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Allocution de M. Didier Migaud,
Premier président de la Cour des comptes
Présentation à la presse du rapport public thématique
sur
l’accueil des enfants de moins de 3 ans
le jeudi 28
n
o
vembre
2013
Mesdames, messieurs,
Je vous souhaite la bienvenue à la Cour à
l’occasion de la présentation d’un
nouveau rapport public
thématique portant sur l’accueil des enfants de moins de 3 ans
: une politique ambitieuse, des priorités à
mieux cibler.
Le développement et la diversification des solutions d
’accueil de la petite enfance constitue
nt des
enjeux substantiels pour répondre à des besoins importants de nos concitoyens que cette politique publique
laisse aujourd’hui
en partie insatisfaits.
L’examen de cette politique publique n’est pas sans soulever certaines difficultés. D’une part,
parce
qu’
elle poursuit de nombreux objectifs
: le développement de l’enfant, la protection de sa santé, le soutien à
la natalité, la
conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, la préparation de la réussite à l’école.
D’autre part,
parce que cette politique publique fait intervenir des acteurs publics particulièrement variés :
plusieurs ministères au sein de l’État qui en f
ixent les orientations générales, la branche famille de la sécurité
sociale, c'est-à-
dire le réseau des caisses d’allocations familiales
et des caisses de la mutualité sociale
agricole, qui en assure 73 % du financement, et les communes ou les intercommunalités qui en sont les
principaux acteurs opérationnels. Sont également parties prenante les départements, dont les services
assurent notamment des missions de contrôle au titre de la protection maternelle et infantile, les régions qui
sont en charge de la formation des professionnels de la petite enfance, et les acteurs privés qui assurent la
gestion de certaines crèches.
La Cour et les chambres régionales des comptes, grâce à l’étendue de leur champ de contrôle, sont
en mesure d’analyser le rôle de ces différents acteurs et de livrer une analyse d’ensemble. Celle
-ci repose
sur une
enquête d’une grande envergure conduite par les juridictions financières, avec la collaboration de
trois chambres de la Cour et de 15 chambres régionales des comptes. L’action
de 138 organismes nationaux
et locaux a été contrôlée par 71 magistrats et rapporteurs : 5 régions, 16 départements, 21
intercommunalités, 75 communes et 10 associations gestionnaires de crèches.
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Il faut rappeler que si le développement des solutions d’ac
cueil fait partie des missions du réseau
des caisses d’allocations familiales
de la sécurité sociale, il s’agit
, pour les communes et les
intercommunalités,
d’une
compétence facultative dont elles ne sont pas légalement tenues de se saisir pour
organiser un service public d’accueil
. Les parents disposent par ailleurs
d’une totale liberté de choix pour la
solution d’accueil de leur enfant et sa localisation, en fonction des disponibilités
. La Cour et les chambres
régionales ne se prononcent naturellement
pas sur l’opportunité d
e faire
de l’accueil de la petite enfance
une
compétence obligatoire pour les communes ou les intercommunalités, avec à la clé la question connexe de
l’instauration
éventuelle
d’un droit d’accueil opposable pour les parents.
Le caractère facultatif de la compétence des communes, et les limites des moyens financiers des
caisses d’allocations familiales, expliquent les
insuffisances que peuvent encore connaître les capacités
d’accueil, et, surtout, leur très inégale répartition sur le territoire, sur laquelle je reviendrai.
Mais les pouvoirs
publics ont choisi
, depuis plus d’une dizaine d’années,
d’accroître considérablement les moyens consacrés,
au niveau national, à
l’accueil de la petite enfance, et ce dynamisme est appelé à se poursuivre. La Cour
et
les chambres régionales
n’
ont pas à se prononcer sur le niveau des moyens déployés
, qui relève d’un choix
de priorité politique. Leur
rôle est d’
examiner dans quelle mesure ces moyens accrus
permettent d’atteindre
les objectifs fixés, afin de mieux répondre aux attentes de la population,
d’offrir une
meilleure qualité de
service
et au meilleur coût, dans un contexte où l’utilité et le juste ciblage de toutes les dépenses publiques
doivent être soigneusement pesés.
Pour vous présenter ce rapport, je suis entouré
d’Anne Froment
-Meurice, présidente de la
cinquième chambre à la Cour et président de la formation interjuridictions qui a élaboré ce rapport, de Jean-
Marie Bertrand, président de chambre et rapporteur général de la Cour, de Stéphane Lucien-Brun, président
de section à la chambre régionale des comptes d’Aquitaine
; Poitou-Charentes et rapporteur général de ce
rapport, ainsi que de Thierry Mourier des Gayets, conseiller maître et contre rapporteur. Je veux également
remercier les autres rapporteurs, Alain Chailland, Brigitte Talpain, Marie-Agnès Courcol ainsi que tous ceux
qui, à la Cour et dans les chambres régionales, ont apporté leur concours à ce rapport.
Je présenterai le contenu de ce rapport
en m’attachant à ses
quatre principaux messages :
le premier message est que les
objectifs ambitieux fixés en matière d’augmentation de la
capacité d’accueil
ont été atteints, mais au prix d’un effort financier important
. Dans la
mesure où ces moyens sont appelés à progresser encore
à l’avenir, une attention plus
marquée doit être portée à leur meilleure utilisation au plus près des besoins ;
le deuxième message est que
l’enjeu majeur pour les pouvoirs publics doit être de corriger
les importantes disparités territoriales et les iniquités sociales qui existent ;
le troisième message est que ces inégalités résultent en partie des insuffisances du
pilotage de cette politique. Les difficultés rencontrées dans la gestion des ressources
humaines l’illustrent également. La Cour formule des propositions pour améliorer la
coordination entre les différents acteurs ;
le quatrième message est
qu’
il est possible de rendre un meilleur service aux familles et à
moindre coût. La Cour formule des recommandations qui passent par une optimisation du
fonctionnement des crèches, une tarification plus juste, un effort pour lever les freins au
recours à des modes de garde moins coûteux pour les finances publics, en particulier les
crèches familiales
, une meilleure transparence dans l’attribution des places
et la prise en
compte des besoins spécifiques des familles ;
*
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Je reviens sur
le premier message :
les objectifs ambitieux fixés en matière d’augmentation de
la capacité d’accueil
ont été atteints, mais les coûts ont, eux aussi, fortement progressé.
Le développement et la diversification
de l’offre d’accueil
sont une priorité affichée des pouvoirs
publics : pas moins de sept « plans crèche » nationaux se sont succédé en huit ans.
Entre 2006 et 2011,
les capacités d’accueil ont connu une progression notable, avec
131 000
nouvelles places créées
, soit bien davantage que l’augmentation du nombre d’enfants de moins de trois ans,
de 48 000. La Cour constate ainsi que les objectifs fixés par les pouvoirs publics ont été atteints. La France
compte désormais 1 260 000 solutions d’accueil de la petite enfance, sous la forme de places
en crèches,
auprès d’assistants maternels ou de salariés à domicile ainsi qu’à l’école maternelle. Cette capacité
permet
d’offrir une solution de garde
pour 52,2 % des enfants de moins de trois ans, et ce ratio a progressé de 4,5
points depuis 2006.
Cette
progression a été assurée, pour l’essentiel,
par un accroissement très sensible de
l’offre de
garde des assistants maternels, avec 161 000 nouvelles places
. La capacité d’accueil des
crèches
s’est elle
aussi accrue de 53
000 places, avec un rythme d’accroissement un peu moins rapide que celui des
assistants maternels. Ces nouvelles capacités ont largement compensé le recul de la préscolarisation en
maternelle des enfants, qui représente une perte de 87 000 places. Les pouvoirs publics ont, dans la loi pour
la refondation de l’école de la République
,
fixé un objectif d’inversion de
cette tendance, en particulier dans
les quartiers sensibles et les territoires ruraux.
La France occupe une position favorable au sein de l’Union européenne en matière d’accueil des
jeunes enfants de moins de trois ans : 41 % de ceux-
ci fréquentent une structure d’accueil collectif
, ce qui est
supérieur à la moyenne de l’Un
ion, de 36 %. Ce niveau français de 41 % apparaît nettement en-deçà de
certains pays comme le Danemark, mais il est sensiblement supérieur à la plupart des pays voisins : 34 % au
Royaume-Uni, 26 % en Italie et 19 % en Allemagne
. Le taux d’emploi des femmes ayant trois enfants ou plus
est de 50,5 % contre 45,9
% en moyenne dans l’U
nion.
Ces bons résultats ont été obtenus au prix d’un accroissement sensible des moyens publics. La
Cour et les chambres régionales ont évalué le coût
d’ensemble de cette politique pour les finances publiques,
en y incluant le coût des seize niches fiscales et sociales en faveur de la garde à domicile des enfants et de
l’emploi d’assistants maternels
. Ces moyens publics ont progressé de 19,2 % depuis 2006 pour atteindre
14
Md€
en 2011,
dont l’essentiel a été supporté par la branche famille de la sécurité sociale, via son fonds
national d’action sociale, le FNAS.
Pour les modes de garde extérieurs à la famille, les dépenses publiques
ont augmenté de 28,2 %, en euros courants, pour une augmentation du nombre de places de seulement
11,7
%. Le coût de création de nouvelles places varie fortement d’un
territoire à un autre,
au sein d’un
même
bassin de vie ou
d’
une même commune.
Les pouvoirs publics ont prévu
une poursuite de l’augmentation des moyens en faveur de la petite
enfance. La convention signée en juillet 2013 entre l’État et la branche famille de la sécurité sociale prévoit
d’augmenter le nombre de solutions d’
accueil de 275 000 sur la période 2013-2017, financées par une
progression du FNAS de 7,5 % par an, ce qui représente une dépense cumulée de 4,5
Md€
sur la période.
De telles perspectives budgétaires constituent une exception remarquable dans le paysage des
administrations publiques. La Cour et les chambres régionales estiment
qu’elles appellent un effort particulier
pour assurer la meilleure maîtrise des coûts
, dans un contexte où le coût moyen de construction d’une place
de crèche a presque doublé depuis 2000, en raison notamment des normes de construction et des prix du
foncier.
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Avant de vous les présenter, il faut relever qu’on ne peut se satisfaire de la progression du nombre
de places au niveau national. C’est omettre
les deux principaux défauts de l’offre d’accueil
: son inégale
répartitio
n sur le territoire et les difficultés d’accès à cette offre que peuvent connaître les familles les
plus modestes
.
C’est le deuxième message de la Cour.
Les disparités territoriales de l’offre de garde sont importantes
, pour des raisons culturelles,
historiques, sociales mais aussi en raison de différences dans les choix politiques des collectivités
territoriales qui ne sont pas juridiquement tenus de développer l’offre d’accueil dans les communes
. Le
nombre de places rapporté
au nombre d’enfants de moins
de trois ans, tous modes de garde confondus,
varie de 30 % pour le département le moins doté, la Seine-Saint-Denis, à 86 % pour le département le mieux
équipé, la Haute-Loire
. Les régions les mieux dotées sont le Centre et l’Ouest
, et les moins dotées sont le
pourtour méditerranéen, le nord-est du pays, le nord-est de la région parisienne,
ainsi que l’outre
-mer. Les
inégalités territoriales peuvent également exister au sein même
d’
une ville. Ces disparités ont des
conséquences concrètes pour les familles qui sont confrontées à des tarifs d’accueil plus élevés de la part
des assistants maternels ou peuvent subir
des durées d’accueil en crèche supérieures à leurs besoins.
Au cours des dernières années, un rattrapage des territoires les moins équipés a pu être observé,
en raison des dispositifs incitatifs mis en place par les caisses d’allocations familiales. Mais les financements
de la branche famille sont insuffisamment ciblés sur les territoires et les publics ayant le moindre accès à une
offre de garde diversifiée. Les dépenses par enfant varient de 450
€ dans l’Aisne à 3
626
€ à Paris, sans que
l
es disparités reposent sur des données objectives comme l’évolution de la pauvreté.
Ces inégalit
és territoriales sont inséparables des inégalités sociales que l’on peut constater. L’accès
des familles à une pluralité de modes de garde possibles reste largement dépendant du niveau de leurs
revenus. Les 20 % des ménages les plus aisés ont recours à une garde « extérieure » à la famille pour 64 %
des enfants, alors que pour les 20 % les plus modestes, cette proportion est de 8 %, ce qui signifie, pour ces
familles, que 92 % des
enfants sont gardés par l’un des parents ou grands
-parents. Certains dispositifs,
notamment fiscaux ou la prestation dite de libre choix du mode de garde, apparaissent insuffisamment
modulés en fonction du revenu. Le plafond du barème national de la CNAF, qui limite la participation des
familles les plus favorisées, pourrait être relevé, voire supprimé. Plus généralement, la Cour et les chambres
régionales recommandent
de faire évoluer l’ensemble des aides accordées aux familles
afin que les sommes
restant à leur charge croissent avec le niveau de leurs ressources, et les incitent à
recourir au mode d’accueil
les moins coûteux pour la collectivité.
Les juridictions financières recommandent de renforcer le ciblage des dépenses, en visant un
rééquilibrage territorial de l’offre d’accueil
appuyé sur un zonage prioritaire construit à partir des bassins de
vie les moins équipées et les zones urbaines sensibles. La résorption de ces inégalités apparait tout aussi
essentielle que l’augmentation quantitative de l’offre pour répondre aux besoins des familles
et permettre
particulièrement aux
familles défavorisées d’avoir un meilleur accès à l’offre d’accueil
, notamment aux
assistants maternels qui constituent pour ces familles
un mode de garde plus coûteux que les crèches. Il
reste du chemin à parcourir, lorsque l’on constate que les parents
gardant eux-mêmes leur enfant
–
situation
qui concerne 57
% d’entre eux –
sont deux fois plus nombreux que ceux qui l’auraient souhaité. Et les
familles envisageant un accueil en crèche n’y ont finalement accès que pour un peu plus de la moitié d’entre
elles, soit 17 % des parents, selon une enquête par sondage menée à la demande de la branche famille.
Pour permettre ce rééquilibrage de l’offre,
il est indispensable d’améliorer le pilotage de cette
politique, tant aux échelons nationaux que locaux
, c’est
le troisième message de la Cour.
L’outil essentiel du pilotage national est la convention
, déjà évoquée,
que l’Etat
conclut
périodiquement avec la caisse nationale des
allocations familiales, appelée convention d’objectifs et de
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gestion, ou COG. Celle-ci a souvent comporté des objectifs et des actions trop nombreuses
–
310 pour
la
dernière COG
–
et des priorités insuffisamment affirmées.
L’actuelle
, signée en juillet 2013, a pris en compte
certaines remarques figurant dans le rapport provisoire de la Cour, et fixe désormais des objectifs précis en
matière de résorption des inégalités territoriales. Cela vous montre le rôle des juridictions financières
qui n’est
pas simplement de rendre publics des constats et des recommandations, mais aussi de susciter et
d’aider à
la mise en place de changements au sein des administrations. Nous observons que ces changements sont
souvent initiés pendant le déroulement des contrôles.
Il reste à mener un chantier de simplification des circuits financiers au profit du financement des
crèches, ainsi qu’une rénovation des systèmes d’information de la CNAF
.
Au plan local, les responsabilités entre les acteurs, en matière d’initiative, d’autorisation, d’agrément
et de financement des projets, sont dispersées, ce qui nécessite une étroite coordination des acteurs, sauf à
faire perdre à cette politique une partie de sa cohérence. Dans ses rapports, la Cour a souvent recommandé,
plus généralement, que puisse intervenir une clarification des compétences entre les collectivités
et l’État,
ainsi qu’entre les collectivités elles
-
mêmes. Le cas de l’accueil de la petite enfance illustre l’intérêt que
pourrait avoir une simplification. Dès aujourd’hui, une meilleure coordination entre ces acteurs devrait être
recherchée, en faisant vi
vre les commissions départementales d’accueil du jeune enfant qui ont toute leur
pertinence pour améliorer la connaissance de l’offre et des besoins des familles et trouver les meilleures
solutions pour y répondre. Les besoins sont souvent mal recensés, et les objectifs de création de places dans
les différents modes de garde et territoires ne reposent pas toujours sur des analyses objectives, tant au
niveau local que national. La planification de l’offre d’accueil au niveau d’un département constitue un ou
til
utile pour rationaliser celle-ci et aider à la résorption des inégalités. Seuls 35 % des départements ont adopté
un schéma d’organisation. Or la Cour
et les chambres régionales sont convaincues de la pertinence de
l’échelle départementale pour planifier l’offre d’accueil. Elle
s sont également convaincues de la pertinence du
niveau intercommunal pour assurer la gestion opérationnelle des crèches, alors que ce sont souvent les
communes qui exercent cette compétence de manière cloisonnée, comme pour celles
de l’agglomération de
Lorient ou de Toulouse.
Un transfert de la compétence d’accueil de la petite enfance aux intercommunalités,
qui demeure aujourd’hui l’exception,
permet d’assurer
une meilleure cohérence des implantations
à l’échelle
des bassins de vie, en prenant en compte les besoins des parents, notamment les trajets domicile-travail qui,
souvent, concernent plusieurs communes
. Le niveau intercommunal permet également de mettre en œuvre
davantage de mutualisations entre crèches, notamment pour mieux assurer les remplacements des
personnels absents. La Cour et les chambres régionales recommandent que soient mises en place des
incitations pour que les communes transfèrent la compétence « petite enfance » aux intercommunalités.
L’exemple de la gestion
des professionnels de la petite enfance montre également les insuffisances
de la coordination entre acteurs. Il est attendu que le nombre d’emplois dans le secteur connaisse une vive
augmentation au cours des prochaines années, sous l’effet conjugué de la
croissance démographique et du
développement de nouvelles structures d’accueil. Plus de 200
000 nouveaux emplois seraient à pourvoir
dans les prochaines années.
Or les gestionnaires de crèches connaissent des difficultés croissantes à recruter, particulièrement
pour les personnels qualifiés que la réglementation impose. Les flux annuels des diplômés les plus qualifiés
n’ont quasiment pas évolué
, alors que le nombre de places a fortement augmenté. Le déficit en personnels
qualifiés peut conduire certaines crèches à fonctionner de manière irrégulière, pour 13
% d’entre elles,
ou à
réduire leur capacité d’accueil. Au même moment, de nombreux titulaires du CAP «
Petite enfance » peinent
à trouver un emploi. La Cour et les chambres régionales
recommandent que la capacité des organismes de
formation soit augmentée pour répondre aux besoins futurs des gestionnaires de crèches. Elles
recommandent
également qu’une réflexion soit engagée sur l’adéquation des exigences actuelles de
qualification aux fonctions exercées
par les personnels chargés de l’accueil collectif des enfants.
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La Cour et les chambres régionales ont relevé par ailleurs
un taux d’absentéisme important des
agents
. Lorsqu’un système de remplacement n’est pas prévu, ce qui est le plus souvent le cas,
les capacités
d’accueil des crèches peuvent être réduites. Dans les 76 crèches gérées par le département du Val
-de-
Marne, l’absentéisme récurrent concerne en moyenne trois agents par crèche et réduit de 4385 à 4100 le
nombre de places disponibles.
La gest
ion des effectifs d’assistants maternels est complexe car le nombre d’enfants effectivement
accueillis et de places
disponibles est difficile à appréhender. Les départements, compétents pour l’agrément
des assistants maternels, pourraient mettre en place une gestion prévisionnelle
des emplois, afin d’anticiper
les nombreux départs en retraite prévus et
d’améliorer la connaissance de l’offre réellement disponible sur le
département.
J’en arrive maintenant au quatrième et dernier message de la Cour
et des chambres régionales :
il
est possible de rendre un meilleur service aux familles et à moindre coût
.
Tout en offrant une variété de choix aux parents, les modes d’accueil les moins coûteux doivent être
prioritairement développés. Il s’agit des assistants mat
ernels, mais aussi des crèches familiales ou des
classes dites passerelles, situées au sein des écoles maternelles, pour les enfants de plus de deux ans.
Les analyses des juridictions financières
ont mis en évidence plusieurs pistes d’économies dans le
fonctionnement des crèches, à qualité de service constante. Il s’agit en premier lieu d’a
méliorer le taux
occupation des crèches : les établissements qui parviennent à afficher les prix de revient les plus faibles
,
à
capacité constante, sont naturellement
ceux dont le taux d’occupation des places est le mieux optimisé.
Seulement un établissement sur deux atteint un taux d’occupation supérieur à 70
%, alors que 80 % des
crèches ont une liste d’attente. Ce paradoxe
tient souvent au fait que certaines places sont partiellement
utilisées, ce qui dégrade le taux d’occupation, car les heures non utilisées ne répondent pas à la demande de
parents sur liste d’attente à la recherche d’une place entière. L’optimisation du taux d’occupation passe
notamment par une informatisation du système de réservation des heures et une bonne diffusion de
l’information sur les créneaux horaires libres en direction des parents. Le choix des implantations est
également déterminant pour optimiser le taux de fréquentation.
Le service rendu aux familles peut être amélioré : cela passe par une meilleure information des
familles et une plus grande transparence dans
l’attribution des places
.
Le site monenfant.fr développé par la branche famille pour informer les parents peut être enrichi car
les objectifs fixés dans la précédente convention d’objectifs et de gestion n’ont pas été atteints
: les
renseignements délivrés par le site sur les assistants maternels sont très incomplets, et la disponibilité des
places en crèche est rarement affichée. De manière plus générale, les informations sur les disponibilités, la
localisation et les tarifs des assistants maternels sont très insuffisantes.
Le recueil des demandes n’est pas toujours centralisé au sein d’une commune et laisse souvent de
côté les crèches gérées par des acteurs privés.
La plupart des crèches attribuent les places d’accueil régulier
au mois de septembre, ce qui peut entrainer une
durée d’attente de près d’un an –
situation peu
compréhensible pour les parents
et qui conduit de nombreux enfants de moins d’un an à ne pas être
accueillis en crèche. La Cour et les chambres régionales ont
constaté que les décisions d’admission dans les
crèches reposaient le plus souvent sur des procédures peu transparentes, avec une formalisation des
critères d’admission faible ou inexistante
, ou au contraire une multiplication des critères, ce qui laisse dans
les deux cas une large marge d’appréciation aux décideurs, élus ou directeurs de crèches. La Cour
et les
chambres recommandent la généralisation de critères en nombre réduits et hiérarchisés, et propose que la
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prise de décision soit confiée à une collégialité de personnes, élaborant des comptes rendus circonstanciés
de ses réunions.
La progression des moyens publics en faveur
de l’accueil de la petite enfance doit être l’occasion
d’offrir une meilleure réponse à certains besoins spécifiques de parents. Le rapport traite notamment du cas
des parents soumis à des horaires de travail atypiques, qui appartiennent souvent à des catégories socio-
professionnelles modestes, ou le cas de l’accueil des enfants en situation de handicap.
En conclusion, nous dressons un bilan plutôt positif des évolutions de la politique de la petite
enfance. Elles ont permis une sensible augmentation de l
a capacité d’accueil et du
service rendu aux
parents. Cependant, des progrès peuvent être réalisés pour que cette politique publique soit une pleine
réussite. Ils devraient consister en une réduction des disparités territoriales et des iniquités sociales. Une
meilleure maîtrise des dépenses devrait aussi
être recherchée, car l’abondance des moyens publics doit
rendre les acteurs publics de la petite enfance vigilants afin d’optimiser l’usage de ces moyens pour répondre
aux besoins des parents.
Je vous
remercie de votre attention et suis à votre disposition, avec les magistrats qui m’entourent,
pour répondre à vos questions.