COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Le 2 avril 2014
RAPPORT PUBLIC THÉMATIQUE
LES SOUTIENS À LA PRODUCTION
CINÉMATOGRAPHIQUE ET AUDIOVISUELLE
Des changements nécessaires
La politique de soutien public à la production cinématographique et audiovisuelle a été conçue
à la fin des années 1950 pour le cinéma et dans les an
nées 1980 pour l’audiovisuel
. L
’émergence
du numérique,
l’apparition de nouveaux diffuseurs
et de nouveaux modes de consommation
en bouleversent les fondements et l’économi
e.
La Cour a vérifié si les objectifs de cette politique sont atteints, si les résultats des dix dernières
années sont à la mesure de l’augmentation des moyens engagés et si les mécanismes
de soutien sont toujours adaptés.
Elle observe que
l’évolution
récente a principalement consisté en une augmentation très forte
des aides publiques (+ 88 % au cours de la dernière décennie, soit quatre fois plus que
les dépenses de l'État), sans remise en cause ni révision du modèle, et sans que les résultats
obtenus p
ermettent d’en attester aujourd’hui la complète pertinence.
1.
Des crédits publics en forte hausse
Le système français est unique en Europe par l’ampleur des aides publiques, la diversité des soutiens
indirects et l’étendue du cadre réglementaire. Il est pour l’essentiel mis en œuvre par
le Centre national
du cinéma et de l’image animée (CNC),
financé par des taxes affectées et dont les objectifs sont :
d’
«
assurer une présence forte des œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises et
européennes,
sur notre territoire et à l’étranger, et pour cela apporter un soutien à caractère
économique à l’ensemble des acteurs des filières concernées
» ;
de « contribuer à la diversité et au renouvellement de la création et de la diffusion ».
Les aides du CNC sont complétées par des subventions des collectivités territoriales et des dépenses
fiscales, et par un encadrement juridique de certaines dépenses et recettes, publiques ou privées
(
obligations d’investissement des diffuseurs
, chronologie des médias par exemple).
Le total des taxes affectées au CNC est passé de 440
M€ à 750 M€
entre 2002 et 2012 (+ 70 %). Dans
le même temps, la dépense fiscale, très dynamique, est passée de 19
M€
à 145 M€.
2.
Le soutien à la production cinématographique : un modèle original sous tension
Étroitement régulé, le modèle de préfinancement qui caractérise notre système a permis au cinéma
français de continuer à produire un nombre important de films (270 en 2012)
et des œuvres reconnues.
Mais il présente des risques
d’essoufflement e
n raison de
la tendance à l’augmentation
des coûts de
production et de distribution des films, et à la réduction de la place des films français sur les écrans des
salles de cinéma et des chaînes de télévision. La Cour constate de ce fait une concentration des
dépenses sur les films à budget élevé, qui sont précisément
à l’origine des tensions inflationnistes du
secteur.
L’évolution à la hausse des coûts de production est également alimentée par des pratiques qui nuisent
à la transparence des conditions de financement (frais mis en participation, modalités de rémunération
des artistes-
interprètes sous forme de droit à l’image).
Enfin
, si la France enregistre un niveau exceptionnel d’entrées dans les salles de cinéma, la
fréquentation demeure concentrée sur un
nombre limité de films à succès et l’audience relative des
films français stagne.
3.
Le soutien à la production audiovisuelle : des performances sans rapport avec
les montants investis
Conçu sur le même modèle que celui du cinéma, le dispositif de soutien à la production audiovisuelle a
été orienté vers un soutien quantitatif à la production, davantage que vers la création et la production
d’œuvres de qualité
, sans pour autant rencontrer les attentes du public. Malgré des signes récents de
redressement, les
résultats atteints sont loin d’être satisfaisants, tant en matière de structuration du
secteur de la production
que d’audience et d’exportation
.
De fait, cette politique a échoué à faire émerger un tissu d’entreprises de production audiovisuelle
suffisamment structuré pour répondre à la demande française et internationale, en particulier dans le
domaine de la fiction. Dans ce secteur, le volume horaire de fiction française produite depuis 20 ans est
marqué par une stagnation frappante, tandis que les fictions étrangères présentent depuis plusieurs
années les meilleurs résultats d’audience
télévisuelle.
S’agissant des documentaires, la Cour observe que la forte croissance du volume produit est
due en
bonne partie à une définition très large de la notion de documentaire de création.
4.
Les défis de la concurrence internationale
Les évolutions technologiques rendent caduque une politique de soutien qui se limiterait à défendre le
marché national et à préserver l’attractivité du territoire français.
La politique française de promotion de ses territoires est de plus en plus coûteuse, mal coordonnée et
sans impact vérifiable. Les dispositifs fiscaux conçus pour attirer et maintenir les productions sur le
territoire national
s’inscrivent
dans une vaine surenchère à
l’échelle européenne
. La Cour recommande
de réguler ces pratiques fiscales au niveau communautaire,
afin d’en
freiner l’extension au niveau
national.
Quant à la politique de promotion
des œuvres à l’exportation, elle est
émiettée, peu dynamique et
n’incite
pas les opérateurs à
s’adapter à
la nouvelle donne économique, fondée sur la distribution
numérique. Cette dernière impose de faire évoluer le modèle actuel du préfinancement vers
l’amortissement, ce qui rend n
écessaire un meilleur financement de la production par les producteurs
eux-mêmes.
La chronologie des médias
interdit actuellement l’exploitation en vidéo à la demande par abonnement
avant un délai de 36
mois suivant l’exploitation en salle
. Combinée à
la fragmentation de l’offre de
contenus français sur plateformes numériques, elle représente un frein à la constitution de services
globaux, ayant une taille critique suffisante pour affronter la concurrence internationale.
Recommandations
La Cour formule 21 recommandations, visant notamment :
pour ce
lles relatives à l’ensemble du système de soutien
o
à établir une trajectoire pluriannuelle de dépenses du CNC dans le document de performance,
sur la base d’une
évaluation rigoureuse
des besoins du secteur et de l’efficacité des dispositifs,
et à adapter en conséquence le niveau de ses recettes ;
o
à exclure les sociétés de production cinématographique et audiovisuelle du bénéfice
des dispositifs fiscaux de droit commun visant à encourager les investissements des particuliers
dans le capital des PME ;
pour celles relatives au soutien à la production cinématographique
o
à plafonner la prise en charge par le soutien public des rémunérations les plus élevées
et rendre inéligibles aux soutiens publics les films qui recourent au versement anticipé
de compléments d
e rémunération sous forme de droit à l’image
;
o
à
assouplir le régime des jours pendant lesquels la diffusion d’œuvres cinématographiques
est interdite sur les chaînes de télévision ;
pour celles relatives au soutien à la production audiovisuelle
o
à procéder à un resserrement des critères de qualification des documentaires susceptibles
d’être aidé
s et comptabilisés au titre des obligations des chaînes ;
o
à élaborer, par la voie d'un accord interprofessionnel, un devis-
type de la production d’œuvres
audiovisuelles, faisant apparaître la rémunération du producteur ;
o
à
consacrer une part plus importante des aides sélectives du CNC à la phase d’écriture
et de développement des programmes et aux nouvelles formes de création ;
pour celles relatives à la mondialisation et à la numérisation de la production
o
à
mobiliser les soutiens publics pour favoriser l’émergence d’éditeurs de services de vidéo
à la demande par abonnement.
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