Le
Premier président
Paris,
le
2 7
OEC.
20t3
à
Monsieur Jean-Marc AYRAULT
Premier ministre
Objet : la défiscalisation dans le secteur du logement social en outre-mer
Réf.:
n°
68319
La Cour a réalisé en 2012 et
2013
une enquête sur les aides au logement en
outre-mer. Le contrôle
de
la Cour, fondé sur les articles
L.
111-1
et
L.
111-3
du
code des
juridictions financières, a été notifié
le
6 juin 2012 par lettre du président
de
la quatrième
chambre au délégué général
de
l'outre-mer et a fait l'objet d'une contradiction avec
le
ministère
des outre-mer et celui
de
l'économie et
des
finances (direction générale
des
finances
publiques- DGFIP- et direction du budget).
À
l'issue de cette enquête, la Cour me prie
de
porter
à
votre connaissance, en
application
de
l'article
R.
143-1
du
code des juridictions fmancières, ses observations et
recommandations sur la défiscalisation dans le secteur du logement social en outre-mer, ses
observations définitives détaillées faisant par ailleurs l'objet d'une lettre du président
de
la
quatrième chambre au directeur général des outre-mer.
13
rue
Cambon-
BP
52195- 75021
PARIS Cedex
01-
Téléphone: +33
1 42 9895
00-
Télécopie : +33
1 42 98
59
86
2/4
Dans son
Rapport public annuel 2012,
la Cour préconisait
de
«supprimer les
défiscalisations Girardin en faveur des investissements productifs et celles définies par la loi
de
développement économique des outre-mer de mai 2009 (LODEOM) en faveur de la construction
de logements sociaux. Si le Gouvernement estimait nécessaire de soutenir l'investissement
productif et le logement social outre-mer, d'autres modes d'intervention, moins coûteux pour
le
budget de l'État, devaient être recherchés
».
La défiscalisation pour le logement social recouvre, aujourd'hui, deux dispositifs :
un dispositif de déduction des résultats imposables
de
l'impôt sur les sociétés prévu par
l'article 217 undecies du code général des impôts, issu
de
la loi du
21
juillet 2003
de
programme pour l'outre-mer (LOPOM);
une réduction d'impôt sur le revenu prévu par l'article
199
undecies C issu
de
la loi du
27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM).
Par ailleurs, le fmancement au moyen de la défiscalisation peut être cumulé avec les
prêts
de
la Caisse des dépôts et consignations mais aussi avec des crédits
de
la ligne budgétaire
unique (LBU) - action 1 du programme 123, dans les départements d'outre-mer (DOM) et à
Mayotte. En application des décisions de la Commission européenne, notamment la décision
n° C (2009) 9876 du 4 décembre 2009, le montant de l'aide publique pour un même projet ne
peut cependant pas dépasser
50%
du montant
de
l'investissement.
Au-delà
de
la difficulté à recueillir des données fiables auprès des administrations
concernées, l'augmentation des dépenses au titre de l'article 199 undecies C (niche fiscale
applicable à l'impôt sur
le
revenu) montre, certes, l'attractivité de ce dispositif (sans doute
renforcée par la connaissance de la disparition du dispositif ancien de
1'
article 199 undecies A au
31
décembre 2012), mais aussi son coût, en croissance exponentielle. Celui-ci s'élevait pour
l'ensemble de l'outre-mer à
11
M€ en 2010,
68
M€ en
2011
et à 210 M€ en 2012, soit une
dépense multipliée par près de 20 en trois ans.
Ce phénomène est identique concernant l'article 217 undecies (niche fiscale
applicable à l'impôt sur les sociétés) car, pour les seuls investissements dans le logement social,
le coût budgétaire qui était de 55,07 M€ en 2010 est passé à
99,01
M€ en
2011
et à 129,4 M€
en 2012.
Si
l'on
fait masse des ressources cumulées
de
la LBU (engagements pour
le
logement
locatif social
stricto sensu)
et
de
la part de la dépense fiscale effectivement utilisée une année
donnée à ce titre d'une part et d'autre part du nombre de logements financés pour les seuls
DOM, y compris Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, on obtient le résultat suivant:
Cour
des
comptes
-
Référé
n°68282
3/4
LBU/AE
Défiscalisation
Nombre de
consommées
Total
Évolution
Évolution
Locatif social
(Art. 199UC+ 217U)
enM€
en%
logements
en%
enM€
enM€1
financés
2
2011
131,1
91,7
222,8
7418
2012
106,5
186,5
293
+
31,5
7384
-0,45
*
Source :
DGOM
pour
LBU
et
nombre de logements financés
Cour des comptes
pour
la défiscalisation
à
partir des données de la
DGFIP
(Bureau des agréments
et
Direction de la législation
fiscale-
DLF)
Ainsi, et en dépit
de
disponibilités financières (LBU
+
défiscalisation) en
augmentation de 31,5
%,
le nombre de logements locatifs sociaux fmancés en 2012
ne
progresse
plus par rapport à 2011.
Par ailleurs, la diminution des crédits LBU en construction de logements neufs sur
2010-2012 ne bénéficie pas davantage aux autres champs couverts par la LBU, à l'exception de
1'
amélioration et de la réhabilitation des parcs publics et privés de logement social : les
autorisations d'engagement (AE) consommées au total passant de 278,5 M€ en 2010 à 247,6 M€
en2012
Enfin, même s'il est encore tôt pour
se
prononcer sur l'impact final sur la
construction effective de logements, puisque la défiscalisation sur la base de l'article
199
undecies C
n'a
été mise en place
qu'à
partir de 2010 en année pleine, les mises en chantier 2012
ont baissé de près de 20 % entre
2011
et 2012. Si en revanche, on peut constater une
augmentation sensible des logements livrés (soit
+
40,66% entre 2011 et 2012), celle-ci est le
résultat, en fonction des délais de construction, pour
1'
essentiel des effets du plan de relance sur
les exercices 2009 et
201
O.
Pour
1'
ensemble
de
ces raisons, la Cour considère que la recommandation formulée
dans son
Rapport public annuel 2012,
de suppression des défiscalisations propres au logement
social outre-mer garde toute sa pertinence.
Sur le fondement des constats faits à l'occasion de la présente enquête, la Cour
recommande que les dispositifs
de
défiscalisation soient reconsidérés afin de garantir
1'
efficience
de l'effort important consenti par l'État, toutes sources de financement confondues, dans un
domaine essentiel pour la vie de nos compatriotes outre-mer.
1
Les montants retenus sont ceux du coût budgétaire tels que calculés par la Cour,
et
non infirmés au stade de la
contradiction, à partir des données DGFIP (DLF et bureau des agréments), pour les seules géographies relevant de la
LB U, avec des taux de rétrocession de 7
5
%
pour
1'
article 199 U C et de 80
%
pour
1'
article 217 U. Ces montants
sont ceux du périmètre d'intervention de la ligne budgétaire unique (LBU), c'est-à-dire les
DOM
dont Mayotte et
Saint-Pierre-et-Miquelon à l'exclusion des COM et de
la
Nouvelle-Calédonie.
2
Le nombre de logements fmancés correspond aux engagements
au
titre de
la
LBU sur l'année considérée.
Cour
des
comptes
-
Référé
n°68319
4/4
-=oOo=-
Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu
à
l'article
L.
143-5 du code des juridictions fmancières, la réponse que vous aurez donnée
à
la
présente communication.
Je vous rappelle
qu'en
application de l'article
L.
143-5 du code des juridictions
financières, ce référé sera transmis, deux mois après vous avoir été envoyé, aux commissions des
finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il sera accompagné de votre réponse
dématérialisée3, sous votre signature personnelle exclusivement, si celle-ci est parvenue dans ce
délai.
À
défaut, votre réponse sera transmise au Parlement dès réception par la Cour.
Dans le respect des secrets protégés par la loi, en application
de
1'
article
L. 143-1 du code des juridictions financières, la Cour des comptes pourra mettre en ligne sur son
site internet le texte du présent référé, accompagné de votre réponse.
Signé : Didier MIGAUD
3
à
l'adresse électronique greffepresidence@ccomptes.fr sous deux formats: PDF comprenant la signature et Word.
Cour
des
comptes
-
Référé
n°68319