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LA SANTÉ DANS LES
OUTRE-MER
Une responsabilité de la République
Rapport public thématique
Cour des comptes
La santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République – juin 2014
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
Sommaire
DÉLIBÉRÉ ------------------------------------------------------------ 7
INTRODUCTION ---------------------------------------------------- 9
CHAPITRE I
- UNE SITUATION SANITAIRE MARQUÉE
PAR DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES --------------------- 15
I - Des situations contrastées --------------------------------- 15
A -
Une réduction différenciée des retards de développement
humain ------------------------------------------------------------------------- 17
B -
Des déterminants de santé très contrastés ------------------------- 20
C -
Des écarts de dépenses mal connus mais considérables ---------- 24
II - Des difficultés sanitaires persistantes ----------------- 25
A -
La mère et l’enfant : des retards préoccupants --------------------- 25
B -
Des risques infectieux importants ------------------------------------ 30
C -
Des conduites addictives spécifiques -------------------------------- 40
III - Le poids des risques environnementaux : l’exemple
du chlordécone --------------------------------------------------- 41
IV - Une mise en cohérence des données de santé ------ 44
CHAPITRE II - DES SYSTÈMES DE SANTÉ A LA PEINE --- 49
I - La prévention : une priorité perdue de vue ----------- 50
A -
Des dépenses inégalement connues, des efforts disparates ------ 50
B -
Des services de protection maternelle et infantile inégalement à
même de remplir leurs missions ------------------------------------------ 52
C -
Un dispositif de santé scolaire et universitaire à renforcer ------ 53
II - Des soins ambulatoires inégalement accessibles --- 56
A -
Des écarts de densité considérables à rééquilibrer --------------- 56
B -
Les coopérations interprofessionnelles : des réticences à lever 61
III - L’hôpital : un rôle central mais des insuffisances de
gestion -------------------------------------------------------------- 62
A -
Un rôle central ----------------------------------------------------------- 63
B -
Une gestion à améliorer ------------------------------------------------ 66
C -
Une qualité des soins inégale ------------------------------------------ 78
IV - Permanence des soins et urgences : une situation
tendue -------------------------------------------------------------- 84
A -
Les limites de la permanence des soins ambulatoires ------------ 84
B -
Des services d’urgence hospitaliers souvent en surcharge------- 86
C -
Des évacuations sanitaires aux problématiques très spécifiques 87
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COUR DES COMPTES
V - Les alternatives à l’hospitalisation conventionnelle :
un développement inégal -------------------------------------- 92
A -
La chirurgie ambulatoire ----------------------------------------------- 92
B -
L’hospitalisation à domicile -------------------------------------------- 92
C -
La télémédecine ---------------------------------------------------------- 93
VI - La gestion des ressources humaines : un enjeu
essentiel ------------------------------------------------------------ 95
A -
Le vieillissement des professions de santé : des difficultés accrues
à anticiper --------------------------------------------------------------------- 95
B -
Des niveaux de rémunération libérale parfois élevés ------------- 98
C -
L’effet des majorations géographiques sur le coût de la vie dans
les outre-mer ----------------------------------------------------------------100
D -
La gestion du personnel hospitalier : un manque de rigueur
préjudiciable -----------------------------------------------------------------103
E -
Un appareil de formation à renforcer -------------------------------108
CHAPITRE III - LA NÉCESSITE D’UNE STRATÉGIE
PUBLIQUE -------------------------------------------------------- 113
I - L’État trop souvent en retrait --------------------------- 115
A -
Un pilotage national défaillant ---------------------------------------115
B -
Des leviers différents selon les outre-mer -------------------------121
C -
Le plan santé outre-mer de 2009 : « une faible impulsion
stratégique » -----------------------------------------------------------------126
II - Quatre situations difficiles : Mayotte, la Guyane,
Saint-Pierre et Miquelon, Wallis-et-Futuna ------------- 128
A -
Mayotte -------------------------------------------------------------------129
B -
La Guyane ----------------------------------------------------------------135
C -
Saint-Pierre et Miquelon ----------------------------------------------138
D -
Wallis-et-Futuna --------------------------------------------------------139
CONCLUSION GÉNÉRALE ------------------------------------- 147
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS ------------ 151
ANNEXES --------------------------------------------------------- 153
TABLE DES SIGLES --------------------------------------------- 219
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES
ET DES COLLECTIVITÉS CONCERNÉS --------------------- 221
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Les rapports publics de la Cour des comptes
- élaboration et publication -
La Cour publie, chaque année, un rapport public annuel et des
rapports publics thématiques.
Le présent rapport est un rapport public thématique.
Les rapports publics de la Cour s’appuient sur les contrôles et les
enquêtes conduits par la Cour des comptes ou les chambres régionales des
comptes et, pour certains, - ce qui a été le cas pour la présente enquête -
conjointement entre la Cour et les chambres régionales ou entre les chambres.
En tant que de besoin, il est fait appel au concours d’experts extérieurs, et des
consultations et des auditions sont organisées pour bénéficier d’éclairages
larges et variés.
Au sein de la Cour, ces travaux et leurs suites, notamment la
préparation des projets de texte destinés à un rapport public, sont réalisés par
l’une des sept chambres que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour des comptes, ainsi que des chambres régionales des comptes, et
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L
’indépendance
institutionnelle
des
juridictions
financières
et
statutaire de leurs membres garantit que les contrôles effectués et les
conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La
contradiction
implique
que
toutes
les
constatations
et
appréciations ressortant d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les
observations
et
recommandations
formulées
ensuite,
sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La publication d’un rapport public est nécessairement précédée par la
communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le rapport
publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La
collégialité
intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication.
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COUR DES COMPTES
Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs.
Leur rapport d’instruction, comme leurs projets ultérieurs d’observations et
de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de
façon collégiale, par une chambre ou une autre formation comprenant au
moins trois magistrats, dont l’un assure le rôle de contre-rapporteur, chargé
notamment de veiller à la qualité des contrôles. Il en va de même pour les
projets de rapport public.
Le contenu des projets de rapport public est défini, et leur élaboration
est suivie, par le comité du rapport public et des programmes, constitué du
premier président, du procureur général et des présidents de chambre de la
Cour, dont l’un exerce la fonction de rapporteur général.
Enfin, les projets de rapport public sont soumis, pour adoption, à la
chambre du conseil où siègent en formation plénière ou ordinaire, sous la
présidence du premier président et en présence du procureur général, les
présidents de chambre de la Cour, les conseillers maîtres et les conseillers
maîtres en service extraordinaire.
Ne prennent pas part aux délibérations des formations collégiales,
quelles qu’elles soient, les magistrats tenus de s’abstenir en raison des
fonctions qu’ils exercent ou ont exercées, ou pour tout autre motif
déontologique.
*
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour des comptes et des chambres régionales et
territoriales des comptes :
www.ccomptes.fr
. Ils sont diffusés par
La
Documentation Française
.
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Délibéré
La Cour des comptes, délibérant en chambre du conseil réunie en
formation ordinaire, a adopté le présent rapport intitulé
La santé dans les
outre-mer, une responsabilité de la République
.
Le rapport a été arrêté au vu du projet communiqué au préalable
aux administrations, aux collectivités et aux organismes concernés et des
réponses adressées en retour à la Cour.
Les réponses sont publiées à la suite du rapport. Elles engagent la
seule responsabilité de leurs auteurs.
Ont participé au délibéré : M. Migaud, Premier président,
Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman, Levy, Lefas, Briet, M. Cazala,
suppléant Mme Ratte, M. Vachia, M. Paul, présidents de chambre,
MM. Picq, Babusiaux, Descheemaeker, Bayle, Bertrand, présidents de
chambre maintenus en activité, MM. Duchadeuil, Pannier, Andréani,
Braunstein, Mme Françoise Saliou, MM. Jean Gautier, Martin, Ravier,
Guibert, Piolé, Zerah, Le Méné, Guéroult, Chouvet, Laboureix, Mourier
des Gayets,
Aulin, Bouvard, conseillers maîtres, MM.
Blairon, Leclercq,
Jouanneau, conseillers maîtres en service extraordinaire.
Ont été entendus :
-
en sa présentation, M. Durrleman, président de la formation
interjuridictions chargée des travaux sur lesquels le rapport est
fondé et de la préparation du projet de rapport ;
-
en son rapport, M. Paul, rapporteur du projet devant la chambre
du
conseil,
assisté
de
M.
Gillette,
conseiller
maître,
Mme Luciolli, rapporteure extérieure, rapporteurs devant la
formation interjuridictions chargée de le préparer ;
-
en ses conclusions, sans avoir pris part au délibéré, M. Johanet,
Procureur général. Il était accompagné de M. Michaut, avocat
général.
M. Jérôme Filippini, secrétaire général, assurait le secrétariat de la
chambre du conseil.
Fait à la Cour, le 3 juin 2014.
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COUR DES COMPTES
Le projet de rapport soumis à la chambre du conseil a été préparé,
puis délibéré le 13 mars 2014, par la formation commune à la Cour des
comptes et aux chambres régionales et territoriales des comptes, présidée
par M. Durrleman, président de chambre, et composée de Mme Lévy-
Rosenwald, M. Uguen, Mme Fontaine, conseillers maîtres, MM. Monti,
Diringer,
Roux,
Lachkar,
présidents
de
chambres
régionales
et
territoriales des comptes, ainsi que, en tant que rapporteurs, M. Gillette,
conseiller maître, Mme
Luciolli, rapporteure, assistés de M. François
Bourdillon, expert et, en tant que contre-rapporteur, M.
Picq, président
de chambre maintenu.
Le projet de rapport a été examiné et approuvé, le 1
er
avril 2014,
par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des
comptes, composé de M. Migaud, Premier président, Mme Froment-
Meurice, MM. Durrleman, Levy, Lefas, Briet, Mme Ratte, M. Vachia,
M. Paul, rapporteur général du comité, présidents de chambre, et
M. Johanet, procureur général, entendu en ses avis.
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Introduction
Les
outre-mer
français
comptent
aujourd’hui
2,7
millions
d’habitants, soit 4 % de la population totale de notre pays, répartis dans
des zones géographiques fort éloignées les unes des autres, comme de la
métropole, et inscrits dans des cadres institutionnels très différents : d’une
part, cinq départements (Martinique et Guadeloupe aux Antilles, Guyane,
La Réunion et Mayotte), d’autre part, six collectivités : la Nouvelle-
Calédonie, la Polynésie française,
Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy,
Saint-Martin et Saint-Pierre et Miquelon
1
.
Source : Cour des comptes
Malgré
leurs
spécificités
géographiques,
humaines
et
organisationnelles, les départements et collectivités d’outre-mer ont en
commun d’être confrontés à des problématiques sanitaires d’une nature et
d’une ampleur souvent particulières.
1
Les
Terres australes et antarctiques françaises
sont hors champ de ce rapport en
raison de l’absence de résidents permanents.
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COUR DES COMPTES
C’est pourquoi la Cour des comptes a effectué, avec le concours
des chambres régionales et territoriales des comptes de Guadeloupe,
Guyane, Martinique, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, de La Réunion et
Mayotte, et des chambres territoriales des comptes de Nouvelle-
Calédonie, de Polynésie française et de Saint-Pierre-et-Miquelon, une
enquête d’ensemble sur la santé dans les différents outre-mer.
Plusieurs considérations ont guidé ce choix.
La République est une
. Si les collectivités d’outre-mer ont un
statut qui, aux termes de l’article 74 de la Constitution « tient compte des
intérêts propres de chacune d’elles
au sein de la République », l’article
72-3 affirme que «
la République reconnaît, au sein du peuple français,
les populations d’outre-mer,
dans un idéal commun de liberté, d’égalité et
de fraternité ». À ce titre, s’applique le préambule de la Constitution du
27 octobre 1946 qui dispose que la Nation « garantit à tous, notamment à
l’enfant, à la mère (…) la
protection de la santé
». Quelles que puissent
être les organisations politiques et administratives, il appartient en dernier
ressort à l’État d’en être l’ultime garant et de veiller à ce que soit assurée
l’égalité de chacun dans le domaine de la santé, où qu’il vive, en
métropole ou dans les outre-mer.
Les spécificités constitutionnelles placent pour autant l’État
dans des situations différentes
pour la conduite des politiques publiques
dans le domaine de la santé au regard des différents outre-mer, comme
l’illustre le schéma ci-contre.
L’État exerce directement ses compétences dans le domaine de la
santé dans les quatre DOM, à Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon,
Saint-Martin et Saint-Barthélemy. En revanche, il a transféré ses
compétences en matière de santé aux gouvernements de Nouvelle-
Calédonie et de Polynésie française. Il est un acteur direct dans le premier
cas, mais en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, il est
seulement un partenaire qui accompagne les exécutifs locaux, notamment
par des contrats de développement pluriannuels, dans l’évolution de
systèmes de santé dont ils ont la pleine responsabilité. Ces spécificités se
retrouvent dans l’hétérogénéité marquée des dispositifs d’assurance
maladie : seuls les quatre DOM hors Mayotte bénéficient du système
métropolitain, la situation étant très différente dans les autres outre-mer,
la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ayant en particulier leurs
propres régimes et institutions de protection sociale.
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Source : Cour des comptes
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COUR DES COMPTES
À ces dissymétries institutionnelles s’ajoute
une extrême diversité
des risques outre-mer.
Cette diversité
constitue un défi pour la
cohérence de l’action publique dans le domaine de la santé publique.
L’État doit en effet tenir compte des facteurs contraignants que
représentent les distances à parcourir, l’isolement de certaines zones, les
risques climatiques et cycloniques, la pauvreté de certaines populations.
La Guyane et Mayotte en particulier sont de surcroît exposées à une
constante immigration clandestine de ressortissants de pays voisins dont
l’état de santé est parfois déficient, ce qui affecte profondément les
structures de santé de ces territoires.
C’est avec le souci de tenir le plus grand compte de ces données -
qui conduisent à parler désormais des outre-mer et non plus de l’outre-
mer - que les juridictions financières se sont attachées à établir un état des
lieux de la santé dans les outre-mer.
En dépit des efforts déployés, la situation sanitaire se
caractérise par des difficultés persistantes.
Mais les outre-mer français,
malgré de considérables contrastes, entre eux et à l’intérieur de chacun,
sont dans une position nettement meilleure que celle des pays avoisinants
et, en particulier, les Antilles et La Réunion se trouvent assez proches
désormais du niveau métropolitain.
Si nombre de problématiques
sanitaires sont communes avec la métropole, les déterminants de santé,
c’est-à-dire les facteurs socio-économiques mais aussi climatiques et
environnementaux qui rejaillissent sur la santé des populations, sont
toutefois très différents de ceux de l’hexagone. Des risques spécifiques
s’y ajoutent, qui ne sont pas toujours maîtrisés. C’est par exemple le cas
du diabète, de l’obésité, de maladies infectieuses ou chroniques, ou de
risques environnementaux. Les populations y sont d’autant plus exposées
qu’elles sont fréquemment en situation de précarité (chapitre I).
Face à ces enjeux, les systèmes de santé apparaissent à la peine
,
au risque de compromettre l’égalité des chances
.
La prévention, partout
inscrite
comme
une
priorité,
est
confrontée
à
des
difficultés
d’organisation et de moyens. La médecine ambulatoire
joue un rôle
essentiel, mais elle est hétérogène et déséquilibrée par rapport à l’offre
hospitalière. Elle est en effet marquée de très fortes disparités et
handicapée par de nombreux écueils (répartition inégalitaire des
professionnels entre bassins de vie, difficultés aigües de recrutement dans
certains outre-mer, coordination insuffisante des tâches entre les
différentes professions, niveaux de rémunération élevés), qui se traduisent
par des inégalités d’accès aux soins parfois considérables.
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INTRODUCTION
13
Le secteur hospitalier constitue dans ces conditions très souvent
l’armature du dispositif de soins, comme le montre en particulier la
surcharge des services d’urgence. Toutefois, il souffre dans nombre de
cas d’une gestion déficiente qui ne lui permet pas de relever
convenablement les défis auxquels il fait face, qu’il s’agisse notamment
des ressources humaines ou des opérations d’investissement, avec pour
conséquence une situation financière fréquemment très dégradée. Même
si nombre de services combattent du mieux qu’ils peuvent des risques
sanitaires d’une acuité parfois vive, les prises en charge restent
perfectibles, le développement des alternatives à l’hospitalisation
conventionnelle inégal et les évacuations sanitaires nombreuses (chapitre
II).
Face à une situation sanitaire outre-mer qui demeure, en dépit des
progrès accomplis, encore insatisfaisante et devant le constat d’un
système de santé en difficulté,
il apparaît nécessaire de définir et de
mettre en oeuvre sans tarder une stratégie publique
plus efficiente que
celle qu’a tenté d’esquisser le « plan santé outre-mer » lancé en juillet
2009. Imprécis dans ses objectifs, sans calendrier d’exécution, sans
programmation financière, ni au demeurant de dispositif d’évaluation, ce
dernier a attesté des faiblesses d’impulsion et de pilotage de l’État,
qu’illustrent aussi d’une autre manière les situations de Mayotte, de la
Guyane, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna qui sont sous
sa responsabilité directe.
Une approche plus fine et plus décentralisée est nécessaire à la
mobilisation des acteurs politiques, économiques et sociaux de la santé
outre-mer dans leur diversité, de manière à mieux utiliser et à mieux
cibler, en fonction du constat, différent selon les territoires, des difficultés
et des priorités, les moyens importants qui y sont consacrés et à
rééquilibrer les efforts notamment au bénéfice de la prévention.
S’impose ainsi une stratégie de santé dans les outre-mer à la fois
d’ensemble, fédérant autour de quelques grands objectifs communs, et
différenciée, s’articulant sur la diversité des situations selon les territoires,
qui progressivement permette de réduire les écarts les plus lourds et
réponde à l’enjeu d’égalité des chances dans la République (chapitre III).
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COUR DES COMPTES
Champ géographique et méthodologique
L’enquête a été menée sur place, avec l’expertise de deux médecins
spécialistes en santé publique, en Martinique, Guadeloupe, Guyane, à La
Réunion et à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. La
situation dans les autres îles a été examinée en s’appuyant sur des rapports
d’inspections générales ou lors de réunions à Paris. Elle a été facilitée par les
contributions de centaines d’établissements, d’organismes, de
professionnels
et de responsables à tous niveaux. Leur attention a confirmé l’ampleur des
attentes en ce domaine. Une formation commune à la Cour des comptes et
aux chambres régionales et territoriales des comptes, constituée en
application des dispositions de la loi du 15 novembre 2013 portant diverses
dispositions relatives aux outre-mer, en a ensuite délibéré, en tenant compte
des réponses de près de 90 administrations, collectivités et organismes. Le
champ du rapport est celui de la « santé publique », définie comme un
ensemble de savoirs, de savoir-faire, de pratiques et de règles juridiques qui
visent à connaître, à expliquer, à protéger et à promouvoir l’état de santé des
personnes
2
. La déclaration d’Alma Ata de l’Organisation mondiale de la santé
l’a définie comme «
un état complet de bien-être physique, mental et social
».
L’enquête a de ce fait reposé sur les principales données épidémiologiques et
sur les déterminants de santé
3
. Les politiques de santé et l’offre de soins ont
été examinés dans toutes leurs dimensions. Mais l'attention a porté plus
particulièrement sur les principaux enjeux : surmortalité infantile et
périnatale, particularités subtropicales telles que les maladies transmissibles,
montée
en
puissance
des
pathologies
chroniques,
risques
liés
à
l’environnement. Elle les a rapprochés de l’offre de soins, tant ambulatoire
qu’hospitalière, de son accessibilité financière et géographique et s’est
intéressée aussi à l’évolution de l’investissement hospitalier comme de la
médecine de proximité et aux arbitrages entre ces derniers. La fiabilité, la
pertinence et la comparabilité des données sont souvent hétérogènes.
Rarement récentes, elles ne sont comparables qu’avec précaution entre elles
comme avec la métropole. Elles reflètent donc davantage des indications de
tendance, validées lors des enquêtes sur place auprès de plusieurs centaines
d'interlocuteurs et par leur large documentation, qu’elles n’apportent des
certitudes comptables et statistiques.
2
François Bourdillon in
Traité de santé publique
, Flammarion, 2007.
3
Les accès au logement, à l’éducation, à une alimentation appropriée, à un revenu
minimum et durable, à un environnement stable, à la justice sociale et à un traitement
équitable ont été soulignés comme déterminants majeurs de santé, dans la Charte issue
de la conférence internationale pour la promotion de la santé tenue à Ottawa en 1986.
La conférence de Bangkok en 2005 a souligné les inégalités entre pays et à l’intérieur
d’un même pays, les nouveaux modes de consommation et de communication.
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Chapitre I
Une situation sanitaire marquée par des
difficultés persistantes
Les outre-mer connaissent une situation sanitaire beaucoup plus
satisfaisante que celle des pays qui les avoisinent, mais, notamment du
fait de la diversité des problématiques auxquelles ils ont à faire face, elle
est contrastée d’un territoire à l’autre (I).
Dans leur ensemble comme dans leur diversité, ils restent souvent
confrontés à des difficultés sanitaires persistantes : mortalité infantile et
maternelle, maladies infectieuses et chroniques, conduites addictives,
notamment (II).
S’y ajoutent des risques environnementaux spécifiques tels que le
chlordécone aux Antilles (III).
I - Des situations contrastées
Les indices de développement humain marquent une réduction
différenciée des retards par rapport à la métropole (A).
Cette diversité s’observe également dans les déterminants de santé
liés aux inégalités économiques et sociales, qui contribuent à des écarts
dans la vulnérabilité face aux maladies ou aux addictions (B).
Elle se traduit enfin dans le niveau des dépenses de santé par
habitant (C).
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COUR DES COMPTES
Singularité et diversité des outre-mer
En métropole comme dans les outre-mer, la situation de l’offre de
soins est inévitablement diverse pour des raisons sociales, géographiques,
sanitaires et démographiques. Cette diversité est marquée dans les outre-mer
en raison de l’extrême singularité de chacun des territoires.
À plus de 6 000 km de la métropole, les Antilles sont marquées par la
proximité entre la
Guadeloupe
et la
Martinique
. Leurs risques volcaniques,
sismiques et cycloniques imposent de lourdes sujétions aux bâtiments
hospitaliers. Leur population, en faible croissance, vieillit. La
Guyane
, seul
DOM continental, est vaste comme le Portugal (83 800 km², 3 habitants au
km²). Une forte pression migratoire et de demande de soins existe sur ses
frontières brésilienne (730 km) et surinamaise (510 km). Elle est aggravée
par leur accès fluvial et par la pauvreté des régions environnantes. La
croissance démographique y exerce une pression redoutable pour le dispositif
sanitaire, confronté, par ailleurs, aux distances en l’absence d’infrastructures
routières hors bande côtière, à la densité forestière, aux risques équatoriaux
(fièvre jaune, paludisme), ou à ceux liés à l’exploitation aurifère clandestine
(pollution au mercure). Le territoire de permanence des soins de Cayenne est
le plus vaste de France. L’immigration clandestine y est importante , comme
à
Mayotte
, 101
ème
département, à 8 000 km de la métropole et à 1 200 km de
La Réunion, qui compte plus de 212 000 habitants, à 70 % âgés de moins de
30 ans et à 40 % étrangers, vivant souvent dans une grande précarité sur
375 km², et, à la suite de la départementalisation (2011), réclamant une
amélioration de leur niveau de vie, à l’instar de
La Réunion
jadis. Cette
dernière compte 840 000 habitants sur 2 500 km
2
, exposés à de nombreux
risques naturels : rivage inhospitalier, pluies abondantes et cyclones, volcan
actif. Sa société est fragilisée par sa croissance démographique (2,5 enfants
par femme) et un taux de chômage dépassant 30 % (60 % parmi les jeunes de
15 à 24 ans). En
Nouvelle-Calédonie,
à 16 700 km de la métropole, malgré
les efforts de prévention de maillage du territoire (18 575 km²), des inégalités
importantes persistent dans l’accès aux soins entre l’agglomération de
Nouméa, où vivent les deux tiers des 245 580 habitants, et le reste du
territoire. Quelques-unes des 121 îles de la
Polynésie française
(3 600 km²)
sont à plus de 1 500 km de Papeete (15 700 km de la métropole). Les trois-
quarts de la population sont à Tahiti et Moorea. La plupart des 76 îles
habitées ont un dispensaire, une infirmerie ou un poste de secours, mais
souffrent d’une double insularité comme celles des autres îles d’outre-mer
éloignées d’un hôpital. De nombreux habitants des outre-mer vivent en
situation de précarité et d’insalubrité. Le taux de chômage déclaré est en
moyenne le double de celui de la métropole, autour de 22 %. Il a doublé
depuis 2007 en Polynésie française, et culmine à 36 % dans le sud de La
Réunion, à 40,8 % à Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane) - et bien plus pour
les jeunes. L’emploi clandestin est important, aux dépens des garanties et
ressources de la sécurité sociale.
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17
A - Une réduction différenciée des retards de
développement humain
Les outre-mer connaissent une très grande diversité géographique,
humaine et sociale (cf. encadré ci-contre). Corollaire de cette extrême
diversité, le mouvement global de rattrapage par rapport à la métropole
apparaît différencié d’un outre-mer à l’autre, même si la situation de
chacun est favorable par rapport aux pays avoisinants.
1 - Un rattrapage global mais différencié par rapport à la métropole
L’indice de développement humain permet d’illustrer les écarts
entre les outre-mer. Calculé par le programme des Nations-Unies pour le
développement (PNUD), cet indicateur ne prend en compte que quatre
critères. L’espérance de vie à la naissance
4
est le seul critère « santé »,
mais les trois autres critères sont assez représentatifs des déterminants de
santé : le niveau de revenu national brut par habitant (en dollars
américains en parité de pouvoir d’achat), le niveau d’études de la
population âgée de plus de 25 ans et le taux de scolarisation des jeunes.
En termes de rattrapage, de 1990 à 2010, la progression de cet
indice de développement humain outre-mer a été supérieure (0,71 % de
croissance annuelle moyenne) à celle de la métropole (0,64 %), ce qui
confirme l’ampleur des efforts financiers consentis par l’État, mais des
écarts très nets de croissance annuelle apparaissent :
-
la Guadeloupe figure en tête de la progression (0,93 %/an) ;
-
suivie de la Martinique (0,77 %/an), de la Nouvelle-Calédonie
(0,70 %/an) et de la Guyane (0,69 %/an) ;La Réunion
(0,62 %/an) et surtout la Polynésie française (0,52 %/an) ont
progressé moins vite.
4
L’espérance de vie à la naissance est le nombre d’années qu’un nouveau-né peut
espérer vivre si les taux de mortalité par âge ayant prévalu au moment de sa naissance
demeurent inchangés tout au long de sa vie.
La composante « espérance de vie à la naissance » de l’IDH est calculée de la façon
suivante : Valeur de l’indice = (Valeur mesurée – Valeur minimale) / (Valeur
maximale – Valeur minimale). En 2010,
un indice de zéro équivaut à une espérance
de vie de 20 ans et un indice de 1 équivaut à une espérance de vie de 83,2 ans.
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18
COUR DES COMPTES
Les différences entre eux par critère sont soulignées par le tableau
ci-après, classé dans un ordre croissant d’espérance de vie (colonne de
gauche).
Tableau n° 1 : indice de développement humain, par critère, édition
2010
Espérance
de vie
Éducation
Social
Revenu
IDH
Wallis et Futuna (
b
)
0,856
0,730
0,791
0,758
0,763
La Réunion (
a
)
0,858
0,672
0,759
0,731
0,750
N.-Calédonie (
a
)
0,886
0,702
0,788
0,789
0,789
Polynésie fr. (
a
)
0,890
0,635
0,752
0,709
0,737
Mayotte (
b
)
0,916
0,532
0,698
0,592
0,653
Guyane (
a
)
0,930
0,618
0,758
0,702
0,739
St Pierre et M. (
a
)
0,942
0,680
0,829
0,708
0,762
Guadeloupe (
a
)
0,949
0,769
0,854
0,762
0,822
Saint-Martin (
c
)
0,949
0,537
0,714
0,712
0,702
St-Barthélémy (
c;d
)
0,949
0,488
0,670
0,753
0,688
Métropole (a)
0,968
0,870
0,918
0,817
0,883
Martinique (
a
)
0,970
0,731
0,842
0,758
0,813
Source : PNUD. Dernière année connue, soit (a) :2010 ; (b) : 2005 ; (c) : 2000 ;
(d) :1999. Les classements antérieurs à 2010 porte sur des données trop anciennes
pour illustrer les rattrapages récents.
2 - Des situations favorables par rapport aux pays de la zone
Dans chaque continent ou sous-continent, la situation des outre-
mer français en termes de développement humain est parmi les
meilleures. Même si les années de référence sont parfois hétérogènes et
les statistiques incomplètes, les comparaisons avec les pays qui les
environnent leur sont très favorables (à l’exception de Saint-Pierre-et-
Miquelon face au Canada). Le classement varie selon les années : les
Antilles françaises sont en tête des Caraïbes en 2010, alors que les
Bahamas l’étaient dix ans plus tôt. La tendance générale telle qu’elle
apparaît ci-après est cependant révélatrice de l’effort français.
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19
Graphique n° 1 : indice de développement humain, par zone
géographique, édition 2012
5
Source : OCDE, ibidem ; « min, faible, moyen, très élevé » = moyennes par tranches.
La Nouvelle-Calédonie est à gauche du Chili
.
5
Olivier Sudrie,
Quel niveau de développement des départements et collectivités
d’outre-mer ? Une approche par l’indice de développement humain
, Document de
travail 129, Département de la recherche, Agence française de développement (AFD),
Paris, novembre 2012.
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20
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3 - Des écarts qui demeurent
Cependant, des écarts de 12 à 28 ans de développement
subsistaient en 2010 avec la métropole.
Graphique n° 2 : indice de développement humain, les retards en 2010
Source : OCDE, ibidem. Mayotte est à un niveau comparable à celui de la
Guyane.
La Guyane et Mayotte sont de surcroît exposées à l’afflux constant
d’immigrants en situation irrégulière et dont la santé est parfois
déficiente, ce qui rend le rattrapage encore plus difficile.
B - Des déterminants de santé très contrastés
La Cour a demandé à la Fédération nationale des observatoires
régionaux de santé (FNORS) d’établir une cartographie des déterminants
de santé sous quatre aspects. Faute de séries de données comparables
dans tous les outre-mer, ces cartes ont dû être limitées à quatre DOM
(Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion), hors Mayotte. La
Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française gagneraient à compléter
leurs cartographies respectives, de même que Mayotte, où la Cour a
constaté des disparités très similaires à celles auxquelles fait face la
Guyane.
La carte n° 1 synthétise des déterminants de santé au travers
d’indicateurs-clefs statistiques, relatifs à la population et aux conditions
-2.0
-1.5
-1.0
-0.5
0.0
10
15
20
25
30
Ecart relatif (%) par
rapport à l'IDH
France
Années de retard par rapport à la métropole
Martinique
Nouvelle Calédonie
Moyenne
Guyane
La Réunion
Polynésie française
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21
de vie. C’est une première illustration des contrastes dans les facteurs
pouvant avoir un impact sur la santé.
Carte n° 1 : population et conditions de vie, DOM
Sources : Cnaf, DGFiP, INSEE. Exploitation : Fnors.
Hors Mayotte. Les critères pris
en compte sont : 75 ans ou plus dans la population (INSEE ; RP 2009), fécondité des
femmes mineures (INSEE ; 2005-2011), familles monoparentales avec enfant(s) de
moins de 25 ans (INSEE ; RP 2009), cadres et professions intellectuelles supérieures
parmi les actifs occupés (INSEE ; RP 2009), jeunes de 20-29 ans pas ou peu diplômés
sortis du système scolaire (INSEE ; RP 2009), chômage (INSEE ; RP 2009),
standardisé (âge et sexe) des inactifs de 25-54 ans (INSEE ; RP 2009), foyers fiscaux
non imposés sur le revenu (DGFiP ; revenus 2009), allocataires CNAF, dépendant de
50 % à 100 % des prestations CNAF, allocataires du RSA socle seul, allocation
logement, AAH (CNAF ; 31 décembre 2011), résidences principales sans confort
(INSEE ; RP 2009). La grande majorité des données sont les dernières disponibles au
moment de ce travail et si certaines sont anciennes, elles n’influent pas pour autant
sur les tendances présentées. Une publication de la FNORS détaillera la
méthodologie appliquée (cf. annexe 1) et les analyses ainsi effectuées.
0
30 km
15
0
30 km
15
Guadeloupe
Martinique
Guyane
0
30 km
15
Réunion
0
150 km
75
Classe 1
Classe 2
Classe 3
Classe 4
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22
COUR DES COMPTES
La classe 1, en
orange,
caractérise la majorité des Antilles : on y
trouve dix-sept cantons de Guadeloupe – la région administrative est
composée de huit îles – et dix-huit de la Martinique, où sont domiciliés 457
000 habitants, soit 60 % et 55 % de la population de ces deux régions. La
croissance démographique y est plus modérée qu’ailleurs (population plus
âgée, en étant plus isolée, faible taux d’accroissement des moins de 25 ans,
fécondité moindre quoique supérieure à la moyenne nationale). Les taux
d’allocataires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et de l’allocation
d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) comme la part d’actifs occupés et
celle d’ouvriers sont plus élevés, celle de cadres et professions intellectuelles
supérieures ou intermédiaires, plus faible.
La classe 2, en
bleu,
caractérise les cantons les plus favorisés socio-
économiquement, et la seule impliquant des cantons de chacun des quatre
DOM (768 000 habitants, de 39 % à 45 % de leurs populations). Les cadres
et professions intellectuelles supérieures ou intermédiaires y habitent en
proportion plus élevée qu’ailleurs, avec davantage de bacheliers ayant
effectué deux ans ou plus de formation supérieure, et une moindre part
d’allocataires dont les ressources comportent plus de 50 % de prestations
sociales ; moins de personnes de 25-54 ans y ont un emploi précaire et le taux
de chômage tend à y être plus faible.
La classe 3, en
rose
, comprend seize des vingt-trois cantons de La
Réunion et celui de Cayenne, soit respectivement 58 % et 25 % de leurs
populations (534 000 habitants). La population en est plus jeune et plus
modeste que dans les classes 1 et 2 non seulement des DOM mais de la
France entière, y compris en termes de chômage. Ces trois classes sont à très
forte dominante urbaine : 98 % des guadeloupéens et 89 % des martiniquais
vivent ainsi en zone urbanisée.
La classe 4, enfin, en
rouge,
concerne uniquement la Guyane pour la
majorité du territoire, avec plus d’un tiers de sa population (79 000
habitants). C’est le groupe le plus démuni : 4,5 fois moins de douches ou de
baignoires par logement que dans la zone plus défavorisée du reste de la
France, chômage endémique, 53,1 % de mères de 12 à 17 ans - le double du
bassin de vie suivant le plus défavorisé de France. Les étrangers y sont
surreprésentés, et dans une proportion difficilement mesurable, en situation
irrégulière, confrontés à d’inextricables difficultés d’accès aux soins,
résumées plus loin.
Cette carte, comme la carte n° 2 infra, confirme des conditions de
vie parfois très dégradées, avec de fortes inégalités sociales et
géographiques : des déterminants de santé en lien avec l’alimentation et
les risques environnementaux provoquent un accroissement, dans des
proportions variables, de maladies chroniques comme des cas de
surpoids. Les maladies professionnelles (cf. annexe 13) et les accidents
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23
du travail sont fortement sous-déclarés, notamment du fait du travail
dissimulé. Il en résulte de forts contrastes de l’état de santé général entre
les outre-mer comme au sein de chacun d’entre eux.
Les projections à horizon 2027
résument la diversité des tendances
démographiques.
Tableau n° 2 : population des outre-mer, 2013-2027
6
Population sans doubles
comptes
1
er
janvier
2013
Projection
2027
Prévision
2013/2027
Guadeloupe
403 977
410 000
1 %
Martinique
390 371
421 000
8 %
Guyane
239 450
406 000
70 %
La Réunion
837 868
975 000
16 %
Mayotte
212 645
350 000
65 %
Saint-Barthélemy
9 072
9 072
Nd
Saint-Martin
37 630
37 630
Nd
Saint-Pierre-et-Miquelon
6 312
6 312
Nd
Nouvelle-Calédonie
260 000
305 000
17 %
Polynésie française
268 270
320 000
19 %
Wallis-et-Futuna
12 867
12 000
- 7 %
TOTAL
2 678 462
3 252 014
21 %
Métropole
63 703 191
67 790 620
6 %
France entière hors Pacifique
65 840 516
70 406 000
7 %
République française
66 381 653
71 040 000
7 %
DOM/République française
3,2 %
3,8 %
outre-mer/République française
4,0 %
4,8 %
Ces dernières sont contrastées, mais au total les outre-mer
devraient connaître une croissance de leur population plus de trois fois
supérieure à celle de la métropole, en dépit de taux parfois très élevés de
mortalité infantile. L’augmentation prévisible – de moitié d’ici dix ans –
de la population de la Guyane et de Mayotte, au regard des difficultés qui
s’y constatent déjà, doit être anticipée. Il en va de même pour le
vieillissement de la population dans les autres outre-mer.
6
Sources : INSEE, Estimations localisées de la population 2012 et projections DOM.
Polynésie française : Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF),
recensement 2012 et projections. Nouvelle-Calédonie : Institut de la statistique et des
études économiques (ISEE), projections, 2013.
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24
COUR DES COMPTES
C -
Des écarts de dépenses mal connus mais
considérables
Les administrations n’ont pas été en mesure de documenter
l’intégralité des dépenses de santé dans les outre-mer de leur compétence,
et ne sont pas capables d’établir un tableau synthétique et comparatif.
Les juridictions financières n’ont de ce fait pas pu établir de
comparaisons fiables de ratios de dépenses de santé, notamment au regard
du produit intérieur brut (PIB) de chaque
outre-mer (les données de PIB
dépendant au demeurant elles-mêmes d’hypothèses relatives au volume
parfois non négligeable de travail dissimulé). Les données obtenues
permettent cependant d’estimer à 6,6 Md€ les dépenses prises en charge
en 2012 dans les outre-mer par les différents systèmes de protection
sociale, ce qui conduit aux dépenses suivantes par habitant.
Tableau n° 3 : estimation des dépenses de santé par habitant, 2012
Par habitant
(Euros)
1. Maladie
2. Accident
du travail
3. Total
Sécurité
sociale
4. États financiers
St-Pierre-et-Miq.
4 970
172
nd
5 861
Guadeloupe
2 849
62
3 027
3 297
N.-Calédonie
nd
nd
2 704
2 891
Martinique
2 793
53
2 846
3 277
La Réunion
2 233
44
2 277
nd
Polynésie franç.
nd
nd
2 258
nd
Wallis-et-Futuna
-
-
-
1 940
Guyane
1 566
28
1 686
2 262
Mayotte
825
4
829
nd
Source : population INSEE. ONDAM CNAMTS (DOM). Hors DOM, administrations
territoriales. Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et ATS
pour Saint-Pierre
et Miquelon). IEDOM (Wallis-et-Futuna), ARS des DOM.
Aucune étude comparative, ministérielle ou scientifique, de ces
dépenses outre-mer n’existe. Force est toutefois de constater qu’elles
varient, par habitant, du simple au quadruple entre les outre-mer de plus
de 200 000 habitants (du simple au double, hors Mayotte), sans que les
écarts
épidémiologiques,
économiques
ou
géographiques
puissent
expliquer une telle différence. La Guyane et Mayotte sont dans la
situation la moins favorable, eu égard notamment au double défi auquel
elles se trouvent confrontées : un système de santé moins développé et
une population, souvent en situation irrégulière, plus vulnérable
qu’ailleurs.
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25
II - Des difficultés sanitaires persistantes
A - La mère et l’enfant : des retards préoccupants
Une surmortalité infantile persiste dans tous les outre-mer
.
Elle
provoque plusieurs dizaines de décès à moins de douze mois par an et par
collectivité, et s’est en partie aggravée dans la période récente, avec un
taux qui variait en 2012 de 4,1 à 9,9 pour mille naissances (moyenne
DOM hors Mayotte : 8 contre 3,3 en métropole).
Le comité interministériel de l’outre-mer de 2009 avait assigné
comme objectif pour les DOM la réduction de moitié, entre 2010 et 2013,
de l’écart enregistré entre 2007 et 2009 entre les taux de mortalité
infantile outre-mer et celui de la métropole (décès avant un an). Cet
objectif a été repris en 2010 dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de
moyens de chacune des ARS concernées dans les DOM ainsi que dans un
document d’orientation que la direction générale de la santé leur a adressé
en 2011.
Cet objectif n’a pas été atteint, comme la Cour l’a déjà souligné, en
appelant l’attention sur une « insuffisante prise en considération de la
situation défavorable des DOM
5
».
Malgré des progrès significatifs, les grossesses demeurent plus
précoces et nombreuses qu’en métropole ; dans les zones les moins bien
couvertes par la protection maternelle et infantile (PMI), la connaissance
des examens de dépistage et la surveillance prénatale sont inégales. Le
taux de prématurés est double de celui de la métropole, l’obésité
maternelle et la pauvreté en expliquant une partie.
5
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2012
, Tome II. La politique de
périnatalité : l’urgence d’une remobilisation, pages 371-422. La Documentation
française, février 2012, 468 p., disponible sur
www.ccomptes.fr.
Huit ans après les
recommandations publiées en 2006 par la Cour en ce domaine et deux ans après leur
rappel, la mortalité infantile stagne en France, largement du fait de la situation outre-
mer, alors qu’elle poursuit sa baisse dans d’autres pays européens.
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26
COUR DES COMPTES
Tableau n° 4 : évolution de la mortalité infantile outre-mer pour
1 000 naissances
Source : Naissances vivantes (quelque 50 000 par an) et décès à moins d’un an sur
naissances vivantes enregistrées. INSEE, statistiques de l’état civil. ADS Wallis-et-
Futuna, Instituts statistiques et directions de la santé de Nouvelle Calédonie et
Polynésie française.
La mortalité maternelle est très variable, estimée à Mayotte à 5
décès pour 10 000 naissances, contre 2,6 à La Réunion et moins de 0,8 en
métropole. Elle
touche
notamment
des
femmes
défavorisées,
d’immigration récente, aux niveaux d’études, de revenus et de couverture
sociale faibles.
Le défaut d’actions périnatales (consultations ou césariennes trop
tardives, sous-estimation de la gravité, délais d’intervention, absence de
pédiatre et/ou de gynécologue, faiblesse de moyens de diagnostic et de
surveillance)
explique jusqu’aux deux tiers de cette surmortalité, tandis
qu’un dixième environ est lié à des malformations congénitales et à des
anomalies chromosomiques. L’absence de protocoles de formation des
professionnels et de fiches pratiques de prise en charge des enfants au vu
de critères cliniques constitue un handicap majeur, d’autant que le taux de
renouvellement des personnels est élevé.
Les pouvoirs publics ont pris tardivement conscience que, au-delà
de la modernisation de services « mère-enfant » (comme à Cayenne ou à
La Réunion), les moyens alloués étaient insuffisants notamment pour la
collecte des données : les causes de mortalité ne sont pas toujours
recensées.
6
Il convient de noter qu’en métropole subsistent des écarts d’un département à l’autre
en termes de mortalité infantile : le taux le plus bas est de 1,5 (en Lozère), tandis que
le plus élevé atteint 5,7 (en Ariège).
2000
2005
2008
2009
2010
2011
2012
Guadeloupe
7,8
7,2
7,3
9,5
6,9
7,9
9,9
Martinique
6,6
9,9
7,2
9,4
8,4
8,2
8,0
Guyane
12,5
10,7
13,6
10,4
10,9
8,6
9,2
La Réunion
5,7
8,1
8,4
8,1
6,6
7,6
8,5
Mayotte
13,5
13,5
16,1
Nouvelle-Cal.
4,6
6,2
5,0
5,6
4,6
4,5
4,1
Polynésie fr.
6,9
6,3
4,8
5,7
5,5
5
7,5
Wallis-et-F.
5,1
5,6
Métropole
6
4,4
3,6
3,6
3,7
3,5
3,3
3,3
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27
La
malnutrition
est une situation chronique à Mayotte. Le service
de pédiatrie de l’hôpital reçoit un ou deux cas par an de kwashiorkor,
syndrome de malnutrition sévère de la première enfance, de marasme
nutritionnel ou de scorbut
7
. Si tous les enfants atteints de malnutrition ne
relèvent pas d’une prise en charge hospitalière, une étude a relevé en
2011, parmi les patients de centres de soins associatifs, des taux de
malnutrition aigüe de 7,3 % et un taux de retard statural de 11,6 % parmi
les enfants de 0 à 59 mois. Diverses études ont souligné les facteurs de
risques liés aux conditions de vie et aux pratiques alimentaires (de
sevrage notamment)
8
.
L’enquête nationale périnatale 2010 a identifié en Guadeloupe, en
Guyane et à La Réunion des évolutions favorables : niveau d’études et
taux de couverture sociale des femmes en progression, taux de
césariennes en forte baisse. Toutefois, la situation sociale et l’emploi se
détériorant, la surveillance prénatale demeure insuffisante chez 18 % des
femmes, les hospitalisations pendant la grossesse augmentent (27,7 %
contre 18,8 % en métropole, 2010) ainsi que les cas des prématurés
(13,9 % contre 11,9 % en 2003 ; métropole : 6,6 %).
Selon l’exploitation des certificats de santé, le nombre de
consultations post-natales chute au 9
ème
et au 24
ème
mois
9
. La moyenne
des quatre DOM est inférieure de moitié à la moyenne nationale (31,5 %).
La dégradation est très sensible à La Réunion (10,5 %) et en Guyane
(7,7 % seulement de consultations au 24
ème
mois).
7
AFD, document de travail n° 90,
Migration, santé et soins médicaux à Mayotte
,
Paris, janvier 2010. Des cas de béribéri ont été constatés au début des années 2000.
8
Médecins du monde,
Étude de la situation nutritionnelle des enfants
, mars 2012.
L’étude NutriMay réalisée en 2006 à Mayotte par l’InVS en population générale
mettait déjà en évidence chez les moins de 5 ans une situation précaire au regard des
critères de l’OMS ; la prévalence de la malnutrition (poids/taille) était de 8,1 %, celle
du retard statural de 6,7 %, et 12,1 %
de naissances
à moins de 2,5 kg. Les résultats
d’une étude financée par la direction générale de la santé en 2013 sont attendus.
9
Les autres PMI n’ont pas participé à l’enquête périnatale 2010. Leur participation à
la prochaine enquête, en 2015, serait indispensable pour comparer les évolutions
.
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28
COUR DES COMPTES
L’objectif de réduire de moitié l’écart constaté paraît hors de
portée en Guyane
10
- compte tenu de la santé très dégradée des femmes
venues du Brésil, d’Haïti et du Surinam pour y accoucher – comme à
Mayotte avec les femmes venues des Comores.
Pour parvenir à de meilleurs résultats, une politique active de
prévention et un meilleur maillage par les services de PMI
11
sont
nécessaires. La province Nord de Nouvelle-Calédonie, par exemple, s’est
employée à en harmoniser le niveau, dans 15 de ses 17 communes et les
réseaux de santé en périnatalité. Le ministère de la santé polynésien
souligne que la dispersion de la population et la densité insuffisante en
professionnels constituent de sérieux obstacles.
Des efforts soutenus seront nécessaires avant que ces collectivités
puissent rejoindre le niveau de la côte ouest de La Réunion et de la
métropole.
Les restructurations des maternités, nécessaires pour mieux assurer
les prises en charge, tardent parfois à être mises en oeuvre. En Martinique,
trois années de négociations ont précédé la fermeture en 2013 de la
maternité du Lamentin dans laquelle les accouchements étaient tombés à
moins de 600 (597) en 2010, niveau jugé insuffisant
12
.
Dans l’île de Marie-Galante (Guadeloupe), la fermeture de la
maternité et de la chirurgie a été un temps retardée alors que la chute de
leur activité rendait leur maintien injustifié tant pour la continuité des
soins que financièrement. Un établissement privé assure désormais des
10
Il est singulier à cet égard de constater que le crédit de 10 M€ destiné en 2002 à
augmenter la capacité de la maternité du centre hospitalier (CH) de Saint-Laurent-du-
Maroni, l’une des plus sollicitées de France, ait pu être réaffecté ailleurs alors que
l’afflux de parturientes, certes souvent en situation irrégulière, était loin de diminuer.
Cette extension en fut différée jusqu’à 2011 et limitée à 20 lits.
11
La PMI est désormais assurée par le conseil général. Elle assure des consultations et
des actions de prévention médico-sociales auprès des enfants de moins de six ans,
ainsi que des bilans de santé pour ceux de trois à quatre ans, ainsi que les vaccins
obligatoires. Pour les enfants non suivis en PMI, l’assurance maladie prend en charge
à 65 % la plupart des vaccins obligatoires, et à 100 % le vaccin rougeole-oreillons-
rubéole, de l’âge de 12 mois à 17 ans révolus.
12
Y travaillaient 93 personnes, dont 24 sages-femmes – le triple de la norme (7 ETP
pour 1 000 accouchements). Une partie des personnels reste affectée à leur hôpital
initial « sans tâche confiée » ; simultanément à ce « chômage technique » rémunéré,
une pénurie de pédiatres est constatée.
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UNE SITUATION SANITAIRE MARQUEE PAR DES DIFFICULTES PERSISTANTES
29
soins et consultations. Les transferts à Pointe-à-Pitre durent 45 minutes en
bateau, et sont assurés si nécessaire en hélicoptère, moyen sécurisé par
l’annonce début 2014 de l’usage exclusif d’un appareil par le centre
hospitalier universitaire (CHU). Les femmes enceintes sont logées
gratuitement avant leur entrée en maternité.
Le démarrage difficile d’un centre de référence périnatal en
Martinique
La ministre chargée de la santé avait présenté en 2012 le centre de
référence périnatal pluridisciplinaire de proximité (CR3P) ouvert au Marin
fin 2011 et géré par le CHU «
comme un outil innovant et indispensable de
prévention de la mortalité périnatale
», c’est-à-dire à moins de sept jours
13
.
La demande est restée extrêmement modeste, avec 508 consultations
en 2012 et 1 997 en 2013. Ce centre a pour objectif de donner un accès
coordonné à un gynécologue hospitalier (rémunéré à temps plein, il devait y
être présent quatre jours par semaine : une patiente par jour en 2012, et quatre
par jour en 2013), à une sage-femme (à temps plein, mais avec moins d’une
consultation par jour en 2013), et à une psychologue (une demi-journée
hebdomadaire,
moins de deux patientes par semaine), que complètent des
vacations d’un autre gynécologue hospitalier. L’outil, dans de tels
contextes où la PMI manque de moyens, peut être utile, mais encore faudrait-
il l’insérer plus énergiquement dans des réseaux qui en promeuvent
activement l’usage.
L’ARS, le CHU et le conseil général n’ont pas associé le centre
hospitalier du Marin à la convention qu’ils ont signée, alors qu’il fournit le
local aménagé par lui et en paie le fonctionnement courant. Le réseau de
périnatalité a fermé alors que démarrait le CR3P, et le règlement intérieur, en
avril 2013, n’était pas encore adopté, alors que la composition hétérogène de
l’équipe appelle une organisation méthodique.
Trois autres centres devaient suivre, avec retard, dont un adossé sur un
dispositif plus robuste dans le nord de l’île.
En milieu carcéral, la prise en charge mère-enfant est parfois
délicate à assurer, notamment à Mayotte où, en dépit d’une chambre
aménagée à cet effet, le conseil général a refusé de signer une convention
avec le centre pénitentiaire au titre de la protection maternelle et infantile
des détenues.
13
Réponse de la ministre, La politique de périnatalité, Cour des comptes,
op. cit.
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30
COUR DES COMPTES
Les interruptions volontaires de grossesse
Les nombres officiels d’IVG sont globalement stables depuis deux
décennies (ceux des naissances diminuent régulièrement), mais leur
pourcentage est supérieur à la moyenne métropolitaine, notamment en
Guadeloupe et en Guyane. Les écarts vont du simple à plus du double, en
particulier chez les mineures. Les obstacles qui en limitent l’accès sont
résumés en annexe 9. Dans un avis de 2009, le Conseil économique, social et
environnemental a préconisé des actions transversales, en réseau entre les
outre-mer, pour la santé scolaire, la PMI, l’éducation à la santé, alors
esquissées entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Ces
interactions sont devenues structurelles entre La Réunion et Mayotte, comme
entre les îles de Guadeloupe grâce à leurs ARS communes, mais étaient alors
inexistantes pour Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.
B - Des risques infectieux importants
1 - Les infections à transmission vectorielle
Une prévention accrue contre la dengue et le chikungunya a été
mise en oeuvre avec succès depuis les épidémies de 2005-2006 et 2010.
Celles de 2013-2014 ont cependant rappelé le chemin à parcourir dans la
lutte « antivectorielle » - contre les moustiques porteurs de virus -, qui est
exemplaire du bon rapport coût/efficacité de la prévention. La
dengue
aurait ainsi touché 43 800 guadeloupéens et 40 000 martiniquais en 2010,
soit plus de 10 % de la population générale, puis 16 000 guyanais en
2012-2013 et autant de Martiniquais
14
.
À La Réunion, une réémergence en 2012, alors que le virus n’y
circulait plus depuis 2004, a fait craindre une flambée épidémiologique :
la mise en oeuvre rapide du plan Orsec de lutte contre les arboviroses peut
avoir limité cet épisode. L’épidémie de 2013-2014 a conduit à 11 000 cas
confirmés en Nouvelle-Calédonie, dont cinq décès ; en Polynésie, le
nombre de cas entre mi-2013 et janvier 2014 a été estimé à un niveau
14
Les statistiques d’épidémie résultent, comme en métropole, d’une extrapolation du
nombre de cas probables à partir des données de réseaux dits « sentinelles », de
généralistes formés à la détection de cas (corrélation historique entre les nombres de
cas suspects et de cas symptomatiques).
Les cellules interrégionales d’épidémiologie
(CIRE, réseau de l’InVS) assument un rôle décisif de veille statistique en amont des
programmes de surveillance, d’alerte et de gestion des épidémies.
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UNE SITUATION SANITAIRE MARQUEE PAR DES DIFFICULTES PERSISTANTES
31
compris entre 12 000 et 25 000.
Le
chikungunya
a contaminé 38 % de la
population de La Réunion et de Mayotte en 2005-2006 (aucun cas en
2012, résurgences dans plusieurs outre-mer en 2013-2014).
Une épidémie de
zika
15
s’est rapidement propagée en 2013 dans les
îles de Polynésie française, le dépistage de cas à l’arrivée de vols en
provenance de Polynésie ayant permis d’en retarder l’introduction en
Nouvelle-Calédonie jusqu’en février 2014. Le
paludisme
est endémique
en Guyane (3 344 cas en 2009, 900 en 2012), surtout à l’ouest et le long
des fleuves, et à Mayotte. L’inquiétude porte sur l’émergence probable de
cas de paludisme résistant à l’artémisine, médicament antipaludéen le
plus fréquent, en Amazonie dans des zones isolées où résident des
chercheurs d’or (les orpailleurs) et où la démoustication est difficile.
Les récentes épidémies confirment que le relais local n’est pas
toujours suffisant. En Nouvelle-Calédonie, les efforts importants
consentis par le ministère de la santé se sont heurtés parfois à une faible
réactivité, voire à une absence totale de mobilisation de certaines
municipalités.
En Polynésie française, l’Institut national de veille sanitaire (InVs)
constatait en 2009 que, notamment en dehors de Tahiti, «
d’une façon
générale, le manque de ressources humaines, déjà relevé lors de
précédentes missions, s’aggrave depuis plusieurs mois et vient s’ajouter à
la crise économique et aux crises sanitaires dengue et grippe
16
».
Les
dépenses paraissent y être en baisse constante (cf
. chapitre II-I-A
).
2 - L’impact des maladies infectieuses
Parmi les maladies infectieuses non vectorielles, les hépatites et le
virus de l’immunodéficience humaine
(VIH) demeurent une priorité. Les
Antilles-Guyane ont un taux d’incidence du VIH
de 59 pour 100 000
habitants (contre 39 pour 100 000 en Île-de-France et 11 pour 100 000
dans le reste de la métropole, 2009-2010). En 2010, le taux de
découvertes de séropositivité en Guyane était de 112 par 100 000
15
Le zika est une arbovirose surtout présente en Afrique et en Asie, avec des
symptômes proches de ceux des autres arboviroses (dengue, chikungunya). Fin 2013,
19 cas de complications en syndrome de Guillain-Barré (atteinte du système nerveux)
avaient été constatés.
16
Évaluation du système de surveillance de la grippe et de la dengue et du dispositif
de lutte antivectorielle en Polynésie française
, juillet 2009, InVS.
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32
COUR DES COMPTES
habitants, de 52 en Guadeloupe, de 16 en Martinique – et de 3 à 9 en
métropole
17
. L’activité de dépistage est supérieure à ce qu’elle est en
métropole, mais le nombre de personnes ne connaissant pas leur
séropositivité reste important (cf. annexe 5).
Les
infections
sexuellement
transmissibles
(IST)
sont
en
recrudescence, comme en métropole ce qui explique que la déclinaison
outre-mer du plan national VIH sida/IST 2010-2014 ait été renforcée.
Nouvelle-Calédonie : des conduites à risque
Six fois plus de personnes sont porteuses de chlamydiae en Nouvelle-
Calédonie qu’en métropole, avec 8 % pour les hommes et 10 % pour les
femmes de 18 à 49 ans. Les 18 à 25 ans ont 54 fois plus de risques de
contracter une chlamydia (19 %) que les 42 à 49 ans ; chez les 26-33 ans
(10,5 %), le risque est 27 fois supérieur.
Les
hépatites virales
18
constituent un important problème du fait
de leur fréquence, de leur gravité potentielle et des délais d’évacuation
vers la métropole en cas d’hépatite fulminante. Ces données doivent
inciter à promouvoir la vaccination et l’éducation à la santé ainsi qu’à
redéployer des crédits de l’investissement vers la réduction des risques
inhérents à la distribution d’eau potable, l’assainissement et l’hygiène.
Des suites seront en tout état de cause à apporter à l’enquête de
prévalence des hépatites B et C dans les DOM dont la direction générale
de la santé a chargé l’INVS en 2014.
Les cas de
tuberculose
sont en réémergence statistique parce qu’ils
seraient mieux recensés. Ils demeurent inférieurs à 10 cas pour 100 000
habitants aux Antilles, mais ils dépassent fréquemment 22 cas/1 000 en
Guyane, le triple de la moyenne nationale hors Pacifique (entre 14,7 et
24,1cas/1 000 en Nouvelle-Calédonie depuis 2008). Les jeunes sont
17
Entre 2003 et juin 2010, 304 des 953 découvertes de séropositivité en Guadeloupe
concernaient une personne née en Haïti (Le Vu S, Barin F, Le Strat Y, et al.
Estimations d'incidence de l'infection par le VIH pour les départements français
d'Amérique
, InVS, 20 novembre 2012). La direction générale de la santé et la
direction générale des outre-mer ont diligenté plusieurs enquêtes dans les DOM en ce
domaine.
18
A, B, C, D, E, et autre formes notamment liées à la toxicité de certains médicaments
ou produits ; au stage aigu, l’hépatite fulminante peut évoluer vers le décès ou
nécessiter une transplantation, et au stade chronique vers la cirrhose et ses
complications ou vers un cancer du foie.
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33
particulièrement exposés en Guyane et à Mayotte où la mise en place de
la déclaration obligatoire et d’un centre de lutte antituberculeuse en 2009
a amélioré la surveillance, avec un taux de succès thérapeutique de
82,5 % chez les patients traités.
La
typhoïde
est endémique à Mayotte, et la dernière épidémie
française de
choléra
y a eu lieu en 2000. La
fièvre jaune
fait l’objet d’une
surveillance à l’entrée à Mayotte comme, de manière imparfaite, au
départ de Paris vers la Guyane. Le
rhumatisme articulaire aigu
(RAA) est
dû à une infection par le streptocoque de groupe A : lorsqu’elle est mal
prise en charge, elle est à l’origine de complications cardiaques sévères
encore fréquentes outre-mer, notamment en Polynésie et en Nouvelle-
Calédonie (cf. données sur ces maladies en annexe 4). D’autres maladies
infectieuses, caractéristiques des zones tropicales, sont encore présentes
outre-mer : parmi elles, la
lèpre
et la
leptospirose
ne sont pas éradiquées.
Face aux maladies infectieuses, la prévention, le dépistage précoce,
et la prise en charge font l’objet d’efforts généralement significatifs. Un
redéploiement de crédits vers la prévention permettrait cependant de
diminuer les dépenses élevées en traitements à vie pour le VIH ou très
onéreux pour les hépatites, comme ceux de chirurgie cardiaque pour le
rhumatisme articulaire
19
.
19
La création du fonds d’intervention régional (FIR) a permis aux ARS des DOM de
transférer de la sorte 1,23 M€ vers la prévention, ce qui va dans le bon sens mais reste
modeste, comme en témoigne l’interruption d’un projet de développement d’un outil
destiné à asseoir la déclaration obligatoire des cas de RAA sur une plateforme
commune dédiée à la déclaration des maladies infectieuses.
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34
COUR DES COMPTES
Les comparaisons sur la base de taux standardisés
Un « taux standardisé » pour une population donnée est calculé en
simulant une structure d’âge et de sexe identique à celle de la population
globale, et reflète ainsi de manière plus fiable les différences entre deux
populations. Ainsi, pour comparer des taux d’une population donnée (en
l’occurrence d’un outre-mer) à ceux d’une population de référence (en
l’occurrence la population française) en neutralisant les écarts de pyramides
des âges (ou/et de répartition entre les sexes), on multiplie les taux
spécifiques par âge (ou/et par sexe) de la population étudiée par les effectifs
des classes d’âge correspondantes de la population de référence ; on
additionne les valeurs obtenues et on divise le résultat par l’effectif total de la
population de référence. On obtient un taux standardisé qui neutralise l’effet
des éventuelles différences d’âge (et/ou de répartition par sexe) entre les deux
populations.
3 - Des maladies chroniques plus fréquentes qu’en métropole
a)
Surpoids, obésité et diabète
L’augmentation des cas de
surpoids
et d’
obésité
est supérieure à
celle observée en métropole, d’où le développement récent et rapide de
maladies chroniques. En Polynésie française, la prévalence du surpoids
est de 69,9 %, dont 40,4 % au stade de l’obésité ; 70 % des plus de 18 ans
sont en surcharge pondérale et 40 % souffrent d’obésité. En Nouvelle-
Calédonie, 54,2 % des adultes (18 à 67 ans) avaient en 2010 un indice de
masse corporelle (IMC) supérieur à 25, dont 26,5 % d’obèses (IMC >30).
À Wallis-et-Futuna, 87,3 % de la population est en surcharge pondérale
ou obèse (48,9 % en métropole).
Plus d’un tiers des enfants boivent chaque jour une boisson sucrée
(20 % en métropole), avec un risque d’obésité accru.
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UNE SITUATION SANITAIRE MARQUEE PAR DES DIFFICULTES PERSISTANTES
35
De longue date, en effet, des produits étaient plus sucrés outre-mer
afin d’en augmenter les ventes, avec d’abondantes publicités. La loi
n° 2013-453 du 3 juin 2013 interdit désormais de distribuer outre-mer des
denrées d’une teneur en sucre supérieure à celles de la même famille les
plus distribuées en métropole.
Une décennie après la métropole, une stratégie a décliné dans les
DOM en 2012 les programmes « national nutrition santé » (PNNS 3,
2011-2015) et le plan obésité 2010-2013. Les conférences et plans
régionaux de santé publique ont pris en compte cette problématique. Les
nombreuses initiatives visant à améliorer l’offre alimentaire, la nutrition,
l’activité physique
20
se heurtent cependant dans les DOM-COM à la
faiblesse des financements accordés par l’État (0,5 M€ d’études entre
2011 et 2013) et ses agences
21
.
Le
diabète
est en conséquence fréquent, précoce et sévère, avec
une forte prévalence de diabète de type 2 et un risque d’aggravation du
fait des modifications rapides de mode de vie
22
. Ses taux de prévalence
standardisée et leur croissance sont le double ou le triple de la moyenne
nationale, ainsi que celui de mortalité attribuée au diabète.
Le coût pour la collectivité est important, sans que les dépenses
directes en soient toujours isolées. Les actions de prévention des caisses
20
S’y ajoutent des risques alimentaires tropicaux tels que celui de la
ciguatera
,
intoxication sévère et durable provoquée par la chair de poissons coralliens, avec une
incidence qui serait sous-estimée : pour 10 000 habitants, elle varie de moins d’un cas
(La Réunion) à plus de 50 (Polynésie française).
21
Une enquête de terrain a été effectuée en 2014 par la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, sur la comparaison
des produits sucrés entre les DOM-TOM et la métropole ; le ministère chargé de la
santé a indiqué que les résultats conditionneront la mise en place d'une politique de
santé publique adaptée.
22
L'institut national de veille sanitaire a noté que "la qualité de la prise en charge
médicale du diabète dans les DOM est très proche de celle de la métropole et même
parfois meilleure au regard des modalités de suivi observées par l’assurance maladie"
(La situation du diabète en 2007 dans les DOM, BEH 42-43, 9 novembre 2010). Le
diabète de type 2 (non insulinodépendant) représente 90 % des diabètes ; il est
favorisé par des facteurs génétiques et par la consommation excessive de sucres. Le
type 1 est dû à une absence de sécrétion d’insuline par le pancréas ; il atteint plutôt le
sujet jeune. En Nouvelle-Calédonie, les diabétiques non identifiés seraient plus
nombreux que ceux pris en charge. Les mutations économico-culturelles y ont
contribué à l’augmentation des cas de diabète : l'exploitation du nickel a permis une
augmentation rapide des revenus, suivie d’importations massives d’aliments gras et
sucrés, et d’une modification des habitudes de vie (alimentation, activités physiques).
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36
COUR DES COMPTES
d’assurance maladie concernent essentiellement la prévention tertiaire des
complications : elles n’ont développé le programme SOPHIA qu’à La
Réunion
23
, et, très récemment, en Guadeloupe ; les autres outre-mer ne
disposent encore d’aucun dispositif comparable. Les territoires du
Pacifique mènent leurs propres actions en matière de prévention de
l’obésité. Le volet santé du contrat de projets 2008-2013 entre l’État et la
Polynésie française n’a pas pris en compte les problématiques du diabète
et de l’obésité. Hormis deux brèves mentions, les 203 pages du rapport
d’un prestataire métropolitain qui demeure le document « stratégique » en
matière de santé en Polynésie n’abordent pas davantage ces questions. La
Polynésie française a sollicité l’appui de la direction générale de la santé
en vue d’inclure ce thème dans un nouveau contrat de projet avec l’État.
En Nouvelle-Calédonie, l’agence sanitaire et sociale a mis en
oeuvre un programme de prévention du diabète et de l’obésité : en 2010,
la chambre territoriale des comptes notait qu’elle y avait consacré 0,6 M€
,
mais que cette pathologie avait été à l’origine d’une dépense identifiée de
44 M€ pour la caisse de compensation des prestations familiales, des
accidents du travail et de prévoyance des travailleurs salariés de
Nouvelle-Calédonie (CAFAT). L’agence de santé de Wallis-et-Futuna a
demandé son intégration dans le PNNS outre-mer.
L’association entre nutrition, surpoids, obésité et diabète constitue
ainsi, plus encore qu’en métropole, un enjeu décisif de santé publique, en
termes d’espérance comme de qualité de vie, et de dépenses pour la
collectivité.
Le diabète, marqueur des inégalités sociales et économiques
La FNORS a examiné pour le présent rapport si une corrélation peut
être établie entre le diabète et les conditions de vie dans les DOM. L’étude a
porté sur les 93 323 bénéficiaires d’une prise en charge en affection de
longue durée (ALD) comptabilisés en 2012 dans les DOM, dont 86 % pour
un diabète de type 2 ; 78,7 % d’entre eux étaient âgés de moins de 75 ans. Le
taux de diabète est moindre dans les cantons dont la situation sociale est plus
favorable. Ainsi, le taux standardisé (cf. encadré supra) de diabétiques de
moins de 75 ans en ALD dans les cantons de la classe 2 (caractéristiques
sociales les plus favorables, cf. cartes précédentes) est plus faible (4,4 %) que
dans la classe 3 (6,0 %). Cette situation déjà constatée en métropole souligne
la nécessité d’agir sur l’ensemble des déterminants de santé.
23
À partir de 2009, cf. Cour des comptes, La prévention sanitaire, p. 89,
communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale,
octobre 2011,
138 p. disponible sur
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37
b)
L’insuffisance rénale chronique
L’
insuffisance
rénale
chronique
,
particulièrement
sa
phase
terminale, est une charge croissante. Son association à d’autres maladies,
notamment le diabète, aggrave l’écart avec la métropole, en morbidité,
mortalité et accès au traitement. Le diagnostic est généralement tardif,
comme l’est ensuite la mise en dialyse. Celle-ci est souvent engagée avec
retard, en urgence (33 % des cas au CHU de Martinique, qui reconnaît un
« dysfonctionnement majeur de cette filière », fort mal coordonnée aux
Antilles), et dans de mauvaises conditions entraînant une perte de chance,
tant en espérance de vie qu’en qualité de la prise en charge. Les
possibilités de greffe, essentielles pour la qualité de vie et la réduction de
la morbidité comme de la mortalité, sont réduites outre-mer : la part de
patients traités par greffe en 2012 allait de 17 % en Guyane à 25 % aux
Antilles. Elle est de 33 % en Nord-Pas-de-Calais et 54 % en Franche-
Comté (cf. annexe 7). Cela oblige à recourir à l’hémodialyse dont le coût
est quadruple de celui d’une greffe à partir de la seconde année
24
. Les
patients en outre-mer n’ont bénéficié que tardivement et encore
imparfaitement des chances se rapprochant de celles accessibles aux
patients en métropole.
c)
Les maladies cardio-vasculaires
Les risques de
maladies cardio-vasculaires
sont élevés dans les
DOM ; en Guadeloupe, elles sont la première cause de mortalité (29 %).
Les
accidents vasculaires
-
cérébraux
sont caractérisés par des taux
standardisés de décès très supérieurs à la moyenne nationale : 81 % à La
Réunion, 67 % en Guadeloupe, 63 % en Guyane, 40 % en Martinique
(2008-2010, après une baisse plus importante
qu’en métropole). Leur
prise en charge est amoindrie par l’insuffisance en capacités de soins de
suite et de réadaptation et en consultations de suivi, non formalisées,
malgré les risques de récidive élevés.
24
Évaluation médico-économique des stratégies de prise en charge de l’insuffisance
rénale en France, HAS, septembre 2010. Coûts directs pour l’assurance maladie, à
partir de l’année suivant la greffe.
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38
COUR DES COMPTES
L’
hypertension artérielle
est l’un des principaux facteurs de risque.
En Guadeloupe, 37,3 % de 1 105 adultes de 25 à 74 ans examinés en
2009 présentaient une hypertension artérielle et/ou prenaient un
médicament hypotenseur, la prévalence augmentant avec l’âge. En
Polynésie française, 74,2 % des cas identifiés par l’enquête santé de 2010
n’étaient pas traités.
d)
La drépanocytose
La
drépanocytose
est la maladie génétique la plus fréquente en
France. Elle affecte l’hémoglobine en augmentant la vulnérabilité aux
infections bactériennes et autres pathologies.
Le plan santé outre-mer de
2009 l’avait retenue parmi ses priorités, car 70 des 400 naissances
annuelles d’enfants atteints de cette maladie ont lieu dans les DOM, mais
en y affectant moins d’1 M€ par redéploiement. Sa gravité avait pourtant
amené à l’inscrire parmi les cent objectifs de la loi de santé publique de
2004, dans les plans sur les maladies rares (2008-2010, 2011-2014) et
dans ceux des ARS.
La Guadeloupe et la Martinique disposent depuis 2006, et la
Guyane depuis 2013, d’un centre de prise en charge pluridisciplinaire de
la drépanocytose et d’un accord avec les médecins libéraux. En Guyane,
une priorité d’action du plan stratégique régional de santé 2011-2015 est
d’«
améliorer la précocité et la qualité des soins aux personnes atteintes
de drépanocytose
», mais peu de professionnels se sont formés et les
moyens de prises en charge aux urgences comme dans les centres de
santé manquent. L’éducation thérapeutique fait défaut, et le tiers des
personnes atteintes ne parle pas français.
Le quart seulement des quelque 2 000 guyanais atteints, surtout des
enfants, connaîtrait sa pathologie et serait suivi, dont guère plus d’une
centaine par les généralistes et moins encore dans les centres de santé.
Les rectorats suscitent des projets d’accueil spécialisé d’élèves atteints :
21 recensés au début de l’année 2010-2011
25
et 44 en 2011-12 en
Guadeloupe, par exemple. Malgré le nombre de cas recensés, les
arbitrages budgétaires n’ont pas assez développé la prévention, alors
qu’elle permettrait d’éviter les infections et d’agir sur les facteurs
25
Cette statistique est incomplète, des médecins scolaires grévistes ayant refusé de
produire près de la moitié des données, utiles pour prendre des mesures appropriées,
sans que des mesures disciplinaires aient sanctionné ce manquement à la déontologie.
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UNE SITUATION SANITAIRE MARQUEE PAR DES DIFFICULTES PERSISTANTES
39
déclenchant les crises. En 2005, le ministère de la santé avait souligné la
nécessité de la tenue d’un registre : aucune suite n’a été donnée
26
.
e)
Les cancers
On meurt – selon les statistiques – moins du cancer dans les DOM
qu’en métropole : 22,6 % des décès (2 365/an en moyenne 2005-2010)
contre 28,4 % en moyenne nationale. La part des affections de longue
durée (ALD) reconnues au titre du cancer, pour les quatre DOM (hors
Mayotte) de 2005 à 2010, a été de 12,7 % contre 21,8 % en métropole
(pour les moins de 65 ans, respectivement 11,3 et 21,3 %). Ce pourrait
être l’un des très rares cas où la situation épidémiologique des DOM est
généralement meilleure que celle de la métropole. Toutefois, l’Institut
national du cancer considère que les données ne sont fiables que pour le
tiers des 25 cancers les plus fréquents, qu’il y aurait une incidence plus
forte des cancers du col de l’utérus et de la prostate, et une sous-
déclaration : en cas d’une affection déjà reconnue de longue durée
(ALD), une nouvelle demande d’ALD, cette fois pour cancer, n’est pas
systématique.
Cet avis appelle un renforcement de la coordination entre
l’ensemble des acteurs de la prévention et de la cancérologie, qu’ont
préconisée les plans « cancers » successifs (cf. aussi annexe 8).
26
DREES,
Indicateurs de suivi de l’atteinte des 100 objectifs du rapport annexé à la
loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique
, objectif 88 : « réduire la
mortalité et améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de drépanocytose » :
« La faisabilité d’un registre dans le cas de la drépanocytose semble importante (…).
Une expertise est nécessaire. Il (…) semble nécessaire de suivre les évolutions des
pratiques de diagnostic prénatal et d’interruption médicale de grossesse », Ministère
de la santé, 2005, page 427. Cette maladie peut être particulièrement douloureuse,
avec des atteintes vasculaires évolutives (rétinopathie, artériopathie cérébrale,
notamment), des épisodes aigus, notamment de grande fatigue et souffrance au travail.
La DREES a mis en oeuvre en 2014 trois indicateurs pour mieux suivre la population
atteinte.
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40
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C - Des conduites addictives spécifiques
Le plan de lutte contre la drogue 2013-2017
27
note, s’agissant des
DOM
,
« la précocité des consommations (notamment d’alcool) chez les
jeunes, facteur de basculement dans des usages problématiques, et des
poly consommations (…) cannabis à La Réunion et le crack aux Antilles.
Pour leur part, les adultes présentent une forte consommation
d’alcool
(avec
notamment
un
syndrome
d’alcoolisation
foetale,
particulièrement important à La Réunion) (…).
A contrario, la
consommation d’opiacés est plus faible que dans l’hexagone
».
L’assurance
maladie
y
subventionne
18
centres
d’accueil
et
d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogue
et 6 centres de soins en addictologie pour un montant de 22 M€ en 2013,
dont le tiers en Guyane.
Dans le Pacifique, s’observe la production de dérivés du cannabis
et une croissance des cas d’ivresse, y compris chez les jeunes, ainsi que
de la consommation simultanée d’alcool, cannabis, crack, biak ou kava.
Produits à inhaler, champignons hallucinogènes, cocaïne, ecstasy,
amphétamines, LSD, héroïne, crack ou opiacés restent très marginaux.
Les outre-mer hors DOM ont développé des stratégies propres,
mais les
dispositifs de prévention, détection, prise en charge et répression
sont
encore
insuffisants.
Des
efforts
complémentaires
seraient
nécessaires, notamment en Polynésie française, où la lutte contre les
addictions a été réduite, faute de crédits.
Deux addictions spécifiques en Nouvelle-Calédonie
Le
biak
, plante très toxique, dérivé morphinique consommé en
infusion, a été interdit par le gouvernement néo-calédonien en 2013, comme
en Asie (notamment après deux arrivées de métropole de 150 kg, où il n’est
pas interdit). Le
kava
, boisson mélanésienne obtenue à partir de racines, est
anxiolytique et anesthésiant ; il est interdit en France métropolitaine mais pas
en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, où les bars à kava
« nakamals », lieux jadis tabous, accueillent les hommes après le travail. Sa
consommation entraîne de lourds problèmes de santé : atteintes hépatiques
graves,
troubles
de
la
vision,
incoordinations
motrices,
syndrome
parkinsonien.
27
Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie,
Plan
gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017
,
septembre 2013, pages 32-33.
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UNE SITUATION SANITAIRE MARQUEE PAR DES DIFFICULTES PERSISTANTES
41
III - Le poids des risques environnementaux :
l’exemple du chlordécone
Outre les pesticides, notamment en Guyane et en Polynésie,
l’amiante naturelle en Nouvelle-Calédonie, le mercure en Guyane, le
saturnisme, la qualité parfois dégradée de l’eau de consommation, et la
radioactivité résultant des expérimentations nucléaires en Polynésie
française (cf. annexe 14), le risque le plus connu est celui du chlordécone
aux Antilles.
Le chlordécone est un pesticide organochloré, perturbateur
endocrinien. On estime à 180 tonnes la quantité déversée contre le
charançon du bananier aux Antilles de 1982 à 1993. Classé comme
neurotoxique cancérigène dès 1979, il a contaminé, de manière durable et
irréversible sols, eaux douces et marines et de ce fait des végétaux et des
animaux et organismes en eau douce ou en mer. Les risques pour les
populations locales ou celles qui en consomment les produits, l’impact
sur leur santé et le coût pour la collectivité et la sécurité sociale ne seront
pleinement mesurables qu’à un terme lointain. Sa dangerosité a été
tardivement reconnue en France, alors que dès 1968, une commission
« d'étude de la toxicité des produits phytopharmaceutiques, des matières
fertilisantes et des supports de culture » en avait conseillé l'interdiction en
raison de ses dangers potentiels pour la santé humaine et animale.
Des atermoiements des administrations centrales ont marqué les
sept années écoulées entre la proposition d’interdiction de 1986 et la
publication de cette interdiction, malgré deux rapports de l’Institut
national de la recherche agronomique (INRA) sur la Guadeloupe en 1976
puis 1980. La mise en oeuvre effective en a été progressive.
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42
COUR DES COMPTES
Or, dès 1976, l’administration américaine l’avait interdit après
constat d’atteintes neurologiques, du foie et de la spermatogenèse
28
. Des
plans locaux ont été mis en oeuvre en Guadeloupe et en Martinique treize
ans plus tard. Entre autres études, une recherche de l’Institut national de
la recherche agronomique et de l’agence française de sécurité sanitaire de
l'environnement et du travail de l’époque avait conclu que la prise de
décisions de l’époque a été, dans l’attente de nouveaux pesticides moins
toxiques, « confinée dans un cercle étroit, comprenant pour l’essentiel les
services du ministère de l’agriculture et les acteurs de la filière agricole.
Ces acteurs peuvent s’abriter derrière l’opacité des procédures […au
détriment de…] la défense de l’environnement et de la santé publique »,
dont les services étaient en partie tenus à l’écart
29
.
L’État n’a fermé qu’en 1999 les sources et captages d’eau les plus
pollués pendant que d’autres, moins atteints, étaient simplement traités.
Le Bureau de recherches géologiques et minières estimait cependant en
2003 les terres contaminées à 6 500 hectares au sud de la Guadeloupe et
14 500 hectares au nord de la Martinique, soit respectivement un
cinquième et un tiers de leur surface agricole utile, sans préjudice de la
pollution des nappes phréatiques et des eaux avoisinantes.
La pression médiatique a conduit à un premier plan triennal
d’action interministériel 2008-2010, suivi d’un second, 2011-2013, ainsi
qu’à l’adaptation de plans régionaux. Les constats, préoccupants, qu’ils
ont permis de documenter et leur impact sont résumés en annexe 10.
28
L’INSERM a confirmé que « les concentrations plasmatiques de chlordécone aux
Antilles sont associées positivement et de manière dose-dépendante à un risque
augmenté de survenue du cancer de la prostate ». Au sein d’une cohorte «TIMOUN »
de 153 nourrissons antillais nés en 2005-2007, l’exposition alimentaire au
chlordécone, pré-ou postnatale, a été associée à l’âge de 7 mois à des effets négatifs
sur le développement cognitif et moteur, sans troubles graves. Des adultes exposés
professionnellement ont un appauvrissement de la mémoire à court terme et des
tremblements au cours d’efforts musculaires. Selon l’INSERM (Pesticides, Effets sur
la santé, 2013), il « est possible que dans un futur proche [asthme et allergies,
maturation sexuelle-fertilité, diabète, perturbation de la fonction thyroïdienne]
puissent être ajoutés à la liste des conséquences possibles de l’exposition prénatale
aux pesticides », dont le chlordécone (page 601).
29
Pierre-Benoit
JOLY,
La
saga
du
chlordécone
aux
Antilles
françaises,
reconstruction chronologique 1968-2008
, INRA, série Sciences en société, et
AFSSET, document réalisé dans le cadre de l’action 39 du premier plan chlordécone,
juillet 2010, pages 45-46.
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UNE SITUATION SANITAIRE MARQUEE PAR DES DIFFICULTES PERSISTANTES
43
Un rapport sévère sur la gestion du premier plan chlordécone
En dépit d’une incontestable mobilisation des services de l’État, un
rapport a fortement critiqué fin 2011 la gestion du premier plan, 2008-2010 :
- « l’ambition implicite du plan était de rassurer à court terme, alors
qu’il fallait rendre explicite une stratégie à moyen et long terme de réduction
de l’exposition au risque de contamination pour répondre à ce besoin » ; -
« le champ a été restreint à une seule molécule alors que les acteurs et les
partenaires raisonnent déjà sur l’ensemble des pesticides » ;
- « la sous-estimation des conséquences économiques et sociales des
mesures administratives à prendre est criante» ; « l’insuffisance est
manifeste en matière de suivi des travailleurs agricoles de la banane, malgré
les recommandations du conseil scientifique en 2009 » ;
- « les modes de financement sont fragiles et complexes, ils ne
permettent pas en particulier un pilotage réactif en cours d’exécution du plan
et le soutien à des actions de long terme (par exemple, actions de
recherche) ».
30
L’impact sanitaire, l’étendue et le coût de ce « désastre chimique »
demeurent
inconnus.
Le
recensement
des
ouvriers
agricoles
éventuellement atteints n’a pas été opéré. En dépit de premières études
préoccupantes, la cellule interrégionale d’épidémiologie n’a guère été
mobilisée pour les recherches en matière de pesticides, malgré des
demandes en ce sens, notamment en Guyane.
Les risques demeurent, non limités au demeurant au chlordécone.
Dans un échantillon examiné par la direction de l’alimentation, de
l’agriculture et de la forêt de Guadeloupe en 2012, 73 % des bovins
contaminés par le chlordécone présentaient également des résidus
d’autres pesticides antérieurement utilisés dans les plantations de
bananes. La canne et la banane sont désormais « sous contrôle », mais le
maraîchage aurait parfois fait un usage excessif de produits autorisés. Les
sols se décontaminant par lessivage, les concentrations en mer
augmentent ; de nouvelles restrictions ont été publiées en 2013 au prix
d’indemnisations versées aux professionnels de la pêche.
30
Inspection générale des affaires sociales, inspection générale de l’éducation
nationale et de la recherche, conseil général de l'environnement et du développement
durable, conseil général de l’alimentation, de l’agriculture, de la ruralité et des espaces
ruraux,
Rapport d'évaluation des plans d'action Chlordécone aux Antilles
(Martinique, Guadeloupe), Paris, octobre 2011, page 3.
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44
COUR DES COMPTES
Le rapport d’inspection précité avait formulé 25 recommandations.
Le ministère chargé de la santé indique qu’elles ont été prises en compte
en vue
du nouveau plan chlordécone III 2014-2020, mais il n’y a pas eu
de bilan indépendant du deuxième plan et notamment de son pilotage. Les
orientations du futur plan 2014-2020 ont été validées en juin 2013, le
projet de plan l’a été en mars 2014. La concertation locale s’est ensuite
poursuivie, sans que le calendrier de mise en oeuvre du plan soit encore
connu en mai 2014.
IV - Une mise en cohérence des données de santé
Une meilleure mise en cohérence des données de santé entre les
outre-mer faciliterait les prises de décisions. À titre d’exemple, les cartes
ci-après montrent les écarts entre cantons en termes de mortalité et au
regard des admissions en affections de longue durée. Quand elles sont
rapprochées de la carte n° 1 supra, elles confirment que les cantons ayant
les meilleures conditions de vie ont aussi, généralement, les meilleures
situations sanitaires.
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45
Carte n° 2 : mortalité et nouvelles admissions en ALD, quatre DOM
Sources : CCMSA, Cnamts, CNRSI, Inserm CépiDc, INSEE, Exploitation : Fnors
Un taux plus élevé de nouvelles admissions en affection de longue
durée (ALD) peut traduire tant la gravité des cas que de meilleures
chances de prise en charge des patients
31
.
31
La gravité générale de nombre de pathologies est soulignée par le taux plus élevé
qu’en moyenne nationale des ALD chez les moins de 65 ans : 75 % des nouvelles
admissions en Guyane et 60 % dans les trois autres DOM, contre 48 % France entière.
Seules l’Alsace et la Corse rejoignent la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion parmi
les cinq régions françaises présentant sur ce point les taux standardisés les plus élevés
chez les moins de 65 ans.
Classe 1
Classe 2
Classe 3
Classe 4
0
30 km
15
0
30 km
15
Guadeloupe
Martinique
Guyane
0
30 km
15
Réunion
0
150 km
75
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46
COUR DES COMPTES
La classe 1 en
bleu
est celle des cantons ayant une faible mortalité et
assez peu de nouvelles admissions en ALD. Cette classe regroupe
99 % de la
population martiniquaise,
14 % de celle de Guadeloupe, 12 % de celle de
Guyane et 1 % de La Réunion
32
.
La classe 2 en violet est composée de
la majorité des cantons
guadeloupéens et de la population guyanaise.
La mortalité tend à y être
inférieure à l’ensemble, et les nouvelles admissions en ALD à être plus
élevées. On y trouve les plus faibles taux de maladies de l’appareil
respiratoire
(et
notamment
les
broncho-pneumopathies
chroniques
obstructives) et, de manière moindre, de cardiopathies ischémiques.
La classe 3 en
jaune
rassemble
l’essentiel des cantons de Guyane,
avec un cinquième de sa population
. Les maladies infectieuses et parasitaires
y sont plus importantes, en mortalité et en ALD, et les cancers, moins
importants (les habitants sont plus jeunes).
La situation la plus défavorable est celle de la
classe 4, en
rouge
, avec
94 % de la population réunionnaise
,
trois cantons guyanais (38 % de la
population)
et
moins de 2 % des antillais
. La surmortalité y est de 40 % à
100 %, avec principalement les maladies cardio-vasculaires, des problèmes
d’appareil circulatoire à des taux parfois triples de la moyenne nationale, les
cancers, et l’abus d’alcool. Ces zones 3 et 4 ont aussi des conditions de vie
parmi les plus dégradées (cf. carte 1) ; en Guyane, elles subissent aussi un
afflux de patients en situation irrégulière.
Le champ d’analyses de ce type reste limité, car de telles données
ne sont exploitables que pour quatre DOM, et avec plusieurs années
parfois de délai. Les données des autres outre-mer sont fréquemment
discontinues, anciennes, voire affectées de fréquents changements
méthodologiques. Elles ne sont pas toujours accompagnées d’une
interprétation des causes de leurs variations. Cette absence d’ensembles
32
Cette analyse cantonale de la mortalité et des admissions à la prise en charge
d’affections de longue durée (ALD) repose sur six indicateurs (taux standardisés) :
ensemble des cancers (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors 2005-2010), des maladies de
l’appareil circulatoire (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors 2005-2010), des nouvelles
admissions en ALD des personnes de moins de 65 ans (CCMSA, Cnamts, CNRSI,
INSEE, Fnors ; 2005-2010), ou pour cancers (CCMSA, Cnamts, CNRSI, INSEE,
Fnors ; 2005-2010), ou pour maladies de l’appareil circulatoire (CCMSA, Cnamts,
CNRSI, INSEE, Fnors ; 2005-2010). La Fnors publiera une analyse plus détaillée, au
niveau des bassins de vie ; sa méthodologie pour cette série de cartes est présentée en
annexe 1.
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47
cohérents de données a constitué un obstacle au cours de la présente
enquête. Ainsi, Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont parfois comptés
avec la Guadeloupe, ou oubliés comme le sont souvent Saint-Pierre et
Miquelon et Wallis-et-Futuna. Une clarification du champ des données
demeure nécessaire, d’autant que des grèves, erreurs ou pannes
informatiques en altèrent parfois l’exhaustivité. Seuls les DOM ont un
observatoire de la santé, alors que dans son avis de 2009 le Conseil
économique, social, et environnemental en avait recommandé un dans
chaque territoire.
En raison de la taille relativement modeste des populations, des
variations
d’activité
peuvent
découler
non
pas
d’une
tendance
significative mais de l’arrivée ou du départ de professionnels de santé à
titre temporaire ou définitif. Des différences méthodologiques affectent la
mesure du volume d’activité. Des écarts de dépenses entre outre-mer
s’expliquent notamment par le fait que la définition des paniers de soins
et les niveaux de financement et de restes à charge diffèrent. Les
comparaisons pluriannuelles, guère plus fiables, appelleraient des
redressements. Enfin, en l’absence d’analyses d’années de vie ajustées sur
l'incapacité, on ignore quels sont les écarts en termes d’années de vie
potentielles perdues du fait d'une mortalité prématurée, comme d’années
de vie productives perdues du fait d'incapacités
33
.
Une enquête de ce type serait à cet égard à envisager dans chacun
des
outre-mer, tous les cinq ou dix ans.
Mettre à disposition des instances compétentes, comme de
l’opinion publique, un tableau de bord cohérent, dans le temps et dans
l’espace, de la santé outre-mer serait un facteur de progrès. Une base de
données, au sein du ministère chargé de la sécurité sociale et de la santé,
sur la dépense annuelle de santé, permettrait d’en apprécier les évolutions
physico-financières.
33
L’indicateur « années de vie ajustées sur l'incapacité » prend en compte l’impact de
la mortalité anticipée et des incapacités graves attribuées à une centaine de
pathologies. Créé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1994, il est
périodiquement actualisé. Le conseil économique, social et environnemental a noté,
dans un avis sur
La dépendance des personnes âgées
(juin 2011), « l’apparition
d’incapacités en outre-mer plus précoce qu’en métropole » (page 67).
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48
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
____________
Les outre-mer français sont dans une situation sanitaire
incomparablement meilleure que beaucoup des pays qui les entourent.
Pour certains, notamment La Réunion et les Antilles, ils sont dans une
dynamique de convergence avec la métropole, alors que d’autres,
notamment la Guyane et Mayotte, confrontés à des problématiques
particulières, connaissent
encore des retards importants.
Au-delà de ces forts contrastes, se constatent cependant dans les
différents outre-mer des difficultés sanitaires persistantes de même ordre.
Ils cumulent en effet des risques spécifiques importants et des enjeux plus
généraux liés à l’évolution des modes de vie dans des contextes socio-
économiques souvent dégradés. Cette situation insatisfaisante appelle à
poursuivre, et à amplifier quand cela est justifié, l’effort de rattrapage
déjà engagé.
Des données plus complètes, récentes et homogènes, sont
indispensables pour mieux apprécier l’état de santé des populations,
connaître beaucoup plus précisément les dépenses de santé dans les
outre-mer et leur évolution, comme les financements qui y sont consacrés,
et documenter plus précisément l’ampleur des efforts à réaliser dans
chaque territoire ; combler ces lacunes constitue une priorité pour que
puissent être pris, au niveau national comme dans chaque outre-mer, les
arbitrages nécessaires pour un usage plus efficient des moyens et pour
que soient progressivement résorbés des retards qui mettent en jeu
l’égalité des chances.
Ces constats conduisent la Cour à formuler les recommandations
suivantes :
1.
faire établir par les ministères chargés des affaires sociales, de la
santé et de l’outre-mer un tableau de bord régulièrement actualisé
pour mesurer les écarts et engager les actions correctrices, en
mettant en place :
un schéma directeur de la collecte et de l’exploitation des
données de santé des outre-mer ;
une base de données sur la dépense de santé dans les outre-mer,
avec le concours des dispositifs d’assurance maladie et de tous
les autres financeurs ;
2.
proposer à cet effet aux gouvernements de Nouvelle-Calédonie et de
Polynésie française et à leurs caisses locales de protection sociale
des conventions d’association pour alimenter ce tableau de bord
partagé.
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Chapitre II
Des systèmes de santé à la peine
La
prévention
est partout inscrite comme une priorité, mais les
moyens qui lui sont alloués sont fréquemment insuffisants, voire parfois
même en baisse, ce qui limite l’impact des services de protection
maternelle et infantile (PMI), de santé scolaire et universitaire, et les
économies qui résulteraient d’actions plus largement répandues (I).
La
médecine ambulatoire
34
joue un rôle essentiel, mais elle est
handicapée par de nombreux écueils, notamment la répartition très
inégale des professionnels entre bassins de vie, et la coordination
insuffisante des tâches entre professionnels de santé pour y remédier (II).
Le
secteur hospitalier
constitue ainsi le plus souvent l’armature du
système de soins, mais il peine à assurer ses missions, du fait en
particulier d’une gestion souvent mal adaptée ou désordonnée (III). La
qualité des soins assurés est parfois perfectible (IV). Les évacuations
sanitaires sont nombreuses, pendant que la chirurgie ambulatoire, la
télémédecine
et
les
coopérations,
aussi
bien
interhospitalières
qu’internationales progressent souvent lentement (V).
34
La médecine ambulatoire, qui inclut la médecine libérale « de ville » prend en
charge le patient dans son cadre de vie habituel. Répondant aux souhaits des patients
comme aux exigences économiques, elle s’impose encore davantage outre-mer, dans
le contexte de fréquente précarité des patients et de fréquent éloignement, retards et
surcoûts des plateformes hospitalières. Les données de cette partie portent
principalement sur les DOM, les données statistiques des autres outre-mer étant
souvent hétérogènes et malaisément comparables.
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50
COUR DES COMPTES
Enfin, au-delà des difficultés propres à chacune de ces différentes
composantes, les systèmes de santé sont confrontés dans leur ensemble au
défi d’une gestion plus efficiente, plus rigoureuse et plus attractive des
ressources humaines dont ils disposent. Cet enjeu apparaît absolument
prioritaire, tant pour la médecine ambulatoire que pour le secteur
hospitalier (VI).
I - La prévention : une priorité perdue de vue
La prévention constitue le premier pilier d’une politique de santé,
qu’il s’agisse de prévenir les maladies, de les dépister précocement ou,
lorsque la maladie est survenue, d’éviter les complications. Or, d’une
manière générale, la priorité dans l’affectation des moyens est allée à la
prise en charge des urgences et à la médecine curative. Les dépenses de
prévention sont de ce fait fréquemment si limitées qu’il en résulte des
pertes, non mesurées, de chance et des dépenses de soins qui pourraient
être évitées.
A - Des dépenses inégalement connues, des efforts
disparates
Les crédits budgétaires que l’État consacre en général à la
prévention sont mal connus, mais en tout état de cause réduits ainsi que la
Cour l’a déjà souligné
35
. La prévention est ainsi dans les DOM comme
en métropole principalement prise en charge par l'assurance maladie.
Dans les quatre DOM, la CNAMTS a consacré en moyenne de 2009 à
2012, hors Mayotte que son indicateur n’inclut pas, 6,4 M€ par an aux
différents programmes qu’elle développe sur un plan national. La dépense
moyenne annuelle par habitant a été de l’ordre de 8 € en Guadeloupe, de
7 € en Martinique, et 3 € en Guyane et à La Réunion. Ces dépenses
« erratiques », comme la CNAMTS le souligne, varient aussi d’une année
à l’autre du simple fait de reports de charges ou de modifications des
règles de gestion de remboursement des actes ou médicaments préventifs.
35
Cf. Cour des comptes,
La prévention sanitaire,
communication à la commission
des affaires sociales de l’Assemblée nationale, octobre 2011, 138 p.,
disponible sur
www.ccomptes.fr
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DES SYSTEMES DE SANTE A LA PEINE
51
Hors programmes nationaux, sont apportés aussi des financements
en fonction des projets présentés par les caisses : de 2010 à 2013, un
centime par an et par habitant à La Réunion, 11 centimes en Guadeloupe,
41 centimes en Martinique et 62 centimes en Guyane.
Pour le cancer colorectal, ces enveloppes ont varié de 40 centimes
par an et par habitant en Guyane et à La Réunion, à 1,29 € en Martinique.
Pour le dépistage du cancer du sein, l’écart est du simple au double entre
la Guyane et la Martinique
36
.
Hors DOM, des programmes analogues ont souvent été engagés
tardivement. Saint-Pierre-et-Miquelon offre des dépistages bucco-
dentaires et d’orthophonie à quelques dizaines d’enfants
37
.
En Nouvelle-
Calédonie, les dépenses de sécurité sociale en matière de prévention ont
augmenté de 28 % de 2009 à 2012 (3,2 M€ ou 3,8 Md FCP, dont un tiers
consacré à la vaccination et un tiers au dépistage du cancer du sein),
celles du gouvernement s’élevant à plus du double. En Polynésie
française en revanche, l’effort de prévention a baissé de 37 % en valeur
de 2008 à 2012 et le dépistage des troubles visuels a été abandonné.
36
Globalement, ces moyens ont été affectés aux dépistages des cancers du sein
(17 %), colorectal (15 %) et du col de l’utérus (Martinique seulement, 2 %), aux
examens buccodentaires et à la prise en charge du ticket modérateur des soins
consécutifs (13 %), aux vaccinations (6 %), au dépistage néonatal (5 %), à la
contraception d’urgence (3 %), aux substituts nicotiniques (1 %), à la prévention
buccodentaire et autres actions locales (32 %). La Guadeloupe a le seul centre
d’examens de santé de l’assurance maladie dans les DOM (1,5 M€/an), et à La
Réunion a été mis en place le seul service SOPHIA d’accompagnement des
diabétiques (60 000 € par an) jusqu’à sa récente préfiguration en Guadeloupe
(5 500 €, 2012).
37
La caisse de prévoyance sociale indique en juillet 2013 dans son rapport annuel
pour 2012 que « avec la mise en place de l’Administration territoriale de santé en
2011, le développement du partenariat attendu en 2012 autour du plan territorial de
santé et de l’évaluation du précédent schéma territorial de santé n’a pas été au rendez-
vous » (page 19), malgré la proximité des partenaires dans ce territoire de 25 km².
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52
COUR DES COMPTES
B - Des services de protection maternelle et infantile
inégalement à même de remplir leurs missions
La Cour a déjà eu l’occasion de souligner d’importantes disparités
en matière de protection maternelle et infantile (PMI) entre départements
métropolitains
38
: elles sont également fortes outre-mer, où elle dépend
soit des conseils généraux dans les DOM soit ailleurs des autorités
sanitaires locales. En Guadeloupe, les bénéficiaires du service voient leur
état de santé considérablement amélioré, avec des indicateurs proches de
la métropole : en 2011, la mortalité périnatale (à moins de 7 jours) pour
les enfants suivis en PMI était de 7,10 pour 1 000 naissances, contre
19,64 pour la Guadeloupe entière, et la mortinatalité de 5,06 contre 17,07.
En revanche, la PMI n’est pas à même à Mayotte d’assurer
convenablement ses missions.
La situation préoccupante de la protection maternelle et infantile à
Mayotte
La PMI est à Mayotte dans une situation que l’ARS juge
préoccupante. Faute de médecins libéraux, elle vaccine 80 % d’une
population croissante de moins de 6 ans et devrait suivre de nombreuses
grossesses de femmes sans couverture sociale. L’objectif affiché en 2009 de
réduction de la mortalité maternelle et infantile demeure hors de portée, le
conseil général jugeant insuffisant le financement reçu de l’État pour les
examens de grossesse, des vaccins et des contraceptifs, et limitant en
conséquence ses interventions. L’ARS s’efforce de remédier aux défaillances
les plus criantes et a proposé au ministère le transfert au centre hospitalier qui
a cinq maternités,
de certaines vaccinations et du suivi des grossesses,
jusqu’à un renforcement durable de la PMI.
Les difficultés des services de PMI se répercutent notamment sur
la couverture vaccinale, essentielle dans le contexte épidémiologique
outre-mer. Son niveau varie d’un vaccin ou d’un outre-mer à l’autre. Elle
est en grande partie assurée par les PMI pour les moins de six ans, la
médecine scolaire prenant ensuite le relais. Les enquêtes, disparates et
parfois anciennes, montrent des taux parfois excellents (plus de 98 % des
jeunes polynésiens ont reçu la majorité des vaccins en 2011-2012 ; en
Nouvelle-Calédonie, 92 % à 99 % jusqu’à 16 mois).
38
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2012,
Tome II
,
La politique de
périnatalité : l’urgence d’une remobilisation, p. 371-428. La Documentation française,
février 2012, 442 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
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DES SYSTEMES DE SANTE A LA PEINE
53
La PMI polynésienne souffre cependant de l’absence de mise en
réseau de son système d’information avec le centre hospitalier de Papeete.
En Nouvelle-Calédonie, le « centre de la famille » de Montravel regroupe
la PMI, le centre médico-scolaire, le centre de conseil familial et un
cabinet dentaire, avec une continuité bénéfique dans les prises en charge.
D’autres situations sont préoccupantes comme à Mayotte et en
Guyane, où une évaluation par l’ARS et l’Organisation panaméricaine de
santé a relevé que l’obligation de recourir à un médecin pour vacciner
pénalise les zones reculées qui en sont dépourvues. À la Martinique, le
conseil général avait choisi en 2004 de vacciner, moyennant une dotation
annuelle de
l’État
39
; sans prévenir l’ARS, il a cessé en 2012 sauf pour les
0 à 6 ans ; il s'est engagé fin 2012 à recruter 4 infirmières pour réactiver
cette mission.
La vaccination par les infirmiers et les puéricultrices
L’article L. 4311-1 du code de la santé publique prévoit que
«
l’infirmier(e) peut effectuer certaines vaccinations, sans prescription
médicale, dont la liste, les modalités et les conditions de réalisation sont
fixées par décret en Conseil d’État
» Un protocole validé par le médecin
directeur de PMI permet ainsi d’autoriser les puéricultrices et infirmiers des
centres de PMI à vacciner les moins de 6 ans. La DGS y encourage, et l’ARS
y veille à Mayotte. En Nouvelle-Calédonie ont été autorisées certaines
vaccinations par les infirmiers et les sages-femmes. Ces modalités seraient à
généraliser dans les outre-mer.
C - Un dispositif de santé scolaire et universitaire à
renforcer
Les services de
santé scolaire
et
universitaire
devraient jouer un
rôle particulièrement important dans des territoires où l’accès aux soins
élémentaires est souvent difficile. Conformément à l'article L. 541-1 du
code de l'éducation, tous les élèves doivent bénéficier d'un bilan médical
dès l'âge de 5 ans : or, selon un bilan spécifiquement réalisé pour la
présente enquête dans les DOM par le ministère de l’éducation nationale,
le pourcentage d’élèves en ayant bénéficié en 2011-2012 était inférieur
(74,8 %) à celui de la métropole (79,8 %), avec des disparités, entre la
Guadeloupe (91,6 %) et la Martinique (96,9 %), d’un côté, et de l’autre
39
844 000 € par an pour la Martinique, montant non réévalué depuis 2005.
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54
COUR DES COMPTES
La Réunion (74,1 %) et la Guyane (35,1 %, taux le plus bas de France).
Cette situation n’est pas propre aux outre-mer. La Cour a pu constater
dans un rapport d’évaluation remis au comité d’évaluation et de contrôle
de l’Assemblée nationale en 2011 que les services de santé scolaire
n’étaient pas soutenus comme ils devraient l’être pour suivre la santé des
enfants pendant toute la scolarité obligatoire. Cette situation qui n’a pas
évolué est d’autant plus regrettable qu’ils sont considérés comme un atout
tant pour suivre l’état de santé des enfants scolarisés que pour les éduquer
à la santé et prévenir toutes les formes d’addiction
40
. L’absence de
coordination entre les autorités sanitaires et scolaires, est particulièrement
dommageable en outre-mer
41
.
L’impasse de la prévention scolaire à Mayotte
Les infirmeries mahoraises sont saturées par des consultations pour
des collégiens qui ne peuvent se rendre à un dispensaire ou payer les dix
euros que coûte la consultation. Cela limite le temps consacré aux actions de
prévention, pourtant plus indispensables qu’ailleurs. La prise en charge des
problèmes
dépistés
(notamment
amblyopies,
surdités,
troubles
des
apprentissages) est, malgré un modeste financement par le ministère de
l’éducation nationale, rarement assurée pour de nombreux enfants.
Cette situation contraste avec celle observable en Polynésie
française où un effort de prévention important a été réalisé dans ce
domaine. La médecine scolaire polynésienne suit les élèves sur une
longue période et avec une détection plus précoce des problèmes avec un
rythme de visites plus rapproché qu’en métropole
42
.
En Nouvelle-Calédonie en revanche, il n’y a pas de médecin
d’établissement et le nombre d’élèves suivis par chacun des 39 infirmiers
varie de 109 à 1 136 selon les établissements. Les soins courants
40
Cour des comptes,
Contribution à l’évaluation de la médecine scolaire,
communication au comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale,
septembre 2011, 190 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
41
L’ARS de Martinique a toutefois signé avec l’académie une convention cadre pour
encourager l’intégration des problématiques de prévention en milieu scolaire. À La
Réunion, un partenariat avec le rectorat vise à coordonner les actions, dont un plan de
prévention des grossesses non désirées et de l’IVG chez les mineures.
42
Chambre territoriale des comptes de Polynésie française,
Relevé d’observations
définitives
, collectivité de la Polynésie française, mission santé, exercices 2003 à
2009, et Cour des comptes,
Rapport public annuel 2011,
Tome I. Le système de santé
en Polynésie française et son financement. La Documentation française, février 2011,
p.221-240, disponibles sur
www.ccomptes.fr
.
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DES SYSTEMES DE SANTE A LA PEINE
55
constituaient 45 % des passages en 2011, notamment pour les enfants de
tribus éloignées, témoignant d’un accès difficile à des soins de premier
recours.
Les dispositifs de
santé universitaire
sont souvent insuffisants pour
les étudiants en situation difficile. Des enquêtes soulignent des
renoncements aux soins par insuffisance de ressources ou de couverture
complémentaire. Les taux de surpoids (25 à 30 %), les violences intra
familiales, les addictions, dont l’alcoolisation, deviennent des risques
croissants, comme les grossesses non désirées et les maladies
sexuellement transmissibles. L’université Antilles-Guyane ne dispose que
de 1,3 ETP de médecins (rémunérés 19 € bruts de l’heure), n’a pas de
rapport d’activité et effectue peu de prévention alors que 42 % des
étudiants n’avaient pas effectué leurs rappels en 2012-2013. À La
Réunion, 21 % des étudiants ne peuvent souscrire une assurance
complémentaire santé. Le recours aux spécialistes, notamment aux
gynécologues, est faible. En Nouvelle-Calédonie, la couverture sociale
des étudiants est plus large qu’en métropole et inclut un dispositif de
chèque-santé ; quoique dépourvue d’équipe médicale permanente,
l’université développe une action de prévention (dengue, addictions, etc.)
à partir du bilan des visites systématiques à l’entrée, et organise des
consultations en tiers payant.
L’université de Polynésie française n’a pas créé de service de santé
universitaire mais a signé une convention avec un cabinet médical et un
cabinet infirmier.
Une mobilisation prioritaire et déterminée de l’ensemble des
acteurs concernés paraît ainsi nécessaire pour porter les efforts de
prévention à hauteur des enjeux d’une situation sanitaire souvent marquée
par l’importance et la diversité des risques de toute nature
43
.
43
Voir aussi, à propos de la médecine légale, l’annexe 15.
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56
COUR DES COMPTES
II - Des soins ambulatoires inégalement accessibles
A - Des écarts de densité considérables à rééquilibrer
Comme en métropole, la médecine ambulatoire est caractérisée
dans les outre-mer par des inégalités de répartition géographique.
Toutefois, l’isolement et l’insularité constituent des facteurs aggravants
44
.
44
Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité
sociale 2011-
Chapitre V.
La répartition territoriale des médecins libéraux.
p.147-
171. La Documentation française, disponible sur
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DES SYSTEMES DE SANTE A LA PEINE
57
Carte n° 3 : Les densités cantonales en professionnels de santé
45
Source : Drees / Asip-Santé, RPPS 2012, Sniiram, INSEE - Exploitation :
Fnors
45
Sources des données des cartes : DREES / Asip-Santé, RPPS 2012 (densité de
médecins généralistes libéraux pour 100 000 habitants, part de médecins généralistes
libéraux de 55 ans ou plus, densité de chirurgiens-dentistes libéraux pour 100 000
habitants) ; Sniiram ; 1er janvier 2011 (densité d’infirmiers libéraux pour 100 000
habitants et densité de masseurs-kinésithérapeutes libéraux pour 100 000 habitants).
0
30 km
15
0
30 km
15
Classe 1
Classe 1 bis
Classe 2
Classe 3
Guadeloupe
Martinique
Guyane
0
30 km
15
Réunion
0
150 km
75
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58
COUR DES COMPTES
La classe 1 en
vert émeraude
des cartes ci-contre regroupe trente-six
cantons (un million d’habitants). Dix-sept cantons de La Réunion y figurent
(91 % de la population de l’île). La Martinique est deuxième avec onze
cantons (56 %), suivie de sept en Guadeloupe (27 %), et d’un seul dans la
Guyane voisine (8 %).
Les densités relevées sont des ces deux classes les plus importantes
des DOM, mais sans être systématiquement plus élevées que dans l’ensemble
de la France. Ainsi, concernant les médecins généralistes, huit cantons ont
une densité supérieure à la moyenne nationale (notamment sur la côte ouest
de La Réunion) et douze ont une densité qui lui est proche. Pour les
chirurgiens-dentistes libéraux, la densité reste inférieure à la moyenne
nationale (19 cantons) ou en est proche (12 cantons). Les densités de
masseurs-kinésithérapeutes libéraux lui sont le plus souvent supérieures.
Quelques cantons enregistrent pour ces deux dernières professions des
densités au moins égales à la moyenne nationale. Cette classe présente une
densité en généralistes, chirurgiens-dentistes et masseurs-kinésithérapeutes
libéraux supérieures à la moyenne d’outre-mer.
La classe 2 en
bleu-vert clair
regroupe 32 cantons intermédiaires
(414 000 habitants) : douze en Guadeloupe (35 % de la population), trois en
Guyane (33 %), quatorze en Martinique (40 %) et trois à La Réunion (5 %).
La densité d’infirmiers libéraux dépasse le plus souvent la moyenne
nationale, à l’inverse de celle des généralistes, dentistes et kinésithérapeutes
libéraux.
La classe 3, en
jaune
, compte 23 cantons (308 000 habitants) : cinq en
Guadeloupe (31 % de la population), dix en Guyane (59 %, une nouvelle fois
la plus défavorisée), cinq en Martinique (4 %) et trois à La Réunion (4 %).
Les densités sont relativement faibles. Le bassin de vie de Saint-Laurent-du-
Maroni (63 000 habitants, soit 28 % de la population) est marqué par les
densités médicales nettement les plus faibles des quatre DOM. Certains
cantons, comme au Nord de la Martinique, cumulent les handicaps. L’accès
aux
médecins libéraux
est ainsi très inégal : un médecin pour 11 000
habitants à Mayotte, pour 1 400 en Guyane, 1 200 en Polynésie française et
pour 556 à La Réunion (553 en métropole).
Au 1
er
janvier 2013, l’ordre des médecins recensait dans les outre-
mer 7 116 médecins (y compris retraités ayant conservé une activité), soit
16 % de plus qu’en 2007, à comparer avec une évolution de + 0,9 % sur
le plan national, Pacifique inclus. Parmi les 5 832 médecins actifs
réguliers, 51 % étaient libéraux. Cette progression n’a guère eu d’effet sur
des inégalités de répartition territoriale, qui restent considérables.
S’agissant ainsi de l’offre de soins ambulatoires par les 2 862
médecins libéraux et d’exercice mixte en activité dans les DOM en 2012,
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DES SYSTEMES DE SANTE A LA PEINE
59
l’hétérogénéité est forte : la Guyane n’avait en 2012 que 71 praticiens
actifs, dont la moitié de spécialistes, pour 100 000 habitants, deux fois et
demi moins que La Réunion, seule à approcher (180) la moyenne
nationale (201). Aucun département métropolitain n’a une densité de
médecins libéraux et d’exercice mixte inférieure à 114/100 000 habitants,
contrairement à la Guyane (71) et Mayotte (18).
S’agissant de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de
La Réunion, le rapprochement entre les cartes de densité cantonale ci-
après et celles de population et conditions de vie (cf. cartes n°
s
1 et
2
supra
) montre que les densités en professionnels de santé sont les plus
faibles dans les cantons les plus défavorisés de Guyane et du sud-est de
La Réunion, et les plus fortes dans les plus favorisés, notamment les
Antilles et la moitié ouest de La Réunion. Huit cantons (et un tiers des
bassins de vie) ont une densité de généralistes libéraux plus importante
que la moyenne nationale, ce qui a jusqu’ici moins retenu l’attention que
le zonage en cours de développement pour attirer par diverses aides des
médecins vers les secteurs déficitaires.
Le cas extrême des généralistes en Guyane
La Guyane est classée zone déficitaire en médecins généralistes
libéraux : densité très inférieure à la moyenne (cf. tableau ci-dessus) ; 31 %
de médecins de plus de 60 ans; temps d’exercice en cabinet limité (la plupart
des professionnels cumulant du fait de leur rareté plusieurs responsabilités),
dans un contexte marqué par l’insécurité ressentie dans certaines communes,
des difficultés d’accessibilité, un isolement en dehors du littoral, alors même
que s’observe une croissance constante de la population. Les soins dans les
communes isolées reposent sur les centres ou postes de santé gérés par
l’hôpital de Cayenne, sans présence médicale à temps plein.
La Nouvelle-Calédonie, où les critères d’inscription au tableau
peuvent différer de ceux de l’ordre national des médecins, a une densité
médicale très inférieure à celle des Antilles et proche de la Guyane, avec
54 généralistes et 51 spécialistes par 100 000 habitants ; dans la province
Nord, les spécialistes exercent tous à l’hôpital, et la densité en
généralistes est basse.
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60
COUR DES COMPTES
Tableau n° 5 : effectifs et densité des médecins libéraux par 100 000
habitants, 2012, DOM
Libéraux et mixtes
en
activité, 2012
Guade-
loupe
Marti-
nique
Guyane
La Réu-
nion
Mayotte
Métropole
Effectifs
Ensemble
594
552
170
1 507
39
127 244
généralistes
324
316
113
981
27
67 445
Spécialistes
270
236
57
526
12
59 799
Densité/
100 000
habitants
Ensemble
147
141
71
180
18
201
Généralistes
80
81
47
117
13
106
Spécialistes
67
60
24
63
6
94
Population
403 977
390 371
239 450
837 868
212 645
63
409 191
Source : CNAMTS, actifs à part entière, hors médecins salariés.
Le « pacte territoire santé », instauré en 2013 par le ministère
contre les déserts médicaux, a créé un statut de praticien territorial de
médecine générale : 20 des 200 premiers postes nationaux ont été prévus
outre-mer. Le groupement de professionnels libéraux dans des maisons de
santé pluridisciplinaires pourrait être une réponse adaptée mais seules
quelques-unes fonctionnent outre-mer : deux en Martinique et en Guyane,
une dizaine sont en projet à La Réunion. Leur déploiement, qui se heurte
parfois au manque de locaux appropriés, devrait être une priorité.
Ces actions seront cependant insuffisantes pour rééquilibrer l’offre
de soins ambulatoires, dans un contexte où sont constatées dans certaines
zones
des
surdensités
médicales,
rares
mais
numériquement
significatives : l’écart est du simple au centuple entre Mayotte et la côte
ouest de La Réunion. De telles situations s’observent aussi pour ce qui est
des
infirmiers libéraux
dont la densité est dans la majorité des cantons des
DOM, sauf à Mayotte, supérieure à la moyenne nationale. Comme
l’autorise la convention et comme cela est effectivement mis en oeuvre en
métropole entre l’assurance maladie et les organisations professionnelles
infirmières, le conventionnement de nouveaux arrivants n’aurait pas dû
être accordé dans les zones sur dotées par rapport à la moyenne nationale
et la priorité devrait être donnée aux zones sous dotées. Comme la Cour
l’a déjà recommandé, un tel mode de rééquilibrage gagnerait à être élargi
aux médecins
46
.
46
Cf. Cour des comptes,
Rapport annuel sur la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2011,
chapitre V, La répartition territoriale des médecins libéraux, p.
147. La Documentation française, septembre 2011, 547 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
.
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61
B - Les coopérations interprofessionnelles : des
réticences à lever
Le manque de professionnels, particulièrement en Guyane et à
Mayotte, appelle à développer plus hardiment les nouveaux modes de
coopération entre professionnels de santé autorisés par l’article 51 de la
loi « Hôpital, patients, santé et territoires » du 21 juillet 2009. Ces
derniers reposent sur la délégation de la réalisation de soins médicaux à
des personnels paramédicaux, sur la base de protocoles soumis à l’avis de
la Haute Autorité de santé (HAS) garantissant leur qualité, de manière à
permettre d’améliorer l’accessibilité aux soins sans faire encourir de
risque
aux
patients.
La
densité
parfois
élevée
des
professions
paramédicales, notamment des infirmiers, devrait inciter à de telles
coopérations au regard de la fréquente pénurie en médecins.
Or, ce levier demeure plus potentiel qu’effectif. À Mayotte, l’ARS
attend de la métropole un appui méthodologique en vue de l’élaboration
de projets de protocole. Le ministère de la santé s’emploie depuis 2013 à
les déployer en ophtalmologie ou pour des maladies chroniques, mais il
souligne que les projets sont moins avancés outre-mer qu’en métropole.
En l’absence de stratégie alternative, ces délais et réticences se traduisent
par des pertes de chance pour des populations parmi les plus démunies de
France. Il est indispensable qu’il soit répondu plus activement aux
demandes des ARS en ce domaine et que ces dernières soient incitées à
développer plus fortement ces modes nouveaux d’organisation des soins.
Début 2014, deux protocoles seulement avaient été soumis pour avis à la
HAS par des ARS des DOM et acceptés
47
.
La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie pourraient pour
leur part adapter leurs propres cadres législatifs pour favoriser la mise en
place de tels protocoles de coopération.
47
À La Réunion, un protocole de coopération autorise la réalisation de certains actes
médicaux par des infirmiers (délégués) validés par des médecins (délégants), et
l’application d’un protocole du Nord-Pas-de-Calais
pour la coopération entre cabinets
d’ophtalmologistes et orthoptistes; en Martinique, un protocole de consultation de
dépistage de rétinopathies a été délégué de même à un orthoptiste en 2012.
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L’offre de soins ambulatoires est ainsi marquée dans les outre-mer
par de considérables disparités. Cette situation peut avoir pour effet
d’exposer certaines populations, et souvent celles qui sont les plus
démunies, à de réelles pertes de chance. Dans certains territoires
ultramarins, des pénuries de professionnels libéraux sont d’ores et déjà
marquées,
d’autant
plus
dommageables
qu’elles
provoquent
une
saturation dans les hôpitaux pour des consultations relevant normalement
de la médecine de ville. Cette situation contraint à recourir à des
remplaçants hospitaliers venant périodiquement et à grands frais de
métropole et crée une instabilité qui altère la continuité sinon la qualité
des parcours de soins. C’est particulièrement vrai quand, dans un contexte
de faible densité de médecine libérale, le secteur hospitalier et ses
dispensaires ne suffisent pas comme à Mayotte et dans le Pacifique à
garantir l’égalité devant l’accès aux soins.
Le vieillissement constaté dans certaines des professions libérales
de santé, notamment les médecins, rend nécessaire d’anticiper les risques
d’aggravation des difficultés déjà observables aujourd’hui. De nouvelles
modalités d’organisation des soins, reposant en particulier sur des
regroupements pluridisciplinaires et des protocoles de coopération
interprofessionnels, doivent être mises en place.
III - L’hôpital : un rôle central mais des
insuffisances de gestion
La faible densité des professionnels libéraux fait de l’hôpital dans
les outre-mer l’armature du système de soins. Mais ce rôle central peut
conduire à une préférence coûteuse pour de relativement grands
ensembles hospitaliers, miroirs de certains CHU métropolitains, qui
concentrent
les
investissements
et
les
financements.
Outre
cet
« hospitalocentrisme », les hôpitaux sont fréquemment confrontés dans
les outre-mer à des difficultés graves et récurrentes de gestion, qui ne sont
pas sans conséquence sur la qualité des soins. Ces difficultés exigent un
pilotage plus rigoureux et une mise sous tension pour dégager
d’indispensables progrès d’efficience.
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63
A - Un rôle central
1 - Un parc hétérogène centré autour de quelques grands
établissements
Pour 4 % de la population, les outre-mer disposent de 3 % des
établissements, et de quelque 2,6 % des lits et places. La taille moyenne
est de 127 lits par établissement (154 en métropole). La Martinique et La
Réunion sont dotées d’une gamme d’établissements similaires à celle de
la métropole.
Tableau n° 6 : établissements de santé outre-mer, 2013
Source : ARS 2013 ; Cour des comptes ; non compris St Pierre et Miquelon (40 lits
MCO), Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna. CLCC : centre de lutte
contre le cancer
Le
secteur privé non lucratif est faiblement représenté hors
Martinique et La Réunion. Le secteur lucratif l’est inégalement (les
données statistiques ci-dessus incluent les établissements privés, mais
l’enquête de la Cour a porté uniquement sur le secteur public).
L’organisation hospitalière est calquée sur le modèle métropolitain
du centre hospitalier et universitaire : 3 des 29 CHU français sont situés
dans les DOM, avec pour conséquence des choix architecturaux parfois
mal adaptés, des coûts élevés et une concentration des investissements
hors dialyse et
HAD
au 1er janvier 2013
total
Métropole 2010
OM/ total
Guadeloupe
Martinique
Guyane
La Réunion
Mayotte
Nouv. Caléd.
Polyné-sie fr.
CHU
1
1
1
3
29
9 %
CH
8
7
2
1
1
2
5
26
788
4 %
CHS
1
1
1
1
4
87
4 %
Privé non lucr.
1
2
2
1
6
683
1 %
SSR ; div.privé
4
2
1
7
1
15
322
4 %
Courte durée privé
9
2
2
6
2
4
25
542
4 %
Psychiat. privé
1
1
2
138
1 %
CLCC et autres
0
54
0 %
Total
23
15
7
19
1
7
9
80
2640
3 %
Nbre de lits
2 432
2 533
852
2 895
326
670
867
10574
2,6
%
Lits/100 000hab.
606
639
380
355
175
273
334
654
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alors même que l’activité de recours tend à s’effacer derrière l’activité de
proximité et que les activités de recherche et d’enseignement peinent à se
développer. En Polynésie française comme en Nouvelle-Calédonie, ce
même modèle de structuration de l’offre hospitalière autour d’un centre
hospitalier territorial, non universitaire toutefois, prédomine également.
2 - Des écarts de dépenses importants
Des écarts considérables se constatent dans les dépenses
hospitalières des départements d’outre-mer. Selon la direction générale de
l’offre de soins, en 2012 « l’ONDAM hospitalier » - qui est en moyenne
de 1 196 € par habitant (contre 935 € en métropole) - a varié de 992 € en
Guyane, à 1 412 € en Guadeloupe, 1 581 € en Martinique.
La progression de ces dépenses a été dans les DOM plus rapide
que la moyenne nationale, sauf en Guyane. Néanmoins, la part des DOM
dans le volet hospitalier de l’ONDAM national demeure très inférieure
(1,2 %) au poids de leur population (3,2 %).
Tableau n° 7 : part des DOM dans l’ONDAM hospitalier, 2005-2012
48
Millions
d'euros
Guade-
loupe
Marti-
nique
Guyane
La
Réunion
Mayotte
ONDAM
hospita-
lier
Dont les
5 DOM
2005
133
135
179
147
60 148
1,0 %
2006
142
165
187
185
62 498
1,1 %
2007
164
183
180
202
64 485
1,1 %
2008
170
190
177
211
66 515
1,1 %
2009
178
206
182
231
68 519
1,2 %
2010
182
207
193
236
70 251
1,0 %
2011
204
202
190
363
72 102
1,2 %
progression
2005-2011
54 %
49 %
6 %
147 %
20 %
35 %
Source : CNAMTS.
48
Tableau simplifié. Les champs ne sont pas toujours identiques d’une année à
l’autre.
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3 - Des taux de recours à l’hospitalisation variables
Les taux de recours à l’hospitalisation varient dans des proportions
importantes. Pour 2012, les données du PMSI, retraitées par la fédération
hospitalière de France, montrent dans quatre DOM les variations
suivantes, en taux standardisé par mille habitants :
-
médecine : de 91 séjours et 52 venues en Guyane à 111 séjours à La
Réunion et 84 venues en Guadeloupe (venue : hospitalisation de
jour) ;
-
chirurgie : 48 séjours en Guadeloupe et 41 dans les trois autres DOM ;
de 14 venues en Guyane à 34 en Guadeloupe et à La Réunion ;
-
obstétrique : de 16 séjours en Martinique, à 28 en Guyane ; de
3,4 venues en Guyane à 8,4 en Guadeloupe.
Des types de séjours proches de ceux de la métropole, sauf en Guyane
La Réunion se rapproche le plus de la métropole, alors que la
Martinique a une part de séances ambulatoires (chimiothérapie, dialyse, etc.)
plus importante, à l’inverse de la Guadeloupe et de la Guyane (qui a une part
plus élevée d’obstétrique qu’ailleurs). Les durées moyennes de séjours sont
souvent assez proches de celles de métropole, légèrement supérieures
(Guyane et Martinique), ou inférieures (Guadeloupe et La Réunion). En
chirurgie, elles sont plus courtes en Guyane, et plus longues en Martinique ;
en médecine, un peu plus courtes, sauf en Martinique
49
.
Les patients hospitalisés sont pour l’instant plus jeunes qu’en
métropole, surtout en Guyane, mais ils se rapprochent de celle-ci aux
Antilles. En 2011, les 0-19 ans en représentaient 19 % dans les DOM,
contre 13 % en métropole, les 65-79 ans, 19 % contre 24 %, et les 80 ans
et plus, 7 % contre 12 %. Cela ne doit pas dissimuler que, avant même
d’avoir achevé la modernisation de leur parc hospitalier, les Antilles et La
Réunion devraient déjà développer l’accueil de personnes âgées
dépendantes. Les retards en matière d’établissements d’hébergement pour
49
Les données médicales semblent devenues plus fiables au fil des ans, grâce au
meilleur codage des prises en charge. À de rares exceptions près, « un indéniable
effort de rationalisation interne des procédures de facturation et de recherche
d’exhaustivité dans la collecte des informations visant à valoriser l’activité est à
relever » comme l’a souligné en 2012 la chambre régionale de comptes Antilles-
Guyane à propos de l’hôpital de Cayenne. Les statistiques n’en demeurent pas moins
approximatives (confusions entre places ambulatoires et lits, entre un établissement et
ses sites dispersés, etc.).
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personnes âgées dépendantes réduisent encore l’efficience d’un système
de soins déjà confronté au faible nombre de places en services de
rééducation et de moyen séjour, à propos desquels la HAS note que les
outre-mer sont « terriblement sous-équipés ».
B - Une gestion à améliorer
La gestion du parc hospitalier public est à des niveaux de
performance
très
hétérogènes.
Certains
établissements atteignent
un niveau comparable aux meilleures pratiques métropolitaines. D'autres
ont fait l'objet de fortes critiques des chambres régionales et territoriales
des comptes ou de l'inspection générale des affaires sociales, et tardent
parfois à mettre en oeuvre leurs recommandations. Leur gouvernance est
inégalement adaptée aux enjeux et aux exigences d'équilibre financier.
Cette diversité est illustrée ci-après par quelques cas emblématiques.
1 - Des investissements hospitaliers mal pilotés et coûteux
Le parc hospitalier fait l’objet d’une modernisation active.
Plusieurs reconstructions de plusieurs centaines de millions d’euros
chacune ont été réalisées ou autorisées récemment. Avec de plus petites
opérations, le parc hospitalier a ainsi été en partie rénové, notamment
pour des disciplines de pointe et des maternités.
Les constructions sont parfois réalisées par des maîtres d’ouvrage
délégués et des maîtres d’oeuvre insuffisamment expérimentés et
méconnaissent parfois les normes et contraintes régionales. Quelques
exemples montrent l’ampleur du chemin qui reste à parcourir pour que les
investissements soient réalisés de manière optimale et que les normes de
sécurité soient partout remplies.
Le centre hospitalier de Saint-Laurent du Maroni (cf. annexe 22)
s’est doté d’un bâtiment de psychiatrie sur un terrain destiné à accueillir
le nouvel hôpital prévu d’ici quelques années. Cette opération
indispensable a été entachée de graves erreurs. Les architectes chargés du
projet l’ont élaboré avec l’agence régionale de l’hospitalisation et la
direction de l’époque sans aboutir, faute d’un projet médical en amont, à
un programme architectural approprié. L’élaboration du projet médical et
une remise à niveau des soins n’ont en effet commencé qu’une fois que
l’équipe de direction avait été changée et que l’équipe médicale avait été
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67
renforcée. Ce bâtiment très spacieux n’a que 16 chambres et sa capacité
d’hospitalisation de jour est restreinte, alors que la Guyane n’a pas
d’établissement de santé mentale et manque de places en psychiatrie.
Quatre chambres qui pourraient accueillir des patients adultes ont été vite
inutilisables : vitre extérieure et interrupteurs électriques fragiles,
ventilation insuffisante sans air conditionné ni ouverture de fenêtre. Des
travaux de remise en état sont annoncés.
À Saint-Pierre de La Réunion, l’activité chirurgicale a été
implantée en 1980 dans un bâtiment alors moderne mais à l’écart de ceux
de médecine. Sur trois niveaux sans ascenseurs, les chambres de 18 m²
comportent trois lits, sont dépourvues de sanitaires individuels et ne sont
pas adaptées aux personnes à mobilité réduite. La Haute Autorité de
Santé a souligné dans son rapport de certification de 2012 leur vétusté,
qui affecte l’hygiène, la dignité et l'intimité des patients. Ces derniers sont
transportés au bloc opératoire par ambulance, dans un climat connu pour
ses pluies torrentielles. Vingt ans de signalements et d’expertises se sont
écoulés avant qu’en 2000 une visite de sécurité conduise à une mise en
conformité « incendie ». Il a fallu dix années supplémentaires pour
constater en 2010 que les travaux de mise en conformité étaient entachés
de malfaçons. Une dérogation a dû être consentie pour que le bâtiment ne
soit pas fermé au prix de la création de sept postes d’agents de sécurité.
Des mises en service différées de plusieurs années
Nombre de constructions ont été réceptionnées sans pour autant être
mises en service. Livré en 2011, le bâtiment psychiatrique précité de Saint-
Laurent du Maroni est resté inoccupé jusqu’à son raccordement, plus d’un an
après, au réseau électrique, la direction n’y ayant pas veillé en temps utile.
En Martinique, le nouveau centre hospitalier du François
- 14 M€,
financés aux trois-quarts par l’emprunt -
ouvert en 2013, était resté vacant
pendant deux ans jusqu’à ce que la collectivité locale le raccorde aux réseaux
(6 M€). Le nouveau bâtiment du SAMU a attendu des équipements pour
ouvrir. L’assurance maladie (via l’ARH), le FEDER et l’université Antilles-
Guyane ont financé l’installation en 2008 au CHU de
Fort-de-France du seul
laboratoire sécurisé NSB3 des Caraïbes, destiné aux prélèvements de malades
suspects d’infection par un agent biologique hautement pathogène. Ce
bâtiment modulaire de 80 m² a fonctionné cinq ans plus tard : avaient manqué
21 000 € pour le rendre opérationnel.
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COUR DES COMPTES
Toujours en Martinique, le centre hospitalier de Colson a loué sans
étude préalable un entrepôt de 3 600 m² pour de futures activités logistiques,
et l’a laissé vacant pendant plusieurs années à un coût annuel de 1,2 M€/an ;
des aménagements ont été engagés en 2014 pour des activités de soins
ambulatoires. Il a aussi loué 300 m² de bureaux dans une zone d’activités
pour y créer un centre médico-psychologique postpénal, jamais ouvert, et un
centre de ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violence
sexuelle. De 2010 à 2013, sans que les locaux aient été sécurisés (ce qui
ajouterait 60 000 € aux 220 000 € d’aménagements),
150 000 € de loyers et
charges ont été payés avant que trois premiers agents s’y installent en
septembre 2012. En février 2013, ils n’avaient encore ni psychiatre ni tâches
à accomplir,
et le psychologue était reparti. Cet hôpital a été temporairement
placé sous administration provisoire d’un inspecteur général des affaires
sociales dans la période récente par le ministère, comme celui de Basse-
Terre.
Les risques ne sont pas prêts de s’estomper car l’outre-mer reste un
chantier hospitalier permanent. Pour ne considérer que les seules Antilles,
le CHU de Martinique doit réceptionner en 2016 un plateau technique de
169 M€, susceptible de résister aux séismes, contrairement au plateau
actuel, mais qui double aussi la surface de ce dernier.
Le CHU de Guadeloupe a décidé en 2007 la reconstruction de ses
bâtiments qui ne sont de même plus conformes aux normes antisismiques
comme de sécurité ; le projet, estimé à 590 M€ pour une livraison d’ici
2022, reste à approuver par l’État.
Dans le Pacifique, les exemples de la construction des hôpitaux de
Papeete et de Nouméa donnent à penser que l’État aurait dû être plus
attentif à lier son aide financière au respect de conditions de conception et
d’exécution plus rigoureuses.
La succession de telles opérations et leur poids sur les dépenses
d’assurance maladie imposent que soient tirées les leçons des excès,
erreurs et déséquilibres qui pèsent sur la gestion et les budgets
hospitaliers outre-mer.
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69
Crédits d’État et constructions hospitalières du Pacifique
50
Le
cofinancement
métropolitain
du
centre
hospitalier
de
Papeete/Taaone (344 M€ ou 409 M€ (le chiffre varie selon les sources :
480 lits et 68 places en service, 12 blocs dont 5 inutilisés et 1 695 agents, fin
2013) a été attribué sans incitation contractuelle à ce que l’aide ainsi accordée
soit utilisée conformément aux bonnes pratiques de gestion et d’équilibre
entre hospitalisation et prévention.
La construction a été lancée en 2001 et livrée en 2011 sans que les
études du coût de fonctionnement et de son incidence sur l'équilibre des
comptes sociaux, pourtant demandées par l’État, aient été effectuées.
L’établissement n’a qu’une convention d’occupation temporaire. Le Pays
conserve la propriété des murs, hors bilan du centre hospitalier, qui n’en
maîtrise ni le montant ni l’amortissement. L’entretien est à sa charge, comme
l’amortissement des matériels. Cela peut affecter sa capacité budgétaire
d’en
assurer la pérennité.
La chambre territoriale des comptes a émis une série d’observations
critiques : après une indemnité de résiliation de 11M€ versée au constructeur,
trois lots importants furent réattribués à une filiale à 99 % du même groupe ;
le recrutement et la formation d’agents en vue de la nouvelle structure
n’avaient pas été organisés ; le schéma d’organisation sanitaire du Pays
intégrant la nouvelle structure n’avait pas été élaboré. Techniquement, la
surconsommation en énergie s’est avérée considérable ; l’État a cofinancé un
investissement additionnel pour la limiter alors qu’une expertise en amont
aurait permis de la réaliser plus économiquement. Il ne s’est pas inquiété du
financement des surcoûts structurels de fonctionnement. Or, la branche
maladie de la caisse de prévoyance sociale, qui en assume la charge, ne
disposait pas encore, deux ans après la mise en service de ce nouveau site,
des ressources nécessaires à son équilibre financier.
50
Pour Papeete, voir :
/Publications/Publications/Collectivite-
d-outre-mer-Construction-de-l-hopital-du-Taaone-Polynesie-francaise.
Une instruction judiciaire et divers contentieux ont par ailleurs été ouverts à propos
d’un marché relatif à sa construction.
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70
COUR DES COMPTES
À Nouméa, la reconstruction du centre hospitalier dans un
« Médipôle » (487 M€, 646 lits, 12 blocs) portera sa capacité en 2016 de 454
à 646 lits (dont 57 vacants au démarrage). L’État doit apporter 41,90 M€, soit
8,6 %, du financement, accompagnés de 75 M€ de prêts de l’Agence
française de développement (15,4 %, encore non finalisés début 2014) et de
126 M€ de la caisse des dépôts et consignations, dont une filiale est co-maître
d’ouvrage (25,8 %), aux côtés des 32,8 % néo-calédoniens. Toutefois, deux
ans après le début des travaux, le financement n’était pas encore totalement
bouclé ; les surcoûts de fonctionnement restent à chiffrer (augmentation des
postes budgétaires au-delà des 1574 prévus) alors que la branche maladie de
la caisse de sécurité sociale est déficitaire. La partie technique (blanchisserie,
cuisines…) a été tardivement financée et engagée. La maîtrise d’ouvrage est
éclatée entre plusieurs entités, qui n’ont pas eu recours aux services
spécialisés de métropole pour expertiser le champ et le coût de l’ensemble.
Cette opération est soumise à de nombreuses contraintes : attentes de la
population, concentrée à 70 % dans le grand Nouméa ; sécurisation des soins
spécialisés, difficulté de recruter et maintenir des personnels qualifiés dans
les autres zones où des restructurations sont en cours (l’hôpital du nord est en
voie d’être reconstruit à Koné d’ici 2018). Toutefois, comme en Polynésie
française, les déficits des comptes de sécurité sociale et les difficultés de
recrutement font que la concentration d’une telle capacité et de telles
ressources financières en un seul site risque de constituer un sérieux handicap
pour la maintenance et la modernisation des rares hôpitaux locaux comme
des dispensaires ou autres moyens alternatifs de nature à prévenir des
hospitalisations lourdes.
L'agence nationale d'appui à la performance des établissements de
santé et médico-sociaux (ANAP) assiste certes les maîtres d’ouvrage
hospitaliers. Mais elle n’intervient qu’exceptionnellement outre-mer,
comme en 2013 pour faciliter l’élaboration de la reconstruction du CHU
de Guadeloupe, et le ministère affirme comme elle que ses statuts ne lui
permettent pas d’intervenir dans le Pacifique. Or, elle souligne que dans
les DOM «
la conjonction des singularités locales et de la complexité
inhérente aux grands projets de construction peut conduire à des dérives
importantes
».
L’intervention aussi systématique que possible de l’ANAP, dès la
phase de conception, en amont des projets hospitaliers publics des DOM
et des aides financières directes ou indirectes de l’État dans le Pacifique,
devrait être envisagée. Sous sa surveillance, l’expérience d’ingénieurs
hospitaliers très expérimentés permettrait d’éclairer au mieux les
arbitrages financiers aux étapes cruciales d’instruction, réalisation et mise
en service des équipements.
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DES SYSTEMES DE SANTE A LA PEINE
71
2 - Des établissements sous assistance financière
L’analyse
des recettes des établissements des DOM met en
évidence la part considérable des aides à la contractualisation (AC) ; ces
aides sont destinées à faire face à des risques de rupture de trésorerie liés
à des déficits budgétaires structurels longtemps tolérés, que la tarification
à l’activité a mis en lumière.
Tableau n° 8 : dépenses et recettes hospitalières, 2012
43 % des 417 M€ d’aides exceptionnelles de trésorerie allouées en
2012 aux établissements de santé, France entière, ont été versés à ceux
des DOM, soit quelque douze fois plus que leur part de l’ensemble de
l’activité hospitalière nationale. Dix, parmi les plus grands, de leurs
29 établissements publics de santé ont été déficitaires de 235,1 M€ de
2010 à 2012, après prise en compte de 300 M€ d’aides exceptionnelles
non reconductibles de l’assurance maladie (cf. tableau suivant).
La Martinique a les dépenses hospitalières de loin les plus élevées
par habitant, ce que n’explique que partiellement le niveau de
spécialisation de son CHU. Sa direction résume lucidement la situation de
ce dernier : «
il est dans une situation financière structurelle extrêmement
tendue, ses seuils d’activité sont insuffisants du fait de son insularité et de
sa taille ; la proportion de ses dépenses de personnel est supérieure à la
moyenne nationale dans tous les domaines d’activité (médicale,
paramédicale, technique, logistique et administrative) et il souffre d’une
insuffisance de trésorerie chronique. (…) L’état de dégradation des
2012
Guade-
loupe
Marti-
nique
Guyane
La
Réunion
4 DOM
Métropo-
le
Dépenses
, M€
418
580
198
685
1 880
59 594
Soit par habitant
1 035 €
1 486 €
827 €
818 €
1 004 €
935 €
Recettes
Hospitalisation
41 %
40 %
46 %
57 %
47,4 %
49,9 %
Externes
3 %
4 %
6 %
4 %
4,0 %
5,5 %
Molécules onér.
2 %
2 %
1 %
2 %
1,8 %
3,4 %
Forfaits hospital.
2 %
2 %
3 %
2 %
2,0 %
1,8 %
DAF SSR
8 %
9 %
1 %
5 %
6,4 %
9,9 %
DAF psychiatrie
16 %
13 %
13 %
13 %
13,5 %
14,3 %
MIG
8 %
6 %
20 %
9 %
8,7
%
8,8 %
AC
17 %
24 %
10 %
8 %
15,0 %
3,9 %
Source: d'après ATIH/FHF. Hospitalisation à domicile (8 M€, Guadeloupe) et
dispositifs implantables (9 M€), compris dans le total. DAF : dotation annuelle de
fonctionnement. MIG : missions d’intérêt général. AC : aides à la contractualisation.
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équipements et des bâtiments est extrême
» et, faute de financement, des
travaux qui induiraient des économies de fonctionnement sont différés.
Tableau n° 9 : résultats des principaux établissements hospitaliers,
2010-2012
51
Millions d’euros
Charges
2012
Cumul 2010-2012
Aides
reçues
Résultats
après aides
CHU Martinique
527
158,3
- 181
CHU Guadeloupe
306
72,4
- 43,7
EPSM Colson (Guadeloupe)
84
17,5
- 11
CH Basse-Terre (Guadeloupe)
77
17,4
- 8,7
CH Marigot (Saint Martin)
38
13,3
- 3,8
CH Ouest guyanais
65
6,1
- 0,9
CH Cayenne
200
5,4
- 1,1
CH Nord Caraïbe (Martinique)
28
1,3
0,6
EPSM La Réunion
67
0,7
- 0,1
CH Mayotte
147
0
- 2,8
Sous-total 10 établissements
1 539
292,4
- 252,5
CHU La Réunion
590
7,8
10,7
CH Gabriel Martin (La Réunion)
89
0,3
0,9
EPSM Montéran (Guadeloupe)
43
0
3,5
Centre gérontologique. Raizet (Guad.)
30
0
1,7
CH François Dunan (St P. et M.)
27
0
0
Total de ces 15 établissements
2 318
300,5
- 235,1
Source : février 2014, DGFiP (données « charges », provisoires), DGOS
EPSM : établissement public de santé mental
À des degrés divers, ces hôpitaux sont de longue date confrontés à
de telles difficultés. Les capitaux propres cumulés des établissements de
Martinique étaient négatifs fin 2012 (- 56,4 M€), et la dette totale
dépassait le total du passif
52
. Les Antilles ont reçu ces dernières années
51
Ce tableau comprend les 15 établissements hors Nouvelle-Calédonie et Polynésie
française dont les charges 2010 dépassaient 25 M€.
La ligne « CHU de la
Martinique » inclut les anciens CH du Lamentin et Louis Domergue avec qui il a
fusionné, et la ligne « CHU La Réunion » les anciens CH Félix Guyon et groupe
hospitalier sud Réunion.
52
La Cour a souligné dans son rapport de septembre 2013 précité qu’après les 84 M€
d’aides d’urgence apportées au CHU de Fort-de-France (page 206), ce dernier
continue à figurer parmi ceux « toujours confrontés à de graves difficultés malgré les
actions engagées » (page 226) et de nouvelles aides.
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73
un total de dotations exceptionnelles presque égal à celui de tous les
établissements métropolitains.
3 - Des défaillances de gestion généralement non sanctionnées
Les rapports de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS)
soulignent nombre d’erreurs, voire de fautes de gestion, dont certaines
n’ont pas toujours eu les suites, y compris pénales, qu’elles méritaient.
Les rapports d’observation des chambres régionales et territoriales des
comptes montrent que nombre d’établissements ont pris des libertés avec
les principes de bonne gestion et que les recommandations émises ne sont
pas toujours suivies.
Quelques arrêts récents des juridictions financières
La Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) a sanctionné
par une amende en 2012 un directeur et un agent-comptable en fonction dans
les années 2000 au centre hospitalier de Marigot, dans l’île de Saint-Martin
(Guadeloupe), pour insincérité de budgets primitifs, dépassements des crédits
autorisés, absence de comptabilité des stocks comme d’engagement, absence
de tenue et de transmission à la tutelle des états d’effectifs rémunérés,
omission ou émission tardive de titres de recettes. Des malversations avaient
également été constatées dans l’établissement. En 2011, elle a de même
sanctionné des directeurs en poste dans les années 2000 au groupe hospitalier
sud de La Réunion, pour abandon du suivi budgétaire, notamment pour
création de 132,6 emplois permanents sans crédits disponibles et pour
comptabilisation insincère des engagements. La Cour des comptes a confirmé
en 2013 un jugement de la chambre régionale des comptes de Guyane
constituant un ancien agent-comptable du CH de Saint-Laurent du Maroni,
débiteur de quelques 5 M€ en raison du non-recouvrement de recettes.
Les ratios de dépenses hospitalières par habitant mettent en
lumière l’importance des surcoûts outre-mer. Certains sont connus et,
pour
partie,
inéluctables :
reconstructions
antisismiques,
surcoûts
salariaux, coûts des matériels, fournitures et services provenant de
métropole ou autres pays, missions, formations, frais d’installation des
arrivants,
évacuations
sanitaires faute
de
spécialistes
sur
place,
notamment. Mais d’autres résultent de gestions laxistes: sureffectifs de
personnel non médical, organisations inefficientes, coûts de maintenance
et amortissements élevés.
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COUR DES COMPTES
En Guadeloupe, la situation des finances et des bâtiments est
préoccupante au CHU (862 lits et places) comme d’ailleurs celle de la
gestion des effectifs (la masse salariale pour 3 200 salariés représente les
deux-tiers des 300 M€ de dépenses). Des risques de sécurité et
d’infections nosocomiales sont considérés comme majeurs et la qualité de
certains soins est mise en question.
Point de vue sur la cardiologie au CHU de Guadeloupe, début 2013
53
Extraits du point de vue de deux cardiologues du CHU : «
Depuis août
2010, la moitié du service de cardiologie est fermée pour la réalisation de
travaux. Deux ans et demi plus tard, seule la moitié des travaux a été
effectuée.
(… En 2012)
le seul bloc (…) pouvant accueillir en urgence les
patients ayant un infarctus du myocarde a été fermé (…) pour une période
cumulée de six semaines. (…) Aucun échographe portable malgré 10 lits
d’USIC (…) l’échographe principal, vieux de huit ans dont les pannes sont
de plus en plus fréquentes (…) la capacité d’accueil est réduite à vingt lits
sans structure ambulatoire (…) des enfants en situation instable sont
déplacés pour la réalisation d’une échographie (…). L’obstination et la
cohésion de bien des équipes du CHU leur permettent, malgré tout, d’offrir
des soins dont la qualité est reconnue au plan national
». Le CHU souligne
que, un an après, ces défaillances anciennes perdurent, son déficit
d’exploitation ne permettant d’y remédier que lentement.
Des directeurs d’établissements n’ont parfois pas transmis à l’ARS
des informations complètes nécessaires à une correcte budgétisation.
Ainsi, la reconstruction du pôle « mère-enfant » du CH de Cayenne
(75 M€, 2013) et le réaménagement des locaux libérés (35 M€) ont
déséquilibré son budget du fait notamment des frais financiers et des
amortissements. Les risques financiers n’avaient pas été clairement
documentés auprès de l’agence régionale et le ministère n’en a pas tiré
toutes les conséquences alors que l’établissement, à peine sorti d’un plan
de retour à l’équilibre, retombait dans un déficit chronique.
53
Hebdomadaire NOUVELLES
, 7 mars 2013, page 24. USIC : unité de soins intensifs
en cardiologie. Voir aussi en annexe 25 un avis sur le service psychiatrique de ce
CHU.
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75
4 - Des trajectoires de redressement à conduire plus fermement
La fusion en 2011 des pôles hospitaliers nord et sud-réunionnais en
un CHU a contribué à optimiser et moderniser de vastes plateaux
techniques, ainsi qu’à équilibrer les comptes, même si elle n’a pas encore
produit ses pleins effets : des files d’attente demeurent, jusqu’à dépasser
deux ans (en chirurgie plastique), et la future restructuration du pôle
ouest, dans un contexte de médecine libérale pléthorique, appelle des
arbitrages. En revanche, la chambre régionale de La Réunion a souligné
l’ampleur des erreurs de gestion commises dans l’établissement ci-après
.
Gestions déséquilibrées : le groupe hospitalier Est Réunion
À la suite à de nombreux mécomptes dans la gestion du groupe
hospitalier Est Réunion (GHER), la direction du CHU de La Réunion est
depuis janvier 2014 commune avec celle de cet établissement. Ce dernier a
fusionné en 2009 puis intégré en un seul site un CH et une clinique (372 lits,
8 % des activités hospitalières de l’île). Les passages aux urgences ont
augmenté de 45 % depuis 2007, mais en 2012, 45 % des patients de sa région
se font soigner à Saint-Denis (75 % en cancérologie). Saisie par l’ARS, la
chambre régionale des comptes de La Réunion a constaté en 2012:
-
« le caractère lacunaire du plan de redressement et la forte variabilité des
données présentées ; ce plan de redressement est présenté sans réelle
maîtrise des dépenses de personnel et se base sur des hypothèses optimistes
d’augmentation des produits liée au développement de l’activité (…) ;
les
recettes exceptionnelles issues d’une reprise anticipée des provisions
majorent les résultats prévisionnels présentés et démontrent l’incapacité de
l’établissement à dégager un excédent (…) ;les opérations liées au
financement de la construction (souscription d’emprunts structurés et
renégociation à un coût élevé sur 40 ans) conduisent à moyen terme à un
déséquilibre pouvant mettre en cause la pérennité de l’exploitation de
l’établissement ».
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COUR DES COMPTES
Elle avait aussi observé en 2011 que le projet conduit par le syndicat
interhospitalier chargé de la fusion était passé de 64 M€ à 95 M€. Un
montant de 33 M€ d’emprunts tardant à être dépensé a été placé de manière
irrégulière. Les subventions des collectivités locales annoncées (15,2 M€)
n’ont pas été obtenues. Le site a été mis en service avec six ans de retard. Au
moment de ce contrôle, le président de l’organe délibératif adressait au centre
national de gestion des personnels, évoqué par ailleurs, son avis sur la
manière de servir du chef d’établissement : «
gestionnaire avisé, qui sait faire
preuve de rigueur dans la gestion administrative et financière de son
établissement, tout en conservant la finesse et le doigté nécessaires pour faire
franchir à celui-ci des avancées décisives.
» Ce directeur a finalement été
déchargé de ses responsabilités managériales par l’ARS, tout en demeurant
rémunéré sur place, puis s’est vu confier en 2014 des missions plus larges,
peu avant d’être, par ailleurs, condamné en appel à six mois de prison avec
sursis pour abus de confiance au détriment du comité de gestion des oeuvres
sociales hospitalières de La Réunion, et à l’interdiction à vie d’exercer une
fonction d’administrateur social.
54
En Guyane, le centre hospitalier de Cayenne (632 lits et places,
près de 2 000 agents et de 200 M€ de budget annuel, 18 centres ou postes
de santé sur l’équivalent d’un sixième de la superficie de la métropole) a
bénéficié de ressources exceptionnelles ces dernières années pour revenir
à l’équilibre financier. La chambre régionale des comptes a néanmoins
relevé en 2012 « un risque économique réel dans la capacité de
l’établissement à concilier simultanément la réalisation d’investissements
lourds, et cependant nécessaires dans leur principe, avec le passage à un
mode de financement lié principalement à l’activité, celle-ci n’étant pas
extensible à due proportion des coûts constatés » ; elle a également
fortement critiqué la gestion des ressources humaines.
54
Cf.
Rapport d’observations définitives sur la gestion
, août 2011, CRC de La
Réunion,
www.ccomptes.fr
/Publications/Publications/Syndicat-interhospitalier-Pole-
sanitaire-Est-Reunion-Reunion – et avis, 18 juin 2012, CRC de La Réunion,
www.ccomptes.fr
/Publications/Publications/Etablissement-hospitalier-public-Groupe-
hospitalier-Est-Reunion-GHER-Reunion.
Entre
autres
particularités,
les
établissements d’outre-mer ont comme celui-ci contracté deux fois plus d’emprunts à
très haut risque, fondés sur des variables sans rapport avec leur activité, que ceux de
métropole : la Martinique à 21,4 %
d’emprunts «
atypiques, à risque indéterminé
»,
contre 6,5 % en métropole.
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77
En Polynésie française, la chambre territoriale des comptes a
dressé un tableau critique de la gestion du centre hospitalier de Polynésie
française (CHPF) dans les années 2002 à 2009, avant sa reconstruction au
Taaone. Cet établissement public, deuxième employeur du territoire et
étroitement dépendant de son ministère de la santé, n’a pas le statut
d’établissement public de santé. Elle notait que les informations chiffrées
n’y étaient «
produites qu’avec retard et (étaient) d’une qualité médiocre.
(…).Les dotations budgétaires (étaient) négociées en dehors du cadre
légal, et ces arrangements (conduisaient) à une augmentation (…) sans
contrôle et sans aucune certitude sur l’utilité. (…) L’équilibre financier
du centre hospitalier (n’était) atteint qu’en raison de facilités discutables,
accordées de fait à l’établissement, qui occultent des difficultés de
recouvrement persistantes
55
»
. L’inspection générale de l’administration
polynésienne avait, comme la chambre, relevé une très large palette de
défaillances et de fautes de gestion, y compris au sein du ministère.
L’équipement a depuis lors été amélioré et le nouveau site est moderne,
mais des problèmes significatifs de conformité aux bonnes pratiques en
matière de sécurité et de qualité des soins demeurent. Les quatre autres
petits sites hospitaliers font partie de la direction de la santé qui n’a pas
nécessairement la compétence et les moyens pour les gérer selon les
bonnes pratiques. Une solution serait de les intégrer au CHPF et de
recentrer la direction de la santé sur les fonctions d’une ARS, et si
nécessaire sur la gestion de l’offre publique de soins de médecine
générale, là où l’offre du secteur libéral est insuffisante. Le gouvernement
polynésien s’y est opposé
56
, pour trois motifs : des mouvements sociaux
paralyseraient l’ensemble, le CHPF devrait être un hôpital de dernier
recours et non pas de premier recours (mais il l’est pour l’essentiel de la
population), l’alignement statutaire des personnels serait onéreux.
L’alternative serait donc de créer un second établissement public. Un plan
stratégique est à l’étude.
5 - L’amorce récente d’un pilotage plus rigoureux
Devant
la
récurrence
des
déséquilibres
budgétaires
des
établissements des DOM, le ministère a chargé les ARS de renforcer la
mise en place de plans de retour à l’équilibre. Plusieurs hôpitaux sont
sous la surveillance des comités régionaux de veille active sur la situation
55
/Publications/Publications/Etablissement-hospitalier-public-
Centre-hospitalier-de-la-Polynesie-francaise-CHPF-Polynesie-francaise.
56
Lettre du 16 septembre 2013 à la Chambre territoriale des comptes.
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78
COUR DES COMPTES
de trésorerie des établissements publics de santé et bénéficient de
missions d’appui de l’inspection générale des affaires sociales. Leurs
directions rendent désormais compte de leur situation financière devant le
comité interministériel de la performance et de la modernisation
(COPERMO), dans lequel siège le ministère des outre-mer.
Absence de CPOM en Guadeloupe, généralisation à La Réunion
Les plans de retour à l’équilibre des hôpitaux en déficit sont le plus
souvent étayés par les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM)
qui sont obligatoires. L’ARH puis l’ARS de Guadeloupe n’en avaient
toutefois jamais signé avant 2013, par craintes de retombées politiques et
syndicales, dans un contexte de mouvements sociaux importants, notamment
en 2006, 2009 ou 2013 ; leur généralisation est annoncée pour la mi-2014.
L’ARS de La Réunion avait en 2013 pour sa part signé des CPOM avec
38 structures. Seul a été différé, dans l’attente d’un plan de retour à
l’équilibre financier, celui du groupe hospitalier de l’Est réunionnais.
C - Une qualité des soins inégale
Les performances médicales des établissements sont, tout comme
la qualité de leur gestion, à des niveaux extrêmement variables, y compris
d'un service à l'autre au sein d'un même établissement.
1 - Les réserves de la Haute Autorité de santé
La Haute Autorité de santé (HAS), chargée de la certification de
établissements de santé de manière à s’assurer, selon la loi, de
« l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins
dispensés aux patients », a émis des réserves, parfois majeures, à l’égard
de la quasi-totalité des établissements outre-mer, même si elle a plus
rarement refusé de les certifier. Le graphique ci-après en présente les
grandes lignes.
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79
Graphique n° 3 : motivations des réserves de la HAS, outre-mer
Source : Cour des comptes, d’après HAS (certifications jusqu’en juin 2012).
La HAS classe les établissements publics et privés selon divers
critères de A à D par ordre décroissant. À titre d’exemple, parmi 35
établissements des DOM en 2011, ont été bien classés (en A ou B) :
-
pour le dépistage des troubles nutritionnels : 20 sur 35 ;
-
pour la tenue du dossier patient, seulement 9 sur 35 ;
-
pour la traçabilité de l’évaluation de la douleur : 9 sur 35.
Sur plusieurs critères, 20 % des établissements d’outre-mer ont été
classés en D, ce qui entraîne des réserves de certification. Les
établissements de Guyane, Mayotte, Saint-Barthélemy et Saint-Martin ont
ainsi été «
en très grande difficulté
» pour être certifiés, avec des réserves
majeures. Ceux des Antilles, dispersés, sont handicapés par des
manquements aux normes de construction, antisismiques notamment, et
de sécurité incendie. La certification du centre hospitalier de Cayenne a
été différée fin 2013 dans l’attente de redressements significatifs. La
Réunion est appréciée par les certificateurs pour une gestion très correcte
en termes de qualité.
134
68
60
25
23
Prise en charge
médicamenteuse
Gestion des
risques
Evaluation des
pratiques
professionnelles
Sécurité
incendie
Qualité et
hygiène en
restauration
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80
COUR DES COMPTES
Des responsabilités à assumer clairement par l’administration en cas
de non-conformité du fonctionnement des activités hospitalières
Les activités et les équipements déclarés par les établissements
hospitaliers et financés par l’assurance maladie sur décision de l’État ne sont
pas toujours autorisés en bonne et due forme par ce dernier. L’article
L. 6122-1 du code de la santé publique soumet pourtant à l'autorisation de
l’ARS les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la
création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris
sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation ou d'hospitalisation à domicile,
et l'installation des équipements matériels lourds. La Cour a constaté que des
ARS ferment les yeux quand, faute d’alternative un service prioritaire (de
réanimation, par exemple) fonctionne sans autorisation, afin d’éviter de le
fermer
jusqu’à
la
réalisation
d’aménagements
ou
de
recrutements
indispensables qui ont été différés faute de moyens ou de candidats. Cela
reporte sur les établissements et leurs directeurs la responsabilité légale et
pénale de risques issus de carences dont l’État se défausse sur eux pour
n’avoir pas effectué des arbitrages garantissant la parfaite conformité du
fonctionnement hospitalier outre-mer. Il conviendrait de procéder sans délai à
des autorisations provisoires dûment objectivées là où elles font défaut et où
il est considéré que le risque est tolérable, et si tel n’est pas le cas, de
suspendre les activités en cause jusqu’à leur mise en conformité.
La Nouvelle-Calédonie n’est pas soumise à la certification, mais
ses deux principaux centres hospitaliers et une association ont choisi de
s’y soumettre. En Polynésie française, la mise en service du nouveau site,
ultramoderne, du CHPF en 2011 paraît avoir entraîné de substantielles
améliorations, mais les experts-visiteurs de la HAS ont établi fin 2013
que 36 critères sur 115, tels que la prise en charge médicamenteuse ou
celle de la douleur,
n’y atteignaient pas alors le niveau requis pour la
certification (cette visite était la troisième depuis 1999, toutes ayant été
sollicitées par l’établissement bien qu’il n’y soit pas obligé).
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81
Les résultats des indicateurs d’infections nosocomiales
57
63 % des 77 établissements publics et privés des DOM figurant au
tableau de bord annuel sont en classe A ou B, alors que le taux national est de
81 %. Le niveau général est inférieur à la moyenne, particulièrement en
matière de lutte contre les infections nosocomiales, de bactéries multi
résistantes, d’infections du site opéré, de bon usage des antibiotiques. 9 %
des établissements, soit trois fois qu’en moyenne, sont en classe D ou E. En
Guyane, 6 établissements sur 8 sont classés D ou E pour deux indicateurs.
Des problèmes récurrents,
d’une gravité variable, sont constatés
en matière de radioprotection (cf. annexe 21).
2 - Des déficiences persistantes dans certains domaines
a)
La psychiatrie
Alors que les soins psychiatriques représentent 15 % des dépenses
nationales, leur part dans les dépenses ultra-marines est beaucoup plus
faible. Le malthusianisme de l’offre de soins, le manque de locaux et de
professionnels en sont la cause, alors que la demande ou les besoins sont,
eux, plus importants qu’en métropole. Les services extrahospitaliers sont
parfois insuffisamment nombreux et accessibles. La population carcérale
bénéficie rarement de soins de santé mentale à hauteur de leur nécessité.
La Polynésie française n’a, comme la Guyane ou Mayotte pour une
population similaire, que quelques dizaines de lits sans établissement
spécialisé et très peu de psychiatres libéraux. En Guyane, la situation est
similaire, même si 4,7 M€ reconductibles ont été alloués en 2012-13 pour
renforcer les équipes. À Mayotte, la situation est particulièrement
critique. L’archipel ne dispose que de 10 lits de psychiatrie, et seulement
depuis septembre 2012 : 136 entrées en 2012, à 58 % sous contrainte.
Cette faible capacité oblige à des évacuations sanitaires vers La Réunion,
voire la métropole. Le centre médico-psychologique du centre hospitalier
a une file active de 2 264 patients, y compris à la prison et dans quatre
dispensaires non spécialisés, dont 183 enfants de moins de 10 ans et 652
57
Ministère des affaires sociales et de la santé,
Rapport national sur le tableau de
bord des infections nosocomiales.
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82
COUR DES COMPTES
nouveaux cas. Malgré les initiatives d’un réseau local associatif, un
rapport inédit d’une mission effectuée à Mayotte par l’établissement
public de santé mentale de La Réunion a conclu en 2013 que «
gravement
déficitaire dans tous les domaines, la santé mentale n’a pas été priorisée,
tant par les autorités de tutelle que par les offreurs de soins, dans un
contexte global de sous équipement généralisé du champ sanitaire (…). À
défaut d’une réponse rapide à la croissance inexorable des besoins (…),
le volume des évacuations sanitaires augmentera sans que La Réunion
n’ait les moyens d’y répondre dans de bonnes conditions.
[
on note un]
déficit important en offre médico-sociale, notamment dans le domaine de
la déficience intellectuelle et du handicap mental
». Une collaboration
accrue entre le pôle psychiatrique de La Réunion et la modeste unité du
centre hospitalier de Mayotte est prévue.
L’offre de soins en psychiatrie est de longue date gravement
déficiente (cf. l’exemple de Pointe à Pitre en annexe 24), mais le plan
psychiatrie santé mentale 2011-2015 ne mentionne pas plus l’outre-mer
que ne l’avait fait le plan 2005-2008
58
.
b)
La couverture sanitaire des personnes détenues.
Médicalement, les populations pénales sont plus encore à risque
outre-mer qu’en métropole. Les efforts des équipes hospitalières ainsi que
des personnels des onze établissements pénitentiaires ont, avec la qualité
des constructions récentes, permis dans plusieurs sites de réels progrès.
58
La Cour avait relevé en 2011 en Guyane une diminution de lits psychiatriques,
l’absence de psychiatre libéral, un pourcentage d’hospitalisations sans consentement
double de la moyenne nationale, mais aussi une croissance des hospitalisations de
jour. Cf. Cour des comptes,
Rapport public thématique :
L’organisation des soins
psychiatriques : les effets du plan « psychiatrie et santé mentale
(2005-2010)
. La
Documentation française, décembre 2011, 202 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
.
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83
Toutefois, alors que les conditions d’incarcération ont une
influence importante sur l’état de santé des détenus et sur leurs chances
de réinsertion, l’accès aux soins demeure souvent très insuffisant.
L’implication des agences régionales de santé des DOM comme des
ministères concernés n’est pas partout de nature à combler des retards et
des écarts que des rapports tels que ceux du contrôleur général des lieux
de privation de liberté dénoncent de longue date.
Or, les détenus sont souvent en grande précarité sanitaire ou
psychologique. Généralement jeunes, ils n’ont parfois jamais été soignés
pour des pathologies lourdes de conséquences (diabète, rhumatisme
articulaire aigu, staphylocoques dorés, etc.). Dermatologie, infectiologie,
petite traumatologie et problèmes bucco-dentaires prédominent. Des cas
de tuberculose résistante sont relatés. Plus de la moitié des incarcérations
sanctionnent des faits commis sous l’influence de l’alcool et/ou de
stupéfiants, mais le trafic interne de ces derniers est fréquent dans certains
établissements. L’usage du tabac est très répandu.
Alors que leur état de santé général appellerait une particulière
vigilance, les facteurs pathogènes liés à la vétusté des locaux et à la
précarité sociale sont aggravés par le climat, par une forte suroccupation
des cellules – ce sont parfois des dortoirs – et par des locaux affectés aux
soins qui sont majoritairement inadéquats, voire médiocres. Les surfaces
de ces derniers par cent détenus varient dans des proportions reflétant
l’extrême dénuement de certains sites.
Les écarts en personnels de santé sont plus considérables encore :
le ministère des affaires sociales et de la santé a principalement établi les
effectifs budgétaires en fonction de la capacité théorique en détenus, alors
qu’elle est en moyenne dépassée de 30 %. Les indicateurs témoignent de
l’ampleur des écarts : de 0,6 ETP médical par 100 détenus en Guyane, 0,4
à la Martinique voisine, à 0,2 à Basse-Terre. En Guadeloupe, on affiche
4,5 ETP paramédical par 100 détenus à Baie-Mahault et 1,9 à Basse-
Terre, à une heure de route ; ces personnels sont encore moins nombreux
en Nouvelle-Calédonie.
De surcroît, le temps de présence effective des soignants auprès
des détenus est fréquemment inférieur aux données affichées, sans qu’il y
soit remédié : d’une part, les vacances d’emploi ou les congés de longue
durée ne sont pas rares ; d’autre part, il y a de fréquentes présomptions
que la semaine de 35 heures n’est pas systématiquement respectée.
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COUR DES COMPTES
Quant aux dépenses effectives, de fréquents reports de charges sur
l’exercice suivant, faute de crédits de paiement permettant de faire face
au minimum nécessaire, en rendent illusoire la présentation par exercice.
Ces manquements sont dénoncés régulièrement par le contrôleur
général des lieux de privation de liberté. Par ailleurs, l’affiliation des
détenus à la sécurité sociale laisse parfois à désirer, au point de priver de
protection sociale leurs ayants-droits, voire les détenus eux-mêmes à leur
sortie, aggravant leur précarité en cas de longue maladie ou d’affections
chroniques. L’annexe n° 16 précise ces constats.
IV -
Permanence des soins et urgences : une
situation tendue
Malgré certains progrès, l’isolement de dizaines d’îles ou de
secteurs éloignés du système de soins continue inévitablement à poser des
problèmes aigus de permanence des soins et d’urgences, avec en
corollaire la nécessité plus fréquente qu’ailleurs de recourir à des
évacuations sanitaires.
A - Les limites de la permanence des soins ambulatoires
La permanence des soins ambulatoires, destinée à répondre aux
demandes de soins la nuit, les fins de semaine et les jours fériés, rencontre
de multiples écueils. En Guyane, le cinquième de la population vit à
l’écart de tout médecin libéral et de toute desserte routière ou aérienne.
Deux hôpitaux avec 18 centres délocalisés de soins et de prévention, en
premier recours, une clinique, une maison médicale à Cayenne (où est
organisé l’unique secteur de garde, avec 26 médecins volontaires) et une
maison de santé pluridisciplinaire
59
y assurent la permanence des soins.
Officines pharmaceutiques, chirurgiens-dentistes et kinésithérapeutes
assurent des permanences de fin de semaine. Le forfait d' « effection »,
59
L’institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES)
dénombrait en janvier 2013 dans les DOM quatre maisons de santé, soit trois fois
moins par département qu’en métropole (287).
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85
c’est-à-dire par cas d’intervention médicale, y atteignait en 2013 jusqu’à
496,80 € par jour, l’un des plus élevés de France.
En Guadeloupe, le respect du cahier des charges appelle une
meilleure organisation, annoncée par l’ARS ; faute d’une bonne
coordination entre les secteurs et tours de garde des médecins et des
pharmaciens, un long trajet de nuit peut être nécessaire pour obtenir le
traitement prescrit. La Martinique a une densité en généralistes
comparable à celle de la métropole, mais 19 % seulement effectuaient des
gardes en 2010 (30 % en 2008) : cette désaffection se poursuit et la
surcharge en résultant pour les ultimes volontaires démobilise ces
derniers. Le nombre d’appels régulés par le centre 15 a plus que doublé
en une décennie, ce qui devrait alléger la charge des services d’urgence,
mais ces derniers restent surchargés par 100 000 passages annuels non
suivis d’hospitalisation et dont une partie relèverait de la consultation de
généralistes. Les temps de trajet dissuadent des praticiens de se déplacer.
De 2006 à 2012, quatre découpages incohérents y ont été superposés :
sept secteurs de garde médicale, trois de pharmacie, quatre de
permanence ambulancière et quatre autres pour les urgences. Une
rationalisation de cette cartographie est en cours.
À Mayotte, les très rares généralistes libéraux ne peuvent assurer la
permanence des soins. L’ARS l’a confiée aux quatre « centres de
référence » déconcentrés du centre hospitalier, assimilables à de très
petits hôpitaux locaux. À l’hôpital polynésien de Raiatea (Polynésie
française), « l’organisation théorique de la permanence médicale » ne
fonctionne en partie que de 7 h 30 à 15 h 30, suivie d’astreintes à
domicile, et peine à être déployée, en raison des vacances d’emploi. En
Nouvelle-Calédonie, les centres médico-sociaux disposent généralement
d’une infirmière de garde, qui peut appeler un médecin, mais les
fréquents remplaçants ne sont pas toujours formés aux urgences. À Saint-
Pierre et Miquelon, les urgences assurées par le centre de santé de la
caisse de prévoyance sociale ont donné lieu à « de nombreux incidents,
parfois anecdotiques mais entretenant un sentiment d’insécurité face aux
aléas », selon une enquête de 2011 de la direction générale de l’offre de
soins.
Dans un contexte de fréquente pénurie médicale, les risques de
pertes de chance résultant de lacunes dans la permanence des soins sont
plus élevés qu’en métropole, alors même que l’accès aux urgences
hospitalières y est souvent moins facile.
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B - Des services d’urgence hospitaliers souvent en
surcharge
Dans les DOM, 590 000 passages ont été recensés en 2012 dans les
services d’urgence hospitaliers, en faible augmentation depuis 2007 au
regard de la croissance démographique. Les taux de recours aux urgences
sont dans la moyenne nationale en Guyane
(0,39 % des forfaits d’accueil
et traitement des urgences nationaux, pour 0,37 % de la population en
2012, selon l’ATIH) et en Martinique (0,62 % pour 0,60). Ces taux de
recours sont inférieurs en Guadeloupe (0,49 % pour 0,62 %) et à La
Réunion (0,8 5 % pour 1,28 %), ainsi que pour celles non suivies d’une
hospitalisation en court séjour. La Guyane est bien organisée, mais elle
n’a pas d’unités de soins intensifs spécialisés (cardiologiques, neuro-
vasculaires, réanimation pédiatrique). Aucune collaboration n’existe avec
les spécialistes libéraux. Une forte proportion d’urgences relève en fait
des généralistes libéraux, témoignant d’un accès difficile à ceux-ci, qui ne
participent d’ailleurs ni à la régulation du centre 15 ni au dispositif de
« correspondant SAMU ». Cela appelle un rééquilibrage entre médecine
ambulatoire et hospitalière (La Réunion, mieux dotée en médecins
libéraux, ne facture que 0,85 % des forfaits pour 1,3 % de la population
française).
En Guadeloupe, les passages aux urgences augmentent de 2,6 %
par an depuis 2007, malgré l’ouverture de maisons médicales de garde.
Les généralistes ne participent pas à la régulation au centre 15, qui reçoit
au demeurant une part importante d’appels non urgents ou sociaux. En
Martinique, les trois récentes maisons médicales de garde allègent la
charge des urgences, mais le partage des tâches reste à optimiser. L'ARS
a demandé fin 2013 au préfet la réquisition de médecins pour l’une
d’elles, seulement 5 des 40 généralistes du secteur ayant été volontaires.
Les difficultés d’accès aux urgences sont aggravées par l’isolement
d’une partie des territoires : lors du diagnostic national relatif à l’accès
aux soins urgents effectué en 2012, les DOM figuraient parmi les régions
où la durée moyenne d’accès était supérieure à 30 minutes (avec la Corse
et la Franche-Comté). Comme en métropole, la mise en place de
médecins correspondants de SAMU, l’informatisation des services
d’urgence, la synthèse de leurs données par le ministère et le
développement
de
leurs
répertoires
opérationnels
des
ressources
constituent des enjeux majeurs.
Un observatoire régional des urgences, comme préconisé en
métropole, serait particulièrement nécessaire dans ces régions face à leurs
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risques spécifiques. En Nouvelle-Calédonie, les centres médicaux,
fréquemment isolés, traitent les urgences, mais le médecin y est souvent
seul, en astreinte de fait permanente. L’augmentation du nombre annuel
de passages aux urgences du centre hospitalier territorial a été
considérable dans la période récente, mais le pourcentage de ceux
conduisant à une hospitalisation a régressé de 18 % à 14 %.
C - Des évacuations sanitaires aux problématiques très
spécifiques
L’insularité et l’absence de certaines spécialités outre-mer
suscitent un nombre élevé d’Évasan (évacuation sanitaire), généralement
par voie aérienne. L’organisation en est souvent complexe et les coûts
élevés. En Guyane et surtout à Mayotte s’y ajoutent les difficultés
spécifiques liées à la prise en charge de patients non assurés sociaux, qui
sont le plus souvent des étrangers en situation irrégulière. Les risques sont
plus grands que lors de transferts inter-hospitaliers en métropole.
Le SAMU de la Martinique effectue deux ou trois Évasan inter-îles
par semaine, de Guadeloupe et de Guyane (350/an) comme d’autres
pays : métropolitains résidant dans la région ou de passage, étrangers
d’autres îles de la Caraïbe, touristes de pays divers. Le recours aux
personnels du SAMU pour des durées d’au moins trois jours, compte tenu
des temps de vols et des délais pour le retour, augmente le coût et le
temps de gestion des évacuations vers la métropole, parfois vers d’autres
pays de l’Union européenne, voire l’Amérique du nord. Les évacuations
concernent notamment des enfants (une sur cinq), des grands brûlés et des
indications cardiologiques hors de portée des CHU antillais. À La
Réunion, la coordination avec la médecine de ville reste à améliorer, mais
la régulation médicale (SAMU et association réunionnaise des régulateurs
libéraux d’exercice libérale) est assurée au sein du centre 15 durant les
heures de permanence des soins par des médecins libéraux volontaires.
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COUR DES COMPTES
Des dysfonctionnements dans la gestion d’évacuations sanitaires
En 2012, la justice est saisie du décès d’un patient et d’une équipe
médicale venue de Martinique, à bord d’un avion affrété et abîmé en mer peu
après son décollage de l’aéroport français de l’île de Saint-Martin. Il n’en a
été rendu compte avec précision à l’administration centrale du ministère des
affaires sociales et de la santé qu’un an plus tard, après enquête de la Cour
sur les modalités financières et le statut de cette intervention. L’enquête
diligentée par le directeur général de l’ARS
60
a conclu que les protocoles de
prise en charge n’étaient pas suffisamment formalisés, que le circuit des
autorisations de missions n’était pas toujours validé avant l’accident de 2012,
que les coûts sont mal connus, que les relations avec les transporteurs aériens
étaient insuffisamment encadrées par des conventions, et que « certains
professionnels de santé pourraient avoir des conflits d’intérêt personnels
amenant à transformer en Évasan des rapatriements n’ayant pas toujours
besoin d’un accompagnateur médical ». Selon le ministère, le dossier a été
intégralement transmis à la justice et des réorganisations ainsi que des
changements de prestataires ont été opérés.
Dans un autre cas, la justice a été saisie de documents établissant la
rémunération d’un praticien hospitalier par un transporteur étranger.
À Mayotte, un « comité Évasan » réunit une fois par semaine le
médecin conseil de la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) et le
président de la commission médicale d’établissement pour programmer
les évacuations ou valider celles effectuées en urgence ; cette procédure
gagnerait à être formalisée.
Le paiement par la CSSM au CHU de La Réunion de factures de
prises en charge par ce dernier (16,6 M€ payés en 2012, sur la base de
prix de journée, solde 2013 encore non versé en février 2014) a été
retardé par un désaccord qui aurait dû être plus promptement tranché par
la tutelle ; début 2014, la CSSM n’avait encore payé ni les 13,8 M€ de
prestations 2013 ni 5,3 M€ de dettes antérieures.
60
ARS,
Enquête administrative portant sur les EVASAN urgentes du centre
hospitalier universitaire de Martinique
, décembre 2012 et février 2013.
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Les difficiles évacuations de Nouméa vers Paris en cas d’hépatite
fulminante
Des difficultés sont rencontrées pour évacuer de Nouméa des patients
atteints d’hépatites fulminantes. Leur traitement relève d’une greffe de foie
qui ne peut être réalisée qu’en métropole (les pays voisins n’en effectuent que
sur leurs ressortissants). De 2009 à août 2013, l’hôpital a admis 23 patients
présentant une hépatite fulminante, dont 8 relevaient d’une indication de
transplantation. Il s’emploie à accélérer leur prise en charge locale en vue
d’une évacuation précoce, mais, en l’absence de vols sans changement
d’avion pour Paris, plusieurs obstacles retardent leur départ, au prix de pertes
de chance qui peuvent être fatales. Les horaires de réservation auprès des
compagnies sont restreints (le service des transports exceptionnels d’Air
France est ouvert seulement de jour en métropole, ce qui peut retarder de ce
seul fait l’évacuation pendant de longues heures), et il n’y a pas de civières
adaptables à l’ancrage dans des avions différents, seraient-ils du même
constructeur (les DOM sont, eux, le plus souvent desservis de et vers Paris
sans changement d’appareil).
Il conviendrait que les acteurs concernés mettent en place des
procédures adaptées (DGOS, SAMU, agence de la biomédecine, direction
générale de l’aviation civile). Cette dernière reconnaît que «
la véritable
difficulté est le préavis de 48 heures demandé par
[Air France]
pour une mise
à disposition d’une civière et d’oxygène
», disponibles uniquement à Roissy.
Elle a, depuis l’enquête de la Cour, identifié les améliorations souhaitables. À
la suite du constat de la Cour, Air France a ainsi pré-positionné une civière à
l’aéroport de Tokyo.
La caisse de prévoyance sociale de Polynésie française est la seule
institution à disposer d’une antenne à Paris pour l’accueil et le suivi des
patients ainsi évacués. Elle en a réduit le nombre de salariés en confiant la
gestion des évacuations vers la métropole et vers la Nouvelle-Zélande à
une société d’assistance. Une société de transport aérien complète le
recours aux vols réguliers. Comme ailleurs, les forces militaires assurent
un ou deux fois par mois en moyenne des évacuations difficiles à réaliser
autrement : hélitreuillages en mer, îles les plus éloignées ; il peut en
coûter jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros pour une évacuation
vers Papeete. Afin d’en limiter le nombre, la formation des personnels
sanitaires des îles, souvent isolés, a été développée, avec près d’un millier
d’agents formés en 2011 puis en 2012 ; cette charge est alourdie par leur
fréquent renouvellement. Certains patients sont transférés sous assistance
circulatoire mécanique, technique lourde qui exige des équipes
expérimentées, de quatre personnes au lieu d’une ou deux, et un matériel
important. Les ministères concernés n’ont pas vérifié si les moyens et les
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COUR DES COMPTES
crédits affectés aux évacuations et aux séjours des patients sont répartis
de manière équitable et optimale entre les outre-mer où ils sont de la
responsabilité de l’État.
L’absence d’obligation de service public en ce domaine comme en
matière d’acheminement des médicaments est une lacune d’autant plus
anomale que des compagnies desservant les outre-mer bénéficient,
directement ou au travers des achats de billetterie sur deniers publics, de
concours publics importants
61
(cf. annexe 19).
Des coopérations internationales à élargir
De nombreuses coopérations régionales sont développées en liaison
avec l’Organisation mondiale de la santé et des organisations régionales. Le
ministère des affaires étrangères a désigné trois ambassadeurs de la
coopération régionale, y compris en matière de santé, dans les Caraïbes,
l’Océan
indien
et
le
Pacifique
sud.
Les
cellules
interrégionales
d’épidémiologie (CIRE) constituées au sein des ARS développent des
collaborations et protocoles d’échanges d’informations épidémiologiques
avec les pays voisins des DOM. Ainsi, à la suite de la crise du chikungunya à
La Réunion en 2006, une unité de veille et un réseau de surveillance et
d’investigation des épidémies ont été créés avec des pays membres de la
Commission de l’océan indien. Le réseau de surveillance épidémiologique et
gestion des alertes de l’Océan indien) qui comprend l’Union des Comores,
Madagascar, La Réunion, Maurice et les Seychelles est financé par l’AFD
(5,6 M€ entre 2008 et 2012). La coopération interrégionale entre les Antilles
et la Guyane et les pays des Caraïbes est jugée insuffisamment structurée,
mais le programme européen Interreg IV a apporté 3,4 M€ à l’observatoire de
lutte contre le VIH, dont le CHU de Guadeloupe est chef de file. En
Martinique, le CHU s’est investi dans l’aide consécutive au séisme du 12
janvier 2010 en Haïti, pour un coût qu’il estime proche de 3 M€.
61
Une obligation de service public est une norme d’exploitation, édictée par l’État,
auxquelles les transporteurs aériens souhaitant exploiter la liaison sur laquelle elle est
imposée doivent se plier : fréquence de desserte, type d’appareil utilisé, horaires, tarifs
de la liaison, exigences en termes de continuité d’exploitation, etc. (article R. 330-7
du code de l’aviation civile).
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Le fonds de coopération économique, sociale et culturelle pour le
Pacifique (ministère des affaires étrangères) a apporté 345 650 € en 2012 à
neuf
recherches
bénéficiant
entre
autres
à
la
Nouvelle-Calédonie
(leptospirose, recherche antivectorielle, notamment.) et à la Polynésie
française (épidémiologie et prévention du suicide en particulier). La France a
incité à créer le réseau océanien de surveillance de la santé publique, qui
associe les États, territoires et organisations de la Communauté du Pacifique
sud pour la surveillance des maladies à potentiel épidémique et l’action
sanitaire urgente. Le bilan du Plan stratégique « Halte à la tuberculose dans le
Pacifique occidental » (2006-2010) reste toutefois à établir ; son but était de
réduire de moitié les taux de prévalence et de mortalité d’ici à 2015 par
rapport à 2000, conformément aux objectifs de développement pour le
Millénaire des Nations-Unies. Plusieurs liens avec des hôpitaux de pays
voisins peuvent aussi contribuer à mieux répondre à des demandes étrangères
de soins
62
.
Le renforcement de ces coopérations est indispensable avec les
Comores et le Surinam pour réduire les flux transfrontaliers.
S’agissant,
des
urgences
collectives
(crises
sanitaires,
catastrophes), la cellule de crise du ministère des affaires sociales et de la
santé intervient en tant que de besoin, en activant l’établissement de
préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). Dans ce
domaine, une revue spécialisée
63
a noté la robustesse de l’appareil de
veille sanitaire métropolitain, mais qualifié de «
pauvres
» les dispositifs
en vigueur à Wallis-et-Futuna, Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon,
d’inégaux ceux de Polynésie française, et suggéré de renforcer les
dispositifs d’alerte épidémique. Un renforcement de la coopération
internationale apparaît à cet égard souhaitable.
Plusieurs établissements ont par ailleurs regretté que la coopération
interhospitalière, localement ou inter-îles, ne soit pas plus largement
développée.
62
En 2011, 3 018 des 37 951 avis médicaux français sur les demandes de titre de
séjour pour des étrangers malades ont concerné les DOM, avec un pourcentage d’avis
favorables de 80,8 % (contre 75,2 %, France entière), mais la plupart des patients
arrivant en Guyane et à Mayotte en sont dépourvus.
63
J. Jones et at.
Epidemiology,
Surveillance And Control Of Infectious Diseases In
The European Overseas Countries And Territories
,
Eurosurveillance, Volume 16,
Issue 29, 21 July 2011
.
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92
COUR DES COMPTES
V - Les alternatives à l’hospitalisation
conventionnelle : un développement inégal
L’amélioration des systèmes de santé dans les outre-mer ne pourra
avoir d’impact structurel à un coût réduit qu’avec un développement des
soins ambulatoires et des alternatives à l’hospitalisation conventionnelle.
A - La chirurgie ambulatoire
Comme en métropole, la chirurgie ambulatoire s’est développée
avec retard. L’écart avec la métropole tend toutefois à se réduire aux
Antilles (Martinique surtout) et à La Réunion. Comme ailleurs, les taux
les plus élevés concernent la chirurgie du cristallin. En Nouvelle-
Calédonie, une étude de la caisse de sécurité sociale a montré en 2009
une typologie de tels actes proche de celle de la métropole et dominée par
l’ophtalmologie, l’orthopédie et l’urologie. Elle bénéficie essentiellement
à des patients du grand Nouméa. Cela pourrait inciter à développer des
solutions autres que l’hospitalisation de nuit, et notamment les actes
ambulatoires en province nord. À Papeete, une partie de l’activité
ambulatoire est intégrée à l’hôpital de jour du centre hospitalier ; ses 9 lits
sont utilisés par les ophtalmologistes, les ORL, les gynécologues et les
gastro-entérologues (2 214 patients en 2012).
Tableau n° 10 : taux de chirurgie ambulatoire, DOM, 2008 à 2011
Taux de chirurgie ambulatoire
2008
2009
2010
2011
Guadeloupe
24,3
27,9
29,9
31,0
Martinique
18,7
19,4
21,4
21,1
Guyane
6,4
8,9
7,1
12,8
La Réunion
23,4
25,9
23,2
29,2
National
26,4
28,8
30,2
32,3
Source : ATIH
B - L’hospitalisation à domicile
Plus récente qu’en métropole, l’hospitalisation à domicile (HAD)
s’est développée au point d’atteindre un taux en journées par 100 000
habitants double de celui de la métropole (moyenne 2012 :
14 776
journées contre 6 095). Le taux par 100 000 habitants est particulièrement
élevé en Guadeloupe (25 390 journées), soit le quintuple de la Martinique
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93
(5 603 journées), et en Guyane (18 875), soit une activité parfois très
supérieure à la moyenne nationale. Le manque de places en soins de suite
et de réadaptation, en services de soins infirmiers à domicile et
établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes en est
une des explications. À La Réunion, le taux est de 9 144 jours. Trois
facteurs sont avancés
64
: l’HAD serait plus facilement utilisée faute de
places
en
hospitalisation
conventionnelle;
malgré
de
mauvaises
conditions d'habitat, les solidarités familiales jouent, les familles
acceptant plus facilement les contraintes liées à ce type de prise en
charge; la forte densité d’infirmiers libéraux, couplée à une faible offre en
soins de suite et en structures médico-sociales, peut aussi faciliter le
recours à l’HAD.
Il n’y a cependant pas d’analyse fine de l’activité par structure
pour vérifier si certaines indications ne sortent pas des critères de recours
à ce type d’hospitalisation. Tout en encourageant l’HAD, les ARS
(notamment en Guyane et en Guadeloupe) ont relevé la nécessité d’éviter
le morcellement des structures et, surtout, de veiller à la pertinence des
indications par rapport aux autres prises en charge à domicile, ainsi qu’à
la sécurité et à la continuité des soins. À Mayotte, la création de places
reste à l’état de projet, comme en Nouvelle-Calédonie. À Papeete, une
activité d’HAD est adossée au centre hospitalier.
C - La télémédecine
Les ARS ont été encouragées à affecter des crédits d’assurance
maladie à cet effet, sans majoration de leurs enveloppes globales. En
2013, des expérimentations étaient jugées par elles encourageantes, de
nombreux projets étaient annoncés pour 2014, notamment en Martinique ;
peu de dispositifs étaient parvenus à maturité. Deux projets Antilles-
Guyane sont annoncés, pour le cancer (imagerie, anatomo-pathologie) et
la radiologie (examens, soins radiologiques). Le plan cancer III 2014-
2019 comprend une action en ce sens
: « développer la télémédecine
notamment pour les départements d’outre
-
mer
».
À l’écart des grands réseaux à haut débit et interconnectées
seulement depuis 2012, La Réunion et Mayotte ne pouvaient jusqu’à
64
Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne,
Les services à
domicile sanitaires, sociaux et médico-sociaux, Quels enseignements pour la stratégie
nationale de santé ?
Paris, 2013.
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94
COUR DES COMPTES
récemment accéder à des outils aussi performants qu’en métropole
65
; les
crédits informatiques prévus ont été réaffectés à des investissements
immobiliers. L’ARS constate que «
le retard pris dans la modernisation
des
systèmes
d’informations
ne
permet
pas
aux
établissements
réunionnais d’atteindre les prérequis du programme national Hôpital
Numérique. Il est donc fort peu probable que l’enveloppe allouée de
4 282 000 € puisse être consommée dans sa totalité, ce qui accroît encore
l’écart avec
[la]
métropole
». La Guyane, bénéficiant de meilleures
infrastructures, pallie la faiblesse de sa démographie médicale par des
réseaux ou expérimentations de consultation à distance, de télé-
interprétation de fond d’oeil, de télé-échographie, mais le débit insuffisant
des accès y demeure un handicap.
L’éloignement de ses îles a fait de la Polynésie française
un
précurseur
en
matière
de
télémédecine
:
dès
1991,
des
électrocardiogrammes étaient échangés entre les urgentistes hospitaliers
et les îles. À l’arrivée d'internet en 2000, les échanges s’étendent à des
photos de patients et d’imagerie radiologique. À la création du SAMU en
2005, une régulation par des médecins dédiés à cette tâche a été instaurée
avec des images fixes. Depuis peu, la transmission à très haut débit
d'images animées est expérimentée avec trois îles éloignées, ce qui peut
être utile pour des cas très spécialisés, mais serait onéreux à généraliser.
L’instabilité du personnel médical, comme celle évoquée plus haut à
propos de Mayotte, n’est pas propice au développement de la
télémédecine, qui suppose une organisation médicale éprouvée et stable.
S’y ajoute un problème de rémunération : les médecins libéraux
participent généralement aux expérimentations de manière bénévole. Les
médecins hospitaliers y sont surreprésentés, ce travail étant inclus dans
leur service de base.
Sans méconnaître les difficultés liées à la couverture en haut débit
de l’outre-mer, le développement de la télémédecine continuera un
progrès, tant pour l’égalité des chances que pour la qualité des soins.
65
Les grands opérateurs privés de télécommunication, peu nombreux dans l’océan
indien, ont limité leurs investissements outre-mer à cause de la petitesse du marché, et
usent parfois de positions monopolistiques.
Les éditeurs de progiciels ne sont guère
représentés sur place, ce qui ne facilite pas le soutien technique dont auraient besoin
des équipes hospitalières restreintes.
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95
VI - La gestion des ressources humaines : un enjeu
essentiel
Relever tous les enjeux de situations sanitaires marquées par des
difficultés nombreuses et souvent de grande ampleur exige que l’appareil
de soins puisse à tous les niveaux et dans toutes ses composantes disposer
des professionnels nécessaires et en assurer la gestion immédiate et
prévisionnelle la plus efficiente possible. Qu’il s’agisse de la médecine
ambulatoire ou du secteur hospitalier, les difficultés sont considérables à
cet égard. Quelques exemples l’illustrent ici (cf. aussi l’annexe 23 à
propos du centre hospitalier de Cayenne).
A - Le vieillissement des professionnels de santé : des
difficultés accrues à anticiper
L’âge moyen des médecins en activité régulière dépasse 50 ans
sauf pour les généralistes de Guyane et de Mayotte ; en Polynésie
française, un tiers des praticiens déclarant être actifs ont plus de 54 ans.
Certaines zones ont un tiers de médecins de plus de 60 ans ; certains
DOM n’ont plus aucun spécialiste de moins de 60, voire 65 ans dans des
disciplines telles que l’oncologie. Il en résulte un risque de régression des
effectifs libéraux ou hospitaliers, là où la perception d’un manque
d’attractivité dans la profession perdure, comme à Mayotte, ou se
développe. Ce risque est substantiel en Guyane
66
.
Dans les DOM, les généralistes des cantons les moins bien dotés
sont aussi parmi les plus âgés, ce qui annonce des difficultés de maintien
à terme de leurs cabinets. Le vieillissement de la population médicale -
salariée et libérale - devrait conduire à mettre en place une politique de
renouvellement qui est à ce jour à peine esquissée. Les médecins âgés de
65 ans et plus - qui demeurent partiellement actifs, quoique déjà en quasi-
totalité retraités - sont en moyenne 16 % contre 23 % dans cette tranche
d’âge en métropole.
66
Les champs statistiques varient selon les sources : ainsi les « actifs à part entière »
de la CNAMTS excluent les médecins installés dans l’année, ou actifs après 65 ans,
ou praticiens hospitaliers à temps plein, ou non conventionnés, soit outre-mer 317
médecins et 61 M€ de chiffre d’affaires.
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96
COUR DES COMPTES
Tableau n° 11 : répartition des médecins par âge
67
1.1.2013
Guadeloupe
Martinique
Guyane
La Réunion
Wallis et Futuna
Saint-Pierre et
Miquelon
Mayotte
Polynésie
Française
Nouvelle-
Calédonie
total
Métropole
>=65 ans
19
22
14
13
13
29
6
17
14
16
23
55-64 ans
31
29
27
28
69
24
27
28
30
28
32
50-54 ans
15
14
12
14
13
19
14
18
18
14
14
45-49 ans
11
11
10
12
19
13
14
11
12
10
40-44 ans
11
9
14
11
6
10
12
12
11
11
8
35-39 ans
8
8
12
11
15
8
9
10
7
<= 34 ans
6
8
9
10
13
4
7
9
7
%
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
Nombre
1247
1180
538
2650
16
21
175
642
807
5827
266 202
Source : Ordre national des médecins, 2013. Tous modes d’exercice (libéral,
salarié, public, privé)
.
Deux médecins conventionnés seulement à Mayotte.
Ce tableau 11 montre que les 55-64 ans dépassent 27 % partout
ailleurs (sauf à Saint-Pierre et Miquelon). C’est certes moins qu’en
métropole (32 %), mais les départs massifs à la retraite commencent alors
que les établissements et les organisations professionnelles font état de
difficultés pour attirer outre-mer de nouveaux médecins.
Le solde des arrivées et des départs reste certes positif, sauf en
Martinique qui n’est pas le département le plus mal doté, et à Mayotte en
ce qui concerne les médecins libéraux. Il n’est toutefois pas certain que
cette tendance suffise à rapprocher les densités ni qu’elle soit de nature à
éviter que la croissance démographique attendue ne creuse davantage de
tels écarts. Ainsi, nombre d’arrivants à La Réunion se sont installés sur la
côte ouest, cadre de vie attrayant mais déjà médicalement saturé. De
surcroît, beaucoup de praticiens déplacent leur cabinet d’un outre-mer à
un autre, ce qui n’augmente pas leur nombre global.
67
Le nombre de médecins en activité recensés en Nouvelle-Calédonie est de 657 au
15 septembre 2013, soit moins que l’ordre national des médecins n’en décompte, sans
que cette différence n’ait reçu d’explication. Médecins hospitaliers inclus (ils ne le
sont pas dans les deux tableaux suivants.
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97
La situation est variable dans les autres professions. Les
infirmiers
sont plus jeunes, formés le plus souvent sur place et ne posent guère de
problèmes de recrutement. En Nouvelle-Calédonie, les problèmes de
sécurité constituent cependant une difficulté pour les infirmières ou les
sages-femmes isolées. En Polynésie française, la réactivation annoncée de
l’obligation pour les infirmiers intervenant uniquement à domicile de
supporter les coûts d’installation d’un cabinet est vivement critiquée par
eux. Quant aux personnels de santé des DOM relevant de l’action sociale
et médico-sociale, le ministère des affaires sociales ne dispose pas de
statistiques complètes et récentes qui permettent d’en analyser la
composition. Ce serait pourtant une information utile pour assurer un
minimum de pilotage. En tout état de cause, ces problématiques de
recrutement doivent d’autant plus être anticipées que, à l’encontre de
l’image idyllique des séjours outre-mer, certains environnements peuvent
apparaître parfois peu attrayants, du fait notamment des difficultés à
trouver un emploi pour le conjoint, des conditions de scolarisation des
enfants jugées parfois, insatisfaisantes, des tensions provoquées par une
précarisation croissante des patients, notamment lorsque des effets de
seuil les privent de dispositifs comme la couverture maladie universelle
complémentaire (CMU- C). Dans les zones isolées, la difficulté de se
faire remplacer et la nécessité d’être disponibles 24h sur 24
68
contribuent
à dissuader les professionnels de santé de venir ou de rester, d’autant que
peuvent se poser des questions de sécurité. Ces constats justifient qu’une
concertation s’engage avec les professions concernées dans le cadre du
volet outre-mer de la stratégie nationale de santé.
La sécurité des professionnels de santé et de leurs familles
La stabilité et la répartition des professionnels de santé sont affectées
par le fait que certains quartiers ou secteurs ruraux sont perçus comme de
plus en plus dangereux, qu’ils y aient leur domicile ou leur cabinet :
cambriolages à répétition, agressions même si les visites à domicile sont
parfois sécurisées par des « grands frères » respectés. Il arrive que de
nouveaux arrivants repartent prématurément pour la métropole. Sans une
énergique sécurisation des conditions de vie là où l’État est perçu comme
défaillant à cet égard, les perspectives en matière d’attractivité pour les
professionnels de santé deviendraient plus sombres encore.
68
Cf.
infra
à propos des urgences.
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B - Des niveaux de rémunération libérale parfois élevés
Les ressources fréquemment faibles des patients d’outre-mer
peuvent limiter leur accès aux soins. Par contraste, les statistiques font
apparaître des niveaux parfois très élevés d’honoraires par rapport à ceux
de métropole. Le tableau ci-après montre les écarts par départements (voir
l’encadré méthodologique à la page suivante).
Tableau n° 12 : écarts d’honoraires médicaux, secteur libéral
Nombre
Moyenne annuelle, €
Omnipraticiens libéraux
Guadeloupe
275
159 885
Martinique
235
161 093
Guyane
79
205 940
La Réunion et Mayotte
724
225 660
Métropole
53 855
141 357
Polynésie française
77 847
Spécialistes libéraux
Guadeloupe
200
301 570
Martinique
145
264 092
Guyane
34
239 732
La Réunion et Mayotte
360
331 736
métropole
43 375
273 377
Polynésie française
185 096
Auxiliaires médicaux libéraux
Guadeloupe
1 174
101 762
Martinique
1 192
98 684
Guyane
249
101 747
La Réunion et Mayotte
2 387
98 446
Métropole
140 085
72 579
Sources : CNAMTS, actifs à part entière ; Caisse de prévoyance sociale Polynésie
française.
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99
Précautions méthodologiques
Les « honoraires » évoqués dans ces tableaux 12 et 13 sont à
interpréter avec précaution, comme en métropole. D’une part, sont à en
déduire les frais professionnels : locaux, secrétariat, formation, déplacement,
remplaçants ayant le même numéro professionnel, charges sociales non prises
en charge par l’assurance
maladie. D’autre part, s’y ajoutent les
dépassements non déclarés, les honoraires reçus de cliniques privées, les
expertises et actes effectués pour des non-assurés sociaux. Par ailleurs,
certains professionnels n’exercent qu’à temps partiel (231 professionnels des
DOM ont facturé en 2011 moins de 15 000 €, et 190, entre 15 000 et
30 000 €).
Tableau n° 13 : honoraires bruts par spécialités, DOM, 2011
DOM 201l,
actifs à partir
entière
Nom-
bre
Honoraires(€)
Dont par tranches de milliers €/an
moyens
maximal
195
à
300
300
à
450
450
à
600
600
à
750
750
à
900
900
à
1 200
1
200
à
1 500
plus
de
1 500
Radiologie
93
594 505
1 676 120
2
19
22
18
11
7
1
4
Cardio-vascu.
68
339 745
662 783
25
23
13
3
Néphrologie
14
337 436
518 991
2
3
6
Stomatologie
13
330 625
1 214 222
4
1
1
1
1
Ophtalmol.
75
330 621
944 201
19
25
9
3
2
1
Chir. Orthop.
16
327 734
547 116
3
7
3
Anesthésie-ré.
49
317 255
642 743
18
16
5
1
Pneumologie
15
263 607
572 215
7
3
1
Gastro-entér.
33
249 637
519 549
9
9
2
Oto-rhino-lar.
32
246 121
595 278
11
8
2
Gynécologie
90
243 601
611 663
28
19
8
1
Chirurgie
44
233 064
546 302
12
10
3
Neurologie
15
209 539
692 844
6
1
1
Omnipratici.
1 349
194 815
1 031 443
395
150
31
3
4
1
Dermato-vén.
38
190 349
374 200
14
4
Pédiatrie
52
178 468
417 981
15
5
Psychiatrie
37
163 140
391 375
10
2
Rhumatologie
19
160 091
268 552
4
Chirurgie
plast.
11
150 119
326 902
1
1
Endocrino.mé
15
117 624
227 472
2
Infirmiers
2 761
117 907
604 323
241
31
3
1
Masseurs-kin.
1 425
80 865
330 462
20
6
Sages-
femmes
171
74 623
304 424
1
1
Orthoptistes
41
70 134
266 195
2
Orthophonistes
413
51 808
153 677
Pédicures
108
3 176
97 468
Total
6 997
851
344
109
32
26
9
2
4
Source : CNAMTS, actifs à part entière
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100
COUR DES COMPTES
Une autre approche est celle de l’ensemble du chiffre d’affaires
professionnel (et non pas seulement des prises en charge par l’assurance
maladie). Dans les quatre DOM hors Mayotte, les médecins libéraux ont
globalement un résultat fiscal inférieur de 10 % à leurs confrères
métropolitains, mais pour des patients dont le pouvoir d’achat est très
inférieur à la moyenne nationale.
Tableau n° 14 : chiffre d’affaires et résultat fiscal, DOM, 2011
69
2011
Code activité
Praticiens
1. Chiffre
d’affaires
M€
2. Résultats
fiscaux
M€
%
DOM
(2/1)
% 2/1
Métro-
Pole
8621Z
Médecins généralistes
1 743
385,5
158,8
41 %
45 %
8622A
Radiothérapie et diag.
71
29,2
7,7
26 %
30 %
8622B
Activités chirurgicales
47
11,5
6,6
57 %
50 %
8622C
Autres spécialistes
540
122,2
53,8
44 %
49 %
851C
Pratique médicale
3
0,4
0,3
75 %
56 %
Total /
moyenne
4 DOM
2 404
549
227
41 %
Métropole
117 608
24 158
10 840
45 %
Source : DGFiP, Bureau des statistiques fiscales
C - L’effet des majorations géographiques sur le coût de
la vie dans les outre-mer
Les majorations dont bénéficient les professionnels libéraux et les
fonctions publiques outre-mer sont instituées notamment pour tenir
compte des surcoûts de la vie par rapport à la métropole.
69
Le résultat fiscal ou imposable représente ici la différence entre les recettes de
l’activité libérale (honoraires, expertises, indemnités, remboursements de frais par
l’assurance maladie, en particulier.) et les dépenses de fonctionnement, avant impôt
sur le revenu et hors des ressources non professionnelles. Les moyennes prennent en
compte 1,9 M€ de résultats déficitaires dans les DOM. Les médecins déclarent les
honoraires rétrocédés à leurs remplaçants (315 en 2011), qui, eux, ne les déclarent
pas.
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DES SYSTEMES DE SANTE A LA PEINE
101
Les effets des coefficients géographiques
Pour les soins ambulatoires comme pour le secteur hospitalier, sont
fixés des coefficients géographiques afin de prendre en compte des surcoûts
considérés comme inhérents aux DOM-COM, hors Pacifique. Dans le secteur
libéral,
les
négociations
conventionnelles
aboutissent,
selon
des
méthodologies variables selon les périodes et les rapports de force, à des
coefficients différents d’un outre-mer à l’autre. Dans les hôpitaux, les
dotations hospitalières versées par l’assurance maladie tiennent « compte des
surcoûts immobiliers, salariaux et fiscaux constatés dans certaines zones
géographiques, ainsi que des charges spécifiques »
70
. La Réunion a ainsi le
coût moyen par équivalent temps plein hospitalier le plus élevé de France,
loin devant l’Île-de-France, malgré un taux de charges sociales très inférieur
(36 %) à la moyenne nationale qui est de 51 % selon un échantillon de 910
établissements.
Alors que le revenu moyen outre-mer est sensiblement
inférieur à celui de la métropole, ces majorations renchérissent le coût de la
santé. Les coûts unitaires ainsi majorés ont pour effet d’augmenter les
éventuels frais restant à la charge des patients et de réduire, pour une
enveloppe donnée, le volume de consultations et de prises en charge.
Dans un avis du 8 septembre 2009, l'Autorité de la concurrence a
indiqué que selon les relevés effectués par la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sur un
échantillon de 100 produits importés de métropole dans quatre DOM, les
écarts de prix en magasin avec la métropole dépassaient alors 55 % pour
plus de 50 % de ces produits. La plus récente enquête de comparaison des
prix produite par l'INSEE a confirmé qu’en 2010 le niveau moyen général
des prix était supérieur de 6 à 13 % selon les outre-mer. Les écarts les
plus marqués concernaient les produits alimentaires: + 38,5 % pour la
Guyane, + 29 % pour la Martinique, + 24 % pour La Réunion, + 22 %
pour la Guadeloupe
71
. Aucune comparaison récente et plus fine du coût de
la vie pour les familles des catégories socioprofessionnelles dont relèvent
les personnels de santé n’a été produite.
70
S’agissant de la fonction publique hospitalière, les agents fonctionnaires en service
dans les DOM perçoivent une majoration de traitement indiciaire de 25 %. A cette
indemnité de vie chère s’ajoute un complément qualifié de « temporaire », mais en
réalité pérenne, de 10 % pour les fonctionnaires en service à La Réunion et de 15 %
pour ceux de Guadeloupe, Martinique et Guyane (Mayotte atteindra de même une
majoration total de 40 % en 2017, après des paliers annuels instaurés à cet effet en
2013.
71
Cf. Projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses
dispositions relatives à l'outre-mer, étude d'impact, Sénat, septembre 2012, page 9.
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102
COUR DES COMPTES
La Cour n’est pas à même d’apprécier si les multiples formes de
compensation du coût de la vie sont à un juste niveau
72
. Mais l’existence
de majorations des tarifs conventionnelles de rémunérations au travers
des coefficients « géographiques » provoque de forts surcoûts pour
l’assurance maladie. À ces majorations peuvent s’ajouter parfois dans
certains établissements de santé des avantages divers tels que logement,
nourriture, véhicule de fonction pour des médecins remplaçants. À l’effet
« prix » qui en découle pour les soins, s’ajoute dans le secteur libéral un
effet volume. La demande de soins est parfois si forte qu’elle entraîne des
horaires de travail très lourds, les cabinets ouvrant avant le lever du soleil
et fermant parfois tard. La durée moyenne d’une consultation est en
revanche parfois très inférieure à celle de métropole du fait de la demande
ou par choix du professionnel. On a pu observer jusqu’à une soixantaine
de consultations quotidiennes pour un praticien. De même, des infirmiers
interviennent à domicile avec une amplitude horaire dépassant celle de la
métropole, ce qui conduit parfois à des conflits avec l’assurance maladie
du fait de majorations tarifaires qui prêtent à discussion pour actes dits de
« nuit » autour de 8 h ou 20
h.
L’importance des montants perçus n’empêche pas que des
pressions parfois brutales ont été exercées sur des caisses de sécurité
sociale pour obtenir des majorations supplémentaires, notamment en
Guyane où a été revendiqué le bénéfice, jusqu’à présent refusé, d’un
classement en zone franche pour bénéficier d’une exonération d'impôt au-
delà de la réduction fiscale de 40 % déjà accordée dans certains secteurs.
72
Un cas différent est celui des écarts incohérents entre majorations de tarifs imposées
par l’État à son Établissement français du sang : par exemple, 52,3 % en Martinique
mais 31,3 % seulement en Guadeloupe alors que les indicateurs y sont
particulièrement préoccupants : consommation croissante mais taux de destruction de
réserves périmées très élevé, et médiocrité d’autres indicateurs. L’application de
l’octroi de mer à ces produits issus de l’altruisme des donneurs de sang mériterait au
demeurant d’être reconsidérée par les collectivités qui l’imposent.
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D - La gestion du personnel hospitalier : un manque de
rigueur préjudiciable
1 - Des sureffectifs chroniques
Le
secteur
hospitalier
outre-mer
fonctionne
comme
un
« amortisseur social » avec pour conséquence des recrutements de
personnels non médicaux en sureffectif, sous la pression syndicale ou
politique. Près de la moitié des vingt établissements publics de santé,
totalisant une quarantaine de sites, visités par la Cour ont fait état de
sureffectifs et paraissent impuissants à y remédier. Depuis 2010, la
vigilance des ARS et des directions a réduit le risque d’embauches ne
correspondant pas aux nécessités les plus urgentes, mais leur autorité
reste à renforcer face à des situations extrêmes, dont la charge pour
l’assurance maladie est durable, au détriment du financement des soins.
L’intégration de 750 agents au centre hospitalier de Mayotte
De 2004 à 2009, l’État a transféré au centre hospitalier de Mayotte, au
fil du regroupement par ce dernier des services sanitaires de cette île, la
gestion de 750 agents locaux qui avaient antérieurement été recrutés par les
services de l’État et des collectivités locales - sans garantie d'adéquation aux
profils requis dans la fonction publique hospitalière. Certains étaient payés à
l’heure. Un tiers d’entre eux ne maîtrisait pas le français ; cela incluait des
chauffeurs dépourvus de permis de conduire. La gestion du centre, qui
poursuit leur formation professionnelle, en a été durablement handicapée, aux
dépens de l’assurance maladie.
Le ministère des outre-mer considère que des réductions d’effectifs
amélioreront à terme la performance des structures hospitalières locales,
sous l’effet des fins de contrats, des départs naturels à la retraite, ou de
reconversions dans le secteur médico-social. Ces orientations rejoignent
les observations de la direction de la sécurité sociale qui indique quelles
sont, selon elle, les voies de redressement : « amélioration de la
productivité des équipes, diminution des surcapacités et accompagnement
à la mobilité des personnels ». Ces orientations, qui ne sont pas nouvelles,
restent largement à concrétiser. À cette situation problématique s’ajoutent
des pratiques critiquables dans la gestion du temps de travail.
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L’onéreuse élasticité des promotions et des horaires de travail
Dans un des CHU, l’habitude a été prise de réunir les instances
paritaires de manière aléatoire, avec des retards préjudiciables à la carrière
des agents : il en résulte des tensions suivies de mouvements sociaux, puis de
protocoles de résolution de fin de conflit aboutissant, de manière habituelle
mais irrégulière, à des titularisations rétroactives, sans concours ni mise en
stage, parfois même sans vérification de diplôme, ainsi que par des
promotions sans avis de la commission administrative paritaire. Ces
protocoles engendrent des surcoûts conséquents et de nouvelles inégalités qui
suscitent de nouveaux conflits dans un climat général d’impunité. La
direction des ressources humaines du CHU demeure largement désorganisée,
dépourvue de cadres comme d’outils de suivi du temps de travail et
d’ajustement de la paie en cas d’absence injustifiée. Le suivi de la masse
salariale, de l’absentéisme et des décharges syndicales est mal documenté.
Les règles de temps de travail demeurent disparates non seulement
entre les outre-mer et entre leurs établissements mais aussi au sein d’un
même établissement. Parfois, l’obligation d’effectuer dix demi-journées
hebdomadaires pour un poste à temps plein est inégalement appliquée. Quand
elle l’est, la durée effective travaillée par demi-journée n’est pas toujours
contrôlée. Le paiement d’heures supplémentaires suscite en pareil cas des
interrogations sur la réalité du service fait.
Des établissements ont opté pour la journée continue dans des
conditions telles que la chambre territoriale des comptes (CTC) a constaté
qu’au centre hospitalier de Papeete, en dépit d’une délibération contraire de
l’assemblée de la Polynésie française, les médecins n’effectuent dans le cadre
de celle-ci que le tiers seulement de leur activité, les deux autres tiers leur
étant payés en sus au titre des gardes et astreintes. À l’identique de cette
organisation du temps de travail médical, l’organisation retenue pour les
autres
catégories
de
personnels
est
aussi
génératrice
de
surcoûts
essentiellement liés au paiement d’heures supplémentaires qui en découle.
Ainsi, le temps de travail du personnel administratif est fondé pour la
majorité sur le principe de la journée continue de 7h30 à 15h30 du lundi au
jeudi, et de 7h30 à 14h30 le vendredi. Le temps de travail réel n’est donc pas
de 39h par semaine mais de 36h30, si la durée maximale de la pause repas
fixée à 30mn par le règlement intérieur est bien respectée. Cette organisation
du temps de travail serait sans conséquence dans un établissement
administratif dont le fonctionnement s’arrête effectivement à 15h30. Il n’en
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est pas de même dans un hôpital, établissement qui par définition doit
fonctionner 24h sur 24. Le temps effectivement travaillé après 15h30, jusqu’à
17h30 dans certaines fonctions administratives, est donc payé en heures
supplémentaires. Aussi, l’organisation du temps de travail au CHPF en demi-
journée et non en journée continue permettrait, comme l’a souligné la
CTC,
des économies substantielles tant au titre des gardes et astreintes pour
le personnel médical qu’au titre des heures supplémentaires pour le personnel
administratif.
Ces pratiques exposent aussi au risque de recrutements de personnels
supplémentaires dont l’économie pourrait être faite s’il était veillé au respect
des obligations de service.
Se constatent ainsi de très sensibles écarts d’effectifs entre
établissements ayant des activités de même type.
De 140 à 289 journées d’hospitalisation par agent…
73
… tel est l’écart entre les deux établissements suivants, à vocation
locale
,
où prédominent les lits pour personnes dépendantes et en soins de
suite et de réadaptation :
- 140 journées de prises en charge par an et par agent : jusqu’en 2013, le
centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau (Guadeloupe) mobilisait 127
agents (112 en 2014), dont dix cadres, et 2,7 ETP de généralistes pour 76
lits et places dans des locaux certes médiocres ; son extension va résorber en
partie les excédents de personnel ;
- 289 journées de prise en charge par an et par agent : le moderne hôpital du
François (Martinique) ne mobilisait, lui, que 55 agents et 1,87 ETP médicaux
(plus des médecins libéraux) pour 55 lits (15 897 journées en 2011) ;
Peuvent aussi être rapprochés, avec les mêmes précautions :
- l’hôpital de Saint-Barthélemy et ses 28 agents, plus 4 ETP de généralistes,
pour 20 lits, de nombreuses consultations et 9 072 habitants permanents ;
- le centre hospitalier de Saint-Pierre et Miquelon et ses 211 agents, plus
15 ETP médicaux, pour 95 lits et 6 312 habitants. Il a été choisi de doter ce
dernier d’une plus grande autonomie, malgré la proximité d’un CHU
canadien
73
Le CH de Capesterre comportait alors 49 lits : 16 en médecine, 18 en soins sans
suite et de réadaptation (SSR), 15 en longue durée (14 666 journées), 15 places (2 877
journées) d’hospitalisation à domicile (HAD) et 12 places en accueil de jour. Le CH
de Saint-Barthélemy assurait 5 305 journées, 6 741 consultations externes et 7 683
passages aux urgences en 2011.
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à une distance comparable avec celle entre Saint-Barthélemy et la
Guadeloupe, choix qu’explique en partie une moindre régularité des
transports, notamment en hiver.
2 - Des équipes de direction hospitalière souvent en difficulté
Les ressources humaines hospitalières devraient être gérées avec
une efficience à la hauteur des surcoûts qui pèsent sur l’assurance
maladie
.
Les cadres hospitaliers qui prennent leurs fonctions dans de tels
contextes doivent affronter, à des degrés et avec un sentiment d’isolement
souvent plus lourds qu’en métropole, des successions de crises sanitaires
mais aussi sociales. Assurer le respect des obligations de continuité et de
qualité des soins et de respect de la réglementation en matière d’horaires
de travail est une gageure là où ont été généralisées depuis longtemps des
plages
de
travail
anormalement
réduites
ou
des
écarts
parfois
considérables entre la réalité et les critères de qualité dont la HAS et
l’Autorité de sûreté nucléaire, notamment, voire les commissions
d’incendie et de sécurité, assurent le contrôle.
Les efforts des équipes de direction se heurtent à des intérêts
personnels ou sectoriels, défendus avec une vigueur parfois contraire à
l’intérêt général. Les tensions internes apparaissent plus vives encore
qu’en métropole. Ainsi des blocus de bâtiments administratifs ou des
grèves de plusieurs semaines sont loin d’être rares quand on cherche à
appliquer des règles de la fonction publique hospitalière souvent perdues
de vue, comme le constatent fréquemment les chambres régionales et
territoriales des comptes.
Or, si des progrès ont été accomplis, la constitution des équipes de
direction soulève bien des difficultés qui se renforcent quand certaines
affectations se révèlent inadaptées ou sont soit trop brèves soit trop
longues. Le recrutement est opéré selon les contraintes statutaires
nationales, sans qu’il soit prêté suffisamment attention au contexte très
particulier
et
parfois
difficile
des
territoires
ultramarins.
Des
établissements peuvent ainsi souffrir durablement d’erreurs d’affectation
qu’une sélection plus adéquate des profils en fonction des postes à
pourvoir permettrait d’éviter ou de réduire
74
.
74
À pu être ainsi agréée une candidature jugée «
très faible, manque de confiance en
soi, pas de vision stratégique
». Une information complète n’éclaire pas toujours la
procédure.
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La difficulté d’attirer les cadres avec leur famille loin de métropole
dans des environnements parfois tendus, ne saurait cependant expliquer
certaines situations injustifiables. Les rapports de l’inspection générale
des affaires sociales et des chambres régionales et territoriales des
comptes relèvent souvent des fautes de gestion, dont la gravité, sans être
de nature pénale, aurait mérité à tout le moins une mutation sinon une
sanction. C’est ainsi qu’en Antilles-Guyane, un directeur d’hôpital a été
rémunéré, « en recherche d’affectation » mais sans succès, jusqu’à un
départ différé en retraite, bien que sa gestion ait été notoirement
désastreuse ; un autre est resté longtemps en fonctions après de
semblables constats.
Les juridictions financières ont pu constater que les ministères et le
centre national de gestion des praticiens hospitaliers, des directeurs
d'hôpitaux et des concours et examens, informés de cas manifestes de
manquements à la probité, ne réagissent qu’avec une extrême prudence et
une grande lenteur. Cette attitude n’encourage ni les ARS ni les directeurs
d’établissement à prendre les mesures nécessaires pour faire cesser des
comportements individuels critiquables.
Ces difficultés ne doivent cependant pas occulter les efforts de
nombre d’équipes de direction, dans un contexte souvent usant.
3 - Des équipes médicales inégalement dimensionnées et souvent
instables
S’agissant des effectifs médicaux, de forts contrastes s’observent,
notamment en chirurgie comme le montre le tableau ci-après. La
nécessité d’assurer une gamme large d’interventions dans des bassins de
vie dont la population reste limitée peut certes en partie expliquer les
raisons pour lesquelles il y a dans les Antilles moitié plus de chirurgiens
par 100 000 habitants qu’en métropole. Mais le ministère n’a produit
aucune analyse comparative entre DOM de cette répartition ni des
rééquilibrages à envisager. L’instabilité des praticiens outre-mer et les
fréquentes vacances de postes sont en tout état de cause un lourd
handicap pour la continuité des soins et des équipes.
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Tableau n° 15 : activité par chirurgien hospitalier, DOM, 2012
Établissements
publics de santé
Chiffre
d’affaires T2A
(M€)
Chirurgiens
salariés
CA par
chirurgien
(euros)
Chirurgiens
pour 1 000
habitants
Guadeloupe
58,9
86
681 066
0,21
Martinique
72,4
92
786 903
0,23
Guyane
20,2
41
486 283
0,19
La Réunion
144,4
150
962 308
0,18
Métrop.+DOM
8 930
9 748
916 078
0,15
Source : PMSI 2012, SAE 2012. Traitement : FHF. Mayotte n’est pas en T2A
La situation la plus choquante en termes de santé publique est celle
de Mayotte. Son centre hospitalier connaît un taux extraordinairement
élevé de rotation des personnels : jusqu’à 500 médecins y exercent
chaque année, alors qu’ils ne sont que 190 présents en moyenne. Ce sont
pour moitié des remplaçants venus de métropole avec des contrats
inférieurs à six mois, voire parfois limités à un mois: en 2012, il en est
résulté une arrivée et un départ de médecin par jour ouvrable. Quant à la
rotation des personnels non médicaux, elle y est de 17 % (325 arrivées et
307 départs en 2012). Les frais de déplacement et de déménagement y
représentent un montant de 1 233 € par ETP, quatre fois plus qu’au CHU
de La Réunion (337 € par ETP). Comme dans d’autres outre-mer, les
avantages en nature liés aux contrats très brefs rendent les contrats plus
longs moins attractifs.
Ces difficultés de recrutement entraînent de fait la tentation de
verser des indemnités et des avantages de fonction (logement, véhicule)
dans des conditions irrégulières relevées par les chambres régionales et
territoriales des comptes comme à Mayotte, ainsi que des prises en charge
onéreuses de frais récurrents de transport et d’installation pour de trop
brefs séjours, notamment du fait de l’afflux de remplaçants ou vacataires
aux rémunérations élevées venant périodiquement de métropole pour
quelques semaines par exemple à Mayotte, Nouméa et Saint Pierre-et-
Miquelon.
E -
Un appareil de formation à renforcer
L’une des clés d’une meilleure attractivité des emplois dans les
outre-mer est le renforcement des formations de leurs étudiants. Un
dixième seulement des médecins nés en France et exerçant dans les outre-
mer est originaire de ces derniers : une meilleure formation de personnels
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de santé originaires d’outre-mer, mieux calibrée et coordonnée en
fonction des priorités, serait à cet égard de bon sens
75
. Des débouchés
mieux assurés dans l’enseignement et la recherche localement comme au
retour éventuel en métropole rendraient les outre-mer plus attractifs pour
les spécialistes, avec une meilleure qualité des soins et moins
d’évacuations sanitaires. Les outre-mer constituent de surcroît des terrains
scientifiques insuffisamment valorisés. Les conditions spécifiques des
soins outre-mer sont favorables au développement de pratiques
innovantes et de coopérations internationales.
Les DOM comptent deux CHU aux Antilles (1985) et un à La
Réunion (2012) avec les trois premières années d’études ainsi que
certaines spécialités
76
. Leur développement étant récent, il n’y a pas de
statistiques de taux de retour pour exercer sur place. En 2012-2013,
l’université Antilles-Guyane comptait 44 professeurs des universités-
praticiens hospitaliers (PU-PH), maîtres de conférences des universités-
praticiens hospitaliers (MCU-PH) et professeurs associés, ainsi que
16 chefs de clinique-assistants des hôpitaux. Pour une population
équivalente, l’université de La Réunion, de création plus récente,
bénéficie de seulement 5 PU-PH, 7 MCU (financés par redéploiements
internes à l’université) et d’aucun chef de clinique-assistant ; cela est
clairement insuffisant au regard de leurs populations étudiantes
respectives comme des enjeux incluant Mayotte.
75
Un tiers des médecins nouvellement inscrits outre-mer en 2012 étaient titulaires
d’un diplôme non pas français mais d’un autre pays, européen (14,5 %) ou extra-
européen (18,6 %), principalement à Mayotte, en Polynésie française et à Saint-Pierre
et Miquelon.
76
On dénombrait en 2012-2013, aux Antilles-Guyane, 1 068 étudiants en 1ère année
commune de santé, 131 en 2
ème
année de médecine (contre 88 en 2009-2010), 97 en
3
ème
année (contre 68). À La Réunion : 785 en 1
ère
année, 81 en 2
nde
année. En
Nouvelle-Calédonie, 28 en 1
ère
année ; en Polynésie française : 140. La DGOS a versé
pour la formation médicale initiale des crédits d’État de 2011 à 2013 pour 2,4 M€ en
Guadeloupe, 0,7 M€ en Guyane, 2,1 M€ en Martinique et 3,9 M€ à La Réunion.
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COUR DES COMPTES
Des dispositifs de formation en santé qui font l’objet de priorités
inégales
L’ARS et le rectorat de La Réunion ont mis en place une classe
préparatoire aux métiers de la santé, afin d’en faciliter l’accès, notamment
pour que davantage de jeunes réunionnais deviennent médecins. En revanche,
c’est l’un des départements où l’attractivité des instituts de formation en
soins infirmiers (IFSI) conduit à un excédent d’infirmiers. Aux Antilles-
Guyane, un institut universitaire interrégional de formation aux métiers de la
santé est en projet depuis 2010, mais la DGOM n’en avait pas encore été
informée début 2013. À un niveau plus modeste, les ministères ont envisagé
d’abandonner prochainement, sans analyse stratégique préalable des besoins,
un institut de formation de boursiers venant d’outre-mer aux carrières
sanitaires et sociales (IFCASS), alors que le ministère des outre-mer souligne
que ce groupement d’intérêt public financé par eux assure « une parfaite
adéquation entre les formations préparées et les viviers d’emplois proposés
tant dans l’hexagone que dans les régions ultramarines (…) l’État évalue
aujourd’hui, auprès des Conseils régionaux ultra-marins et celui de Haute-
Normandie [où est installé cet institut, et qui a exprimé à la Cour une position
négative], l’opportunité de conserver un tel dispositif (…). Des pistes
aboutissant à une augmentation notable du nombre de stagiaires et à une
diversification de l’offre de formations sont également à l’étude ».
Une absence générale de chefs de clinique-assistants des hôpitaux,
et d’assistants en pharmacie pénalise la formation des internes
particulièrement là où manquent des généralistes : l’encadrement des
cours, les liens avec la médecine de ville et le nombre de maîtres de stage
motivés sont à renforcer. Dans la même optique, une garantie de
réaffectation au retour d’une mobilité outre-mer pour les praticiens
hospitaliers aguerris faciliterait leur recrutement, sans les contraindre à
renoncer à leur carrière hospitalière en métropole. De telles mobilités
accompagnées d’activités de recherche seraient à valoriser dans un cursus
hospitalo-universitaire. Cela appelle une politique de ressources humaines
plus novatrice, avec davantage de
contrats « d’engagement de service
public
77
» décennal, encore très rares outre-mer.
77
Allocation mensuelle de 1 200 € à partir de la deuxième année de médecine, en
échange d’une installation dans une zone déficitaire en médecins.
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111
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
____________
En
dépit
de
substantiels
efforts
financiers
supportés
par
l’assurance maladie, les systèmes de santé outre-mer sont très fortement
à la peine. Les difficultés recensées sont le reflet, souvent amplifié, de
celles constatées de longue date en métropole. L’organisation des
systèmes de soins a certes progressé sur le terrain, mais très inégalement.
Les actions de prévention n’ont pas bénéficié d’une priorité qui
permettrait de réduire les surcoûts et plus encore les pertes de chances.
L’offre de soins ambulatoires demeure excessivement hétérogène,
inégalement accessible et déséquilibrée par rapport à l’offre hospitalière.
D’importants rééquilibrages sont nécessaires. La difficulté de recruter
des professionnels de santé va être multipliée au rythme de départs
massifs à la retraite, en dépit de niveaux de revenus parfois élevés. Les
délégations de tâches aux professionnels paramédicaux dans le cadre des
nouvelles coopérations interprofessionnelles sont une solution à mettre
en oeuvre rapidement.
Dans le secteur hospitalier, nombre de services combattent, au
mieux des moyens dont ils disposent, des risques sanitaires d’une
ampleur et d’une acuité particulièrement redoutables. Leur action ne
peut cependant s’adosser à la gestion efficiente qui serait indispensable
pour relever des enjeux d’une pareille importance.
Les dérives récurrentes qui se constatent dans la gestion d’une
part significative des établissements, qu’il s’agisse de sureffectifs
chroniques ou d’investissements dispendieux et inadaptés, se traduisent
par des surcoûts au détriment des prises en charge, à la qualité pour le
moins inégale, selon l’appréciation de la Haute Autorité de santé, et dans
certains secteurs, comme la psychiatrie ou la couverture sanitaire des
détenus, très gravement insuffisantes par rapport aux besoins ou
particulièrement fragile comme en matière de permanence des soins.
Financièrement, les lourds déficits hospitaliers qui se constatent
de manière répétitive, principalement aux Antilles, appellent, au-delà
d’aides exceptionnelles qui se renouvellent d’année en année pour des
montants considérables, des stratégies plus fermes de réorganisations
structurelles permettant de dégager d’indispensables gains d’efficience,
qu’il s’agisse du développement des alternatives à l’hospitalisation
conventionnelle,
d’un
pilotage
beaucoup
plus
rigoureux
des
investissements pour s’assurer d’un retour réel en termes de productivité
et éviter des dérapages incessants de calendrier et de coûts, d’une
maîtrise rigoureuse des charges de personnels.
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COUR DES COMPTES
Les défis sanitaires des outre-mer obligent tous les acteurs des
systèmes de santé à se mobiliser pour un meilleur usage des moyens
considérables dont ils sont comptables en termes d’accessibilité, de
qualité et de sécurité des soins.
Ces différents constats conduisent la Cour à formuler les
recommandations suivantes :
3.
charger les agences régionales et territoriales de santé de
rééquilibrer les financements au profit d’un programme de
prévention spécifique, et accompagner les efforts des gouvernements
du Pacifique en ce domaine ;
4.
développer outre-mer dans des délais rapides les protocoles de
coopération entre professionnels de santé, nouveaux ou par extension
de protocoles métropolitains, s’agissant notamment des infirmiers,
des sages-femmes et des orthoptistes ;
5.
développer outre-mer les dispositifs règlementaires (contrats
d’engagement de service public, postes de praticien territorial de
santé) destinés à pallier les disparités territoriales d’installation des
médecins
et
veiller
à
l’application
active
des
mécanismes
conventionnels de régulation visant à résorber les inégalités de
densité des professionnels libéraux de santé (médecins, dentistes,
infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes) ;
6.
recentrer l’hôpital sur les pathologies les plus lourdes, en
développant les prises en charge médicales et médico-sociales
alternatives à l’hospitalisation, en renforçant la permanence des
soins de ville et en améliorant le pilotage des urgences hospitalières ;
7.
rendre plus efficiente la gestion hospitalière en veillant attentivement
au recrutement d’équipes de direction expérimentées, en renforçant
les équipes médicales, notamment par la mobilité outre-mer de
praticiens hospitaliers avec une garantie de réaffectation au retour
en métropole et l’affectation de chefs de clinique-assistants des
hôpitaux, et en mettant fin aux sureffectifs constatés ;
8.
rendre obligatoire l’intervention de l’agence nationale d’appui à la
performance des établissements de santé dès la phase de conception
des projets de construction ;
9.
envisager d’instaurer une obligation de service public outre-mer
relative aux conditions d’évacuation sanitaire et d’acheminement
aérien des médicaments.
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Chapitre III
La nécessité d’une stratégie publique
Le rôle de l’État outre-mer en matière de santé publique a été
profondément transformé. S’il conserve en effet le pouvoir de décision
dans les DOM, la compétence dans le domaine de la santé ne lui
appartient plus dans les collectivités du Pacifique.
Une pluralité de statuts
.
Les départements et régions d’outre-mer (DOM)
78
, tous régis par
l’article 73 de la Constitution, comportent :
le département de
Mayotte
;
deux départements qui sont en même temps des régions
(Guadeloupe,
La Réunion)
;
et deux autres départements-régions (
Martinique et Guyane
)
,
qui
deviendront une collectivité unique à partir de 2015.
En outre, cinq collectivités d’outre-mer (COM) relèvent de l’article
74 de la Constitution :
78
Chacun des quatre DOM (hors Mayotte) est aussi désigné par le sigle DROM
(département et région d’outre-mer).
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114
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Saint-Barthélemy
et
Saint-Martin
,
anciennes
communes
de
la
Guadeloupe transformées en COM en 2007 et dotées chacune d’un conseil
territorial, ont les mêmes lois que la métropole avec parfois des dérogations ;
Saint-Pierre-et-Miquelon
a ses propres institutions et deux communes,
sous le contrôle de l’État ;
La
Polynésie française
jouit d’un régime d’autonomie. Les règles
applicables aux collectivités de métropole doivent y être expressément
étendues par voie législative (régime de spécialité législative) ;
avec un statut prenant en compte l’existence de trois monarchies et d’un
droit coutumier, les
îles Wallis-et-Futuna
ont un régime de spécialité
législative.
Enfin, la
Nouvelle-Calédonie
est une collectivité
sui generis
(titre XIII
de la Constitution), également sous le régime de spécialité législative.
Ce dispositif institutionnel complexe ne justifie pas que l’État
demeure trop souvent en retrait, sans vue suffisante ni pilotage adapté de
l’ensemble de la santé outre-mer. Si comme le reconnaît le ministère de la
santé, la diversité juridique des territoires ultramarins, couplée à leur
diversité géographique, est sans doute à l’origine du déficit de gestion et
d’observation de la santé, avec des niveaux hétérogènes de dépenses, de
ressources et des statistiques tels que relevés
par les juridictions
financières, il n’est pourtant pas dépourvu de leviers d’action, certes
différents d’un outre-mer à l’autre.
C’est à l’aune de cette diversité des acteurs politiques et
administratifs comme des régimes sociaux que doit être repensée l’action
publique dans le cadre d’une démarche d’ensemble s’appuyant sur une
approche plus fine et décentralisée en termes de priorités comme de
cohérence et de mobilisation que le plan de santé outre-mer de juillet
2009 ne l’a recherché, faute de véritable impulsion (I).
Les exemples contrastés de Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon, et
Wallis-et-Futuna, qui illustrent les défaillances d’un État pourtant en
situation de responsabilité directe, soulignent l’urgence d’une stratégie
globale visant à progressivement améliorer la situation de chacun des
outre-mer en fonction des réalités qui lui sont spécifiques (II).
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
115
I - L’État trop souvent en retrait
A - Un pilotage national défaillant
1 - Une vision éclatée
79
Aucune direction de ministère ne maîtrise la cohérence des
politiques et des décisions budgétaires ayant un impact sur la santé dans
les outre-mer. La direction générale des outre-mer (DGOM) s’y emploie
certes, mais avec des effectifs réduits de près de moitié depuis 2007. Son
département de la cohésion sociale, de la santé, de l’éducation, de la
culture et de la jeunesse et des sports affecte un peu plus d’un équivalent
temps plein à la santé, hors secteur médico-social. L’extrême modestie de
ses moyens dans le domaine de la santé appelle une révision du mode de
coordination avec les directions et agences relevant des autres ministères
concernés. Elle a utilement proposé aux directions du ministère des
affaires sociales et de la santé la désignation et la réunion périodique de
référents « outre-mer » à partir de 2014 ainsi qu’une ou deux réunions
annuelles des directeurs généraux et de ceux des ARS d’outre-mer. Cette
pratique est à renforcer, en y associant les directions d’autres ministères,
les agences sanitaires et la « mission outre-mer » de la direction de
l’administration pénitentiaire, comme le reconnaissent les ministères.
La DGOM n’a ni la vocation ni les moyens de suivre la mise en
oeuvre des politiques de santé dans chaque outre-mer, mais elle partage le
constat de la nécessité pour elle de disposer de données de santé sur les
territoires hors DOM établies selon des méthodes et des périodes
comparables à celles des DOM. Elle pourrait aussi encourager la
Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française à recourir davantage aux
agences sanitaires nationales.
79
La Cour a réitéré en 2011 des recommandations du
Rapport public annuel 2005.
Chapitre II - Observations sur l'organisation et la gestion de l'État et de ses
opérateurs
:
sur le ministère de l’outre-mer (
Rapport public annuel 2011
, Les services
centraux chargés de l’outre-mer, pages 81-91), disponible sur
www.comptes.fr
Elles
demeurent en partie pertinentes. La DGOM participe aussi deux fois par an aux
réunions mensuelles des directeurs généraux d’ARS d’outre-mer au ministère de la
santé, et envisage de renouveler, sous forme d’une conférence annuelle, les ateliers
« santé outre-mer » qui avaient rassemblé les 7 et 8 juin 2010 les ministères, préfets,
caisses, etc.
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116
COUR DES COMPTES
Le ministère des affaires sociales et de la santé ne s’est guère
adapté pour maîtriser une politique d’ensemble envers l’outre-mer.
Chaque direction a certes désigné un référent outre-mer, qui
y consacre
une part variable de son temps, mais sans feuille de route ni coordination
interne clairement définies ; des indicateurs appropriés, partagés entre
directions et actualisés pour rendre compte des déterminants de santé et
des résultats atteints font défaut. Le secrétariat général a la tutelle des
ARS et la charge des relations internationales, mais il réunit rarement
ensemble les directions, les ARS et les agences nationales concernées.
Ses tableaux de bord relatifs aux ARS sont lacunaires, souvent
inexploitables en l’absence de collecte ou de comparabilité d’une partie
des données.
La direction générale de l’offre de soins (DGOS) estime à
plusieurs équivalent temps plein sa charge de travail relative aux outre-
mer. Ses interventions en matière de retour à l’équilibre des
établissements de santé déficitaire sont nombreuses. La direction générale
de la santé (DGS) a une capacité de synthèse illustrée par un état des
lieux sur la santé outre-mer réalisé pour la présente enquête fin 2012,
mais une stratégie d’ensemble fait défaut. Un chargé de mission
coordonne depuis 2014 un réseau de référents « outre-mer » dans chaque
composante de cette direction.
Les contrats d’objectifs et de performance
des agences sanitaires ne les mobilisent guère outre-mer, mais la direction
générale de la santé prévoit de les réunir désormais avec les ARS
concernées.
La fragmentation des actions de l’InVS
De l’absence de pilotage par la DGS résulte, par exemple, une
fragmentation des actions outre-mer de l’InVS. Cela affaiblit le partage des
connaissances, l’amélioration des systèmes de surveillance, l’analyse et
l’interprétation de données. Le potentiel inutilisé de synergie est illustré,
a
contrario
, par son apport en Nouvelle-Calédonie lors de l’épidémie H1N1.
En l’absence de ligne directrice, certaines agences sanitaires se
sont largement désintéressées des outre-mer, au point de les rattacher
parfois, sans emplois dédiés, aux affaires internationales. Un suivi
méthodique est toutefois assuré par certaines, comme l’agence de
biomédecine, ou encore, à un degré plus variable, par l’institut national
du cancer. La volonté récente du secrétariat général du ministère de
mieux coordonner la prise en compte de ces spécificités est un premier
pas, à condition qu’elle puisse s’appuyer sur des données plus
promptement actualisées, plus rigoureusement harmonisées et plus
fréquemment partagées et croisées.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
117
2 - Des concours directs mal connus
L’État organise le financement du système de santé par l’assurance
maladie dans les collectivités d’outre-mer, sauf en Nouvelle-Calédonie et
en Polynésie française, où ses interventions sont limitées à un
accompagnement
financier
ponctuel,
principalement
pour
des
constructions et des urgences en cas d’épidémie ou de catastrophe.
Les concours budgétaires directs de l’État sont relativement
modestes mais leur total est mal connu, en l’absence de tableau de bord.
Ils financent à hauteur de quelques dizaines de millions d’euros chaque
année des investissements hospitaliers dans le Pacifique, et des
bonifications de taux d’intérêt de prêts accordés aux hôpitaux par
l’agence française de développement. Ses autres dépenses d’intervention
sont minimes : le fonctionnement et les investissements de l’agence de
Wallis-et-Futuna, pour quelque 25 M€ par an, de celle de Saint-Pierre et
Miquelon, ou encore le financement par la direction générale de la santé
des observatoires régionaux de santé.
S’y ajoutent des interventions du service de santé des armées et de
l’établissement public de réponse aux urgences sanitaires, outre un
montant non documenté de crédits alloués à de multiples opérateurs, faute
que soient récapitulées les dépenses ainsi effectuées. Tel est par exemple
le cas de l’institut de veille sanitaire (InVS), qui y affecte plus d’1 M€ par
an en personnels et moyens de fonctionnement, principalement pour les
quatre cellules interrégionales d’épidémiologie des DOM. Il conviendrait
ainsi que l’État et les opérateurs nationaux rendent compte annuellement
des moyens qu’ils ont affectés et prévoient d’affecter à chaque outre-mer.
En Nouvelle-Calédonie, l’État n’aura versé que 20,8 des 31 M€
« santé » annoncés au contrat de projet 2006-2010, faute de crédits de
paiement. Fin 2013, moins de la moitié des versements prévus entre 2006
et 2015 avaient été effectués.
Les versements au titre du contrat 2011-
2015 devaient toutefois s’accélérer prochainement au rythme des
constructions hospitalières, qui en absorbent la quasi-totalité.
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118
COUR DES COMPTES
Tableau n° 16 : contrats de projet État-Nouvelle-Calédonie
Source : Haut-commissariat en Nouvelle-Calédonie
La consommation des crédits de paiement du contrat de projet
État-Polynésie française 2008- 2013 n’a pas été plus prompte, notamment
en raison de l’impréparation du contrat de part et d’autres, dans un
contexte de fréquents changements ministériels territoriaux. Ce contrat ne
reflète toutefois dans son volet « santé » qu’une fraction de l’apport de la
métropole. Le Haut-commissariat estime en effet qu’à la fin des années
2000 l’État a aussi apporté 37,58 Mds de FCP (314,94 M€) à la
reconstruction du centre hospitalier du Taanoe (
cf. supra
), par le biais de
la dotation globale de développement économique, soit plus de la moitié
de la construction (273 M€) et des équipements (41,5 M€).
80
Les aides de la métropole seraient à attribuer sur des bases plus
claires, et récapitulées de manière transparente. Cet effort financier
devrait aussi être accompagné par la définition d’objectifs quantifiés en
termes d’économie et d’efficience sur le terrain. Cela appelle une
meilleure organisation de l’action de l’État.
89 infirmiers et « surveillants » de Polynésie française : 6,7 M€/an
L’État rémunère en sus du contrat de projet 89 infirmiers et
« surveillants » (6,7 M€ en salaires et charges en 2013), en application d’une
loi de 1966 et d’une convention de 1985 à durée illimitée relative au « corps
de l’État pour l’administration de la Polynésie française » (CEAPF) dans la
limite des crédits ouverts par les lois de finances. Ils sont répartis entre le
centre hospitalier de Papeete (un quart) et les archipels. Leur coût augmentera
en raison de revalorisations et rappels différés à 2014.
80
« FCP » et « XPF » signifient « Franc Change Pacifique ».
Volet santé, part de l’État, M€
Prévisions
cumulé versé
2006-
2010
2011-
2015
2006-
2015
2006-
2012
2006-
2013
compléter l'offre de soins de proximité
27
44
71
20
31
optimiser les urgences
3
3
2
2
veille sanitaire et lutte antivectorielle
1
1
total
31
44
75
22
33
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
119
3 - Une coordination interministérielle très lâche
En 2009, le conseil économique, social et environnemental avait
recommandé, sans qu’il n’y soit donné aucune suite, de créer « une
structure dédiée à l’organisation de la santé en outre-mer qui regrouperait
l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ de la santé », en
augmentant les partages d’expériences entre outre-mer
81
. De l’avis des
ministères eux-mêmes, la coordination interministérielle de la santé outre-
mer est à renforcer ; la direction générale des outre-mer a ainsi indiqué à
la Cour que « consciente des enjeux en cause, [elle] partage également ce
constat, et souhaite aboutir à une gouvernance renouvelée, condition
indispensable à une action concertée, efficace et de qualité au service des
territoires ultramarins ». Au niveau des services, la préparation et la
concrétisation des décisions interministérielles, voire des engagements
internationaux, restent lacunaires ou tardives.
Des risques croissants induits par les flux de voyageurs
La responsabilité de l’État est d’autant plus éminente que les
transports aériens qu’il doit réguler sont non seulement un enjeu logistique
crucial en cas d’urgence sanitaire, mais aussi un facteur croissant de risque
épidémique : plus de 10 millions de passagers voyagent au départ et à
l’arrivée des aéroports d’outre-mer (200 000 mouvements commerciaux),
dont plus du tiers de et vers la métropole – où vivent plus de 370 000
résidents originaires d’outre-mer – et d’un cinquième de et vers d’autres
pays. À cet égard, il est préoccupant que huit années aient été nécessaires
pour
mettre
en
oeuvre,
incomplètement,
le
règlement
sanitaire
international (cf. annexe 20).
Aucun comité interministériel n’a été tenu sur la santé outre-mer
depuis 2009, bien que doivent être préparés des entretiens annuels avec
les responsables gouvernementaux de la Nouvelle-Calédonie et de la
Polynésie française.
81
Jacqueline André-Cormier,
L’offre de santé dans les collectivités ultramarines,
Paris, CESE, 2009, 184 pages. L’avis en découlant a formulé près d’une centaine de
recommandations, dont aucun document de suivi n’a été identifié en 2013.
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COUR DES COMPTES
Le ministère des affaires sociales et de la santé n’a au demeurant
pas affecté toutes les ressources humaines nécessaires pour accélérer
l’adoption et la mise en oeuvre des extensions et adaptations du droit
métropolitain à l’outre-mer : ainsi, un travail considérable a été entrepris
pour
établir
les
textes
consacrant
en
matière
sociale
la
départementalisation de Mayotte, mais trois ans plus tard, il n’est pas
achevé, ce qui recule d’autant des mises à niveau indispensables en
termes d’organisation du système de santé et d’accès effectif aux soins.
Ces retards dans le droit de la santé affectent dans certains cas le
droit constitutionnel à
la santé.
De nombreuses dispositions en attente de transposition
Au ministère chargé de la santé, le tableau récapitulatif des
dispositions
législatives
, parfois anciennes, à étendre ou adapter témoigne de
l’ampleur de la charge pour ce dernier. Il remplit, par exemple, sept pages
pour la seule Nouvelle-Calédonie : créer un ordre des infirmiers en Nouvelle
Calédonie ou la chambre de discipline au conseil de l’ordre des pharmaciens
de Polynésie française
82
, hébergement de données et identifiant de santé,
dispositions relatives à la recherche biomédicale, aux tissus, cellules, produits
du corps humain et leurs dérivés, indemnisation de victimes d’accidents
médicaux, autopsies, etc. Jusqu’à plus de quatorze années se sont écoulées
avant que commencent à y être effectivement applicables les lois de
bioéthique, dont la première était en vigueur en métropole depuis 1994, l’État
ayant tardé à promulguer des textes réglementaires.
Il n’y a ainsi eu dans le
Pacifique aucune activité de greffe ou de prélèvement avant le décret 2011-
806 du 5 juillet 2011 relatif au don et à l’utilisation d’organes, de tissus ou de
cellules à des fins thérapeutiques. Depuis 2013, les ministères se réunissent
plus régulièrement pour identifier les retards majeurs.
Participe de ce même défaut de coordination et de mobilisation le
fort contraste qui ne peut manquer d’étonner entre la fréquence des
inspections générales et la modestie des suites qui leur sont données.
Depuis des décennies, des dizaines de rapports d’inspection générale,
principalement de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), ont
été consacrés à la santé outre-mer, sous des prismes plus ou moins larges.
Le suivi des recommandations a été fréquemment tardif et toujours
82
Le principe de l’inscription au tableau d’un ordre relève de l’État, ainsi que
l’organisation juridictionnelle en ce domaine, tandis qu’un code d’ordre professionnel,
et notamment les modalités d’inscription, sont de la compétence de la Nouvelle-
Calédonie et de la Polynésie française.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
121
lacunaire, ainsi que quelques exemples l’illustrent par ailleurs, en dehors
des mesures concrétisées d’emblée lors d’utiles missions d’administration
provisoire d’établissements.
Les ministères ont pu parfois conserver certains rapports
confidentiels, sans les transmettre aux équipes concernées, au risque d’en
annihiler l’impact. Ainsi, fin 2009 puis en 2013 un rapport de l’inspection
générale des affaires sociales sur le fonctionnement de l’agence de santé
de Wallis-et-Futuna n’a pas été transmis au préfet alors en poste, et
président ès-qualité du conseil de cette agence. Le commandant depuis
2012 du centre de rétention de Mayotte évoqué plus loin a découvert en
septembre 2013 lors de l’enquête des juridictions financières un rapport
du contrôleur général des lieux de privation de liberté (2009), et un
chapitre du rapport public annuel 2011 de la Cour des comptes, tous deux
recommandant
d’apporter
localement
des
améliorations
au
fonctionnement de ce centre.
L’administration polynésienne dispose d’une inspection générale
dont les constats sur la très mauvaise gestion des ressources humaines des
établissements et services de santé n’ont pas été suivis d’effet. Cette
inspection n’a jamais été chargée d’enquêter sur l’organisation de l’offre
de soins, ni récemment sur la gestion du centre hospitalier de Polynésie
française ou sur celle de la caisse de prévoyance sociale que subventionne
le territoire.
B - Des leviers différents selon les outre-mer
1 - Des administrations sanitaires outre-mer inégalement outillées
Quatre DOM ont une agence régionale de santé (ARS) identique
dans leurs attributions sinon dans leur importance à celles de métropole,
mais le cinquième, Mayotte, relève de celle de La Réunion (bien que ses
habitants soient aussi nombreux qu’en Guyane, elle-même à une distance
similaire de l’ARS de Guadeloupe). Saint-Barthélemy et Saint-Martin
relèvent de cette dernière ARS, tandis que l’administration territoriale de
santé (ATS) de Saint-Pierre et Miquelon et l’agence de santé (ADS) de
Wallis- et-Futuna relèvent du préfet.
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COUR DES COMPTES
Les quatre ARS des DOM déclinent les orientations ministérielles
par un travail méthodique, identique à celui des agences de métropole
mais dans des conditions que l’éloignement rend parfois encore plus
délicates. Leurs responsabilités sont larges, notamment au travers des
contrôles qu’il leur revient de diligenter (et dont elles usent parfois peu,
notamment
en
matière
de
contrôle
approfondi
des
officines
pharmaceutiques).
Leurs
ressources
humaines
sont
généralement
appropriées, en dépit de quelques difficultés récurrentes de recrutement
ou de rotation accélérée des affectations. Les serv
ices
de l’État
sous
l’autorité des préfets entretiennent un dialogue avec elles, mais la
coordination interservices de terrain est perfectible. Il en va de même
avec les collectivités locales, pour ce qui concerne leurs responsabilités
propres, notamment pour les conseils généraux en matière de PMI, de
lutte antivectorielle ou de dépendance.
Les gouvernements de Nouvelle-Calédonie et, avec un ministre de
la santé, de Polynésie française ont leurs propres administrations de la
santé. En Nouvelle-Calédonie, une direction des affaires sanitaires et
sociales met en oeuvre la politique du gouvernement néo-calédonien sous
le contrôle d’un de ses membres. Elle a notamment en charge la
réglementation, la santé, le secteur médico-social, le handicap, la
dépendance, la protection sociale et protection judiciaire de l’enfance et
de la jeunesse. Ses effectifs sont inférieurs à ceux d’une ARS (moitié
moins nombreux qu’en Guyane), avec, hors gestion d’établissements ou
services de santé, 45 collaborateurs d’un niveau équivalant à ceux des
ARS. Une agence sanitaire et sociale avec ses 21 agents assure la
promotion de la santé et coordonne notamment le dépistage du cancer du
col de l’utérus. Les trois directions provinciales de la santé, autonomes,
développent leurs propres politiques de santé, avec un maillage important
de dispensaires et d’actions de prévention.
Le ministère de la santé de la Polynésie française comprend,
depuis un décret de 1957, la direction de la santé, celle des affaires
sociales et un délégué général à la protection sociale dépourvu de
collaborateurs.
Ils
élaborent
la
réglementation
et
en
contrôlent
l’application, et gèrent aussi nombre de services, dispensaires et
établissements. Cette direction de la santé avec ses subdivisions insulaires
compte le tiers des cadres et spécialistes dont dispose la Nouvelle-
Calédonie. L’agence chargée de la prévention a été supprimée en 2010
alors que la sagesse eut commandé d’en redresser la gestion. Cela
explique la chute des moyens observée en ce domaine (cf. supra
à propos
de la prévention). Le gouvernement polynésien constate « la pauvreté de
l’encadrement existant ». Notant « la confusion » entre les fonctions de
pilotage et de contrôle, il envisage à juste titre une entité de régulation
chargée des missions d’évaluation, de réglementation, de planification et
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
123
de contrôle, et un recentrage de la direction de la santé sur la coordination
et la mise en oeuvre de la politique publique.
Il prévoit en revanche de maintenir la gestion directe par
l’administration centrale des petits hôpitaux, ce qui apparaît peu
judicieux
83
. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, l’inspection
générale des affaires sociales ne peut intervenir qu’à la demande des
gouvernements territoriaux, de même, en général, que les agences
sanitaires nationales. Il est regrettable que l’État n’incite pas davantage
celles-ci à proposer leur expertise alors que les administrations
territoriales du Pacifique souhaitent leur appui.
2 -
Des systèmes de couverture sociale hétérogènes
Parmi les déterminants de santé, la couverture par une assurance
maladie est un atout majeur. Les lois de finances de l’État et de
financement de la sécurité sociale s’appliquent aux quatre DOM hors
Mayotte. La situation est différente entre les DOM et les autres outre-mer.
Mayotte et Saint-Pierre et Miquelon sont coordonnés avec le régime
général sans y être encore intégrés, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie
83
Chambre territoriale des comptes
Rapport sur la mission santé (2003-2009)
,
/Publications/Publications/Collectivite-d-outre-mer-polynesie-
francaise-mission-sante-polynesie-francaise. La Polynésie française exerce cette
compétence propre depuis un décret du 22 juillet 1957. Selon le gouvernement
polynésien, « les pouvoirs politiques ne disposent plus aujourd’hui de tous les leviers
pour remplir pleinement leur rôle de décideur dans la gouvernance du système. La
refondation du mode de gouvernance sous l’angle d’une administration régulatrice du
système de santé ainsi qu’une refonte des statuts de la caisse de prévoyance sociale
participera à rétablir la prééminence des institutions de la Polynésie française dans les
processus de décision » (réponse du 16 septembre 2013 à la chambre territoriale au
rapport d’observations provisoires du 3 juillet 2013 relatif à la gestion de la
collectivité de la Polynésie française - le système de santé et son financement –
enquête de suivi, exercices 2010 et suivants
).
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COUR DES COMPTES
française ont leurs propres systèmes et les dépenses de santé à Wallis-et
Futuna sont financées par l’État.
84
Les freins dans l’accès aux droits et aux soins
Les permanences d’accès aux soins de santé (article L. 6112-6 du code
de la santé publique) ont augmenté à 14 (contre 5 en 2003), ce qui reste
insuffisant. Les projets labellisés en matière de droits des usagers demeurent
rares. Les files d’attente sont dans certaines zones fréquentes, tant devant les
cabinets médicaux qu’aux guichets des organismes de sécurité sociale et
commencent parfois dans la nuit, plusieurs heures avant l’ouverture (y
compris pour des malades).
Le ministère a incité à améliorer l’accueil par des modernisations
immobilières et par une plateforme téléphonique commune entre la Guyane
et la Martinique en 2014. Le rapport annuel 2012 de l’association
Médecins
du monde
a néanmoins pu mettre vivement en cause les conditions d’attente
aux guichets de la caisse générale de sécurité sociale de Guyane, les retards
de la carte Vitale, et une instruction des dossiers souvent très longue et d’une
traçabilité inégale. Du fait de la croissance démographique, cette caisse fait
face à un accroissement constant des demandes de CMU, CMUc et aide
médicale d’État, au rythme de près de mille nouveaux dossiers pendant
chacun des premiers mois de 2014.
Par ailleurs, à l'office national d'indemnisation des accidents
médicaux, des affections
iatrogènes et des infections
nosocomiales
(ONIAM), 114 des 252 demandes d’outre-mer entre 2008 et 2012 ont eu
satisfaction, mais ses commissions de conciliation n’existent qu’en Antilles-
Guyane, où rares sont les experts locaux sans conflit d’intérêts, et à La
Réunion.
Le quorum n’y est que difficilement atteint. Chacune examine
84
Un rapport au Premier ministre a aussi noté que « si le recours initial à la CMUc se
déroule de façon globalement satisfaisante (…) les renouvellements s’avèrent
problématiques, (…) aussi du fait de l’isolement des demandeurs (forte proportion de
femmes seules avec enfant) et d’un taux d’analphabétisme particulièrement élevé. »
(Aline ARCHIMBAUD, sénatrice,
L’accès aux soins des plus démunis, 40
propositions pour un choc de solidarité
, Paris, 2013). En Guyane, l’usage des langues
bushinenguées et amérindiennes comme d’adresses postales limitées à un numéro de
« Point Kilométrique » sont des complications additionnelles. Par ailleurs, la déléguée
interministérielle pour l'égalité des chances des français d'outre-mer souligne les
difficultés financières de patients attendant jusqu’à plusieurs années en métropole une
transplantation. Les patients, voire un accompagnateur, ont droit à une modeste
indemnité journalière, dans des conditions variables.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
125
quelque quatre dossiers par an, trop peu pour une solide jurisprudence. Dans
les autres outre-mer, seuls les dommages
imputés à la recherche sont
indemnisables. La Nouvelle-Calédonie a vainement demandé en 2010 une
extension des dispositions relatives à la responsabilité médicale, et
souhaiterait, à défaut, une convention avec l’ONIAM.
La caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) applique, elle,
une ordonnance de 1996 relative à l’amélioration de la santé publique
d’État ; formellement, il s’agit d’un régime distinct du régime général.
Elle prend en charge intégralement les résidents affiliés, sans qu’il y ait
couverture complémentaire ni aide médicale. La caisse de compensation
des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des
travailleurs salariés de Nouvelle-Calédonie (CAFAT, 110 000 cotisants)
et la caisse de prévoyance sociale de Polynésie française (CPS, 58 000
salariés cotisants) relèvent directement des gouvernements territoriaux.
La tutelle de la CAFAT et de la CPS
La CAFAT de Nouvelle-Calédonie et la CPS de Polynésie française
s’inspirent en partie de la CNAMTS dans leurs plans d’action et rapports
d’exécution, mais leurs tutelles sont loin de disposer de moyens de pilotage
appropriés. Les rapports de force confèrent à ces caisses une autonomie
souvent large, surtout dans les périodes d’instabilité gouvernementale.
Ainsi, en Polynésie française, le rythme quasi annuel de changement
de ministre de la santé depuis vingt ans est aggravé par la faiblesse de
l’administration : la tutelle de l’ensemble des branches gérées par la CPS est
assurée par un seul cadre, de manière très bien documentée mais avec un
pouvoir effectif des plus réduits, et sans que l’inspection générale de
l’administration du territoire dispose de toutes les compétences nécessaires à
des audits en ce domaine.
La Nouvelle-Calédonie n’a également qu’un cadre spécialisé.
L’acceptation de leurs propositions et la rapidité des procédures n’en sont pas
améliorées. En revanche, d’utiles contacts techniques sont entretenus par
elles avec les caisses nationales de métropole.
Les accords de coordination conclus entre ces deux caisses et
l’assurance maladie métropolitaine ne concernent que la prise en charge
d’affiliés en déplacement. Ces deux caisses connaissent depuis quelques
années un déficit croissant
85
, avec plus encore qu’en métropole des
85
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie indique que des mesures récentes vont
ramener la CAFAT à l’équilibre financier en 2014 après un déficit de 57 M€.
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répercussions sur les prestations, notamment hospitalières. Or, leurs
charges vont s’accroître structurellement : coefficients majorateurs des
rémunérations hospitalières, augmentation des pathologies chroniques
lourdes ou encore mise en service du nouvel hôpital principal, déjà
intervenue en Polynésie française, et prévue en 2016 en Nouvelle-
Calédonie.
Les relations entre les ARS et les caisses chargées de l’assurance
maladie, ou l’équivalent des unes et des autres hors DOM, sont d’une
densité inégale, et parfois perçues par les ARS comme plus courtoises
qu’opérationnelles
86
. La dissymétrie dans la couverture sociale par
rapport à la métropole est plus rarement à l’avantage des assurés sociaux :
ainsi, le tiers-payant a été généralisé depuis plus d’une décennie à La
Réunion, dont le conseil général attribue également des « chèques-santé »
sous certaines conditions.
C - Le plan santé outre-mer de 2009 : « une faible
impulsion stratégique »
Le plan santé outre-mer de 2009, qui a fait l’objet d’une large
concertation auprès des élus, des conférences de santé, des fédérations,
syndicats et associations, a eu le mérite d’attirer l’attention sur les retards
sanitaires et a cherché à définir des priorités. Il est à la fois trop tôt pour
tenter d’en apprécier les résultats, qui visaient principalement le moyen
terme et le long terme, et trop tard, faute que des indicateurs appropriés
aient été inclus dans ce plan puis renseignés année après année. À
l’opposé des recommandations de la Cour en matière de cohérence des
plans de santé publique et de leur suivi, ce plan a été en effet caractérisé
par
l’absence
d’une
durée
de
mise
en
oeuvre
comme
d’une
programmation budgétaire. L’absence de compte rendu d’exécution de ce
plan et le plus souvent de traçabilité des crédits effectivement dépensés
par l’État et l’assurance maladie ne permet pas non plus d’en dresser un
bilan chiffré.
86
La recommandation n° 1 du rapport 2013 de l’inspection générale des affaires
sociales sur Mayotte, d’un pilotage plus coopératif avec les directions des ministères
concernés et avec les financeurs, et le fait qu’elle n’avait eu, début 2014, aucune suite
en illustrent la nécessité.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
127
Le seul engagement calendaire était la réduction de moitié entre
2009 et 2014 de l’écart entre les taux de mortalité infantile (à moins d’un
an, sur le total d’enfants nés en vie) d’outre-mer et ceux de métropole,
ambition loin d’être atteinte (cf. chapitre I).
Ce plan n’a pas, entre autres
lacunes, mentionné l’importance de la lutte antivectorielle ni pris en
compte celle d’une action sur les déterminants de santé alors que ces
derniers et leurs interactions ont des impacts variables mais souvent forts.
Comme l’a noté un rapport parlementaire en 2011, le plan a pâti «
d’un
manque de coordination interministérielle et d’une faible impulsion
stratégique au sein du ministère de la santé
87
»
. Depuis cette date,
aucune stratégie nationale n’a été arrêtée pour les outre-mer.
La mise en oeuvre des six priorités du Plan santé outre-mer
Formation
:
le plan entendait remédier au déficit de médecins (de
deux fois moins par habitant aux Antilles qu’en métropole à vingt fois moins
en exercice libéral à Mayotte). Les première, deuxième et troisième années de
médecine ont continué à être développées sur place. Leur impact sur le
recrutement local sera mesurable à partir de la fin de la décennie. Pour
l’instant, les médecins d’origine locale doivent finir leurs études en
métropole et y restent souvent.
Recherche
:
des priorités étaient fixées, portant sur les maladies
infectieuses, aux maladies tropicales et à prédisposition génétique, et aux
pollutions environnementales spécifiques (mercure en Guyane, chlordécone
aux Antilles). Seul ce dernier sujet a bénéficié de moyens significativement
accrus.
Risques
naturels
:
la
programmation
de
mises
aux
normes
parasismiques des établissements hospitaliers à risque a été poursuivie. Une
enveloppe spécifique n’a pas été prévue dans le plan Hôpital 2012 et la part
des outre-mer (de l’ordre de 2,2 %) n’y a pas été augmentée, même si
certains projets ont été autorisés dans ce cadre (ainsi, en Guadeloupe, les
établissements de Capesterre, de Pointe Noire et du Raizet étaient en 2013 en
cours de reconstruction, et le CHU sera reconstruit d’ici 2020, tous devenant
conformes aux normes).
87
Rapport d’information n° 764, fait au nom de la commission des affaires sociales du
Sénat suite à une
mission en Martinique et Guyane
, Paris,
juillet 2011, page 5.
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COUR DES COMPTES
Pour la
continuité territoriale
,
des projets de télémédecine et de
téléformation ont été développés, avec en 2013 un nombre limité
d’expérimentations et non documenté d’utilisateurs.
Face aux
difficultés financières
, devaient être identifiés les effets et
les insuffisances des aides antérieures à la résorption des créances
irrécouvrables et aux activités structurellement déficitaires. Des enveloppes
importantes ont été attribuées aux CHU antillais, après que leur déficit se soit
considérablement aggravé jusqu’en 2012, et des missions d’appui ont été
déclenchées, sans revue générale avant septembre 2013.
L’objectif de
coopération interrégionale et internationale
était limité
au recensement des projets et à leur poursuite, pour favoriser dans les États
voisins la constitution d’une infrastructure de santé et éviter que des patients
ne viennent des Comores à Mayotte, de Madagascar à La Réunion, du
Surinam à la Guyane. Contre
la
drépanocytose
, il était prévu d’améliorer la
qualité des soins et le dépistage néonatal. «
Près d’1 M€
» a été effectivement
redéployé dans le cadre du Plan Maladies Rares 2010-2014.
Aux objectifs initiaux ci-dessus, un comité réuni par le Président
de la République à la suite d’états généraux de l’outre-mer a ajouté à la
fin 2009 l’annonce de formations médicales et paramédicales, d’un cursus
complet aux Antilles, d’un pôle de recherche « santé environnement » à
l’Institut Pasteur de Guadeloupe, d’une filière hospitalo-universitaire à La
Réunion, d’instituts de formation aux métiers de la santé, de campagnes
« ambitieuses » de dépistage, en particulier pour le VIH, mais sans
davantage d’indicateurs ni de calendrier.
II - Quatre situations difficiles : Mayotte, la
Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-
Futuna
Le pilotage par l’État de la santé publique est plus difficile quand
la concertation implique des collectivités fortes et un grand nombre
d’acteurs. Mais le résultat n’est pas plus convaincant lorsque l’État a un
rôle prééminent, voire quasi-exclusif. L’action publique s’y révèle
marquée par un manque de vision d’ensemble, de cohérence et
d’efficacité, comme le montrent les situations respectives de Mayotte,
comparable sous nombre d’aspects à La Guyane, de Saint-Pierre-et-
Miquelon, et Wallis-et-Futuna, l’un et l’autre atypiques.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
129
A -
Mayotte
L’archipel de Mayotte a été érigé en département en 2011, mais
trois
handicaps
ont
perduré.
En
premier
lieu,
une
explosion
démographique est largement attribuable aux dizaines de milliers de
comoriens en situation irrégulière. Nombre de rapports d’inspection ont
mis en garde contre le deuxième handicap : l’absence d’un système de
santé équilibré entre soins de premier recours et prise en charge
hospitalière, dont le centre hospitalier assure seul la presque-totalité. La
édonie et de la Polynésie française.
Chambre territoriale des comptes Rapport sur la mission santé (2003-
2009),
1 - Une pression démographique explosive
Mayotte avait 23 000 habitants en 1958. Elle en a dix fois plus
aujourd’hui, avec selon l’INSEE 212 644 habitants début 2013. La
proportion de la population immigrée est passée de 33 % en 2002, à
40 %
en 2007, et probablement plus encore en 2014. Le rythme des naissances
a toutefois récemment baissé de quelque 7 700 par an à 6 651 en 2013.
16 000 clandestins examinés, 1 000 noyades et 3 000 enfants à la rue
Trois chiffres, estimés par la préfecture et non contestés par les
administrations centrales, caractérisent la dramatique singularité de Mayotte.
Le premier est la reconduite dans les 24 heures de quelque 16 000
clandestins chaque année. Plus qu’ailleurs, les flux comoriens sont
partiellement motivés par la demande de soins, notamment pour accoucher
dans de meilleures conditions médicales (et pour qu’à leur majorité les
enfants acquièrent la nationalité française). Un infirmier évalue, dans un site
hospitalier proche du port et prochainement reconstruit, l’état des arrivants
avant leur rétention ; il hospitalise les malades et les femmes en fin de
grossesse. Les demandes de soins à l’infirmerie du centre même seraient peu
nombreuses ; elles ne sont pas toutes enregistrées.
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COUR DES COMPTES
Le professionnalisme et l’humanité des personnels policiers et
hospitaliers ne sont pas en cause, mais l’enquête sur place a montré que les
conditions de rétention présentent des risques de contagion. En septembre
2013, les trois salles communes avaient enfin des matelas, en mousse, mais
pour les nombreux bébés pas encore de lits, encore en commande. La
construction d’un nouveau bâtiment devait commencer en 2009, et n’était pas
encore engagée quatre ans plus tard.
Le second chiffre est que jusqu’à un
millier de clandestins périraient noyés en mer par an, soit certaines semaines
davantage qu’en Méditerranée.
Le troisième est l’estimation par l’administration du nombre d’enfants
exposés aux risques sanitaires d’une vie dans la rue, sans domicile fixe. Leurs
parents, principalement comoriens, préfèrent les envoyer seuls à Mayotte,
voire les y abandonner, plutôt que de les exposer à une enfance plus démunie
encore : ils seraient jusqu’à 3 000, sans gite ni couvert assurés, faute de
familles d’accueil en nombre suffisant, de moyens associatifs ou publics, et
avec une prise en charge médicale aléatoire du fait notamment d’une
protection maternelle et infantile, par le conseil général, réputée à certains
égards inadaptée. Chaque année, une trentaine d’enfants comoriens sont
évacués pour des soins spécialisés à La Réunion, où, ne bénéficiant pas de
l’aide sociale à l’enfance ni donc de familles d’accueil, ils demeurent
longuement hospitalisés au CHU, en développant parfois de ce fait des
troubles psychologiques.
Comme
en
Guyane,
une
forte
précarité
est
reflétée
par
l’habitat, notamment pour les Comoriens : deux résidences principales sur
trois sont encore dépourvues de confort de base.
En 2011, un tiers des 6 700 travailleurs contrôlés, et plus de la
moitié dans des métiers tels que la pêche, étaient clandestins et dépourvus
d’assurance-maladie. Un quart d’entre eux étaient des Comoriens sans
titre de séjour
88
. L’ampleur de l’immigration clandestine sature un
système de santé déjà en soi insuffisant. Un rapport établi en septembre
2012 par M. Alain Christnacht, conseiller d’État, à la demande du
gouvernement, a souligné les risques sanitaires encourus du fait de l’état
88
Cf. Cour des comptes, Les flux migratoires irréguliers en Guyane, à Mayotte et à
Saint-Martin,
Rapport public annuel 2011
, pages 381-404. La Cour recommandait la
signature d’une convention annuelle entre le centre hospitalier et le préfet, mais celle
de 2013 n’était pas encore signée fin août. La première convention d’évaluation
sanitaire des étrangers en situation irrégulière était à l’état de projet. Ce centre voit
passer, très brièvement, quasiment autant de clandestins que l’ensemble des autres
centres de rétention français.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
131
de santé de nombre d’immigrants comoriens. Il n’a pas de suites un an et
demi plus tard.
L’ancienne Haute Autorité de lutte contre les discriminations
(HALDE) puis le Défenseur des droits qui lui a succédé en 2011 se sont
prononcés à plusieurs reprises sur les obstacles à l’accès aux soins à
Mayotte pour les enfants comoriens, mais sans pour autant avoir été
beaucoup entendus (cf. annexe 27).
2 - Un système de santé sous-calibré
La gravité de la situation sanitaire de Mayotte et les insuffisances
de son système de soins ont été mises en lumière de longue date par une
succession ininterrompue de rapports (liste en annexe 26). Au fil des
décennies, des progrès ont été constatés, notamment avec la réduction
spectaculaire du paludisme et de la lèpre, en dépit parfois d’une
insuffisance de personnels qualifiés.
Alors qu’en 1989 les dépenses de santé par habitant étaient de
17 fois inférieures à celle de La Réunion, l’écart n’est plus que du simple
au triple. Mais l’espérance de vie (74 ans) reste inférieure à celle de La
Réunion (77 ans) et de la métropole (plus de 81 ans).
La population de Mayotte reste en dehors du champ de la
prévention financée dans tous les autres départements par la CNAMTS,
qui estime ne pas pouvoir intervenir sur la base de la règlementation en
vigueur à Mayotte.
Dans ce contexte, l’ARS et le centre hospitalier améliorent
patiemment l’offre de soins. Mais les annonces n’ont pas toujours été
concrétisées. Ainsi, le ministère des affaires sociales et de la santé n’a fait
financer que 371 des 500 lits et places qu’il avait annoncés en 2010 et qui
auraient rapproché Mayotte des ratios moyens outre-mer.
L’offre de soins reposait en 2013 sur un ratio de 88 médecins pour
100 000 habitants, en quasi-totalité à l’hôpital, soit quatre fois moins que
la moyenne nationale. L’accès y est quasi-gratuit et, au prix d’attentes
variables, illimité. Les médecins libéraux sont moins de 15 par 100 000
habitants ; en 2012 et 2013, 16 d’entre eux sont partis, et 6 seulement sont
arrivés. Un généraliste libéral fait fonction d’ophtalmologue, le seul pour
plus de 220 000 patients très exposés. Dix des 17 communes n’ont pas de
généraliste.
Les rares médecins libéraux se sont mis en grève en 2013 en raison
de l’insuffisante densité en professionnels de santé par habitant, d’une
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charge de travail écrasante (jusqu’à 50 consultations/jour, accélérées en
raison des files d’attente), de l’insuffisance de prestataires pour l’entretien
du matériel médical et d’une insécurité perçue comme croissante.
Ils bénéficient des majorations d’honoraires évoquées plus haut,
mais non de la prise en charge par l’assurance maladie d’une partie de
leurs cotisations de retraite comme en métropole. En 2011, les honoraires
moyens bruts connus de l’assurance maladie des rares omnipraticiens
libéraux étaient de 150 875 € et ceux des 87 infirmiers, de 128 279 €,
souvent supérieurs à la moyenne métropolitaine, mais inférieurs à celle
des DOM, pour des conditions de travail plus difficiles.
Dans ces conditions, ce sont les dispensaires de l’hôpital qui font
face à la quasi-disparition de la médecine libérale. La création de maisons
de santé pluridisciplinaires et de centres de santé reste en suspens jusqu’à
ce que le ministère réunisse les conditions juridiques et financières
proposées par l’ARS. Des protocoles de coopération entre professionnels
amélioreraient des prises en charge, mais l’aide attendue de la Haute
Autorité de santé à leur élaboration reste à obtenir.
Notamment en gynécologie obstétrique, néonatalogie et pédiatrie,
près de 50 % des postes hospitaliers sont occupés par des remplaçants,
souvent pour de courtes durées. Cette instabilité est due en grande partie
au manque d’attractivité de Mayotte : coût de la vie jugé élevé, insécurité
en ce qui concerne les atteintes aux biens et, depuis peu, aux personnes.
Cela obère la continuité des parcours de soins, pourtant priorité nationale.
Les agents de la fonction publique hospitalière reçoivent depuis
janvier 2013 une indemnité qui atteindra 40 % du traitement brut en 2017,
et une seconde indemnité quadriennale équivalant à cinq mois de
traitement brut par an depuis novembre 2013. Leur revenu imposable aura
en 2017 augmenté de 80 % par rapport à 2012 (de 40 % pour les
praticiens hospitaliers, qui recevaient déjà la première indemnité). Il en
coûtera 20 M€ d’ici la fin 2017. Une évaluation de l’efficacité de ces
dispositions sera indispensable à cette échéance.
3 - La lente progression de l’assurance maladie et la baisse rapide des
crédits publics
Jusqu’en 2004, les soins étaient gratuits dans le système de santé
publique, sans aucune conditions de nationalité ni de ressource, et pris en
charge par la collectivité territoriale, elle-même remboursée par l’État.
Pour bénéficier d’une couverture sociale, il convient désormais
d’être affilié à la caisse de sécurité sociale de Mayotte, seul le critère de
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résidence, et non l’activité professionnelle, étant pris en compte : soit
163 536 bénéficiaires fin 2012, dont 42 143 étrangers (16 821 assurés et
25 322 ayant droits). Selon le ministère des outre-mer, cela exclut de
l’accès aux soins une population de 60 à 80 000 personnes, dont quelque
3 000 enfants isolés (jusqu’à 5 000 selon le conseil général). Pour les
patients qui n’ont ni assurance complémentaire ni les moyens de payer un
ticket modérateur, l’accès aux soins urgents reste en théorie gratuit, avec
une exonération totale ou partielle du ticket en cas de faibles ressources
des assurés. Les non-affiliés doivent, sauf altération durable et grave de
leur santé ou maladie transmissible, verser une provision à la caisse en
attendant une aide de l’État – aide qui a disparu (Cf. graphique n° 4).
Le centre hospitalier (324 lits, 47 places, 17 centres de soins,
2 023 agents) est contraint, afin d’assumer ses responsabilités d’affecter à
une population qui relève de la protection de l’État des ressources
ordinaires d’assurance maladie, réduisant d’autant l’offre de soins hors
population étrangère. Le tiers de ses quelque 140 M€ de dépenses
annuelles est absorbé par la prise en charge des personnes insolvables,
que l’assurance maladie finance ainsi, sans que la CNAMTS ne dispose
de données plus précises. Mais au fur et à mesure que ces dépenses
augmentaient, l’État (programme 123 du ministère des outre-mer) a
progressivement réduit l’aide qu’il lui apportait, pour la supprimer
intégralement en 2013.
Graphique n° 4 : la régression de la prise en charge par l’État des
soins aux étrangers à Mayotte
Source : caisse de sécurité sociale de Mayotte
8,7M€
6,8M€
7,3M€
6,3M€
3,7M€
3,97M€
3M€
3M€
0,97M€
0
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COUR DES COMPTES
Le centre hospitalier est désormais en déficit, à hauteur de 2,6 M€
en 2012, et 1,7 M€ en prévision pour 2013. Sans recettes additionnelles,
le seuil de 2 % de déficit sera vite franchi, et l’ARS devrait imposer un
plan de redressement – qui aggraverait encore les défaillances – pour
pallier la carence de l’État, qui supprime son aide en même temps qu’il
augmente de 40 à 80 % les charges salariales comme indiqué plus haut.
Un constat sévère
Le ministère des outre-mer a formulé lui-même un constat sévère lors
de l’enquête de la Cour : « Le dispositif alternatif mis en place en 2004
permet à l’ensemble de la population non assurée sociale et notamment les
étrangers en situation irrégulière de bénéficier des soins urgents. Pour les
soins courants, le seul recours est l’accès aux médecins des associations
caritatives (Médecins sans frontières, etc.). On constate donc des ruptures de
prise en charge des pathologies lourdes (diabète, cancer, etc.) pour des
personnes en situation irrégulière par crainte d’arrestations et d’expulsions
lors des visites à l’hôpital.
Le risque sanitaire de propagation d’épidémie ou de maladie est
devenu majeur, aggravé par les conditions de vie précaires (habitat de
fortune) le manque de ressources nécessaires y compris pour les besoins
vitaux alimentaires (malnutrition notamment des enfants).
Enfin 70 % de personnes reçues à la PMI sont non assurées sociales.
La couverture vaccinale est insatisfaisante pour les 0 – 6 ans ».
4 - L’évolution de la couverture sociale
Une ordonnance du 31 mai 2012 a étendu à Mayotte, sans étude de
faisabilité préalable ni financement
89
, une disposition du droit national et
international : « les frais concernant les mineurs et ceux destinés à
préserver la santé de l’enfant à naître sont pris en charge en totalité
lorsque les ressources des personnes concernées sont inférieures », à un
montant à déterminer. Cette disposition inclut les étrangers en situation
89
La direction des affaires juridiques du ministère de la santé, « alors en sous-effectif
sur le dossier de Mayotte » n’assistait pas à la séance du Conseil d’État qui a - ainsi
qu’il était de son devoir au regard des engagements internationaux de la France –
modifié le projet d’ordonnance sur ce point. L’ARS n’a de ce fait pas davantage été
consultée.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
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irrégulière, y compris en affection grave et durable. Deux ans plus tard,
elle n’est pas encore financée ni donc appliquée, alors que la PMI
mahoraise est, elle aussi, en crise.
Ce contexte a été aggravé en 2012 pendant plusieurs mois de grève
à la caisse générale de sécurité sociale comme par les limites apportées
malgré la départementalisation à son intégration dans le régime général.
De graves désordres ont de surcroît affecté jusqu’à récemment
l’exactitude de sa comptabilité et de ses états financiers.
Une éventuelle harmonisation du système mahorais d’assurance
maladie avec celui des autres départements français suppose une
évaluation très attentive de son impact. En tout état de cause, les
conditions nécessaires ne sont pas à ce jour remplies : ainsi, la
commission de révision de l’état-civil doit valider les nombreuses
identités incertaines, les moyens de connaissance et de vérifications des
revenus doivent être développés et le « secteur informel » du travail
dissimulé, réduit ; la possession d’un compte bancaire doit être
généralisée
90
.
Un groupe de travail du ministère des affaires sociales et de la
santé examinait, début 2014, les suites à donner aux recommandations de
l’IGAS en ce sens.
B - La Guyane
La Guyane, département d’outre-mer, présente de très fortes
singularités, en raison de l’importance de l’immigration, notamment
clandestine, qui affecte la démographie de ce très vaste territoire. Cette
immigration a une incidence sur le système de soins et tout
particulièrement sur l’activité des centres hospitaliers. Entre autres
difficultés, la pratique de nombreuses langues rend parfois difficile le
90
La CSSM a d’ores et déjà entrepris d’exiger un relevé d’identité bancaire pour toute
affiliation, alors que beaucoup de patients n’ont pas de compte bancaire et que les
banques rechignent tant à leur fournir des attestations de refus d’ouverture de comptes
qu’à en ouvrir ; or, deux attestations de refus sont nécessaires pour que l’Institut
d’émission d’outre-mer en fasse ouvrir un d’office.
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COUR DES COMPTES
contact entre les patients et les professionnels de santé ou de la sécurité
sociale
91
. Trois exemples illustrent ci-après les enjeux guyanais.
1 - L’incidence de l’immigration illégale
La réduction des inégalités d’accès aux soins est la première
priorité du plan régional de santé de Guyane, mais atteindre cet objectif
face à l’inévitable afflux de clandestins demeure une gageure.
Les étrangers en situation irrégulière sont, comme à Mayotte,
nombreux. Un certain nombre d’entre eux sont en mauvaise santé et à cet
égard particulièrement vulnérables. Ils seraient plusieurs dizaines de
milliers à effectuer de fréquents allers retours avec le Brésil ou le
Surinam
92
. Jusqu’à la moitié des patients du centre hospitalier de Saint
Laurent du Maroni, que seul un fleuve sépare du Surinam, est ainsi en
situation irrégulière. Une aide financière française à la construction au
Surinam d’une maternité face à Saint Laurent du Maroni n’a pas eu de
suite, l’aide ayant été détournée.
2 - Les défaillances de la mise en place de l’aide médicale d’Etat
L’aide médicale d’État (AME) est, après l’assurance maladie
obligatoire, la seconde source de financement des soins : derrière Paris et
la Seine-Saint-Denis, la Guyane est le troisième département en termes de
bénéficiaires de l’AME, soit plus de 20 000 bénéficiaires. Elle finance
notamment près de 20 % des recettes hospitalières (contre 2,5 % à l’AP-
HP et 0,7 % en moyenne nationale).
De mars 2011 jusqu’à sa suppression en 2012 l’acquittement d’un
nombre fiscal de 30 € en Guyane comme en métropole.
91
36 % des 49 résidents guyanais interrogés sur leur téléphone mobile en 2011
n’étaient pas de nationalité française (13 % brésilienne, 10 % haïtienne, 6 %
surinamaise, 2 % guyanienne, etc.) ; 39 % ont indiqué ne parler en famille ni le
français ni le créole (13 % le portugais, 10 % les langues des Bushinengue, 2 % les
langues amérinidiennes, etc. Source : enquête-pilote sur les connaissances, attitudes,
croyances et comportements face au VIH/sida et à d’autres risques sexuels aux
Antilles et en Guyane en 2011, ORS d’Île-de-France, données non publiées.
92
Près de la moitié des personnes reconduites au Brésil et au Surinam le sont à
plusieurs reprises.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
137
Outre l’éloignement de la plupart des demandeurs par rapport aux
rares points de vente du timbre fiscal exigé, un rapport de l’IGAS avait
mis en évidence des défaillances conduisant à des délais d’instruction des
demandes d’AME de plus de six mois et à une expiration des droits avant
que les intéressés aient été informés qu’ils en disposaient. Des femmes
enceintes ont été hospitalisées pendant plusieurs mois faute de prise en
charge financière d’une alternative médicale. Les établissements ont
facturé des prises en charge en soins urgents, faute d’AME, au risque
d’insolubles régularisations une fois l’AME attribuée, avec une perte
nette de plusieurs millions d’euros pour les trois établissements
hospitaliers. Les officines pharmaceutiques ont eu à choisir entre perdre
une part importante de leur clientèle, en refusant de délivrer des
médicaments en l’absence d’AME, et les délivrer au risque de ne jamais
en être remboursées. Des organisations humanitaires reconnaissent que
des progrès ont été récemment obtenus, notamment de la caisse générale
de sécurité sociale mais il n’a pas encore été remédié à l’absence
d’enregistrement informatique, de traçabilité et d’archivage des dossiers
refusés, simplement retournés aux demandeurs
93
.
3 - Les centres hospitaliers
Les deux centres hospitaliers de Guyane se caractérisent à des
degrés divers par des problèmes de vétusté et une activité fortement liée
au dynamisme démographique de ce département. Ainsi, Le centre
hospitalier de Saint-Laurent du Maroni, installé principalement dans un
ancien bagne, dispose notamment de l’une des plus maternités les plus
actives de France. Ce centre est particulièrement vétuste (cf. annexe 22)
et ce n’est que tout récemment, le 25 février 2014, qu’un projet de
93
En 2012,
« à Cayenne, le retard de recours et le renoncement aux soins sont
nettement plus fréquents [qu’en métropole]. En effet, l’application des politiques
sociales en Guyane s’est dégradée à l’encontre des populations vulnérables, creusant
ainsi les inégalités sur le territoire. Les équipes de terrain de Médecins du Monde
constatent des dysfonctionnements alarmants et une véritable insuffisance des
administrations du secteur social et sanitaire (…) les demandes de pièces abusives
sont systématiques, les délais d’instruction dépassent souvent neuf mois et de
nombreux dossiers en attente d’instruction ont été détruits en 2012 par le personnel
administratif de la caisse générale de sécurité sociale
». Médecins du monde,
Observatoire de l’accès aux soins de la mission France, Paris, octobre 2013, page 94.
Les recherches effectuées sur la période 2012-2013 à la demande de la Cour ont
cependant montré l’absence de preuves de destructions et une réduction à quelques
semaines des délais
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138
COUR DES COMPTES
reconstruction a été approuvé par le COPERMO. Dans l’attente d’un
nouveau bâtiment, une première modernisation des installations est initiée
(maternité, organisation des soins, équipements biomédicaux, sécurité
incendie, etc.) de même qu’une remise en état du bâtiment de psychiatrie
et une mise aux normes pour la sécurité contre les risques incendie et de
panique.
Le Centre hospitalier de Cayenne a procédé à la reconstruction de
son pôle Mère-Enfant, pour un coût de 75 M€, et au réaménagement des
locaux libérés pour un coût de 35 M€, investissements utiles mais dont
l’importance financière n’avait pas été clairement documentée auprès de
l’agence régionale. Cela a conduit l’établissement, à peine sorti d’un plan
de retour à l’équilibre, à retomber passagèrement en déficit, pendant que
la chambre régionale des comptes en critiquait la gestion des ressources
humaines (cf. annexe 23).
C -
Saint-Pierre-et-Miquelon
À tous égards aux antipodes de Mayotte, la petite collectivité de
Saint-Pierre et Miquelon bénéficie de sa propre caisse, autonome, de
prévoyance sociale (CPS) et d’une infrastructure de santé sans équivalent
outre-mer. On y dénombre un salarié du secteur sanitaire et médico-social
pour 25 habitants (contre environ un pour 35 habitants France entière).
Les dépenses de santé y ont augmenté de 43 % entre 2009 et 2012, de
manière incontrôlée, pour une population qui stagne.
L’archipel dispose d’une direction de la cohésion sociale, du
travail, de l’emploi et de la population, d’une « administration territoriale
de santé » (ATS
94
), avec une commission territoriale de coordination des
politiques publiques de santé et une conférence territoriale de la santé et
94
L’ATS est un service déconcentré de l’État sous la responsabilité du préfet,
directeur général (5,25 ETP dont un ingénieur d’études sanitaires, et un emploi
informellement mis à disposition par la CPS). Un schéma territorial d’organisation
sanitaire et sociale (STOSS) adopté en 2006. Depuis décembre 2013, l’ATS est
intégrée de fait dans le réseau des ARS et son directeur général, le préfet, est invité
aux séminaires mensuels des directeurs généraux d’ARS.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
139
de l’autonomie.
Les 6 312 habitants
95
ont accès à un centre hospitalier, à
l’équipe médicale de la caisse de prévoyance sociale, qui pratique un tiers
payant étendu, et à une quinzaine de petits établissements et services
médico-sociaux. L’ATS a confirmé en 2012 « une démultiplication des
acteurs par strate (…). Cet état de fait est d’autant plus lourd qu’il est
coûteux ». L’hôpital demeure sous-utilisé (51 % de taux d’occupation en
2012). En dépit de sa spacieuse reconstruction, il souffre de multiples
défaillances. Comme l’a souligné la CPS, un « projet médical sérieux
aurait dû précéder le projet immobilier, porteur incontesté de l'activité
économique ». Du fait de la proximité des modernes infrastructures du
Canada (Saint-Jean de Terre-Neuve est à 277 km), il y a au surplus
quelque 238 évacuations sanitaires par 1 000 habitants et par an (contre
48 pour 1 000 à Wallis-et-Futuna). L’hôpital ne déclenche qu’une
cinquantaine d’entre elles par an, les autres l’étant par la caisse de
protection sociale. Malgré la multiplication des missions et des
inspections, le ministère des affaires sociales et de la santé ne paraît pas
avoir pris toute la mesure des arbitrages nécessaires en termes de rapport
coût/sécurité entre évacuations sanitaires et recrutement de médecins
hospitaliers dont le profil permettrait de limiter ces dernières.
L’ATS (5,25 ETP) n’a pas toute l’autorité nécessaire pour exercer
ses compétences face à la CPS et au centre hospitalier (l’administration
centrale notifie parfois directement crédits et orientations à ces derniers).
Près de trois ans après sa création, aucune convention ne lie ces trois
acteurs, en dépit d’un projet en ce sens. L’ancien schéma territorial
devrait être prochainement remplacé par un plan stratégique territorial de
santé, à l’issue d’une concertation prévue en 2012 mais encore inaboutie.
Le ministère, conscient de la « fragilité » de l’ATS, annonce des mesures
pour y remédier, dont l’adossement à une agence régionale de santé.
D - Wallis-et-Futuna
La collectivité des îles de Wallis-et-Futuna compte 13 384
habitants, à plus de 97 % polynésiens. Tutrice d’un système juridique
tripartite (pouvoir coutumier de trois rois, Église, État), la République y
assure «
l’hygiène et la santé publique
» et les finances (loi de finances du
95
Population 2012. À une soixantaine de naissances dans l’archipel s’ajoute un
nombre inconnu d’enfants nés après évacuation de leur mère au Canada. Il y a une
quarantaine de décès chaque année, et un exode significatif de jeunes.
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140
COUR DES COMPTES
29 décembre 1971)
96
.
La dépense courante de santé par habitant est la
plus basse d’outre-mer avec celle de Mayotte, et quelque quatre fois
inférieure à celle de Saint-Pierre et Miquelon, même si le ministère
déclare allouer la même dotation hospitalière qu’à ce dernier (0,49 M€/lit
en 2013). En l’absence de sécurité sociale et de tout professionnel libéral,
le système de santé repose exclusivement sur l’agence de santé (ADS).
Celle-ci assure, avec son hôpital, l’intégralité de l’offre de soins dans des
conditions délicates au regard des risques que présente l’état de santé de
la population, le plus dégradé peut-être des outre-mer.
Selon une étude financée par la Communauté du Pacifique, 6 %
des 18 ans et plus présentaient en 2010 au moins trois facteurs de risque
de maladies non transmissibles. Entre 1980 et 2010, l’obésité et le diabète
ont doublé et la prévalence de l’hypertension a triplé. Selon les critères de
l’OMS, 60 % des habitants sont obèses et 27 % en surpoids. Le diabète
frappe à hauteur respectivement de 7 % (hommes) et de 4 % (femmes)
avec une prévalence de 24 % en 2011 dans un village-test.
Or, l’activité médicale est pour l’essentiel en stagnation ou en
baisse, hors urgences, comme la population :
96
Le droit coutumier intervient aussi. Il a ainsi imposé l’embauche par l’hôpital de
salariés choisis par ses propriétaires fonciers et non pas en fonction de leur profession,
ce qui représente près de 15 % des effectifs hospitaliers et s’éteindrait vers 2030.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
141
Tableau n° 17 : activité de l’agence de santé à Wallis (hors Futuna)
Hospitalisations
2007
2008
2009
2010
2011
2011
/2007
Journées
10 041
8 618
9 044
8 398
8 956
- 11 %
Entrées
1 744
1 750
1 742
1 656
1 592
9 %
Occupation (1)
51,9 %
44,5 %
46,8 %
49,0 %
50,1 %
3 %
Urgences
12 634
Nd
14 883
13 613
15 127
DM
séjour (2)
5,8
4,9
5,2
5,1
5,7
2 %
Chirurgie
600
685
675
545
537
- 11 %
Naissances
210
182
231
164
205
2 %
Consultations
33 528
33 421
29 079
30 059
29 875
- 11 %
Évacuations
409
435
656
648
637
56 %
Source :
agence
de
santé.
(1)
Taux
d’occupation :
nombre
de
journées
d’hospitalisation/nombre de lits x 365 ; (2) Durée moyenne de séjour : nombre de
journées d’hospitalisation/nombre d’entrées
L’état de santé de la population est certes meilleur que dans des
îles de la région, telles que les Samoa américaines, mais dans un rapport
inédit d’avril 2013, l’inspection générale des affaires sociales a noté « une
prise en charge de ces risques défaillante au point que l’espérance de vie
recule, un cas de figure unique en France : elle est actuellement de
74,3 ans (80,2 ans en France métropolitaine) contre 76,7 en 2006 », ce
que l’exode des jeunes peut en partie expliquer ; « cette situation
choquante devrait, à elle seule, conduire à réexaminer en profondeur la
stratégie de l’ADS qui, jusqu’à présent, a déserté le champ de la
prévention sanitaire ». La même inspection générale a souligné en 2010
puis en 2013 « les équipements techniques très insuffisants dans tous les
domaines » et « le cadre bâti, à la fois surdimensionné, obsolète et
inadapté » de l’hôpital, dont le taux d’occupation des lits est inférieur à
50 % faute de praticiens spécialisés et par surdimensionnement pour faire
face à d’éventuelles catastrophes. Deux des trois dispensaires n’ont pas de
groupe électrogène, alors que chaque cyclone conduit à de longues
coupures d’électricité. À Wallis, le service des urgences a cohabité avec
la chirurgie au rez-de-chaussée, inutilisable en cas de cyclone, pendant
trois mois en 2013. On accède au service de médecine de l’étage par une
pente de 30 %, sans ascenseur. Des dégâts sont provoqués à répétition par
les cyclones, les bâtiments n’y ayant pas été construits pour y résister. Le
contrat 2012-2016 a prévu 9 M€ pour un plateau technique, mais fin 2013
aucun crédit de paiement n’avait encore été versé.
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142
COUR DES COMPTES
L’agence de santé de Wallis-et-Futuna
97
Créée en 2000, l’agence de santé (ADS) est un établissement public
national à caractère administratif doté de l’autonomie administrative et
financière, avec un conseil de tutelle composé des ministères chargé des
outre-mer, de la santé et du budget. Le conseil d’administration est présidé
par le préfet, administrateur supérieur et chef du territoire. La cotutelle de
l’agence est exercée par la direction générale des outre-mer, la direction
générale de l’offre de soins et la direction du budget. L’ADS doit élaborer un
programme de santé publique compte tenu des priorités établies par une
conférence de santé prévue à l’article L.1524-1 du code général des
collectivités territoriales. Son budget de fonctionnement est consacré pour
l’essentiel à ses 195 salariés (dont 17 médecins et l’unique pharmacien du
territoire). Il inclut l’hôpital, la PMI, la santé scolaire et au travail, la
prévention, les handicaps, les addictions et les personnes âgées. Il a baissé en
euros constants : 16,3 M€ en 2005, 25,85 M€ en 2008, en partie du fait d’une
nouvelle convention collective, 24,2 M€ par an de 2010 à 2012, 25,9 M€ en
2013 (dont un dixième pour des charges sur exercices antérieurs). C’est
moitié moins par habitant qu’à Saint-Pierre et Miquelon, pourtant très proche
d’hôpitaux canadiens. L’ADS assure une quasi-totale gratuité des soins aux
résidents. Chaque année, les trois ministères de tutelle approuvent un budget
qui reporte de 10 à 20 % le paiement de dépenses courantes à l’exercice
suivant, alors que reste impayé, et hors bilan, l’équivalent de près d’une
année de dépenses de fonctionnement.
97
Les crédits d’État dont disposait la DGOM pour la santé outre-mer ont baissé de
30,5 M€ en 2008 à 24,3 M€ en 2012. Les rapports de performance indiquent qu’ils
étaient affectés à l’agence (entre 22,8 et 25,8 M€ selon les années), à la prise en
charge par le centre hospitalier de Mayotte de patients non affiliés à la sécurité sociale
(montants indiqués dans le graphique 4
supra
), et pour le surplus à diverses
associations des secteurs sanitaires et sociaux. Suite au transfert du fonctionnement de
l’agence à la direction générale de l’offre de soins, ces crédits ont chuté à 3,05 M€ en
2013.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
143
Un risque de cessation de paiement
L’IGAS a indiqué en avril 2013 que «
le préalable à toute
amélioration est le rétablissement de la sincérité des comptes (inscription au
bilan des dettes diverses et des retards d’amortissement)
» de l’agence. La
tutelle a en effet méconnu les mises en garde à ce sujet, notamment des
directions des finances publiques de Nouvelle-Calédonie comme de Wallis-
et-Futuna, sans faire redresser les comptes. Le ministère des outre-mer, qui
conserve la charge de la dette antérieure à 2013, date à laquelle le
financement de l’agence a été transféré au ministère de la santé, a refusé aux
préfets successifs, présidents du conseil de l’administration de l’agence, les
crédits de paiement pour plus de 20 M€ de factures d’évacuations sanitaires,
datant parfois d’une décennie
98
.
Un rapport de l’inspection générale des
finances a confirmé début 2014 l’exigibilité de l’intégralité de ces dettes. Au
cours de la réunion en janvier 2012 de la commission de suivi de leur accord,
l’État, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna s’étaient engagés à saisir
les instances de tutelles de l’agence de santé afin de régler la dette et
d’augmenter la dotation annuelle. Deux ans et demi plus tard, le ministère des
outre-mer annonce une solution sans préciser la date de sa mise en oeuvre.
Le nombre d’évacuations vers Nouméa (1 990 km), plus rarement
en Australie ou en métropole, est stable, autour de 600 par an. Quand un
vol commercial n’est pas disponible (autour de 800 € l’aller-retour pour
Nouméa, le triple du billet Saint-Pierre et Miquelon-Terre-Neuve) ou ne
peut être affrété (28 449 € par transfert), l’armée de l’air facture 61 000 €
pour onze heures d’aller-retour en bimoteur. L’inspection générale des
affaires sociales a relevé l’absence de contrôle médical préalable de la
pertinence de ces évacuations, sans qu’il y soit remédié.
98
Principalement, début 2014, 1,5 M€ envers le ministère de la défense (dont
l’administration centrale n’a identifié que le tiers), 5,5 M€ envers la caisse de sécurité
sociale de Nouvelle Calédonie, 13,4 M € envers le CH territorial et 0,09 M€ pour le
CH psychiatrique de Nouméa. Une part de ces dépenses a consisté en billets d’avion
de patients pour la métropole ou l’Australie, et en frais d’hospitalisation dans ces
destinations. L’agence apure aussi 8 M€ d’autres dettes antérieures à 2008 (1 M€/an
jusqu’en 2014) ; elle avait hérité de dettes du service de santé militaire qui la
précédait. La DGOS a appelé en 2012 les établissements créanciers néo-calédoniens
au « respect de considérations médicales et humaines auxquelles généralement les
hôpitaux publics s’astreignent » à défaut que l’État s’astreigne à payer ses dettes
envers eux (Conseil d’administration, ADS, 13 avril 2012, page 4). Les créanciers
néo-calédoniens ont, après des années de patience, décidé de ne plus accepter de
patients de l’agence avant d’avoir été payés, décision encore non appliquée. Le
programme 123 du ministère des outre-mer (quelques 600 M€ par an de crédits de
paiement) finançait l’ADS avant que le ministère des affaires sociales et de la santé
prenne son relais en 2013 pour le fonctionnement, hors dettes et investissements.
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144
COUR DES COMPTES
Pour faire suite aux quinze recommandations de l’inspection
générale des affaires sociales début 2012, le ministère des outre-mer a
toutefois nommé un «
préfigurateur
», qui a élaboré fin 2013 un projet de
refonte du système de santé de Wallis-et-Futuna. Une «
nouvelle
gouvernance
» serait accompagnée d’un cadre budgétaire et comptable
rénové, et d’un «
nouvel élan à l’investissement
» comme prévu dans
l’actuel plan directeur.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
____________
La situation sanitaire des outre-mer est meilleure que dans la
plupart des pays voisins dans leurs zones respectives, grâce aux moyens
très supérieurs déployés de longue date par la collectivité nationale. Mais
les progrès sont si inégaux face à l’importance des enjeux, qu’ils
appellent de la part de l’État un changement d’approche tenant compte
des différences de
s
situations institutionnelles comme géographiques et
sanitaires et pouvant imposer des redéploiements.
La diversité des acteurs politiques, administratifs et sociaux de la
santé outre-mer n’a pas été palliée par une stratégie d’ensemble. Au
manque de vision globale et de dynamisme interministériel se conjuguent
les défaillances dans le pilotage fin des situations de certains outre-mer,
que mettent notamment en lumière les situations très problématiques de
Mayotte et Wallis-et-Futuna et, en contraste, celle de Saint-Pierre et
Miquelon au suréquipement onéreux.
La stratégie nationale de santé définie en 2013 et la loi de santé
publique qui la déclinera devraient fournir l’opportunité de définir un
programme national de santé publique pour les outre-mer à partir d’une
consolidation des constats établis territoire par territoire, autour
d’objectifs réalistes, selon un calendrier pluriannuel précis, assorti des
indicateurs de moyens et de résultats indispensables et accompagné d’un
dispositif de pilotage et d’évaluation rigoureusement organisé. Un tel
plan a vocation à être reconduit à son échéance en intégrant les résultats
de son évaluation, pour, étape par étape, progressivement améliorer la
situation sanitaire de chacun des outre-mer en fonction des réalités qui
lui sont propres.
Ce programme devrait viser à répartir plus équitablement dans
chaque territoire les moyens nécessaires pour réduire les inégalités de
prise en charge des populations les plus vulnérables et des risques les
plus lourds de conséquences sanitaires et financières. Parallèlement, la
Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française pourraient choisir de
bénéficier d’un accompagnement de l’État et de ses agences nationales.
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LA NECESSITE D’UNE STRATÉGIE PUBLIQUE
145
Ces constats conduisent la Cour à formuler les recommandations
suivantes :
10.
décliner dans un programme de santé publique pour les outre-
mer la stratégie nationale de santé et la future loi de santé
publique, autour d’un nombre limité de grandes priorités, sur
la base d’un calendrier réaliste et d’une programmation
budgétaire pluriannuelle, et proposer, dans le respect de leurs
compétences, aux gouvernements de la Polynésie française et
de la Nouvelle-Calédonie de s’y associer ;
11.
décliner ce programme dans un volet « outre-mer » intégré aux
contrats d’objectifs et de performance des agences sanitaires
nationales ;
12.
créer un réseau interministériel composé d’un chargé de
mission référent « outre-mer » dans chaque direction et agence
sanitaire concernée ;
13.
apurer sans délai le règlement des dettes accumulées par
l’agence de santé de Wallis- et-Futuna ;
14.
évaluer l’impact financier de la mise en oeuvre de l’ordonnance
du 31 mai 2012 et les conditions dans lesquelles une éventuelle
harmonisation du système mahorais d’assurance-maladie avec
les autres départements français pourrait être réalisée.
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Conclusion générale
Au terme de l’enquête approfondie menée par la Cour avec les
contributions des chambres régionales et territoriales des comptes, de
centaines de responsables d’établissements et de professionnels de santé,
la vision d’ensemble ainsi fournie met en lumière l’enjeu important que
constitue la santé dans les outre-mer.
1. Les risques spécifiques ont fait l’objet d’efforts manifestes,
mais sans pouvoir être toujours maîtrisés ou réduits.
Ainsi, des
épidémies provoquées par des agents infectieux transmis par des
moustiques
font
encore
des
ravages
considérables,
coûteux
et
déstabilisants pour les systèmes de soins, comme en 2013-2014 aux
Antilles, à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
L’efficacité des systèmes de veille et la mobilisation locale pour la lutte
antivectorielle sont inégales. À La Réunion et à Mayotte, l’épidémie de
chikungunya de 2005-2006 (38 % de population atteinte) a conduit l’ARS
à mettre en place un solide dispositif préventif, qui limite désormais
l’ampleur de ces risques. Ce modèle n’a pas toujours été suffisamment
suivi ailleurs.
Les taux de diabète demeurent le double ou le triple de la moyenne
nationale. L’alimentation est souvent déséquilibrée, avec des effets
aggravés par une sédentarité croissante. Les taux de surpoids et d’obésité
sont très supérieurs à la métropole ; Mayotte fait exception, où la
malnutrition existe encore chez de jeunes enfants. L’hypertension
artérielle, les maladies cardio-vasculaires et les cas d’insuffisance rénale
chronique terminale sont fréquentes.
2. La précarité économique et sociale ainsi que des risques
environnementaux aggravent la vulnérabilité des populations
, ce
qu’illustre la persistance d’une surmortalité maternelle et infantile aux
multiples causes, si lourdes que l’objectif de réduction fixé en 2009 par le
plan santé Outre-mer n’a pu être atteint. La situation sanitaire demeure de
ce fait fréquemment une source de fortes inégalités.
3.
L’offre de soins ambulatoires et hospitaliers est hétérogène,
déséquilibrée et inégalement accessible.
Les dépenses par habitant des
dispositifs d’assurance maladie ont atteint dans la plupart des outre-mer
un volume assez proche du niveau métropolitain ; cela témoigne de
l’effort en ce domaine, mais des écarts du simple au quadruple
demeurent.
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Des rééquilibrages sont à opérer par l’État, compte-tenu de la
lourdeur des risques sanitaires et de surcoûts qui induisent, à financement
comparable, de moindres capacités de prévention et de soins. La difficulté
de recruter des professionnels de santé va être multipliée au rythme de
prochains départs massifs à la retraite. Les filières hospitalo-universitaires
locales restent à développer, à un niveau qui pallie la difficulté d’attirer et
stabiliser des professionnels de santé en nombre suffisant dans des
territoires où les conditions de vie ne sont ni faciles ni toujours sûres.
Les hôpitaux ont développé des pôles d’excellence, mais leur offre
de soins est insuffisante dans certaines disciplines telles que la
psychiatrie, et les prises en charge qu’ils offrent sont parfois perfectibles,
comme en témoignent les disparités de soins apportés en milieu carcéral
ou encore des taux élevés de maladies nosocomiales.
La moitié des hôpitaux souffrent de déficits financiers, parfois
considérables, et d’une gestion souvent désordonnée, qu’il s’agisse des
ressources humaines ou du pilotage des investissements, renchérissant
encore les surcoûts dus à l’éloignement et à l’isolement. D’inévitables
limitations de gammes de soins imposent des évacuations sanitaires vers
des équipes très spécialisées, en métropole principalement. Elles
accroissent le déséquilibre de l’assurance maladie, notamment en
Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
4.
Face à ces déséquilibres, les politiques publiques nationales
ou territoriales d’organisation des soins ont apporté des réponses
partielles,
avec
des
priorités
insuffisamment
financées
ou
coordonnées
. La collecte des données sanitaires, souvent incomplètes ou
tardives, ne facilite pas toujours la définition des choix et le pilotage. La
nature, le niveau et la répartition des financements sont parfois plus
hétérogènes qu’il ne serait nécessaire. En Guyane et à Mayotte, la
collectivité nationale assume médiocrement ses obligations en matière de
droit à la santé, en dépit de progrès indiscutables. Partout, la gestion des
ressources humaines, tant hospitalières que libérales, apparait perfectible.
La situation sanitaire des outre-mer est certes incomparablement
meilleure que dans la plupart des pays avoisinants. Mais elle demeure
encore insatisfaisante au regard de l’exigence d’égalité que la République
se doit de promouvoir en matière de protection de la santé pour
l’ensemble de ses citoyens, en métropole ou outre-mer.
Y remédier s’impose. C’est pourquoi une stratégie adaptée de santé
publique pour les outre-mer constitue un enjeu majeur.
Trois grandes orientations conduisent aux recommandations
formulées à cet effet :
mieux connaître
,
mieux coordonner
,
agir plus
efficacement
avec
une
stratégie
d’ensemble
et
pluriannuelle
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CONCLUSION GENERALE
149
permettant de réduire les écarts les plus graves en termes d’égalité
des chances.
Mieux connaître
. La présente enquête a montré que les données
sanitaires, socio-économiques et financières nécessaires pour mieux
allouer les ressources sont souvent incomplètes, irrégulières, voire
inexistantes. Remédier à ces lacunes est la première condition d’une
action efficace de correction des situations les plus alarmantes. Les
dispositifs de recueil des données socio-sanitaires doivent être rapidement
confortés afin de prendre pleinement la mesure des écarts et retards les
plus préoccupants et d’adapter en conséquence les actions correctrices à
court et moyen terme. À cette fin, l’établissement d’un
schéma directeur
des données de santé
pour les outre-mer doit constituer une priorité par le
ministère des affaires sociales et de la santé. Le ministère chargé des
outre-mer peut y contribuer en proposant aux gouvernements de Nouvelle
Calédonie et de la Polynésie française de s’y associer. C’est dans le même
souci que des comptes de la santé devraient être produits annuellement
pour chaque outre-mer. Faute de tels progrès, qui impliquent le concours
durable de l’ensemble des acteurs de la politique de santé, il n’y aurait
guère d’assurance de succès à moyen et long terme de la stratégie
d’action pour l’outre-mer que la présente enquête appelle.
Mieux coordonner
. Le paysage institutionnel de l’outre-mer a été
profondément
transformé
par
les
transferts
de
compétence
aux
collectivités du Pacifique dont les gouvernements ont désormais la
responsabilité en matière de santé. La création des agences régionales de
santé a changé la donne dans les départements d’outre-mer en permettant
un
pilotage
sanitaire plus fin grâce à une professionnalisation des équipes
et une meilleure connaissance des déterminants de santé.
Cependant, le ministère des affaires sociales et de la santé est loin
d’avoir tiré toutes les conséquences et tous les bénéfices de cette
transformation. L’outre-mer ne figure guère au coeur de ses priorités. Les
directions d’administration centrale et les agences sanitaires concernées
n’ont pas encore toutes un référent en charge des questions ultramarines
et dans des conditions garantissant une coordination efficace de la veille,
de la programmation et des arbitrages nécessaires. De son côté, le
ministère des outre-mer dispose d’une structure d’animation légère qui ne
peut agir efficacement que si elle peut contribuer au pilotage de l’action
publique, nécessairement interministériel.
Cette coordination interministérielle est aujourd’hui radicalement
insuffisante. Or, si la responsabilité du ministère des affaires sociales et
de la santé est première pour la mise en oeuvre d’une politique de santé
publique, celle du ministère des outre-mer est importante pour une
conjugaison efficace des priorités budgétaires comme des actions de
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150
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l’État et des exécutifs locaux. Qu’il agisse directement à travers ses
représentants (préfets et directeurs des ARS) dans les départements ou
qu’il accompagne par des contrats de développement judicieusement
construits l’action des gouvernements locaux, l’État demeure en effet le
garant ultime de la protection de la santé que la République dans sa
diversité doit assurer à tous ses citoyens. Les disparités et les pertes de
chances les plus graves que le présent état des lieux a fait apparaître ne
pourront être réduites qu’au prix d’un pilotage particulièrement robuste et
d’arbitrages correctement préparés.
Agir efficacement
. La
stratégie de santé dans les outre-mer
devrait
changer résolument car il n’a pas toujours été tiré le meilleur parti des
financements importants apportés au fil des dernières décennies. La
situation appelle des redéploiements de moyens budgétaires de
l’assurance maladie.
L’extrême diversité des situations géographiques, démographiques
et sociales, la grande hétérogénéité du niveau tant des risques sanitaires
que de l’offre de soins ambulatoires et hospitaliers, les modalités
différentes de l’action publique que requièrent l’exercice direct des
compétences ou l’accompagnement des efforts des exécutifs locaux
plaident pour une nouvelle stratégie dans le domaine de la santé pour les
outre-mer. Cette dernière devrait résulter d’une consolidation des « états
des lieux de santé » réalisés territoire par territoire dans la perspective
d’arbitrages indispensables, suffisamment objectivés pour tenir à distance
les intérêts catégoriels de toute nature et résister aux rapports de force
politiques et syndicaux. L’expérience des dernières années montre en
effet que faute de hiérarchisation des priorités, les moyens dégagés ont
été parfois d’un coût excessif au regard des résultats. En dehors de
rééquilibrages internes entre soins et prévention et entre secteur
hospitalier et secteur ambulatoire, des redéploiements ne sauraient non
plus être exclus entre la métropole et les outre-mer, afin de ne pas
aggraver des retards persistants.
Seul un programme pluriannuel robustement construit, reposant sur
une stratégie d’action publique profondément renouvelée et tirant les
conséquences des évolutions institutionnelles, tenant compte de l’extrême
diversité des situations sanitaires territoire par territoire et remédiant aux
profondes insuffisances et inégalités observées au cours des dernières
décennies permettra ainsi de répondre à l’enjeu que constitue outre-mer
l’égalité des droits à la santé dans la République.
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Récapitulatif des recommandations
1.
faire établir par les ministères chargés des affaires sociales, de la
santé et de l’outre-mer un tableau de bord régulièrement actualisé
pour mesurer les écarts et engager les actions correctrices, en mettant
en place :
un schéma directeur de la collecte et de l’exploitation des
données de santé des outre-mer ;
une base de données sur la dépense de santé dans les outre-mer,
avec le concours des dispositifs d’assurance maladie et de tous
autres financeurs ;
2.
proposer à cet effet aux gouvernements de Nouvelle-Calédonie et de
Polynésie française et à leurs caisses locales de protection sociale des
conventions d’association pour alimenter ce tableau de bord partagé ;
3.
charger les agences régionales et territoriales de santé de rééquilibrer
les financements au profit d’un programme de prévention spécifique,
et accompagner les efforts des gouvernements du Pacifique en ce
domaine ;
4.
développer outre-mer dans des délais rapides les protocoles de
coopération entre professionnels de santé, nouveaux ou par extension
de protocoles métropolitains, s’agissant notamment des infirmiers,
des sages-femmes et des orthoptistes ;
5.
développer
outre-mer
les
dispositifs
règlementaires
(contrats
d’engagement de service public, postes de praticien territorial de
santé) destinés à pallier les disparités territoriales d’installation des
médecins
et
veiller
à
l’application
active
des
mécanismes
conventionnels de régulation visant à résorber les inégalités de
densité des professionnels libéraux de santé (médecins, dentistes,
infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes) ;
6.
recentrer l’hôpital sur les pathologies les plus lourdes, en développant
les prises en charge médicales et médico-sociales alternatives à
l’hospitalisation, en renforçant la permanence des soins de ville et en
améliorant le pilotage des urgences hospitalières ;
7.
rendre plus efficiente la gestion hospitalière en veillant attentivement
au recrutement d’équipes de direction expérimentées, en renforçant
les équipes médicales, notamment par la mobilité outre-mer de
praticiens hospitaliers avec une garantie de réaffectation au retour en
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métropole et par l’affectation de chefs de clinique-assistants des
hôpitaux, et en mettant fin aux sureffectifs constatés ;
8.
rendre obligatoire l’intervention de l’agence nationale d’appui à la
performance des établissements de santé dès la phase de conception
des projets de construction ;
9.
envisager d’instaurer une obligation de service public outre-mer
relative aux conditions d’évacuation sanitaire et d’acheminement
aérien des médicaments ;
10.
décliner dans un programme de santé publique pour les outre-mer la
stratégie nationale de santé et la future loi de santé publique, autour
d’un nombre limité de grandes priorités, sur la base d’un calendrier
réaliste
et
d’une
programmation
budgétaire
pluriannuelle,
et
proposer, dans le respect de leurs compétences, aux gouvernements
de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie de s’y
associer ;
11.
décliner ce programme dans un volet « outre-mer » intégré aux
contrats d’objectifs et de performance des agences sanitaires
nationales ;
12.
créer un réseau interministériel composé d’un chargé de mission
référent « outre-mer » dans chaque direction et agence sanitaire
concernée ;
13.
apurer sans délai le règlement des dettes accumulées par l’agence de
santé de Wallis-et-Futuna ;
14.
évaluer l’impact financier de la mise en oeuvre de l’ordonnance du
31 mai 2012 et les conditions dans lesquelles une éventuelle
harmonisation du système mahorais d’assurance-maladie avec les
autres départements français pourrait être réalisée.
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Annexes
Annexe n° 1 : la méthodologie de l’étude de la FNORS
154
Annexe n° 2 : DOM : synthèse des indicateurs sociaux et sanitaires
159
Annexe n° 3 : déterminants de santé : emploi, revenus, habitat
160
Annexe n° 4 : des maladies infectieuses plus fréquentes qu’en
métropole
163
Annexe n° 5 : la lutte contre le VIH SIDA
164
Annexe n° 6 : le diabète dans les DOM et les inégalités sociales
165
Annexe n° 7 : les disparités d’accès à la greffe
168
Annexe n° 8 : la cancérologie : moyens, dépistage et mortalité
170
Annexe n° 9 : les interruptions volontaires de grossesse
173
Annexe n° 10 : les plans chlordécone : depuis 2008
174
Annexe n° 11 : pesticides à risques en Guyane et en Polynésie
176
Annexe n° 12 : amiante, mercure, saturnisme, eau
178
Annexe n° 13 : les maladies professionnelles
180
Annexr n° 14 : les effets des expérimentations nucléaires, Polynésie
181
Annexe n° 15 : médecine légale
184
Annexe n° 16 : l’accès à la santé des personnes détenues
188
Annexe n° 17 : les fraudes à l’assurance-maladie
200
Annexe n° 18 : les retards dans la mise en oeuvre des téléservices
201
Annexe n° 19 : une nécessité de sécurisation accrue des circuits du
médicament
202
Annexe n° 20 : la mise en oeuvre du règlement sanitaire international
204
Annexe n° 21 : les manquements à la radioprotection
205
Annexe n° 22 : le centre hospitalier de Saint-Laurent du Maroni
212
Annexe n° 23 : les défaillances de la gestion des ressources humaines
au centre hospitalier de Cayenne
213
Annexe n° 24 : le service psychiatrique du CHU de Pointe-à-Pitre
215
Annexe n° 25 : l’hôpital de Saint-Pierre-et-Miquelon
216
Annexe n° 26 : Mayotte : 24 rapports de l’IGAS en 28 ans
217
Annexe n° 27 : les droits des enfants à la santé à Mayotte
218
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154
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Annexe n° 1 : la méthodologie de l’étude de la FNORS
Inégalités socio-sanitaires dans les départements d’outre-mer
Comparaison avec le niveau national et à deux niveaux
infrarégionaux
99
Les cartes de ce rapport sont extraites d’une étude réalisée pour
la Cour des comptes par la Fédération nationale des observatoires
régionaux de la santé (Fnors). Elle a bénéficié de la relecture des
observatoires régionaux de la santé de la Guadeloupe, de la Guyane, de la
Martinique et de La Réunion. Elle a eu pour objet de donner une vision
synthétique de la situation des DOM
100
, tant sur le champ social que dans
le domaine sanitaire. Chaque volet a été composé d’un contexte général
permettant de situer chacun des quatre Dom en regard de la situation
nationale et des différentes régions de France. Ce contexte est suivi
d’analyses menées à deux niveaux géographiques
infra
régionaux, mettant
en relief les disparités géographiques. Pour mieux repérer ces disparités,
des typologies ont donc été réalisées et cartographiées à deux niveaux
géographiques : les bassins de vie et les cantons. Les bassins de vie et les
cantons ont été regroupés en un nombre restreint de classes homogènes
par rapport à leurs caractéristiques sociodémographiques et sanitaires,
pour mettre en exergue les spécificités qui peuvent exister tant entre les
DOM qu’au sein de ceux-ci.
Les méthodes employées font partie des techniques d’analyses
multidimensionnelles permettant de représenter et d’interpréter de façon
synthétique
de
vastes
ensembles
constitués
d’un
grand
nombre
d’individus (ici les cantons) et de variables. Les cantons sont caractérisés
par les indicateurs (variables) présentés dans les cartes du présent rapport.
99
Nadège Thomas, Observatoire régional de la santé et du social de Picardie, Alain
Trugeon, François Michelot, André Ochoa, FNORS.
100
Compte tenu du manque de données concernant Mayotte, quatre des cinq DOM : la
Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion (sans Saint-Barthélemy et Saint-
Martin dans les Antilles). Lorsque la valeur de l’ensemble du pays est mentionnée, il
s’agit de la valeur France entière hors Mayotte.
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ANNEXES
155
La Cour a choisi de reproduire ici uniquement les comparaisons
cantonales
101
, niveau qui permet une vision plus localisée des disparités
que les 22 bassins de vie.
L’analyse de données s’est déroulée en deux temps : une analyse
en composantes principales (ACP), puis une classification ascendante
hiérarchique (CAH). L’objectif de l’ACP est de décrire un ensemble
d’observations à partir de plusieurs variables quantitatives. Cette méthode
permet d’identifier les indicateurs qui résument au mieux les différences
entre individus (ici bassins de vie ou cantons). L’objectif de la CAH est
de regrouper les individus en un nombre restreint de classes homogènes et
qui soit le plus dissemblable entre elles. Elle procède par regroupements
successifs des individus un à un sur des critères de distance (en utilisant
les résultats obtenus lors de l’ACP), jusqu’à leur regroupement dans une
seule classe. La suite des partitions obtenues peut alors être présentée
sous forme d’un arbre de classification. Connaissant cet arbre, il est facile
d’en déduire une partition (ou typologie) en un nombre plus ou moins
grand de classes. Chacune des classes regroupe un nombre plus ou moins
important d’individus présentant des caractéristiques proches (au regard
des variables utilisées dans l’analyse). Compte tenu de la distribution des
arbres des différentes classifications, un découpage en quatre classes s’est
avéré le plus judicieux dans chacun des cas.
101
Il ne s’agit pas tout à fait du découpage cantonal au sens administratif. L’analyse
porte sur 93 « cantons » (terme utilisé dans l’ensemble de ce document ; 3 261 sont
dénombrés dans l’ensemble du pays), alors que les quatre Dom comptent 153 cantons
constitués en vue de l’élection à l’assemblée départementale. Ces cantons ne
respectent pas toujours les limites communales : les communes les plus peuplées
appartiennent à plusieurs cantons. L’INSEE utilise un autre découpage : celui des
«cantons-ou-villes». Dans ce cas, les grandes communes ne sont pas découpées en
plusieurs cantons mais constituent des entités uniques, les villes. Les petites
communes jouxtant ces villes et faisant partie du même canton électoral que celles-ci
forment alors à elles seules un « pseudo-canton », la grande ville voisine en formant
un autre. Mais la séparation des pseudo-cantons pose des problèmes de stabilité en
termes populationnels ; aussi, les « pseudo-cantons » correspondant à des fractions
cantonales ont été regroupés avec l’entité constituée par la ville voisine. Les bassins
de vie sont 22 dans les DOM (1 666 France entière).
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Indicateurs de la série de cartes « État de santé »
Trois typologies ont été appliquées par la FNORS pour cette
carte. La première a été menée sur les seules données de mortalité. Cette
analyse a uniquement été réalisée au niveau des bassins de vie afin de
pouvoir y intégrer un nombre relativement important de causes de décès.
En effet, pour garantir une stabilité statistique et offrir une puissance
suffisante pour mettre en exergue des différences significatives, certaines
causes de décès moins fréquentes nécessitent de travailler sur des niveaux
géographiques relativement importants. Les indicateurs considérés pour
déterminer la typologie sont des taux standardisés de mortalité sur l’âge et
le sexe à partir de la population de la France entière au RP 2006, calculé
pour la période 2005-2010. L’analyse des seules données de mortalité
porte sur les indicateurs suivants :
-
décès chez les moins de 65 ans (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors ; 2005-
2010) ;
-
ensemble des cancers (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors ; 2005- 2010) ;
-
maladies de l’appareil circulatoire (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors ;
2005-2010) ;
-
maladies de l’appareil respiratoire (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors ;
2005-2010),
-
maladies infectieuses et parasitaires (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors ;
2005-2010) ;
-
accident de la circulation (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors ; 2005-
2010) ;
-
suicide (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors ; 2005-2010).
Une seconde typologie a été effectuée en intégrant à la fois des
indicateurs de mortalité et ceux portant sur les nouvelles admissions en
ALD. Comme pour la typologie réalisée avec les seules données de
mortalité, cette analyse a uniquement été menée au niveau des bassins de
vie pour pouvoir aborder un nombre plus important de pathologies. Ainsi,
outre des indicateurs de mortalité, cette analyse intègre des indicateurs
calculés à partir des données de nouvelles admissions en ALD. Ils sont
construits de manière analogue à ceux de mortalité (standardisés sur l’âge
et le sexe à partir de la population de la France entière au RP 2006) et
portent sur la même période (2005-2010). En plus des indicateurs de
mortalité listés ci-dessus, cette analyse repose sur les indicateurs
suivants :
-
nouvelles admissions en ALD des personnes de moins de 65 ans
(CCMSA, Cnamts, CNRSI, INSEE, Fnors ; 2005-2010) ;
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ANNEXES
157
-
pour cancers (CCMSA, Cnamts, CNRSI, INSEE, Fnors ; 2005-2010) ;
-
pour maladies de l’appareil circulatoire (CCMSA, Cnamts, CNRSI,
INSEE, Fnors ; 2005-2010) ;
-
pour maladies de l’appareil respiratoire (CCMSA, Cnamts, CNRSI,
INSEE, Fnors ; 2005-2010) ;
-
pour asthme (CCMSA, Cnamts, CNRSI, INSEE, Fnors ; 2005-2010) ;
-
pour maladies infectieuses et parasitaires (CCMSA, Cnamts, CNRSI,
INSEE, Fnors ; 2005-2010).
Une troisième typologie a été menée, cette fois à deux niveaux
géographiques, les bassins de vie et les cantons, pour offrir une vision
plus fine de l’état de santé au sein des départements ultramarins. Cette
analyse repose sur un nombre moins important d’indicateurs, à savoir :
-
décès chez les moins de 65 ans (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors 2005-
2010),
-
ensemble des cancers (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors 2005-2010),
-
maladies de l’appareil circulatoire (Inserm CépiDc, INSEE, Fnors
2005-2010),
-
nouvelles admissions en ALD des personnes de moins de 65 ans
(CCMSA, Cnamts, CNRSI, INSEE, Fnors ; 2005-2010),
-
pour cancers (CCMSA, Cnamts, CNRSI, INSEE, Fnors ; 2005-2010),
-
pour maladies de l’appareil circulatoire (CCMSA, Cnamts, CNRSI,
INSEE, Fnors ; 2005-2010).
Pour les différentes typologies réalisées dans ce chapitre, outre
les indicateurs listés, d’autres ont été utilisés pour décrire les classes
obtenues (mortalité prématurée par cancers, mortalité prématurée par
maladies de l’appareil circulatoire, mortalité pour certaines localisations
cancéreuses, cardiopathies ischémiques…), c’est pourquoi des indicateurs
non présents dans les listes ci-dessus peuvent être mentionnés dans les
commentaires. Par ailleurs, il faut prendre en compte que toutes les
pathologies n’ont pas été analysées dans ce document, tant pour la
mortalité que pour les ALD.
La méthode de standardisation qui a été employée est la
standardisation directe. Le taux standardisé obtenu est défini comme le
taux qui serait observé dans la population étudiée si elle avait la même
structure d’âge et de sexe qu’une population de référence (dans le cadre
d’une standardisation sur l’âge et le sexe). Cette méthode de
standardisation permet de comparer entre eux les taux obtenus pour
différentes zones géographiques, pour différentes périodes et pour
différentes pathologies.
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158
COUR DES COMPTES
Synthèse des vingt indicateurs sociaux et sanitaires
Sources : CCMSA, Cnaf, Cnamts, CNRSI, DGI, Drees / Asip-Santé, RPPS 2012,
Fnors, Inserm CépiDc, INSEE, Sniiram Exploitation : Fnors
La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française vérifieront, en
complétant leurs atlas et analyses par une telle méthodologie, si leurs
provinces et îles se répartissent d’une manière assez similaire, et tout
aussi préoccupante. Des comparaisons sur la base des mêmes critères
avec les autres outre-mer éclaireraient également leurs décisions
d’allocation des moyens
.
0
30 km
15
0
30 km
15
Guadeloupe
Martinique
Guyane
0
30 km
15
Réunion
0
150 km
75
Classe 1
Classe 2
Classe 3
Classe 4
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ANNEXES
159
A
nnexe n° 2 : DOM, synthèse des indicateurs sociaux et
sanitaires
S’agissant des quatre DOM, les cartes cantonales de la FNORS (cf.
annexe précédente) ci-contre présentent une synthèse des vingt
indicateurs sociaux et sanitaires, conditions de vie comprises, auxquels ce
rapport a été largement consacré.
La
classe 1
, ocre, est dans la situation la plus favorable : chômage et
précarité moindres, ALD moins nombreuses, moindre fréquence de décès
prématurés liés à une consommation importante d’alcool, aux cancers des
VADS et, de manière moins marquée, aux accidents vasculaires cérébraux.
Près de la moitié des habitants des quatre DOM y sont domiciliés. En
pourcentage de population, la Martinique est la plus représentée (77 %),
suivie de La Réunion (42 %), de la Guyane (38 %) et de la Guadeloupe
(30 %). Aussi légitimes soient leurs aspirations de progrès additionnels, ces
populations sont les mieux loties.
La
classe 2
, bleue, représente 346 000 habitants : 62 % des
Guadeloupéens, 23 % des Martiniquais, aucun canton réunionnais, et un seul
canton guyanais (2 %). La plupart des indicateurs sont peu favorables, et si la
densité des infirmiers y est plus importante, celles des généralistes et des
chirurgiens-dentistes libéraux y sont moindres.
La
classe 3
, pourpre (563 000 habitants), regroupe 58 % des
Réunionnais,
ainsi que, non visibles à cette échelle, les cantons de Basse-
Terre et Pointe-à-Pitre (7 % des Guadeloupéens) et Cayenne (25 % des
Guyanais). Ces cantons sont principalement marqués par un état de santé
défavorable, aussi bien pour la mortalité (exception faite des accidents de la
circulation) que pour les nouvelles admissions en ALD. Leurs chefs-lieux de
canton font que les professionnels de santé y sont plus présents.
La
classe 4
, marron, est exclusivement guyanaise, avec une situation
sociale très fragile, un état de santé nettement défavorable, et une croissance
démographique qui double la difficulté de réduire l’écart. Les taux y sont
plus
importants,
de
décès
liés
aux
lésions
traumatiques
et
aux
empoisonnements, d’ALD et de mortalité pour maladies infectieuses et
parasitaires ; le taux de cancers est moindre. Les densités médicales y sont
faibles. L’écart est grand par rapport à la métropole comme aux autres classes
de cette analyse. Le défi serait quantitativement marginal (79 000 habitants)
si l’on ne pressentait que la majorité des habitants de Mayotte sont sans doute
dans une situation similaire. Aussi approximative soit cette cartographie des
écarts de santé outre-mer, elle montre les zones les plus déshéritées, à qui les
efforts de rééquilibrage doivent prioritairement bénéficier.
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160
COUR DES COMPTES
A
nnexe n° 3 : déterminants de santé : emploi, revenus,
habitat
Synthèse réalisée par la FNORS pour la Cour des comptes
« Concernant l’emploi et l’activité des personnes, les quatre DOM
se caractérisent par un taux d’activité moindre que celui observé dans
l’Hexagone, et ceci en prenant en compte la structure démographique de
la population. Ainsi, au recensement de 2009, le taux standardisé sur
l’âge et le sexe des personnes inactives de 25-54 ans est plus élevé dans
les quatre Dom (17,4 %) que dans l’Hexagone (10,1 %). Ce taux est le
plus élevé des régions de France en Guyane (24,6 %), puis à La Réunion
(18,9 %). La Guadeloupe est située en 4
e
position (15,1 %) et la
Martinique en 7
e
(12,9 %). Bien que reposant sur des données remontant
à quelques années, les tendances demeurent valides.
De même, pour les personnes actives, le taux de chômage est
plus élevé dans les départements d’outre-mer. Ainsi, toujours d’après le
recensement de 2009, le taux de chômage est 2,7 fois plus élevé dans les
quatre Dom que dans le reste de la France : 30,2 % contre 11,2 % pour
l’Hexagone. Les quatre départements ultramarins ont les quatre taux de
chômage les plus importants des régions françaises, variant de 33,4 %
pour La Réunion à 25,3 % pour la Martinique. À titre de comparaison, la
région de l’Hexagone qui arrive en 5
e
position, le Languedoc-Roussillon,
a un taux de chômage de 15,1 %, soit 10 points de moins que le
département ultramarin qui présente le taux de chômage le plus faible. Ce
constat vaut également pour les jeunes. Ainsi, dans les quatre Dom, plus
d’un jeune actif de 15-24 ans sur deux est au chômage (54,5 %) contre
moins
d’un
sur
quatre
dans
l’Hexagone
(23,5 %).
Les
quatre
départements d’outre-mer occupent les quatre premières places du
classement avec un taux variant de 56,2 % à La Réunion à 51,2 % pour la
Martinique. À titre de comparaison, la région de l’Hexagone qui possède
le taux de chômage le plus élevé est le Nord - Pas-de-Calais (barre déjà
très élevée de près d’un jeune sur trois).
Parmi les personnes actives ayant un emploi, en France au
recensement de 2009, les employés sont les plus représentés (28,4 %),
suivi des professions intermédiaires (25,0 %) et des ouvriers (22,3 %). La
part des cadres et professions intellectuelles supérieures parmi les actifs
occupés est de 16,2 %, celle des artisans, commerçants et chefs
d’entreprise de 6,1 % et celle des agriculteurs exploitants de 1,9 %.
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ANNEXES
161
Au niveau des quatre DOM, cette hiérarchisation est globalement
retrouvée, mais suivant des pourcentages qui varient sensiblement, et
avec quelques spécificités.
Ainsi, la part d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise est
plus importante dans les Dom (9,1 %), et notamment en Guyane (12,0 %,
proportion la plus importante des régions de France) et Guadeloupe
(10,7 %, 2
e
proportion la plus élevée). De même, la part d’employés
parmi les actifs occupés est plus élevée dans les départements
ultramarins, avec la Martinique qui enregistre le pourcentage le plus élevé
des régions de France (34,8 %), suivie de La Réunion (34,7 %) et de la
Guadeloupe (34,4 %) ; la Guyane occupe la 6
e
place (30,8 %). À
l’inverse, la part d’actifs occupés cadres ou de professions intellectuelles
supérieures est moins élevée dans les quatre Dom : 10,5 % ; elle varie de
10,2 % en Guadeloupe et 10,3 % à La Réunion, les deux plus faibles parts
des régions de France, à 11,5 % en Guyane.
La part de foyers fiscaux non imposés sur le revenu constitue un
indicateur robuste pour mesurer les caractéristiques sociales de la
population.
Concernant celle-ci, les départements d’outre-mer se démarquent
de la situation de l’Hexagone avec une part beaucoup plus importante
dans les quatre Dom (71,7 % de foyers fiscaux non imposés sur le revenu
de 2009) que dans le reste de la France (45,7 %), proportion variant entre
69,2 % pour la Martinique et 72,9 % pour La Réunion. À titre de
comparaison, elle varie entre 36,7 % en Île-de-France et 53,3 % dans le
Nord - Pas-de-Calais pour les régions de l’Hexagone.
Les caractéristiques sociales de la population peuvent également
être abordées à travers les données de prestations sociales. À partir des
données de la CNAF et de la CCMSA au 31 décembre 2011, les
départements d’outre-mer ressortent également dans une situation plus
dégradée que les régions de l’Hexagone. Le taux d’allocataires est plus
important pour les quatre Dom (70,2 %) que dans l’Hexagone (42,9 %)
et, parmi les allocataires, la part de ceux dépendant d’au moins 50 % des
prestations est également plus élevée dans les Dom (59,0 % contre
29,7 % dans le reste de la France). Pour ces deux indicateurs, les
départements
ultramarins
présentent
les
quatre
valeurs
les
plus
importantes des régions de France. Ainsi, si, dans l’Hexagone, aucune
région n’a un taux d’allocataires qui atteint les 50 %, le plus faible taux
des départements ultramarins approche les 60 % en Martinique et le plus
élevé dépasse les 80 % à La Réunion. De même, la part d’allocataires
dépendant d’au moins 50 % des prestations est comprise entre 57,2 % à
La Réunion et 65,7 % en Guyane alors que la plus élevée dans
l’Hexagone est de 35,3 % en Nord - Pas-de-Calais.
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162
COUR DES COMPTES
Ce constat se retrouve notamment pour les allocataires du revenu
de solidarité active (RSA) : un quart des ménages perçoit le RSA socle
seul dans les DOM (24,5 %) contre moins d’un sur vingt dans l’Hexagone
(4,4 %) et une famille monoparentale avec enfant(s) de moins de 25 ans
sur dix (10,2 %) perçoit le RSA majoré contre moins de 3 % dans le reste
de la France.
Concernant les allocations relatives au handicap, la situation est
plus contrastée entre les départements d’outre-mer. (…) Le taux de
personnes de 20-59 ans percevant l’allocation aux adultes handicapés
(AAH) est de 3,2 % pour les quatre Dom contre 2,8 % pour le reste de la
France. Ce taux est le plus faible des régions de France pour la Guyane
(1,5 %), tandis que la Guadeloupe (3,8 %) et la Martinique (3,7 %)
présentent les 2
e
et 3
e
taux les plus importants ; La Réunion se situe à la
18
e
place avec un taux de 3,0 %.
Un constat analogue est relevé pour les allocations logement.
Ainsi, si globalement le taux d’allocataires dépendant d’une allocation
logement est plus important dans les quatre Dom que dans l’Hexagone
(29,1 %
contre
22,9 %),
des
disparités
sont
relevées
entre
les
départements ultramarins. Ainsi, La Réunion présente le taux le plus
important des régions de France (36,4 %) tandis que la Guyane présente
le 3
e
taux le plus faible (20,7 %) ; la Guadeloupe a le 4
e
taux le plus
important (24,7 %) et la Martinique le 9
e
(23,7 %).
En métropole, même si le confort de base des résidences
principales continue de s’améliorer, il existe encore en 2009, 241 500
résidences dites « sans confort » (c’est-à-dire ne possédant ni douche, ni
baignoire), soit 0,9 % des résidences principales. Dans les départements
d’outre-mer, cette proportion est un peu plus de quatre fois plus
importante (3,8 %, soit un peu plus de 25 000 résidences principale sans
confort). La Guyane est particulièrement concernée, avec une résidence
principale sur cinq qui ne possède ni douche, ni baignoire (20,4 %). Les
trois autres départements ultramarins présentent les trois autres parts les
plus importantes des régions de France : 2,7 % pour la Guadeloupe, 1,9 %
pour la Martinique et 1,8 % pour La Réunion ».
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ANNEXES
163
Annexe n° 4 : des maladies infectieuses plus fréquentes
qu’en métropole
Quelques
maladies
infectieuses
pratiquement
disparues
en
métropole sont encore présentes, à des degrés divers selon les territoires.
Alors que la
lèpre
a régressé de 90 % dans le monde depuis 1985 et que
la métropole ne déclare plus aucun cas à l’OMS, les outre-mer y
demeurent vulnérables, notamment du fait d’immigrants issus de pays
d’endémie (Brésil, Surinam, Comores, Madagascar, etc.). À La Réunion,
24 patients ont été déclarés entre 2005 et 2012, en dessous du seuil (1 cas
pour 10 000 habitants) fixé par l’OMS pour considérer la maladie comme
endémique. La lèpre le reste à Mayotte, après une diminution depuis 2007
(prévalence : 3,7/100 000, incidence : 1,8/100 000). En Nouvelle
Calédonie (1,98/100 000 en 2012), elle est encore plus faible, mais en
majorité multi-bacillaire, d’où un risque de transmission. En Polynésie
française, elle est autochtone, liée au mode de vie et à l’insuffisance du
dépistage, et l’incidence ne faiblit pas (53 cas, soit 19,5/100 000, en
2013).
La
leptospirose
est une zoonose mondiale, surveillée par l’Institut
Pasteur. 526 cas ont été déclarés en 2012 dans les DOM (soit 60 % des
cas français), suivis d’une recrudescence début 2014. L’incidence y est
jusqu’à 120 fois plus élevée qu’en métropole, à plus de 60 pour 100 000
habitants aux Antilles et à Mayotte, contre moins de 12 en Guyane et à La
Réunion. En Polynésie française, 102 cas ont été recensés en 2012. Après
une forte incidence à Futuna (53 cas en 2009, plus de 1 000 pour 100 000
habitants), 16 cas ont relevés en 2011, et aucun à Wallis. La mortalité est
de 5 à 12 %, soit par exemple quelque 8 décès par an en Guadeloupe.
Le
rhumatisme articulaire aigu
(RAA), dû au streptocoque de
groupe A, a des conséquences cardiaques sévères. En Nouvelle Calédonie
et en Polynésie française, plus de 100 premières poussées de RAA sont
diagnostiquées
chaque
année
et
2000
patients
sont
traités
par
antibioprophylaxie dans le cadre de la prévention secondaire. En
Nouvelle-Calédonie, le RAA demeure une cause importante de morbidité
et de mortalité, avec une incidence estimée à 116 pour 100 000 enfants de
5-15 ans, et une prévalence de 7,6 pour 1 000 habitants. Entre 80 et 150
nouveaux cas annuels sont découverts. Le dépistage enregistre des
résultats satisfaisants et constitue un modèle. En Polynésie française, il y
a plus de 3 000 cas en longue maladie (avec atteintes valvulaires) et 150
nouveaux cas par an. De nouvelles recommandations communes aux pays
du Pacifique ont été élaborées: créer un réseau, un registre, avec
prophylaxie secondaire, dépistage scolaire et éducation thérapeutique.
Ces cinq axes ne sont pas complètement mis en oeuvre en Polynésie
française faute de moyens.
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Annexe n° 5 :
la lutte contre le VIH SIDA
Taux de dépistage et de découverte de séropositivité
2003-2010
Dépistage
pour 1 000 habitants
Découverte de
séropositivité
par 100 000 habitants
Guadeloupe
183
40
Guyane
180
91
Martinique
134
14
Réunion
99
5
Mayotte
112
14
Métropole+DOM
79
9
Nouvelle Calédonie
78,5
4
Polynésie française
42
(2011)
4
Source : InVS
données cumulées 2003–juin 2010, non corrigées pour la
sous-déclaration. DASS Nouvelle-Calédonie : 2012.
Un volet DOM a été introduit dans le plan de lutte contre le VIH
sida 2010-2014. La Guyane en a décliné un plan de lutte 2010-2013 ; la
Guadeloupe a inscrit cette priorité dans son programme régional de santé.
Les objectifs sont ambitieux : réduire de 50 % en 5 ans l’incidence de
l’infection par le VIH, et de 50 % la proportion de personnes découvrant
leur séropositivité VIH au stade du sida. La prévention est assurée en
plusieurs langues, avec groupement d’achats de préservatifs, éducation
scolaire à la sexualité, messages adaptés localement, analyse des
conditions de vie des patients, projets interrégionaux mobilisant des
organismes internationaux. Les problèmes non maîtrisés sont les
difficultés de contacts avec les plus précarisés (étrangers, personnes
prostituées ou isolées), un retard au dépistage (risquant d’intervenir à un
stade trop tardif de la maladie), et un moindre suivi dans le système de
soins, de manière marquée en Guyane et à Saint Martin. Prévention et
dépistage restent insuffisants, alors que les experts recommandent de
cibler les efforts sur les personnes les plus exposées
102
.
102
Pourette D. Grossesse et suivi médical des femmes vivant avec le VIH/sida en
Guadeloupe et en Martinique : entre avancées médicales et difficultés sociales, Santé,
vol. 21, janvier-février-mars 2011, page 13, Groupe d’experts national sur la prise en
charge des personnes vivant avec le VIH, La Documentation française, septembre
2013. Les études sont souvent anciennes et le système de déclaration obligatoire en
routine sous-estime l’importance du problème.
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ANNEXES
165
Annexe n° 6 :
le diabète dans les DOM et les inégalités
sociales
103
Différentes études ont montré l’existence d’inégalités face au
diabète, la pathologie étant plus fréquente parmi les populations
socialement fragilisées. La prévalence du diabète dans les DOM a été
estimée à partir des données relatives aux bénéficiaires d’une exonération
du ticket modérateur au titre d’une affection longue durée (ALD) en
2012. Ces données dépendent de la situation de la population en regard de
la pathologie, mais aussi des modalités d’attribution de la part du service
médical de l’assurance maladie
et que certaines personnes ne sont pas
diagnostiquées et ne sont, de fait, pas comptabilisées dans ce recueil.
Dans les DOM, 93 323 bénéficiaires d’une ALD sont comptabilisés en
2012 (dont 80 547 pour un diabète de type 2, soit 86 % de l’ensemble des
ALD dénombrées pour diabète). En taux standardisé, cela correspond à
6,6 % bénéficiaires d’une ALD pour diabète dans l’ensemble des quatre
Dom, soit presque le double du taux enregistré en métropole (3,5 %). Ce
taux est plus élevé à La Réunion (7,1 %) et en Guadeloupe (6,9 %) et, à
l’inverse, il est plus faible en Martinique (5,6 %) et en Guyane (5,5 %).
Taux de bénéficiaires, ALD diabète, 2012 par âge, sexe et
DOM (%)
Sources : Cnamts, CNRSI, INSEE - Exploitation : Fnors
103
Extrait d’un travail réalisé pour la Cour des comptes par la FNORS, octobre 2013,
à paraître en juin 2014, mêmes auteurs que l’étude principale (cf. annexe 2).
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166
COUR DES COMPTES
Que ce soit chez les hommes ou chez les femmes, les taux de
bénéficiaires d’une ALD pour diabète augmentent avec l’avancée en âge,
diminuant entre 75 et 79 ans. L’analyse porte sur les seuls bénéficiaires
d’une ALD pour diabète âgés de moins de 75 ans (taux standardisés sur
l’âge et le sexe). Toutefois, les conclusions sont identiques en prenant en
compte l’ensemble de la population. Les bénéficiaires de moins de 75 ans
ayant une ALD pour diabète représentent 78,7 % de l’ensemble des
bénéficiaires d’une ALD pour cette pathologie. Ce pourcentage varie
entre les quatre départements d’outre-mer : 87,6 % en Guyane, 83,7 % à
La Réunion, 75,5 % en Guadeloupe et 71,2 % en Martinique.
En 2012, le taux standardisé de bénéficiaires de moins de 75 ans
d’une ALD pour diabète est de 5,1 % dans l’ensemble des quatre Dom
(5,0 % pour la population étudiée), soit près de deux fois plus important
que celui enregistré dans l’Hexagone (2,7 %). Ce taux est plus important
à La Réunion (5,7 %) et, de manière un peu moins marquée, en
Guadeloupe (5,3 %) et, à l’inverse, il est plus faible en Martinique
(4,1 %) et en Guyane (4,3 %), bien que plus élevé encore qu’au niveau
national.
Le croisement de l’indicateur de mesure sociale issu de la
typologie «
Population et conditions de vie
» au niveau cantonal (cf.
annexe 6) avec les données de prévalence de bénéficiaires d’une ALD
pour diabète, fait ressortir un lien allant dans le sens des études déjà
menées sur ce sujet, à savoir un taux moindre dans les zones présentant
une situation sociale plus favorable. Ainsi, le taux standardisés de
bénéficiaires de moins de 75 ans d’une ALD pour diabète dans la classe
2, qui regroupe les cantons ayant les caractéristiques sociales les plus
favorables des cantons ultramarins, est plus faible (4,4 %) que ceux
observés globalement dans les quatre Dom (5,0 %) et dans les classes 1 et
3 (respectivement 5,0 % et 6,0 %).
Ce constat global au niveau de la classe 2 (caractérisée par une
situation sociale plus favorable) est retrouvé au sein des deux DOM qui
présentent les taux standardisés les plus importants des quatre Dom.
Ainsi, la Guadeloupe et La Réunion se distinguent avec des cantons
appartenant à cette classe qui enregistrent un taux significativement
inférieur à celui des quatre Dom pris dans leur globalité ; les autres
classes (classe 1 pour la Guadeloupe et classe 3 pour La Réunion) ont un
taux qui est significativement supérieur.
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ANNEXES
167
Dans les deux autres départements ultramarins (Martinique et
Guyane), quelle que soit la classe de la typologie «
Population et
conditions de vie
», le taux de bénéficiaires de moins de 75 ans d’une
ALD pour diabète est plus faible que le taux observé pour l’ensemble des
quatre Dom. (…) Cette étude confirme les inégalités sociales et
économiques face au diabète, entre et au sein des départements d’outre-
mer et la nécessité de les prendre en compte dans l’allocation des moyens
de lutte contre cette maladie.
Taux standardisés de bénéficiaires de moins de 75 ans, ALD diabète,
2012 (%)
Sources : Cnamts, CNRSI, INSEE - Exploitation : Fnors
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Annexe n° 7 : les disparités d’accès à la greffe
Dans les outre-mer, les disparités d’accès à la greffe avec la
métropole ont augmenté entre 2006 et 2012. Cette dernière année, moitié
moins de patients traités pour IRCT étaient greffés dans les DOM qu’en
métropole:
Proportion de patients greffés, IRCT, 2012
104
Source : Agence de la biomédecine (ABM), Réseau épidémiologie et information en
néphrologie (REIN), données 2012
Les possibilités de greffe, essentielles pour la qualité de vie et la
réduction de la morbidité comme de la mortalité, sont réduites outre-mer :
la part de patients traités par greffe en 2012 allait de 17 % en Guyane à
25 % aux Antilles, contre 45 % en moyenne en métropole; dans le
Pacifique, l’accès à la greffe est encore plus réduit. Cela oblige à recourir
à l’hémodialyse dont le coût de 88 000 € par an est quadruple de celui
d’une greffe à partir de la seconde année
105
.
104
C. CANTRELLE, F. PESSIONE, M.-A. MACHER, M. THUONG,
Évolution de
l’accès à la greffe rénale en France des patients étrangers ou résidant outre-mer
.
Bulletin de la société de pathologie exotique, DOI 10/2007/13149-012. Outre-mer, le
recueil de données est récent et parcellaire (registre REIN, Agence de la
biomédecine).
105
Évaluation médico-économique des stratégies de prise en charge de l’insuffisance
rénale en France
, HAS, septembre 2010. Il s’agit des coûts directs pour l’assurance
maladie à partir de l’année suivant la greffe.
0,54
0,45
0,33
0,25
0,25
0,20
0,17
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
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ANNEXES
169
Après un début encourageant en Antilles-Guyane, le nombre de
greffes y a fortement diminué en 2009 et 2010, puis il a repris, mais avec
des problèmes de conformité aux exigences réglementaires : non-
accréditation du laboratoire d’histocompatibilité de Pointe-à-Pitre,
insuffisance de ressources humaines en néphrologie-transplantation à
laquelle la faible coordination entre les deux CHU antillais contribue.
Aucune greffe n’a été effectuée à La Réunion pendant 18 mois en
2010-2011. L’activité a requis en 2012 avec 31 greffes : l’objectif de
l’agence de la biomédecine d’y atteindre 50 greffes par an est hors de
portée en raison notamment d’une insuffisance de prélèvements. La
greffe préemptive
106
, qui y est rare, est inexistante aux Antilles-Guyane.
Dans le Pacifique, les délais d’extension de la législation
bioéthique y ont rendu la greffe impossible jusqu’en 2012 ; les greffes
demeurent majoritairement effectuées en métropole, ou, pour quelques
patients s’y rendant avec un donneur vivant, en Nouvelle-Zélande et en
Australie. N’ont donc que tardivement et imparfaitement été données
outre-mer aux patients des chances se rapprochant de celles accessibles
en métropole.
106
Une greffe préemptive permet un traitement précoce, en amont de la dialyse. Outre
sa supériorité en termes de qualité de vie – sans passage par la dialyse – les résultats
sont globalement meilleurs.
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Annexe n° 8 :
la cancérologie : moyens, dépistage et
mortalité
Les ARS s’attendent à une augmentation des cancers, du fait du
vieillissement et d’un meilleur dépistage (plus de 70 nouveaux cancers du
sein ont été identifiés dès l’implantation de cinq mammographies
numériques sur le littoral réunionnais en 2012). Un effort portant sur la
vaccination HPV, notamment en termes d’accessibilité financière, serait
particulièrement nécessaire, en cohérence avec les mesures préconisées
dans le cadre de la stratégie nationale de santé.
Des mesures nouvelles reconductibles ont été affectées entre 2009
et 2012 sur la recommandation de l’Institut national du cancer (INCa),
pour un total de 665 500 € à La Réunion (54 %), la Martinique (42 %), la
Guadeloupe (22 %) et la Guyane (7 %), principalement pour renforcer la
radiothérapie. L’INCa, qui a apporté 2 M€ de subventions dans le cadre
de 22 conventions de recherche en 2009-2012, a expertisé pour la Cour
les moyens de la cancérologie dans les DOM : le nombre et l’activité des
oncologues sont hétérogènes et généralement inférieurs aux données
métropolitaine. Ainsi, la Guadeloupe a 0,49 oncologue par 100 000
habitants, alors que l’incidence estimée des cancers y est de 65 % plus
élevée qu’en métropole. La Réunion a un seul oncologue, soit une densité
de 0,11 pour 100 000 habitants. Une partie d’entre eux approche de l’âge
de la retraite, ce qui, compte tenu de la faiblesse de leurs effectifs,
présente un risque croissant pour la continuité des soins. Des écarts
similaires affectent la radiothérapie : elle est inexistante en Guyane ; par
100 000 habitants, il y a 1 radiothérapeute en Guadeloupe, 1,28 en
Martinique et 0,83 à La Réunion (contre 1,19 en métropole). Il en va de
même pour les anatomo-cytopathologistes : 0,41 par 100 000 habitants en
Guyane, 1,02 en Martinique, 1,07 à La Réunion et 1,98 en Guadeloupe en
2012. De tels écarts appellent un pilotage plus dynamique. Seule la
Martinique s’est dotée d’une unité de coordination en oncogériatrie
(UCOG), les autres recourant à des unités de métropole.
En Polynésie française et en Nouvelle Calédonie, la cancérologie
pédiatrique est prise en charge en métropole ou en Nouvelle Zélande et en
Australie.
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ANNEXES
171
Le dépistage des cancers
Le programme national de dépistage du cancer du sein s’applique
dans les DOM, de manière satisfaisante sauf à Mayotte (où il n’a démarré
qu’en 2014), et en Guyane (en 2008) : selon l’InVS, le taux de
participation guyanais était en 2011-2012 de 36,7 % en Guyane, 50,4 %
en Guadeloupe et à la Martinique, 52,8 % à La Réunion (moyenne
nationale : 52 %).
En Nouvelle-Calédonie, la double lecture des clichés mise en place
en 2009 atteint un taux de participation de 50 % en 2012 ; l’agence
sanitaire et sociale a sollicité un appui technique de l’INCa et une aide
pour le financement des onéreux tests d’oncogénétique ne pouvant être
effectués qu’en métropole (plusieurs milliers d’euros par test). En
Polynésie française, deux programmes de dépistage des cancers
gynécologiques (2003, cancer du sein ; 2005 : cancer du col) ont été
réduits faute de crédits en 2011 Le dépistage du cancer colorectal a des
taux de participation en progrès : en 2011-2012, 17,4 % en Guyane,
23,2 % à La Réunion, 27,5 % en Guadeloupe, 29 % en Martinique,
(moyenne nationale : 31,7 %). Les délais moyens pour la coloscopie sont
globalement supérieurs à ceux de la métropole (80 jours en 2009-2010)
quand ils sont connus (indisponibles pour la Guyane et Mayotte), avec
des disparités locales importantes. Dans le Pacifique, il n’y a pas de
programme organisé.
En l’absence de programme national de dépistage du cancer du col
de l’utérus, les recommandations de la direction générale de la santé ont
amené la Martinique, parmi les premiers, puis La Réunion (2010) et la
Nouvelle-Calédonie (2013) à mettre en place un dépistage organisé.
L’institut national de veille sanitaire (InVS) a observé en Martinique un
pourcentage de frottis anormaux plus de deux fois supérieur à celui
métropole, et des taux de lésions histologiques extrêmement élevés,
qu’expliqueraient en partie des lésions précancéreuses dans le contexte
épidémiologique du HPV. Certains anatomopathologistes refusent de
transmettre les résultats des frottis à la structure de gestion de ces
dépistages sans contrepartie financière. Le manque de données a
engendré des difficultés pour l’évaluation du programme par l’InVS. Les
taux de dépistage restent globalement inférieurs (de 10 %) à ceux de
métropole, comme les délais d’attente moyens pour un examen d’IRM :
en Guadeloupe, 11,3 jours en 2011, 23 jours à La Réunion et 37 jours en
Martinique.
En Guyane, un dépistage expérimental mis en place en 2012, avec
le soutien de l'INCA, a obtenu des résultats incitant à le généraliser, mais
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172
COUR DES COMPTES
il a été suspendu dès 2013 faute de crédits. Mayotte a débuté un dépistage
individuel en 2010.
Le plan cancer 2014-2019 comporte une « Action 15.1 Mieux
comprendre les inégalités sociales et géographiques face aux cancers »,
notamment outre-mer.
De précieux registres
Les outre-mer ont été dotés de registres, unités dont les salariés
quantifient et caractérisent les cas, en l’espèce de cancers, afin d’en améliorer
la surveillance. Leur mise en réseau permet des études interrégionales. Le
registre de la Martinique, alors subventionné dans le cadre d’un partenariat
InVS-INCa, a été déqualifié en 2012 jusqu’à une remise aux normes. La
Polynésie française en a un, de même que, depuis 1977, la Nouvelle-
Calédonie. Ce dernier a montré chez les femmes un taux d’incidence
standardisé tous cancers, hors tumeurs cutanées autres que mélanomes,
nettement plus élevé que ceux des pays voisins, hors Nouvelle-Zélande et
Australie, et un peu plus élevé que la métropole. Les incidences des cancers
de l’endomètre et des bronches-poumon y sont de même plus élevées qu’en
métropole, et les cancers du sein, moins nombreux. La Guyane se caractérise
par une surmortalité importante résultant du cancer du col. Seule la région
Midi-Pyrénées constate aussi peu de cancers que les DOM.
Le taux de mortalité dans les DOM par cancer de la prostate est
supérieur à celui de la métropole, et même le double en Guyane. Chez les
femmes, la mortalité générale par cancer a diminué en métropole mais
pas aux Antilles.
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ANNEXES
173
Annexe n° 9 : les interruptions volontaires de grossesse
Le nombre d’IVG est globalement stable depuis deux décennies,
tandis que celui des naissances diminue régulièrement, mais leur
pourcentage est très supérieur à la moyenne métropolitaine, notamment
en Guadeloupe et en Guyane. Les écarts vont du simple à plus du
double en particulier chez les mineurs. À
Mayotte,
le CHM en assure la
majorité (85 % en 2012) ; l’IVG médicamenteuse est passée de 19 % en
2003 à 67,9 % en 2012 (dont 14,45 %). En
Martinique
, l’incidence de
l’IVG est la plus faible des Antilles-Guyane, mais avec une augmentation
du taux d’IVG répétitives (25 % des IVG déclarées en 1996, 30 % en
2011) ; en 2013, une des trois unités d’orthogénie a été fermée,
l’information téléphonique du public et le financement des psychologues
ont été interrompus. L’IVG médicamenteuse en ville n’a été mise en
place que fin 2012. La loi Veil sur l’IVG (1975) a été très tardivement
appliquée dans le Pacifique. L’Assemblée territoriale de
Nouvelle-
Calédonie
(1 500 IVG recensées par an) les a limitées en 1978 aux motifs
médicaux et interdit toute «
publicité commerciale directe ou indirecte
concernant les médicaments, produits ou objets de nature à prévenir la
grossesse ou à provoquer l’interruption de grossesse
», hors publications
médicales. L’avortement est resté largement clandestin, jusqu’à une
transposition des conditions métropolitaines en 2000. Supprimées par la
loi en 2001, l’obligation d’un entretien social demeure pour les mineures
ainsi que l’interdiction de l’IVG en cabinet libéral (elle est autorisée en
dispensaire qualifié à cet effet depuis 2011). Le Conseil d’État a exclu de
confier
aux
sages-femmes
la
possibilité
de
réaliser
des
IVG
médicamenteuses, bien que des élus soulignent les difficultés d’accès à
une consultation médicale en brousse. En
Polynésie française
, l’IVG est
restée de fait inaccessible jusqu’à la loi du 4 juillet 2001. Depuis 2002, la
CPS la rembourse forfaitairement
107
. Les établissements de santé sont
seuls habilités à en pratiquer (les cliniques peuvent s’abstenir). Le
programme territorial de planification familiale et de contraception a été
mis en oeuvre avec retard sur la métropole et les DOM.
107
Le montant du forfait, inchangé depuis lors, est de 330 €, y compris deux
consultations préalables, transports inter-îles en sus. Dans les DOM, le tarif varie
comme en métropole, entre 191,74 € et 644,71 € en fonction du mode d’IVG, de
l'établissement (hôpital ou clinique), de l'anesthésie et de la durée de l'hospitalisation,
non compris trois consultations préalables puis de contrôle. Jusqu’en 2013, la prise en
charge était limitée à 70 % (en ville) ou 80 % (établissement) pour les majeures.
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174
COUR DES COMPTES
Annexe n° 10 : les plans chlordécone : depuis 2008
Lors du
premier plan triennal d’action interministériel 2008-2010.
De nombreuses mesures ont été lancées : études, dont celle précitée,
cartographie des risques, contrôles, réduction de l’exposition dans les
aliments, incitations à cultiver les légumes sensibles sur des sols sains,
jardins familiaux, cessations d’activités, notamment d’élevage aquacole et
de pêche, reconversions, etc. Des niveaux élevés de chlordécone ont été
confirmés dans les végétaux et les animaux des zones affectées, dépassant
de 10 à 80 fois la norme maximale dans les coquillages, les poissons et
les crustacés. Les volailles, oeufs et basses-cours familiales ont été peu
pris en compte (les élevages en bâtiment clos et avec de la nourriture
importée ne seraient pas atteints).
Un
deuxième plan 2011-2013
a été lancé plusieurs mois avant ce
rapport. Deux comités de pilotage et un comité de suivi élargi ont été
constitués, en recherchant une plus forte implication de la société civile.
Des recherches ont été engagées sur la dépollution ; des réseaux de
surveillance ont été constitués ; un registre a été créé en Guadeloupe sur
le cancer de la prostate. Des laboratoires de mesures ont été mis en place
en vue de réduire l’exposition par voie alimentaire, dont les comptes-
rendus pourraient utilement faire l’objet d’une évaluation indépendante.
En Guyane, le préfet a mobilisé début 2014 la brigade nationale
d’enquête vétérinaire et l’office central de lutte contre les atteintes à
l’environnement et à la santé publique pour aider à intensifier les
contrôles et coordonner des stratégies pénales et administratives.
Le plan 2011-2013 comportait des batteries d’indicateurs. Alors
que 37 M€ étaient prévus en trois ans (crédits européens, ministères,
agences, collectivités), la contribution de l’État n’a été que de 3 M€ en
2011, moitié moins qu’annoncé, et s’est située à un niveau inférieur
depuis lors. Pour 2009-2013, le ministère de l’intérieur précise que
13,4 M€ de crédits de paiement ont été décaissés sur les 17,2 M€ inscrits
dans le cadre du programme des interventions territoriales de l’État
(PITE), y compris 0,94 M€ du FEDER et 21 465 € du conseil général de
la Martinique, soit un taux d’exécution de 78 %. Il y ajoute un montant
d’1,55 M€ d’aides exceptionnelles aux pêcheurs en 2013, mais n’a
qu’une estimation des apports d’autres ministères et de différents
opérateurs de l’État, qui auraient atteint 20 M€ entre 2011 et 2013, dont
4,7 M€ du ministère de la santé.
Les orientations d’un nouveau
plan chlordécone III 2014-2016
devaient être validées par le cabinet du Premier ministre à la mi-2013
mais calendrier précis arrêté pour sa mise en oeuvre.
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ANNEXES
175
Le projet régional de santé 2011-2016 de la Martinique et son
annexe sur la prévention ne l’évoquent que succinctement. Mi-2013, les
résultats guadeloupéens des contrôles de l’eau et des végétaux sur les
marchés étaient déclarés à plus de 95 % conformes, et seuls les produits
de la pêche dans les zones littorales en aval des zones de culture
historique de la banane étaient parfois contaminés.
Le plan stratégique de santé 2012-2016 de la Guadeloupe inclut
trois objectifs relatifs au chlordécone et évoque, en termes généraux, les
autres pesticides. Les éleveurs ont été invités en 2011 à mettre leurs
animaux
en décontamination sur des parcelles saines pendant six à douze
mois, la part de bovins guadeloupéens arrivant contaminés à l’abattoir est
passée de 8,4 % en 2011 à 3 % en 2012 (1,6 % au premier semestre
2013).
Un projet de réseau guadeloupéen de suivi de la pollution
phytopharmaceutique des eaux restait à l'étude en 2013. Dans un
échantillon examiné par la direction de l’alimentation, de l’agriculture et
de la forêt de Guadeloupe en 2012, 73 % des bovins contaminés par le
chlordécone présentaient également des résidus d’autres pesticides
antérieurement utilisés dans les plantations de bananes. La canne et la
banane sont désormais « sous contrôle », mais le maraîchage aurait
parfois fait un usage excessif de produits autorisés.
Le rapport d’inspection précité avait formulé 25 recommandations.
L’examen de leur suivi ainsi qu’un bilan indépendant du deuxième plan et
notamment de son pilotage sont nécessaires avant de finaliser le troisième
plan, de manière à définir une plus robuste stratégie à court, moyen et
long terme et à veiller à ce que soit assurée la qualité des dosages
toxicologiques, du suivi épidémiologique et l’effectivité des mesures
structurelles de réduction des risques, d’information et de prise en charge
des personnes atteintes.
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176
COUR DES COMPTES
Annexe n° 11 :
pesticides à risques en Guyane et en
Polynésie française
« En Guyane, la maîtrise de l'utilisation des pesticides n'est qu'à ses
débuts. De gros efforts restent à fournir et beaucoup d'actions à mener
afin de réduire les risques de santé publique (…) de nombreux
agriculteurs guyanais peuvent se fournir auprès [du Brésil et du Surinam]
en pesticides qui sont moins coûteux mais qui peuvent être interdits ou
non conformes à l'utilisation en Guyane » : en 2010, l’observatoire
régional de la santé en qualifiait ainsi le contexte neuf ans après le
premier inventaire par l’ORS de Guyane
108
. L’agriculture y est toutefois
peu développée : 5 400 exploitations recensées, guère plus de personnes y
travaillant, une superficie agricole utilisée totale de 20 639 hectares
(0,27 % de la surface totale du département). L’importation et l’utilisation
des pesticides sont mal connues. En l’absence de laboratoire sur place, les
échantillons sont analysés en métropole, avec parfois des délais qui
peuvent en altérer la qualité : une coopération avec les Antilles, où l’État
subventionne un laboratoire de l’Institut Pasteur, éviterait ce risque. Les
deux études précitées ont préconisé cette coopération régionale, dont les
résultats ne sont pas documentés.
L’État organise des recherches de pesticides dans les eaux
superficielles, chez les agriculteurs et lors de contrôles routiers, mais
aucune étude de pollution des sols et sous-sols n’a été effectuée. En 2008-
2009, 17 principes actifs interdits ou annoncés comme l’étant
prochainement ont été trouvés dans le quart des 108 pesticides utilisés.
Certains étaient l’objet de suspicions de risques proches de ceux du
chlordécone. Les précautions à prendre lors de leur manipulation
n’étaient pas toujours respectées. Conformément à la réglementation, les
agriculteurs ont été autorisés à en épuiser les stocks. L’ORS avait
préconisé des analyses de sang chez eux, et une coopération régionale ;
les suites ne sont pas documentées. Le plan régionale « santé
environnement » (PRSE) 2012-2013 a prévu une évaluation de l’impact
et risques pour les utilisateurs et l’environnement familial, un groupe de
travail et deux stations de mesure fixe près du Maroni et dans l’Est
guyanais.
108
ORSG, État des lieux des pesticides en Guyane française, Cayenne, 2010, p.37.
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ANNEXES
177
56 produits autorisés en Polynésie française mais interdits en
métropole
La Polynésie française autorisé l’utilisation de 475 produits, quatre
fois plus qu’on en dénombre en Guyane, dont 56 interdits en métropole,
certains de ces derniers utilisés contre la dengue en zone habitée.
La longueur de cette liste ne signifie toutefois pas que ces produits,
pour lesquels des circonstances locales sont invoquées par le ministère de
la santé polynésien (ravageurs et moisissures spécifiques, pratiques
locales…) soient en permanence importés ou utilisés.
De nombreux pesticides organochlorés sont ainsi
toujours
autorisés, en dehors des plus fortement rémanents (DDT et dérivés en
particulier). Les importations de produits interdits en métropole se
poursuivent, d’Australie, Nouvelle-Zélande et autres pays, et parfois
exonérés de la TVA et de la plupart des droits et taxes. Depuis 1980, des
concentrations notables et très fluctuantes de pesticides ont été mise en
évidence sur le littoral de Tahiti et d’autres îles dans l’eau, les sédiments,
métaux et hydrocarbures, le plus souvent dans des échantillons réduits et
avec un taux faible, voire imperceptible. Un réseau d’observation des
récifs et de la qualité des eaux lagonaires, en particulier en aval de zones
agricoles, est prévu pour un suivi) à long terme.
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178
COUR DES COMPTES
Annexe n° 12 : amiante, mercure, saturnisme, eau
Aux risques environnementaux généraux (tels que l’eau potable,
l’assainissement, ou les déchets d’activités de soins), s’ajoutent des
risques localisés: chlordécone aux Antilles, amiante en Nouvelle-
Calédonie,
un
site
de
saturnisme
à
La
Réunion,
effets
des
expérimentations nucléaires en Polynésie française. L’habitat insalubre,
aggravé par un assainissement souvent incomplet et déficient, est un
risque omniprésent, mais hors du cadre de la présente enquête.
Le
saturnisme
, maladie liée au plomb, particulièrement dangereuse
chez la mère enceinte et le jeune enfant, touche très peu les outre-mer
(par comparaison avec Paris, la Seine Saint Denis ou le Nord), avec 19
cas en 2010-2011 en Guyane, et un épisode de cas groupés à La Réunion.
La rareté des cas peut être expliquée par celle des recherches visant
d’autres sources que les peintures. S’agissant de l’
amiante
, la
documentation
des
cas
avérés
demeure
parcellaire.
Le
fonds
d’indemnisation des victimes (FIVA) a validé la moitié de la centaine de
demandes reçues de 2002 à 2012. La branche AT-MP n’y a indemnisé
que 7 cas consécutifs à l’inhalation de poussières entre 2005 et 2009.
En
Nouvelle-Calédonie
, seulement trois des quarante demandes ont
pu être acceptées : le gouvernement du territoire n’y a pas encore mis en
place le dispositif juridique prévu par la loi, en dehors d’un groupe de
travail. Le registre du cancer a constaté 107 cas de mésothéliome entre
1984 et 2006, dont près de la moitié sont dans trois petites communes :
Houailou, Poindimié et Kone, avec une incidence en baisse depuis lors
(1,81/100 000). Un rapport de 2007 du bureau de recherches géologiques
et minière (BRGM), de l’INSERM et du laboratoire parisien d’étude des
particules inhalées (LEPI) a identifié le blanchiment d’habitations avec
une chaux contenant de la trémolite («
», forme d’amiante) : en 2002,
17 M€ avaient déjà été affectés à la destruction de 700 cases et au
relogement d’un millier de mélanésiens affectés. S’y ajoutent des roches,
amiantifères sur le tiers du territoire, exposant, lors de terrassements, à un
risque comme avec le nickel : en 2011, une société a été condamnée pour
faute inexcusable envers cinq anciens salariés, dont un décédé, atteints de
cancer des poumons, d’asbestose (maladie de l’amiante) ou de plaques
pleurales. Il a fallu attendre un arrêté territorial du 6 juillet 2010 pour que
soit abrogée l’exclusion des mines et carrières dans la liste des travaux
nécessitant une surveillance médicale spéciale fixée en 1993.
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ANNEXES
179
Le rapport de 2007 susvisé a noté l’incertitude entourant le risque
de fibres dans l’air à proximité des exploitations minières, et préconisé
des mesures qui n’étaient encore que partiellement mises en oeuvre en
2013
109
. Un contentieux est venu fin 2012 devant la cour d’appel de
Nouméa.
La
Polynésie
française
a attendu 2008 pour interdire l’amiante,
12 ans après la métropole, et 2011 pour déterminer les modalités de
protection. Son ministère de la santé est conscient de l’incomplétude de la
transposition des textes et des sanctions prévues au plan national. Les
constructions hospitalières n’ont pas été épargnées : ainsi, le CHU de
Guadeloupe
a repris, après la visite de la Cour en 2013, des travaux
d’élimination d’amiante, certes à faible concentration, réclamés depuis
plusieurs années dans son service de pédiatrie, et programmé un
diagnostic actualisé de l’établissement. À
La Réunion,
seulement 7 des 43
contrôles programmés en 2012 par l’ARS ont été réalisés, avec 28
injonctions ; elle a noté 170 sites restant à contrôler, dont des
établissements sanitaires en priorité.
La pollution au
mercure
est notoire dans les zones d’orpaillage
illégal. L’ARS de Guyane mène des actions de prévention des risques liés
à la consommation de poissons (également ciblés en Polynésie
française) ; son plan régional santé environnement (PRSE) 2009-2012 a
permis de ramener en deçà des plafonds recommandés par l’OMS, chez
des femmes amérindiennes enceintes, une imprégnation biologique
mercurielle qui était très élevée. Le ministère des outre-mer ne dispose
pas d’un tableau de suivi du PRSE qui, compte-tenu de l’impact
économique du sujet, pourrait l’éclairer utilement.
L’
eau de consommation
est, elle, pathogène ou inaccessible dans
les régions les plus isolées ou, comme à Mayotte, les plus démunies.
109
Cf. notamment : Marie-Anne Houchot, « Amiante, développement et santé durable
en Nouvelle-Calédonie », Les Cahiers d’Outre-Mer, 252, octobre 2010, en ligne en
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180
COUR DES COMPTES
Annexe n° 13 :
les maladies professionnelles
La sous-déclaration outre-mer des
maladies professionnelles
et des
accidents du travail est encore plus considérable qu’en métropole : 123
cas de maladies professionnelles dans les quatre DOM (519 000 emplois
salariés) en 2005, 188 cas en 2009, 185 victimes en premier règlement en
2012. À elle seule, la Nouvelle Calédonie, pour 6,6 fois moins de salariés,
en a reconnu 83 en 2005, 94 en 2009, et 103 en 2012, et cela avant que la
CAFAT propose d’augmenter la douzaine de maladies professionnelles
reconnues. Les accidents de trajet à la charge de la sécurité sociale sont
beaucoup plus nombreux (un millier en premier règlement en 2012,
71 000 indemnités journalières) de même que les accidents du travail
(7 842, 437 000 indemnités journalières).
L’absence de déclaration de cancers d’origine professionnelle a
conduit la CGSS de
La Réunion
à examiner les éventuels freins à la
déclaration : complexité ou méconnaissance par les généralistes des
procédures, crainte de répercussions pour les patients, et délicat repérage
de l’origine professionnelle de la maladie. Plusieurs caisses ont renforcé
récemment leurs services AT-MP. L’ampleur du travail dissimulé
accentue la sous-déclaration,
a fortiori
en
Guyane
et à
Mayotte
du fait du
nombre de résidents sans titre de séjour et de travail. Mayotte est restée à
l’écart du droit national, avec une tarification et une classification
désuète, datant de 1977. L’alignement sur le régime général a été différé
jusqu’à 2020, avec une période transitoire. La CSSM tente en vain
d’obtenir de la CNAMTS le logiciel de gestion métropolitain, dont
l’absence limite le calcul des éléments statistiques nécessaires. Un
renforcement de l’information, de la formation et des contrôles en matière
de santé au travail est nécessaire outre-mer comme en métropole,
notamment dans le cadre de la formation médicale, en mutualisant les
documents et avec une concertation plus intense entre caisses, ARS ou
directions
de
la
santé,
médecins
du
travail
et
ensemble
des
professionnels
110
.
110
Une particularité est que l’État affecte en Polynésie française un médecin de la
direction générale de l’aviation civile pour les agents de celle-ci et des actions de
prévention.
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ANNEXES
181
Annexe n° 14 : les effets des expérimentations nucléaires en
Polynésie française
1.
Le suivi et l’indemnisation
L’un des enjeux de santé les plus médiatisés en Polynésie française
concerne la radioactivité. L’institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire (IRSN) la mesure depuis 1962, avant les premiers essais
nucléaires français mais après les essais britanniques en Australie et
américains dans les îles Marshall. Cette radioactivité a faibli et elle est de
plus en plus difficile à mesurer. Mais les décrets d’application de la loi du
5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des
victimes des essais nucléaires français ont publié la liste des maladies
radio-induites à surveiller. De 2010 au 30 juin 2013, le comité
d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a reçu 843
demandes, dont 12 ont abouti à un versement, une partie des autres étant
en cours d’instruction. Une mission conjointe de l’IGAS et du contrôle
général des armées a constaté en 2013 que le rythme des demandes est
passé de cinquante par mois la première année à une dizaine plus
récemment. Le CIVEN a été transformé en autorité administrative
indépendante par la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013.
Sur recommandation du comité de liaison pour la coordination du
suivi sanitaire des essais nucléaires français (CSSEN), un « Centre
médical de suivi des anciens travailleurs civils et militaires des sites
d’expérimentation du Pacifique et des populations vivant ou ayant vécu à
proximité de ces sites » (CMS) a été mis en service en 2007 par le
territoire et l’administration française, par convention entre l’État et la
Polynésie française, et en cours de renégociation en 2013. Il contribue à
la constitution des dossiers découlant de la loi de 2010.
Le CMS est hébergé par la direction de la santé et cofinancé par
le ministère de la défense, qui lui affecte un médecin-chef, sur deux
prévus, et un infirmier. De 2007 à 2012, ils ont réalisé 5 459
consultations. S’y ajoutent, à l’occasion de leurs visites dans des atolls
dépourvus de personnel soignant, des consultations de médecine
préventive et curative (755 en 2012).
Le contentieux administratif suite aux rejets de demandes s’est
développé, et devrait permettre d’en dégager une jurisprudence. Une
commission sénatoriale a critiqué le dispositif, l’analysant comme « une
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182
COUR DES COMPTES
application poussive, loin des objectifs assignés » et la loi a été modifiée
en 2013
111
. Les dépenses ont été modestes : 38 018 € en 2011 et 266 284
€ en 2012, sur une dotation annuelle de 10 M€ (programme 169). La
moyenne des indemnisations est de 65 000 €, avant déduction des
éventuels frais de soins remboursés à la sécurité sociale.
2.
Les études scientifiques
L’IRSN évalue la dose annuelle sur la base d’une ration
alimentaire déterminée par archipel, et les résultats sont publiés sur
internet (de même, en Nouvelle-Calédonie, il prévoit de publier en 2014
les résultats de 80 prélèvements collectés sur des denrées et des sols).
Suite à l’accident de Fukushima de 2011, la fréquence des analyses et des
actions de communication a été accrue (air, herbe, lait, eau de mer,
poissons, etc.), de même que le nombre d’instruments de mesure, sans
faire apparaître de risque jugé significatif. S’agissant des leucémies, des
cancers broncho-pulmonaire, du sarcome osseux et de la radionécrose
osseuse qui seraient attribuables aux essais nucléaires, 53 cas ont fait
l’objet de dossiers d’indemnisation entre 2007 à 2012 (31 chez d’anciens
travailleurs des sites d’expérimentation, et 22 habitants).
D’autres cancers hors liste sont évoqués : ainsi, deux habitants des
Gambier, atteints de cancer de la thyroïde après contamination dans
l'enfance, ont reçu une proposition d'indemnisation, quoique sans lien
officiel de causalité. Statistiquement il n'y aurait pas de différence
significative et attribuable aux essais nucléaires entre les populations ainsi
affectées et la prévalence des cancers dans le reste de la Polynésie
française ou de la France. Toutefois, en données standardisées, le registre
du cancer géré par la direction de la santé polynésienne et les données
France 2005 (hors Pacifique) montrent qu’en Polynésie française
l'incidence pour les femmes des cancers de la thyroïde est trois fois
supérieure à celle de la France.
C'est le 2
ème
taux d'incidence au monde après la Nouvelle-
Calédonie, et des études sont en cours dans ces deux territoires pour
déterminer les facteurs de risque. Les cancers de l'utérus et des poumons
111
Rapport d´information, relative à
La reconnaissance et l’indemnisation des
victimes des essais nucléaires français, c
ommission sénatoriale pour le contrôle de
l’application des lois, sur la mise en oeuvre de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, par
Mme
Corinne
BOUCHOUX
et
M.
Jean-Claude
LENOIR,
Paris,
Sénat,
18 septembre 2013, page 21.
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ANNEXES
183
des femmes sont de même plus nombreux, comme, dans une moindre
mesure, ceux de l'estomac, du foie et de la vessie. Ces cancers peuvent
résulter de risques majeurs tels que grossesses multiples, tabac et boissons
alcoolisées. Les autres types de cancers y sont moins répandus qu’en
France hors Pacifique.
Une étude indépendante a été réalisée entre 1966 et 2008 pour le
ministère de la défense sur les 26 524 personnels civils et militaires ayant
séjourné dans les sites d’expérimentation nucléaire. Certes plus jeunes et
en meilleure santé que la moyenne de la population française, ils ont été
beaucoup moins atteints par des cancers que cette dernière. Chez les
quelque 5 400 décédés avant 2009 dont la cause de décès est connue, la
mortalité par cancer ou pathologies potentiellement liées aux radiations
est inférieure à la moyenne nationale, sauf pour des hémopathies
malignes, dont la fréquence est supérieure, comme chez les personnels
affectés aux essais nucléaires d’autres pays (source : G. Pédrono et al.,
Revue d’épidémiologie et de santé publique 59 (2011) 187–196). Seuls
sept décès par cancer de la thyroïde ainsi que 24 décès par mélanome ont
été constatés chez des vétérans dont tous les dosimètres avaient été
négatifs sauf dans un cas (SEPIA-SANTE, 2009, 110 pages). Un second
rapport de la même équipe (Étude des affections de longue durée dans la
cohorte des vétérans des essais nucléaires dans le Pacifique, 2012, 74
pages) a conclu dans le même sens.
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COUR DES COMPTES
Annexe n° 15 : médecine légale
1 - Les insuffisances relatives aux instituts médico-légaux
Les instituts médico-légaux représentent une charge de travail
significative pour le secteur hospitalier (ainsi que pour certains médecins
libéraux. Malgré les progrès accomplis, les constats effectués auprès des
cours d’appel ou tribunaux de chaque outre-mer n’en montrent pas moins
de graves lacunes, et des écarts préjudiciables aux missions médico-
légales.
Tableau : statistiques des instituts médico-légaux, DOM, 2012
2012
Examens
Autop-
sies
Levées
de corps
Examens
de corps
isolé
Forfaits
versés (€)
de
victimes
de gardés
à vue
Cayenne (CH)
1 815
928
87
19
0
1 030 133
La Réunion
1 671
1 415
72
87
147
1 176 168
Fort-de-France
1 533
53
0
27
102
692 059
Pointe-à-Pitre
970
622
150
54
85
1 363 336
Total
5 989
3 018
309
187
334
4 261 696
Source: ministère de la justice (non compris d’autres actes en faibles quantités)
De longue date, des recommandations sont multipliées pour
développer outre-mer la coopération entre les professionnels de santé et la
justice. L’annonce en 2008 de commissions régionales santé-justice n’a
été que très tardivement suivie d’effet ; elles appellent la participation de
tous les services de l’État concernés. Fin 2013, un seul protocole santé-
justice avait été signé conformément aux instructions, celui de
Guadeloupe étant jugé non conforme, celui de l’océan indien était en
cours de validation, avec des difficultés résultant d’une insuffisance de
moyens et de la suppression de l’équipe mobile. Celui de Guyane était en
cours de validation.
S’agissant de la médecine légale du vivant, les examens médicaux
réalisés sur réquisition judiciaire peuvent avoir un impact en matière de
santé
comme de justice (certificats médicaux pour une victime de
violences, notamment sexuelles, cas psychiatriques…). Le schéma
directeur mis en place en 2011 a été évalué et remanié en 2012. Le
ministère de la justice est d’avis que cela a amélioré la qualité des
prestations médico-légales.
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185
Des chefs de cour rencontrés lors de l’enquête ont regretté que
cette réforme n’ait ni mis fin aux disparités locales ni uniformisé les
pratiques, et laissé cohabiter le nouveau forfait avec le paiement à l’acte.
La majorité des parquets judiciaires d’outre-mer soulignent des difficultés
qui, fréquentes en métropole, sont aggravées par la densité souvent faible
en médecins ou spécialistes et par l’éloignement. L’interprétariat parfois
nécessaire demeure inégalement assuré, et les praticiens sont souvent
payés avec retard, voire pas du tout. Fin 2012, la justice avait versé
3,65 M€ à ses prestataires médico-légaux, hors établissements, et reporté
à 2013, analyses de laboratoires non comprises, au moins 1,9 M€ selon
les données, présumées incomplètes, enregistrées dans CHORUS.
Les trois centres hospitaliers universitaires (CHU) ont renouvelé
récemment les protocoles signés avec les chefs de cour, la gendarmerie et
la police, et celui du centre hospitalier de Cayenne est en cours de mise au
point; ils affectent à leur institut médico-légal 2 ou 3 ETP de praticiens,
autant de personnels infirmiers, et un ou deux agents de support
logistique. Les autres outre-mer n’ont
qu’un « réseau de proximité »
libéral, plus ou moins étoffé et disponible. Il y a parfois une absence
d'anticipation du temps de travail et des compétences nécessaires, comme
l’a noté dans un cas la Chambre régionale des comptes Antilles-Guyane.
Les délais sont souvent et à tous les stades importants : pour un
rendez-vous (jusqu’à plusieurs mois, sauf à La Réunion où la prise en
charge est immédiate), comme pour le rapport en découlant (moins d’une
semaine à La Réunion mais jusqu’à près d’un an ailleurs). Certains
médecins, y compris hospitaliers, refusent de donner d’emblée aux
victimes un certificat médical, ce qu’une gendarmerie a qualifié de
«
procédé, semble-t-il, pour se faire payer deux fois le même acte
».
Lorsque les psychiatres ou les intéressés reportent une expertise sans
aviser les enquêteurs, les dossiers s'accumulent. Un retard de six mois
dans la procédure est fréquent. Les relations police judiciaire-médecine
en souffrent parfois.
Le montant facturé à la justice est désormais sans commune
mesure avec la tarification à l’acte que son administration devrait
théoriquement appliquée. Si elle l’avait respectée, le total de 4,26 M€ du
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tableau ci-dessus aurait été ramené à moins du quart (exactement
849 317 € selon la chancellerie).
112
Les délais avec lesquels
les médecins légistes, les psychiatres et les
psychologues sont défrayés souvent dissuasifs, ce qui encourage à tirer
les leçons de la prise en charge directe des frais de déplacement et de
séjour qui y remédie à La Réunion depuis mai 2013. Le manque de
praticiens dans cette île réduit leur disponibilité pour venir instrumenter à
Mayotte : le résultat est que ce sont des praticiens métropolitains qui
viennent à grands frais (jusqu’à cinq fois plus cher qu’un déplacement de
La Réunion) et de temps perdu en avion. La formation des généralistes
libéraux s’avère parfois insuffisante. Une révision générale de la gestion
des activités d’expertise entre le ministère de la justice, les juridictions
pénales et, notamment, l’ordre des médecins serait opportune.
2 - L’insuffisance en unités médico-judiciaires
S’agissant des unités médico-judiciaires (UMJ), les outre-mer
demeurent en retard par rapport à la métropole, alors que la criminalité,
notamment les violences sexuelles, y battent parfois des records
113
. C’est
notamment le cas dans le Pacifique, où il est abusé de la vulnérabilité
féminine dans des cas d’adoptions coutumières dans l’enfance, de
violences familiales ou masculines et d’abus sexuels précoces. Si les
difficultés en matière d’expertises médicales rappellent celles de la
112
La Cour a déjà attiré l’attention sur de telles difficultés, cf. notamment la réponse
du Garde des sceaux au rapport sur : L’organisation des soins psychiatriques : les
effets du plan « psychiatrie et santé mentale », Paris, La documentation française,
décembre 2011 (page 167). Il était noté page 72 qu’un groupe de travail sur les
expertises avait été mis en place fin 2010 à la demande de la DGS.
113
Par exemple, 25 des 35 saisines du parquet par l’académie de Martinique en 2010-
2011 concernaient des violences sexuelles détectées par des collèges. Les ministères
de la santé et des outre-mer, l’ANRS et l’INPES ont financé aux Antilles-Guyane une
étude « KABP » dont les résultats sont prévus en 2014.
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187
métropole, le développement limité des unités médico-judiciaires et des
centres de ressource pour les intervenants auprès des auteurs de violences
sexuelles (CRIAVS)
prend insuffisamment en compte le nombre de
victimes à prendre en charge.
L’UMJ de Martinique ne fonctionne dans des conditions jugées
normales (locaux, équipement et effectifs) que depuis 2012 ; l’ARS
indique qu’il n’y a aucune visibilité sur les dépenses et que des titres de
recettes ne sont pas émis.
Le CHU de Guadeloupe a attendu 2011 pour ouvrir une UMJ ;
seule celle de Cayenne est dotée d’une équipe mobile, et ces derniers sites
sont comme celui de La Réunion aux niveaux de personnel les plus
modestes (« O3 », « O3 B » à Pointe à Pitre). Mayotte, la Nouvelle-
Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna sont en « réseau de
proximité », formule qui signifie le recours aléatoire à des professionnels
de santé en l’absence de toute UMJ. À Nouméa, les autorités judiciaires
ont refusé une proposition des services du territoire qui permettrait
d’ouvrir une UMJ sur une base conventionnelle, associant les moyens
proposés par la Nouvelle-Calédonie, ceux du centre hospitalier territorial
et des moyens extérieurs, en attendant un développement mieux approprié
dans le nouveau site du centre hospitalier annoncé pour 2016. À Papeete,
l’hôpital inauguré en 2011 a les locaux nécessaires, mais pas les moyens
de créer une UMJ.
Les « centres de ressource pour les intervenants auprès des auteurs
de violences sexuelles » (CRIAVS), préconisés par le ministère de la
santé depuis 2006, n’ont pas été généralisés. Les CHU de Guadeloupe,
Martinique et de La Réunion, ainsi que le CH de Cayenne, reçoivent de
l’assurance
maladie
depuis
2008
une
subvention
annuelle,
non
réactualisée, de 320 000 € (945 000 € à La Réunion). En dépit de cette
recette, en Guadeloupe, il a fallu l’enquête de la Cour pour que l’ARS
constate en 2013 que le centre y demeure largement virtuel : comité de
pilotage du centre non constitué, locaux prévus redéployés, fonction
assurée
dans
un
« espace
d'accompagnement
psycho-légal ».
En
Martinique, un vaste local loué depuis 2009 n’a été mis en service qu’en
2013, et seulement partiellement.
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Annexe n° 16 :
l’accès à la santé
des personnes détenues
114
Les outre-mer comptaient 4 646 détenus « hébergés » (non compris
449 personnes écrouées non hébergées) au 1er septembre 2013, dont 3 %
de femmes.
1 - Des insuffisances graves de moyens
La prise en charge médicale de détenus est la seule offre de soins
assurée sous la responsabilité régalienne de l’État dans l’ensemble des
outre-mer. D’une part, dans les DOM, la loi du 18 janvier 1994 la confie
au secteur hospitalier, avec un pilotage comme en métropole par les ARS.
Le coût du dispositif est partagé entre la logistique, incombant au
ministère de la justice et les soins, financés par une facturation à
l’activité, complétée par un forfait de base et des crédits pour mission
d’intérêt général (MIG ; 4,8 M€, soit 3,5 % du total français, en 2006 ;
8,5 M€, soit 5 %, en 2012 pour les unités de soins somatiques, et 0,68 M€
pour les chambres sécurisées). La capacité théorique en détenus est le
principal critère pris en compte par le ministère des affaires sociales et de
la santé, alors que la suroccupation des locaux est de 30 % en moyenne: il
n’a examiné qu’en 2013 les insuffisances et écarts injustifiés résultant de
ce mode de financement, et envisage d’y remédier.
Tableau : dotation de fonctionnement versée par l’assurance maladie,
par détenu, DOM
Exercice 2012
Détenus
au 1.9.2013
par détenu
Guadeloupe
871
2 137
Guyane
694
3 391
Martinique
918
1 367
Réunion
1 138
2 618
Mayotte
185
1 379
DOM
3 806
2 287
Sources : ministère de la justice ; DGOS. Les données hors DOM ne sont pas
comparables. L’écart calendaire entre l’exercice 2012 et la population 2013 n’altère
pas l’échelle de coût par détenu.
114
Sur la situation en métropole, voir : Cour des comptes,
Rapport public annuel
2014
, Tome I, Volume I-1. La santé des personnes détenues : des progrès encore
indispensables, p. 251-290. La Documentation française, février 2014, 480 p.,
disponible sur
www.ccomptes.fr
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Ce n’est là qu’un ordre de grandeur. De fréquents reports de
charges sur l’exercice suivant, faute de crédits de paiement permettant de
faire face au minimum nécessaire, rendent illusoire la présentation des
dépenses par exercice.
D’autre part, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, la
santé est une compétence du territoire. L'administration pénitentiaire
finance le fonctionnement du dispositif, avec des conventions entre les
établissements pénitentiaires et hospitaliers. Elle manque de crédits pour
rembourser les médicaments, l’hygiène des locaux, les transports de
personnel, médicaments et matériels, ainsi que les actes effectués (en
réduction des financements par l’assurance maladie des forfaits de
missions d’intérêt général alloués par ailleurs). Le ministère de la justice
n’a pu produire de récapitulation des montants 2011-2013 de
factures de
soins reçues, des paiements effectués et du solde restant à acquitter.
Les indicateurs dont dispose le ministère de la justice témoignent
de l’ampleur des écarts de moyens entre sites, y compris dans une même
île comme en Guadeloupe, et de leur insuffisance récurrente : de
0,63 ETP médical par 100 détenus en Guadeloupe, 0,38 à la Martinique
voisine, à 0,27 à Mayotte ; de 3,94 ETP paramédical en Guadeloupe à
1,53 en Nouvelle-Calédonie. Tous ces chiffres sont à considérer avec
prudence. Les ratios ETP reflètent les tableaux théoriques de service,
alors que le service fait est doublement inférieur : d’une part, les vacances
d’emploi ou congés de longue durée ne sont pas rares, d’autre part, il y a
de fréquentes présomptions que la semaine de 35 heures n’est pas
systématiquement respectée. Certaines « superficies affectées » aux soins,
dans ce tableau, sont toutefois inférieures à la réalité.
2 - Des populations à risques
Les populations pénales sont à risque ; souvent plus jeunes qu’en
métropole, elles présentent des caractéristiques épidémiologiques plus
proches qu’en métropole de la population locale, mais il est fréquent que
les arrivants n’aient jamais été soignés (diabète, rhumatisme articulaire
aigu, staphylocoques dorés…). Dermatologie, infectiologie et petite
traumatologie prédominent. En matière d’addictions, l’usage du cannabis
est fréquent mais la toxicomanie intraveineuse est pratiquement absente
ainsi que ses conséquences (VIH, hépatites). Le cas du centre
pénitentiaire de Saint Denis de La Réunion est assez représentatif :
polytoxicomanie (1/4 des détenus entrants), problèmes bucco-dentaires
(50 %), et, pour les cas maladies chroniques, des cas de diabète (3,5 %)
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190
COUR DES COMPTES
d’hypertension artérielle (4,3 %) et de maladies respiratoires (5,7 %). Des
cas de tuberculose résistante sont relatés.
Il arrive que plus de la moitié des incarcérations aient pour origine
des faits commis sous l’influence de l’alcool et/ou de stupéfiants, et que
la distribution interne de ces derniers soit quasiment gratuite, mais des
responsables ont qualifié de dérisoires les moyens dont ils disposent en
addictologie. La prise en charge mère-enfant est parfois délicate à assurer,
notamment à Mayotte où, en dépit d’une chambre aménagée à cet effet, le
conseil général a refusé de signer une convention avec le centre
pénitentiaire au titre de la protection maternelle et infantile.
Effectifs écroués, capacité opérationnelle et taux d'occupation
Source : ministère de la justice
115
QCD : quartier centre de détention ; QMA : quartier maison d'arrêt ; CD : centre de
détention ; MA : maison d'arrêt. Non compris 449 personnes sous écrou mais non
hébergées. La Cour a visité en 2013 tous les établissements sauf les trois derniers (*).
01.09.2013
115
Effectifs
écroués
Capacité opé-
rationnelle
Taux
d'occupation
Baie-Mahault
(Guadeloupe)
qcd
239
238
100 %
qma
446
266
17 %
Basse-Terre
(Guadeloupe)
ma
186
130
143 %
Cayenne (Guyane)
qcd
316
304
104 %
qma
378
310
122 %
Remire (Martinique)
qcd
472
358
132 %
qma
446
211
211 %
Saint-Denis
de La
Réunion
qcd
18
17
106 %
qma
549
558
98 %
Le Port (La Réunion)
cd
445
490
91 %
Saint-Pierre
de La
Réunion
ma
126
121
104 %
Mayotte
ma
185
105
176 %
Nouméa
qcd
259
164
158 %
qma
143
102
140 %
Faa'a Nuu-tania
(Polynésie française)
qcd
248
111
223 %
qma
161
54
298 %
Uturoa (Polynésie
française)
ma
15
20
75 %
Taiohae
(Polynésiefrançaise) *
ma
3
5
60 %
Wallis-et-Futuna *
ma
2
3
67 %
Saint-Pierre et
Miquelon*
qcd
3
4
75 %
qma
5
7
71 %
Total
4 645
3 578
130 %
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191
3 - La prise en charge sanitaire des détenus dans les programmes
régionaux de santé
Les orientations stratégiques et l’implication quotidienne des ARS
diffèrent d’un DOM à l’autre, avec une pénurie variable de moyens pour
les mettre en oeuvre. Celle de Guyane s’est donné comme objectifs la
promotion et d’éducation à la santé (en particulier les jeunes et les
femmes), et la télémédecine pour des avis à distance en gynécologie
ophtalmologie et orthopédie. L’ARS Guadeloupe entend améliorer la
quasi-totalité des composantes de la santé en milieu carcéral. En
Martinique, l’ARS souligne l’inadaptation des locaux, l’infraction que
constituent l’absence de pharmacien et de préparateur, et l’insuffisante
coordination entre l’unité sanitaire et le service médico-psychologique
régional (SMPR), et la nécessité d’améliorer la prise en charge des
urgences, de la psychiatrie, notamment des auteurs d'infractions à
caractère sexuel. L’ARS Océan indien prévoit d’achever l’informatisation
des dossiers médicaux personnels, la mise en service des chambres
sécurisées au CHU, de faire assurer le niveau 2 des soins psychiatriques à
la maison d’arrêt de Saint Denis, d’examiner comment pallier l’absence
d’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), et de financer un
fonds annuel de prévention. Leur mise en oeuvre est, elle, plus hétérogène.
La gamme des soins assurés ou requis est plus large encore qu’en
métropole, du fait de maladies ou pratiques infectieuses spécifiques,
qu’ils soient somatiques (unité sanitaire) ou relevant de la psychiatrie et
de la santé mentale. Les hospitalisations, avec ou sans consentement, ne
peuvent donc être assurées que dans les établissements de santé, eux-
mêmes insuffisants.
4 - Des locaux de soins souvent inadéquats, voire médiocres
Le ratio de locaux médicaux par 100 détenus varie de 20 à 123 m²
selon les sites. Alors que les conditions d’incarcération ont une influence
importante sur l’état de santé des détenus, les locaux affectés aux soins
sont d’une grande diversité et majoritairement inadéquats, voire
médiocres. Les facteurs pathogènes liés à leur vétusté, à leur
surpopulation et à la précarité sociale sont d’une acuité variable mais
amplifiée par le climat local et une forte suroccupation des locaux
pénitentiaires. Le risque est parfois minoré par une vie plus souvent en
commun, parfois toute la journée, et même la nuit, que dans les sites
modernes, mais des troubles en ont résulté.
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192
COUR DES COMPTES
À Saint-Denis de La Réunion, et dans le nouveau site ouvrant en
2014 à Mayotte, ils sont exceptionnellement modernes et vastes (près de
400 m²) ; comme au Port, l’unité de consultation et de soins ambulatoires
(UCSA) et le SMPR occupent des locaux communs ou contigus, bonne
pratique qui favorise une coordination inégalement retrouvée ailleurs.
Dans d’autres sites, la contiguïté n’a pas suscité une telle synergie entre
les deux équipes, sans que les établissements hospitaliers, les ARS ou le
ministère aient les moyens d’en tirer les conséquences quant au choix des
chefs d’équipe. Nombre de rapports du contrôleur général des lieux de
privation de liberté (CGLPL) ont détaillé des conditions indignes outre-
mer. L’établissement de Nouméa a fait l’objet de plusieurs rapports
récents, dont un en 2013. À La Réunion, le centre du Port héberge ainsi,
dans un spacieux site à basse sécurité, quatre handicapés en fauteuil
roulant et deux personnes âgées, dans des cellules de 6 m²
scandaleusement incompatibles avec leur état de santé
116
. À Saint-Pierre
de La Réunion, l’encellulement collectif – jusqu’à une quinzaine de
détenus par dortoir – et l’exiguïté de locaux de cet ancien entrepôt ne
peuvent qu’aggraver la vulnérabilité sanitaire de détenus, certes en
nombre limité mais dont l’état de santé lors du placement sous écrou
faisait déjà parfois problème. À Tahiti-Faa’a, l’unité sanitaire n’a que le
huitième de la superficie de celle de Saint Denis de La Réunion, pour une
population voisine : quelque 50 m², comme à Mayotte. Cela a conduit à
une accumulation de manquements au détriment des patients comme des
personnels, qui aurait dû imposer de longue date une reconstruction
maintes fois annoncée et maintenant prochaine. Pour le futur centre de
détention de Papeari (Tahiti), les locaux médicaux sont annoncés comme
devant être douze fois plus grands pour un nombre identique de détenus
(410 places), avec 659 m2.
Dans
plusieurs
îles,
les
soignants
soulignent
la
« psychopathisation » accélérée des détenus. Or, la psychiatrie y est
particulièrement sous-développée, ce qui conduit à s’interroger sur le
degré de maîtrise de la situation par le ministère des affaires sociales et de
la santé. Aucune unité hospitalière de soins adaptés (UHSA) ou pour
malades dangereux (UMD) n’a été créée outre-mer, en raison de la
faiblesse des effectifs de la population pénale dans chaque site. Il n’y a
pas toujours de places d’hospitalisation de jour.
116
Sa cuisine centrale, elle, aurait dû être fermée de longue date pour violation de la
réglementation en matière d’hygiène. Sa reconstruction a été financée mais pas
autorisée par l’administration centrale.
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ANNEXES
193
À Mayotte, le délai est de trois semaines avant de rencontrer un
psychologue ; les détenus présentant des troubles importants du
comportement sont évacués à La Réunion, où les hospitalisations de
détenus réunionnais sont elles-mêmes fréquemment différées, et parfois
non conformes aux bonnes pratiques. Ces évacuations sont contestables
en termes de qualité de prise en charge et à l’origine de coûts importants.
Partout, des dispositions alternatives font défaut. Le centre hospitalier de
Cayenne n’accueille en psychiatrie qu’un détenu à la fois, alors qu’en
Guyane,
dépourvue
d’établissement
psychiatrique,
il
n’y
a
pas
d’alternative du tout. Les praticiens réunionnais ont néanmoins refusé,
lors de la construction du nouveau centre de Saint-Denis de La Réunion,
que des cellules d’hospitalisation de jour y soient prévues : une
implication plus forte des ARS pourra utilement prévenir la récurrence de
telles
décisions
insuffisamment
réfléchies.
Un
nouveau
secteur
d’hospitalisation courte, de 6 chambres individuelles, a été mis en service
au CHU fin 2013, pour La Réunion et Mayotte, hors psychiatrie.
L’insularité appelle des solutions mieux adaptées pour hospitaliser
des détenus trop souvent maintenus en détention malgré leurs troubles, ou
tardivement hospitalisés sous le régime des hospitalisations sans
consentement. Ces dernières sont en moyenne inférieures à trois
semaines, mais leurs conditions de sécurité ne sont - comme ailleurs - pas
optimales, avec deux récentes évasions. La seule solution spécifique est le
transfert dans une unité pour malades difficiles (UMD) en métropole:
trois évacuations sanitaires de ce type au départ de Mayotte en 2012, dont
deux avec retour après une année. Le coût de telles évacuations sanitaires
est très élevé : jusqu’à deux gardiens ou infirmiers sont mobilisés pendant
les deux, trois ou quatre jours de voyage nécessaires, et cela avec deux
allers-retours à quelques semaines d’écart en cas de rapatriement. Leur
rapport coût/vertus curatives ou stabilisatrices est incertain.
Si la Polynésie française bénéficie encore d’un « taux de
tolérance » des pathologies mentales par les codétenus et les personnels
considéré comme supérieur à ce qu’il est ailleurs, les prises en charge
psychiatriques sont une source de difficultés importantes, aggravées par
le faible nombre ou l’inexistence de lits psychiatriques. En cas de
pronostic vital engagé mais impossible à traiter en Polynésie française, il
y a un obstacle de taille : le transfert de détenus en métropole pour des
motifs médicaux est impossible en raison du refus de visa de transit par
les États-Unis. Il en résulte des risques de prises en charge très onéreuses
et moins efficientes sur place.
Le moratoire relatif à la généralisation de l'encellulement
individuel prend fin, en l’état actuel de la loi, en novembre 2014 y
compris en théorie outre-mer, mais cette mesure ne sera pas partout
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194
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applicable. Au demeurant, si la cellule individuelle est une facilitation
pour les soins somatiques et l’équilibre général des détenus, elle peut
présenter un risque pour certains cas relevant de la psychiatrie si leur
prise en charge diurne n’est pas substantiellement renforcée dans ces
territoires où, culturellement, la solidarité collective peut constituer un
soutien psychologique efficace. Les rares chambres carcérales en milieu
hospitalier sont aussi diverses. Bien que limitées à deux, celles du CHU
de Pointe à Pitre sont vétustes, mal équipées et peu sécurisées.
Les matériels et fournitures font également problème. Les
appareils de radiologie dentaire de Saint-Pierre de La Réunion et de
Tahiti (dont le remplacement est annoncé) ont échappé aux contrôles de
radioprotection et à toute mise aux normes, bien que reconnus comme
non conformes. À Tahiti, le kinésithérapeute vacataire ne dispose d’aucun
matériel, et le terrain comme l’équipement de sports sont tels que l’unité
sanitaire a pris en charge 203 accidents sportifs, certes mineurs, en 2012.
Des boulettes quiès ne sont plus distribuées dans des établissements
survoltés.
La création de structures de type UHSA (psychiatrie) et unité
hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI, soins somatiques) n’est plus
exclue par les deux ministères. Une solution sécurisée de ce type paraît
indispensable, à une échelle appropriée à chacune des trois zones :
Antilles-Guyane, Océan indien, Pacifique. Le dispositif serait programmé
en 2014, pour une réalisation progressive, sans que le financement soit
encore confirmé. Dans le cadre du plan stratégique 2010-2014 des
personnes sous-main de justice, la DGOS et la DAP ont entrepris un état
des lieux des locaux existants, en vue d’un plan d’amélioration et
d’harmonisation, sans mesures nouvelles allouées.
5 - Parmi les plus médiocres dotations de France en personnels de
soins
Le ratio en personnels médicaux par 100 détenus varie de 0,19 à
0,63 ETP de médecin, et de 1,53 à 4,55 ETP en personnel paramédical
(202). En 2011, la fourchette a été de 0,02 à 0,11 ETP de médecins
spécialistes par 100 détenus, et de 0,07 à 0,24 ETP de dentiste.
En temps de présence effective sur les lieux, la réalité est parfois
moindre. En temps de soins effectifs, elle est toujours inférieure. Les
régions pénitentiaires des DOM sont ainsi parmi les plus mal dotées de
France. Les inégalités d’accès aux soins sont très considérables, mais en
partie inconnues.
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195
Les statistiques, notamment celles de l'observatoire ministériel des
structures de santé des personnes détenues (Ossd, DGOS), en témoignent,
même si parfois elles sont illusoires ou ne concordent pas avec celles du
ministère de la justice. Les disparités de moyens hospitaliers publics sont
considérables, pour des populations carcérales dont rien n’établit qu’elles
soient cliniquement hétérogènes.
Locaux et effectifs de soins par établissement, 2012
Ratios par 100 détenus
Locaux de
soins
31 octobre
2013
Effectifs
médicaux
(ETP 2012)
Effectifs
paramédi-
caux
(ETP 2012)
Guadeloupe CP de Baie Mahault
88 m²
0,3
4,5
Guadeloupe MA de Basse-Terre
46 m²
0,2
1,9
Martinique CP de Ducos
65 m²
0,4
3,1
Guyane CP de Remire-Montjoly
71 m²
0,6
3,2
La Réunion CP le Port
72 m²
0,5
3,2
La Réunion CP de Saint-Denis
107 m²
0,5
3,2
La Réunion MA de Saint-Pierre
123 m²
0,5
3,2
Mayotte MA de Majicavo
28 m²
117
0,3
2,8
Polynésie française CP de Faa'a
20 m²
0,3
2,1
Nouvelle-Calédonie CP Nouméa
38 m²
0,3
1,5
CP de Saint-Pierre & Miquelon
néant
0,2
0,2
Moyenne
des 11 établissements
67 m²
0,4
3,0
Sources : direction de l’administration pénitentiaire ; DGOS (ETP).
Les statistiques, notamment celles de l'observatoire ministériel des
structures de santé des personnes détenues (Ossd, DGOS), en témoignent,
même si parfois elles sont illusoires ou ne concordent pas avec celles du
ministère de la justice. Les disparités de moyens hospitaliers publics sont
considérables, pour des populations carcérales dont rien n’établit qu’elles
soient
cliniquement
hétérogènes.
Certains
DOM
ont
des
ratios
théoriquement supérieurs à la moyenne nationale, mais la présence sur
site est souvent inférieure : le CHU de La Réunion ne peut assurer sur les
deux principaux sites la présence d’un médecin à temps plein que six
mois par an, et à mi-temps les autres six mois. La notion d’« équivalent
temps plein » varie notoirement en termes d’heures de présence effective,
117
Le nouveau bâtiment livré en 2014 quintuple la superficie par cent détenus.
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COUR DES COMPTES
d’un médecin ou d’un site à l’autre, sans que le ministère exprime de
point de vue (aucune sanction pour absentéisme n’a été signalée). Il en
résulte notamment des délais d’attente de plusieurs semaines ou mois
avant une consultation, d’autant que, dans un cas parmi d’autres, «
le
rallongement du délai d’attente est lié d’une part à l’arrivée tardive de
certains sur le lieu de travail et d’autre part à un déficit de consultations
par certains praticiens (…) les médecins ne veulent pas voir afficher leurs
horaires d’entrée et de sortie de l’établissement
». Dans ce site, seuls les
remplaçants (le chef de service hospitalier ou des vacataires) sont réputés
respecter le temps plein. La permanence de nuit n’est pas toujours
assurée, ni même parfois de jour : en Guadeloupe, aucun médecin ni
infirmier n’a été présent entre le 9 et le 11 décembre 2012, ni pendant les
week-ends de Noël et du jour de l’an, à la veille desquels les
médicaments ont été distribués par anticipation, ni encore plusieurs jours
en août 2013. Ces réductions du temps de travail sont notoires ; elles
altèrent les relations avec les personnels pénitentiaires comme la
continuité et la célérité des soins, mais il n’y a pas trace de sanctions.
Alors que la psychiatrie en Guadeloupe est affichée par la DGOS à
0,7 ETP par 100 détenus, contre une moyenne nationale de 0,32, la Cour
a constaté sur place un chiffre réel de 0,19 ETP (0,55 ETP avec les
vacations de psychologues) : il y a un seul psychiatre, théoriquement à
temps plein, et trois vacataires (0,9 ETP). Un secteur pénitentiaire
d’hébergement psychiatrique a ouvert fin 2013, après quinze ans de délais
attribué aux mésententes avec le CHU, et l’attribution des emplois
médicaux nécessaires. Cette réalisation sera à évaluer en vue de l’étendre
à d’autres outre-mer. En Martinique, les locaux vont être améliorés, mais
en éloignant les soins somatiques des soins psychiatriques.
En Guyane, le centre pénitentiaire a bénéficié d’un appareil de
radiologie, inutilisé faute de manipulateur : il en résulte d’onéreux
transferts de détenus au centre hospitalier pour la détection de la
tuberculose, ce qui perturbe le patient, le personnel pénitentiaire et celui
de l’hôpital. Dans un autre cas, la DGOS recense comme étant à temps
plein en unité sanitaire un médecin qui est également chef de pôle à
l’hôpital, expert près les tribunaux et disponible dans son cabinet en ville
pour sa clientèle libérale ; ce centre pénitentiaire souligne le manque de
vacations d’ophtalmologie, de chirurgien-dentiste, d’addictologie. La
maison d’arrêt de Basse-Terre (Guadeloupe) est l’une des plus dégradées
et des moins bien dotées en personnels de santé : une présence médicale
est certes assurée 3 journées et demi par semaine, mais par trois médecins
différents, avec un dispositif d’imagerie qui ne fonctionne plus. Les soins
dentaires sont, après une absence totale de fin 2011 à l’automne 2012,
réduits à une vacation toutes les trois semaines, moins d’un tiers de ce qui
serait nécessaire pour une population très défavorisée à cet égard.
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197
La gestion des médicaments est d’une qualité variable selon les
sites. L’alternative de soins en ville est souvent limitée, faute d’assez de
personnels (gendarmerie, police ou administration pénitentiaire) pour
sécuriser les extractions de détenus pour des soins externes. De ce fait, en
Guyane, seulement deux des trois extractions quotidiennes nécessaires
sont effectuées, ce qui engendre un déficit structurel de soins –
irrémédiable sauf à mieux doter en personnels et matériels de soins le
centre pénitentiaire. Le problème est plus aigu encore lorsqu’il s’agit de
détenus pour lesquels une escorte lourde est jugée indispensable. Le
SAMU et SOS Médecins assurent généralement la permanence des soins
en dehors des horaires d’ouverture des unités médicales : l’urgence
médicale est en fort accroissement : des bagarres parfois violentes, avec
des
armes
blanches
artisanales,
éclatent
ainsi
régulièrement
en
Guadeloupe en dépit de moyens mis en oeuvre pour les endiguer.
La motivation des vacataires ne survit pas toujours à de longs
retards de paiement, ce qui conduit alors à des périodes pendant
lesquelles aucun soin spécialisé n’est accessible. En Guyane, il n’y a plus
de consultations orthopédiques ni ophtalmologiques, alors que ces
dernières correspondent au deuxième plus important motif de demande.
L’opticien, non payé, a arrêté ses prestations en 2010. Un développeur
numérique de radiographies installé en 2010 n’a pu être mis en service
faute que le centre hospitalier ait financé les 4 500 € de raccordement
électrique, ni la connexion Internet entre août 2011 et 2013. Le suivi
médical des anciens détenus
est généralement mal assuré, même en cas
d’affections chroniques (VIH, hépatites…). La DGOS prévoit de réviser
en 2014 la grille de saisie et la liste des données, et un protocole national
d’échanges d’informations était en cours d’élaboration en 2013 entre les
services de la santé et l’administration pénitentiaire, qui se dote d’un
nouveau logiciel de gestion du parcours du détenu.
Comme en métropole, les cadres de la quasi-totalité des
établissements pénitentiaires visités sont apparus très attentifs à ces
questions, aux relations avec les personnels de santé, et soucieux de
trouver
des
solutions
durables.
Le
dévouement
des
personnels
paramédicaux et de nombre de praticiens est reconnu par eux, et la qualité
de leur dialogue est souvent patente. Des situations n’en sont pas moins
tendues lorsque les médecins n’assurent manifestement pas leur temps de
présence, ne se coordonnent pas entre eux ou perturbent sans motif
apparent les horaires d’extraction de détenus de leur cellule, au prix de
pertes de temps pour le personnel pénitentiaire (l’inverse se produit
également, du fait des contraintes de sécurité).
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COUR DES COMPTES
6 - Des droits sociaux inégalement respectés
L’affiliation des détenus à la sécurité sociale laisse parfois à
désirer: généralement, dès l’écrou, une demande d’ouverture des droits
est faite, mais le temps de réaction des caisses de sécurité sociale est
parfois très long, au point d’infliger parfois une double peine aux ayants-
droits privés de ces derniers ou de ne pas conduire à l’ouverture de droits
avant la sortie du détenu, dont la précarité est alors aggravée en cas de
longue maladie ou d’affections chroniques.
En Guyane, une convention n’a été que récemment signée entre la
CGSS, les centres hospitalier et pénitentiaire, en vue d’améliorer les
transferts de données nécessaires.
En Nouvelle-Calédonie, les détenus affiliés à la CAFAT perdent le
bénéfice de leurs droits (maladie, allocations familiales) à compter de
l’incarcération : leurs ayants droits doivent demander l’aide médicale.
Une réunion en 2010 et un rapport établi en 2012 suite à de graves
troubles au sein du centre pénitentiaire n’ont reçu aucune suite. Il a fallu
que le Haut-commissariat réunisse lors de la présente enquête les services
concernés pour qu’ils envisagent d’y remédier à l’absence fréquente
d’immatriculation et à la rupture des prises en charge d’ayants-droits. Les
responsables provinciaux ont, eux, laissé sans suite les demandes
d’entretien que leur adressait le directeur du service de probation et
d’insertion pénitentiaire.
À Papeete, la caisse de prévoyance sociale n’assure plus de
permanences pénitentiaires depuis une décennie, contrairement à ce que
continuent à faire d’autres caisses pour faciliter l’ouverture des droits : les
retards à l’ouverture de droits concernent jusqu’à 25% des dossiers. Elle
ne rembourse plus les prothèses dentaires et les lunettes des détenus, ce
qui constitue une atteinte à leur droit constitutionnel à la santé. Le logiciel
du ministère de la justice assurant la gestion des identités des détenus ne
reconnait pas le numéro d’immatriculation des détenus à la CPS.
7 - Les situations d’atteintes aux droits d’accès à la santé
À Nouméa, un « accès aux soins très difficile en raison du nombre
insuffisant de personnel sanitaire, de l’enclavement des locaux médicaux
à l’intérieur de la maison d’arrêt, avec pour conséquence un absentéisme
pouvant dépasser 60 % des personnes convoquées au service médical. Les
traitements médicaux étaient distribués dans les cellules sans avoir la
garantie qu’ils soient remis à la personne en raison notamment du
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ANNEXES
199
surencombrement
des
cellules
et
des
nombreux
changements
d’affectation » : la particulière gravité de ces atteintes aux droits
fondamentaux des personnes – parmi eux, la santé – a amené le
contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) à utiliser en
2011 la procédure d’urgence destinée pour adresser ses observations au
garde des sceaux à propos de ce centre pénitentiaire de Nouméa, le Camp
Est, jadis un bagne. La situation sanitaire y a été dégradée par une
surpopulation massive (jusqu’à 206 %) et la grande précarité des détenus
(très majoritairement kanaks et dont plus du tiers a moins de 30 ans) :
insuffisances en psychiatrie, délais dentaires, dossiers non sécurisés ni
reliés au centre hospitalier, vétusté des structures, surencombrement,
oisiveté et indigence, violence en détention. Ce n’est qu’une des
nombreuses situations d’atteintes aux droits fondamentaux d’accès à la
santé que la Cour a constatées en 2013.
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200
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Annexe n° 17 : les fraudes à l’assurance-maladie
Le risque de fraude à l’assurance maladie est aggravé là où la carte
Vitale n’est pas utilisée (la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française
ont leurs propres systèmes, moins sécurisés), ou vérifiée par les
professionnels. Les données de la CNAMTS ne sont pas structurées
identiquement dans les caisses, ni d’une année à l’autre. Elles concernent
principalement des professionnels. La vigueur des pénalités est variable.
Les ordres professionnels font un usage parfois très modéré de leur
pouvoir disciplinaire, y compris en appel.
Fraudes détectées en 2011, DOM, régime général
CGSS
Nombre de
fraudes
préjudice
Actions mises en oeuvre à
l’égard des professionnels de
santé
subi et
déclaré en
2011, €
Taux/
dépenses
ass. maladie
Guadeloupe
18
302 167
0,52
26 lettres de mise en garde
7 indus notifiés
3 saisines SAS CRO/CNO
Martinique
114
549 611
1,13
114 lettres de mise en garde
113 indus notifiés
8 plaintes pénales
La Réunion
128
118
2 789 854
2,64
117 indus notifiés
12 plaintes pénales
1 saisine SAS CRO/CNO
Guyane
1
119
184 000
1,13
1 plainte pénale
Total
261
3 825 632
1,67
Métropole
+ DOM
15 436
78 435 811
1,08
% CGSS
1,60 %
4,87 %
Source : CNAMTS (données Guyane incomplètes)
À Mayotte, la CSSM poursuit six infirmiers pour des préjudices
estimés à 720 596 €, 493 708 €, 156 969 €, 144 381 € 89 410€ et 52 989 €
entre 2009 et 2012, ainsi que deux cas en cours d’évaluation.
118
Dont trois infirmiers pour 561 679 € et 625 850 €. SAS : section des assurances
sociales des conseils régionaux (CRO) et nationaux (CNO) des ordres. La SAS de La
Réunion-Mayotte n’a été instituée qu’en 2013 sans encore fonctionner ; il n’y en a pas
encore dans le Pacifique, dix ans après l’ordonnance de 2003 les instituant.
119
Plaintes de la CGSS non comprises, notamment contre deux pharmaciens pour
1,9 M€ et 0,6 M€ surfacturés, et contre un chirurgien-dentiste pour plus encore.
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ANNEXES
201
Annexe n° 18 : les retards dans la mise en oeuvre des
téléservices publics de santé
Dans les DOM, les professionnels de santé ne contribuent pas
toujours tous aux économies de gestion qui s’imposent à l’assurance
maladie. Leur taux moyen de
télétransmission de feuilles de soins
électroniques (FSE) reste souvent faible. En 2012, 787 d’entre eux
seulement en ont télétransmises, à hauteur de 30 % seulement de la
totalité des feuilles émises par eux. L’ordre des médecins constate
notamment des rejets inexpliqués de dossiers, ainsi qu’une absence,
«
fréquente
» dans un des DOM, d’interlocuteur compétent à la CGSS.
La
carte de professionnel de santé
(CPS), nécessaire pour la
télétransmission, n’est pas généralisée en dehors des DOM. Au
31 mai 2013, on en comptait 11 398 à La Réunion et, marginalement,
Mayotte ; 5 857 en Guadeloupe, 5 050 en Martinique, 1 797 en Guyane,
et moins d’une centaine ailleurs. La circulation des médecins, notamment
des remplaçants, et la gestion des prestations seraient facilitées si tous
étaient inscrits au répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS)
national.
Le décret du 6 février 2009 portant création du
RPPS
a prévu
l’accès outre-mer des régimes d’assurance maladie aux données du RPPS,
pour les professionnels relevant de leur ressort territorial, mais les
ministères de la santé et des outre-mer n’ont pas encore réuni dans le
Pacifique les conditions pour que tous y soient inscrits. La
Nouvelle-
Calédonie
réglemente elle-même les professions de santé, et peut ainsi
autoriser l’exercice à des professionnels non autorisés en métropole (et
réciproquement) : les tentatives de mise en place commune de la CPS et
du RPPS ont avorté du fait que ces autorisations ne sont pas données
selon les mêmes critères. La DASS envisage toutefois de transformer son
répertoire en un système similaire au RPPS. La transmission informatisée
des données de santé y achoppe également sur l’absence d’extension des
textes réglementaires
métropolitains relatifs à l’identifiant, à la
confidentialité et à l’hébergement des données. La
Polynésie française
n’a pas encore un tel projet, et a abandonné en 2013 le réseau
informatique qu’elle avait développé, dans des conditions qui rappellent
les avatars du
dossier médical personnel
(DMP).
Le
DMP
n’est pas encore effectivement utilisé outre-mer, malgré
des subventions versées principalement à La Réunion (273 516 € en
2006, 187 687 € en 2010, réaffectés à d’autres fins). Le dispositif de
dossier pharmaceutique
(DP) est déployé dans 95 % des officines des
DOM (d’autres ne peuvent y accéder, faute de haut débit), avec un
million de DP ouverts, soit 37 % de plus qu’en moyenne.
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202
COUR DES COMPTES
Annexe n° 19 :
une nécessité de sécurisation accrue des
circuits du médicament
Le nombre des pharmaciens de ville et hospitaliers augmente
(+ 19 % d’effectifs depuis 2005). La sécurisation du circuit du
médicament a progressé (sous la réserve
infra
en matière de contrôles),
même si, par exemple, le CH de Mayotte manque de pharmaciens pour
respecter la réglementation dans ses sites extérieurs. Des écarts
géographiques importants subsistent.
Pharmaciens et laboratoires de biologie,
2006-2012
DOM-COM
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2006/
2012
Titulaires d'officines
667
683
686
690
694
701
709
7 %
Industrie
5
6
5
4
5
5
5
- 29 %
Fabric., import-export
5
6
6
6
7
5
7
Ns
Distribution en gros
34
42
40
44
44
45
49
40 %
Pharmaciens adjoints
462
471
472
519
511
519
560
23 %
Établiss. de santé
93
97
111
120
130
142
147
79 %
Pharmac. biologistes
186
192
203
198
207
212
216
18 %
Total DOM-COM
1 452
1 497
1 523
1 581
1 598
1 629
1 693
19 %
Taux d'évolution
2 %
3 %
2 %
4 %
1 %
2 %
4 %
Dt pharmac. biologistes
de laboratoires privés
92
104
112
114
135
135
141
53 %
Laboratoires privés
74
83
94
100
114
119
125
69 %
Source : CNOP (DOM); Gouvernement (NC); ordre des pharmaciens (PF)
Le ministère avait confié à l'IGAS une "
mission d’évaluation des
coûts de distribution des produits de santé dans les DOM ; proposition de
marges plus adaptées
" en 2010. Le ministère n’a pas pu la produire ni
indiquer quelles suites lui ont été données. Des officines sont en déficit
faute de clientèle suffisante, et en raison de dépenses élevées
d’importation. En 201, notamment, des conflits sont apparus à propos du
circuit de distribution des médicaments, avec des livraisons directes
d'officines par des grossistes-répartiteurs de métropole en dehors des
conditions réglementaires. En 2012-2013, des compagnies aériennes ont
réduit leur capacité d’acheminement de fret dans des proportions ne
garantissant plus la continuité de traitements, notamment de grands
malades. La coopération interministérielle alors envisagée pour y
remédier restait, un an plus tard, à concrétiser.
La sécurisation de la dispensation trouve une limite dans la
réduction des contrôles d’officines par les pharmaciens inspecteurs. En
Martinique et dans d’autres ARS, l’unique pharmacien inspecteur a été
affecté à d’autres missions (autorisations de pharmacies hospitalières,
toxicologie…).
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ANNEXES
203
Il en résulte partout un risque de dégradation du respect de la
réglementation et de la déontologie. Supprimés ces dernières années en
Martinique, 10 contrôles complets d’officines (une demi-journée à une
journée sur place) y sont prévus en 2014 à la suite à l’enquête de la Cour ;
seuls deux contrôles simplifiés ont été effectués sur quinze programmés
en 2012, mais quinze officines ont été ainsi inspectées en 2013 et autant
sont prévues en 2014.
Les rares décisions disciplinaires témoignent de ce risque. Elles
sont inexistantes dans le Pacifique :
les administrations centrales ont saisi
le Conseil d'État en 2009 d'un projet de décret adaptant à la Nouvelle-
Calédonie et à la Polynésie française les modalités de fonctionnement des
chambres disciplinaires de l'ordre des pharmaciens, mais sans base
législative : cinq ans plus tard, le dossier continue à progresser, au fil de
multiples occasions manquées de projets de loi ou d’ordonnances pour
mettre fin à cette carence. L’assurance maladie n’y bénéficie donc pas du
caractère éventuellement dissuasif de cet ordre de juridiction face aux
tentatives de fraude.
S’agissant des dépenses en médicaments, des écarts considérables
sont constatés, notamment entre établissements,
sans qu’aucune étude
médico-économique n’ait été initiée pour remédier.
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204
COUR DES COMPTES
Annexe n° 20 : la mise en oeuvre du règlement sanitaire
international
Le règlement sanitaire international (RSI) vise à mieux lutter
contre la propagation des maladies. Compte-tenu des risques auxquels
sont exposés les outre-mer, son application aurait du être rapide. Adopté
en 2005 par l’Assemblée mondiale de la santé, il est entré en vigueur en
2007. Juridiquement, c’est un instrument contraignant. Mais, après
maintes péripéties interministérielles, le décret d’application
n’a été
publié que début 2013 et les arrêtés nécessaires à l’outre-mer n’ont été
publiés qu’en novembre. Les deux comités de pilotage qui devaient réunir
par visioconférence les administrations de l’État et le membre du
gouvernement chargé de la santé en Nouvelle-Calédonie ou de la
Polynésie française n’existaient pas encore.
La Nouvelle Calédonie, tout
en effectuant «
en vain d’innombrables sollicitations en direction de
l’État pour clarifier
» son rôle, a anticipé sur la mise en oeuvre du RSI et
a notamment développé les inspections de navires.
La Polynésie française
indique qu’elle effectue de même ces dernières.
Cinq années pour aboutir à un arrêté à propos de Mayotte
: le
ministère des affaires sociales et de la santé a publié le 6 mai 2013 un
arrêté visant à protéger la population mahoraise de la fièvre jaune, soit
cinq ans après que le Haut conseil de la santé publique (HCSP) l’ait
demandé en raison de la départementalisation annoncée de Mayotte et de
vols directs d’Afrique.
Un contrôle défaillant en Guyane
La vaccination est la seule protection contre la fièvre jaune, avec la
désinsectisation des avions et bateaux. Cette maladie ne peut être éradiquée,
car le virus est également trouvé chez le singe. Au printemps 2013, les
passagers arrivant en Guyane ne faisaient pas encore tous l’objet d’une
vérification par leur transporteur de leur vaccination contre la fièvre jaune
(article R. 322-7 du code de l’aviation civile), notamment en cas
d’enregistrement par Internet.
Suite à ce constat de la Cour, la direction générale de l’aviation civile
a reçu l’assurance qu’Air France y veillera.
Par ailleurs, les échanges d’informations en ces domaines entre les
outre-mer et les États membres de leur région de l’Organisation mondiale de
la santé (OMS), ainsi qu’avec les bureaux régionaux de cette organisation,
restent à renforcer ; le ministère des affaires sociales et de la santé prépare
une instruction à cet effet.
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ANNEXES
205
Annexe n° 21 :
les manquements à la radioprotection
Les DOM disposaient fin 2013 de 50 appareils émettant des
radiations pour des activités soumises à autorisation (curiethérapie,
médecine nucléaire, scanographie, radiothérapie), soit 2 % du parc
français (2 473), et de 1 034 appareils de radiologie conventionnelle
soumis seulement à déclaration, y compris dentaire, soit de 2,5 % à 3 %
du parc métropolitain. Les statistiques inédites ci-dessous d’autorisations
sont extraites du système de gestion de l’inventaire national de l’institut
de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN, Sigis) et les déclarations
sont issues des listes transmises par l’Autorité de sûreté nucléaire. Les
chiffres de radiologie conventionnelle (466 plus 588 en dentaire, hors
doublons manifestes, contre plus de 30 000 estimés en métropole)
peuvent être surestimés : certains établissements changent de matériels
sans annuler les déclarations précédentes.
Tableau : scanographie et radiodiagnostic
Fin 2013
Scanographie
Radiodiagnostic
habitants par
appareil scan. et rad.
public
privé
public
privé
public
privé
Guadeloupe
4
2
53
57
7 087
6 847
Martinique
4
3
48
52
7 507
7 098
Guyane
2
2
4
20
39 908
10 884
La Réunion
6
4
73
122
10 606
6 868
Saint-Pierre et M.
1
0
6
0
902
-
Mayotte
1
0
17
0
12 508
-
Saint-Barthélémy
0
0
1
1
9 072
9 072
Saint Martin
0
1
0
0
-
37 630
total
18
12
202
252
9 715
8 096
Source : IRSN, mai 2014
L’écart par habitant est du simple au quadruple : par appareil, on
dénombre 106 000 mahorais, 84 000 réunionnais, 80 000 guyanais,
40 000 guadeloupéens ou 26 000 martiniquais, hors radiologie dentaire et
sous réserve de doublons quand des établissements ont omis de tenir à
jour
l’inventaire
national.
Cet
important
investissement
est
périodiquement renouvelé sans cartographie d’ensemble de nature à
l’optimiser. Son fonctionnement est une lourde charge pour l’assurance
maladie, en contrepartie d’une augmentation considérable des chances
outre-mer, grâce aux investigations et soins ainsi effectués. Il devient
moins fréquent de déclencher une évacuation vers la métropole, faute
d’équipements et de spécialistes.
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206
COUR DES COMPTES
Failles de radioprotection au CHU de Guadeloupe
Au CHU de Guadeloupe, l’ASN a diligenté fin 2012 une inspection
après une brûlure radiologique grave (exposition anormalement longue). Des
défaillances ont été identifiées dans la prise en compte de la radioprotection
au sein des services pratiquant la radiologie interventionnelle : insuffisante
optimisation des doses délivrées, absence d’implication d’un physicien
médical, manque « flagrant » de culture de la radioprotection chez les
chirurgiens ; réglages et seuils d’alerte insuffisamment concertés mais mis en
oeuvre, cumul des doses reçues par les patients non suivi, report incomplet
des informations dosimétriques devant figurer sur les compte-rendus d’actes,
absence de 2006 à 2012 de réalisation des contrôles de qualité obligatoires au
bloc opératoire, signalétique et règles d’accès incomplètes, analyses de poste
concluant au dépassement des doses maximales réglementaires par agent sans
que cela ne suscite de réaction particulière, absence de recensement et de
vérification des équipements de protection.
Le CHU n’avait pas été autorisé par l’ARS pour l’acte concerné, mais,
plusieurs mois après ce constat, il l’effectuait encore. Il souligne qu’il ne
disposait alors que de deux radiophysiciens, que le troisième poste, dont la
vacance handicapait ce service, a été pourvu fin 2013, mais qu’un quatrième
poste serait indispensable pour une bonne sécurisation des pratiques. Il lui
appartient de redéployer des moyens pour ce faire, compte tenu de ses
sureffectifs.
Par ailleurs, les inspections réalisées dans les autres services de
l’établissement ont également mis en évidence de nombreux manquements
aux obligations réglementaires :
- En radiothérapie externe : non-respect de critères établis par l’Institut
national du cancer, événements indésirables déclarables non déclarés,
utilisation non déclarée de caches en plomb différents de ceux prévus,
traitement en l’absence de physiciens pendant deux heures par jour ; système
de management par la qualité non-conforme, avec notamment une étude des
risques
a priori
encore inachevée, absence de formation obligatoire et de
suivi médical adapté de personnels, notamment des radiothérapeutes du
secteur privé intervenant au CHU. Ce dernier est d’avis que tenter d’y
remédier exposerait au risque d’une réduction de telles prises en charge, avec
des pertes de chance en cascade pour les patients ; cela appelle une
intervention de l’ARS, si nécessaire auprès des conseils de l’ordre concernés.
- En médecine nucléaire : démantèlement non autorisé de générateurs avec
déchets radioactifs de très faible intensité (pour éviter le coût important de
leur transport aérien vers une entreprise autorisée en métropole); rejet non
autorisé d’effluents contaminés dans le réseau public d’assainissement.
Cet inventaire des défaillances n’est pas propre à ce CHU. Des
constats similaires apparaissent, à des degrés variables de sévérité, dans
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ANNEXES
207
des dizaines de rapports d’inspection, en métropole comme outre-mer.
D’une manière générale, les CHU sont statistiquement plus exposés que
d’autres, car mieux équipés et mobilisant des personnels nombreux. Une
remise à plat des autorisations de matériels lourds de scanographie et de
radiodiagnostic apparaît indispensable, afin d’égaliser autant que possible
au fil des renouvellements les délais d’attente, et de réduire les surcoûts
induits par des parcs dépassant la norme. Leur mauvais usage est
susceptible de mettre en danger des patients et des personnels, avec des
conséquences
non
seulement
médicales
mais
aussi
financières
d’événements
indésirables
graves :
indemnisation
des
victimes,
fermetures d’installations, à fonds perdus. L’ASN, à qui tous les
événements indésirables doivent réglementairement être signalés, est
d’une vigilance particulière. Ses rapports d’inspection, annuelles ou
biennales selon les sources radioactives, soulignent des progrès mais
aussi des manquements parfois répétés aux règles et bonnes pratiques.
L’ASN n’a jamais vérifié les sources radioactives installées dans
les établissements pénitentiaires outre-mer : de telles installations,
principalement en stomatologie, y sont peu nombreuses, mais la Cour a
constaté un cas où la réglementation n’est pas respectée, faute de crédits,
à la maison d’arrêt de Saint-Pierre de La Réunion. L’inventaire de l’IRSN
est en pareil cas incomplet.
En
Martinique
, la direction du CHU, déficitaire, a retardé ou omis
des opérations de maintenance curative et de contrôle, et des appareils
indispensables ont été retenus en métropole par la société d’étalonnage
faute de paiement de factures antérieures ; depuis l’enquête de la Cour,
les contrôles réglementaires ont repris, ainsi que les déclarations des
incidents ». Un centre d’écho-radiologie martiniquais et le centre
hospitalier du Lamentin partageaient en 2012 un manque évident de
culture de radioprotection plus que de moyens : défaut de formation des
agents, évaluation des risques et zonage à revoir, absence de suivi
médical pour les médecins... En
Guyane
, la prise en compte des exigences
réglementaires est jugé par l’ASN inégale (comme en métropole) ; les
demandes d’autorisation sont systématiquement déposées en retard et en
urgence.
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208
COUR DES COMPTES
Un événement indésirable et onéreux au CHU de La Réunion
À
La Réunion
, l’ASN estime que la radioprotection est dans la
moyenne, mais un cas récent en radiothérapie a illustré les risques pesant sur
la continuité – cinq mois d’interruption, avec des pertes de recettes – et la
qualité du service public. L’alerte a été donnée le 19 décembre 2012, un
agent spécialisé en radiologie de l’établissement sud informant la direction
des ressources humaines de complications graves survenues chez des
patients. Sa lettre est restée sans réponse. Le 7 janvier 2013, l’agent a écrit au
directeur des soins infirmiers. Après enquête interne, le CHU a déclaré le
11 février 2013 cet évènement significatif à l’ARS, au Préfet et à l’ASN, et a
alors démis de ses responsabilités le chef de service, qui a continué à exercer
dans le service ; il était en fonction depuis 1996, comme le donneur d’alerte
précité. Les principaux faits avérés par deux enquêtes sont les suivants :
- absence de véritable consultation d’annonce (ce qui impliquait l’ensemble
de la filière oncologique) et de certaines consultations de suivi d’événements
indésirables ;
- absence d’implication de la hiérarchie ; de projet et réunions de service,
limitant l’optimisation des techniques de traitement ; d’organisation du
service non actualisés, réticence à harmoniser les procédures; nombre et
champ limités de protocoles de traitement ; manque de formation, retard à
concrétiser la démarche d’assurance qualité ; incompétences chez certains
radiothérapeutes dans les techniques modernes ;
- mésentente entre les médecins sur la façon de traiter les patients, modifiant
les traitements des autres en leur absence sans en discuter ; les physiciens
«
n’ont pas joué leur rôle de garant de la qualité de l’irradiation, ayant
démissionné devant l’attitude souvent autoritaire des radiothérapeutes qui
imposaient leur point de vue sans réelle discussion
» selon les experts
auxquels le CHU a fait appel ;
- dérives aggravées après le renouvellement des équipements, ayant en
cascade suscité chez les dosimétristes un «
sentiment de solitude et
d’insécurité, ce qui les exposaient à une trop forte responsabilité vis-à-vis
des traitements qu’ils préparaient et aux éventuelles conséquences qu’ils
pouvaient craindre pour les patients
» ; les experts ont conclu à des
«
problèmes anciens, non traités, non résolus, non entendus, malgré quelques
appels vers la direction
», et l’ASN à une « souffrance au travail ».
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ANNEXES
209
L’ASN et l’ARS ont après inspection avec l’IRSN suspendu le
17 mai 2013 la prise en charge de nouveaux patients en radiothérapie et
curiethérapie. Deux experts ont ensuite noté que la gestion de la crise par
l’établissement avait elle-même été perçue par des membres du service
comme par manquant de réactivité, d’accompagnement et de dialogue. Deux
séries
de
demandes
ou
de
recommandations
en
ont
résulté,
que
l’établissement a veillé à mettre en oeuvre, au prix de cinq mois de travail
sans accueillir de nouveaux patients avant octobre 2013
120
.
À cette fin, le
CHU a confié la direction du service à un spécialiste expérimenté venu à cet
effet de métropole, et jadis intervenu au CH d’Épinal dans une situation
beaucoup plus grave.
S’agissant du
secteur privé martiniquais
, l’ASN a constaté dans un
établissement la nécessité de nombreuses améliorations pour assurer la
conformité aux dispositions réglementaires, dont notamment en matière
de
dosimétrie
opérationnelle
pour
le
personnel
médical
et
de
radioprotection des patients. L’ARS de
Guadeloupe
, priée de documenter
les dispositions prises pour qu’une clinique applique intégralement les
préconisations de l’ASN, n’a pas répondu à la Cour.
Dans un autre DOM, la radioprotection hospitalière est jugée très
bonne, mais l’unique cabinet privé de radiologie est maintenu en activité
en dépit de l’absence d’autorisation et de l’insuffisance de respect par lui
d’obligations réglementaires ; les risques sont limités, mais de nature à
engager la responsabilité de l’ARS en cas d’événement indésirable. Une
ARS note dans un cas que la mise en service d’un seconde gamma-
caméra rendra « encore plus dangereux » le manque de personnels
spécialisés.
Au CHT de Nouvelle-Calédonie, les règles et les bonnes pratiques
sont proches de celle de la métropole. Dans les autres établissements, les
inspections réalisées en 2013 ont montré une prise en compte jugée
insuffisante par l’ASN de la radioprotection. Le cadre réglementaire
métropolitain n’est pas applicable en Nouvelle-Calédonie ; le procédure
de transposition locale a commencé
en 2013 après la signature d’une
120
Doté de matériels modernes, le service avait traité en 2012 une moyenne
quotidienne de 52 patients en radiothérapie, ainsi qu’un total annuel d’une soixantaine
de patients en curiethérapie et de 128 radio-chimiothérapies concomitantes. Les
activités de radiothérapie ont été transférées à une clinique qui elle-même avait eu à
donner des suites à une visite de l’ASN. Le CHU venait de renforcer sa démarche
qualité, tardivement au regard de l’ancienneté du service, suite à une inspection par
l’ASN fin 2012 : indépendamment de l’alerte de décembre, un médecin gestionnaire
des risques et une qualiticienne venaient d’être affectés au service en janvier 2013.
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210
COUR DES COMPTES
convention de coopération avec l’ASN. De ce fait, le signalement des
événements indésirables n’est transmis à l’ASN qu’en application de cette
convention, sans être obligatoire.
L’ASN a rendu en 2010 et 2011 un avis à l’inspection du travail
pour 7 dossiers, et une convention de coopération a été signée en 2013,
notamment dans la perspective de l’ouverture d’un service de
radiothérapie à Nouméa, où le CHT a réduit au fil des ans de multiples
écarts au regard de la réglementation métropolitaine. Il ne s’est toutefois
pas encore doté d’un radiophysicien, tout en espérant qu’une boursière
rémunérée à cet effet le rejoindra au terme de ses études, ni d’un nombre
suffisant de manipulateurs.
Outre-mer comme en métropole, des agents s’abstiennent de suivre
des formations réglementairement obligatoires, sans que l’établissement
ne les leur impose : ainsi, une formation à la radioprotection des
travailleurs doit être délivrée à tout personnel pénétrant en zone
réglementée (article R. 4451-47 du code du travail), ainsi qu’une
formation à la radioprotection des patients pour tout intervenant dans la
délivrance de tels soins à un patient (articles L. 1333-11 R. 1333-74 code
de la santé publique). La dosimétrie individuelle des patients pourrait être
introduite d’ici 2015.
En
Polynésie française
, trois missions de l’ASN en 2009-2013 ont
inclus 27 inspections et une proposition de textes par lesquels l’assemblée
polynésienne transposerait en droit local le code de santé publique
métropolitain et le code du travail, ainsi que les décisions de l’ASN et de
l’agence nationale de sûreté du médicament (ANSM). De nombreuses
améliorations en ont résulté. Toutefois, deux hôpitaux gérés au sein de la
direction de la santé et disposant d’un amplificateur radiologique de
brillance demeuraient en 2013 dépourvus de la personne compétente en
radiologie (PCR), préconisée en 2011 par l’ASN, comme d’un
manipulateur, auquel sont substitués à leurs risques des infirmiers.
Un contrôle technique des installations à rayonnements ionisants,
autofinancé par l'hôpital d'Uturoa, y a fait apparaître en 2013 de multiples
manquements à la réglementation ou aux bonnes pratiques, alors que
l’ANS avait déjà constaté, lors de sa deuxième mission, en 2011,
qu’avaient été corrigés seulement 12 % des « écarts » par rapport à la
réglementation identifiés en 2009. Des pratiques inappropriées avaient été
redressées, le déménagement dans le nouvel hôpital de Papeete avait
permis d’éliminer d’autres écarts, mais seul le service de radiothérapie
externe de ce dernier avait entrepris de réelles actions correctives
(rédaction d’évaluation de risques, analyse des postes de travail par
catégorie). Les visites de l’inspection du travail n’ont pas été effectuées,
faute d’être financées, dans les hôpitaux de Raiatea et des Marquises.
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ANNEXES
211
Le manque de « personne compétente en radioprotection »,
l’insuffisance de moyens de la direction de la santé, et le peu d’attention
portée
par
les
conseils
d’administration
et
les
dirigeants
des
établissements expliquent cette situation : 10 des 12 services polynésiens
visités par l’ASN en 2009 et 2011 n’en disposaient pas. Le centre
hospitalier de Polynésie française (CHPF, Taaone) n’avait pas encore
validé son plan d’organisation de la physique médicale en novembre
2013, en cours de concertation depuis près d’une année. La convention
ASN stipulait la publication des rapports par la direction de la santé, à
partir de 2009. C’est quatre ans plus tard, que, à la suite de l’enquête sur
place de la Cour, la direction de la santé a mis à la disposition du public
dans une salle d’attente un classeur comprenant ces rapports, et annoncé
la création d’un rapport annuel d’activité en ce domaine à diffuser
notamment aux opérateurs concernés. Une extension hors secteur médical
a été instaurée dans une seconde convention cadre (2012-2014), avec une
seule application à ce jour (avis en 2012, suivi d’un contrôle en 2013,
afférent à un laboratoire de recherches).La Polynésie française s’est
retirée en 1995 de l’inventaire des sources radioactives tenu par l’IRSN,
mais envisage de l’alimenter à nouveau, comme de faire appel à cet
institut pour améliorer les procédures du CHPF en radiologie
interventionnelle.
La participation de l’IRSN à l’Observatoire (de l’État) de la santé
des vétérans (cf.
infra
) est tardivement à l’étude.
Ni les ARS ni le ministère n’ont produit l’analyse demandée des
écarts de dotations en personnels entre services, susceptibles d’avoir un
impact en termes de radioprotection et de médecine nucléaire, ni
d’évaluation de l’impact financier potentiel des manquements constatés.
L’ASN constate entre chaque inspection des évolutions favorables mais
tardives et lentes. Manque une appréciation globale par la tutelle des
risques humains et financiers, directs et indirects, auxquels exposent les
errements critiqués par l’Autorité. Manque aussi dans les volets
hospitaliers
ou
ambulatoires
des
SROS,
états
des
lieux
et
programmations, la reconnaissance de points faibles et de fragilités
exigeant une énergique mise à niveau.
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212
COUR DES COMPTES
Annexe n° 22 : le centre hospitalier de Saint-Laurent-du-
Maroni
Le centre hospitalier de l’ouest guyanais, installé dans d’anciens
locaux du pénitencier à Saint-Laurent-du-Maroni, dispose notamment
l’une des maternités les plus actives de France. Sa vétusté retient
l’attention. En 2002, escomptant contre toute vraisemblance une prompte
reconstruction,
la
direction
fit
aménager
la
cuisine
dans
deux
baraquements provisoires prévus pour deux ans ; elle ignora les mises en
garde contre leur non-conformité notifiées par la Haute Autorité de santé
en 2007 et 2008, par les services de l’État chargés de l’alimentation, puis,
en 2010, par la chambre régionale des comptes. La nouvelle équipe de
direction a diligenté une mise aux normes, mais, faute de moyens
budgétaires suffisants, la moitié de la cuisine fonctionnait encore en 2013
au mépris de normes élémentaires d’hygiène, en l’absence d’alternative
dans cette commune située à 250 km de Cayenne, et à l’encontre de l’avis
de la commission de sécurité. Les installations électriques ont fait l’objet
de plus de mille réserves pour non-conformité en 2012 ; faute d’avoir les
moyens d’y remédier, l’équipe « incendie » a au moins été mise aux
normes. Une quinzaine de chambres accueillaient encore des patients au
troisième étage d’un vaste immeuble construit en bois pour les bagnards
de jadis, sans aucun issue de secours, et désaffecté parce qu’insalubre.
Le premier schéma directeur informatique opérationnel de
l’établissement a été adopté en 2013, et une partie de l’établissement a par
ailleurs été modernisée, mais des normes de capacité n’y sont déjà plus
respectées, au risque avéré de maladies nosocomiales (par exemple,
jusqu’à huit nouveau-nés en couveuse dans une pièce conçue pour
quatre), en raison de l’afflux de patients évoqué plus haut. Des tensions
entre les équipes médicales et l’administration antérieure ont altéré la
gouvernance de l’établissement jusqu’au récent renouvellement de cette
dernière.
Le premier schéma directeur informatique opérationnel a été
adopté en 2013 (6 M€). La sécurité est désormais en progrès,
l’établissement est peu à peu modernisé, et le permis de reconstruction a
été signé pour passer à partir d’ici 2018 de 216 à 361 lits et places
(112 M€), à l’écart du fleuve, dans un terrain de 7 hectares sur lequel a
été construit récemment le petit bâtiment de psychiatrie mentionné au
chapitre II.
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ANNEXES
213
Annexe n° 23 : les défaillances de la gestion des ressources
humaines au centre hospitalier de Cayenne
Cet extrait du rapport définitif de la CRC de Guyane est
représentatif de situations constatées en tout ou partie à travers la
majorité des établissements de santé des outre-mer
121
.
« Le constat, s’imposant lors du contrôle, est celui d’une réelle
dispersion à la fois des référents, mais aussi des logiques gestionnaires, et
d’une absence de lignes directrices auxquelles pourraient se rattacher les
gestionnaires des pôles et des services. Il serait souhaitable que
l’organigramme à venir permette d’assurer une meilleure lisibilité de
l’exercice des responsabilités dans ce secteur d’activité très sensible.
Le projet social de l’établissement porte, dans sa rédaction
même, les traces de ces insuffisances. Il en est ainsi de ce qui pourrait être
une véritable gestion prévisionnelle des emplois et compétences, dont le
nom est évoqué, mais dont le contenu n’est pas défini et encore moins
cerné.
Le
« projet
de
soins
infirmiers,
de
rééducation
et
médicotechnique » qui, sur ce plan, devait en être la déclinaison, peut être
considéré comme plus opérationnel et susceptible de constituer un appui
pour les cadres de services de soins, en spécifiant de manière cohérente
les orientations stratégiques, les actions à atteindre et l’indication de leur
état de réalisation. Le projet de formation, axe majeur de politique de
gestion des ressources humaines, souffre d’une curieuse indigence au
regard des enjeux poursuivis (…). Le bilan social, qui devait servir de
base à une analyse globale des grandes tendances de l’évolution des
effectifs du CHAR, n’est pas utilisé à cet effet (… Il y a) une croissance
importante des effectifs et un dérapage conséquent de la masse salariale
(…). 6 types de dépenses sont à pointer :
-
les heures supplémentaires des personnels paramédicaux dont le
montant s’élève fin 2010 à (…) environ 20 ETP) ;
-
le montant des astreintes (221 747 € en 2010, soit 5 ETP) ;
-
les indemnités particulières de sujétion et d’installation (1 107 829 €,
soit 22 ETP) ;
-
le coût des cabinets de recrutement de personnel non médical
(252 980 € en 2009, 169 800 € en 2010) ;
121
Relevé d’observations définitives
sur
La gestion du Centre hospitalier de l’ouest
guyanais, exercices 2005
et suivants, chambre régionale des comptes de Guyane,
CHAR : centre hospitalier Andrée Rosemon
. Disponible sur
www.ccomptes.fr
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214
COUR DES COMPTES
-
les éléments variables de rémunération médicale (temps additionnel,
frais de déplacement, astreintes, gardes) dont le montant global
s’élève à 3 222 013 € en 2010 ;
-
(…) Les arrêts de maladie (…) correspondent à l’absence, tout au long
de l’année 2011, de plus de 200 agents (…).
L’absence d’analyse synthétique de l’évolution des dépenses de
personnel contraste singulièrement avec l’abondance de tableaux de bord
infra
annuels. La récente prise de position de la direction du CHAR de
recentrer son action sur une maîtrise radicale de cette catégorie de
dépenses compte tenu des enjeux affichés par l’établissement (…), atteste
d’une prise de conscience salutaire. L’absence d’offre locale confrontée à
une demande de plus en plus pressante des usagers, a ainsi favorisé de
manière indubitable des comportements atypiques de « mercenaires »
médicaux imposant des exigences de rémunération peu compatibles avec
la réglementation. En effet, et même si les décrets (…) relatifs aux
praticiens contractuels ont apporté une nette revalorisation des conditions
d’exercice
de
certains
médecins
hospitaliers,
les
difficultés
de
recrutement demeurent réelles. (…) c’est l’ensemble de la politique de
gestion des ressources humaines du CHAR qui doit être repensée dans le
sens de la maîtrise financière de ses équilibres, et au regard d’une activité
réellement enregistrée. Une attention particulière devra être portée à
l’évolution
de
l’absentéisme,
par
type
et
par
catégorie
socioprofessionnelle, aucune structure n’étant à même de supporter un
taux d’absence durablement supérieur à plus de 10 % de ses effectifs.
L’engagement du CHAR dans un véritable plan de lutte contre
l’évolution de l’absentéisme enregistrée ces dernières années apparaît
donc comme un enjeu majeur pour l’établissement
122
. De même, la
formation continue gagnerait à être investie comme levier d’une véritable
politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
(GPEC), qui reste, d’ailleurs, à définir. La mise en oeuvre de nouveaux
locaux d’accueil des patients et de nouveaux protocoles de prise en
charge des patients, justifient amplement que la politique de formation
soit repensée de manière stratégique (…). De très récents efforts de
l’établissement sont toutefois à souligner (…) ».
122
Tout point d’absentéisme gagné se traduirait par le retour au travail de plus de
20 ETP.
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ANNEXES
215
Annexe n° 24 : le service psychiatrique du CHU de Guadeloupe
Extraits de procès-verbaux de la Commission départementale de
soins psychiatriques de Guadeloupe (CDSP)
9 mai 2012
« L’état des locaux reste très moyen. En ce qui concerne les
dégradations constatées, climatisation en panne, lames de jalousies
absentes ou remplacées par du contre-plaqué borgne, installation
électrique défectueuse … il nous est précisé que les réparations ne sont
pas effectuées rapidement. On note le contraste d’un service à l’autre
quant à l’aménagement et la décoration des lieux communs de détente.
(…) Par contre, les chambres d'isolement sont en très mauvais état, de
sorte qu'il paraît difficile d’assurer une prise en charge adaptée à des
patients très déstabilisés (à noter des portes de communication
inadéquates, et l’aspect plus punitif que contenant de l’isolement.) Les
échanges avec les quelques soignants croisés au cours de cette visite nous
ont permis de constater que des tensions existent par rapport à
l’application de la nouvelle loi et les levées de HO
123
, qui génèrent de leur
point de vue, des difficultés de fonctionnement dues au peu de
disponibilité des infirmiers pour accompagner les usagers.
En ce qui concerne la tenue des registres, le retard constaté est
conséquent. Ce travail est effectué de façon très artisanale (collage,
découpage…).
4 décembre 2012
« La tenue des registres assurée par une secrétaire sous la
responsabilité d'un cadre de santé laisse à désirer, des certificats
médicaux légalement exigés y manquant régulièrement en fonction du ou
des médecins concernés. L'accueil initial du patient admis en soins
psychiatriques est effectué par le service des urgences du CHU qui relève
davantage de la cour des Miracles en dépit de l'extrême disponibilité et
bonne volonté de l'ensemble des agents, médecins et infirmiers qui y
travaillent dans des conditions désolantes. La reconstruction du service
serait d'ailleurs programmée avec un financement d'État. À signaler l'état
de puanteur de la seule chambre d'isolement existante, d’ailleurs occupée
le jour de notre visite, et la présence des patients contraints attachés sur
leur lit au milieu des autres patients. »
123
HO : hospitalisation d’office.
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216
COUR DES COMPTES
Annexe n° 25 : l’hôpital de Saint-Pierre-et-Miquelon
Les soins de recours sont assurés par le CH François Dunan, l’offre
de soins primaire relevant du centre de santé de la caisse de prévoyance
sociale (CPS) et de rares médecins libéraux. Son nouveau site a été ouvert
en 2013, sans que l’agence territoriale de santé ait disposé au préalable
« d’une aide extérieure pour analyser le coût d’installation et le coût futur
de fonctionnement » comme un rapport l’avait préconisé. Il comporte un
service d’urgence (et de permanence des soins, récemment transférée de
la CPS, 1,5 passage/jour), 35 lits (dont une maternité de niveau 1, une
naissance par semaine) avec 300 opérations par an (un poste
d’anesthésiste est pourvu par rotation de trois anesthésistes-réanimateurs),
35 lits de gériatrie et 25 lits de maison de retraite. Il est chargé des soins à
domicile, des transports sanitaires, et des examens et contrôles de santé
publique. Son officine pharmaceutique en ville concurrence l’officine
privée voisine. Il est doté de 226 salariés équivalents temps plein (un par
trente habitants, deux fois plus que la moyenne nationale). Sur la
quinzaine de postes de praticiens hospitaliers, il n’y avait que deux
titulaires à fin 2013 (qui disposent de cinq mois de congés et de formation
annuels). Des praticiens sous contrats à durée déterminée, parfois
répétitifs, viennent de métropole, pour quelques jours ou semaines, à
raison d’un en moyenne par semaine. Leurs rémunérations culminent à
16 500 € nets par mois, plus logement, parfois voiture et nourriture. Un
rapport non publié établi à la demande du ministère de la santé mentionne
leur
« peu d’engagement voire une résistance aux changements ont été
souvent constatés ».
En 2012, il a assuré 1 200 courts séjours (7 500
journées, 51 % d’occupation) et déclenché moins du vingtième des
évacuations
sanitaires.
Afin
de
développer
la
télémédecine
expérimentée avec le CH de Saint-Brieuc pour la dialyse – le CH a signé
des conventions avec des CH métropolitains, dont l’appui pourrait être
davantage structuré. La coopération avec la CPS, l’ATS et l’agence de
santé de l’est de Terre-neuve reste largement à concrétiser. Une approche
de type PMSI serait bénéfique à l’assurance maladie. Ses charges sont
passées de 18,4 M€ en 2009 à 19,6 M€ en 2011, en dotation annuelle de
fonctionnement ; s’y ajouteront les coûts d’amortissement et de
fonctionnement du nouveau site, soit au moins 1,3 M€. Le fonds pour la
modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) a
versé 35,5 M€ entre 2007 et 2011 pour la reconstruction. L’opération était
estimée à 39,9 M€, montant dépassé de 3,3 M€, avec recours à l’emprunt,
du fait notamment des retards des travaux. Une mise en garde de la Haute
Autorité de santé a subordonné la procédure de certification, prévue en
2014, à l’autorisation des activités de soins, des deux matériels de
scanographie et radiodiagnostic, et à un fonctionnement du conseil de
surveillance conforme à la réglementation.
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ANNEXES
217
Annexe n° 26 : Mayotte : 24 rapports de l’IGAS en 28 ans
L’IGAS a produit 24 rapports d’enquête à Mayotte entre 1985 et
mars 2013, et diverses notes. La totalité des problèmes non résolus y ont
été traités de manière récurrente, parfois sans suite en 28 ans. Extraits :
Prestations
et
aides
médicales
et
sociales :
Pénurie
de
professionnels de santé, nécessité de renforcer la PMI, de mettre en place
« un
plan
de
formation
ambitieux »
d’infirmiers,
sages-femmes,
travailleurs sociaux, renforcer l’attractivité de l’hôpital pour les médecins
(postes de PH), d’améliorer l’hygiène du milieu et de l’habitat (1985,
1986, 1995). Mise en place à terme, dans le cadre de l’aide sociale, de
l’aide médicale, à envisager (1992). Difficultés liées au retard de parution
des textes d’application des ordonnances de 2002 (2004).
L’hôpital :
Caractère non réglementaire de la dispensation des
médicaments dans les dispensaires (1986, 2013) ; « le CHM, pilier du
système sanitaire de Mayotte et acteur de sa modernisation, ne peut
simultanément conduire un rattrapage considérable de l’offre sanitaire et
de son organisation, et subir une reconsidération drastique et aléatoire de
son financement » (2005).
Gouvernance
:
« En dépit de promesses plusieurs fois renouvelées
en trente ans, (…) l’action de l’État est plus une suite de concessions
conduites dans une logique de temporisation qu’une réelle vision
politique et administrative (…) quelques réussites sectorielles ne
sauraient occulter le fait que l’île est restée économiquement sous
développée, que son retard social est alarmant, et que le droit local
applicable, qu’il soit dérivé du droit commun ou issu du droit coranique,
fait du territoire une exception telle qu’elle en devient un lourd
handicap (…) La sécurité de Mayotte ne pourra être garantie si
l’immigration clandestine et le travail clandestin, qui en est l’un des
principaux moteurs, ne sont pas jugulés. (…) il est illusoire de penser
qu’un tel résultat pourra être atteint sans développer les efforts de
coopération avec les Comores» (2007).
« Les limites du mode traditionnel de gestion du dossier mahorais,
consistant à arracher, après des efforts parfois démesurés, un peu
d’attention et de budget auprès d’administrations centrales pour qui
l’enjeu à l’échelle du pays est dérisoire, tout cela plaide pour la mise en
place d’un nouveau mode de gouvernance autour d’une responsabilité
unique interministérielle (2008). « L’urgence d’une inter-ministérialité
effective pour répondre à la départementalisation » (2011). « Des
approches
trop
cloisonnées
au
niveau
national (…) l’absence
de
correspondant accessibles ayant une vision globale » (2013).
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218
COUR DES COMPTES
Annexe n° 27 :
les droits des enfants à la santé à Mayotte
Parmi d’autres rapports, l’ancienne Haute Autorité de lutte contre
les discriminations (HALDE, dissoute en 2011) a, dans une délibération
du 1
er
mars 2010 (n° 2010-87), « conclu au bien-fondé des affirmations
de discrimination dans l’accès aux soins des étrangers en situation
irrégulière et de leurs enfants ainsi que des étrangers en situation
irrégulière et de leurs enfants ainsi que des mineurs étrangers isolés
résidant à Mayotte, formulées par les associations réclamantes ». Elle
demandait au gouvernement « et, ce sans attendre la départementalisation
qui doit intervenir en 2011, de mettre en place l’AME [aide médicale
d’État] ou une couverture médicale équivalente à Mayotte. Elle lui
demande de l’informer des suites qui seront prises dans un délai de six
mois suivant la présente délibération. » Elle demandait aussi « au regard
de l’analyse de la violation manifeste des stipulations de la convention
internationale des droits de l’enfant (…) que les enfants dont les parents
se trouvent en situation irrégulière ainsi que les mineurs isolés bénéficient
d’une affiliation directe à la sécurité sociale [(…) et] « une définition des
soins urgents qui soit conforme à celle qui figure dans la circulaire
DHOS/DSS/DGAS du 16 mars 2005 modifiée en janvier 2008 ».
Le Défenseur des droits, qui a succédé à la HALDE, est à son tour
intervenu pour « qu’une règle de maintien des droits (comme il en existe
une en métropole et dans les autres DOM) soit introduite dans la
réglementation relative à l’assurance maladie de Mayotte. Sans attendre
une modification de l’ordonnance n°96-1122 modifiée, ce maintien des
droits pourrait être préconisé par une simple instruction, comme c’est le
cas en métropole pour certains droits sociaux. Cette demande se justifie
aussi par le nécessaire mouvement de rapprochement des législations qui
doit se mettre en oeuvre dans le cadre de la départementalisation de
Mayotte
124
».
Il a jugé « nécessaire d’initier dès à présent l’installation
d’une conférence permanente des droits de l’enfant sur l’île de Mayotte,
associant l’ensemble des acteurs publics et associatifs », préconisation
restée sans suite.
124
Le Conseil d’État s’était déjà prononcé sur le fait qu’en l’absence d’aide médicale
de l’État (AME) à Mayotte, tous les enfants non couverts en tant qu’ayant droit d’un
assuré social devraient pouvoir être affiliés à l’assurance maladie en leur nom propre,
et pas seulement en cas d’urgence, (Conseil d’État, 7 juin 2005, n° 285576).
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Table des sigles
ABM
Agence de la biomédecine
AFD
Agence française de développement
AFSSAPS
ex-Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
ALD
Affection de longue durée
AME
Aide médicale d’État
ANSM
Agence nationale de sécurité du médicament
ARH
Agence régionale de l’hospitalisation
ARS
Agence régionale de santé
ASIP
Agence des systèmes d’informations partagés de santé
AT/MP
Accident du travail / maladie professionnelle
ATIH
Agence technique de l’information sur l’hospitalisation
CAFAT
Caisse de compensations familiales et des accidents du travail
CépiDc
Centre d’épidémiologie sur les causes de décès
CESE
Conseil économique, social et environnemental
CGLPL
Contrôleur général des lieux de privation de liberté
CGSS
Caisse générale de sécurité sociale
CHU
Centre hospitalier universitaire
CIRE
Cellule interrégionale d’épidémiologie
CMU
Couverture maladie universelle
CMUc
Couverture maladie universelle complémentaire
CNAMTS
Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés
CNOM
Conseil national de l’ordre des médecins
CNOP
Conseil national de l’ordre des pharmaciens
CNRS
Centre national de la recherche scientifique
COM
Collectivités d'outre-mer
CPOM
Contrats Pluriannuels d'Objectifs et de Moyens
CRTC
Chambres régionales et territoriales des comptes
CSBM
Consommation de soins et biens médicaux
CSSM
Caisse de sécurité sociale Mayotte
CTC
Chambre territoriale des comptes
DASS
Direction des affaires sanitaires et sociales (Nouvelle Calédonie)
DGFIP
Direction générale des Finances publiques
DGOM
Direction générale des outre-mer
DGOS
Direction générale de l'offre de soins
DGS
Direction générale de la santé
DOM
Département d'outre-mer
DREES
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
DRFIP
Direction régionale des finances publiques
EFS
Établissement français du sang
EPRUS
Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires
EPS
Établissement public de santé
FCFP
Franc « Change Franc Pacifique »
FHF
Fédération Hospitalière de France
FNORS
Fédération nationale des observatoires régionaux de la santé
HAD
Hospitalisation à domicile
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220
COUR DES COMPTES
HAS
Haute Autorité de santé
HCSP
Haut comité de santé publique
HPST
Hôpital, patients, santé et territoire (loi)
IDH
Indice de développement humain
IEOM
Institut d’émission d'outre-mer
IFCASS
Institut de formation aux carrières administratives, sanit.
et sociales
IGAS
Inspection générale des affaires sociales
INCa
Institut national du cancer
INPES
Institut national pour la prévention et l’éducation à la santé
INSEE
Institut national de la statistique et des études économiques
INSERM
Institut national de la santé et de la recherche médicale
InVS
Institut de veille sanitaire
IRCT
Insuffisance rénale chronique terminale
IRDES
Institut de recherche et documentation en économie de la santé
IRM
Imagerie par résonance magnétique
IRSN
Institut de radio protection et de sûreté nucléaire
ISEE
Institut de la statistique et des études économiques (N-Calédonie)
ISPF
Institut de la statistique de la Polynésie française
IVG
Interruption volontaire de grossesse
MCO
Médecine, chirurgie, obstétrique
MIGAC
Missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation
MILDT
Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie
OCDE
Organisation de coopération et de développement économique
OMS
Organisation mondiale de la santé
ONDAM
Objectif national des dépenses d'assurance maladie
ORS
Observatoire régional de santé (ORSG : de Guyane)
PDSA
Permanence des soins ambulatoires
PMI
Protection maternelle et infantile
PMSI
Programme médicalisé des systèmes d’information
PNNS
Plan national nutrition santé
PNUD
Programme des Nations Unies pour le développement
PRS
Projet régional de santé
PRSE
Plan régional santé environnement
PSOM
Plan santé outre-mer
REIN
Réseau épidémiologie et information en néphrologie
RMI
Revenu minimum d’insertion
RSI
Régime social des indépendants
RUP
Régions ultra- périphériques
SAE
Statistique annuelle des établissements
SAMU
Service d’aide médicale urgente
SIDA
Syndrome immunodéficitaire acquis
SMPR
Service médico-psychologique régional (pénitentiaire)
SNIIRAM
Système national d'informations inter régions d'assurance maladie
SROS
Schémas régionaux d’organisation des soins
SSR
Soins de suite et réadaptation
UCSA
Unité de consultation et de soins ambulatoires (pénitentiaire)
UHSA
Unités hospitalières spécialement aménagées
UHSI
Unité hospitalière sécurisée interrégionale
UMD
Unités pour malades difficiles
VHB / VHC
Virus de l’hépatite B / de l’hépatite C
VIH
Virus d’immunodéficience humaine
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RÉPONSES DES
ADMINISTRATIONS, DES
ORGANISMES ET DES
COLLECTIVITÉS CONCERNÉS
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Sommaire
Ministre des affaires étrangères et du développement
international
225
Ministre d’écologie, du développement durable et de
l’énergie
226
Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement
supérieur et de la recherche
227
Ministre de la Justice Garde des Sceaux
229
Ministre des affaires sociales et de la santé
233
Ministre de la défense
240
Ministre de l’intérieur
242
Ministre des outre-mer
243
Secrétaire d’État au budget, auprès du ministre des finances
et des comptes publics
247
Président de la Polynésie française
249
Président de la Haute autorité de santé
251
Président de l’Autorité de sûreté nucléaire
252
Directeur général de l’institut de radioprotection et de
sûreté nucléaire
253
Préfet de Saint-Pierre et Miquelon
254
Préfet, administrateur supérieur et chef du territoire des îles
Wallis-et-Futuna
257
Directeur général de la Caisse nationale d’assurance
maladie des travailleurs salariés
258
Directrice générale de la Caisse nationale de sécurité
sociale de la Guyane
259
Directeur du centre de sécurité sociale de Mayotte
260
Directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre
261
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224
COUR DES COMPTES
Directeur du centre hospitalier Albert Bousquet
262
Directeur du centre hospitalier de Capesterre-Belle-Eau
265
Directeur du centre hospitalier de Cayenne
270
Directrice générale du centre hospitalier de Colson de
Martinique
276
Directeur par
intérim au centre hospitalier François Dunan
de Saint-Pierre et Miquelon
277
Directeur général du centre hospitalier universitaire de La
Réunion
278
Directeur du centre hospitalier de l’Ouest Guyanais Franck
Joly
279
Directeur du centre hospitalier de Mayotte
280
Directrice du centre hospitalier du Marin
281
Directeur général du centre hospitalier universitaire de
Martinique
282
Directeur du centre hospitalier territorial Gaston Bourret à
Nouméa
284
Directeur général du centre hospitalier universitaire de
Pointe-à-Pitre Abymes
285
Directeur du centre hospitalier de la Polynésie française
286
Destinataires n’ayant pas répondu
Présidente du conseil général de la Martinique
Président du conseil général de Mayotte
Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
225
RÉPONSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET
DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
Le
ministère
des
affaires
étrangères
et
du
développement
international prend note des observations formulées par la Cour. Elles
n’appellent aucune remarque de ce ministère.
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226
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ÉCOLOGIE, DU
DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’ÉNERGIE
Je vous confirme que la rédaction du projet de rapport public
thématique n’appelle pas d’observations complémentaires de ma part.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
227
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE,
DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
Les dispositifs de santé scolaire et universitaire constituent une
composante essentielle de la
réussite des élèves et des étudiants et apporte
une forte contribution à l'égalité des chances.
C'est encore plus vrai pour les départements et collectivités
d'outre-mer, dont les
caractéristiques socio-économiques et géographiques
exposent leurs populations aux
problématiques sanitaires communes à
l'ensemble de la population, mais exacerbées, et à
des problématiques
spécifiques.
À cet égard, le ministère partage les constats établis par la
Cour sur la situation sanitaire,
qu'il conviendrait de nuancer selon les
départements et collectivités :
- inégalités et difficultés d'accès aux soins en fonction des lieux
de résidence et des catégories socio-professionnelles des familles ;
- manque de structures spécialisées pour les élèves en situation
de handicap ne
pouvant être accueilli en milieu ordinaire ;
- niveau inquiétant de pratiques addictives (alcool et substances
psychoactives) ;
- grossesses non désirées, infections sexuellement transmissibles,
préoccupation émergente sur des situations de prostitution juvénile ;
- augmentation du nombre d'enfants en surpoids ou obèses.
Or, dans les outre-mer, les dispositifs de santé scolaire et
universitaire sont confrontés, avec encore plus d'acuité que
dans le reste
du territoire, à la pénurie médicale. Dans les
départements d'outre-mer, à
l'exception de La Réunion, les taux de vacance des emplois de médecin
s'établissent entre 40 et 50 % à la rentrée scolaire 2013. Cette situation
résulte de la
faiblesse de la ressource médicale dans ces territoires,
aggravée par le faible niveau de rémunération des vacations accomplies
pour le compte de l'État.
Dès lors, comme le souligne la Cour, c'est bien une action
concertée et volontaire de l'ensemble des acteurs intervenant dans les
champs de l'éducation à la santé, de la
prévention et de la protection
qui permettra de faire face aux défis sanitaires de ces territoires.
Les instruments de coordination existent dans le cadre des
plans stratégiques régionaux de santé (PSRS) établis par les agences
régionales
de santé. Des conventions-cadres entre les
ARS et les
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228
COUR DES COMPTES
académies sont mises en place et traduites dans un projet académique
dédié et
dans des programmes d'actions communs.
Je serai particulièrement attentif à la mobilisation de l'ensemble
des recteurs et des
présidents d'université en matière de santé scolaire
et universitaire. La situation
des outre-mer méritera une démarche
spécifique, que j'appuierai auprès de mes collègues en charge des
affaires sociales et de la santé et des outre-mer.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
229
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE
GARDE DES SCEAUX
Si la Cour relève que « les efforts des équipes hospitalières ainsi que
des personnels des onze établissements pénitentiaires ont, avec la qualité des
constructions récentes, permis dans plusieurs sites de réels progrès », elle
souligne les insuffisances fortes qui demeurent et les progrès importants qui
restent à accomplir.
Je partage cette analyse de la Cour, et j’ai déjà pu lancer différentes
actions dans cette perspective.
1 – Sur l’accès à la santé des personnes détenues :
La Cour relève des insuffisances lourdes dans l’accès aux soins des
personnes détenues qui sont liées à la suroccupation des cellules, à
l’insuffisance des personnels de santé et à leur temps de présence effectif, à
des locaux de soins inadéquats voire médiocres, à la prise en charge
insuffisante des détenus dans le programmes régionaux de santé, à des
dotations insuffisantes versées par l’assurance maladie voire même des
difficultés dans l’immatriculation des détenus à la sécurité sociale.
Cette situation, dont j’ai connaissance, n’est pas satisfaisante parce
qu’elle touche des populations et des territoires en difficulté et remet en
cause l’égalité de chacun dans le domaine de la santé.
Il convient toutefois de mentionner plusieurs évolutions positives par
rapport au constat posé par la Cour.
À mon arrivée, j’ai trouvé un parc pénitentiaire très dégradé,
particulièrement en outre-mer, qui a fait partie pendant longtemps des
oubliés des politiques immobilières.
Dès mon premier budget triennal, j’ai lancé un programme
immobilier ambitieux, impliquant la fermeture de 1 082 places parmi les plus
vétustes et portant sur une création nette de 6 500 places. Il s’agit d’un
programme rationnel, qui n’oublie aucun endroit du territoire, et entièrement
financé.
S’agissant plus précisément de l’outre-mer, il prévoit notamment :
- La construction de 174 places supplémentaires à Majicavo
(Mayotte) fin 2014-début 2015.
- La
construction
de
75
places
supplémentaires
au
centre
pénitentiaire de Remire-Montjoly (Guyane), mises en service en
novembre 2012.
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230
COUR DES COMPTES
- En Nouvelle-Calédonie, dans le prolongement de la mission Imbert-
Quaretta, la restructuration complète du centre pénitentiaire
Camp Est ; au terme du chantier, la capacité d’accueil sera de 411
places, contre 238 places au 1
er
novembre 2012 ; 90 % des places
du site auront été reconstruites ; une extension de 80 places a déjà
été livrée en janvier dernier.
- La construction d’un nouvel établissement en Polynésie, à Papeari
(410 places), avec un marché notifié le 2 juillet 2012 et une
livraison prévue en 2017.
- La construction d’une extension de 160 places supplémentaires au
centre pénitentiaire de Ducos, qui comprend également une
rénovation des services communs (mise en service prévue en
2015), dans le prolongement de la mission Gorce ; j’ai également
sur cette base lancé une étude sur le coût et la faisabilité d’un
centre de semi-liberté, mesure largement sous-employée à Fort-
de-France, mais aussi sur l’opportunité et le coût d’un second
établissement pénitentiaire en Martinique.
- La
finalisation
de
l’acquisition
d’une
emprise
foncière
complémentaire à Basse-Terre (Guadeloupe), pour ne plus
prendre de retard dans la réhabilitation de ce site après des
décennies d’annonces sans lendemain.
Ces programmes, particulièrement importants, seront de nature à
améliorer les conditions de travail et les conditions de détention des
personnes détenues, mais aussi à lutter contre la surpopulation, ou encore,
comme le souligne la Cour, à offrir des locaux de soins plus adaptés aux
besoins locaux.
Je rendrai d’ici l’été mes arbitrages sur le nouveau programme
immobilier triennal, et pourrai m’appuyer à cette fin, s’agissant de l’outre-
mer, sur les conclusions du groupe de travail sur les problématiques
pénitentiaires en outre-mer, que j’ai installé le 10 septembre 2013. Composé
de parlementaires et de représentants du ministère de la justice et du
ministère des outre-mer, ce groupe me remettra son rapport d’ici la fin du
mois autour de six thématiques particulières, parmi lesquelles figurent
l’immobilier pénitentiaire et la santé des personnes détenues.
D’autres actions dépendent du ministère des affaires sociales,
comme la réévaluation de la dotation de fonctionnement sur la base du
nombre réel des détenus ou le renforcement des personnels de soins.
Le ministère de la justice poursuivra le dialogue avec le ministère
des affaires sociales pour faire évoluer la situation actuelle, étant observé
que les deux ministères travaillent actuellement sur la création de structures
de type UHSA (psychiatrie) dans les outre-mer.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
231
En ce qui concerne les outils statistiques concernant les personnels
de soins, il convient de signaler que le ministre de la justice ne dispose pas
d’autre source de renseignement que celle fournie par l’observatoire des
structures de soins des personnes détenues (OSSD), outil mis à disposition
par le ministère des affaires sociales et de la santé.
La
Cour
fait
par
ailleurs
état
de
difficultés
concernant
l’immatriculation des personnes détenues. Là aussi, des évolutions positives
sont intervenues sous mon impulsion.
Un important travail a ainsi été réalisé ces derniers mois autour des
questions de l'immatriculation des ayant-droits des personnes détenues à la
sécurité sociale et de celle des sortants de prison.
Dorénavant, dès l'arrivée d'une personne détenue en détention, le
SPIP renseigne une fiche diagnostic de premier entretien et d'orientation qui
récapitulera l'ensemble des éléments nécessaires pour l'immatriculation
sociale des ayant droits. Une fiche santé sera également distribuée à la
personne détenue pour lui expliquer ses droits en la matière, pour elle et ses
ayant droits, ainsi que les démarches qu'elle peut effectuer le cas échéant.
Cette procédure permettra d'assurer une couverture sociale optimale des
ayant droits des personnes détenues.
Un protocole sur l'immatriculation sociale des sortants de prison
sera également très prochainement signé. Ce protocole prévoit notamment la
nomination d'un référent santé prison auprès du service de l'aide médicale de
chaque province et détermine la province compétente pour l'immatriculation
sociale des sortants de prison selon un critère précis. Une fiche de liaison
sera également mise en place entre les deux services pour fluidifier les
échanges d'information. Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a relevé dans un
précédent rapport, dès la LFI pour 2013, le niveau de la dotation budgétaire
consacrée à la santé des détenus, qui permet de financer leur affiliation et le
paiement du ticket modérateur ou du forfait journalier hospitalier, a été
majoré de 35 %. Il est ainsi passé de 91 M€ à 123 M€ (126 M€ en LFI 2014).
Enfin, je tiens à apporter quelques précisions sur les situations
particulières examinées par la Cour.
En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, la santé est une compétence
du territoire. L'administration pénitentiaire finance le fonctionnement du
dispositif, avec des conventions entre les établissements pénitentiaires et
hospitaliers.
Elle manque de crédits pour rembourser les médicaments, l’hygiène
des locaux, les transports de personnel, médicaments et matériels, ainsi que
les actes effectués (en réduction des financements par l’assurance maladie
des forfaits de missions d’intérêt général alloués par ailleurs). Le ministère
de la justice n’a pu produire de récapitulation des montants 2011-2013 de
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232
COUR DES COMPTES
factures de soins reçues, des paiements effectués et du solde restant à
acquitter.
2 – Sur les instituts médico-légaux
La Cour considère qu’une révision générale de la gestion des
activités d’expertise serait opportune notamment pour la facturation des frais
de justice.
Suite à la remise du rapport de l’inspection interministérielle sur
l’évaluation du schéma d’organisation de la médecine légale, une réflexion
est en cours afin de mieux circonscrire les dépenses exécutées par les acteurs
en présence (réseau de proximité, CHU, experts). Cette réflexion doit aboutir
également à leur verser une plus juste rémunération. Dans ce cadre, la
situation du CHU de Nouméa pourra être réexaminée.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
233
RÉPONSE DE LA MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES
La qualité et l'étendue du travail de collecte et d'analyse conduit par
les rapporteurs, permettront aux pouvoirs publics d'améliorer leurs
politiques en direction de ces territoires, afin de fournir à nos concitoyens
d'outre-mer un niveau de santé et de prise en charge comparable à ceux dont
bénéficient les métropolitains.
J'en partage les principaux constats et pour une grande part les
recommandations formulées. Je souhaite cependant vous apporter des
précisions et des réponses complémentaires pour témoigner de l'attention
portée par mon administration aux territoires d'outre-mer relevant de ma
compétence.
Je relève avec satisfaction que la Cour constate l'effort de
rattrapage engagé au bénéfice de ces territoires, qu'elle appelle à poursuivre
et à amplifier. Cet effort permet de classer les outre-mer français dans une
situation sanitaire incomparablement meilleure au regard de pays qui les
entourent. Il est acquis par ailleurs que certains territoires sont engagés dans
une dynamique de convergence avec la métropole alors que d'autres,
notamment Mayotte et la Guyane, connaissent encore des retards importants.
Je souscris également aux trois grandes orientations qui organisent
les recommandations formulées par la Cour autour de mieux connaître,
mieux coordonner et agir efficacement.
1 - La première orientation vise à « mieux connaître » les réalités
ultramarines par la mise en place d'un tableau de bord des données de santé
des outre-mer, avec le concours de l'assurance maladie et de tous les autres
financeurs.
Je rappelle à ce propos que les régions outre-mer ne se distinguent
pas en l'espèce des régions métropolitaines, dans la mesure où aucun compte
régional de la santé n'est élaboré, en raison de l'absence de disponibilité de
l'information. En effet, de nombreuses sources de données mobilisées pour
l'élaboration des Comptes de la santé n'existent pas à un niveau infra-
national (c'est le cas par exemple, des données relatives aux assurances
complémentaires relevant des institutions de prévoyance, de sociétés
d'assurance ou de mutuelles).
En outre, il convient d'être prudent sur la fiabilité des données
statistiques se rapportant à l'outre-mer, en particulier s'agissant des
territoires autres que les DOM, ainsi que par rapport à certaines
comparaisons qui paraissent comporter des biais méthodologiques.
Par ailleurs, je souhaite souligner l'effort constant d'amélioration
des statistiques disponibles en matière de santé qui se traduit notamment par
la production depuis 2012, des états financiers récapitulant pour les quatre
régions ultramarines dans lesquelles a été créée une agence régionale de
santé, l'ensemble de la dépense de santé par destination (prévention, soins de
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COUR DES COMPTES
ville, hospitalière, médico-sociale) et par financeur (assurance maladie,
fonds d'intervention régional, CNSA ou État).
Dans le même sens, les informations produites par l'Agence
Technique de l'Information Hospitalière (ATIH), issues de l'exploitation du
programme de médicalisation des systèmes d'inforn1ation (PMSI) et des
données de la tarification à l'activité des établissements de santé (T2A),
contribuent très substantiellement à l'éclairage des débats accompagnant
chaque année l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale par le
Parlement, pour ce qui concerne les outre-mer qui sont de la compétence de
l'État hexagonal et qui sont financés par l'assurance-maladie, c'est-à-dire les
DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon, soit 99,4 % de nos compatriotes
d'outre-mer ainsi couverts.
Enfin, l'édition 2013 du « Panorama des Établissements de Santé »
produit par la DREES sera enrichi d'un focus sur « les établissements de
santé dans les DOM : activité et capacités ».
Cet effort sera poursuivi par mes services et il serait en effet, utile
d'y associer, avec leur accord, les collectivités de la Nouvelle-Calédonie et
de la Polynésie Française comme le recommande la Cour des comptes.
2 - La Cour recommande de renforcer la coordination des
institutions dans la définition de la politique de santé pour renforcer
l'efficacité
de
l'action
publique
(« mieux
coordonner »
et
« agir
efficacement »)
Un référent outre-mer a été désigné dans chacune des directions
d'administration centrale de mon
ministère, des réunions régulières sont
organisées à l'initiative du secrétariat général en présence des directeurs
généraux d'ARS d'outre-mer (à l'occasion des réunions mensuelles de
directeurs généraux d'ARS) et de la Direction générale des outre-mer la
plupart du temps, et selon les sujets, des directions techniques du ministère.
Il est vrai que jusqu'à présent, les agences sanitaires nationales ne
participaient pas à ces réunions.
Pour donner plus de force à ce premier niveau de travail et
renforcer la coordination ministérielle et interministérielle, il est proposé de
constituer un « comité de pilotage stratégique » composé des directeurs du
ministère (DGOS, DGS, DSS et DGCS) et du directeur de la DGOM auquel
seront associées les directions des caisses nationales et des agences
sanitaires, qui aura pour tâche de construire ensemble une stratégie claire et
coordonnée pour les territoires d'outre-mer, déclinée dans une feuille de
route qui fera l'objet d'une évaluation régulière.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
235
Cette coordination sera confortée par la création prochaine du
Comité interministériel pour la santé
125
, dont la mission est de promouvoir la
prise en compte de la santé dans l'ensemble des politiques publiques.
La création de cette instance sera de nature à renforcer et à faire
porter au plus niveau du gouvernement, la nécessité d'une action coordonnée
sur l'ensemble des déterminants de la santé (déterminants sociaux,
environnementaux, éducatifs, etc.), reconnue par tous les acteurs comme le
principal levier d'amélioration de l'état de santé d'une population et de
réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Elle prendra toute
son importance pour les territoires d'outre-mer, en Martinique ou à la
Guadeloupe autour par exemple de la lutte contre le chlordécone, et tout
particulièrement à Mayotte et en Guyane où les efforts d'adaptation de la
réponse à la demande de soins englobant la prévention, sont constamment
confrontés à l'afflux massif et quotidien de population originaire des pays
voisins en situation irrégulière et dont 1'état de santé est très dégradé.
Il
est
convenu
également
de
soutenir
la
coordination
interministérielle au niveau régional, en redynamisant la commission de
coordination régionale des politiques publiques instaurée par la loi HPST
qui a été mise en place par les quatre ARS d'outre-mer comme dans les
autres régions de métropole.
Plus spécifiquement, le projet de rapport de la Cour des comptes
appelle les observations suivantes de ma part.
Le projet de rapport fait le constat que « ...
la médecine ambulatoire
joue un rôle essentiel mais elle est hétérogène et déséquilibrée par rapport à
l'offre hospitalière [.../...] qui constitue très souvent l'armature du dispositif
de soins. »
Comme indiqué dans le rapport entre 2007 et 2013, le nombre de
médecins installés outre-mer s'est accru de + 16 % contre + 0,9 % au plan
national. Même si ceux-ci sont encore en nombre insuffisant et inégalement
répartis, il y a là un signe du phénomène de rattrapage plus général que
connaît l'offre de soins et l'état de santé de nos ressortissants d'outre-mer, en
particulier dans les DOM.
125
Ce comité regroupe autour du Premier ministre tous les ministres. Il suit l’élaboration et la
mise en oeuvre des plans ou programmes d’actions qu’élaborent les ministres dans le cadre de
leurs attributions lorsque ces mesures sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur la
santé et la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Le comité interministériel
pour la santé veille à ce que l’articulation des politiques publiques en faveur de la santé soit
développée au niveau régional. Pour préparer les décisions du comité, chaque ministre désigne
un haut fonctionnaire.
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236
COUR DES COMPTES
Il en va de même pour l'hospitalisation à domicile (HAD), comme le
met en évidence le rapport.
Les infirmier(e)s y sont aussi plus jeunes, formés le plus souvent sur
place et ne posent guère de problèmes de recrutement. S'il en va ainsi, c'est
parce que les pouvoirs publics ont su mettre en place les ressources en
formation adéquates.
S'agissant de la lutte contre les déserts médicaux déclinée dans le
Pacte territoire santé, une attention particulière a été portée aux territoires
d'outre-mer dans la mesure où, comme le rappelle d'ailleurs le rapport
depuis la création en 2013 du dispositif des « praticiens territoriaux de
médecine générale », 20 des 200 premiers postes ont été réservés pour
l'outre-mer, ce qui correspond à 10 % du total, alors que 1'outre-mer
représente 4 % de la population française. Ce choix témoigne bien de ma
détermination à rééquilibrer les situations et à lutter contre les inégalités
territoriales d'accès à la santé.
Quant aux contrats d'engagement de service public (CESP), leur
succès outre-mer est en partie tributaire du numerus clausus alloué aux
facultés de médecine qui y sont implantées, comme de l'achèvement de la
mise en place de cycles complets d'études de médecine sur les 4 campus
actuellement existants dans les DOM. Le dispositif des CESP pourrait
également être développé dans le Pacifique Sud pour faciliter l'éclosion de
vocations médicales parmi les wallisiens, pour qui il serait plus facile
d'effectuer leur cursus de formation médicale en Nouvelle-Calédonie ou en
Polynésie, sous réserve de l'accord des gouvernements locaux de ces deux
collectivités d'outre-mer sur ces questions qui sont de leur ressort exclusif.
Sur les
coopérations interprofessionnelles
, la Cour pointe des
réticences et préconise de développer outre-mer dans des délais rapides, les
protocoles de coopération entre professiom1els de santé.
Qu'il s'agisse de la métropole, comme de l'outre-mer, ces dispositifs
innovants encouragés par la loi HPST de 2009 ont encore un caractère
largement expérimental, et même en métropole où les conditions de leur mise
en oeuvre sont plus facilement réunies, leur concrétisation se heurte à
beaucoup de difficultés. Les protocoles de coopération peinent encore à
trouver leur place, comme le met en évidence un rapport récemment conduit
par deux sénateurs à la demande de la commission des affaires sociales du
Sénat (Mme Génisson et M. Milon).
C'est ainsi qu'à l'heure actuelle, seulement 40 protocoles de
coopération ont pu être soumis à l'HAS pour la France entière et seulement
une vingtaine autorisés par les ARS. En tout état de cause, ceux qui ont déjà
été autorisés dans certaines régions peuvent être dupliqués tels quels dans
d'autres. En outre, une plate-forme d'information en ligne est à la disposition
des ARS, pour leur faciliter l'implantation de ces protocoles et mutualiser les
bonnes pratiques.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
237
Face à la pénurie criante de professionnels de santé, en particulier
dans les COM, en Guyane et à Mayotte, toutes les formes de regroupements
de moyens et de professionnels sont encouragées, étant entendu que leur
développement implique qu'il y ait un minimum de professions médicales
pour pouvoir mettre en place ces coopérations et délégations de taches et de
responsabilités, ce qui est précisément le principal problème auquel ces
territoires sont confrontés.
D'autres outils peuvent être mobilisés outre-mer, adaptés aux
déficits de la démographie des professionnels de santé et à la géographie :
par exemple la télémédecine ou les plateformes de coordination numérique
des soins. Ils impliquent cependant que le haut débit soit accessible dans de
bonnes conditions, ce qui n'est pas encore parfaitement le cas, ni dans
l'Océan Indien, ni en Guyane et pas du tout le cas à Wallis-et-Futuna.
Sur
la gestion des hôpitaux,
bien que l'on puisse effectivement
convenir que la situation de la santé outre-mer est encore loin d'être
satisfaisante et que sa gestion y est perfectible, les jugements portés par la
Cour sur l'action des administrations sur le terrain, gagneraient à être
parfois nuancés. Ainsi par exemple, les appréciations relevées sur une
« gestion désordonnée » « des investissements hospitaliers mal pilotés et
coûteux » « des défaillances de gestion généralement non-sanctionnées » ou
de « la gestion du personnel hospitalier : un manque de rigueur
préjudiciable » laissent à penser que c'est l'ensemble des établissements de
santé qui est concerné. Or, comme le soulignent d'ailleurs plusieurs passages
du rapport, les situations sont en fait contrastées et si des défaillances ou des
négligences peuvent parfois être constatées, elles ne sont pas pour autant la
règle et ne sauraient masquer le fait que l'essentiel des problèmes résulte
fondamentalement de l'absence de professionnels de santé originaires de ces
territoires en nombre suffisant, ceux-ci étant pénalisés par leur éloignement,
leur caractère insulaire et leur faiblesse démographique en valeur absolue,
ce que ne sauraient compenser à brève échéance, des politiques aussi
volontaristes soient-elles.
Je relève d'ailleurs avec satisfaction que le rapport reconnaît
« l'amorce d'un pilotage plus rigoureux » Celui-ci me semble avoir été
favorisé notamment par la mise en place des ARS depuis 2010, qui
contribuent désormais à mieux « tenir » le système de santé. Mais on
pourrait citer également le Comité interministériel de pilotage de la
performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO), mis en
place depuis décembre 2012 qui, sous la présidence du Secrétaire Général
des ministères sociaux, réunit tous les mois, les directeurs d'administration
centrale chargés de l'offre de soins, de la santé, de la sécurité sociale, des
finances publiques, du budget, de la CNAMTS, de l'IGAS et du Délégué
Général à l'Outre-mer, pour passer en revue la situation financière de tous
les
établissements
de
santé
en
difficulté
et
valider
leurs
projets
d'investissements.
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COUR DES COMPTES
Par ailleurs, je ne peux qu'être favorable à la proposition
« envisager d'instaurer une obligation de service public outre-mer relative
aux conditions d'évacuation sanitaire et d'acheminement aérien des
médicaments » que préconise la Cour, mais les transporteurs ne manqueront
pas de mettre en avant en contrepartie les compensations financières que
cela implique.
Sur l'intervention de l'ANAP
dès la phase de conception des projets
de construction « d'établissements de santé » que la Cour préconise de
rendre obligatoire, cette expertise peut en effet être utile à mobiliser, mais
une telle généralisation impliquera de consentir à cette agence les moyens
correspondants.
L'intervention de l'ANAP est à ce stade réservée aux projets de
grande ampleur ou dont le pilotage pose des difficultés spécifiques, dans le
cadre d'un suivi national assuré par la DGOS. À titre d'exemple, l'ANAP
appuie la DGOS pour superviser le projet de reconstruction du CHU de
Pointe- à-Pitre et sera mobilisée dans le cadre de la reconstruction du CH de
l'ouest guyanais.
Sur l'apurement sans délai du
règlement des dettes accumulées par
l'agence de santé de Wallis-et-Futuna
» : le gouvernement a fait part
récemment aux parlementaires de ce territoire, lors d'une interpellation à
l'Assemblée Nationale, de son engagement à proposer dans l'année, aux
différents créanciers de cette Agence et en particulier à ceux de Nouvelle-
Calédonie, un plan d'apurement de sa dette qui lui permette de rétablir avec
eux l'indispensable climat de confiance.
Il convient de rappeler cependant que le ministère de la santé
n'assume la responsabilité budgétaire du fonctionnement de cette agence
(hors financement des investissements) que depuis le 1
er
Janvier 2013, sans
que la dette accumulée jusque-là, qui équivaut à une année de l'actuel budget
de fonctionnement, n'ait été soldée. En tout état de cause, la solidarité que
doit la Nation aux wallisiens sur le plan de la santé, commande aussi dans la
conjoncture financière très dégradée de notre pays, qu'une réflexion soit
parallèlement engagée pour refonder les termes du droit à la santé tels qu'ils
ont été énoncés, dans un contexte radicalement différent, par le statut de
1961 qui régit cet archipel, afin précisément de garantir la pérennité de son
système de santé.
De façon plus générale, le rapport passe sous silence les efforts du
ministère de la santé dans la promotion du droit ultramarin. Il est rappelé
cependant que la refonte du code le plus volumineux de notre droit
(ordonnance du 15 juin 2000) s'est accompagnée pour la première fois d'une
présentation systématique, ordonnée et cohérente du droit ultramarin et a été
l'occasion de progrès très notables dans l'extension du droit de la santé
publique, notamment à Mayotte, alors soumise au principe de spécialité.
Cette refonte a suscité et encouragé des progrès très conséquents des
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CONCERNÉS
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systèmes de santé ultramarins portés à titre premier par le ministère des
outre-mer, comme la modernisation radicale du système de santé de Wallis-
et-Futuna par la création de l'agence de santé (ordonnance du 13 janvier
2000), ou comme le partage entre les activités juridictionnelles et
administratives des ordres des professions médicales pour la Nouvelle-
Calédonie et la Polynésie française (ordonnance du 2 mars 2000), partage
qui devait être généralisé ensuite par la loi du 4 mars 2002 à l'ensemble du
territoire, exemple significatif de ce que le droit ultramarin peut être à
l'avant-garde et préparer les évolutions du droit métropolitain.
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RÉPONSE DU MINISTRE DE LA DÉFENSE
La Cour recommande une relance de la stratégie publique de santé
outre-mer. Dans chaque territoire, la mobilisation de l'ensemble des acteurs
de la santé permettrait de cibler les besoins sanitaires spécifiques et de
redéployer des moyens à leur profit.
Cette recommandation concerne le ministère de la défense au titre
des moyens déployés par le service de santé des armées (SSA) au sein des
DOM-COM, dimensionnés au juste besoin des forces armées.
Dans le cadre fixé par la loi de programmation militaire et par son
projet de service, le SSA oriente désormais son action dans le respect des
principes de concentration des moyens, de recentrage sur le coeur de métier
et d’ouverture au service public de santé.
S'agissant des effets des expérimentations nucléaires en Polynésie,
le projet communiqué appelle de ma part les précisions suivantes.
Le décret d'application de la loi du 5 janvier 2010, relative à la
reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires
français dispose que la liste des « pathologies à surveiller » est celle des
« maladies radio-induites ». Or, cette liste est restrictive pour ce qui
concerne l'indemnisation des victimes, alors que tous les cancers sont
surveillés en Polynésie française, dont beaucoup ne sont pas scientifiquement
reconnus radio-induits.
Il convient également d'éviter toute confusion entre la liste des
maladies professionnelles (tableau 6 du régime général de la sécurité
sociale) et la liste des pathologies radio-induites annexée au décret précité.
Ainsi, les cancers de la thyroïde sont susceptibles d'être radio-induits, la
thyroïde étant une glande très radio-sensible chez l'enfant, même s'il n'existe
pas actuellement de marqueurs permettant d'incriminer officiellement les
essais nucléaires.
Par ailleurs, un centre médical de suivi (CMS) des anciens
travailleurs civils et militaires des sites d'expérimentation du Pacifique et des
populations vivant ou ayant vécu à proximité de ces sites a effectivement été
mis en place en 2007, avant la publication de la loi de 2010, sur
recommandation du comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire
des essais nucléaires (CSSEN). Depuis la publication de la loi du 5 janvier
2010, ce centre, dirigé par un médecin militaire, contribue activement à la
constitution des dossiers d'indemnisation des victimes.
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CONCERNÉS
241
Pour mémoire, la loi n° 2013-1168 relative à la programmation
militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions
concernant la défense et la sécurité nationale a modifié la loi n° 2010-2 du
5 janvier 2010 en érigeant le comité d'indemnisation des victimes des essais
nucléaires (CIVEN) en autorité administrative indépendante. Par suite, les
crédits budgétaires (10 M€) inscrits à l'action 6 « Réparation des
conséquences sanitaires des essais nucléaires français » du programme 169
« Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » ont ainsi
été transférés, par amendement gouvernemental au projet de loi de finances
pour 2014, de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la
nation » à la mission « Direction de l'action du Gouvernement »,
programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », qui relève du
Premier ministre.
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242
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’INTERIEUR
La lecture de ce rapport suscite de ma part les remarques suivantes.
Si le premier plan chlordécone a pu faire l'objet d'un certain nombre
de critiques, il est important de noter que celles-ci ont été prises en compte
dans l'élaboration des plans suivants.
Ainsi, les efforts déployés lors de la mise en oeuvre du plan II et qui
se poursuivront dans le cadre du plan III ont permis le développement d'une
réflexion stratégique et coordonnée, s'inscrivant dans la durée et ayant de
forts impacts économiques et sociaux.
L'élaboration de chartes patrimoniales pour une stratégie de
développement durable de la qualité de vie dans le contexte de pollution par
le chlordécone en Martinique et en Guadeloupe en est aujourd'hui l'exemple.
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CONCERNÉS
243
RÉPONSE DE LA MINISTRE DES OUTRE-MER
Ce rapport dresse un état des lieux précis de la santé sur l'ensemble
des territoires ultramarins. Il constitue, de mon point de vue, un document
très complet, se fondant sur un certain nombre de constats, en particulier la
nécessité pour les politiques de santé de bien prendre en compte les
spécificités ultramarines que constituent l'éloignement de l'hexagone, les
risques naturels (cyclones, séismes ...), l'existence de populations fragilisées
et surexposées à certaines pathologies infectieuses, ou la prévalence de
certaines maladies génétiques comme la drépanocytose.
Ce rapport insiste, par ailleurs, sur l'importance d'un renforcement
de la coordination interministérielle. Le ministère des outre-mer partage le
souci de la Cour d'une meilleure coordination interministérielle, à laquelle il
souhaite prendre toute sa part. Il s'agit d'aboutir à une gouvernance
renouvelée, condition indispensable à une action concertée, efficace et de
qualité en faveur des territoires ultramarins. Le ministère confirme
également tous les éléments de réponse apportés dans le cadre de la
procédure contradictoire relative à la transmission du relevé d'observations
provisoires.
La récente décision du Premier ministre de confier le pilotage du
3ème Plan Chlordécone, à la fois à la Direction Générale de la Santé (DGS)
et à la Direction Générale des Outre-mer (DGOM) en est la parfaite
illustration.
Mes services poursuivent le renforcement de cette coordination par
la mise en oeuvre rapide de trois grandes actions :
- une formalisation, par chacune des directions générales du
Ministère des Affaires sociales et de la Santé, de la désignation d'un référent
outre-mer, avec des réunions régulières organisées sous l'égide de la
DGOM.
- la réunion, une à deux fois par an, des Directeurs Généraux des
Agences Régionales de Santé (DG ARS), du Secrétariat Général du Ministère
des Affaires Sociales (SGMAS) et des directeurs généraux du Ministère des
Affaires sociales et de la Santé, avec l'association, en tant que de besoin, des
agences sanitaires telles que l'Institut National de Veille Sanitaire (lnVS),
l'Institut National de Prévention et d'Éducation pour la Santé (INPES),
l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), l'Agence de
Biomédecine (ABM) des ministères concernés (Justice, Éducation nationale,
Recherche ...) et de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (CNAM) ; ces
réunions viendraient compléter celles déjà organisées, tous les deux mois
environ , entre les DG ARS, le SGMAS et la DGOM.
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244
COUR DES COMPTES
- l'organisation d'une conférence annuelle sur la santé outre-mer,
sous l'égide du Ministère de la Santé et du Ministère des Outre-mer, chargée
de présenter tous les ans le tableau de bord mesurant les écarts et les actions
correctrices engagées (recommandation 1 du rapport).
Cette dynamique interministérielle devra prendre en compte les
recommandations formulées dans le rapport, pour aboutir à l'élaboration
d'un programme national de santé publique pour les outre-mer, décliné par
territoire.
Ce rapport souligne, par ailleurs, le manque de ressources
humaines affectées aux questions de santé au sein de la DGOM. Cette
direction ne saurait être organisée en miroir des services du Ministère des
Affaires sociales et de la Santé pour suivre la mise en oeuvre des politiques de
santé sur tous les territoires. Mais elle doit être à même, à mon sens, de
mobiliser au niveau central et territorial un réseau de correspondants
organisé, identifié, avec, comme indiqué dans le rapport de la Cour, des
tableaux de bord de suivi des politiques de santé menées en fonction de
chaque territoire.
La déclinaison dans nos outre-mer des plans nationaux de santé
publique est un sujet auquel une importance particulière doit être accordée.
Une meilleure prise en compte des géographies les plus éloignées et les plus
fragiles, telles que Saint-Pierre et Miquelon et Wallis et Futuna, doit en
résulter.
Dans le champ des politiques de prévention, la prévalence très
préoccupante du VIH-Sida et des infections sexuellement transmissibles dans
les géographies ultramarines a conduit à une déclinaison spécifique du Plan
National VIH-Sida-IST 2010-2014. Ce volet a fait l'objet, à l'initiative de la
DGS et de la DGOM, d'une évaluation à mi-parcours dans les DOM et à
Mayotte, Saint- Barthélemy et Saint-Martin. Ces importants travaux ont
permis d'établir un rapport transversal et cinq monographies territoriales,
dont les conclusions seront bientôt accessibles. Ce modus operandi parait de
nature à faire progresser la prévention dans un secteur difficile et gagnerait
à être étendu.
Il faut aussi rappeler l'importance de la promulgation de la loi
n° 2013-453 du 3 juin 2013, issue d'une proposition émanant d'une élue
guadeloupéenne et visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire dans les
outre-mer : ce texte va permettre de lutter efficacement contre la
commercialisation de produits comestibles comportant des taux de sucres
ajoutés supérieurs à ceux de l'hexagone.
L'amélioration du travail interministériel découlant de l'évolution
constante des textes dans le domaine sanitaire mérite, lui aussi, une attention
particulière. Leur adaptation aux particularités des douze territoires
ultramarins suppose une étroite collaboration, souvent très en amont, entre
les services juridiques du ministère de la santé et celui dont j'ai la charge.
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CONCERNÉS
245
Un autre domaine où l'interministérialité me parait revêtir une
importance toute particulière est celui de l'évolution du Département de
Mayotte.
Une
recommandation
du
rapport
préconise
d'y
harmoniser
progressivement le système d'assurance maladie et de soins, une fois mis en
place les pré-requis indispensables. Je partage cet avis et souhaite, en
particulier, que le dispositif de la couverture maladie universelle y soit
instauré rapidement, compte tenu des avancées déjà opérées en matière de
sécurité sociale. L'un des pré-requis indispensables était relatif à la
fiabilisation des états-civils des mahorais par la commission de révision de
l'état-civil. La commission
a terminé ses travaux depuis début 2012. Il reste
désormais à instaurer de nouvelles modalités de gestion budgétaire et
financière entre le centre hospitalier et la caisse de sécurité sociale à
Mayotte, afin de permettre une facturation et un remboursement entre les
organismes concernés. Le Ministère des outre-mer a soutenu le centre
hospitalier de Mayotte pour les soins apportés aux personnes insolvables et
non prises en charge par la caisse de sécurité sociale de Mayotte (1,5 M€ en
2013 puis à nouveau 1,5 M€ en 2014, pour permettre la poursuite des
vaccinations), dans l'attente de la création de la Couverture maladie
universelle complémentaire (CMU-C) et de l'aide médicale d'État (AME).
Une telle situation ne pouvait perdurer. Ce programme budgétaire ne peut en
effet en aucun cas se substituer de manière pérenne à l'absence de dispositif
de droit commun, qui devrait désormais être mis en place rapidement à
l'instar de ce qui existe pour les autres départements.
L'absence de CMU-C et d'AME peut avoir des incidences majeures
sur la prise en charge sanitaire de la population (non recours aux soins),
notamment dans le cadre des évacuations sanitaires des enfants mahorais.
Le défaut de coordination, entre la caisse de sécurité sociale de
Mayotte et la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion ou les
caisses
primaires
d'assurance
maladie
désorganise
les
conditions
d'évacuations sanitaires des enfants, quelle que soit leur nationalité, par le
centre hospitalier de Mayotte vers les hôpitaux de l'Île de La Réunion ou vers
l'hexagone. Ces enfants, qui doivent ensuite demeurer sur place pour y
recevoir des soins périodiques, nécessitent en effet un accueil spécifique. Ce
besoin de coordination entre les organismes sociaux, les services sociaux des
collectivités locales et les administrations de l'État fait déjà l'objet de
réunions de concertation locale afin de parvenir à une action adaptée dans
l'intérêt de ces enfants.
La situation préoccupante des mineurs isolés de Mayotte, également
signalée par le rapport de M. Christnacht et par le Défenseur des Droits, fait
l'objet depuis plusieurs mois de travaux interministériels sous l'égide de la
DGOM. En effet, si l'Observatoire des Mineurs Isolés local évalue leur
nombre à trois mille, il est considéré que cinq cents d'entre eux doivent être
pris en charge rapidement selon des modalités d'accueil que les ministères
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246
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concernés définissent et organisent conjointement et en coordination avec les
administrations locales. La préconisation du Défenseur des Droits d'initier
l'installation d'une conférence permanente des droits de l'enfant n'est pas
restée sans suites, le préfet de Mayotte ayant installé un secrétariat
permanent des mineurs isolés. Il y réunit périodiquement les acteurs publics
et associatifs, avec notamment pour objectif de veiller au respect des
dispositions de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant et à la
mise en place des moyens nécessaires.
Concernant les médecins de Mayotte, la direction générale des
outre-mer est très préoccupée par l'insuffisance du nombre de médecins,
hospitaliers et libéraux, à Mayotte. On dénombre au 31 décembre 2012
166 médecins, pour 212 000 habitants (dont seulement 27 médecins libéraux)
alors que le taux national est supérieur à 660 pour un nombre d'habitants
équivalent. La stratégie adaptée à Mayotte, mise en place par l'agence
régionale de santé de l'océan indien, devrait produire des effets positifs, en
particulier par l'installation de maisons de santé pluridisciplinaires et l'aide
au démarrage pour les praticiens territoriaux de médecine générale.
Concernant l'agence de santé de Wallis-et-Futuna, le rapport
recommande l'apurement sans délai du règlement des dettes accumulées par
l'agence. Le ministère des outre-mer ne peut que s'associer à une telle
préconisation. Néanmoins, il ne lui appartient pas d'être le seul à participer
au règlement de la dette. Il appartient aux trois tutelles (ministère des Outre-
mer, ministère des Affaires sociales et de la Santé, ministère des Finances et
des Comptes publics) de régler cette dette. Cette solution est, par ailleurs,
préconisée par le rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales et de
l'Inspection Générale des Finances sur ce sujet.
En conclusion, le ministère des Outre-mer a bien conscience de son
importante
responsabilité
en
matière
de
coordination
du
travail
interministériel, indispensable pour mener à bien les politiques de santé
outre-mer et garantir le meilleur accès aux soins pour tous.
Je m'associe entièrement à la volonté réaffirmée dans ce rapport de
tendre vers une meilleure égalité des droits à la santé dans la République à
travers trois grandes orientations : mieux connaître, mieux coordonner et
agir efficacement, notamment à travers un volet outre-mer de la future
stratégie nationale de santé.
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CONCERNÉS
247
RÉPONSE DU SECRÉTAIRE D’ÉTAT AU BUDGET, AUPRÈS
DU MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS
Pour ce qui est de la prévention, les principaux constats de la Cour
rejoignent ceux qui ont pu être faits en métropole. Je partage la
préconisation de la Cour visant à « charger les agences régionales et
territoriales de santé de rééquilibrer les financements au profit d'un
programme de prévention spécifique, en accompagnant les efforts des
gouvernements du Pacifique en ce domaine ».
En ce qui concerne les soins ambulatoires, de nombreuses disparités
de densité sont relevées, ce qui plaide en faveur d'une accélération du
processus de développement des coopérations inter professionnelles.
Celles-ci sont effectivement encore plus qu’en métropole de nature à faciliter
l'accès aux soins dans des zones éloignées ou difficiles d'accès.
Je ne peux que m'associer à ces constats qui conduisent la Cour à
recommander de développer outre-mer dans des délais rapides les protocoles
de coopération, s'agissant notamment des infirmiers, des sages-femmes, des
orthoptistes
professionnels
de
santé,
à
développer
les
dispositifs
réglementaires destinés à pallier les disparités territoriales d'installation des
médecins et à veiller à l'application active des mécanismes conventionnels de
régulation visant à résorber les inégalités de densité des professionnels
libéraux de santé.
Je rejoins largement le diagnostic proposé par la Cour sur la
situation de l'offre de soins hospitalière. En ce qui concerne la situation
budgétaire et financière des établissements de santé, je partage la nécessité
de
substituer
au
versement
chronique
d'aides
financières
dites
exceptionnelles (de l'ordre de 400 M€ par an) des stratégies plus fermes de
réorganisations structurelles, en cours de mise en oeuvre et de suivi par le
Comité de performance et de modernisation de l'offre de soins (COPERMO)
au sein duquel le ministère des finances est représenté.
Comme vous le soulignez, le redressement de ces établissements
implique en priorité l'atteinte de gains d'efficience, par un ajustement des
effectifs à la réalité de l'activité hospitalières et des besoins de santé. Le
second levier réside dans un pilotage resserré des investissements par les
niveaux national et régional via le Copermo et les agences régionales de
santé. Sur ce dernier point, l'intervention de l'agence nationale d'appui à la
performance (ANAP) dans ces territoires dès la phase de conception des
projets de construction nous semble être une recommandation indispensable
de votre rapport.
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COUR DES COMPTES
Je rejoins votre analyse concernant le pilotage de la politique de
santé publique outre-mer par l'État et les agences sanitaires. Il me paraît en
effet pertinent d'inclure dans la future loi de santé une déclinaison de la
stratégie nationale de santé pour l'outre-mer. Ainsi, l'ensemble des acteurs
pourront être mobilisés autour de cette thématique, sans pour autant ajouter
une nouvelle structure ou un nouveau plan spécifique.
Enfin, je tiens à nuancer le constat établi par la Cour au sujet de
l'agence de santé de Wallis-et-Futuna. Vous estimez en effet qu'aucun
progrès n'a été enregistré en deux ans. Toutefois, ces deux années sont été
nécessaires pour disposer d'un diagnostic clair sur les besoins sanitaires de
Wallis-et-Futuna, ainsi que sur la situation financière de l'agence de santé.
Dès lors, une trajectoire budgétaire soutenable va pouvoir être définie pour
l'agence, évitant ainsi d'accroître la dette de l'agence vis-à-vis des centres
hospitaliers de Nouvelle-Calédonie.
.
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CONCERNÉS
249
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE
La Polynésie française partage en grande partie le constat du
rapport de la Cour des comptes sur la santé outre-mer, même si elle déplore
la place réduite qui lui est faite par rapport aux DOM, mais qui est sans
doute liée au statut d’autonomie qui est le sien.
Le constat partagé est celui de profondes insuffisances et inégalités
dans les missions fondamentales de l’État : égalité de tous les citoyens ;
garantie du droit fondamental à la santé, garantie de la continuité
territoriale et de l'égalité de traitement pour tous.
Par exemple, alors que le rapport souligne la difficulté qu'a eue la
Polynésie à faire face à la grave crise épidémiologique de Zika, le rôle de
l'EPRUS s'est cantonné à une aide méthodologique et le coût de la mission
devait être financièrement assumé par le Pays.
Comme le préconise le rapport, la Polynésie française consent
d'ores et déjà de gros efforts pour optimiser ses ressources en matière de
santé des populations. Après une longue période de grande instabilité
politique, le gouvernement actuel s'emploie aujourd'hui :
- à optimiser les effectifs de la fonction publique de la santé,
- à mutualiser les ressources en matière d'hôpitaux publics,
- à améliorer l'accès aux soins primaires,
- à réformer les statuts et la gestion du personnel du CHPF tout en
le repositionnant comme hôpital de dernier recours.
Tout ceci correspond aux recommandations émises par le rapport.
Toutefois, faute de réels outils de pilotage, ces tentatives de
meilleure gestion ne produiront pas tous les effets attendus, en l'absence de
tableaux de bord et de connaissance précise du fonctionnement du système
de santé. La Polynésie française partage donc tout à fait le constat de la
Cour des comptes quant à l'insuffisance des moyens de pilotage du système
de santé outre-mer.
En conclusion, comme le souligne le rapport, l’État ne peut se
désengager de ses obligations constitutionnelles envers les citoyens de
Polynésie française. Il convient certes de rationaliser et réévaluer les
concours financiers de l'État, mais il faut surtout bien cibler ce qui relève de
la solidarité nationale et faire en sorte que cela soit pris en charge au niveau
national : obligation de continuité territoriale (aides à la télémédecine et aux
évacuations sanitaires domestiques et internationales), égalité des citoyens
face aux soins (aides financières pour minimiser les écarts sociaux et
géographiques, participation au Régime de Solidarité de la Polynésie
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française),
égalité
de
traitement
(aide
nationale
aux
populations
pénitentiaires ou faisant l’objet d'une décision de justice telle que le
placement en hôpital psychiatrique).
Cependant, afin de mieux assumer ses missions constitutionnelles,
l'État a une urgente obligation, comme le souligne le rapport : apporter une
aide méthodologique au pilotage du système de santé, seul moyen d'éviter les
gaspillages et les erreurs.
Cela ne peut se faire selon la manière préconisée par la Cour des
comptes dans le point 2 de ses recommandations, c'est-à-dire en s'assurant le
concours des caisses de protection sociale. La Polynésie française doit se
doter de son propre système de pilotage de sa politique de santé et il ne peut
dépendre pour cela des organismes de gestion de protection sociale. Le
gouvernement de Polynésie française doit en effet disposer des outils lui
permettant de mettre en place une véritable politique de santé.
Pour cela, une mobilisation des ressources des diverses agences
nationales susceptibles d’accompagner la Polynésie française dans la mise
en oeuvre de ses outils de pilotage, comme la FNORS par exemple,
constituerait une première réponse de l'État dans l'accomplissement de ses
missions fondamentales.
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CONCERNÉS
251
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA HAUTE AUTORITÉ
DE SANTÉ
La Haute Autorité de Santé n’a pas d’observations sur ce texte.
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252
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ
NUCLÉAIRE
L'ASN n'a pas d'observation majeure à formuler relativement à
l'appréciation globale portée par le rapport sur la prise en compte de la
radioprotection Outre-Mer, qui est effectivement perfectible.
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CONCERNÉS
253
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’INSTITUT
DE RADIOPROTECTION ET DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE
L’IRSN n’a pas d’observations à formuler sur le projet de rapport
public.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉFET DE SAINT-PIERRE ET MIQUELON
I - Observations relatives au projet de rapport de la Cour des
Comptes.
1.1 Précisions sur les dépenses de santé à Saint-Pierre-et-
Miquelon
Le tableau n° 3 mentionne la somme de 5 861 € quand le coût retenu
par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) est de 4 280 € par
habitant et par an en 2012
126
. Ce chiffre vient en complément des dépenses
de santé du régime général de l’assurance maladie (maladie 4 970 €,
accident du travail 172 €).
II - Observations
formulées
précédemment
sur
le
relevé
d’observations provisoires de la Cour des Comptes (Rappels).
2.2 Les dépenses de santé par habitants (p. 2) : un coût biaisé par
divers facteurs
Il convient de considérer ce coût au regard, notamment :
- de la forte dépendance du système de santé de Saint-Pierre-et-
Miquelon, par exemple aux appuis extérieurs de missionnaires et de plateaux
techniques (Canada ou France métropolitaine) pour répondre à des besoins
de soins spécialisés et à des prises en charge médicales longues et lourdes.
779 affectations de longue durée sont ainsi référencées par la Caisse de
prévoyance sociale (CPS) pour 671 personnes. Et les trois premiers motifs
d’évacuations sanitaires (EVASAN) sont pour les spécialités chirurgie-
orthopédique, neurologie, cardiologie ;
- de l’accroissement des journées d’hospitalisation (à SPM et à
l’extérieur) en raison des pathologies et du vieillissement ;
- de l’importance des frais médicaux au Canada ;
- des frais de transport dont certains surcoûts sont entrainés par
l’affrètement d’un avion local ou Canadien, voire d’un hélicoptère ;
- de la modernisation de l’infrastructure hospitalière visant à
améliorer la prise en charge des patients, à garantir la qualité et la sécurité
des soins, à disposer d’équipements et de locaux aux normes.
126
Rapport « Mission d’appui à l’ATS de Saint-Pierre-et-Miquelon – Mars 2014,
Dr C. Favier - P. 24.
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CONCERNÉS
255
2.3 Les Evasan : un constat partagé et une diversification
recherchée.
Le coût du dispositif
est largement influencé par le principal
opérateur situé à Terre-Neuve et la variation du dollar canadien.
Cependant, la proximité avec SPM de cette province du Canada
(moins d’une heure en avion) est un atout, surtout pour diminuer les pertes
de chances lors des évacuations en urgence. Pour des secteurs bien
spécialisés, les évacuations sanitaires vers le canada sont nécessaires outre
les vitales (8 %). Elles permettent des examens plus approfondis au regard
de l’enclavement de l’archipel et de la distance avec la métropole ne
permettant pas toujours un long trajet en avion.
Toutefois, les acteurs de la santé à SPM, dont la CPS, le CHFD et
l’ATS, sont favorables à une diversification, voire une réorientation sur cette
offre, particulièrement pour les évacuations programmées (examens,
traitement, consultations) qui représentent 89 % des soins.
Le coût lié à ces EVASAN ne peut être pour le moment compensé
par la Télémédecine. Néanmoins, dans le cadre de la coopération régionale,
des études sont en cours pour développer des échanges dans ce domaine
entre SPM et les sites d’EVASAN du Canada Atlantique. Avec deux obstacles
non
négligeables à lever : celle de la langue pour les provinces anglophone
(dont Terre Neuve) et du cadre juridique (aussi bien pour les professionnels
que les patients).
D’ailleurs, ces deux derniers points s’ajoutent aux éléments qui
contribuent à justifier l’infrastructure de santé de SPM.
2.4 La situation de l’hôpital (la « sous-utilisation de l’hôpital » :
des améliorations à venir
Le plateau technique du Centre hospitalier François Dunan ne peut
répondre à l’ensemble des besoins médicaux de la population de Saint-
Pierre-et-Miquelon. De même, les modalités de travail des médecins de
l’hôpital sont particulières. D’une part, le faible volume de patientèle et
l’isolement professionnel contraignent l’exercice professionnel. D’autre part,
un praticien hospitalier (PH) permanent à SPM n’exerce en réalité que
7 mois par an (la différence étant consacrée aux congés et aux formations),
ce qui induit un recours à des remplaçants pour des durées variables.
L’établissement est engagé dans une diversification de son offre à
travers,
par
exemple,
le
nombre
de
missions
de
spécialistes,
le
développement de la télémédecine, la signature de contrats de coopération
avec des établissements extérieurs. La future certification, un projet médical
et une véritable stratégie de recrutement, sont autant de perspectives de
nature à favoriser l’attractivité de l’établissement. Pour les patients (y
compris de l’Amérique du Nord) et les professionnels.
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256
COUR DES COMPTES
2.5 L’ATS : une capacité de pilotage dont le renforcement est
amorcé
Plusieurs démarches sont en cours visant à renforcer la place de ce
service déconcentré du Ministère des affaires sociales et de la santé dans la
gouvernance du système de santé à SPM ; notamment :
- l’appui d’une agence régionale de santé (ARS) : l’ARS Aquitaine a
été retenue en ce sens ;
- la participation du directeur général de l’ATS au séminaire des
DGARS ;
- la participation de la conférence territoriale de santé et de
l’autonomie (CTSA), aux réunions de la Conférence nationale de santé ;
- une augmentation des budgets de l’ATS pour l’aider à assurer ses
missions et accroitre les compétences de ses équipes.
La permanence d’un appui de référent médical polyvalent (MISP ou
médecin de santé publique) constitue une des priorités. Entre 2002 et 2009,
deux médecins se sont succédé pour des missions, lesquelles sont arrêtées
depuis 2009 à la suite de leur démission. Cette compétence médicale va
permettre d’apporter une expertise médicale et une aide à la décision sur
l’ensemble des champs concourant à la mise en oeuvre de la politique
territoriale (sanitaire, médicosociale, prévention-promotion de la santé,
veille et sécurité sanitaires, notamment).
Quant aux visites de pharmacien-inspecteur, elles ont bien été
régulières à raison d’au moins deux missions par an depuis plus de dix ans.
La poursuite de cette mission est prévue, dans le cadre de l’appui de l’ARS
Aquitaine à l’ATS.
En matière de coordination de la politique de santé à SPM, l’ATS
conduira l’élaboration d’un projet territorial de santé (PTS). L’une de ses
composantes pourrait être un service public territorial de santé. Il pourrait
s’appuyer sur un projet de groupement de coopération sanitaire de moyens.
À l’initiative de l’ATS, des réflexions sont en cours pour la mutualisation de
moyens entre la Caisse de prévoyance sociale et le Centre hospitalier
François Dunan, afin de répondre aux besoins spécifiques d’offre de soins à
Miquelon-Langlade. Elles pourraient éclairer la démarche.
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CONCERNÉS
257
RÉPONSE DU PRÉFET, ADMINISTRATEUR SUPÉRIEUR ET
CHEF DU TERRITOIRE DES ÎLES WALLIS-ET-FUTUNA
Ce rapport n’appelle pas de réponse formelle de ma part. La
situation des secteurs hospitaliers de Wallis-et-Futuna, dans un état
désormais critique, y est décrite de la façon la plus claire.
La sous-budgétisation dont souffre l’Agence de santé depuis sa
création ne lui permet pas de prendre en charge les frais de transport entre
les deux unités de Wallis-et-Futuna, et les mêmes frais entre Wallis et
Nouméa. Lorsqu’elle le fait, la dépense n’est pas couverte et ne sert qu’à
creuser davantage un endettement déjà important.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CAISSE
NATIONALE D’ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS
SALARIÉS
Conformément à la demande de la Cour des comptes, je vous
informe que la CNAMTS ne souhaite apporter de réponse.
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CONCERNÉS
259
RÉPONSE DE LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA CAISSE
GÉNÉRALE DE SÉCURITÉ SOCIALE DE LA GUYANE
J'ai l'honneur de porter à votre connaissance les précisions infra au
Chapitre II :
Pour les dossiers d'AME, nous utilisons GEDIAME.
Le rapport annuel 2012 de l’association Médecins du monde a
néanmoins pu mettre vivement en cause les conditions d’attente aux guichets
de la caisse générale de sécurité sociale de Guyane, les retards de la carte
Vitale, et une instruction des dossiers souvent très longue et d’une traçabilité
inégale. Du fait de la croissance démographique, cette caisse fait face à un
accroissement constant des demandes de CMU, CMUc et aide médicale
d’Etat, au rythme de près de mille nouveaux dossiers pendant chacun des
premiers mois de 2014.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR DU CENTRE DE SÉCURITÉ
SOCIALE DE MAYOTTE
Les observations effectuées concernant le dispositif dérogatoire sur
les cotisations du Centre Hospitalier de Mayotte à la caisse des français de
l’étranger pour la couverture des praticiens hospitaliers n’appellent aucune
remarque de ma part.
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CONCERNÉS
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RÉPONSE DE LA DIRECTRICE DU CENTRE HOSPITALIER
DE LA BASSE-TERRE
Je vous informe que je n’ai pas d’observations particulières
concernant ce document.
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262
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER
ALBERT BOUSQUET
Je vous propose quelques réflexions pour ce qui concerne la
Nouvelle-Calédonie à travers le prisme de la stratégie développée dans mon
établissement.
En matière de psychiatrie publique, il s’agit :
en premier lieu,
d’améliorer l’accessibilité à des soins de qualité
pour les usagers de l’ensemble de notre territoire quelle que soit leur
province de résidence.
En effet, depuis 1995, le centre hospitalier Albert-Bousquet poursuit
une action volontariste de médecine ambulatoire couplée depuis 2001 par la
mise en place de plusieurs antennes médico-psychologiques décentralisées en
Province Nord (Poindimié et Koumac) et en province des Iles (Lifou). Au
titre du deuxième projet d’établissement (2014-2018), deux antennes
supplémentaires sont prévues : une en province Nord dans l’hôpital de
Koné
(100 lits en 2017) pour un bassin de population qui va être multiplié par deux
d’ici 2025, une autre à
La Foa
(province Sud).
Pour ce qui concerne le chef-lieu
Nouméa
, deux paramètres
supplémentaires s’imposent :
- l’émergence du nouveau Médipôle d’une capacité théorique totale
de 658 lits sur la commune de Dumbéa en pleine expansion démographique
(60 000 habitants en 2030) ;
- la construction d’une clinique MCO de 300 lits (2018) à Nouméa.
L’épicentre de l’offre de soins MCO se déplaçant vers le nord de Nouméa,
une partie de l’activité du centre hospitalier Albert-Bousquet s’adaptera à
cette contrainte géographique (filières infanto-juvénile et urgences).
Par ailleurs, la compétence propre de chaque province en matière
de santé est intégrée dans des conventions particulières avec le CHS. Elles
permettent d’esquisser une vision globale et homogène des prises en charge
sanitaires et médico-sociales.
Pourtant, la recherche d’une véritable stratégie de santé publique
semble se justifier au vu, d’une part, de la raréfaction des ressources et de la
nécessaire maîtrise des cotisations sociales finançant la DGF, d’autre part,
de la prise de conscience d’une logique d’une territorialisation de l’offre de
soins. Enfin, de la volonté d’améliorer l’égalité dans l’accès aux dispositifs
sanitaires et médico-sociaux.
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CONCERNÉS
263
D’ailleurs, à terme, l’opportunité du maintien de la compétence
provinciale en matière de santé commence d’ailleurs à se poser, et de plus en
plus, elle est favorisée par une vision globale inter provinciale des secteurs
sanitaire et médico-social.
En effet, par ses principes d’égalité, de neutralité, de continuité et
d’adaptabilité, le service public de santé par ses missions traditionnelles de
soins,
d’enseignement,
de
prévention,
d’éducation
sanitaire
voire
thérapeutique, d’épidémiologie, de réinsertion psycho-sociale etc. permet
seul une capacité de structuration apte à mieux répondre aux attentes de tous
les usagers et aux exigences d’une utilisation rationnelle des moyens publics.
Pour les trois centres hospitaliers publics de la Nouvelle-Calédonie,
une politique de coopérations et de mutualisation de tout ou partie de filières
logistiques et médicales demeure un autre outil pertinent pour traduire cette
exigence d’une stratégie de groupe publique. Ainsi, dès 2015, la
formalisation du projet GIP de coopérations sanitaire et médico-sociale
initié par lesdits centres hospitaliers, devrait consolider cette démarche
commune où le secteur libéral aura toute sa place.
En second lieu, la gestion récurrente de la dette due aux hôpitaux de
Nouvelle-Calédonie
par l’agence de santé de Wallis et Futuna, établissement
public de l’État (16 millions d’euros) -sans oublier 8 millions pour la
CAFAT- pose en fait
la problématique de la politique régionale en santé
publique
entre ces deux territoires français. En effet, au vu de leur histoire et
de leur proximité géographique, il est difficile de ne pas formaliser des
filières et des parcours de soins en particulier, entre leurs hôpitaux afin
d’offrir en particulier, aux usagers de Wallis et Futuna la même qualité de
prise en charge que tout usager est en droit d’attendre. Une politique
commune de gestion des ressources humaines hospitalières pourrait être un
autre axe de réflexion eu égard les difficultés de recrutement.
Plus globalement, la région du Pacifique Sud composée de trois
territoires de santé avec la Polynésie française, mériterait une réflexion
identique intégrant tant, leurs problématiques de santé, que les moyens
susceptibles d’y répondre. Cette réflexion conforterait une dimension globale
et cohérente en matière, de définition des plateaux techniques, de pertinence
et de complémentarité des actions menées par les structures publiques et
privées dans les aspects curatifs, préventifs, éducatifs, sociaux voire en
matière de transport aérien.
Ainsi, Wallis et Futuna se situe à mi-chemin de deux plateaux
techniques de référence (Nouméa et Papeete) dont chacun est confronté à la
difficulté de justifier le point mort dans certaines filières techniques
coûteuses, de gestion des évacuations sanitaires vers des structures de
référence en Australie, en Nouvelle-Zélande voire en France métropolitaine.
Ne conviendrait-il pas d’avoir une vision globale avec l’État pour évaluer la
pertinence des moyens existants et leur possible mutualisation au service des
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COUR DES COMPTES
populations confrontées aux mêmes déterminants de santé en actant une
organisation et une coordination de l’offre de soins ?
Je formule le voeu que ces réflexions pourront être abordées avec les
décideurs qui seront désignés à l’issue des élections provinciales en
Nouvelle-Calédonie, la FHF Pacifique Sud pouvant être mise à leur
disposition.
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CONCERNÉS
265
RÉPONSE DU DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE
CAPESTERRE-BELLE-EAU
Les chiffres qui seront publiés quant à l’activité du Centre
Hospitalier de Capesterre-Belle-Eau peuvent laisser à penser que le taux
d’activité n’est pas optimal au regard du taux d’encadrement. Plusieurs
raisons peuvent être avancées pour expliquer cette distorsion. J’en citerai
deux qui me paraissent essentielles :
1. La vétusté incontestable des locaux rendant des plus difficiles des
conditions d’accueil convenables pour les patients. Ce sont encore des
conditions d’accueil asilaire, et les patients qui ont le choix de
l’hospitalisation ne souhaitent pas partager une chambre avec 5 ou 6 autres
malades. La reconstruction d’un nouvel établissement qui s’achève devra
régler définitivement ce problème.
2. Le manque de coordination de l’offre de soins sur les deux
territoires que compte la Guadeloupe. Les hôpitaux se parlent trop peu d’où
une conséquence évidente sur les orientations des patients. La récente mise
en place du système trajectoire devra faciliter les orientations des patients, et
la réflexion actuellement conduite sur la mise en place d’une communauté
hospitalière de territoire sur la coordination des activités sera en mesure
d’apporter une solution qui satisfasse la réponse de soins aux patients
requérant des soins de suite et de réadaptation.
Sans reprendre le constat fait par la Cour concernant les
infrastructures vieillissantes, les conditions d’accueil qui compromettent
l’égalité des chances, on ne peut pas ignorer que l’organisation de l’offre de
soins n’est pas étrangère non plus aux difficultés du système de santé.
Ma réponse pourra utilement trouver sa place dans le chapitre II
« Des systèmes de santé à la peine ». À travers celle-ci, je m’attache à mettre
en avant les atouts des hôpitaux de proximité dans le contexte de l’offre de
soins hospitalière publique en Guadeloupe.
L’offre de soin dans notre département est axée autour de deux
pôles qui constituent également deux territoires de santé. Ces deux territoires
eu égard à la spécificité géographique de notre archipel, sont solubles
d’autant que les patients requérant les soins hospitaliers, ne sont pas plus
attachés à un territoire qu’à un autre.
La répartition de l’offre de soins publique est surtout pragmatique
autour d’un centre de référence représenté par le CHU de Pointe-à-Pitre.
Elle se caractérise par la répartition logique d’une offre de soins de
proximité qui a toujours fait consensus dans l’environnement géo
démographique, de notre département.
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COUR DES COMPTES
Les autres établissements publics de santé composant l’offre de
soins publique, relèvent d’un statut d’hôpital de proximité, à des degrés
divers. Pour certain, ce sont des hôpitaux dit généraux parce que l’on y
retrouve une offre de soins MCO plus ou moins complète - structure de
recours - c’est la situation du Centre Hospitalier de la Basse-Terre, et enfin
pour les autres, des hôpitaux thématiques développant une offre de soins
spécifique soit entièrement sanitaire, soit à la fois sanitaire et médico-
sociale.
Cette position est en accord avec la définition de l’hôpital de
proximité qui est : « un établissement de santé qui apporte une réponse de
première intention à un besoin de soins exprimé par un usager pour lequel il
représente la structure de premier recours dans le bassin de vie où il évolue
et qui est capable de dérouler des activités permettant d’établir un
diagnostic, d’assurer une prise en charge adaptée ou de réorienter vers une
autre structure référent ».
L'hôpital de proximité comme c’est le cas du Centre hospitalier de
Capesterre-Belle-Eau, constitue donc en cas de nécessité, une porte d'entrée
vers des établissements de référence permettant ainsi l’égalité dans
l'accessibilité, en sécurité, à des soins de qualité.
Il y a lieu d’améliorer ce système de soin dans l’intérêt des
populations, de mieux assurer la coordination de l’organisation des soins sur
le territoire régional. Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment des
structures de proximité qui doivent toujours me semble-t-il, conserver leur
rôle d’établissement amont-aval des structures de référence ou de recours.
Comme partout ailleurs, la population majoritairement souhaite
pouvoir bénéficier de soins à une distance raisonnable de son domicile. Cela
est vrai autant pour les personnes âgées du nord Grande-Terre par exemple,
pour qui l’on recherchera une solution de prise en charge en USLD dans son
bassin naturel d’existence (territoire centre), au lieu d’un transfert vers (le
territoire Sud Basse-Terre) à Pointe-Noire ou Capesterre-Belle-Eau et
l’inverse est vrai, que pour le nourrisson dont la mère serait contrainte à
s’expatrier en raison de la fermeture d’une maternité.
Ce souhait des populations est compris et partagé par la majorité
des professionnels de santé, et le Président de la République a réaffirmé
qu’aucun citoyen ne peut se trouver à moins de 30 minutes d’un site
d’urgence. C’est une question de respect du droit d’accès aux soins de santé.
La résorption des difficultés financières connues des établissements
publics de santé de Guadeloupe, ne doit pas entrainer des logiques
d’opposition entre structures publiques. La logique comptable qui prévaut
pour réduire les déficits, met en danger plusieurs établissements publics de
santé de proximité, qui pourraient subir de profonds changements dans leurs
autorisations d’activité médicales.
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CONCERNÉS
267
Le risque encouru est de ne confier l’offre de soins médicaux qu’aux
établissements de recours ou de référence, affaiblissant notoirement l’accès
aux soins des guadeloupéens. En Guadeloupe, Il n’existe que deux
établissements répondant à la définition de recours ou de référence. Le CHU,
et le Centre Hospitalier de la Basse-Terre ont besoin des hôpitaux de
proximité autant pour éviter l’engorgement de leurs urgences, une mauvaise
réponse aux besoins de soins, l’occupation de leurs lits aigus par des patients
inadaptés, que pour réduire leurs durées de séjours, critères si importants
dans un contexte de financement à l’activité.
Ainsi, la réponse aux besoins de prise charge de la santé de nos
populations dans le cadre hospitalier, doit être globale. L’hôpital de
proximité doit pouvoir disposer d’un service d’urgences et donc d’imagerie
et de biologie, de services de médecine polyvalente avec une orientation
gériatrique ou de médecine générale en fonction de la demande (cardiologie,
pneumologie,
gastro-entérologie,
diabétologie,
oncologie
etc.…)
et
développer de la télémédecine.
L’hôpital de proximité doit offrir également outre des consultations
avancées dans différentes spécialités, dans le cadre de coopération
développées entre établissements de santé, une offre de soins de suite et de
réadaptation, ainsi que des soins de longue durée.
Les hôpitaux de proximité trouvent par conséquent leur légitimité,
dans une réponse de territoire aux grands problèmes de santé publique. Les
besoins auxquels, ils doivent répondre, se caractérisent par leur incidence
sur la santé de la population, et les risques de complications qu’elle encoure.
Devant de telles situations ils doivent absolument développer des
actions de prévention, de dépistages précoces, et un suivi de l’évolution de
ces affections.
C’est pour beaucoup, grâce à leur ancrage dans le territoire
qu’il est possible, de mettre en place de véritables filières de soins, d’assurer
le traitement des priorités de santé pour la Guadeloupe notamment :
-
Les troubles liés à l’obésité, et les troubles métaboliques,
-
La prise en charge de l’accident vasculaire cérébral,
-
La prise en charge des toxicomanies,
-
La prise en charge des pathologies liées au vieillissement,
-
La prise en charge de la maladie mentale.
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COUR DES COMPTES
L’activité de médecine en hôpital de proximité est très différente de
ce qui peut être attendu dans un centre hospitalier de référence. Si le centre
hospitalier de référence, grâce à un plateau technique
lourd et parfaitement
équipé, peut répondre à toutes les situations d’urgence, et à toutes les
situations complexes, l’hôpital de proximité, avec un équipement bien plus
léger, axera son offre de soins sur des besoins de santé prioritaires de santé
publique, en exigeant moins de moyens techniques.
Le vieillissement de la population fait naturellement des hôpitaux de
proximité des structures avec une activité prioritaire de gériatrie. L’activité
médicale gériatrique trouve donc sa place dans ces établissements publics de
santé pour plusieurs raisons :
- La
proximité
avec
la
famille
rendant
plus
humaine
l’hospitalisation ;
- Le traitement d’une poly-pathologie dont est souvent porteuse la
personne âgée, et incompatible à prendre en charge en médecine aigüe
soumis à la T2A (durée de séjour trop long) ;
- Le besoin d’une approche clinique ;
- Une prise en charge particulière par l’équipe de soins qui fait face
à un sujet présentant une diminution des facultés cognitives et rendant la
personne âgée plus fragile.
Toutes ces considérations amènent à préférer pour ces patients âgés
une offre de soins à visée diagnostique dans des structures adaptées de
proximité.
L’obésité est un fléau, avec un caractère épidémique, qui touche
massivement notre population. Seule une organisation de soin avec un
maillage sur tout le territoire pourra répondre à un tel enjeu de santé
publique.
La prise en charge de l’obésité nécessite un premier temps de bilan.
Ce bilan comporte un diagnostic hormonal, cardiologique, fonctionnel,
psychologique, diététique. Ces explorations ne nécessitent pas un plateau
technique lourd, et pourraient être effectuées en hôpital de proximité.
Les conduites addictives peuvent elles aussi présenter des situations
aigues nécessitant des soins actifs pendant les 72 premières heures. L’hôpital
de proximité a toujours pris en charge ces patients, avec de bons résultats.
Ces situations ne nécessitent elles non plus, un plateau technique lourd, et
pourraient continuer à être prises en charge dans ces établissements de
santé.
De plus les pathologies aigües prises en charge dans les structures
de références ou de recours, ne peuvent souvent excéder une prise en charge
de 3 à 4 jours. Ces patients nécessitant encore des soins aigus, mais dont les
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CONCERNÉS
269
premières explorations sont faites, pourraient bénéficier d’une prolongation
de leur prise en charge en hôpital de proximité.
L’hôpital de proximité avec son maillage sur tout le territoire
régional est une chance pour nombre de malade. Son champ d’intervention
loin d’entrer en concurrence avec le centre hospitalier de référence, affirme
sa complémentarité pour une offre de soins globale de qualité.
Il orientera son action vers une démarche collective avec la
médecine de ville ou les centres pluri-professionnels de proximité et
réaffirmer, la priorité du service public hospitalier.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE
CAYENNE
1.
Il est écrit dans le projet de rapport que « des directions n’ont pas
transmis à l’Agence Régionale de Santé des informations complètes
nécessaires à une correcte budgétisation. Ainsi, la reconstruction du pôle
Mère-Enfant du Centre Hospitalier de Cayenne et le réaménagement des
locaux libérés ont déséquilibré son budget du fait notamment des frais
financiers et des amortissements. Les risques financiers n’avaient pas été
clairement documentés auprès de l’Agence Régionale de Santé et le
Ministère n’en a pas tiré toutes les conséquences alors que l’établissement, à
peine sorti d’un plan de retour à l’équilibre, retombait dans un déficit
chronique ».
L’Agence Régionale de l’Hospitalisation, puis l’Agence Régionale
de Santé n’ont fixé après l’adoption du projet « femme-enfant » aucune
exigence particulière quant à la réutilisation des locaux libérés par
l’extension. Il était, d’autre part, difficile de faire des prévisions précises tant
que l’échéance du passage à la T2A, intervenu en 2010, n’avait pas été
franchie du fait des incertitudes liées à son application en Guyane.
Dès juin 2011, l’Agence Régionale de Santé a été destinataire d’un
chiffrage des travaux présenté au Conseil Régional lors d’un séminaire sur
la santé réunissant tous les acteurs du monde hospitalier et les élus de la
Guyane. Un rapport a été remis à Monsieur le Ministre de la Santé en juillet
2011 à l’occasion d’une réunion au Conseil Régional. Le dossier développé
de financement a été présenté le 26 octobre 2011 à l’Agence Régionale de
Santé. Le 8 novembre 2011, le Directeur du Centre Hospitalier de Cayenne
adressait au Directeur Général de l’Agence Régionale de Santé un dossier
visant à répondre à la demande de ce dernier d’étaler les opérations des
travaux de réhabilitation.
Dans une correspondance DG/ARS/02/2012, Monsieur le Directeur
Général de l’Agence Régionale de Santé transmettait le 5 janvier 2012 au
Ministère de la Santé le dossier de l’établissement« avec son appui afin qu’il
puisse être soutenu ».
En ce qui concerne le déficit de l’établissement, il convient de
relever les efforts consentis depuis 2010. En effet, la mise en place d’un plan
de performance en 2011, puis d’un plan d’économie auront permis de
réduire le déficit d’exploitation de 2,7 millions d’euros à 100 000 euros en
2012. En 2013, tous budgets confondus l’établissement enregistre un
excédent de 137 000 euros. Sur le budget général, la Direction a su résorber
le déficit prévisionnel estimé au début de l’exercice 2013 à 3,6 millions
d’euros à 295 000 euros, grâce notamment à une politique volontariste de
stabilisation des effectifs menée à partir du mois d’août.
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CONCERNÉS
271
L’établissement est cependant au niveau institutionnel conscient de
la nécessité de mieux maîtriser ses charges d’exploitation. Un dossier est en
cours
d’instruction
devant
le
Comité
pour
la
Performance
et
la
Modernisation (COPERMO) relatif à la poursuite de la modernisation des
infrastructures de l’établissement, comprenant un financement en trois
volets :
-
des recettes nouvelles générées par l’augmentation d’activité
projetée ;
-
une aide de l’État de 35 000 000 d’euros ;
-
un plan de performance de 21 790 euros décliné en 41 mesures
opérationnelles.
Le Centre Hospitalier de Cayenne a été déclaré éligible le 25 février
2014. Le dossier de performance doit être examiné lors d’un prochain
COPERMO. Le Centre Hospitalier de Cayenne bénéficie du soutien de
l’Agence Régionale de Santé sur ce projet.
2.
Il est également écrit « La Chambre Régionale des Comptes a
néanmoins relevé en 2012 un risque économique réel dans la capacité de
l’établissement à concilier simultanément la réalisation d’investissements
lourds, et cependant nécessaires dans leur principe avec le passage à un
mode de financement lié principalement à l’activité, celle-ci n’étant pas
extensible à due proportion des coûts ».
L’établissement partage l’analyse sur la « caractère lourd mais
nécessaire des
investissements », notamment du fait des évolutions
populationnelles qui constituent pour reprendre l’expression de l’Agence
Régionale de Santé
de la Guyane « un défi démographique ». La nécessité
de s’inscrire dans une logique d’efficience et d’équilibre est parfaitement
admise par l’établissement qui l’a prise en compte dans le dossier
COPERMO en cours d’instruction.
3.
Par
ailleurs,
il
est
écrit
« qu’il
serait
souhaitable
que
l’organigramme à venir permette d’assurer une meilleure lisibilité de
l’exercice des responsabilités ».
La nouvelle Direction de l’établissement a pris en compte cette
observation en procédant à une réorganisation des directions fonctionnelles.
Le magistrat instructeur de la Chambre Régionale des Comptes a pointé
notamment l’existence d’une Direction des travaux distincte de celle de la
logistique. Cette remarque a été entendue avec la création d’une Direction
des Fonctions Supports comprenant 4 secteurs : la logistique, les services
techniques, l’informatique et le biomédical. Le rapport portait un regard
critique sur l’existence d’une direction chargée des recettes et d'une autre
des dépenses. Ces deux directions ont été regroupées au sein de la Direction
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272
COUR DES COMPTES
des Finances, ce qui permet par ailleurs, de mener une action plus forte sur
la certification comptable.
Un Secrétariat Général auprès du Directeur a été créé, renforçant
la dimension de la Direction Générale.
Une Direction des Usagers, de la Qualité et de la Communication a
été érigée afin notamment de permettre à l’établissement de mieux prendre
en compte les droits des patients et la qualité qui leur est due. Une Direction
des Établissements a été incluse dans l’organigramme, afin d’intégrer la
dimension particulière du Centre Hospitalier de Cayenne en tant que
gestionnaire des Centres de Santé Délocalisés.
En revanche, a été maintenue une distinction entre la Direction des
Ressources Humaines, la Direction des Soins et celle des Affaires Médicales.
Une Commission des Effectifs qui se réunit chaque mois permet cependant
d’avoir une approche transversale des questions d’effectifs.
4.
Il est également écrit que « Le projet social de l’établissement porte
dans sa rédaction même, les traces de ces insuffisances. Il en est ainsi de ce
qui pourrait être une véritable GPMC, dont le nom est invoqué, mais dont le
contenu n’est pas défini et encore moins cerné ».
La nouvelle direction de l’établissement a bien pris la mesure des
insuffisances du projet social du projet de l’établissement 2011-2016. En
effet, au-delà de son caractère réglementaire, le projet social fédère la
communauté hospitalière autour d’objectifs partagés et de valeurs sociales
reconnues par le plus grand nombre. Aussi, dès la fin du mois d’août 2013,
la nouvelle direction a pris le parti de rencontrer tous les partenaires sociaux
avec pour objectif de refonder un pacte social qui serait inscrit dans un
projet d’établissement rénové. Le 7 mai 2014, toutes les organisations
syndicales de l’établissement ont signé avec la Direction un accord relatif à
la méthodologie de travail du « Pacte Social » du Centre Hospitalier de
Cayenne dont la date de signature finale est prévue au 1
er
trimestre 2015. Ce
projet comprend 5 axes de travail :
1)
La résorption de l’emploi précaire ;
2)
L’accord local sur le temps de travail ;
3)
Le bien-être au travail ;
4)
La GPMC ;
5)
Le dialogue social.
Le travail collaboratif avec les organisations syndicales de
l’établissement doit notamment déboucher comme l’indique l’axe 4 sur une
redéfinition de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
273
5.
Il est également écrit
que « Le projet de formation, axe majeur de la
politique de gestion des ressources humaines, souffre d’une curieuse
indigence au regard des enjeux poursuivis ».
Depuis le 1
er
juillet 1995, le Centre Hospitalier de Cayenne est
adhérent à l’Association Nationale pour la Formation permanente du
personnel Hospitalier (ANFH). À ce titre, il verse conformément aux
obligations réglementaires 3 cotisations consacrées à la formation continue
du personnel non médical :
-
2,1 % à hauteur de 1 403 000 euros en 2013 dont 53 %
consacrés aux études promotionnelles ;
-
0,6 % à hauteur de 401 000 euros en 2013 sur les fonds
mutualisés de l’ANFH accessible uniquement pour les études
promotionnelles ;
-
0,2 % à hauteur de 134 000 euros sur les fonds mutualisés à
l’ANFH au bénéfice des formations qualifiantes ou de
reconversion.
Ainsi, un effort financier conséquent est consenti, que ce soit au
niveau des actions d’adaptation à l’emploi, au niveau des études
promotionnelles, du droit individuel à la formation. En 2011, le taux des
départs en formation (c’est-à-dire le rapport entre le nombre de départ en
formation et l’effectif non-médical rémunéré) était de 79 % pour le personnel
non-médical, en 2012 de 107 % et en 2013 de 126 %. En 2011, 5 agents sur
10 ont bénéficié d’une formation, en 2012, 5,8 sur 10 et en 2013, 6,6 agents
sur 10.
Le plan de formation est corrélé aux orientations de la circulaire
annuelle du Ministre de la Santé relative à la formation continue et s’efforce
de répondre aux objectifs du projet d’établissement et de ses composantes.
6.
Il est également écrit que « Le bilan social qui devait servir de base
à une analyse globale des grandes tendances de l’évolution des effectifs du
Centre Hospitalier Andrée Rosemon n’a pas été utilisé à cet effet ».
Il convient de relever que le bilan social produit par l’établissement
est conforme au décret n° 2012-1292 du 22 novembre 2012 et à l’arrêté du
5 décembre 2012. Il est présenté chaque année aux instances appelées à se
prononcer
sur
son
contenu,
en
particulier
le
Comité
Technique
d’Établissement. Le bilan social constitue au Centre Hospitalier de Cayenne
un véritable outil de management permettant de :
-
Mettre en valeur les résultats et les bonnes pratiques ;
-
Objectiver la mise en oeuvre d’une réflexion stratégique,
comme c’est le cas actuellement par exemple sur la réduction
de l’absentéisme ;
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274
COUR DES COMPTES
-
Favoriser
le
dialogue
social
et
l’appropriation
de
la
thématique des ressources humaines ainsi que cela est engagé
avec les organisations syndicales de l’établissement dans le
« Pacte Social » en cours de négociation.
7.
Il est écrit également que «
6 types de dépenses sont à pointer :
-
Les heures supplémentaires des personnels paramédicaux dont
le montant s’élève fin 2010 à environ 20 ETP ;
-
Le montant des astreintes : 221 747 euros en 2010 soit 5 ETP ;
-
Les indemnités particulières de sujétion et d’installation :
1 107 829 euros soit 22 ETP ;
-
Le coût des cabinets de recrutement du personnel non
médical : 252 980 euros en 2009, 169 800 euros en 2014 ;
-
Les arrêts maladie correspondant à l’absence, tout au long de
l’année 2011, à plus de 20 agents ;
-
Les éléments variables de rémunération médicale dont le
montant global s’élève à 3 222 013 euros en 2010 ».
En ce qui concerne les heures supplémentaires, ce montant s’élevait
à 818 718 euros en 2010, soit 19,96 ETP (valorisation moyenne à
41 000 euros). Ces valeurs n’ont pas été stabilisées. Ce point fait l’objet d’un
plan d’action dans le dossier COPERMO visant à réduire de manière
significative le montant des heures supplémentaires payées.
En ce qui concerne les astreintes des personnels non médicaux,
celles-ci se sont élevées et à 233 300 euros en 2013. Ce point fait aussi
l’objet d’un plan d’action dans le dossier COPERMO.
Pour ce qui est de la prime de sujétion et d’installation, celle-ci est
passée à 838 000 euros en 2011, puis à 982 000 euros en 2012 et à
1 235 000 euros en 2013. En l’occurrence, l’établissement applique le décret
n° 2013-314 du 15 avril 2013 portant création d’une indemnité de sujétion
géographique. Ne pouvant pourvoir tous ses postes par un recrutement local,
l’établissement est tenu d’appliquer ce texte lorsque les agents provenant
d’autres départements, sont en droit d’en bénéficier.
Pour ce qui est des coûts afférents au recours à des cabinets de
recrutement pour le personnel non médical, ceux-ci diminuent depuis 2010,
se stabilisant à 43 800 euros en 2013.
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CONCERNÉS
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Concernant l’absentéisme, l’établissement a entrepris de traiter
cette question de manière active. En 2011, le taux est passé sous la barre des
10 %. En 2013, le taux d’absentéisme était de 8,69 %. Le plan de
performance présenté en COPERMO comprend une fiche action dans ce
domaine confortée en cela par un des axes de travail prévu au titre de la
refonte du pacte social.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DU CENTRE
HOSPITALIER DE COLSON DE MARTINIQUE
Je confirme que je n’émets pas d’observation, les informations
synthétiques relatives au Centre Hospitalier de Colson sont conformes à la
réalité de cet établissement.
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CONCERNÉS
277
RÉPONSE DU DIRECTEUR PAR INTÉRIM AU CENTRE
HOSPITALIER FRANÇOIS DUNAN DE SAINT-PIERRE-ET-
MIQUELON
J’ai l’honneur de vous informer que je n’ai pas d’observations
particulières concernant le projet de rapport intitulé « La Santé dans les
Outre-mer, une responsabilité de la République » pour ce qui concerne le
Centre hospitalier François Dunan.
Permettez-moi par ailleurs de vous préciser que dans le cadre de la
mission d’intérim que j’effectue actuellement, nous travaillons d’une part à
définir, finaliser et formaliser une démarche de coopération avec la CPS
(concerne les relations entre le Centre de Santé et l’Hôpital, le recrutement
médical, l’harmonisation et la complémentarité des pratiques médicales et
soignantes, l’échange d’informations, la formation, etc.) et d’autre part à
adosser l’établissement à un Centre hospitalier métropolitain important de
type CHU, devant permettre de compléter et stabiliser davantage un effectif
médical indispensable pour offrir à la population l’expertise nécessaire et
limiter au mieux les évacuations sanitaires, voire en cas de besoin, les rendre
plus efficientes. Cet adossement devra permettre d’apporter également une
expertise et un soutien dans différents domaines (techniques, administratifs,
financiers, etc.).
Enfin, le Centre hospitalier est en train de convenir avec l’HAS une
nouvelle démarche devant conduire à terme l’établissement à la certification.
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278
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CENTRE
HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LA RÉUNION
Comme suite à la notification du projet de rapport public intitulé
« La santé dans les outre-mer une responsabilité de la République », j’ai
l’honneur de vous informer que je n’ai pas d’observations à formuler.
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CONCERNÉS
279
RÉPONSE DU DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE
L’OUEST GUYANAIS FRANCK JOLY
Je tiens à souligner que le CHOG, hormis le bâtiment MCO
(Médecine, Chirurgie, Obstétrique) et celui de la psychiatrie, date de
l’époque du bagne et a donc été construit il y a un siècle.
C’est la raison pour laquelle un projet de reconstruction, approuvé
par le COPERMO en date du 25 février 2014, a été initié. Ce projet est à
présent bien amorcé puisque l’attribution des marchés d’entreprise sera
effectuée au mois de juillet 2014.
En parallèle, un important travail de modernisation touchant tous
les domaines (organisation des soins, équipements biomédicaux, sécurité
incendie, etc.) a été initié depuis mon arrivée afin notamment d’anticiper le
fonctionnement du nouvel hôpital dont l’ouverture est prévue fin 2017.
Concernant le bâtiment de Psychiatrie, les travaux de remise en état
de ce dernier ont démarré : remplacement des vitres cassées et réfection des
cloisons abîmées, changement des équipements électriques défectueux, etc.
Une climatisation centralisée va être installée sur le site, notamment
pour les chambres des patients.
Enfin, en plus de la mise en place d’une équipe sécurité incendie
(23 agents au total permettant une présence 24h / 24 et 7j / 7) sur le site
principal et au sein du bâtiment psychiatrique, un travail conséquent de mise
aux normes en matière de sécurité incendie a été effectué en 2013.
Ainsi,
l’établissement
a
obtenu
un
avis
favorable
de
la
sous-commission départementale pour la sécurité contre les risques incendie
et de panique en date du 10 avril 2014, tant pour son bâtiment MCO que
pour l’EHPAD / SSR.
L’ensemble de ces éléments ne figurant pas dans votre projet de
rapport, je vous serais reconnaissant de bien vouloir les intégrer.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE
MAYOTTE
Je vous informe que je n'ai pas de commentaire à apporter à ce
rapport.
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CONCERNÉS
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RÉPONSE DE LA DIRECTRICE DU CENTRE HOSPITALIER DU
MARIN
J'ai l'honneur de vous indiquer que je suis en accord total sur le
contenu de ce rapport.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CENTRE
HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE MARTINIQUE
Réponses au rapport de la Cour des Comptes concernant le
laboratoire P3 et les dépenses du nouveau plateau technique.
1. Le laboratoire P3 :
Il est noté dans le rapport qu’il n’avait manqué que « 21 000 euros
pour le rendre opérationnel ». Certes, les difficultés financières croissantes
du CHU ont considérablement ralenti les investissements et les dernières
interventions sur le P3 n’y ont pas échappé.
Cependant ce ne sont pas que des problématiques financières qui
ont repoussé l’échéance de son ouverture. En effet, il existe pour ce type de
laboratoire extrêmement sécurisé tout un plan de prévention qui a fait
intervenir différentes instances et organismes extérieurs.
Le SDIS (Service d’Incendie et de Secours) a dû intervenir à deux
reprises en 2012 et 2013, le CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des
Conditions de Travail) a exigé des séances extraordinaires en 2012 et 2013.
La Médecine du Travail a été sollicitée pour les agents devant y
travailler pour effectuer des visites médicales préalables. De nombreuses
formations ont été assurées pour les personnels y compris la responsable
(formations au confinement NSB3, sécurité incendie, risques NRBC,
AFGSU). Sans ces formations qui ont dû être organisées et étalées dans le
temps, le P3 ne pouvait être fonctionnel.
Des procédures nombreuses décryptant toutes les phases de
l’activité du P3 ont été rédigées pour que son fonctionnement soit validé.
L’ensemble des dépenses engagées sur la période de mise en route
pour ce laboratoire s’est élevé à
902 310 euros
auxquels il faut ajouter
12 978,67
euros de consommables et de dépenses relatives à l’hygiène des
locaux.
2. Le Nouveau Plateau Technique :
Il est noté dans le projet du pré rapport « pour ne considérer que les
Antilles, le CHU de Martinique doit réceptionner en 2016 un plateau
technique de 181 Millions d’euros. Suivrait à un coût triple la reconstruction
totale du reste de l’établissement ».
Il convient de rappeler que cette reconstruction est avant tout
justifiée par la nécessité de disposer d’un plateau technique parasismique,
susceptible de résister aux séismes. Le tremblement de terre de 2007 en
Martinique ayant détruit une partie de l’Hôpital de Trinité, puis celui d’Haïti
en 2010 ont fait apparaître la fragilité des équipements existants dans une
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CONCERNÉS
283
zone à risque sismique très important. Sans cette nouvelle infrastructure,
l’hôpital seul centre de recours pour les Urgences et seul Trauma center, ne
serait plus opérationnel en cas de séisme. Le coût prévisionnel de ce nouveau
plateau technique est de
169 Millions d’Euros
et non de 181.
Enfin il n’est pas prévu à ce jour d’engager une reconstruction du
reste de l’établissement, ces projets ayant été abandonnés.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER
TERRITORIAL GASTON BOURRET À NOUMÉA
Le CHT Gaston Bourret n’a pas de remarques particulières à faire.
Une
seule
précision
pourrait
être
apportée
concernant
le
paragraphe sur les « Crédits d’État et constructions hospitalières du
Pacifique » :
Le CHT Gaston Bourret a eu recours à la Société ICADE pour le
programme de construction du Médipôle. Les études financières sur
l’exploitation et la capacité de financement des régimes sociaux ont toutes
été soumises à KPMG santé afin d’en valider la cohérence.
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CONCERNÉS
285
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CENTRE
HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE POINTE-À-PITRE
ABYMES
Je vous adresse ci-dessous les remarques formulées par le CHU, à
savoir :
1) Chapitre 2 - point de vue sur la cardiologie au CHU de
Guadeloupe, début 2013
Les travaux évoqués dans l’article de presse mentionné sont en voie
de finalisation, les phases II et III ayant été regroupées pour une clôture de
chantier fin juin 2014.
Par ailleurs, la mise à niveau des équipements biomédicaux de
l’ensemble du CHU fait l’objet par l’ARS d’une enveloppe dédiée de 5 M€ en
première notification budgétaire 2014.
Les difficultés mentionnées à ce niveau devraient donc être
prochainement solutionnées.
2) Chapitre 3 - annexe n° 8 : amiante, mercure, saturnisme, eau
Les travaux de désamiantage et de rénovation du service de
pédiatrie sont en cours de réalisation (date d’échéance : mi-juillet 2014)
Le dossier Diagnostic Amiante Technique
(DAT) voit son
diagnostic initial complété d’une analyse spécifique pour chaque zone de
travaux envisagés.
- Annexe n° 21 : les manquements à la radioprotection
Le CHU a mis en place une commission interne de la
radioprotection pour la mise en oeuvre effective des recommandations de
l’ASN.
- Annexe n° 25 : le service de psychiatrie du CHU de Guadeloupe
L’accueil des urgences psychiatrique est rendue d’autant plus
difficile qu’elle a été organisée sans moyen complémentaire et dans des
locaux exigus, prélevés dans le Service d’Accueil des Urgences.
La relocalisation de l’UMJ a permis de dégager des locaux et de
repenser l’ensemble des circuits de prise en charge des urgences.
L’accord de l’ensemble des acteurs hospitaliers impliqués étant
désormais acquis, cette réorganisation devrait pouvoir être effective fin
2014, début 2015.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE
LA POLYNÉSIE FRANÇAISE
En premier lieu, je me permets d'attirer votre attention sur le fait
que le rapport provisoire relatif à l'examen de la gestion 2008-2013 du
CHPF par la Chambre territoriale des comptes de la Polynésie française
tend à montrer que des inflexions significatives ont été données à la gestion
de l'établissement.
En particulier, les coûts de fonctionnement du nouveau site de
Taaone, s'ils sont significativement plus élevés que ceux du bâtiment de
Mamao, sont aujourd'hui connus et maîtrisés. Le CHPF est parvenu, en
2013, à réduire sa consommation électrique d'environ 10 % grâce à une
politique drastique de pilotage de la gestion de l'air (traitement et
climatisation) ainsi qu'à la multiplication des points de contrôle de la
consommation électrique et de froid.
Les modalités de financement par les régimes de protection sociale
polynésiens et les procédures relatives aux engagements comptables ont été
mises en conformité avec la réglementation applicable.
Comme vous l'indiquez, le Centre hospitalier de la Polynésie
française a pris l'initiative de s'engager dans une démarche volontaire de
rapprochement des critères métropolitains de certification. Si la visite des
experts de la Haute autorité de santé a effectivement confirmé que certains
des critères investigués n'atteignaient pas le niveau requis, le CHPF souhaite
insister sur le fait que le référentiel retenu, celui de 2010, est le troisième
auquel sont soumis les établissements métropolitains dans le cadre d'une
démarche itérative initiée en 1999 dans laquelle l'établissement n'était pas
inscrit.
Alors que le rapport de visite définitif ne lui a pas encore été
adressé, le CHPF s'est d'ores et déjà engagé dans la mise en place d'actions
correctives.
Deux textes distincts régissent l'organisation du temps de travail
médical : le statut général de la fonction publique polynésienne, qui pose le
principe de la journée continue et de la fin de la journée de travail à 15 h 30,
et celui propre aux praticiens hospitaliers, qui instaure les dix demi-journées
hebdomadaires de travail.
La rédaction antinomique de ces deux textes a été soulignée à
plusieurs reprises par le CHPF, qui a demandé officiellement leur mise en
concordance de manière à pouvoir pleinement mettre en oeuvre les
dispositions relatives à l'organisation du temps de travail des praticiens
hospitaliers.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, DES ORGANISMES ET DES COLLECTIVITÉS
CONCERNÉS
287
En l'état, ce paradoxe a contraint le CHPF, afin de garantir la
continuité des soins, à adapter le régime des astreintes et des gardes en les
faisant débuter à 15 h 30. Cependant, la pratique de la transformation des
astreintes en gardes pour les heures travaillées en fin d'après-midi n'est pas
systématique.
Elle est toutefois suffisamment répandue pour que l'établissement
mette en place, à compter du mois de juillet 2014, un contrôle informatisé de
ces transformations, qui viendra compléter les contrôles manuels effectués
mensuellement sur les comportements les plus atypiques.
Concernant l'organisation du travail du personnel administratif en
journée continue, l'établissement tient à préciser qu'elle est commune à celle
de l'ensemble de la fonction publique de la Polynésie française.
En matière de radioprotection, le CHPF met actuellement en oeuvre
les prescriptions consécutives à l'inspection de l'Autorité de sureté nucléaire
effectuée en octobre 2013.
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