C
OUR DES
C
OMPTES
L’accueil des enfants de moins
de 3 ans : une politique
ambitieuse, des priorités à
mieux cibler
g
Avertissement
Synthèse
du
Rapport public thématique
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et
l’utilisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des collectivités et
des organismes concernés figurent à la suite du
rapport.
novembre 2013
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Une offre d’accueil renforcée mais encore inégale .
.7
2
Une insuffisante coordination des acteurs
. . . . . . . . .11
3
Les pistes d’améliorations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
Orientations et recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
3
Sommaire
Au 1
er
janvier 2012, la France compte 2 412 194 enfants de moins de trois ans. La capa-
cité totale d’accueil des enfants de cette tranche d’âge est estimée à 1 260 146 places en établisse-
ments d’accueil (crèche), auprès d’assistants maternels ou de salariés à domicile et à l’école pré-
élémentaire.
Bénéficiant de soutiens financiers d’un montant total évalué à 13,95 Md€, soit près de 0,7 %
du PIB en 2011, la politique d’accueil des enfants de moins de trois ans poursuit un objectif fami-
lial de soutien à la natalité, un objectif socio-économique visant à encourager l’emploi des femmes
ainsi qu’un objectif socio-éducatif de développement de l’enfant dans une logique d’égalité des
chances. Elle contribue depuis plusieurs années à maintenir dans notre pays un niveau de fécondité
ainsi qu’un taux d’activité professionnelle des femmes supérieurs à la plupart des pays de l’Union
européenne.
Bien que l’État en fixe les orientations générales, cette politique est largement décentralisée. Son
financement est en grande partie assuré par la branche Famille de la sécurité sociale mais sa mise
en œuvre relève principalement de l’action des collectivités territoriales. De nombreuses réformes sont
intervenues au cours des dix dernières années, traduisant une volonté politique marquée et constante
d’accroître et de diversifier l’offre de garde.
Ces enjeux importants ont conduit la Cour et les chambres régionales des comptes à examiner
la gestion de près de 140 organismes nationaux ou locaux (régions, départements, établissements
publics de coopération intercommunale (EPCI), communes et associations), parties prenantes de
cette politique d’accueil, pour répondre à trois questions :
-
les résultats obtenus sont-ils à la hauteur des objectifs, et à quel coût ?
-
cette politique est-elle cohérente compte tenu de la diversité des intervenants et des
dispositifs ?
-
le service rendu aux familles est-il efficace et son efficience peut-elle être améliorée ?
g
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
5
5
Introduction
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
1
Une offre d’accueil
renforcée mais encore
inégale
7
Une augmentation
notable de la capa-
cité d’accueil
Pour la France entière, la part de la
population des enfants âgés de moins de
3 ans bénéficiant d’une place d’accueil
est passée de 47,7 % en 2006 à 52,2 %
en
2011,
du
fait
d’une
offre
supplémentaire de 131 600 places.
Tableau n° 1 : évolution de l’offre d’accueil des enfants de moins de trois ans
2006
2011
Évolution
Établissements d’accueil
328 487
381 739
53 252
Assistants maternels
574 638
735 393
160 755
Salariés à domicile
43 420
48 443
5 023
Préscolarisation
181 971
94 571
- 87 400
Capacité totale d’accueil
1 128 516
1 260 146
131 630
L’offre d’accueil proposée par les
établissements d’accueil des jeunes
enfants (EAJE), les assistants maternels
et les salariés à domicile progresse forte-
ment sous l’effet des « plans crèches »,
du plan gouvernemental de développe-
ment de la garde d’enfants 2009-2012 et
des dispositions législatives destinées à
favoriser le développement de l’accueil
individuel
1
. En revanche, la préscolari-
sation des enfants de deux ans à l’école
maternelle baisse de façon continue.
Source : Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) - Champ : France entière
________________________
1
L’augmentation de trois à quatre du nombre d’enfants pouvant être accueillis au titre de l’agrément
de base (loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008) et l’obligation de délivrer un agrément pour deux
enfants au moins (loi n° 2010-625 du 9 juin 2010).
8
Une offre d’accueil
renforcée mais encore
inégale
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
_________________________
2
Hormis la dépense de 1,19 Md€ portant sur la mise en place de la réforme des rythmes éducatifs.
La récente relance de la préscolarisa-
tion des enfants de moins de trois ans,
décidée en 2013 dans le cadre de la loi
sur la refondation de l’école, marque un
infléchissement de la politique anté-
rieure en la matière. Selon la direction
générale de l’enseignement scolaire
(DGESCO) du ministère de l’éducation
nationale, « l’objectif est de scolariser,
30 % des enfants de moins de trois ans
d'ici la fin du quinquennat dans les terri-
toires prioritaires ».
Un effort financier
soutenu
Le coût global pour les finances
publiques de l’accueil des enfants de
moins de trois ans est estimé en 2011 à
13,95 Md€ répartis entre la branche
Famille de la sécurité sociale, à hauteur
de 73 %, les collectivités locales et leurs
établissements publics de coopération
intercommunale pour 17 % et l’État, à
hauteur de 10 %.
Entre 2006 et 2011, ce coût a connu
une
hausse
globale
de
19,2 %
(+ 2,25 Md€), principalement supportée
par la branche Famille (+ 1,75 Md€). Il
inclut les allocations et les dépenses fis-
cales bénéficiant aux familles qui choi-
sissent de garder leurs jeunes enfants au
sein de la famille. Pour les modes de
garde extérieurs à la famille, appelés
modes d’accueil « formels » (assistante
maternelle, garde à domicile, établisse-
ment d’accueil collectif et préscolarisa-
tion), l’augmentation des dépenses
publiques s’élève à 28,2 % alors que le
nombre de places agréées progresse de
11,7 %. Cette situation appelle une meil-
leure maîtrise des dépenses de cette poli-
tique publique dont le coût global reste
mal évalué, faute de prendre en compte
certaines dépenses réalisées par l’État et
par les collectivités locales.
La convention d’objectifs et de ges-
tion conclue entre l’État et la Caisse
nationale des allocations familiales
(CNAF), le 16 juillet 2013, prévoit la
création de 275 000 nouvelles « solu-
tions d’accueil » au cours de la période
2013-2017: 100 000 créations en accueil
collectif, 100 000 enfants supplémen-
taires accueillis par des assistants mater-
nels et 75 000 nouvelles places en école
maternelle pour les moins de 3 ans.
Dans le même temps, les ressources du
Fonds national d’action sociale, qui
finance ces actions, sont appelées à pro-
gresser de 7,5 % par an, ce qui repré-
sente sur l’ensemble de la période 2013-
2017 une dépense supplémentaire de
4,6 Md€.
Dans le contexte actuel des finances
publiques, un rythme de croissance de la
dépense aussi élevé ne saurait être seule-
ment justifié par la reconduction du taux
de progression des crédits observée au
cours de la période 2009-2012.
9
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Une offre d’accueil
renforcée mais encore
inégale
Un accès inégal
à l’offre d’accueil
Fin 2011, la capacité d’accueil
(exprimée en nombre de places pour
100 enfants de moins de trois ans) varie
dans un rapport de 1 à 3 selon les dépar-
tements métropolitains : de 30,2 % en
Seine-Saint-Denis à 85,6 % en Haute-
Loire. Le taux de couverture du besoin
théorique par l’offre d’accueil s’élève en
moyenne à 53,3 % en métropole contre
22,5 % dans les départements d’outre-
mer (DOM).
Carte : répartition géographique de la capacité d’accueil au 31 décembre 2011
Source : données Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) - cartographie Cour
des comptes
L’offre d’accueil est parfois mal
répartie à l’intérieur même d’un terri-
toire départemental ou communal. Ces
disparités territoriales sont source d’iné-
galités entre les familles qui peuvent, en
outre, selon les endroits, se voir imposer
des tarifs élevés, de la part des assistants
maternels, ou des durées d’accueil supé-
rieures à leurs besoins, de la part des
gestionnaires d’établissements d’accueil.
Malgré l’existence de dispositifs de
bonifications mis en place dans le cadre
des plans crèches notamment, le ciblage
des dépenses du Fonds national d’action
sociale apparaît insuffisamment corrélé
aux enjeux de réduction des disparités
territoriales.
Par ailleurs, l’accès des familles à un
mode de garde reste largement dépen-
dant du niveau de leurs revenus
3
. Ainsi,
64 % des ménages les plus aisés font
garder leur enfant contre 8 % seulement
pour les familles les plus modestes. Ces
disparités s’amplifient dans les situations
de « monoparentalité » des familles.
Selon une enquête conduite en septem-
bre 2012 à la demande de la Caisse
nationale des allocations familiales
(CNAF), les parents gardant leur enfant
sont deux fois plus nombreux que ceux
qui l’avaient expressément souhaité, et
les familles envisageant un accueil en
crèche n’y ont finalement accès que
pour un peu plus de la moitié d’entre
elles.
Les dispositifs fiscaux ainsi que le
plafonnement du barème national des
participations familiales apparaissent
globalement favorables aux ménages les
plus aisés. Les 2/3 des micro-crèches
pratiquent des tarifs libres sensiblement
supérieurs à celui qu’impose la CNAF
lorsqu’elle finance ce type d’établisse-
ment via la prestation de service unique
(PSU). Quant aux familles dont les reve-
nus sont inférieurs à 2 SMIC, le reste à
charge pour une garde par une assistante
maternelle est plus de deux fois supé-
rieur à celui qu’elles auraient supporté si
elles avaient pu bénéficier d’un accueil
en crèche.
10
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Une offre d’accueil
renforcée mais encore
inégale
_________________________
3
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), Enquête Modes de
garde et d’accueil des enfants de moins de 6 ans en 2007, février 2009.
11
2
Une insuffisante
coordination des acteurs
Un pilotage national
partagé
Confié dans les textes à la direction
générale de la cohésion sociale (DGCS)
du ministère chargé des affaires sociales,
le pilotage national de la politique de la
petite enfance est, en réalité, partagé
avec la direction de la sécurité sociale.
En conséquence, pour porter les objec-
tifs
de
l’État,
une
coordination
constante et appropriée est nécessaire
entre ces deux directions d’administra-
tion centrale.
La convention d’objectifs et de ges-
tion (COG), conclue entre l’État et la
Caisse nationale des allocations fami-
liales (CNAF) pour la période 2013-
2017, comporte un nombre trop impor-
tant d’objectifs, même si ceux portant
sur la réduction des disparités territo-
riales et des inégalités sociales sont dés-
ormais clairement précisés. Par ailleurs,
la convention dispose d’un volet finan-
cier particulièrement complexe.
Le système d’information de la
branche Famille comprend une cinquan-
taine d’applications nationales, pour cer-
taines anciennes. Il présente de nom-
breuses lacunes telles que l’absence d’in-
terfaçage entre les données d’activité des
établissements d’accueil et celles des
prestations
familiales
versées
aux
familles.
Les indicateurs de suivi mis en place,
tant au sein de la COG que du pro-
gramme de qualité et d’efficience (PQE)
« Famille », annexé à la loi de finance-
ment de la sécurité sociale (LFSS), ne
permettent pas un pilotage précis et
réactif de cette politique d’accueil et
rendent son évaluation difficile.
Des partenariats
à consolider au
niveau local
Au plan local, l’éclatement des com-
pétences entre la caisse d’allocations
familiales (CAF), le département et le
niveau communal, en matière d’initia-
tive, d’autorisation, d’agrément et de
financement des projets, nuit à la cohé-
rence
de
la
politique.
L’intercommunalité, qui pourrait favori-
ser une rationalisation du déploiement
sur un territoire, des équipements d’ac-
cueil de la petite enfance, est rarement
dotée de cette compétence.
La coordination des différents
acteurs est insuffisante, notamment au
sein des commissions départementales
d’accueil du jeune enfant auxquelles il
appartient d’exercer les missions de
réflexion, de conseil, de proposition et
Cour des comptes
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
12
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Une insuffisante
coordination des acteurs
de suivi de cette politique au plan dépar-
temental. Peu de commissions départe-
mentales d’accueil du jeune enfant fonc-
tionnent aujourd’hui de façon perma-
nente et pertinente.
S’agissant de la nécessaire réflexion
prospective, les schémas d’organisation
de l’accueil de la petite enfance élaborés
par les collectivités territoriales sont peu
développés. Seulement 35 % des dépar-
tements ont adopté un schéma départe-
mental d’accueil de la petite enfance. Si
les contrats « enfance-jeunesse » rem-
plissent efficacement leur rôle d’outil de
diagnostic territorial, ils ont un effet
plus limité sur la péréquation territoriale
des équipements d’accueil du jeune
enfant.
Le pilotage de cette politique est
également rendu plus difficile par une
connaissance encore trop lacunaire de
l’offre et des besoins exprimés par les
familles. Localement, nonobstant l’ap-
pui de la caisse d’allocations familiales,
les collectivités territoriales et leurs éta-
blissements publics ne disposent que
d’une connaissance approximative de
l’adéquation de l’offre aux besoins par-
fois mal recensés.
L’enquête montre que le niveau
départemental apparaît être l’échelon
pertinent pour analyser les besoins en
matière d’accueil de la petite enfance,
pour hiérarchiser les priorités et planifier
l’action destinée à y répondre. C’est
donc dans le cadre de la commission
départementale d’accueil du jeune
enfant ou de la « commision départe-
mentale des services aux familles » qui
pourrait la remplacer
4
, que devrait être
élaboré, de manière concertée et dans le
respect des compétences des communes
et intercommunalités, le schéma dépar-
temental d’accueil du jeune enfant.
Une politique des
ressources
humaines éclatée et
peu prévisionnelle
Le nombre d’emplois dans le secteur
de la petite enfance atteindra 594 000 en
2015, soit une augmentation de 16 % en
10 ans. Si l’on prend en compte les
départs en retraite, ce sont près de
204 000 postes qui seront à pourvoir,
dans un contexte de concurrence entre
les différents métiers d’aide et de soins à
la personne.
La progression des effectifs diplô-
més ne tient pas suffisamment compte
de l’augmentation du nombre de places
d’accueil ouvertes dans les établisse-
ments d’accueil des enfants (EAJE)
depuis 2006. Les gestionnaires d’établis-
sements connaissent des difficultés
croissantes de recrutement du personnel
le plus qualifié. Parallèlement, les titu-
laires du CAP « petite enfance » arrivent
_________________________
4
Cf
. décision n° 7 du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) du
17 juillet 2013.
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
13
Une insuffisante
coordination des acteurs
en masse sur le marché du travail, sans
toujours trouver un emploi dans une
structure d’accueil. La pénurie de per-
sonnel qualifié, conjuguée à un absen-
téisme important des agents, peut
conduire à limiter temporairement la
capacité des structures d’accueil.
Les régions disposent de la compé-
tence en matière de formation profes-
sionnelle dans les domaines sanitaire et
social, mais la décentralisation en la
matière est restée partielle, et la concer-
tation entre les acteurs gagnerait à être
développée.
Quant à la gestion prévisionnelle des
emplois d’assistants maternels, elle
devrait s’appuyer sur une meilleure
connaissance de l’offre d’accueil réelle.
En l’absence de dispositif d’évalua-
tion, il n’apparaît pas possible de tirer un
bilan du plan gouvernemental consacré
aux métiers de la petite enfance pour la
période 2008-2012.
Cour des comptes
3
Les pistes d’amélioration
L’efficience : des
marges de progrès
Quelle que soit la tranche de revenu
de la famille, le taux d’effort ainsi que le
reste à charge sont toujours moins éle-
vés pour un accueil en établissement
d’accueil collectif. Or cet accueil est le
plus coûteux pour la collectivité
5
. Par
ailleurs, pour un mode de garde donné,
le taux d’effort ne croît pas nécessaire-
ment avec les ressources des familles.
Sauf pour la garde en établissement
d’accueil du jeune enfant (EAJE), le taux
d’effort des familles est d’autant plus
important que les revenus des familles
sont faibles.
15
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
___________________________
5
À l’exception de la garde à domicile pour les familles disposant de 4 SMIC ou de 6 SMIC.
Année 2012
Assistant
maternel
Garde
partagée
EAJE
Garde à
domicile
Coût mensuel total (en €)
(*)
1 054
1 226
1 393
2 362
Couple bi-actif 2 Smic
Coût pour la famille
255
333
117
1 092
Taux d’effort de la famille
10,60 %
13,9 %
4,9 %
45,5 %
Coût pour la collectivité
799
893
1 276
1 268
Couple bi-actif 4 Smic
Coût pour la famille
368
390
333
1 205
Taux d’effort de la famille
8,20 %
8,7 %
7,4 %
26,9 %
Coût pour la collectivité
686
836
1 060
1 155
Couple bi-actif 6 Smic
Coût pour la famille
368
390
354
1 205
Taux d’effort de la famille
5,50 %
5,8 %
5,2 %
17,9 %
Coût pour la collectivité
686
836
1 039
1 155
Tableau n° 2 : échelonnement des taux d’effort et des restes à charge pour les
familles en fonction de leur revenu et du mode de garde choisi
(*) Le coût horaire pris en compte pour la garde par un assistant maternel est de 3,16 €, de
8,29 € pour la garde à domicile et de 8,60 € pour l'accueil en établissement d’accueil du
jeune enfant - Source : projet de loi de financement de la sécurité sociale 2013
16
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Les pistes d’amélioration
Il apparaît donc souhaitable de faire
évoluer le niveau des aides accordées
aux familles afin que le taux d’effort
croisse avec le coût du mode de garde
pour la collectivité, tout en prenant
mieux en compte le niveau de res-
sources des familles. Combiné à la sup-
pression du « revenu plafond » du
barème national des participations fami-
liales, ce rééquilibrage des aides devrait
améliorer la mobilisation de la capacité
d’accueil par les assistants maternels,
mode de garde le moins coûteux
(- 32 %) pour la collectivité, et contri-
buer à limiter les dépenses du Fonds
national d’action sociale.
Le choix du type d’établissement
6
,
la détermination de sa capacité, de sa
situation géographique, de son organisa-
tion ou encore de son taux de fréquen-
tation constituent autant de leviers à la
disposition des gestionnaires pour ren-
dre plus efficient le fonctionnement des
établissements d’accueil du jeune enfant.
Les crèches familiales et les lieux voués
à l’accueil des enfants de deux ans, dont
le coût de revient par place est inférieur
à celui d’un établissement classique,
seraient ainsi à développer. La création
de structures d’accueil dont la taille per-
met d’obtenir un coût de revient horaire
bénéficiant d’économies d’échelle pour-
rait également être favorisée. Enfin, un
taux d’occupation
7
élevé se traduisant
par une réduction significative des coûts
de fonctionnement, les gestionnaires
d’établissements devraient être encoura-
gés à augmenter la fréquentation de
leurs établissements.
Créée en 2002 et généralisée en
2005, la réforme de la prestation de ser-
vice unique (PSU) est appliquée de
façon hétérogène et connaît des résul-
tats en-deçà des attentes. L’objectif de
mixité des publics est loin d’être atteint.
Les taux d’occupation des structures
d’accueil progressent lentement alors
que pour 80 % d’entre elles il existe une
file d’attente. La tarification à l’heure
produit des effets pervers, telle que la
surfacturation d’heures aux familles. La
CNAF a prévu la mise en place, dans la
convention d’objectifs et de gestion
(COG) 2013-2017, d'un fonds d'accom-
pagnement de 90 M€ destiné à soutenir
financièrement les structures connais-
sant des difficultés d’application de la
PSU.
___________________________
6
Le coût d’une place d’accueil tient en partie aux normes réglementaires applicables aux différents
types d’établissements d’accueil du jeune enfant, notamment en matière de qualification du personnel
et d’encadrement des enfants.
7
Plus d’un établissement d’accueil sur deux n’atteignant pas un taux d’occupation de 60 % a un prix
de revient horaire supérieur à 9 €.
A contrario
, plus de la moitié des établissements d’accueil réalisant
un taux d’occupation supérieur à 80 % obtiennent un coût horaire de fonctionnement inférieur à 7 €.
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
17
Les pistes d’amélioration
L’information des
familles : une mis-
sion à parachever
Les modalités d'utilisation et de mise
à
jour
du
site
internet
www.mon-enfant.fr peuvent être amé-
liorées. L’information sur la disponibi-
lité des places en crèche est rarement
affichée et celle relative aux assistants
maternels agréés est très incomplète. Un
partenariat avec les différents gestion-
naires, organisé en réseau informatisé,
devrait être institué.
Parallèlement, l’information délivrée
aux familles par les collectivités sur l’of-
fre proposée par les gestionnaires privés
s’améliore mais reste insuffisante. En
outre, les « relais d’assistants maternels »
(RAM) ne sont pas en mesure de donner
aux parents une information complète
et suffisamment précise sur les possibili-
tés d’accueil.
L’attribution des
places : une trans-
parence à renforcer
Les guichets uniques permettant de
centraliser les demandes d’accueil des
familles ne sont pas encore généralisés.
Dans de nombreuses collectivités, les
familles peuvent donc encore déposer
une demande d’admission dans plu-
sieurs établissements sans qu’il soit pos-
sible de procéder à un recoupement.
Quand ils sont mis en place, ces guichets
sont limités aux demandes d’accueil
régulier ; celles relatives à l’accueil occa-
sionnel restent gérées directement par
les directrices des établissements d’ac-
cueil. Les collectivités n’ont donc pas
une vision complète et précise du niveau
de la demande.
Les décisions d’admission restent
souvent directement prises par les res-
ponsables de crèches sur la base de deux
critères principaux : le lieu de résidence
de la famille et, surtout, la date de la
demande d’inscription. Cela entraîne un
allongement des listes d’attente à partir
de chaque rentrée scolaire et un déséqui-
libre dans la structure d’âge des enfants
accueillis, les bébés de moins d’un an
étant ainsi sensiblement moins nom-
breux dans les crèches que ceux âgés
d’un à deux ans.
L’importance des listes d’attente
pour les établissements d’accueil est
d’autant plus surprenante que les taux
d’occupation réels des structures restent
souvent insuffisants. Malgré l’affichage
de critères supplémentaires d’admission
visant à considérer au mieux la diversité
des besoins, l’accueil à temps complet
(quatre ou cinq jours par semaine) des
enfants semble rester la règle (sinon
l’objectif) des gestionnaires dans la plu-
part des crèches collectives.
Les pistes d’amélioration
18
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Des besoins spéci-
fiques à mieux
prendre en compte
Plusieurs initiatives sont mises en
œuvre pour développer l’offre d’accueil
afin de satisfaire les besoins des parents
en situation particulière.
Toutefois, l’accueil des enfants dont
les parents travaillent en horaires aty-
piques reste limité et, le plus souvent,
assuré par des structures associatives.
L’accueil individuel permet une plus
grande adaptabilité mais il est plus oné-
reux. Or la demande d’accueil en
horaires atypiques émane des familles
relevant principalement des catégories
socioprofessionnelles les plus modestes.
De même, de gros progrès restent à
accomplir pour l’accueil des enfants
porteurs d’un handicap. Par ailleurs, l’ac-
cueil d’urgence devrait pouvoir se déve-
lopper sous l’effet des récentes disposi-
tions du code de la santé publique rela-
tives à l’accueil en surnombre.
L’accueil des enfants dont les
parents sont engagés dans un parcours
d'insertion sociale et professionnelle
n’est pas toujours organisé dans les éta-
blissements, contrairement aux disposi-
tions de l’article L. 214-7 du code de
l’action sociale et des familles.
Une coordination
des contrôles à
améliorer
Les contrôles du conseil général
portent essentiellement sur la qualité de
l’accueil collectif et individuel tandis que
la caisse d’allocations familiales (CAF)
exerce un contrôle administratif et
financier des établissements d’accueil
auxquels elle verse la prestation de ser-
vice unique. En l’absence de convention
conclue avec les micro-crèches ou avec
les crèches familiales ayant opté pour un
financement directement versé par les
parents bénéficiaires du complément de
libre
choix
du
mode
de
garde
« Structure », les CAF sont dans l’impos-
sibilité de procéder à la vérification
administrative et financière de ces lieux
d’accueil. Leurs gestionnaires ne sont
tenus, ni d’appliquer le barème national
de la Caisse nationale des allocations
familiales pour la facturation aux
familles, ni de rendre des comptes à la
CAF de leur département au titre des
contrats « enfance-jeunesse » dont ils ne
peuvent bénéficier.
Considérant généralement que les
contrôles diligentés par les services
départementaux de protection mater-
nelle et infantile (PMI) et par les caisses
d’allocations familiales sont suffisants,
les communes s’impliquent assez peu
dans les contrôles des structures d’ac-
cueil.
Au total, les contrôles sont insuffi-
sants et pourraient être optimisés par
une plus grande concertation entre les
différents acteurs.
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
19
Conclusion
D
epuis quelques années, des progrès indéniables sont constatés en termes de capacité d’ac-
cueil, de service rendu, de taux d’occupation et, plus généralement, de prise en compte
des objectifs fixés aux plans européen et national.
Mais ces progrès sont obtenus au prix d’un effort financier soutenu et laissent subsister d’im-
portantes disparités territoriales et sociales. L’amélioration de l’efficience de cette politique passe par
un ciblage des moyens de la branche Famille de la sécurité sociale sur des territoires et des publics
prioritaires précisément identifiés, par la mise en place de dispositifs tarifaires tenant mieux compte
des coûts respectifs des modes de garde et par la mise en œuvre d’une stratégie de développement de
l’offre privilégiant des formules d’accueil plus économiques et favorisant la progression du taux d’oc-
cupation des établissements d’accueil. La récente relance de la préscolarisation des enfants de moins
de trois ans constitue un atout important dans la mise en œuvre de cette politique au cours des pro-
chaines années.
La gouvernance de la politique est organisée de telle sorte que les orientations générales sont
fixées par l’État, qu’une partie importante de son financement est assurée par la branche Famille
de la sécurité sociale mais qu’aucune institution n’est responsable de son pilotage au plan local, l’ac-
cueil de la petite enfance demeurant une compétence facultative des collectivités territoriales.
Insuffisamment coordonnée au plan local, la politique de la petite enfance manque de cohérence et
peine à donner sa pleine mesure sur le terrain. Serait ainsi pleinement justifié l’établissement dans
chaque département d’un schéma départemental d’accueil du jeune enfant, analysant les besoins, hié-
rarchisant les priorités et planifiant les actions destinées à y répondre.
Des efforts sont nécessaires pour offrir aux familles un service plus transparent et plus effi-
cace. Le site « mon-enfant.fr » est loin de délivrer aux familles les informations essentielles leur per-
mettant de choisir le mode de garde approprié à leurs besoins. L’attribution des places dans les struc-
tures d’accueil collectif ne fait pas toujours l’objet de procédures suffisamment formalisées reposant
sur des critères clairement établis. La prise en compte des besoins spécifiques des familles pourrait
être développée dans l’objectif d’une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle
pour les parents.
Au cours des prochaines années, la politique d’accueil du jeune enfant devrait viser, tout en
augmentant son efficience, à réduire les inégalités territoriales et sociales et à améliorer encore le ser-
vice rendu aux familles, pour s’affirmer comme une pleine réussite.
21
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Récapitulatif des
recommandations
En conséquence, la Cour for-
mule les recommandations sui-
vantes :
–
cibler les dépenses sur des
territoires retenus de façon partena-
riale dans le cadre d’un zonage priori-
taire construit à l’échelle des bassins de
vie et des zones urbaines sensibles
(CNAF) ;
–
déplafonner le barème natio-
nal des participations familiales (minis-
tère chargé des finances, ministère
chargé des affaires sociales et CNAF) ;
–
subordonner le versement
des subventions d’investissement et
l’attribution du complément de libre
choix du mode de garde « structure » à
la mise en place, par les établissements
d’accueil du jeune enfant non financés
par la prestation de service unique,
d’une tarification plafonnée ou modu-
lée en fonction des ressources des
familles (ministère chargé des finances,
ministère chargé des affaires sociales
et CNAF) ;
–
faire
évoluer,
de
façon
concertée et à budget constant, le
niveau des aides accordées aux familles
afin qu’elles tiennent mieux compte de
leurs revenus (ministère chargé des
finances, ministère chargé des affaires
sociales et CNAF) ;
–
renforcer le pilotage de la
convention d’objectifs et de gestion
(ministère chargé des finances, minis-
tère chargé des affaires sociales et
CNAF) :
- en bâtissant des outils de planifi-
cation plus lisibles et plus efficaces ;
- en poursuivant la rénovation du
système d’information de la branche
Famille ;
–
encourager, au niveau inter-
communal, l’exercice de la compé-
tence « petite enfance » par un régime
incitatif d’aides à l’investissement
(CNAF, départements) ;
–
assurer la connaissance de
l’offre et des besoins d’accueil :
- en améliorant les indicateurs de la
convention d’objectifs et de gestion et
ceux du programme de qualité et d’ef-
ficience « Famille » (ministère chargé
des affaires sociales et CNAF) ;
- en développant les observatoires
locaux de la petite enfance (collectivi-
tés territoriales) ;
–
rationaliser la gestion des
ressources humaines :
- en adaptant la capacité des orga-
nismes de formation à répondre, tant
quantitativement que qualitativement,
aux besoins des gestionnaires d’éta-
blissements d’accueil du jeune enfant
(ministère chargé des affaires sociales,
régions) ;
- en engageant une réflexion sur
l’adéquation des exigences actuelles de
qualification professionnelle aux fonc-
tions et aux responsabilités des per-
sonnels chargés de l’accueil collectif
(ministère
chargé
des
affaires
sociales) ;
- en mettant en place une gestion
prévisionnelle des effectifs d’assis-
tantes maternelles (départements) ;
-
en associant les régions et le
ministère de l’éducation nationale à
l’élaboration
du
nouveau
plan
« Métiers ».
Récapitulatif des
recommandations
22
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
–
faire
évoluer,
de
façon
concertée et à budget constant, le
niveau des aides accordées aux familles
afin qu’elles tiennent mieux compte
des coûts respectifs des modes de
garde (ministère chargé des finances,
ministère chargé des affaires sociales et
CNAF) ;
–
compte tenu de leur moindre
coût de fonctionnement, développer
les lieux d’accueil spécifiquement
consacrés aux enfants âgés de deux à
trois ans ainsi que les crèches familiales
(CNAF) ;
–
inciter les gestionnaires d’éta-
blissements d’accueil du jeune enfant à
augmenter l’occupation effective de
leurs places d’accueil et à réduire l’écart
entre les heures de garde facturées aux
familles
et
les
heures
effectuées (CNAF) ;
–
accélérer l’interconnexion du
site www.mon-enfant.fr avec les sites
d’autres opérateurs (Fédération des
employeurs particuliers des employés
de maison, Agence nationale des ser-
vices à la personne) et enrichir son
contenu pour répondre aux besoins
des familles (CNAF);
–
renforcer la transparence du
processus d’attribution des places d’ac-
cueil en invitant les collectivités terri-
toriales et les opérateurs privés ges-
tionnaires à formaliser leurs procé-
dures d’admission et à les rendre
publiques (collectivités territoriales) ;
–
afin d’améliorer l’information
des familles, prévoir, par une mesure
réglementaire, que l’agrément d’une
assistante maternelle délivré par le pré-
sident du conseil général soit publié sur
le site www.mon-enfant.fr (ministère
chargé des affaires sociales) ;
–
renforcer les contrôles :
- en développant la coordination
entre les caisses d’allocations familiales
(CAF)
et
les
départements
(départements, CNAF) ;
- en autorisant les caisses d’alloca-
tions familiales à suivre et vérifier l’uti-
lisation des financements publics
accordés aux structures d’accueil non
financées par la prestation de service
unique (PSU) (ministère chargé des
affaires sociales et CNAF).