmentation
des
moyens
dédiés
à
l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi en difficulté de
réinsertion professionnelle : la part du chômage de longue durée a
fortement augmenté, passant de 30,4 % en janvier 2009 à 42,2 % en
janvier 2014, de même que la durée moyenne de chômage - passée de
389 jours en janvier 2009 à 515 jours en janvier 2014 - et l’intensité du
chômage :
79
Le chômage de longue durée correspond à une durée d’inscription d’au moins
douze mois sur les listes de Pôle emploi.
80
L’intensité du chômage est mesurée par la part des demandeurs d’emploi ayant une
durée d’inscription en catégorie A (aucune activité) d’au moins 21 mois dans les
24 derniers mois. Une partie de la progression de l’indicateur est due à la suppression
progressive de la dispense de recherche d’emploi pour les seniors au chômage.
106
COUR DES COMPTES
Graphique n° 4 :
part des demandeurs d’emploi inscrits depuis plus
d’un an sur les listes de Pôle emploi (catégories A, B et C)
Source :
Pôle emploi – DARES (calculs CVS-CJO DARES)
En décembre 2013, 2,2 millions de personnes étaient inscrites à
Pôle emploi en catégorie A, B ou C depuis au moins un an.
Graphique n° 5 :
intensité du chômage
Source :
Bilan d’étape relatif à la convention tripartite État / Unédic / Pôle emploi,
juillet 2013
Ces
indicateurs
témoignent
des
difficultés
de
réinsertion
professionnelle rencontrées par un nombre croissant de chômeurs et de la
nécessité d’apporter un appui à la définition d’un projet professionnel, de
faciliter l’accès à la formation, d’encourager la mobilité, de prendre en
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
107
compte des difficultés d’ordre non professionnel, et d’appuyer la
recherche d’emploi.
2 - L’augmentation globale des moyens consacrés à
l’accompagnement
Les dépenses relatives à l’accompagnement et au placement des
demandeurs d’emploi, hors accueil et inscription, représentaient en 2012
près de 60 % des coûts opérationnels de Pôle emploi (partenariats et
cotraitance compris).
Selon la comptabilité analytique de Pôle emploi, le coût
opérationnel
81
pour
l’opérateur
public
des
actions
de
suivi
et
d’accompagnement des demandeurs d’emploi, qu’elles soient réalisées en
interne ou externalisées, a augmenté de 4,6 % entre 2011 et 2012 pour
atteindre 2,372 Md€, soit une dépense moyenne de l’ordre de 620 € par
demandeur d’emploi.
Cette progression s’est poursuivie en 2013, notamment avec la
deuxième vague des recrutements supplémentaires et du redéploiement
interne des moyens en faveur de l’accompagnement des demandeurs
d’emploi.
Cette augmentation des moyens est principalement due à celle du
nombre de conseillers en contact avec les demandeurs d’emploi.
Alors que les moyens de Pôle emploi avaient été réduits en 2011
avec une amélioration temporaire de la situation de l’emploi
82
, la
persistance de la crise a conduit les pouvoirs publics à augmenter le
plafond d’emploi en 2012, d’abord en autorisant le recrutement de 1 000
CDD supplémentaires lors du sommet de crise de janvier, puis
l’embauche
annoncée
en
juillet
de
2 000
CDI
(permettant
la
81
Le coût opérationnel représente 82 % des dépenses de fonctionnement et
d’intervention de Pôle emploi. Le solde, environ 0,9 Md€ sur 5 Md€, est constitué
pour l’essentiel de frais de structure qui ne sont pas directement imputés aux
processus opérationnels, mais répartis en fonction du poids respectif de chaque
processus dans le total des coûts opérationnels.
82
L’effectif inscrit exprimé en ETP s’élevait à 48 532 fin 2010, 47 341 fin 2011 et
48 724 fin 2012 (
source : bilan social de Pôle emploi
).
108
COUR DES COMPTES
transformation en contrats à durée indéterminée des recrutements
annoncés en début d’année). En mars 2013, le gouvernement a de
nouveau autorisé le recrutement de 2 000 CDI supplémentaires. Le coût
de ces embauches a été supporté par l’État à 100 % pour les recrutements
de 2012 et aux deux tiers pour les recrutements intervenus en 2013, le
solde étant financé par les marges de manoeuvres dégagées par l’opérateur
public. Pôle emploi s’est enfin engagé à redéployer en interne des
ressources à hauteur de 2 000 ETP pour renforcer l’accompagnement des
demandeurs d’emploi.
Le «
temps consacré au suivi et à l’accompagnement des
demandeurs d’emploi
»
83
est passé de 6 720 ETP fin 2011 (14,2 % du
total des ETP) à 7 407 fin 2012 (15,2 % du total des ETP) et 10 375 ETP
à fin 2013 (20,4 % du total des ETP). L’augmentation du nombre d’ETP
consacrés au suivi et à l’accompagnement est donc supérieure à la hausse
du nombre total d’ETP entre fin 2011 et fin 2013.
3 - La mise en oeuvre des nouvelles modalités de suivi
Depuis le premier semestre 2013, les demandeurs d’emploi inscrits
en catégorie A (sans activité) ou B (activité réduite inférieure à 78 heures)
sont suivis par des conseillers référents selon trois modalités selon que
leur retour à l’emploi nécessite un accompagnement intensif et
personnalisé (« accompagnement renforcé ») ou que leur autonomie
permette au contraire d’espacer les contacts (« suivi »). Les autres
demandeurs d’emploi bénéficient d’un accompagnement dit « guidé »,
intermédiaire entre les deux autres modalités.
L’ensemble
des
demandeurs
d’emploi
nécessitant
un
accompagnement renforcé n’est
pas suivi par des conseillers dans le
cadre de la modalité spécifique prévue à cet effet, en raison notamment
des arbitrages à opérer entre les effectifs et la taille maximum des
portefeuilles en accompagnement renforcé (70 contre 100 à 150 pour
l’accompagnement guidé et 200 à 350 pour le suivi).
83
Indicateur 15 de la convention tripartite.
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
109
Si Pôle emploi entend faire de l’accompagnement renforcé une
priorité, la part de ce mode d’accompagnement réalisée en interne
demeure encore limitée. Au 1
er
septembre 2013
84
, 132 930 demandeurs
d’emploi bénéficiaient d’un accompagnement renforcé réalisé en interne :
ils représentaient seulement 6 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi
affectés aux portefeuilles des conseillers référents. De même, les
conseillers référents chargés de l’accompagnement renforcé au sein des
agences généralistes n’étaient au nombre que de 2 939 agents, soit 14 %
de l’ensemble des conseillers référents
85
(par ailleurs, 61 % de ceux-ci
étaient affectés à l’accompagnement guidé, qui est donc majoritaire, et
25 % au suivi).
C - Les orientations validées par le conseil
d’administration en février 2014
1 - La reprise en interne de l’accompagnement des bénéficiaires des
prestations
Objectif emploi
et
Trajectoire vers l’emploi
En février 2014, la direction générale a proposé au conseil
d’administration de ne pas reconduire les prestations
Objectif emploi
(OE) et
Trajectoire vers l’emploi (TVE)
à l’issue des marchés en cours,
dont la durée serait prolongée jusqu’en mi-2015.
S’agissant de demandeurs d’emploi de longue durée ou présentant
un risque de chômage de longue durée, l’accompagnement interne de ces
publics paraît en effet cohérent avec la nouvelle offre de services de Pôle
emploi qui vise à développer l’accompagnement renforcé dans sa gamme
de services interne pour «
ceux qui en ont le plus besoin
».
Toutefois,
l’augmentation
des
moyens
consacrés
à
l’accompagnement renforcé des publics
OE
et
TVE
(flux annuel de
160 000 personnes en 2012 et de 125 000 en 2013) nécessiterait, à budget
constant, de redéployer un nombre important de conseillers actuellement
positionnés sur les autres modalités de suivi des demandeurs d’emploi.
84
Idem.
85
Il ne s’agit pas d’équivalents temps plein : l’accompagnement renforcé ne
représente pas nécessairement 14 % du temps de l’ensemble des conseillers consacré
au suivi et à l’accompagnement des demandeurs d’emploi.
110
COUR DES COMPTES
La direction générale a donc proposé au conseil d’administration,
qui l’a accepté le 12 février dernier, de confier aux opérateurs privés
l’accompagnement de publics plus autonomes, ayant besoin d’un appui
méthodologique pour la recherche d’emploi et pour mettre en oeuvre un
projet professionnel déjà validé, et de créer à cet effet une nouvelle
prestation sous-traitée à compter de mi-2015.
Ainsi, le profil moyen défini, présentant moins de distance au
marché du travail, pourrait permettre aux opérateurs privés de développer
davantage de synergies avec leurs autres activités de reclassement ou
d’intérim.
D’autre part, la gestion des flux et l’équilibre économique des
marchés pourraient être améliorés plus aisément, tout en nécessitant une
vigilance particulière.
Avec cette nouvelle orientation, en dehors des prestations destinées
aux licenciés économiques et qui ne sont pas définies par Pôle emploi,
mais par l’État et les partenaires sociaux, le recours aux opérateurs privés
pour faire face à une conjoncture défavorable ne porterait donc plus sur
les publics en difficulté d’insertion professionnelle, mais sur les
demandeurs d’emploi les plus proches du marché du travail.
S’adressant à des publics plus autonomes et dont le projet
professionnel est déjà précisé, la nouvelle prestation approuvée par le
conseil d’administration, dont la durée pourrait être de quatre mois, pose
a contrario
la question de l’avenir des prestations plus ponctuelles
actuellement sous-traitées, à la fois pour assurer la cohérence et la
lisibilité de l’offre vis-à-vis des conseillers et des demandeurs d’emploi et
pour rationaliser les moyens, la mise en oeuvre des nouvelles conditions
de recours aux opérateurs privés devant se faire sans coût supplémentaire
et à effectifs constants, comme cela a été acté par le conseil
d’administration.
Par ailleurs, la définition des publics auxquels est destinée cette
nouvelle prestation mérite d’être étudiée avec soin pour éviter les
prescriptions inadaptées, garantir la qualité de l’orientation par les
conseillers, et vérifier que la réalisation de prestations plus ponctuelles et
moins coûteuses, telles que les ateliers de recherche d’emploi existant
actuellement, ne suffit pas.
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
111
En outre, dans la mesure où la prestation s’adressera à des
demandeurs d’emploi dont le projet professionnel serait déjà validé, la
question du moment de la prescription doit être approfondie, qu’il
s’agisse de l’entretien d’inscription et de diagnostic, lorsque c’est
possible, ou bien ultérieurement, lorsque le demandeur d’emploi a
démontré que ses démarches personnelles n’aboutissent pas dans un délai
raisonnable.
Enfin, une étude sur les coûts et les gains prévisionnels associés
aux différentes options possibles devrait être réalisée avant la fixation du
cahier des charges de la prestation.
2 - Une réflexion qui reste à compléter
a)
La définition des publics
Cette évolution ne fait pas obstacle au maintien de prestations
sous-traitées au bénéfice de publics plus particuliers, qui nécessitent une
analyse plus approfondie. L’externalisation dite «
de spécialité
»
concerne en effet aujourd’hui les cadres, les créateurs d’entreprise, les
jeunes diplômés et les demandeurs d’emploi rencontrant des difficultés
d’ordre social et professionnel. À cet égard, le conseil d’administration a
accepté en février 2014 le principe du maintien d’une externalisation de
spécialité sans que les publics soient, à ce stade, définis.
La
question
de
l’éventuelle
reprise
en
interne
de
l’accompagnement de certains publics particuliers devra également être
posée lorsque seront examinées les prestations d’accompagnement entrant
dans la sous-traitance de
« spécialité »
(cadres, jeunes diplômés, créateurs
d’entreprise, demandeurs d’emploi présentant des difficultés d’ordre
social et professionnel).
L’absence de compétences généralisées chez les conseillers de
Pôle emploi dans le domaine de la création et de la reprise d’entreprise
pourrait justifier le maintien d’une prestation externalisée à cet effet. En
revanche, la mise en place d’un accompagnement dit
« global »
conjoint
entre Pôle emploi et les conseils généraux
86
pour les publics en difficulté
86
cf. annexe n° 10
.
112
COUR DES COMPTES
d’insertion sociale et professionnelle soulève la question du maintien de
la prestation
Mobilisation vers l’emploi
(
MOV
).
b)
La mise en oeuvre opérationnelle du recours aux opérateurs privés
Les orientations présentées au conseil d’administration n’ont pas
seulement porté sur la réorientation du public cible pour l’externalisation
de capacité, mais également sur certaines des modalités de mise en oeuvre
qui avaient fait l’objet de constats de dysfonctionnements.
Outre l’allongement de la durée des marchés, quatre points sont à
noter particulièrement :
-
la transformation de la logique de mise en concurrence du service
public de l’emploi en logique partenariale, avec l’instauration
d’échanges entre les agences et les opérateurs privés et le
rétablissement d’un partage d’informations (autrement que par les
seuls « livrables ») ;
-
l’établissement de marges de manoeuvre plus importantes pour les
opérateurs en contrepartie d’un contrôle qualité renforcé et de la prise
en compte d’enquêtes de satisfaction des demandeurs d’emploi pour la
rémunération ;
-
le choix de lieux d’exécution de la prestation qui permettent
d’accompagner un nombre suffisant de demandeurs d’emploi ;
-
l’ajustement de la rémunération pour remédier au déséquilibre
économique structurel des marchés (introduction d’une rémunération
forfaitaire liée à des coûts fixes, prise en compte d’une partie du
travail réalisée en cas d’abandon par le demandeur d’emploi en cours
de prestation).
En ce qui concerne la question de la qualité de la prescription, le
document présenté au conseil d’administration demeure très général : une
des actions citées permettant de donner une plus grande visibilité aux
opérateurs est ainsi
« [la garantie] du respect du ciblage des publics par
une orientation appropriée ».
La réflexion sur l’approche « métier » est également moins
avancée que celle qui porte sur la relation « client-fournisseurs ». Elle est
pourtant déterminante, ne serait-ce que parce que le ciblage de publics
plus autonomes ouvre davantage de perspectives pour favoriser
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
113
l’adhésion des conseillers et des demandeurs d’emploi à l’externalisation
des prestations.
Les nouveaux marchés devant entrer en vigueur mi-2015, les
principes retenus par le conseil d’administration devront faire l’objet
d’études plus complètes pour élaborer les cahiers des charges en vue des
prochains appels d’offres, mais aussi, ce qui apparaît essentiel pour la
Cour, pour préciser les modalités concrètes de mise en place de ce
changement majeur à coût supplémentaire nul et effectifs constants
87
:
réinternalisation de l’accompagnement de 137 000 demandeurs d’emploi
en
difficulté
d’insertion
professionnelle,
sous-traitance
de
l’accompagnement de 500 000 demandeurs d’emploi plus autonomes,
redéploiement de 700 conseillers aujourd’hui affectés à la modalité
interne de « suivi » vers la modalité interne d’ « accompagnement
renforcé ».
La DGEFP souhaite que, au-delà de la dimension capacitaire, la
nouvelle génération de marchés permette effectivement de favoriser les
approches innovantes chez les opérateurs comme dans les agences de
Pôle emploi. Elle attache une importance particulière à la qualité de la
prescription des prestations par les conseillers de Pôle emploi. Elle
souhaite enfin que soient examinées les conséquences éventuelles de la
modification du profil moyen des demandeurs d’emploi accompagnés par
Pôle emploi sur les relations de l’opérateur avec les entreprises ayant des
emplois à pourvoir.
Si
ces
nouvelles
orientations
validées
par
le
conseil
d’administration apparaissent cohérentes avec la stratégie actuelle de Pôle
emploi, la Cour estime qu’elles ne porteront pleinement leurs fruits que si
elles sont accompagnées jusqu’au niveau local dans le cadre d’un projet
de conduite du changement et si le pilotage de la sous-traitance progresse.
Une inscription dans la prochaine convention tripartite de la stratégie
d’externalisation, assortie d’un indicateur de pilotage, serait en
conséquence souhaitable.
La Cour considère qu’une vigilance particulière devrait également
être apportée à la manière dont le réseau va pouvoir intégrer les vagues
successives de réformes sur la période charnière 2013-2015 avec la mise
en place de la nouvelle offre de services (reposant sur les trois modalités
87
Ce point a été confirmé par la direction du Budget.
114
COUR DES COMPTES
de suivi actuelles), le futur déploiement de l’accompagnement global
(s’appuyant
sur
une
quatrième
modalité
de
suivi
non
encore
opérationnelle), et la réorientation de la sous-traitance, voire l’évolution
des critères d’orientation des publics vers les partenaires cotraitants.
II - Un enjeu important de conduite du changement
Les orientations présentées au conseil d’administration en février
2014 témoignent de la prise en compte par Pôle emploi de la nécessité de
faire évoluer l’organisation et les modalités de la sous-traitance. Une
attention particulière devra cependant également être portée à la conduite
du changement et à la mise en place des nouveaux marchés.
A - Les effets de l’image négative de la sous-traitance
dans le réseau des agences
1 - Une image dégradée et une mauvaise connaissance des prestations
L’objectif initial d’une mise en concurrence de l’opérateur public
avec des opérateurs privés en vue d’améliorer la performance de l’ANPE
en matière de retour à l’emploi et le protocole expérimental mis en place
fin 2006 ont été mal perçus par les personnels de l’ANPE. Le défaut
d’explication de la méthode et des outils utilisés pour le « profilage » et la
constitution des cohortes a alors engendré une grande défiance des agents
de l’opérateur public
88
.
La Cour a interrogé, en octobre 2013, 300 directeurs d’agences
locales situées dans sept régions
89
sur leur perception des prestations
sous-traitées. Plus de la moitié d’entre eux ont porté une appréciation
globalement négative sur les prestations d’accompagnement sous-traitées.
88
À titre d’exemple, les publics pris en charge étaient différents : allocataires de
l’assurance chômage pour les opérateurs privés de placement, mais tous demandeurs
d’emploi, qu’ils soient indemnisés ou non pour l’ANPE. En revanche, les cohortes
prises en compte pour l’évaluation étaient constituées de publics identiques.
89
Aquitaine, Bourgogne, Haute-Normandie, Île-de-France, Languedoc-Roussillon et
Lorraine.
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
115
Leur insatisfaction portait sur la couverture géographique, la discontinuité
des prestataires habituels liée à la mise en place de la nouvelle procédure
de marché en 2008, la précarité des intervenants qui entraîne des
répercussions sur la qualité des prestations délivrées, voire le cahier des
charges des prestations élaboré au niveau national.
De même, interrogées par la Cour sur leur appréciation concernant
l’adéquation aux besoins des marchés de sous-traitance et sur leur
exécution, plusieurs directions régionales de Pôle emploi ont également
fait part de leur regret de voir la procédure de marchés conduire à écarter
des prestataires de petite taille, avec lesquels les agences travaillaient
précédemment, au profit de prestataires d’envergure nationale, ce qui a
parfois pour conséquence une méconnaissance des territoires et une
instabilité des équipes conduisant à une baisse des compétences.
Ces réactions tendent à montrer que, si le poids accordé au critère
prix apparaissait moins important dans la sélection des attributaires des
marchés que l’analyse des capacités opérationnelles et techniques, la
valeur ajoutée potentielle du recours à la sous-traitance pourrait sans
doute être mieux perçue par les agences locales.
En outre, l’orientation excessive du contrôle de qualité sur les
conditions d’exécution formelle du cahier des charges et l’insuffisance de
la diffusion des résultats des contrôles réalisés au niveau régional ne
permettent pas suffisamment aux conseillers de mettre en perspective ces
évaluations avec l’appréciation des demandeurs d’emploi qui sont repris
en charge par Pôle emploi à l’issue de la prestation. Dès lors, même s’il
arrive qu’en cas de qualité insuffisante, Pôle emploi résilie le marché
pour faute
90
, les constats des contrôles comme les actions correctrices
restent peu connues des conseillers. Le contrôle qualité peut même avoir
une influence négative sur l’acte de prescription d’une prestation,
lorsqu’il est insuffisamment organisé ou lorsque ses résultats ne sont pas
communiqués aux conseillers sous une forme utilisable.
90
Un recours de plein contentieux d’un prestataire figurant parmi les 20 prestataires
les plus importants de Pôle emploi, toujours pendant, a été introduit devant le tribunal
administratif de Lyon pour contester la résiliation d’un marché.
116
COUR DES COMPTES
Enfin, en l’absence d’échanges de bonnes pratiques entre agences
et prestataires, le recours au secteur privé a souvent été perçu comme un
moyen d’alléger la charge de travail des conseillers, et non comme la
possibilité d’élargir la gamme de services.
2 - Les effets sur les pratiques de prescription des conseillers
Une évaluation interne
91
du recours aux prestations, publiée en
juillet 2011, a été demandée par le comité d’évaluation de Pôle emploi en
raison du
« constat d’un usage limité au regard de la montée du chômage
au cours des années 2008 et 2009 ».
Outre la diversité des pratiques
régionales et locales, cette étude a mis en lumière plusieurs types de
difficultés tenant aux caractéristiques propres des prestations, aux
réticences des demandeurs d’emploi, mais aussi à une série de facteurs
sur lesquels il est possible d’influer pour améliorer la qualité de la
prescription (
« pratiques
managériales,
qualité
de
l’information
disponible, efforts de développement des compétences des conseillers,
contrôle qualité et poids des tâches administratives »
)
.
Cette étude soulignait notamment que, globalement, les conseillers
prescrivaient davantage les prestations qu’ils connaissaient le mieux
92
,
mais qu’ils ne parvenaient pas toujours à convaincre les demandeurs
d’emploi du bien-fondé de la prestation. Elle constatait par ailleurs une
qualité de l’orientation très variable, qui altérait la cohérence des
populations de bénéficiaires et la qualité de l’adhésion des demandeurs
d’emploi. Il était également observé que la prestation externalisée n’était
pas réellement intégrée au parcours du demandeur d’emploi par le
conseiller :
« le temps de prise en charge par un prestataire externe est
souvent assimilé à une période « neutralisée » »
et les résultats de la
prestation sont fréquemment peu pris en compte.
91
Cf. Pôle emploi et CREDOC, « Le recours aux prestations destinées aux
demandeurs d’emploi »,
Repères et Analyses n° 27 – Etudes,
Pôle emploi, juillet
2011. Pour cette étude, le CREDOC a été chargé de l’observation des pratiques de
mobilisation des prestations par les conseillers de Pôle emploi dans six régions entre
janvier et septembre 2010.
92
Dans certains départements observés, cette connaissance a été améliorée par la
participation des prestataires aux réunions de services tenues dans les agences.
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
117
L’exemple de la prestation
Cible emploi
L’étude précitée relevait que la prestation
Cible
emploi, qui
consistait en un accompagnement de trois mois pour les publics en
difficulté d’insertion, semblait bien intégrée dès 2009 aux pratiques des
conseillers au regard du volume de prescriptions. Elle apparaissait
cependant en concurrence avec
Trajectoire emploi (TRA),
prestation de six
mois prévue pour les publics en difficulté de réinsertion professionnelle.
L’étude notait que
« souvent, les conseillers ne semblent pas être en
mesure de faire la différence entre les deux dispositif
93
s malgré leurs
durées de prestation distinctes (trois mois maximum pour la première, six
mois maximum pour la seconde). La frontière entre les niveaux
d’employabilité des demandeurs d’emploi cibles des deux dispositifs est
floue et pose de réels problèmes de critères d’éligibilité pour les
conseillers ».
Cette difficulté a perduré avec les prestations qui ont pris la suite
dans le cadre du marché de prestations 2012 :
Objectif emploi
et
TVE
.
L’absence de prestation dans le domaine de l’appui social
94
,
déplorée par les conseillers, pourrait contribuer à expliquer l’inadéquation
partielle des profils orientés vers les prestations d’accompagnement au
regard du cahier des charges des prestations.
L’étude
soulignait
par
ailleurs
que
« l’externalisation
des
prestations par Pôle emploi introduit parfois le risque de perception d’une
perte d’expérience de la part des conseillers et de doute quant à la
pertinence de la prescription » : « L’existence, au sein d’un même
groupement, de prestataires jugés inégalement efficaces par les
conseillers génère des stratégies de contournement qui peuvent aller
jusqu’à ne plus utiliser une prestation au motif qu’un des prestataires
l’assurant n’est pas jugé fiable ».
93
Pourtant, la prestation
Cible emploi
semblait plutôt être prescrite lors du troisième
mois de chômage, alors que l’orientation vers la prestation TRA était bien plus tardive
comme le montre l’ancienneté moyenne sur les listes de Pôle emploi des cohortes
examinées dans le cadre de l’étude coûts-bénéfices menée fin 2013. Ces cohortes,
entrées en prestation au premier trimestre 2010, totalisaient en moyenne 446 jours
d’inscription à Pôle emploi.
94
La mise en place de la quatrième modalité de suivi interne constitue une autre
forme de réponse au besoin identifié de prise en charge globale.
118
COUR DES COMPTES
Selon l’étude, les effets de la perception des conseillers n’étaient
pas
contrebalancés
par
l’existence
d’une
stratégie
régionale
ou
territoriale : le « dialogue de performance » mené chaque année entre les
échelons nationaux et régionaux pour allouer les ressources budgétaires
n’apparaît pas suffisamment lié à la définition d’une stratégie régionale
en matière de mobilisation des prestations ».
L’étude mentionnait enfin des actions menées par certaines
directions régionales qui, « face aux difficultés de prescription et au
phénomène de « blacklistage » par les conseillers de certains opérateurs,
ont choisi d’organiser des rencontres entre prescripteurs et prestataires.
D’autres régions ont été conduites à « recadrer » certains prestataires
lorsque des dérives étaient constatées ». Au niveau territorial, des plans
d’action ont été mis en place, mais ceux qui n’ont pas été suffisamment
accompagnés par l’encadrement local et ont été interprétés par les
conseillers comme visant essentiellement à respecter les seuils minimaux
des marchés n’ont pas produit les effets escomptés.
De surcroît, la mise en place de la fongibilité des crédits
budgétaires de la section III
95
peut accroître le risque de pratiques
« personnelles » de prescription si le management local et territorial ne
veille pas suffisamment à la mobilisation adéquate de l’ensemble de la
palette des prestations, internes et externes, au regard des besoins des
demandeurs d’emploi et des contraintes budgétaires.
En outre, si la rénovation des modalités d’élaboration du diagnostic
territorial partagé intervenue en 2012 et 2013 doit permettre d’améliorer
l’identification des besoins, le lien précis reste à faire avec la manière
dont l’offre externe est mobilisée pour y répondre.
Enfin, bien que la qualité de la prescription soit une question
récurrente, qu’elle soit abordée sous l’angle de l’égalité de traitement des
demandeurs d’emploi ou de la personnalisation des services, la deuxième
convention tripartite n’a prévu un renforcement des outils d’aide au
diagnostic et à la prescription que fin 2014. Cet outil, conçu comme étant
complet puisqu’il devrait inclure une cartographie du marché du travail,
un outil d’aide au diagnostic, un outil d’aide à la prescription notamment,
95
La section III regroupe les dépenses d’intervention : prestations externalisées
(cotraitance et sous-traitance), formations, aides. Certaines dépenses demeurent
cependant hors du champ de la fongibilité compte tenu des engagements contractuels
(cotraitance, CSP).
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
119
devrait donc être déployé 18 mois seulement après la mise en place de la
nouvelle offre de services, alors qu’en période de chômage élevé, la
sûreté et la rapidité du diagnostic et de la prescription sont essentielles.
3 - La faiblesse des contacts entre les agences et les prestataires
Plusieurs facteurs ont contribué à isoler les prestataires privés des
conseillers chargés de Pôle emploi :
-
l’accent mis sur la performance et les résultats dans le mode de
rémunération des prestataires privés apparaît en décalage avec le
mode de pilotage en vigueur chez l’opérateur public ;
-
le déplacement au niveau régional des relations des prestataires avec
Pôle emploi pour la gestion, mais aussi le pilotage des flux et le
contrôle de la qualité n’ont pas favorisé une bonne connaissance de
l’offre de services sous-traitée par les conseillers prescripteurs.
Un rapprochement avec les agences est généralement souhaité par
les prestataires, qui sont conscients que l’amélioration de la gestion des
flux passe par un contact direct au niveau local. Afin de mieux intégrer
l’accompagnement externe dans l’ensemble du parcours du demandeur
d’emploi, certains opérateurs souhaiteraient ainsi que des contacts entre
leurs consultants et les conseillers de Pôle emploi puissent s’établir
pendant le déroulement de la prestation et à la fin de celle-ci.
Toutefois, inquiet de la charge supplémentaire que de telles
pratiques induiraient pour les conseillers de Pôle emploi, l’opérateur
public souhaite plutôt développer les échanges avec l’encadrement des
agences
locales
et
établir
de
nouveaux
échanges
d’information
informatisés après l’échec de la tentative d’utilisation du dossier unique
du demandeur d’emploi (DUDE) par les opérateurs privés.
120
COUR DES COMPTES
Le dossier unique du demandeur d’emploi (DUDE)
Conçu en priorité pour faciliter les échanges entre l’ANPE et
l’Unédic, le DUDE a été mis en place en 2006-2007 avec l’objectif d’y
faire adhérer l’ensemble des acteurs impliqués dans la prise en charge des
demandeurs d’emploi. Devaient donc également y être connectés les
partenaires cotraitants (missions locales et Cap emploi), les opérateurs
privés de placement et d’autres acteurs comme les Conseils généraux.
Toutefois, le DUDE représentait un défi technique important et
l’obligation initiale de double saisie des informations a découragé une
partie des utilisateurs. Avec la création de Pôle emploi, la finalité première
du DUDE a disparu, et après l’interconnexion mise en place avec les
partenaires cotraitants fin 2007, l’investissement dans cet outil a nettement
reculé. Le DUDE n’a ainsi jamais fonctionné correctement avec les
opérateurs privés, dont les systèmes d’information n’étaient pas unifiés.
Alors que le cahier des charges des premiers marchés prévoyait
l’utilisation du DUDE, la mention a disparu des cahiers des charges des
marchés conclus en 2011 à effet de 2012.
Les éléments d’information transmis par les opérateurs privés
(notamment les livrables) sont donc actuellement envoyés sous format
papier, avant d’être numérisés par un prestataire et intégrés au système
d’information de Pôle emploi.
Pour autant, les informations ainsi intégrées ne sont actuellement
pas aisément accessibles au conseiller référent sur son poste de travail.
Il serait souhaitable que le contact entre les agences et les
prestataires soit mieux assuré, comme le conseil d’administration de Pôle
emploi en a validé le principe, et que l’amélioration des processus de
sélection des opérateurs et du contrôle qualité améliore la confiance que
les conseillers prescripteurs peuvent avoir dans le dispositif. Il appartient
également aux opérateurs privés de faire la preuve de leur capacité à
délivrer un accompagnement de qualité à l’ensemble des demandeurs
d’emploi qui leur sont adressés.
B - L’orientation des demandeurs d’emploi à l’étranger
Pour faciliter l’orientation vers les opérateurs privés, la plupart des
autres pays ont instauré un «
profilage statistique
»
des demandeurs
d’emploi - qui intervient aussi dans la modulation de la rémunération des
prestataires - et ont fixé des règles automatiques de recours aux
opérateurs privés en fonction des profils ainsi observés.
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
121
Les évaluations recensées par la DARES dans sa publication de
décembre 2013 montrent que le risque de chômage de longue durée n’est
pas toujours correctement évalué par les outils de « profilage » statistique,
mais qu’il est possible de le faire avec des bases de données suffisamment
riches.
Le « profilage » statistique a été introduit dans les pays anglo-
saxons à partir de 1994, puis en Europe continentale (en 1999 aux Pays-
Bas, en 2004 au Danemark, en 2005 en Allemagne, et en 2006 en
France
96
).
Au
Royaume-Uni
notamment, l’orientation vers les sous-traitants
est automatique pour les demandeurs d’emploi âgés de plus de 25 ans et
dont l’ancienneté au chômage atteint douze mois.
En
Allemagne
, des parcours sont définis en fonction de
l’éloignement du marché du travail. Ainsi, depuis 2011, un demandeur
d’emploi éloigné du marché du travail suit un parcours en quatre étapes
d’insertion : définition du profil du bénéficiaire pour identifier l’effort de
soutien nécessaire, ciblage des objectifs, élaboration d’une stratégie pour
les atteindre, mise en oeuvre et stabilisation de cette stratégie. Les
Jobcentres
, guichets locaux pour les demandeurs d’emploi, ont ainsi à
leur disposition des « catalogues de produits » qu’ils proposent aux
bénéficiaires
97
, et qui comprennent également
une offre de prestation
standardisée quel que soit le profil du bénéficiaire.
Plus complexe que le « profilage », le «
ciblage statistique
» est
apparu plus tardivement et est moins fréquent (il est actuellement à
96
Conçu par l’Unédic, l’outil a été abandonné à la création de Pôle emploi.
97
Hirseland A., « Suivi et accompagnement des bénéficiaires de prestations Hartz
IV »,
L’aide au retour à l’emploi
, CIRAC, 2013
122
COUR DES COMPTES
l’étude en Allemagne). Il a pour objectif de donner aux conseillers une
méthode leur permettant d’orienter sur des critères objectifs les
demandeurs d’emploi vers les prestations qui leur sont les plus utiles.
Selon les évaluations disponibles recensées par la DARES, le « ciblage
statistique », souvent réalisé
ex ante
, serait plus efficace que le ciblage
opéré par les conseillers du service public de l’emploi. Toutefois, son
impact sur les résultats en termes de retour à l’emploi n’a pu être mesuré,
dans la mesure où, pour la seule évaluation disponible, qui concernait une
expérimentation menée en Suisse en 2005, les conseillers ont peu
consulté les résultats du « ciblage » (pour un tiers des demandeurs
d’emploi seulement) et, lorsqu’ils l’ont fait, les ont ignorés.
Au regard des expériences étrangères, la France se caractérise par
une attention insuffisante portée au mécanisme d’orientation des
demandeurs d’emploi vers les prestations externes, bien qu’il s’agisse
d’un facteur clé pour la réussite du dispositif. Des améliorations
pourraient être apportées au dispositif sans attendre la mise en oeuvre des
nouveaux marchés à compter de mi-2015.
C - L’adhésion des demandeurs d’emploi
Selon la DARES, les évaluations montrent que la réussite du
programme d’accompagnement peut être influencée par la motivation du
bénéficiaire et la liberté qui lui est laissée dans le choix du programme
suivi, voire de l’organisme qui l’accompagne.
Or en France, le taux de refus de la prestation sous-traitée,
lorsqu’elle est proposée par le conseiller, et le taux d’abandon en cours de
prestation sont élevés : la motivation pour ce type de prestation est
insuffisante, soit parce que l’intérêt de celle-ci pour le demandeur
d’emploi a été mal compris, soit parce que la prescription était inadaptée.
Plusieurs pays ont cherché à remédier à ce type de difficultés en
rendant le demandeur d’emploi davantage acteur de la démarche.
Plusieurs pays ont ainsi en place des bons de placement permettant à
certaines catégories de demandeurs d’emploi de choisir l’organisme
prestataire. C’est le cas notamment aux Pays-Bas et en Allemagne. Aux
Pays-Bas
, le système mis en place en 2004 a surtout pour vocation de
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
123
stimuler l’innovation et d’éviter la standardisation des prestations
proposées par les prestataires labellisés par l’assurance chômage : dans ce
système, le demandeur d’emploi définit en effet un plan d’action avec son
prestataire, qui doit le faire avaliser par l’assurance chômage
98
.
Toutefois, lorsque le conseiller n’intervient pas dans le processus
d’inscription du demandeur d’emploi auprès de l’opérateur privé, il existe
un risque d’ « écrémage », les opérateurs privés ayant intérêt à décourager
les demandeurs d’emploi pour lesquels la probabilité d’atteindre les
résultats est moins forte ou est conditionnée par la mobilisation de
ressources importantes. La solution des bons de placement doit donc
s’accompagner d’un suivi très précis.
En définitive, les nouvelles orientations validées par le Conseil
d’administration en février 2014 invitent à examiner les moyens de
favoriser l’adhésion des demandeurs d’emploi au recours aux opérateurs
privés en les incluant davantage dans le processus d’orientation et en
tirant parti de leur plus grande autonomie. Toutefois, ces principes restent
à décliner de manière plus opérationnelle
99
.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Inscrite depuis plusieurs années dans les orientations stratégiques
de Pôle emploi, la personnalisation des services aux demandeurs
d’emploi est difficile à rendre effective dans un contexte de chômage
durablement élevé. Elle requiert la mobilisation des différents leviers
existants (offre interne rénovée en 2013, cotraitance et sous-traitance) et
un ciblage plus fin des publics pour accroître l’efficacité des prestations
prescrites.
98
Dan Finn,
Sub-contracting in public employment services
for PES to PES dialogue,
(European Commission), may 2011
99
L’instauration envisagée de séances collectives d’information faisant intervenir les
opérateurs privés dans les agences de Pôle emploi pourrait avoir un effet positif sur
l’adhésion des conseillers comme des demandeurs d’emploi.
124
COUR DES COMPTES
La réorientation projetée de l’essentiel des prestations sous-
traitées vers des publics plus autonomes permettrait de soutenir le
développement de l’accompagnement renforcé dans la gamme des
services internes de Pôle emploi.
Toutefois, le maintien d’une activité sous-traitée nécessite
également d’améliorer de manière très importante l’orientation des
demandeurs d’emploi vers les différents types d’accompagnement et de
prestations existants, en veillant à une organisation des flux qui permette
un fonctionnement satisfaisant des agences de Pôle emploi et des
prestataires sous-traitants.
L’encadrement local a, entre autres, une mission d’appui à la
gestion des portefeuilles par les conseillers. Cette mission devrait se
traduire par une attention particulière portée aux pratiques des
conseillers en matière d’orientation des demandeurs d’emploi vers les
prestations sous-traitées. Des actions fortes en matière de conduite du
changement seront sans doute nécessaires pour assurer la réussite des
nouvelles conditions de recours aux opérateurs privés et lever les
réticences constatées auprès d’une partie des conseillers de Pôle emploi.
Par ailleurs, la réflexion stratégique sur la réorientation de la
sous-traitance ne portera ses fruits avec la mise en oeuvre des nouveaux
marchés qu’à horizon de mi-2015. D’ici là, d’autres défaillances ou
retraits de prestataires pourraient être constatés. Une amélioration du
pilotage apparaît donc indispensable pendant cette phase transitoire,
certaines des orientations validées par le conseil d’administration en
février dernier pouvant être mises en oeuvre sans attendre.
Ces orientations concernent notamment le renforcement des liens
entre les agences locales et les prestataires pour favoriser la
connaissance des prestations délivrées et pour améliorer la gestion des
flux, ainsi que pour développer l’information des demandeurs d’emploi
afin d’accroître leur taux d’adhésion.
Une expérimentation de nouveaux modes d’évaluation de la
qualité des prestations pourrait également être menée pendant cette
période.
La Cour
formule les recommandations suivantes :
6.
préciser dans la prochaine convention tripartite les nouvelles
conditions de recours aux opérateurs privés (publics et prestations)
VERS L’INTÉGRATION DU RECOURS AUX OPÉRATEURS PRIVÉS DANS UNE
STRATÉGIE D’ENSEMBLE DE PÔLE EMPLOI
125
validées par le conseil d’administration et leur intégration dans la
stratégie d’ensemble de Pôle emploi ;
7.
s’assurer par un pilotage renforcé, lors de la mise en oeuvre des
nouveaux marchés et sur toute leur durée, de la pleine intégration des
nouvelles conditions de recours aux opérateurs privés dans la
pratique de prescription des conseillers.
Conclusion générale
Alors que le recours aux opérateurs privés aurait dû constituer un
instrument
supplémentaire
pour
faire
face
au
besoin
croissant
d’accompagnement de demandeurs d’emploi en difficulté d’insertion
professionnelle dans un contexte de crise durable, les dysfonctionnements
de l’organisation mise en place et les restrictions budgétaires ont favorisé
une sous-utilisation du dispositif et un déséquilibre économique des
marchés, compromettant la poursuite de certaines prestations.
En commençant à élaborer une véritable doctrine du recours aux
opérateurs privés, neuf ans après le début des expérimentations, Pôle
emploi a défini, au début de 2014, une orientation stratégique claire.
Celle-ci s’inscrit dans le prolongement de la nouvelle offre de services
interne mise en place à destination des demandeurs d’emploi en 2013.
Toutefois, un travail opérationnel important reste à mener pour définir les
conditions précises de sa mise en oeuvre, avec la contrainte d’une
évolution à budget constant, et pour garantir la valeur ajoutée de la
nouvelle prestation qui sera mise en place par rapport à d’autres modes
d’intervention, tels que les ateliers méthodologiques actuels, d’une durée
plus courte et moins coûteux.
Cette approche est de nature à donner un intérêt effectif, pour les
conseillers, au recours à la sous-traitance, sous réserve de plusieurs
conditions :
-
qu’elle soit pleinement intégrée à une démarche de conduite du
changement ;
-
qu’elle laisse une place importante à une réflexion sur la définition
des prestations et des publics concernés, ne se résumant pas à une
orientation vers les prestataires ne visant qu’à redéployer des moyens
internes ;
-
qu’elle développe et organise un dispositif d’évaluation des
performances, afin de pouvoir ajuster le dispositif mis en place.
Les efforts d’amélioration du pilotage devraient également être
intensifiés sans attendre la prochaine vague de marchés et l’évaluation
approfondie de leurs résultats. Les données issues de la déclaration
préalable à l’embauche (DPAE) et de la future déclaration sociale
nominative (DSN) pourraient être utilement mises à profit pour
harmoniser les modalités de suivi des résultats, quel que soit l’opérateur
chargé de l’accompagnement (Pôle emploi, partenaire cotraitant,
128
COUR DES COMPTES
prestataire sous-traitant). Un système de suivi des résultats plus fiable
devrait enfin permettre une reconstruction du pilotage du dispositif, au
niveau régional comme au niveau national. Un chantier a été engagé par
Pôle emploi sur le suivi des résultats des sous-traitants. Il importe qu’il
soit orienté de manière à permettre :
-
au réseau de Pôle emploi de mieux apprécier la complémentarité entre
l’offre de services interne et l’offre de services externe ;
-
à la direction générale de percevoir en temps utile les signaux d’alerte
sur la sous-traitance.
Dans l’attente des nouveaux marchés, une amélioration du pilotage
et de la gestion des flux est possible à court terme et apparaît nécessaire,
compte tenu de la fragilité économique du secteur. Des expérimentations
devraient être rapidement menées en matière de contrôle qualité, qui est
une condition nécessaire de l’amélioration de la performance du recours à
la sous-traitance.
Le recours à des opérateurs privés de placement a été marqué par
de nombreux dysfonctionnements qui appellent une évolution technique
des
marchés.
Mais
l’amélioration
de
leur
conception
(durée,
allotissement, modalités de rémunération des prestataires) ne suffira pas à
rendre la sous-traitance plus performante, si le recours aux opérateurs
privés n’est pas mieux intégré à la culture de Pôle emploi. La mise en
oeuvre des nouvelles conditions de recours aux opérateurs privés nécessite
dès lors un accompagnement appuyé des responsables de Pôle emploi,
tant au niveau national qu’au niveau local.
Liste des sigles
ACOSS :
Agence centrale des organismes de Sécurité sociale
ANI :
Accord national interprofessionnel
ANPE :
Agence nationale pour l’emploi
APEC :
Association pour l'emploi des cadres
Assédic :
Association
pour
l’emploi
dans
l’industrie
et
le
commerce
CAD :
Prestation « Atout cadres »
CDD :
Contrat à durée déterminée
CDI :
Contrat à durée indéterminée
CIVIS :
Contrat d'insertion dans la vie sociale
CNAF :
Caisse nationale des allocations familiales
CREST :
Centre de recherche en économie et statistiques
CRP :
Convention de reclassement personnalisé
CTP :
Contrat de transition professionnelle
CSP :
Contrat de sécurisation professionnelle
CVE :
prestation « Cap vers l’entreprise »
DARES : Direction de l’animation de la recherche, des études et
des statistiques
DGEPF :
Délégation générale à l'emploi et à la formation
professionnelle
DPAE :
Déclaration préalable à l’embauche
DSN :
Déclaration sociale nominative
DUDE :
Dossier unique du demandeur d’emploi
DWP :
Departement for Work and Pensions
LEC :
Prestation « Licenciés économiques » (marché 2009)
LIC :
Prestation « Licenciés économiques » (marché 2011)
MOV :
Prestation « Mobilisation vers l’emploi »
130
COUR DES COMPTES
OCDE : Organisation de coopération et de développement
économiques
OE :
Prestation « Objectif emploi »
OPP :
Opérateurs privés de placement
PARE :
Plan d’aide au retour à l’emploi
PLIE :
Plan local pour l’insertion et l’emploi
PPAE :
Projet personnalisé d’accès à l’emploi
RMI :
Revenu minimum d’insertion
RSA :
Revenu de solidarité active
SMP :
Suivi mensuel personnalisé
SPE :
Service public de l’emploi
TPE :
Très petites entreprises
TRA :
Prestation « Trajectoire vers l’emploi » (marché 2009)
TVA :
Taxe sur la valeur ajoutée
TVE :
Prestation « Trajectoire vers l’emploi » (marché 2012)
Unédic : Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans
l'industrie et le commerce
Annexes
ANNEXES
133
Annexe n° 1 : saisine de l’Assemblée nationale
134
COUR DES COMPTES
Annexe n° 2 : réponse du Premier président à la saisine de
l’Assemblée nationale
ANNEXES
135
136
COUR DES COMPTES
Annexe n° 3 : prestations d’accompagnement renforcé
actuellement réalisées par des opérateurs privés dans le
cadre des marchés de Pôle emploi
Parmi les quatorze prestations confiées à des opérateurs privés par
Pôle emploi, huit sont d’une durée au moins égale à trois mois. Parmi
celles-ci figure une prestation d’orientation (
Cap projet professionnel
) qui
n’entre pas dans l’objet du présent rapport et deux prestations non
étudiées en raison de leur faible audience :
Objectif Projet Création
Reprise d’Entreprise
(3,8 M€ de dépenses en 2012) et
Jeunes Diplômés
(175 000
de
dépenses
en
2012).
Les
cinq
prestations
d’accompagnement renforcé comportant un objectif de placement auprès
d’un employeur étudiées dans le présent rapport sont identifiées par un
fond mauve dans le tableau ci-dessous :
Prestations faisant actuellement l’objet de marchés avec des
opérateurs privés
Source : Pôle emploi
ANNEXES
137
138
COUR DES COMPTES
Annexe n° 4 : les premières expérimentations menées par
l’Unédic et l’ANPE entre 2005 et 2008
a)
La fin du monopole de l’ANPE
La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la
cohésion sociale a mis fin au monopole de placement détenu par l’ANPE,
qui était déjà mis en cause par des dérogations légales (pour certaines
professions ou pour la publicité des offres et des demandes d’emploi dans
la presse) et surtout par le développement de fait de cabinets
d’« outplacement », de conseil en recrutement ou de « chasseurs de tête ».
En outre, d’autres organismes à but non lucratif intervenaient déjà dans le
placement des demandeurs d’emploi en lien avec l’ANPE (réseaux des
missions locales et des Cap emploi, APEC). L’ANPE elle-même faisait
déjà appel à la sous-traitance mais seulement pour les achats de formation
et de prestations courtes de méthodes (techniques de recherche d’emploi),
d’évaluation et d’orientation (bilans de compétences approfondis par
exemple).
La loi de programmation pour la cohésion sociale a donné pour la
première fois une définition légale à la notion de placement, qui consiste
à «
fournir, à titre habituel, des services visant à rapprocher offres et
demandes d’emploi, sans que la personne physique ou morale assurant
cette activité ne devienne partie aux relations de travail susceptibles d’en
découler ».
Elle ouvrait cette activité à l’ensemble des acteurs publics et
privés et prévoyait la gratuité de ces services pour les personnes à la
recherche d’un emploi.
Désormais, l’ANPE, comme l’Etat, ont la possibilité de confier
l’accompagnement et le placement de demandeurs d’emploi à des
opérateurs à but lucratif.
La même loi a également autorisé l’Unédic à financer des mesures
favorisant la réinsertion professionnelle des allocataires de l’assurance
chômage. En réduisant la période d’inscription au chômage, l’Unédic vise
la réduction des dépenses d’indemnisation. Cette disposition s’inscrit
dans le cadre de la démarche initiée par les partenaires sociaux avec le
Plan d’Aide au Retour à l’Emploi (PARE) en 2001.
La loi de programmation pour la cohésion sociale a donc ouvert la
possibilité aux entreprises de travail temporaire et aux cabinets de
ANNEXES
139
recrutement de devenir prestataires de l’ANPE et de l’Etat. En ce sens,
aux termes de l’article L. 5311-4 du code du travail, les entreprises de
travail temporaire et les agences de placement privées
« participent »
désormais au service public de l’emploi.
Dès l’intervention de la loi de cohésion sociale, l’Unédic a engagé
une initiative pour expérimenter le recours aux opérateurs privés,
initiative qui a trouvé son prolongement en 2007 avec la mise en place
d’une expérimentation menée conjointement avec l’ANPE pour mesurer
les performances comparées de l’opérateur public et des opérateurs privés
dans le reclassement de publics présentant des risques de chômage de
longue durée.
b)
La première initiative de l’Unédic en 2005
Soucieuse d’accélérer le retour à l’emploi des allocataires en
personnalisant les prestations d’accompagnement qui leur sont proposées,
l’Unédic a développé un outil de profilage et expérimenté le recours à des
opérateurs privés dès que l’ANPE a perdu le monopole du placement des
demandeurs d’emploi.
L’outil de « profilage » de l’Unédic
L’outil statistique développé par l’Unédic avait pour but de classer
les demandeurs d’emploi en trois catégories selon leur distance à l’emploi.
Celle-ci était fondée sur leur probabilité de rester durablement ou non
inscrit à l’ANPE (et donc d’épuiser leurs droits à indemnisation), estimée à
partir du croisement d’une série de paramètres à disposition des Assédic :
âge, sexe, diplômes, niveau de qualification…
Cet outil n’a pas été utilisé pour orienter les demandeurs d’emploi
de manière automatique vers les différents dispositifs existants : les
conseillers de l’ANPE, informés du classement opéré par le système
statistique
de
l’assurance
chômage,
ont
conservé
leur
liberté
d’appréciation de la situation personnelle de chaque demandeur d’emploi
et d’orientation de ceux-ci vers les différents parcours et prestations mis en
place par l’ANPE.
Le « profilage », mal accepté par le réseau de l’ANPE, est demeuré
un simple outil d’aide à la décision, et a été abandonné avec la fin des
expérimentations et la création de Pôle emploi.
Les premières expérimentations lancées par l’Unédic entre février
et mai 2005 avec sept Assédic pilotes ont fait appel à quatre prestataires
privés pour personnaliser l’accompagnement de demandeurs d’emploi
140
COUR DES COMPTES
présentant un risque important de chômage de longue durée. Les
prestataires sélectionnés étaient :
-
deux structures ayant une expérience dans le reclassement des
licenciés économiques (BPI pour Alpes-Provence et Altedia sur la
Côte d’Azur, qui ont suivi 1 100 allocataires en situation potentielle de
reconversion professionnelle),
-
une structure appartenant à un groupe de travail temporaire
(ADECCO dans les vallées du Rhône et de la Loire, qui a suivi 2 000
allocataires en chômage récurrent, entrecoupé de courtes périodes
d’emploi),
-
une entreprise appartenant à un groupe fortement impliqué dans
l’accompagnement des demandeurs d’emploi en Australie et au
Royaume-Uni (Ingeus en Haute-Normandie et dans le Nord, qui a
suivi 6 000 allocataires exposés au risque de chômage de très longue
durée).
Un dispositif a également été expérimenté avec l’APEC et l’ANPE
(Etap’ Carrière) en Alsace et dans l’Ouest francilien pour suivre 600
cadres de plus de 45 ans.
Les prestataires étaient en partie rémunérés aux résultats (sauf pour
Etap’ Carrière).
L’objectif poursuivi était double : réduire à la fois la durée de
versement des allocations (et donc le coût de l’indemnisation) et le coût
du suivi d’un demandeur d’emploi en accélérant le retour à l’emploi. La
prestation comportait également un suivi dans l’emploi pendant une durée
de six mois.
L’expérimentation a souligné à la fois la difficulté du ciblage des
publics
100
(le taux initial d’adhésion ne dépassait pas un tiers) et la
satisfaction
101
des demandeurs d’emploi entrés dans le dispositif. Selon
100
Une partie des demandeurs d’emploi invités à entrer dans les dispositifs
d’accompagnement renforcé n’étaient en réalité pas disponibles (préparation d’un
concours administratif, reprise d’emploi prévue, attente d’entrée en formation, projet
de création d’entreprise…).
101
83 % des demandeurs en cours d’accompagnement et 87 % des demandeurs
d’emploi reclassés se disaient satisfaits et considéraient que la prestation
d’accompagnement leur avait été utile.
ANNEXES
141
l’Unédic, le taux de reclassement des publics à fort risque de chômage de
longue durée aurait atteint 54 % à six mois et le taux de maintien dans
l’emploi au bout de six mois 37 % pour les demandeurs d’emploi ayant
bénéficié de l’accompagnement renforcé en 2005. 41 % des chômeurs
ayant retrouvé un emploi avaient conclu un CDI, 11 % un CDD d’au
moins six mois, 46 % un CDD de moins de six mois et 2 % avaient
décidé de reprendre ou créer une entreprise. Un calcul macroéconomique
avait permis à l’Unédic d’estimer que l’accompagnement renforcé sous-
traité aux prestataires privés avait permis d’économiser en moyenne
3 420 € par demandeur d’emploi
102
.
Selon l’Unédic, les taux de reclassement observés sur ces
populations plus éloignées de l’emploi qui avaient bénéficié de
l’accompagnement renforcé étaient proches des taux moyens constatés
sur l’ensemble des demandeurs d’emploi suivis par l’ANPE (49 %).
Cependant, aucune véritable évaluation n’avait pu être menée sur la
première expérimentation.
En novembre 2006, l’ANPE a publié une étude interne pour
relativiser les résultats obtenus par les opérateurs privés qui avaient
contracté avec l’Unédic : selon elle, les taux de reclassement obtenus par
les opérateurs privés dans le cadre de l’expérimentation menée par
l’Unédic étaient comparables à ceux obtenus par l’ANPE (directement ou
par ses sous-traitants) pour un coût moindre. L’étude de l’ANPE
comparait les résultats obtenus par les opérateurs privés sur 3 900
demandeurs d’emploi indemnisés entrés en prestation entre mai et
septembre 2005 à ceux obtenus par l’opérateur public sur les demandeurs
d’emploi indemnisés ayant bénéficié d’un accompagnement « recherche »
sur la même période.
102
Le calcul consistait à retrancher le coût moyen d’accompagnement par allocataire
(3 310 €) de l’économie moyenne d’indemnisation (6 730 €) ; celle-ci était estimée
par différence entre la durée réelle d’indemnisation et la durée moyenne potentielle
(hors accompagnement). Il ne s’agissait donc pas d’un gain d’efficience par rapport au
suivi assuré par les conseillers de l’ANPE, mais de l’économie réalisée par rapport à
une absence totale d’accompagnement.
142
COUR DES COMPTES
Résultats comparés selon l’étude de l’ANPE
à 3 mois
à 6 mois
à 9 mois
Taux de sortie des listes :
- opérateurs privés
- ANPE
22,6 %
22,3 %
40,9 %
42,2 %
55,8 %
55,3 %
Taux d’absence des listes
- opérateurs privés
- ANPE
20,7 %
21,1 %
33,1 %
34,8 %
43,1 %
43,2 %
Les taux de sortie et d’absence des listes sont mesurés à 3, 6 et 9 mois après
l’entrée en prestation.
Le taux de sortie mesure la proportion de demandeurs d’emploi sortis des
listes de l’ANPE au moins une fois par rapport au nombre de demandeurs
d’emploi entrés en prestations. Le taux d’absence mesure la proportion de
demandeurs d’emploi non inscrits sur les listes de l’ANPE à une date donnée
par rapport au nombre de demandeurs d’emploi entrés en prestations.
Source : ANPE, « L’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi »,
L’essentiel n° 7, novembre 2006
L’ANPE soulignait également la différence de coûts, sans
précision sur la méthodologie utilisée : en moyenne, 730 € par demandeur
d’emploi accompagné pour l’opérateur public contre 2 300 € pour les
opérateurs privés.
Cette étude ne peut cependant tenir lieu d’évaluation comparative,
dans la mesure où les cohortes observées ne présentent pas des
caractéristiques identiques et où la cohorte ANPE porte sur l’ensemble
des
demandeurs
d’emploi
ayant
bénéficié
de
l’accompagnement
« recherche » sur le territoire national, l’expérimentation Unédic ne
s’étant déroulée que sur le territoire de sept Assédic.
Dans son rapport public annuel 2008
103
, la Cour avait considéré
que ces premières expériences menées par l’Unédic étaient
« peu
concluantes »
pour plusieurs raisons : une mise en concurrence des
prestataires pas toujours formalisée, une rémunération élevée des
prestataires comportant une part fixe prépondérante n’incitant guère à un
retour durable à l’emploi, une importante difficulté à atteindre les
103
Cf. Cour des comptes,
Rapport public annuel 2008,
Tome 1. L’évolution des
structures et des services aux demandeurs d’emploi, p. 209-235. La Documentation
française, janvier 2008, 694 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
ANNEXES
143
volumes prévus et une faible valeur probante des statistiques tirées du
suivi mis en oeuvre par l’Unédic.
c)
Les expérimentations conjointes menées par l’Unédic et l’ANPE en
2007-2008
Au vu des résultats communiqués par les prestataires, le conseil
d’administration de l’Unédic a décidé en juillet 2006 d’étendre la
démarche, malgré les réticences de l’Etat. Un
budget permettant la prise
en charge de 60 000 allocataires
104
de l’assurance chômage a été prévu
dans un premier temps dans le cadre de la convention du 18 janvier 2006
relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage.
Celle-ci prévoyait dans son article 1
er
que l’Unédic pouvait «
sur la base
d’appels d’offres conformément à la réglementation en vigueur, et en
coopération avec l’ANPE, passer des conventions avec des prestataires
présents prenant en charge les personnes rencontrant des difficultés
particulières de reclassement ».
La convention tripartite entre l’Etat, l’ANPE et l’Unédic signée en
2006 a prévu que l’Unédic négocie avec l’ANPE les conditions du
recours aux opérateurs privés. C’est selon la procédure d’appels d’offres
européens qu’ont été sélectionnés en septembre 2006 17 prestataires sur
38 lots pour mettre en oeuvre quatre types d’accompagnement
105
sur une
durée de deux ans. La majorité des flux a concerné l’accompagnement
renforcé d’allocataires en difficulté d’insertion professionnelle, confié à
104
Il était prévu que 335 000 allocataires (hors parcours de créateurs ou repreneurs
d’entreprises) présentant un risque de chômage de longue durée puissent bénéficier
d’un parcours dit «
de recherche accompagnée »,
dont 77 600 directement par
l’ANPE, 62 000 dans le cadre de la cotraitance, 84 700 par des sous-traitants de
l’ANPE, 60 000 par des sous-traitants de l’Unédic et 50 800 par des cotraitants ou des
sous-traitants spécialisés dans la prise en charge des freins périphériques à l’emploi
(d’ordre social ou personnel).
105
13 des 38 lots portaient sur une prestation d’accompagnement intensif sur trois
mois pour 1 000 allocataires, une prestation d’accompagnement de cadres seniors par
l’APEC (1 500 allocataires) et une prestation au bénéfice des créateurs / repreneurs
d’entreprises (2 500 allocataires). Sur 2007, environ 2 500 allocataires au total ont pu
bénéficier de ces prestations.
144
COUR DES COMPTES
10 prestataires
106
. Le prix moyen retenu pour cet accompagnement de six
mois était de 3 400 €
107
(au lieu de 4 200 €
108
dans la première
expérimentation).
37 130
allocataires
ont
bénéficié
de
cet
accompagnement en 2007 sur le territoire de 15 Assédic.
Afin d’éviter toute suspicion sur les résultats de l’expérimentation,
les conditions de l’évaluation ont pu être prises en compte dès le début de
l’expérimentation :
D’une part, en amont du premier entretien professionnel entre le
demandeur d’emploi et le conseiller de l’ANPE pour élaborer le PPAE, le
demandeur d’emploi faisait l’objet, par les services des Assédic, d’une
première évaluation du risque de chômage de longue durée grâce à un
outil de « profilage ». Les résultats de cette évaluation étaient
communiqués au conseiller de l’ANPE qui demeurait libre de son
appréciation après entretien avec le demandeur d’emploi.
D’autre part, l’orientation du demandeur d’emploi vers un
accompagnement classique, un accompagnement renforcé interne ou un
accompagnement renforcé sous-traité était décidée aléatoirement
109
pour
permettre une évaluation des résultats non biaisée. Le demandeur
d’emploi avait cependant la possibilité de refuser. Le taux d’adhésion à
l’accompagnement sous-traité était de 49 % en 2007 (taux qui demeurait
faible, mais en progression par rapport à l’expérimentation précédente).
106
Il s’agit des entreprises suivantes : Altédia (4 lots), Ingéus (4 lots), BPI (3 lots),
Adecco (4 lots), Sodie (3 lots), Védior Bis (2 lots), Intra Conseil (1 lot), A4E (1 lot),
Eurydice (1 lot), Creyf’s intérim (1 lot) et C3 Consultants (1 lot). La sous-traitance
par les prestataires retenus n’était pas autorisée par le cahier des charges.
107
Prix moyen sur les 25 lots de l’appel d’offres relatifs à l’accompagnement
renforcé. Les 13 autres lots portaient sur d’autres types d’accompagnement d’une
ampleur bien moindre (quelques milliers de demandeurs d’emploi au total).
108108
Les résultats n’étant pas atteints à 100 %, le coût moyen pour l’Unédic a été bien
inférieur : 2 300 € selon l’étude publiée par l’ANPE en novembre 2006 (contre 690 €
pour un accompagnement « recherche » selon l’ANPE, la méthodologie de calcul
n’étant pas précisée).
109
Le tirage au sort des demandeurs d’emploi constituant les cohortes étudié est
effectué par un outil de constitution des cohortes.
ANNEXES
145
Afin de maximiser l’impact de l’accompagnement renforcé,
l’accent était mis sur une orientation vers l’un des trois types
d’accompagnement dans les premiers mois d’inscription à l’ANPE
110
.
Comme pour les marchés ensuite mis en oeuvre à partir de 2008 par
l’ANPE, les résultats étaient mesurés en fonction du taux de reclassement
en emploi durable, c’est-à-dire sur des contrats à durée indéterminée ou
d’une durée au moins égale à six mois. Une part importante de la
rémunération était liée aux résultats ; la part variable était plus élevée que
lors de l’expérimentation précédente : 30 % de la rémunération étaient
versés lors de la prise en charge des demandeurs d’emploi, 35 % lors de
la signature d’un contrat de travail et 35 % en cas de maintien dans
l’emploi pendant au moins six mois.
À la différence de la première expérimentation lancée en 2005,
l’ANPE a créé fin 2006 pour cette deuxième phase une prestation interne
spécifique d’accompagnement renforcé des chômeurs éloignés de
l’emploi dite
Cap vers l’entreprise (CVE)
pour permettre une évaluation
comparée des performances des opérateurs privés et de l’opérateur public.
L’accompagnement renforcé n’était en effet pas généralisé à l’ANPE ; les
prestations longues d’accompagnement étaient plutôt mises en oeuvre par
des partenaires dans le cadre de la cotraitance
111
ou, en interne, au
bénéfice des allocataires du RMI, les conseils généraux finançant les
ressources affectées par l’ANPE à cet accompagnement.
La prestation
CVE
, d’une durée de six mois, a été réalisée par des
équipes dédiées de conseillers de l’ANPE auxquels ont été confiés des
portefeuilles réduits de demandeurs d’emploi (entre 40 et 60 demandeurs
d’emploi seulement). Près de 40 000 demandeurs d’emploi indemnisés et
non indemnisés en ont bénéficié en 2007 dans six régions, tandis que
l’Unédic confiait environ 41 000 demandeurs d’emploi indemnisés à onze
110
Pour les publics les plus éloignés de l’emploi, l’accompagnement renforcé devait
être proposé dans les premiers mois de chômage dans le cadre des expérimentations.
Faute de candidats volontaires en nombre suffisant, l’orientation vers les opérateurs
privés s’est faite en moyenne à cinq mois d’inscription à l’ANPE (au lieu de deux
mois initialement prévus).
111
Jeunes de moins de 26 ans aux missions locales, travailleurs handicapés aux Cap
emploi et cadres à l’APEC.
146
COUR DES COMPTES
opérateurs privés de placement pour une prestation équivalente sur le
territoire de quinze Assédic
112
.
L’évaluation de l’expérimentation menée sur l’année 2007 et le
premier trimestre de l’année 2008 a été conduite sous le pilotage d’une
instance commune ANPE-Unédic-DARES, présidée par M. Claude
Seibel. inspecteur général honoraire de l’INSEE. Elle a consisté en :
-
une analyse de l’impact quantitatif des modalités d’accompagnement
expérimentées, confiée à des chercheurs du Centre de recherche en
économie et statistique (CREST) et de l’Ecole d’Economie de Paris,
à partir d’une enquête téléphonique menée par la DARES auprès
d’un échantillon de demandeurs d’emploi entrés dans les dispositifs
au deuxième trimestre 2007. Elle a donné lieu à un rapport d’étape
en juin 2008 et à un rapport définitif en octobre 2009.
113
L’analyse a conclu à une amélioration plus forte du taux de retour à
l’emploi dans le cas de l’accompagnement renforcé interne :
Impact comparé* sur les taux de sortie des listes de l’ANPE
vers l’emploi
Nombre de mois après l’entrée
dans le programme
Opérateurs
privés
ANPE (CVE)
3 mois
1,6
9,0
6 mois
4,2
9,1
12
mois
5,6
7,3
* en points de pourcentage par rapport aux résultats observé en l’absence
d’accompagnement renforcé.
Source :
Rapport
définitif
sur
l’évaluation
des
expérimentations
d’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi conduites par
l’Unédic et l’ANPE en 2007, octobre 2009
112
Pour l’évaluation de l’expérimentation, seuls ont été retenus dans la cohorte ANPE
les demandeurs d’emploi indemnisés puisque le recours aux opérateurs privés financé
par l’Unédic n’était prévu que pour les allocataires de l’assurance chômage.
113
Luc Behaghel, Bruno Crépon, Julien Guitard et Marc Gurgand,
Evaluation de
l’accompagnement des demandeurs d’emploi par les Opérateurs privés de placement
et le programme Cap vers l’entreprise
. (rapport intermédiaire, juin 2008, rapport
final, octobre 2009 pour l’instance de pilotage de l’évaluation).
ANNEXES
147
Ces résultats ne doivent cependant pas être pris sans précaution,
compte tenu des conditions de mise en oeuvre des expérimentations.
L’accompagnement mis en oeuvre par les opérateurs privés est ainsi
apparu plus efficace pour les jeunes, les diplômés et les femmes.
-
une analyse de l’impact qualitatif des modalités d’accompagnement
expérimentées, réalisée par la DARES ;
-
la réalisation d’études monographiques portant sur les conditions de
mise en oeuvre des expérimentations sur huit territoires par les
cabinets Amnyos consultants (financement Unédic) et Rom &
Associés (financement ANPE).
Les analyses d’impact définitives ont été publiées en septembre
2009, soit plus de 18 mois après la fin de l’expérimentation et alors que
l’opérateur public avait déjà lancé deux procédures de marché pour
étendre le recours aux opérateurs privés (l’une à effet du 1
er
mai 2008 et
l’autre à effet du 1
er
septembre 2009).
En effet, la contribution du groupe de travail présidé par Jean-
Michel Boulanger, inspecteur général des affaires sociales, à la
préparation de la convention tripartite entre l’Etat, l’Unédic et Pôle
emploi, remise aux pouvoirs publics en mai 2008, concluait que
« le
recours aux opérateurs privés de placement doit désormais s’inscrire
durablement dans le système d’accompagnement
personnalisé piloté par
le nouvel opérateur »
et estimait que
« le recours aux cotraitants –
missions locales, Cap emploi, APEC – [visait] le même objet ».
L’intervention des opérateurs privés était envisagée pour répondre
« à des
problématiques de publics particuliers ».
Dans son rapport public annuel 2008, la Cour a estimé que
l’Unédic avait en partie tiré les leçons de la première phase en améliorant
le dispositif sur plusieurs points, grâce notamment à une procédure
formalisée d’appel à la concurrence, une meilleure organisation de la
coopération entre les acteurs, une rémunération des prestataires
globalement moins coûteuse et plus incitative et une meilleure
implication
des
Assédic.
Toutefois,
la
Cour
a
noté
des
dysfonctionnements importants (contestations locales des outils de
« profilage » et de sélection aléatoire par des agents de l’ANPE, faible
taux d’adhésion des demandeurs d’emploi), accentuant les difficultés de
gestion des flux déjà rencontrées lors de la première expérimentation.
148
COUR DES COMPTES
La Cour a enfin souligné l’implication de l’ANPE dans le cadre de
la réalisation de la prestation
CVE
et de la mise en place d’un nouveau
dispositif d’évaluation innovant. Elle a également estimé que le nouveau
dispositif mis en place en 2007 représentait un progrès par rapport aux
pratiques antérieures.
ANNEXES
149
Annexe n° 5 : variation des flux de demandeurs d’emploi
adressés à un opérateur privé en Île-de-France (2012-2013)
Les graphiques suivants illustrent la situation d’un opérateur X
pour une prestation d’accompagnement délivrée dans quatre départements
d’Île-de-France. Sur l’ensemble de la période allant de février 2012 à
décembre 2013, le nombre minimum de demandeurs d’emploi prévu par
le contrat conclu avec Pôle emploi est respecté en moyenne sur la région.
Toutefois, une analyse plus fine montre que ce résultat cache de fortes
disparités entre départements, ainsi que des fluctuations imprévisibles
dans le rythme de prescription. La très forte et brutale augmentation du
nombre de demandeurs d’emploi orientés vers l’opérateur X sur la fin de
l’année 2013 dans le département n° 2 pour tenter de respecter le
minimum contractuel excédait ainsi les capacités d’accueil mises en place
par l’opérateur compte tenu de ses anticipations de flux.
Flux orientés par Pôle emploi vers l’opérateur X dans quatre
départements d’Île-de-France en 2012-2013
Source : Opérateur X
0
50
100
150
200
250
300
350
mars-12
mai-12
juil.-12
sept.-12
nov.-12
janv.-13
mars-13
mai-13
juil.-13
sept.-13
nov.-13
Adhésions TVE 75
Min contractuel
Max Contractuel
Adhésions mensuelles
lissées
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
mars-12
mai-12
juil.-12
sept.-12
nov.-12
janv.-13
mars-13
mai-13
juil.-13
sept.-13
nov.-13
Adhésions TVE 92
Min contractuel
Max contractuel
Adhésions mensuelles
lissées
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
févr.-12
avr.-12
juin-12
août-12
oct.-12
déc.-12
févr.-13
avr.-13
juin-13
août-13
oct.-13
déc.-13
Adhésions TVE 93
Min contractuel
Max contractuel
Adhésions mensuelles
lissées
0
20
40
60
80
100
120
140
160
févr.-12
avr.-12
juin-12
août-12
oct.-12
déc.-12
févr.-13
avr.-13
juin-13
août-13
oct.-13
déc.-13
Adhésions TVE 94
Min contractuel
Max contractuel
Adhésions mensuelles
lissées
150
COUR DES COMPTES
Annexe n° 6 : stratégie des principaux prestataires de Pôle
emploi
La plupart des prestataires sont présents à la fois sur les marchés de
prestations longues d’accompagnement et sur les marchés de prestations
courtes ( méthode, évaluation et orientation) :
Stratégies de positionnement des principaux prestataires
de
Pôle emploi sur les prestations sous-traitées en 2012
Presta
taire
Nombre
de
marchés
actifs*
Nombre de
prestations
Type de prestations réalisées
Nombre
de
régions
méthodes
évaluation
orientation
placement
création
d’entreprise
1
6
4
X
8
2
3
16
X
X
X
X
X
15
3
49
15
X
X
X
X
7
4
78
11
X
X
X
X
18
5
68
13
X
X
X
X
9
6
20
12
X
X
X
X
X
18
7
49
13
X
X
X
X
9
8
14
15
X
X
X
X
X
16
9
26
6
X
X
X
14
10
11
6
X
X
5
11
2
X
1
12
3
X
X
13
13
2
8
X
X
X
X
16
14
13
9
X
X
X
11
15
4
6
X
X
2
16
9
13
X
X
X
X
X
2
17
4
6
X
X
X
3
18
14
12
X
X
X
X
8
19
3
X
X
1
20
6
X
X
X
1
21
6
5
X
2
NB : Le nombre de marchés actifs est comptabilisé à octobre 2012. Quatre des prestataires n’ont plus de marchés
actifs à cette date, mais figurent dans la liste au titre des prestations qui leur ont payées avant cette date. Cinq
opérateurs se sont en effet retirés des marchés (parfois en raison de défaillances économiques graves). Certains ont
été rachetés par un autre prestataire. Sont identifiés en gras les 10 plus gros prestataires sur les seules prestations de
placement.
Source : Pôle emploi
ANNEXES
151
Plusieurs types de stratégies existent, combinant nombre de
prestations différentes et territoire couvert. Le plus gros prestataire a mis
en place une stratégie de concentration sur un petit nombre de prestations
dans un nombre de régions limité, mais sur un marché actuellement
dynamique. D’autres sont présents sur un plus grand nombre de
prestations et un plus grand nombre de régions.
Pour les seules prestations de placement, la concentration des parts
de marché est un peu plus forte que sur l’ensemble des prestations sous-
traitées :
Parts de marché des 10 plus gros sous-traitants de Pôle
emploi pour les prestations de placement
Périmètre : prestations de placement (hors prestations spécifiques aux
publics éloignés de l’emploi
114
, jeunes diplômés et créateurs d’entreprise).
Source : Pôle emploi
114
Pour ces publics correspondant à la prestation
MOV
, les dix plus gros prestataires
sont sensiblement différents des 10 plus gros prestataires intervenant sur les autres
prestations de placement. Ils sont plus souvent issus du monde de la formation et
plutôt implantés localement (sauf pour les deux premiers).
152
COUR DES COMPTES
Annexe n° 7: dispositions relatives à la sous-traitance dans
les conventions tripartites conclues entre l’État, l’Unédic et
Pôle emploi
Convention tripartite du 2 avril 2009 (extrait) :
ANNEXES
153
Convention du 11 janvier 2012 (extrait du point
1.2.2.2) :
154
COUR DES COMPTES
Annexe n° 8 :
Work Programme
au Royaume-Uni
ANNEXES
155
Annexe n° 9 : méthodes mises en oeuvre par Pôle emploi et les
opérateurs privés
Source des deux tableaux : « L’accompagnement renforcé des demandeurs
d’emploi : évaluation du recours aux opérateurs privés par Pôle emploi de
2009 à 2011 », Synthèse.Eval’, DARES-Pôle emploi, janvier 2013
156
COUR DES COMPTES
ANNEXES
157
Annexe n° 10 : la nouvelle offre de services interne de Pôle
emploi mise en place en 2013
2 - La nouvelle offre de services mise en place dans les agences
généralistes de Pôle emploi en 2013
Considérant que
« le suivi mensuel pour tous les demandeurs
d’emploi ne permettait pas d’apporter une solution adaptée aux besoins
spécifiques de chacun en termes de fréquence et de modalités de contact
avec Pôle emploi »
115
, Pôle emploi a officiellement abandonné le suivi
mensuel personnalisé (SMP) en septembre 2012, avant de déployer sur
tout le territoire une nouvelle offre de services aux demandeurs d’emploi
durant le premier semestre 2013.
Cette nouvelle offre de services interne consiste à moduler la taille
des portefeuilles de demandeurs d’emploi affectés à chaque conseiller en
fonction de l’intensité des contacts nécessaire pour répondre aux besoins
d’accompagnement diagnostiqués. En effet, la variable clé de l’efficacité
de l’accompagnement est le temps qu’un conseiller peut consacrer à un
demandeur d’emploi : un accompagnement dit « renforcé » est davantage
caractérisé par une plus grande fréquence et une durée plus longue des
entretiens que par la mise en oeuvre de compétences spécifiques.
Au plus tard au quatrième mois suivant leur inscription à Pôle
emploi, les demandeurs d’emploi se voient désigner un conseiller
référent, qui le prend en charge dans le cadre d’une des trois nouvelles
modalités de suivi
116
:
-
L’accompagnement renforcé
pour les demandeurs d’emploi qui ont
besoin d’être fortement accompagnés par leur conseiller référent dans
leur trajectoire de retour à l’emploi, notamment à travers des contacts
dont le rythme et le contenu répondent aux besoins du demandeur : les
115
Cf. note publiée le 20 septembre 2013 sur le site Internet de Pôle emploi (pole-
emploi.org) relatives aux nouvelles modalités d’accompagnement des demandeurs
d’emploi.
116
Idem.
158
COUR DES COMPTES
portefeuilles relevant de cette modalité doivent réunir au plus 70
demandeurs d’emploi par conseiller.
-
L’accompagnement
guidé
pour
les
demandeurs
d’emploi
qui
nécessitent d’être appuyés par leur conseiller référent dans la
recherche d’emploi, notamment à travers des contacts dont la nature et
la fréquence sont personnalisées : les portefeuilles de cette modalité
représentent une fourchette indicative de 100 à 150 demandeurs
d’emploi par conseiller.
-
Le suivi
pour les demandeurs d’emploi plus proches du marché de
l’emploi et dont l’autonomie dans la recherche d’emploi est la plus
grande : le conseiller référent s’assure notamment que le demandeur
d’emploi reçoit des offres d’emploi et accède à l’ensemble des
services disponibles ; les portefeuilles de cette modalité comprennent
une fourchette indicative de 200 à 350 demandeurs d’emploi.
Seuls les demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A (sans
activité) ou B (activité réduite de moins de 78 h heures par mois) sont
suivis par un conseiller référent en agence de proximité.
Selon la note publiée par Pôle emploi le 20 septembre 2013 sur les
nouvelles modalités de suivi et d’accompagnement des demandeurs
d’emploi, sur près de 5,4 millions de demandeurs d’emploi inscrits toutes
catégories confondues, au 1
er
septembre 2013, 4 697 000
117
demandeurs
d’emploi bénéficiaient d’un conseiller référent à Pôle emploi, dont
2 371 000 bénéficiaient d’un suivi et d’un accompagnement internes par
un conseiller de Pôle emploi, qu’ils soient indemnisés ou non.
Les autres se répartissent en trois catégories :
-
ceux qui sont considérés comme
non disponibles
pour la recherche
d’un emploi ;
Ne sont susceptibles de bénéficier d’un accompagnement que les
demandeurs d’emploi inscrits dans les catégories A (absence totale
d’activité) et B (activité réduite de moins de 78 heures par mois),
c’est-à-dire les plus disponibles pour la recherche active d’un emploi,
ainsi que les adhérents au contrat de sécurisation professionnelle
117
Données France métropolitaine, Guyane et Réunion (source : note publiée par Pôle
emploi le 20 septembre 2013 relative aux nouvelles modalités d’accompagnement des
demandeurs d’emploi.
ANNEXES
159
(inscrits
en
catégorie
D
comme
stagiaires
de
la
formation
professionnelle). Les chômeurs exerçant une activité réduite plus de
78 heures par mois, en formation ou en contrat aidé par exemple, ne
sont pas accompagnés.
-
ceux qui ont été orientés par un conseiller vers un
accompagnement
externe
par un cotraitant ou un sous-traitant, l’orientation pouvant
intervenir à tout moment du parcours ;
Dans le cadre de la « cotraitance », c’est la totalité de la mise en
oeuvre du PPAE qui a été déléguée à des partenaires – missions locales
pour les jeunes de moins de 26 ans et Cap emploi pour les personnes en
situation de handicap bénéficiant de l’obligation d’emploi.
-
ceux qui ont bénéficié d’un entretien d’inscription et de diagnostic,
mais sont
en attente d’affectation
auprès d’un conseiller référent
(786 000 personnes au 1
er
septembre 2013). L’affectation doit
intervenir avant la réalisation, au plus tard au quatrième mois
d’inscription, du premier entretien de suivi obligatoire
118
.
3 - Les autres modalités d’accompagnement renforcés mises en oeuvre
par les conseillers de Pôle emploi
D’autres conseillers, affectés à des dispositifs particuliers, sont
également
susceptibles
de
mettre
également
en
oeuvre
un
accompagnement renforcé :
-
soit au sein de Pôle emploi en agence spécialisée : il s’agit
principalement des conseillers chargés de l’accompagnement des
licenciés économiques (environ un millier de conseillers), de ceux qui
sont
affectés
à
la
mise
en
oeuvre
de
l’accord
national
interprofessionnel du 7 avril 2011 relatif aux jeunes décrocheurs (de
l’ordre de 300 ETP) et de ceux qui sont chargés de la prestation
CVE
(qui représentaient environ 275 ETP
119
en 2010) ;
118
Quelle que soit la modalité de suivi (simple suivi, accompagnement guidé ou
accompagnement renforcé), un entretien avec le conseiller référent est obligatoire au
quatrième et au neuvième mois.
119
Il n’existe pas de données plus récentes.
160
COUR DES COMPTES
-
soit au sein d’autres structures auxquelles ils sont affectés : il s’agit
notamment des agents actuellement chargés de l’accompagnement
renforcé des bénéficiaires du RSA, dans le cadre de conventions qui
ont été conclues avec environ la moitié des conseils généraux
(450 ETP en novembre 2013)
Par ailleurs, environ 320 ETP sont affectés en mission locale pour
faciliter les relations entre les deux institutions et une quarantaine d’ETP
sont des conseillers référents pour les PLIE.
Les moyens internes consacrés à l’accompagnement renforcé (soit
directement, soit indirectement) sont donc plus importants que les seuls
effectifs de conseillers affectés en agence de proximité à la modalité
identifiée spécifiquement sous l’intitulé d’« accompagnement renforcé ».
4 - Le projet de création d’une quatrième modalité de suivi
L’actuelle convention tripartite signée entre l’Etat, l’Unédic et Pôle
emploi ne fixe pas d’orientations d’ensemble sur l’accompagnement
renforcé des demandeurs d’emploi : elle énonce un objectif global de
personnalisation de l’offre de services interne de Pôle emploi, sans
prendre en compte la dimension externe.
La réflexion de Pôle emploi a cependant dépassé en 2013 le
périmètre
de
la
mise
en
place
des
trois
modalités
précitées
d’accompagnement des demandeurs d’emploi, puisque l’opérateur
souhaite désormais modifier les conditions d’accompagnement des
bénéficiaires du RSA dans une perspective d’accompagnement global.
Cette réflexion s’appuie sur plusieurs constats :
-
Les bénéficiaires du RSA ne font pas tous l’objet du même traitement
de la part de Pôle emploi : seuls bénéficient d’un accompagnement
particulier ceux qui sont inscrits auprès d’un conseil général ayant
conclu une convention avec Pôle emploi pour le financement de
ANNEXES
161
moyens affectés (le plus souvent au sein des conseils généraux eux-
mêmes
120
).
-
L’accompagnement renforcé mis en place en 2013 est mal adapté à
des demandeurs d’emploi présentant des « freins périphériques à
l’emploi » (logement, santé, situation personnelle…) que Pôle emploi,
comme l’ANPE auparavant, n’a pas la possibilité de traiter : il n’a pas
vocation en effet à prendre en charge l’accompagnement social et n’en
a ni les ressources, ni les compétences. Le traitement de ces difficultés
requiert donc l’intervention d’autres acteurs.
-
Enfin, ces « freins périphériques à l’emploi » ne se rencontrent pas
uniquement chez les bénéficiaires du RSA : une approche plus large
est nécessaire.
Les réflexions engagées avec l’assemblée des départements de
France (ADF) en 2013 ont permis de dégager des orientations pour la
prise en charge des publics présentant des difficultés sociales ou des
« freins périphériques à l’emploi ». Ces orientations sont les suivantes :
-
la constitution d’une base de ressources sociales à disposition du
conseiller de Pôle emploi ;
-
la mise en place d’une quatrième modalité de suivi par Pôle emploi
avec des conseillers affectés qui travailleront en tandem avec des
référents sociaux ;
-
l’affectation des demandeurs d’emploi à ce nouvel accompagnement
global sur le fondement d’un diagnostic partagé entre le conseiller de
Pôle emploi et le référent social.
Pour mettre en oeuvre ce dispositif, qui a fait l’objet en janvier
2014 d’une première convention entre Pôle emploi et le département du
Doubs, Pôle emploi compte sur la mobilisation des ressources
aujourd’hui affectées au partenariat avec les conseils régionaux et sur la
mobilisation de crédits du Fonds social européen (FSE) pour parvenir, à
terme, à une cible d’environ 1 000 conseillers dédiés au dispositif.
120
De l’ordre de 470 ETP pour 2013. La moitié des Conseils généraux ont passé une
convention avec Pôle emploi. Les autres ont pu le faire avec d’autres opérateurs.