ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LES SOUTIENS
À LA PRODUCTION
CINÉMATOGRAPHIQUE
ET AUDIOVISUELLE
Des changements nécessaires
Rapport public thématique
Synthèse
Avril 2014
g
AVERTISSEMENT
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’uti-
lisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes
figurent à la suite du rapport.
SOMMAIRE
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
1
Des crédits publics en forte hausse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
2
Le
soutien
à
la
production
cinématographique
:
un
modèle à renouveler
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
3
Le soutien à la production audiovisuelle : des performances sans
rapport avec les montants investis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
4
Les défis de la concurrence internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 9
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23
INTRODUCTION
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Pour la France, pays de la diversité culturelle, le secteur du cinéma et de l’audio-
visuel constitue un enjeu majeur : en 2012, nous avons produit 270 films et près
de 5 200 heures de programmes audiovisuels, représentant, respectivement,
un volume d’investissements de 1,3 Md€ et de 1,4 Md€.
Créés à la fin des années 1950 pour le cinéma et dans les années 1980 pour l’au-
diovisuel dans le but d’assurer une production diversifiée d’œuvres françaises et
européennes, et de promouvoir leur diffusion sur le territoire français et à
l’étranger, les différents mécanismes de soutien public sont conçus pour accom-
pagner et conforter un modèle d’activité dont le financement repose essentiel-
lement sur l’investissement dans la production des oeuvres de recettes tirées de
leur diffusion.
Or cette économie globale est aujourd’hui mise à mal par l’apparition de nou-
veaux opérateurs dans le domaine de la diffusion, lesquels n’ont pas nécessaire-
ment la capacité ou la volonté d’investir dans la création française. Elle est en
outre affectée par l’émergence des nouveaux usages et de nouveaux modes de
consommation de l’image animée, fondés sur l’envie de pouvoir accéder aux
œuvres à tout moment et sur tous supports : ces usages « délinéarisés » tendent
à s’affranchir des contraintes que représente le séquençage des fenêtres exclu-
sives de diffusion des œuvres, contrepartie donnée à ceux qui les financent pour
leur permettre d’amortir leurs investissements.
Ces pertes de ressources potentielles représentent donc une menace sur la via-
bilité du secteur de la production cinématographique et audiovisuelle, aux-
quelles il convient d’apporter des réponses adaptées. Or, ces dernières années,
l’évolution de la politique de soutien a principalement consisté en une augmen-
tation très forte des aides publiques (+ 88 % au cours de la dernière décennie,
soit quatre fois plus vite que les dépenses de l'État : + 20 %), sans remise en
cause ni révision du modèle, et sans que les résultats obtenus permettent d’en
attester aujourd’hui la complète pertinence.
L’enquête de la Cour s’est attachée à prendre la mesure de cette divergence
entre, d’une part, l’augmentation des moyens publics engagés pour soutenir la
production cinématographique et audiovisuelle, et, d’autre part, les résultats
obtenus. Elle a cherché à analyser les insuffisances du modèle de soutien au
regard des objectifs qui lui ont été assignés et de ses nouveaux défis et avance
des propositions pour y remédier.
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Des crédits publics
en forte hausse
La France a créé un système de sou-
tien à la production cinématogra-
phique et audiovisuelle unique en
Europe
par
l’ampleur
des
aides
publiques, la diversité des soutiens
indirects, l’étendue et la précision du
cadre réglementaire. Ce système,
ancien et cohérent, a été marqué au
cours des dix dernières années, par
une multiplication des dispositifs et
une augmentation très dynamique
des financements.
Ce système comprend des aides
publiques alimentées par un méca-
nisme de taxes affectées au Centre
national du cinéma et de l’image ani-
mée (CNC)
1
, ainsi que des aides des
collectivités
territoriales
et
des
dépenses fiscales. Il est complété par
un encadrement juridique de cer-
taines dépenses et recettes, publiques
ou privées, tant dans leur montant ou
leur destination (obligations d’inves-
tissement des diffuseurs) que dans
leur échéancier (chronologie des
médias).
Graphique n° 1
: aides directes à la production cinématographique
et audiovisuelle en 2002 et 2012 (en M€)
_______________________________________________
1
Dont un fonds de garantie géré par l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC).
Source : Cour des comptes
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des crédits publics en forte hausse
Le total des taxes affectées au CNC a
augmenté de 70 % entre 2002 et
2012, passant de 440 à 750 M€.
Récemment, cette augmentation a
été atténuée, le budget de l’établisse-
ment ayant fait l’objet d’écrêtements
lors des trois derniers exercices bud-
gétaires
2
.
Dans le même temps, la dépense fis-
cale associée a progressé rapidement,
passant de 19 M€ en 2002 à 145 M€
en 2012. La création de trois crédits
d'impôt entre 2004 et 2009 en est la
cause principale et, dans une moindre
mesure, le renchérissement du coût
des sociétés de financement de l’in-
dustrie cinématographique et de l’au-
diovisuel (SOFICA).
À ces avantages fiscaux bénéficiant
directement aux sociétés de produc-
tion cinématographiques et audiovi-
suelles s’ajoutent le recours à des dis-
positifs fiscaux de droit commun,
notamment ceux conçus pour favori-
ser l’investissement dans les PME ainsi
que, indirectement, les taux réduits de
TVA
accordés
à
Canal
+
et
Numéricable.
_________________________________
2
La Cour, pour sa part, recommande une régulation budgétaire de l’établissement qui serait encadrée par la définition
conccertée d’une trajectoire pluriannuelle des dépenses : cf.
La gestion et le financement du Centre national du cinéma et de
l’image animée (CNC). Exercices 2007 à 2O11
,
communication à la commission des finances du Sénat. La Documentation fran-
çaise, août 2012, disponible sur www.ccomptes.fr
Graphique n° 2
: répartition sectorielle des principaux soutiens versés
par le CNC, de 2002 à 2012, en M€
Source : Cour des comptes
d’
après données CNC. Ce graphique n’inclut pas les dispositifs de soutien trans-
versaux (plan numérique, soutien à la promotion du cinéma, éducation à l’image, patrimoine, etc.).
Alors que les soutiens versés par le CNC au cinéma sont restés approximati-
vement constants de 2002 à 2012, les soutiens octroyés à la production audio-
visuelle ont progressé plus nettement.
Des crédits publics en forte hausse
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Afin que l’évolution de ces dépenses
publiques soit mieux maîtrisée, le rap-
port recommande de définir, sur une
base pluriannuelle, les besoins du sec-
teur et les ressources publiques qui lui
seront affectées, après avoir mieux
évalué l’efficacité des dispositifs de
soutien.
Au vu des redondances possibles
entre dispositifs publics, il est égale-
ment
recommandé
d’exclure
les
sociétés de production cinématogra-
phique et audiovisuelle du bénéfice de
certains dispositifs fiscaux de droit
commun, et de concentrer l’accompa-
gnement du CNC aux aides des collec-
tivités territoriales sur les facteurs
susceptibles de favoriser la localisa-
tion des tournages.
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
2
Le soutien à la production
cinématographique :
un modèle à renouveler
Étroitement régulé par la puissance
publique, le modèle de préfinance-
ment qui caractérise la politique de
soutien à la production cinématogra-
phique a permis au cinéma français de
maintenir un important volume de
production et de donner naissance à
des œuvres reconnues. Les finance-
ments publics jouent un rôle essen-
tiel, notamment pour les films à petit
budget.
Ce système présente cependant des
risques d’essoufflement : la tendance
à l’augmentation des coûts de pro-
duction ainsi que l’exposition plus
réduite des films français en salle et à
la télévision rendent, en effet, les pers-
pectives de rentabilisation de plus en
plus aléatoires pour les investisseurs,
ce qui amène ceux-ci à modifier leurs
choix d’investissement.
Le soutien à la production cinémato-
graphique entretient du coup une
polarisation de la production entre
des films à faible budget, peu exposés
en salle, et des films au budget tou-
jours plus élevé, sur lesquels se
concentre la fréquentation, tandis que
les conditions de financement des
films au budget intermédiaire se
dégradent.
L’écart
persistant
entre
le
coût
médian (3,4 M€) et le coût moyen
(5,2 M€) des films d’initiative fran-
çaise en 2012 témoigne aussi d’une
concentration des dépenses sur les
films à budget élevé, qui sont princi-
palement à l’origine des tensions
inflationnistes du secteur. Le nombre
de films présentant un coût définitif
supérieur à 7 M€ est ainsi passé de 17
à 24 % entre 2003 et 2012.
Le soutien à la production
cinématographique :
un modèle à renouveler
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Graphique n° 3
: investissements des diffuseurs (en M€) et poids des films
français parmi les meilleures audiences de la télévision
L’évolution à la hausse des coûts de
production est également entretenue
par des pratiques qui nuisent à la
transparence des conditions de finan-
cement (frais en participation, modali-
tés de rémunération des artistes-
interprètes sous forme de droit à
l’image).
Dans le même temps, si la France
enregistre un niveau exceptionnel
d’entrées dans les salles de cinéma
(193 millions d’entrées en 2013, soit
près de 3 par habitant), la fréquenta-
tion demeure concentrée sur un nom-
bre limité de films à succès : seule une
trentaine d’œuvres (sur les 500 à 600
sorties en salles annuelles) rassemble
près de la moitié de ces entrées
chaque année depuis 2001. À l’inverse,
une part croissante des films français
inédits sortis en salles chaque année,
comprise entre 50 et 60 %, réalise
moins de 50 000 entrées. Cette
concentration de la fréquentation
coïncide avec l’évolution de la struc-
ture des investissements dans les
films d’initiative française, les films les
moins coûteux voyant leurs condi-
tions d’exposition, et donc leur poten-
tiel de recettes, se détériorer d’autant.
En témoigne, au cours de la dernière
décennie, l’évolution de la part des
films par catégorie de budget dans la
fréquentation en salles et dans les
investissements de production.
Source : Cour des comptes d’après données CNC et Médiamétrie
Les chaînes de télévision privées,
contraintes par la loi d’investir dans la
production cinématographique, ten-
dent à cibler leurs investissements sur
ces œuvres. Elles s’efforcent ainsi de
maximiser
les
revenus
qu’elles
escomptent de la diffusion de films,
dès lors que, dans un contexte de mul-
tiplication des supports et des images,
le cinéma diffusé à la télévision tend à
perdre son caractère attractif et
exclusif.
Le soutien à la production
cinématographique :
un modèle à renouveler
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Source : Cour des comptes d’après données CNC
Graphique n° 4
: part des films dans la fréquentation totale et dans les coûts
de production, en fonction du budget
En 2003 comme en 2011, les films
dont le budget est supérieur à 7M€
représentaient près de la moitié des
investissements dans la production
cinématographique française alors
que leur part dans la fréquentation en
salles augmentait de 43,5 % à 67,2 %.
Les films dont le budget est inférieur à
1 M€ représentent environ 2 % de la
fréquentation des films d’initiative
française.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
14
Pour renouer plus clairement avec les
objectifs du système de soutien que
sont le renouvellement de la création
culturelle et la consolidation écono-
mique du secteur, la Cour recom-
mande de mieux prendre en compte
les besoins de chaque budget de pro-
duction, en veillant à ce que le soutien
à la production soit plus orienté vers
l’exposition des films en salle. Un plus
grand ciblage des choix et une aug-
mentation du montant unitaire des
aides sélectives aux projets permet-
traient ainsi d’améliorer le finance-
ment des oeuvres et leur exposition
en salle, de même que des assouplis-
sements
de
la
chronologie
des
médias. La réglementation qui enca-
dre l’exposition des films français à la
télévision pourrait également être
revue, afin de l’adapter aux pratiques
de consommation actuelles. Enfin, le
soutien à la production cinématogra-
phique doit s’efforcer de contenir
l’augmentation des coûts les plus
dynamiques, en limitant la contribu-
tion des aides publiques à cette infla-
tion.
Le soutien à la production
cinématographique :
un modèle à renouveler
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
3
Le soutien à la production
audiovisuelle :
des performances sans rapport
avec les montants investis
Conçu sur le même modèle que celui
du cinéma, le dispositif de soutien à la
production audiovisuelle a mobilisé,
en 2012, près de 800 M€ d’investisse-
ments des chaînes de télévision et
332 M€ d’aides publiques (CNC, col-
lectivités locales et crédit d’impôt
audiovisuel). Ce dispositif donne une
place centrale à la production indé-
pendante, sans pour autant que cette
indépendance caractérise, dans les
faits, les relations économiques que
les sociétés de production entretien-
nent avec les diffuseurs.
Les leviers à la disposition des pou-
voirs publics (aides directes et com-
mandes des chaînes de l’audiovisuel
public) ont été orientés vers un sou-
tien quantitatif à la production,
davantage que vers la création et la
production d’œuvres de qualité sus-
ceptibles de rencontrer les attentes
du public. Malgré des signes récents
de redressement, les résultats atteints
sont loin d’être satisfaisants, tant en
matière de structuration du secteur
de la production que d’audience et
d’exportation, en particulier pour les
œuvres de fiction.
Le modèle de production qui prévaut
aujourd’hui cumule en effet à la fois
les inconvénients de la « production
déléguée » (incertitude du producteur
sur sa rémunération, absence d’asso-
ciation de la chaîne de télévision à
l’exploitation de l’œuvre) et ceux de la
« production exécutive » (dépendance
économique du producteur vis-à-vis
des chaînes, faible incitation des diffu-
seurs à l’innovation). Cette ambiguïté
freine le développement d’une pro-
duction audiovisuelle qui bénéficierait
d’une marge commerciale claire en
échange d’une cession des droits atta-
chés aux œuvres. Mais elle fait tout
autant obstacle au développement
d’un modèle de production audiovi-
suelle plus risquée, financée à son
coût de revient par les chaînes, mais
pour laquelle le producteur serait
détenteur des droits secondaires et
ferait le choix de se rémunérer grâce
aux
recettes
d’exploitation
ulté-
rieures.
Le soutien à la production audiovisuelle :
des performances sans rapport avec
les montants investis
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Graphique n° 5
: nombre de fictions françaises et érangères parmi
les 50 meilleures audiences de l’année, de 1998 à 2012
Source : Cour des comptes, d’après données CNC
De ce fait, cette politique a échoué à
faire émerger un tissu d’entreprises de
production audiovisuelle suffisam-
ment structuré pour répondre à la
demande française et internationale,
en particulier dans le domaine de la
fiction. Dans ce secteur, en effet, les
entreprises actives sont particulière-
ment dispersées, tandis que le volume
horaire de fiction française produite
depuis vingt ans est marqué par une
frappante
stagnation
comme
en
témoigne le graphique ci-dessous. Les
fictions étrangères, en particulier
américaines, présentent depuis plu-
sieurs années les meilleurs résultats
d’audience lors de leur passage à
l’écran.
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Graphique n° 6
: évolution du volume horaire de programmes audiovisuels
aidés entre 1992 et 2012 (en heures)
Source : Cour des comptes, d’après données CNC
Une révision profonde du cadre qui
s’impose aux éditeurs de contenus
paraît nécessaire, afin de recentrer
leurs obligations sur la production
d’œuvres audiovisuelles de qualité,
tout en permettant une exploitation
plus transparente de ces œuvres. En
particulier, les investissements de
France Télévisions devraient davan-
tage prendre en compte l’objectif de
consolidation du secteur, tout en
étant fondés sur des procédures de
commande rigoureuses et indépen-
dantes. Les aides du CNC, pour leur
part,
pourraient
être
davantage
ciblées sur la structuration du secteur
et la constitution de sociétés fortes à
l’échelle internationale, ainsi que sur
les soutiens à l’écriture et au dévelop-
pement et au renouvellement de la
création.
Certes, les autres genres (animation,
documentaire) connaissent un essor
relatif en France et à l’étranger. Mais il
est regrettable, s’agissant des docu-
mentaires, que la forte croissance du
volume produit soit en partie due à
une définition large de la notion de
documentaire de création. Les docu-
mentaires de société représentaient
en 2012 58 % du volume total des
documentaires aidés.
Le soutien à la production audiovisuelle :
des performances sans rapport avec
les montants investis
19
4
Les défis de la concurrence
internationale
La politique de soutien a été initiale-
ment conçue, dans l’après-guerre,
pour développer le cinéma français, et
lui permettre de faire concurrence au
cinéma américain, mais les évolutions
rapides du contexte, dues à l’explosion
du numérique, obligent désormais à
aller au-delà d’une politique qui se
limiterait à défendre le marché natio-
nal et à préserver l’attractivité du ter-
ritoire français.
Les outils mis en œuvre à cet effet
manquent en partie leur cible. Les dis-
positifs
fiscaux
spécifiquement
conçus pour attirer et maintenir des
productions sur le territoire national
constituent un poste très dynamique,
pris dans une surenchère vaine et coû-
teuse à l’échelle européenne. Si le cré-
dit d’impôt international a permis
d’attirer des tournages étrangers en
France, le crédit d’impôt cinéma, qui
bénéficie, depuis sa création, à près
des deux tiers des films d'initiative
française produits chaque année,
représente en pratique une subven-
tion supplémentaire à la production,
génératrice d’effets d’aubaine. Le
récent relèvement du plafond et l’élar-
gissement des dépenses éligibles de
ce dispositif, sans justification écono-
mique avérée, ne s’expliquent que par
une volonté d’alignement sur les
avantages fiscaux accordés à l’étran-
ger. Il y a urgence à réguler ces pra-
tiques fiscales au niveau communau-
taire, et à en freiner l’extension au
niveau national.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Graphique n° 7
: coût du crédit d’impôt cinéma et taux de délocalisation
des tournages de films, de 2003 à 2014
Source : Cour des comptes d’après données CNC et documents budgétaires (les données 2013 et 2014
sont prévisionnelles)
Principaux catalogues américains et français en 2013
Pays
Principaux détenteurs
de catalogue
Estimation du nombre
de références
cinématographiques
États-Unis
Warner Bros (Time Warner)
MGM
Universal
Columbia Tristar
20th Century Fox (News Corp)
Paramount (Viacom)
Buena Vista (Disney)
6 000
5 200
3 600
2 400
2 100
950
500
France
Canal +
Gaumont
Pathé
TF1
5 500
1 000
750
500
Source : Cour des comptes d’après KPG / IMM et CNC
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
20
La France a une politique de promo-
tion de ses territoires de plus en plus
coûteuse, mal coordonnée et sans
impact démontrable, et poursuit une
politique de promotion à l’exportation
émiettée
et
peu
dynamique. Elle
devrait plutôt aider ses opérateurs à
entrer résolument dans la nouvelle
donne économique. Fondée sur la dis-
tribution numérique, celle-ci pourrait
voir évoluer le modèle actuel du préfi-
nancement vers une économie de
l’amortissement, rendant nécessaire
un meilleur financement de la pro-
duction par les producteurs eux-
mêmes. Or, il est manifeste que la
chronologie des médias, qui interdit
actuellement l’exploitation en vidéo à
la demande par abonnement avant un
délai de trente-six mois suivant l’ex-
ploitation en salle, représente à cet
égard un frein à la constitution de ser-
vices globaux, ayant une taille critique
suffisante pour affronter la concur-
rence internationale. De même, faute
notamment d’un regroupement des
principaux détenteurs de catalogue
(pourtant significatifs y compris com-
parés à ceux des studios américains -
cf. tableau), la constitution d’une offre
de contenus français sur des plate-
formes numériques tarde à se déve-
lopper.
Les défis de la concurrence internationale
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
21
Afin de faire leur place à de nouveaux
types d’œuvres et de services, la Cour
recommande de faciliter les passe-
relles entre dispositifs d’aide, d’intro-
duire davantage de souplesse dans le
cadre réglementaire et d’inciter les
détenteurs de droits et les diffuseurs à
formuler des offres de vidéo à la
demande sur abonnement, en amélio-
rant leurs fenêtres d’exposition en
contrepartie de leur contribution au
préfinancement des œuvres. Il est
également proposé de réorienter les
aides à l’exportation vers un soutien
sélectif plus concentré, dédié à l’inno-
vation et à la prospection.
Au-delà, il importe d’envisager une
rénovation plus profonde de la poli-
tique de soutien. Initialement, les obli-
gations d’investissements imposées
aux chaînes de télévision ont été
conçues comme des contreparties à
la mise à disposition gratuite à leur
profit de fréquences hertziennes, qui
constituaient alors une ressource rare
et partagée. Désormais, la plupart des
éditeurs de services de télévision dis-
posent de la capacité de distribuer
leurs services par voie numérique
(TNT, distribution de télévision par
internet, télévision connectée) : une
évolution de ce régime est donc
nécessaire pour inclure les nouveaux
entrants, moyennant des contrepar-
ties et leur participation au préfinan-
cement des œuvres.
Les défis de la concurrence internationale
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
22
F
ace aux défis du monde numérisé, notre produc-
tion cinématographique et audiovisuelle doit sor-
tir de sa posture défensive pour porter l’ambition
d’une présence accrue des œuvres françaises et euro-
péennes.
Pourtant, l’ensemble des analyses de la Cour converge
sur le constat d’une dilution des choix de politique
publique, facteur de dispersion et d’inefficacité.
Ses recommandations ont pour objet de permettre les
changements nécessaires : consolider une politique fon-
dée sur des coûts et des recettes transparents, enrichie
par des données susceptibles d’éclairer la représentation
nationale et les citoyens, cibler d’avantage les interven-
tions publiques en fonction de la situation économique et
des besoins propres des bénéficiaires.
CONCLUSION
23
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Relatives à l’ensemble du
système de soutien :
–
établir, dans le document de
performance, sur la base d’une évalua-
tion rigoureuse des besoins du secteur
et de l’efficacité des dispositifs de sou-
tien, une trajectoire pluriannuelle de
dépenses du CNC et adapter en consé-
quence le niveau de ses recettes ;
–
exclure les sociétés de produc-
tion cinématographique et audiovi-
suelle du bénéfice des dispositifs fis-
caux de droit commun visant à encou-
rager les investissements des particu-
liers dans le capital des PME ;
–
ajouter
les
subventions
publiques remboursables à la liste des
subventions exclues du montant des
dépenses éligibles aux crédits d’impôt
cinéma et audiovisuel ;
–
mettre fin à l’abondement auto-
matique des aides des collectivités ter-
ritoriales par le CNC au profit d’un
conventionnement au cas par cas des
dispositifs les plus innovants.
Relatives au soutien à la
production cinématographique
–
procéder à des regroupements
des aides sélectives à la production et
à la distribution cinématographique et
réduire le nombre de projets éligibles
afin d’augmenter le montant unitaire
pour chacun des projets retenus
;
–
faire bénéficier des activités
plus innovantes et plus risquées de la
situation de suréquilibre du fonds
cinéma de l’IFCIC ;
–
lier le calcul du montant de sou-
tien automatique accordé au niveau
des apports en fonds propres du pro-
ducteur ;
–
plafonner la prise en charge par
le soutien public des rémunérations les
plus élevées ;
–
neutraliser les rémunérations
en participation dans le calcul des sou-
tiens publics à la production cinémato-
graphique ;
–
rendre inéligibles aux soutiens
publics les films qui recourent au ver-
sement anticipé de compléments de
rémunération sous forme de droit à
l’image ;
–
assouplir le régime des jours
pendant lesquels la diffusion d’œuvres
cinématographiques est interdite sur
les chaînes de télévision.
Relatives au soutien à la
production audiovisuelle
–
procéder à un resserrement des
critères de qualification du documen-
taire susceptible d’être aidé et compta-
bilisé au titre des obligations des
chaînes ;
–
définir le montant des obliga-
tions d’investissement des chaînes du
service public uniquement en propor-
tion de leur chiffre d’affaires
;
RECOMMANDATIONS
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
24
–
élaborer, par la voie d'un accord
interprofessionnel, un devis-type de la
production d’œuvres audiovisuelles,
faisant apparaître la rémunération du
producteur ;
–
relever le seuil d’accès au sou-
tien automatique à la production
audiovisuelle
;
–
prendre en compte les résultats
obtenus par les programmes aidés
dans l’octroi du soutien automatique
du CNC, à travers une bonification liée
par exemple aux ventes en France et à
l'étranger, à la qualité des programmes
et au succès de leur audience ;
–
consacrer une part plus impor-
tante des aides sélectives du CNC à la
phase d’écriture et de développement
des programmes et aux nouvelles
formes de création.
Relatives à la mondialisation et
à la numérisation de la production
–
ne pas prolonger, au-delà de
l’année 2014, le relèvement des pla-
fonds et l’extension des dépenses éligi-
bles introduits depuis 2012 pour les
crédits d’impôts à la production ciné-
matographique et audiovisuelle et le
crédit d’impôt international
;
–
redéployer les aides à l’exporta-
tion vers le fonds d’avance remboursa-
ble géré par l’IFCIC et vers un soutien
sélectif plus concentré, dédié à l’inno-
vation et à la prospection ;
–
inclure les dépenses de numéri-
sation et de mise en ligne de contenus
parmi les obligations d’investissement
des diffuseurs
;
–
mobiliser les soutiens publics
pour favoriser l’émergence d’éditeurs
de services de vidéo à la demande par
abonnement (aménagements de la
chronologie des médias, incitations
aux
producteurs,
distributeurs
et
détenteurs de catalogue).
RECOMMANDATIONS