Le
Premier président
Paris, le
1 5
NOV,
2013
à
Madame Aurélie FILIPPETTI
Ministre de la culture et de la communication
Madame Geneviève FIORASO
Ministre de l'enseignement supérieur
et de la recherche
Objet:
École nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA)- exercices 2001
à
2011
Réf. : n° 68028
À
la
suite du contrôle des comptes et de
la
gestion de 1
'École nationale supérieure des
beaux-arts (ENSBA) portant sur les exercices 2001
à
2011 et effectué conformément aux
dispositions du code des juridictions financières, notamment de son article
L.
111-3, la Cour des
comptes
m'a
demandé, en application de l'article
R.
143-1 dudit code, d'appeler plus
particulièrement votre attention sur un certain nombre de points qui relèvent de vos pouvoirs
d'orientation, d'impulsion et de tutelle sur cet établissement.
Un
relevé d'observations
définitives détaillé est, par ailleurs, adressé
à
vos services.
-=oOo=-
Héritière des Académies royales de peinture, de sculpture, puis d'architecture, instituées
par Louis XIV, l'École nationale supérieure des beaux-arts est un établissement public national à
caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre chargé de la culture et régi par le décret
n° 84-968
du
26
octobre
1984,
récemment
modifié
par
le
décret
n° 2012-1247
du 7 novembre 2012. Depuis l'origine, l'École de la rue Bonaparte a pour mission première de
former des artistes
à
la
création. Elle demeure le plus ancien et le plus prestigieux établissement
13
rue
Cambon-
BP
52195-
75021 PARIS Cedex
01-
Téléphone:
+33
1 42
98
95
00-
Télécopie: +33 1 42 98 59
86
2/7
d'enseignement des arts plastiques en France. Elle continue
à
être aussi l'une des très rares
institutions au monde
à
abriter sous le même toit une école et un musée, en raison
de
collections
constituées au départ
à
des fms pédagogiques et enrichies pendant plus de trois cent cinquante
ans d'existence par des legs, des dons ou les travaux d'élèves. De ce patrimoine considérable de
400 000 objets (livres, gravures, estampes, dessins, photographies, tableaux et sculptures)
découlent les autres missions de conservation, de documentation et de diffusion dévolues
à
l'ENSBA.
À
la différence d'établissements comparables dans le monde, l'ENSBA demeure une
école spécialisée dans les seuls beaux-arts. Ce choix est aussi exigeant que l'ambition de réussite
qui le sous-tend est difficilement mesurable au jour le jour.
Il
se
traduit par une limitation
a
priori
du nombre d'élèves formés. Il a pour conséquence de cloisonner l'enseignement
à
une
époque où toutes les formes d'expression s'interpénètrent. Enfm, il limite très fortement les
débouchés
à
la sortie de l'École, réduit l'empreinte de l'ENSBA au plan international et l'isole
du réseau des écoles d'art en France avec lesquelles les coopérations et les échanges sont
quasiment inexistants.
À
l'issue de son contrôle, certaines observations de la Cour portant sur la manière dont
l'École s'acquitte de ses diverses missions et sur sa gestion appellent de la part des autorités de
tutelle des orientations ou des initiatives dans plusieurs domaines. Elles concernent la place de
l'ENSBA au sein de la filière des écoles d'arts, son rayonnement national et international, les
conditions de conservation et de valorisation
de
ses collections, la rationalisation de sa politique
éditoriale et d'expositions, enfin sa gestion administrative.
1.
Une nécessaire réflexion sur la place de l'ENSBA au sein de la filière des écoles d'art
L'ENSBA fait partie de la quinzaine d'organismes nationaux d'enseignement supérieur
ou professionnel de formation artistique de très haut niveau dépendant du ministère de la culture
et de la communication, parmi lesquels figurent les deux grandes écoles parisiennes d'arts
graphiques que sont l'École nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD) et l'École
nationale supérieure de création industrielle (ENSCI), mais aussi, par exemple, les
conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse. Elle constitue avec l'ENSAD et
l'ENSCI un sous-groupe parisien de trois écoles nationales supérieures au sein
de
l'ensemble
formé avec les sept écoles nationales d'arts (ENSA) en région, subventionnées par le ministère
de
la
culture
et
de
la
communication
(Arles,
Bourges,
Dijon,
Cergy-Pontoise,
Limoges-Aubusson, Nancy, Nice-Villa Arson).
L'ENSBA s'inscrit, par ailleurs, dans un réseau plus vaste qui, outre les écoles nationales
susmentionnées, comprend 35 écoles territoriales d'art placées sous la tutelle du ministère de la
culture et de la communication et qui scolarise environ
11
000 étudiants. Elle est enfin insérée
dans le tissu très étendu des formations aux arts plastiques et au design dispensées
à
l'université
ou dans des établissements publics ou privés, de taille et de statuts très divers, dépendant des
ministères de
1'
enseignement supérieur et de la recherche ou
de
1'
éducation nationale.
Dans cet écheveau de filières, d'écoles, d'enseignements et de diplômes artistiques qui
justifierait un cadrage national d'ensemble, l'ENSBA apparaît comme un îlot détaché d'un vaste
archipel. Elle ne partage aucune fonction support (médiathèque, gestion, organisation des
échanges d'étudiants, cartographie des débouchés, moyens administratifs et logistiques, etc.)
avec les deux écoles nationales supérieures parisiennes, l'ENSAD et l'ENSCI; et les projets
pédagogiques communs
à
ces trois établissements demeurent rarissimes. Elle possède son propre
modèle d'études et délivre deux diplômes sans autre équivalent, même s'il existe une
correspondance d'homologation de niveau 1 entre le diplôme national supérieur d'arts plastiques
Cour
des
comptes
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Référé
n°68028
3/7
et le diplôme national supérieur d'expression plastique.
À
l'exception de la passerelle offerte
à
quelques rares étudiants admis en cours d'étude, peu nombreux sont les liens de l'ENSBA avec
les autres écoles d'art
à
Paris et en région. Ce constat est encore plus critique lorsqu'il s'applique
aux rapports de l'ENSBA avec les neuf autres écoles nationales d'art dépendant du ministère
de
la culture et de la communication avec lesquelles les coopérations ou la recherche
de
synergies
sont quasiment inexistants. On peut, d'ailleurs, s'interroger sur les raisons qui ont conduit
à
juxtaposer sans aucune articulation avec l'ENSBA
le
projet de la Villa Arson et celui du Studio
du Fresnoy.
Cette situation révèle un manque de réflexion stratégique du ministère de la culture et de
la communication en liaison avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche sur
la place de l'ENSBA, de l'ENSAD, voire de l'ENSCI, et plus généralement, sur celle des écoles
nationales d'enseignement artistique dans la compétition universitaire mondiale. Pourtant, un
certain nombre de points méritent que
l'on
s'interroge: taille critique des établissements, nature
et lisibilité de l'offre d'enseignement, niveau du recrutement, multiplicité des diplômes, absence
d'organisation transversale de la recherche, incapacité
à
mutualiser la moindre fonction de
logistique, d'animation ou de communication ou
à
concevoir un plan de rationalisation des
locaux et des emprises foncières.
2.
Un manque d'internationalisation du corps enseignant et des étudiants
Établissement modeste par sa taille (550 étudiants au total, inscrits dans les trois cycles
sur un cursus de cinq ans) et son budget (10,8 M€), trop peu ouvert
à
l'international pour le
recrutement de ses élèves et de son corps professoral, l'ENSBA peine
à
affronter des concurrents
étrangers plus riches, plus puissants, aux formations souvent plus diversifiées et qui sont surtout
nettement plus internationalisés qu'elle, donc davantage en prise avec un monde de l'art de plus
en plus globalisé. Le prestige indéniable dont elle jouit encore n'est désormais plus incontesté.
Au regard des indicateurs de notoriété ou d'insertion professionnelle de ses étudiants, son
positionnement dans la compétition internationale n'est pas aussi assuré qu'il y paraît.
Pourtant, les récentes et fortes mutations de
1'
enseignement supérieur et de la recherche
dans notre pays ont conduit l'ENSBA
à
accomplir, au cours des dix dernières années, une très
remarquable réforme qui lui a permis de rejoindre les standards européens définis
à
la suite du
processus de Bologne. Sa scolarité est désormais organisée en trois cycles et comprend une
formation doctorale (dénommée SACRe pour sciences, arts, création, recherche), tandis que son
diplôme fmal (le diplôme national supérieur d'arts plastiques) est homologué comme master.
L'École
a,
par ailleurs, rejoint le pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) Paris
Sciences et Lettres (PSL) qui a bénéficié d'une enveloppe de crédits du programme des
investissements d'avenir.
C'est pourquoi la vocation de l'École, la réputation de ses enseignements
à
l'étranger, son
mode d'organisation, les procédures et modalités de recrutement de ses élèves mériteraient d'être
questionnés et évalués. L'École aura beau adapter sa pédagogie, ouvrir ses enseignements,
s'inscrire davantage dans le dispositif universitaire, normaliser ses diplômes, s'assujettir aux
évaluations de l'Agence d'évaluation de la rechercher et de l'enseignement supérieur (AERES),
les critères de sa réussite devront être recherchés ailleurs : dans l'attractivité de ses formations
vues de l'étranger, dans le renom des artistes qui en sont issus ou qui participent
à
ses
enseignements.
Or ces critères, pour être satisfaits, supposent une plus grande internationalisation du
corps enseignant et des étudiants de l'ENSBA, l'accroissement des débouchés, donc des
formations, plus de souplesse dans les parcours et la nature des recrutements. De tels objectifs ne
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des
comptes
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Référé
n°68028
4/7
paraissent pas pouvoir être atteints sans, notamment, fluidifier les échanges, multiplier les
coopérations au sein du réseau national des écoles d'art et sans chercher à obtenir aussi des
économies d'échelle, alors que la charge budgétaire annuelle par étudiant s'élève déjà à près de
19
000
€1.
3.
Les mauvaises conditions de conservation et de valorisation des collections
impliquent la prise de mesures radicales
La conciliation de deux vocations, l'une pédagogique et l'autre patrimoniale, est pour
l'ENSBA une richesse, un élément de différenciation, mais aussi une source
de
multiples
difficultés. L'établissement a du mal à faire face aux activités de conservation, de valorisation,
de diversification et de diffusion que requiert la gestion de l'important patrimoine dont il a la
charge. Il s'acquitte de ces missions médiocrement et dans des conditions critiquables, tant en ce
qui concerne
1'
état de préservation de ses collections que du point de vue financier.
Les conditions de stockage et
de
récolement des oeuvres, en dépit d'une relocalisation
de
certains fonds, ne sont toujours pas satisfaisantes. Les collections de l'ENSBA sont aujourd'hui
réparties sur trois sites : les réserves mutualisées de Saint-Denis pour les oeuvres et documents
souvent les plus précieux, le dépôt de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA) vers lequel
une partie des imprimés a fini par être transférée, enfin le Palais des études.
L'essentiel des collections, tout au moins en volume, reste stocké sur le site Malaquais
dans de mauvaises conditions. En effet, les locaux
de
réserve sont exposés à trois risques : des
carences dans le système de surveillance du Carré Bonaparte, largement ouvert au public ;
le
risque d'incendie, en raison de la vétusté
de
certaines installations électriques; le risque
d'inondation lié à une crue centennale
de
la Seine. Sur le site
de
l'École, seule la chambre forte
du Palais des études, dont la climatisation a été remplacée en 2011, réunit les conditions
muséales de sécurité et de contrôle de la température et de
1
'hygrométrie. Face à ces risques et
aux insuffisances des systèmes
de
sécurité, aucun plan de sauvegarde n'est encore engagé.
Le
service des collections vient seulement,
il
y a quelques mois, pendant que le contrôle de la Cour
se déroulait, de mettre en chantier un plan d'évacuation des oeuvres en cas d'inondation ainsi
qu'une étude de conservation préventive concernant les réserves situées sur le site Malaquais.
Les retards enregistrés pour commencer à mettre à exécution la décision ministérielle,
prise
il
y a plus de dix ans, de transférer une grande partie du fonds imprimé à l'INRA
(74 000 ouvrages), puis pour signer avec celui-ci en 2012 une convention de dépôt, enfin pour
déplacer concrètement les ouvrages dont
le
déménagement doit s'étaler jusqu'en 2015, sont
inexcusables. La rationalisation et la mise aux normes, pourtant urgentes, des espaces de
conservation de l'ENSBA s'en sont trouvées différées d'autant.
Avec des moyens humains et budgétaires limités,
le
département du développement
scientifique et culturel de l'ENSBA est confronté à une tâche considérable. La lenteur des
travaux d'inventaire,
de
récolement et de restauration des pièces contenues dans certains fonds
est préoccupante. Dans certains domaines, cette tâche, au rythme actuel, ne sera pas réalisée
avant longtemps (au moins
50
ans pour le fonds photographique et pour les 200 000 estampes
répertoriées), laissant des pans entiers des collections inexplorés et inexploités.
1
Faute de comptabilité analytique, il est impossible de calculer avec précision
le
coût de scolarité par an et par
étudiant. Cela impliquerait
de
neutraliser certains crédits affectés aux missions patrimoniales de l'ENSBA et de
prendre en compte certaines charges directement assumées par
le
budget du ministère de la culture et de la
communication.
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comptes
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Référé
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517
La gestion de ses collections par l'ENSBA est problématique non seulement au plan
matériel mais aussi en termes pédagogiques et scientifiques.
D'une façon générale, les fonds patrimoniaux ont une utilité
de
plus en plus marginale
dans la formation des élèves. Ils conservent encore un certain rôle dans les enseignements
théoriques
de
l'ENSBA, peuvent être des sources d'inspiration pour les étudiants, nourrissent
le
programme d'expositions
de
l'École, mais dans leur immense majorité, les documents détenus
dans la bibliothèque
de
l'École ne sont que faiblement consultés par les étudiants. Ils servent aux
travaux de chercheurs extérieurs et sont montrés à un public d'amateurs, fidèle mais restreint.
À
l'exception, importante il est vrai,
de
la dizaine
de
milliers d'oeuvres les plus réputées,
ces
collections constituent en réalité des fonds dormants: l'ENSBA recèle un immense dépôt
d'archives sur l'art rarement visité et peu valorisé.
En raison de leur intérêt esthétique ou historique, ces collections ont acquis un statut
patrimonial justifiant plus de soin et
de
protection.
Le
fonds photographique, créé au milieu du
XIXe
siècle et augmenté jusqu'à la première guerre mondiale, est à cet égard très illustratif.
Il
s'agit d'un gisement inestimable, dont l'entretien, faute
de
moyens, est à la fois fort peu consulté
par
les
élèves et gravement négligé.
L'enrichissement des collections figure au titre des missions statutaires
de
l'établissement
mais, faute de crédits d'acquisition depuis plusieurs années, seules les donations abondent ce
patrimoine avec parcimonie.
Il semble ainsi peu pertinent
de
garder dans des conditions
de
conservation et
de
consultation médiocres l'intégralité des collections
de
l'ENSBA sur son site, dans l'idée qu'elles
constituent une rare documentation historique
de
l'enseignement et des pratiques artistiques,
alors qu'elles sont de moins en moins reliées aux enseignements de l'École et que,
de
surcroît,
leur contenu pour la période contemporaine s'est
figé.
Au-delà de l'urgente nécessité d'engager un programme
de
sauvegarde des collections
de
l'ENSBA, une réflexion s'impose sur les modalités d'accès et
de
valorisation
de
ces fonds
considérables.
L'École
n'a
pas les moyens d'exercer sa mission patrimoniale dans des conditions
satisfaisantes et se trouve même dans une impasse qui implique des mesures radicales pour en
sortir, dussent-elles passer par une réforme
de
ses statuts. En conséquence, un adossement à
d'autres grandes institutions devrait être recherché en priorité pour la conservation,
le
catalogage, la numérisation et la restauration
de
ses collections (Institut national d'histoire
de
l'art, Bibliothèque nationale
de
France, Louvre, Musée d'Orsay, Centre national d'art et
de
culture Georges-Pompidou, etc.).
L'amélioration des espaces d'accueil, la normalisation et l'actualisation
des
bases
de
données s'avèrent également nécessaires à court terme afm d'ouvrir plus largement la
bibliothèque et l'ancienne médiathèque aux étudiants et chercheurs extérieurs à l'École, en
particulier ceux des autres écoles d'art.
4. Des activités
en
matière d'expositions et d'éditions confidentielles et déficitaires
Face au Musée du Louvre, à un jet
de
pierre du musée d'Orsay, dans un périmètre urbain
exceptionnel, l'ENSBA dispose sur
le
quai Malaquais d'une localisation privilégiée et d'espaces
d'exposition architecturalement remarquables, à la configuration variée (cabinet
des
dessins,
chapelle des Petits Augustins, cour vitrée, hôtel Chimay). Elle bénéficie aussi de la ressource
considérable de ses collections, offrant d'innombrables sujets et thématiques d'exposition.
Ce
sont autant d'atouts qui ne sont pourtant guère mis à profit, à en juger par la très faible
Cour
des
comptes
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Référé
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fréquentation publique
de
ses lieux: de l'ordre de 30 000
à
35
000 visiteurs par an seulement,
toutes expositions confondues, les plus courues plafonnant aux environs de
15
000 visiteurs. Le
bilan des expositions que 1
'École organise est donc médiocre, les recettes de billetterie ne
couvrant que faiblement les coûts directs de production.
Cette situation s'explique par de multiples raisons : des expositions montées presque sans
budget de scénographie et qui ne peuvent donc égaler les standards actuels de présentation des
oeuvres au public, des locaux qui offrent aux visiteurs des conditions d'accueil et de confort
médiocres, une faible publicité des expositions, faute de crédits, et une faible lisibilité de la
programmation faute de cohérence des choix affichés, une politique tarifaire aléatoire entre
gratuité et prix de billet très différenciés, des durées d'exposition flottantes allant de
25
jours
à
75
jours selon les cas avec des horaires d'ouverture fluctuants et restreints, soit toute une série
d'éléments qui font obstacle
à
la fidélisation du public, dont les demandes ou les réactions ne
sont d'ailleurs pas traitées.
D'une façon générale, les choix
de
programmation des expositions répondent
à
des
intérêts internes
à
l'École et ne rencontrent que fortuitement ceux
d'un
public assez mal identifié,
en dehors du public de connaisseurs du cabinet des dessins. Par ailleurs, ces espaces
d'expositions sont insuffisamment insérés dans la programmation des grands événements
parisiens (expositions internationales, salons, FIAC, etc.), alors qu'ils pourraient accueillir ou
coproduire, contre rétribution ou avec des coûts de production allégés, des expositions montées
en coopération avec d'autres institutions, par ailleurs mieux outillées qu'elle pour cette fonction
de diffusion.
Cette observation vaut aussi
mutatis mutandis
pour l'activité éditoriale de l'ENSBA qui
est toujours aussi déficitaire que lors du précédent contrôle de la Cour, il y a dix ans.
L'ENSBA, qui est son propre éditeur, publie chaque année des écrits sur l'art (écrits
d'artistes, beaux-arts - histoire, guide de l'étudiant en art, principes et théories de l'histoire de
l'art), des catalogues (des élèves diplômés de l'école, d'expositions, etc.) et des documents
à
usage interne, en particulier la documentation pédagogique. Sans prétendre juger
de
la qualité
scientifique des publications de l'ENSBA, force est
de
constater que leur diffusion est souvent
des plus confidentielles et que cette activité, largement déficitaire et dont le coût complet n'est
pas évalué, enregistre chaque année 100 000
€
de pertes. Une meilleure diffusion des ouvrages,
la réduction du nombre de publications, la coédition, la substitution du support numérique aux
documents papier sont autant de pistes
à
explorer,
à
la fois pour améliorer les résultats
commerciaux du pôle des éditions et pour réduire le coût d'une activité de toute façon connexe
aux missions de l'ENSBA.
Pour la conception et
1'
organisation des expositions, des coopérations devraient être
recherchées avec l'Institut national de l'histoire de l'art, la Bibliothèque nationale de France, le
Louvre, le Musée d'Orsay, le Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou et d'autres
partenaires, publics tels que le Palais de Tokyo ou le musée du Sénat, ou même privés telle que
la Foire internationale d'art contemporain (FIAC).
5.
Une gestion administrative déficiente
L'absence
d'un
contrat de performance, d'un schéma directeur des travaux et d'une
comptabilité analytique, le caractère embryonnaire des procédures de contrôle interne, les
faiblesses des instruments de programmation et de suivi de ses activités, qu'il s'agisse du suivi
de la scolarité et des carrières des étudiants, de la gestion des oeuvres exposées ou du catalogage
de la médiathèque, montrent
à
la fois les carences des tutelles et les difficultés de rationalisation
et d'optimisation des choix de gestion auxquelles
se
heurte la direction de l'établissement.
Cour
des
comptes
-
Référé
n°68028
7/7
S'agissant de la gestion des ressources humaines,
la
Cour relève que
1'
établissement a
bien mis en place une gestion prévisionnelle des emplois et redéfini les postes vacants mais qu'il
ne
s'est
toujours pas doté des moyens de contrôler le temps de travail de ses agents. Elle constate
que les mesures de titularisation envisagées sont susceptibles de concerner un effectif
relativement important (45 à 47 personnes éligibles
au
bénéfice des dispositions de la loi
n° 2012-347
du
12 mars 2012) et que l'ENSBA ne dispose pas d'outils de gestion des ressources
humaines performants, notamment pour l'intégration du processus de paye.
Le rattachement direct des emplois rémunérés sur le programme 224
«
Transmission des
savoirs et démocratisation de la culture» (98 ETPT en LFI 2013), qui s'ajoutent aux 119 ETP
pour les emplois rémunérés par l'établissement, irait dans le sens d'une responsabilisation et
d'une
autonomisation souhaitables de la direction de l'ENSBA.
Il
devrait être lié à la conclusion
et à la mise en oeuvre
d'un
contrat de performance et au développement des outils de gestion qui
lui font aujourd'hui défaut.
Au-delà des insuffisances de gestion, la Cour constate le défaut d'orientations
stratégiques dont pâtit
l'ENSBA
et que ne peut à lui seul corriger le futur contrat de performance
de l'établissement (2013-2015), qu'il s'agisse de ses fonctions pédagogiques
ou
de ses missions
patrimoniales. Une meilleure définition des fonctions pédagogiques impliquerait au préalable
une réflexion d'ensemble sur les filières de l'enseignement supérieur artistique en liaison avec le
ministère de
1'
enseignement supérieur et de
la
recherche. La réalisation, dans de bonnes
conditions, des missions appellerait
un
plan général de conservation des collections de l'ENSBA
et sans doute des coopérations avec d'autres grands établissements du secteur culturel.
-=oOo=-
Je vous serais obligé de me faire connaître, dans le délai de deux mois prévu à
l'article L. 143-5
du
code des juridictions fmancières,
la
réponse que vous aurez donnée à
la
présente communication.
Je vous rappelle
qu'en
application de l'article
L.
143-5 du code des juridictions
financières, ce référé sera transmis, deux mois après vous avoir été envoyé, aux commissions des
fmances de
1'
Assemblée nationale et du Sénat.
Il
sera accompagné de votre réponse
dématérialisée2, sous votre signature personnelle exclusivement, si celle-ci est parvenue dans ce
délai.
À
défaut, votre réponse sera transmise au Parlement dès réception par
la
Cour.
Dans le respect des secrets protégés par la loi,
en
application de l'article
L.
143-1 du code des juridictions financières, la Cour des comptes pourra mettre en ligne sur son
site internet le texte du présent référé, accompagné de votre réponse.
/.J.>:.tt.·~
j
DidierMI~
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2
à
l'adresse électronique greffepresidence@ccomptes.fr sous deux formats: PDF comprenant la signature et Word.
Cour
des
comptes
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Référé
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