COMMUNICATION AU PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE
NATIONALE POUR LE COMITE D’EVALUATION ET DE
CONTROLE DES POLITIQUES PUBLIQUES
ARTICLE L 132-5 DU CODE DES JURIDICTIONS FINANCIERES
Le réseau culturel de la
France à l’étranger
Septembre 2013
Sommaire
AVERTISSEMENT
...........................................................................
7
RÉSUMÉ
............................................................................................
9
PRINCIPALES RECOMMANDATIONS DE LA COUR
............
13
INTRODUCTION
...........................................................................
15
CHAPITRE I LE CONTEXTE : LE RESEAU ET SES ACTEURS
...........................................................................................................
21
I
- Un réseau étendu et hétérogène, confronté à une diminution de ses
moyens
....................................................................................................
21
A - Le réseau culturel le plus étendu au monde
.......................................
21
B - Une baisse des moyens budgétaires des postes malgré la stabilité
apparente des crédits d’action culturelle
................................................
27
C - Une dépendance accrue vis-à-vis des financements extrabudgétaires
..................................................................................................................
35
D - Une ressource humaine en réduction et partiellement inadéquate .. 37
II
- Un pilotage du réseau en cours de redéfinition
..................................
43
A - Les insuffisances du pilotage du réseau
..............................................
43
B - La mobilisation des opérateurs spécialisés
.........................................
49
C - La question de l’expérimentation du rattachement de douze postes 51
CHAPITRE II - LA CAPACITE DU RESEAU A RENFORCER
L’ATTRACTIVITE DE LA FRANCE
............................................
59
I
- La promotion du modèle français
........................................................
60
A - La culture, atout maître de la diplomatie d’influence
........................
60
B - Un modèle à renouveler
.....................................................................
61
II
- La relativisation du rôle de la langue
..................................................
63
A - La situation menacée de la langue française
......................................
63
B - La nécessité d’un soutien plus différencié
..........................................
66
COUR DES COMPTES
4
III
- La rationalisation de l’offre artistique
...............................................
68
A - Une offre importante mais hétérogène
..............................................
68
B - « Saisons » et « années croisées », une formule à évaluer
.................
71
C - Le réseau en attente d’une information sur la scène artistique
.........
74
IV
- La modestie de l’appui à la coopération scientifique
.........................
74
A - De nombreux acteurs au service de la diplomatie scientifique
..........
74
B - Des moyens dispersés
.........................................................................
76
V
- La valorisation du potentiel universitaire
...........................................
78
A - L’attractivité universitaire, une réalité à appréhender de manière plus
qualitative
................................................................................................
78
B - Les vecteurs de la mobilité entrante
...................................................
80
C - Des lacunes à combler dans le suivi des bénéficiaires
........................
82
CHAPITRE III - LA COHERENCE DES INTERVENTIONS
SECTORIELLES DU RESEAU
......................................................
85
I
- La contribution à la mise en œuvre des objectifs des ambassades
.......
85
A - Pour les ambassadeurs, des outils de pilotage en cours de redéfinition
..................................................................................................................
85
B - La fusion SCAC/EAF, un atout au service des ambassades
.................
87
II
- La synergie locale des interventions du réseau
...................................
88
A - Le besoin d’une matrice des interventions
.........................................
88
B - La recherche pragmatique de convergences
......................................
91
III
- L’articulation du réseau et des opérateurs nationaux
........................
96
A - La contribution autonome des grands opérateurs nationaux
............
96
B - Quelques pistes pour une meilleure synergie
.....................................
98
CHAPITRE IV - LES CONDITIONS D’UNE MEILLEURE
EFFICIENCE LOCALE
................................................................
101
I
- La complémentarité des deux réseaux français
.................................
101
A - Les atouts du mouvement des Alliances françaises
..........................
101
B - Les voies d’une meilleure complémentarité
.....................................
102
C - La question délicate de l’implantation des deux réseaux
.................
103
II
- L’optimisation du nouveau modèle de financement
.........................
105
A - La mise en conformité nécessaire du statut des EAF
........................
105
B - La quête indispensable mais difficile de cofinancements
.................
106
SOMMAIRE
5
C - Une distinction nécessaire entre les sources de cofinancement
......
108
D - L’enseignement du français, source principale du financement du
réseau
.....................................................................................................
110
III
- L’exploitation des leviers technologiques
........................................
112
A - L’indispensable pari technologique
..................................................
112
B - Quelques pistes pour en tirer un meilleur parti
................................
113
CHAPITRE V - LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN
DU RESEAU DANS UN CONTEXTE DE CONCURRENCE
INTERNATIONALE
....................................................................
115
I
- Le ciblage des publics prioritaires
......................................................
115
A - À la recherche des publics prioritaires
..............................................
115
B - La redécouverte de la demande locale
.............................................
117
C - La segmentation des publics du réseau
............................................
119
D - La nécessité d’un marketing culturel
................................................
121
II
- La traduction des priorités géographiques
........................................
122
A - L’équilibre délicat entre émergents et prescripteurs
.......................
122
B - La nécessité de renouveler l’approche géographique
......................
125
III
- L’adaptation du réseau à la concurrence internationale
..................
128
A - Une concurrence assumée mais d’intensité variable
.......................
128
B - Mieux exploiter les bonnes pratiques étrangères
............................
131
IV
- Le soutien des intérêts économiques nationaux
..............................
135
A - Une mobilisation inégale du réseau
.................................................
135
B - L’enjeu des industries culturelles
......................................................
136
C - De nouveaux champs à défricher
......................................................
138
CONCLUSION GÉNÉRALE
........................................................
141
GLOSSAIRE
..................................................................................
147
ANNEXES
.....................................................................................
151
Avertissement
Par lettre du 6 novembre 2012, le Président de l’Assemblée
nationale, président du comité d’évaluation et de contrôle (CEC), a
demandé à la Cour des comptes, au titre de l’article L. 132-5 du code des
juridictions financières, d’effectuer une enquête sur « le réseau culturel à
l’étranger ».
L’enquête a été conduite en accord avec les rapporteurs
parlementaires. Elle ne constitue pas une évaluation de politique publique
car son objet porte sur un instrument (le réseau culturel à l’étranger) et
non sur la politique publique (l’action culturelle extérieure) qui le sous-
tend. L’exercice a cependant mobilisé diverses méthodes et techniques
visant à apprécier l’efficience et l’efficacité du réseau
1
. Les travaux ont
été réalisés au cours du premier semestre 2013.
Le contenu du
rapport a fait l’objet d’une procédure contradictoire
écrite, par transmission, en juillet 2013, d’un relevé d’observations
provisoires
au
ministère
des
affaires
étrangères
et
aux
autres
administrations et organismes concernés, auquel il a été répondu en août
2013. Le secrétaire général du ministère des affaires étrangères, le
directeur du budget, le secrétaire général du ministère de la culture, le
directeur des relations européennes, internationales et de la coopération
des ministères de l’enseignement supérieure et de l’éducation nationale,
le président de l’Institut français, le directeur général de Campus France
et le secrétaire général de la Fondation Alliance française ont été entendus
en audition le 5 septembre 2013.
Le présent rapport, qui constitue la synthèse définitive de l’enquête
effectuée, a été délibéré, le 6 septembre 2013, par la quatrième chambre,
présidée par M. Bayle, président de chambre, et composée de M. Hespel,
président de chambre, MM. Vermeulen, Maistre, Uguen, conseillers
maîtres, Mmes Gadriot-Renard et Démier, conseillères maîtres, ainsi que,
en tant que rapporteurs, MM. Hayez et Rousselot, conseillers maitres,
Mme Latournarie-Willems, conseillère référendaire, Mme Fried et
M. Delbauffe, rapporteurs extérieurs, et, en tant que contre-rapporteur, M.
Lafaure, conseiller maître.
Il a ensuite été examiné et approuvé le 18 septembre 2013 par le
comité du rapport public et des programmes, composé de MM. Migaud,
1
Ces éléments sont développés dans l’annexe n° 3 consacrée à la méthodologie de
l’enquête.
COUR DES COMPTES
8
Premier président, Bayle, président de chambre, Bertrand, rapporteur
général du comité, MM. Durrleman, Levy, Lefas, Briet et Mme Ratte,
présidents de chambre, M. Duchadeuil, conseiller maître, remplaçant
Mme Froment-Meurice, présidente de chambre, et M. Johanet, procureur
général entendu en ses avis.
Résumé
Faute d’une définition législative ou gouvernementale de l’action
culturelle extérieure, le réseau culturel français à l’étranger couvre une
multitude d’activités, marque d’un héritage exceptionnel et d’une
tradition d’intervention de l’État.
Son action est guidée par le principe d’universalité, tant des
domaines qu’elle embrasse que des territoires où elle s’exerce, et perçue
comme une contribution majeure à l’influence nationale.
Avec plus de 1 500 implantations aux statuts divers, le réseau
culturel français est le plus étendu du monde. Le budget global de l’action
culturelle pour l’année 2013 est d’un peu plus de 1,3 Md€, dont le
ministère des affaires étrangères porte près de 60 %, l’essentiel des
crédits provenant du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence.
En
dépit
de
ses
efforts
pour
accroître
des
ressources
extrabudgétaires, dont le montant est estimé à près de 290 M€, ce réseau
reste confronté à une érosion de ses moyens de financement.
Le réseau est également touché par des difficultés liées à ses
ressources humaines, dont les effectifs diminuent régulièrement et qui
demeurent très largement dépendantes d’agents contractuels, dont la
présence est limitée à quelques années. Cette situation appelle des actions
de
formation
des
agents
et
pose
le
problème
d’une
« professionnalisation » du réseau qui reste à mieux préciser.
Le pilotage du réseau et des opérateurs n’est en outre pas exempt
d’insuffisances. Le ministère des affaires étrangères n’associe pas
suffisamment les ministères concernés. Il ne fonde pas son action sur une
démarche stratégique ou d’évaluation, même si le réseau et les opérateurs
(Campus France et Institut français) font preuve d’un dynamisme, qui
contribue notamment à une modernisation des outils.
L’expérimentation du rattachement de 12 postes du réseau à
l’Institut français n’a en réalité pas dépassé une durée de 18 mois. La
clause de réversibilité prévue par la loi en a limité la portée. Elle ne
permet donc pas de conclure de manière probante aux avantages
éventuels du rattachement à un opérateur.
L’action culturelle est sans nul doute comme un levier essentiel
pour la promotion de l’image de la France. Il est cependant nécessaire de
sortir du modèle traditionnel - centré sur la qualité des établissements
français d’enseignement et sur la défense de la langue -, dont l’efficacité
tend à décroître. Dans cette même logique, si la langue française continue
COUR DES COMPTES
10
d’attirer un public important, d’autres approches doivent être envisagées
pour atteindre les élites non francophones, majoritaires dans nombre de
pays à enjeux. Le soutien à la langue ne peut donc plus être l’instrument
exclusif de l’attractivité, d’autant que la francophonie régresse dans de
nombreux pays.
Dans le domaine artistique, le dynamisme des postes est important
avec près de 50 000 manifestations annuelles. Ce foisonnement masque
toutefois une grande variété d’audience et d’impact, au demeurant trop
peu mesurée.
Bien que le ministère des affaires étrangères ait élaboré un concept
de « diplomatie scientifique », la contribution du réseau n’est pas
déterminante en matière de coopération scientifique, en raison notamment
du nombre et de l’autonomie des acteurs.
Dans le champ universitaire, la France occupe le quatrième rang
mondial pour l’accueil des étudiants étrangers. Le réseau a jusqu’ici
concentré son effort sur la satisfaction d’objectifs quantitatifs. Le suivi
des anciens étudiants et boursiers n’est cependant toujours pas assuré, ce
qui interdit de tirer pleinement parti de la mobilité étudiante que soutient
le réseau.
Tous les plans d’action des ambassades intègrent une composante
culturelle et la fusion des services de coopération et d’action culturelle et
des Instituts a permis de clarifier l’image (la « marque ») de la France.
Elle a permis de simplifier la structure du réseau public sans pour autant
totalement éclaircir l’articulation des responsabilités sur le plan local.
Le périmètre de l’action culturelle recouvre huit domaines
différents et une vingtaine d’outils dont les interactions ne sont pas
suffisamment analysées. Ce manque d’approche transverse empêche de
dégager des synergies entre les différents acteurs, notamment avec les
grands opérateurs.
Sur le terrain, l’action culturelle extérieure est conduite par deux
réseaux complémentaires, celui de l’État et celui des Alliances françaises.
Une approche plus coordonnée entre eux est nécessaire pour améliorer
l’efficience locale de l’action culturelle.
Le modèle de financement du réseau doit également être optimisé.
Le statut juridique des établissements à autonomie financière n’est pas
compatible avec la LOLF. Les financements extrabudgétaires demeurent
difficiles à mobiliser, en l’absence d’un soutien suffisant des acteurs
centraux et de compétences spécialisées dans ce domaine. Ils doivent par
ailleurs être maitrisés.
RÉSUMÉ
11
En outre, malgré les efforts du réseau et des opérateurs, notamment
sur les réseaux sociaux, il existe encore des marges d’amélioration pour
tirer un meilleur parti des nouvelles technologies.
Alors que les ambassades désignent presque systématiquement les
élites locales comme les cibles de leur action culturelle, les études
spécifiques sur cette notion font défaut. Ainsi, la connaissance des publics
et des bénéficiaires de l’action du réseau demeure insuffisante et les
instruments du réseau sont peu adaptés pour atteindre les nouveaux
publics.
La définition des priorités géographiques demeure toujours
difficile, malgré un besoin, ressenti, de faire des choix et de rompre avec
l’approche universaliste.
En dépit du sentiment largement répandu dans le réseau que la
France
demeurerait
l’acteur
culturel
dominant,
la
concurrence
internationale est vive, en particulier dans le domaine de l’attractivité
universitaire. Des améliorations peuvent être apportées sur ce plan en
s’inspirant des bonnes pratiques britanniques et allemandes.
Enfin, le cloisonnement entre les mondes de la culture et de
l’économie persiste et le réseau ne tient pas suffisamment compte des
retombées économiques potentielles de ses actions, non seulement pour
les industries culturelles mais pour les activités économiques liées à
l’image de la France.
Au regard de ces constats, la Cour recommande une série d’actions
correctives, notamment pour mieux mesurer l’impact des actions du
réseau, assurer un meilleur suivi des anciens étudiants et mieux prendre
en compte les retombées économiques des actions culturelles.
Ces améliorations requièrent également une approche nouvelle en
matière de ressources humaines, le renforcement de la synergie des
ministères intéressés et de leurs opérateurs ainsi qu’une organisation des
EAF qui soit compatible avec la LOLF.
Il importera, enfin, de conforter le rôle de l’Institut français et de
Campus France, tant vis-à-vis des opérateurs publics relevant de leur
champ que du réseau lui-même, et d’améliorer la synergie entre le réseau
culturel public et le mouvement des Alliances françaises.
Principales recommandations de la
Cour
1.
poursuivre la démarche de professionnalisation des agents du
réseau,
en la fondant sur une analyse des compétences requises
et des formations nécessaires ;
2.
améliorer le pilotage interministériel de l’action culturelle
extérieure sur la base d’une stratégie élaborée et mise en oeuvre
au sein d’une instance commune ;
3.
mettre en place une procédure d’évaluation des projets du
réseau culturel ;
4.
confier à l’Institut français et à Campus France le rôle principal
d’intermédiation entre les acteurs nationaux de leur domaine
respectif et le réseau ;
5.
permettre à l’Institut français de s’appuyer sur le réseau pour
mener des actions communes en le mentionnant expressément
dans son futur contrat d’objectifs et de performances ;
6.
mettre en place en 2014 l’outil de suivi par Campus France des
anciens étudiants, chercheurs et boursiers étrangers soutenus
par le réseau public ;
7.
accroître la synergie entre le réseau culturel public et le
mouvement des Alliances françaises à partir d’une analyse
détaillée, pays par pays, des avantages respectifs des deux
vecteurs et de la cartographie souhaitée des implantations ;
8.
assurer la compatibilité du statut des établissements à
autonomie financières avec les principes de la LOLF avant la
fin 2014 ;
9.
mettre en place un instrument de mesure de l’impact des
actions du réseau auprès des médias locaux et des publics ;
10.
renforcer la prise en compte des retombées économiques des
actions
culturelles
du
réseau
par
l’organisation
d’une
concertation avec les acteurs publics chargés du soutien des
entreprises françaises et les organismes représentant le monde
professionnel.
Introduction
Développer
l’enseignement
du
français
à
Diego
Suarez
(Madagascar),
favoriser
des
échanges
entre
les
galeries
d’art
contemporain de Berlin et Paris, promouvoir les études supérieures en
France à Marrakech, organiser un débat sur le « soft power » à Pékin,
soutenir un partenariat en microbiologie moléculaire entre l’Institut
Pasteur et l’Institut des sciences médicales indiennes de New-Delhi, telles
sont quelques-unes des activités auxquelles contribue actuellement le
réseau culturel de la France à l’étranger.
Comme le soulignait déjà, en 1979, Jacques Rigaud dans son
rapport sur les relations culturelles extérieures, la notion d’action
culturelle extérieure ne fait l’objet d’aucune définition législative ou
gouvernementale particulière. Elle représente, selon lui, « l’ensemble des
rapports que la France entretient avec le reste du monde dans les
domaines suivants : l’éducation et la formation des hommes, les relations
scientifiques, la coopération technique en vue du développement, les
échanges, sous toutes leurs formes, des produits de la création
intellectuelle et artistique, la communication et ses implications socio-
culturelles ». Cette définition, qui reflète la diversité des activités du
réseau français à l’étranger, conserve son actualité.
Contrairement
à ses principaux partenaires, la France fait reposer
l’action de son réseau sur une vision globale et politique. Allant au-delà
du sens ordinairement prêté à une action culturelle souvent assimilée au
seul soutien de ce que l’on appelait jadis les « beaux-arts », l’activité du
réseau porte, en effet, la conscience d’un héritage national exceptionnel
sur les plans artistique, scientifique et intellectuel, s’inscrit dans une
tradition d’intervention de l’État dans le domaine culturel et, de manière
croissante, est supposée contribuer à l’influence et à l’attractivité de notre
pays.
Le réseau culturel a des racines anciennes. Le lycée français de
Galatasaray fut créé à Istanbul en 1868, l’Alliance française a été fondée
à Paris en 1883, l’Institut français de Londres a été ouvert au public en
1910. En 1922 naissent simultanément à Paris le Bureau des oeuvres au
ministère des affaires étrangères et l’Association française d’expansion et
d’échanges artistiques, prédécesseurs lointains de la direction de la
coopération culturelle, universitaire et de la recherche (DCCUR) du
ministère des affaires étrangères (MAE) et de l’Institut français. C’est à
l’instigation de la France que la Convention de Vienne de 1961 sur les
relations diplomatiques a inscrit, dans son article 3, l’action culturelle
publique parmi les missions des ambassades.
COUR DES COMPTES
16
Pour tous les observateurs, l’image culturelle de la France et le
système institutionnel qui la soutient ne font qu’un. La conscience de
l’excellence française dans ce domaine, qui peut sembler parfois céder à
l’autosatisfaction, est à peine ébranlée par les critiques récentes de la
conception de l’action culturelle « à la française »
1
.
Faute d’une définition précise de son but
2
, l’action du réseau est
aujourd’hui placée sous le signe de l’influence nationale, à laquelle elle
est invitée à contribuer. Insérée dans les « stratégies d’influence » lors de
la conférence des ambassadeurs de 2007, porteuse de « pouvoirs
d’influence, c’est-à-dire diffuser de façon ciblée des idées et des savoir-
faire » dans le Livre blanc de 2008
3
, présentée comme une composante de
la « diplomatie d’influence »
4
lors de la conférence des ambassadeurs de
2012, voire de la « diplomatie économique » mise à l’ordre du jour depuis
2012, elle porte des ambitions croissantes au risque de se trouver parfois
en décalage avec les moyens mobilisables ou ce que ressentent les agents
du réseau.
1
L’hebdomadaire américain
Time Magazine
consacrait une couverture en décembre
2007 à un article au grand retentissement, «
Que reste-t-il de la culture française ?
»,
qui voyait dans la France «
une puissance vacillante sur le marché mondial de la
culture »,
dans Douglas Morrison «
Que reste-t-il de la culture française ?
» (2008).
2
Le concept de «
soft power »
, théorisé par l’Américain Joseph S. Nye, en 1990, dans
son livre
Bound to lead
(1990), ne rend compte qu’imparfaitement de celui d’action
culturelle. N’intégrant pas la dimension économique, le «
soft power
» se fonde, selon
son auteur, principalement sur trois ressources : la culture, les valeurs politiques et la
politique extérieure.
3
Livre blanc sur la politique européenne et étrangère de la France (juin 2008).
4
Définie comme « l’un des objectifs pour répondre à la mondialisation par le biais de
l’action culturelle extérieure mais aussi par la participation active aux débats d’idées
et à la formation des décideurs de demain ».
INTRODUCTION
17
Graphique n ° 1 : l’influence, première priorité de l’action culturelle
pour les postes
Source : réponses des postes à la question posée par la Cour des comptes :
« Quelles vous paraissent être, par ordre de priorités, le but principalement
visé par notre action culturelle dans votre pays de résidence ? »
L’action culturelle répond au principe d’universalité caractéristique
de l’approche française du monde extérieur : globale par les domaines
qu’elle embrasse. Elle s’applique également à tous les territoires sur
lesquels la France entretient une représentation officielle.
Une si vaste ambition rend les actions particulièrement complexes
à mettre en oeuvre et entretient un réseau marqué par son étendue
géographique, la polyvalence de ses compétences et la dilution de ses
moyens, comme l’ont relevé de nombreux rapports parlementaires
5
.
Des observateurs ont ainsi pu avancer l’idée d’une « crise de la
diplomatie culturelle » française, se traduisant par « un fort décalage entre
le discours politique et la réalité, une action interministérielle déficiente,
une insuffisante priorité en termes d’influence et de financement donnée
sur le sujet au ministère des affaires étrangères, des actions dispersées et
mal coordonnées, des réformes d’organigramme qui tiennent lieu de
réformes de fond, une diminution régulière des crédits »
6
. Au surplus,
le
5
Cf. par exemple, Yves Dauge «
Les centres culturels français à l’étranger
»
Assemblée nationale (février 2001), ou Louis Duvernois «
La stratégie d’action
culturelle à l’étranger
» Sénat (décembre 2004).
6
Julia Kristeva-Joyaux «
Le message culturel de la France et la vocation
interculturelle de la francophonie
» - Avis Conseil économique, social et
environnemental (juin 2009).
10%
14%
1%
2%
7%
52%
14%
attractivité
coopération
débat d'idées
diversité culturelle
échanges économiques
influence
rayonnement
COUR DES COMPTES
18
réseau doit également compter avec un monde culturel qui n’a pas
échappé lui-même à la mondialisation, aujourd’hui porté par des acteurs
publics aussi bien que privés constitués en réseaux d’experts, d’amateurs
et de professionnels agissant de manière décentralisée.
Ces espoirs et ces tensions placent aujourd’hui le réseau public au
coeur d’une contradiction qu’il doit dépasser. La volonté de tirer parti
d’un avantage comparatif historique confère à son action une dimension
politique particulière, qui se traduit par une implication des ambassades
dans son pilotage plus forte qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni, pays
pour lesquels l’ambition a, depuis longtemps, été déléguée à des
opérateurs. La conscience des nouveaux enjeux et des nouvelles
modalités de cette action a cependant conduit à envisager, au nom d’une
« professionnalisation » souhaitée, la constitution d’un « grand opérateur
culturel extérieur ». Dans l’esprit de ses promoteurs, celui-ci serait un
hybride du
British Council
pour son mandat et de l’Agence française de
développement (AFD) ou de l’Agence pour l’enseignement français à
l’étranger (AEFE) pour son fonctionnement.
Les travaux engagés en 2008 sous l’égide du Livre blanc des
affaires étrangères et de la révision générale des politiques publiques
(RGPP), ainsi que la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de
l’État, qui a créé deux nouveaux établissements publics à caractère
industriel et commercial, l’Institut français et Campus France, ont permis
d’engager d’importantes réformes visant à restructurer un réseau public
émietté et fragilisé. Cette dynamique n’a pas été sans produire des
turbulences : alors que ce réseau fusionnait ses services de coopération et
d’action culturelle (SCAC) et les établissements à autonomie financière
(EAF)
7
, les nouveaux opérateurs culturels ont vu le jour en décembre
2011 et l’expérimentation, demandée par la loi de 2010, d’un
rattachement du réseau culturel public au nouvel Institut français a
commencé effectivement en janvier 2012.
C’est au regard de ces éléments que l’action du réseau culturel doit
être appréciée. S’inscrivant dans le temps des références et des mémoires,
cette action ne peut exercer ses effets que dans la durée, qu’il s’agisse du
registre de la conviction (débat d’idées), de l’instruction (lycées français,
classes bilingues, coopération universitaire ou scientifique) ou de la
« séduction » (manifestations culturelles). L’efficience de son cadre
institutionnel ne peut être appréciée en faisant abstraction des
modifications qu’il subit depuis des années, des coûts de transition
qu’elles entraînent et de la nouveauté du paysage actuel. Comme le
7
Également appelés centres culturels, les EAF sont des entités publiques à statut
particulier non dotées de la personnalité juridique. Cf. infra.
INTRODUCTION
19
remarquait un rapport parlementaire de 2012
8
, « il faudra encore plusieurs
années pour apprécier la qualité de la mise en oeuvre de la loi » de 2010.
C’est dire la difficulté de porter un jugement sur un tel outil. Pour
y parvenir, il est nécessaire de mesurer le contexte dans lequel intervient
le réseau (chapitre I) avant de s‘interroger sur ses capacités en quelques
questions significatives :
-
son efficacité : parmi les actions mises en oeuvre par le réseau,
quelles sont celles qui renforcent le plus l’attractivité de la
France ? (chapitre II)
-
sa cohérence : dans quelle mesure les différentes interventions
sectorielles menées par le réseau sont-elles suffisamment
cohérentes entre elles ? (chapitre III)
-
son efficience : en quoi les différents acteurs du réseau sont-ils
susceptibles
d’améliorer
l’efficience
locale
de
l’action
culturelle dans un contexte de concurrence internationale ?
(chapitre IV)
-
sa pertinence : quelles sont les actions du réseau pour lesquelles
le soutien public demeure le plus nécessaire ? (chapitre V)
8
Hervé Gaymard –
Rapport sur l’application de la loi relative à l’action extérieure
de l’État
– Assemblée nationale (février 2012).
Chapitre I
Le contexte : le réseau et ses acteurs
Le réseau culturel français est un ensemble complexe, qui a vu ses
conditions d’intervention transformées, sans pour autant que son pilotage
ait été suffisamment réformé pour faire face aux défis qu’il rencontre
désormais.
I
-
Un réseau étendu et hétérogène, confronté à
une diminution de ses moyens
A - Le réseau culturel le plus étendu au monde
1 -
Les acteurs centraux
L’action culturelle est portée par plusieurs acteurs centraux, dont le
ministère des affaires étrangères (MAE), en relation avec le ministère de
la culture et de la communication (MCC), le ministère de l’éducation
nationale (MEN) et le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche (MESR). Le réseau à l’étranger est placé pour l’essentiel sous
la responsabilité du ministère des affaires étrangères. Des acteurs
autonomes participent également à la gouvernance du réseau, au premier
rang desquels deux des opérateurs publics créés par la loi du 27 juillet
2010 et une fondation de droit privée.
L’Institut français, placé sous la tutelle exclusive du ministère des
affaires étrangères, est censé, en vertu de son décret constitutif n° 2010-
1695 du 30 décembre 2010, « veiller à répondre aux besoins exprimés par
COUR DES COMPTES
22
le réseau » en même temps qu’il « concourt à l’animation et à la gestion »
de celui-ci.
Campus France, placé sous la double tutelle du ministère des
affaires étrangères (MAE) et du ministère de l’enseignement supérieur et
de la recherche (MESR), en vertu de son décret constitutif n° 2011-2048
du 30 décembre 2011, « contribue (…) à la définition des orientations des
espaces Campus France dans les postes diplomatiques, afin d'assurer la
meilleure articulation entre les besoins exprimés par les postes
diplomatiques et ceux des établissements d'enseignement supérieur
français ».
Cette situation est plus complexe que celle qui avait été envisagée
avant 2010. Sous l’influence de plusieurs rapports parlementaires, le
ministère des affaires étrangères (MAE)
avait prévu à partir de 2008 de
constituer un opérateur culturel unique, qui aurait regroupé les
attributions de CulturesFrance, d’Egide
9
et de Campus France, en
référence au
British Council
, dont le champ couvre aussi bien l’action
culturelle que la coopération universitaire. De nombreuses oppositions au
sein du ministère des affaires étrangères (MAE) et du ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) n’ont cependant pas
permis de confier la coopération universitaire au nouvel opérateur et les
réticences du ministère de la culture et de la communication (MCC), qui
n’a pas souhaité étendre les compétences de l’Institut aux industries
culturelles
10
.
La Fondation Alliance française, reconnue d’utilité publique par
décret du 23 juillet 2007, intervient également dans ce domaine, sans
entretenir toutefois de liens formalisés avec les postes.
Le modèle français combine ainsi la prééminence d’un ministère
avec la présence de deux opérateurs spécialisés et celle d’un partenaire
associatif.
2 -
Le réseau culturel à l’étranger
Le réseau culturel français se compose de deux ensembles.
9
Dans un rapport remis au Sénat en septembre 2010, la Cour des comptes avait
préconisé le rapprochement entre l’association Egide, le GIP Campus France et la
partie internationale du centre national des oeuvres universitaires et scolaires
(CNOUS).
10
Note du 12 novembre 2010 de la direction générale de la mondialisation (DGM)
relative à la stratégie du ministère pour le soutien aux industries culturelles et
créatives françaises à l’international.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
23
En premier lieu, il repose sur un réseau public, composé d’entités
assez hétérogènes. Celui-ci était constitué, en 2012, d’un ensemble formé
de 161 service de coopération et d’action culturelle, dont 98 disposant du
statut d’établissement à autonomie financières, de 27 Instituts français de
recherche à l’étranger (IFRE) disposant également du statut d’EAF, de 12
bureaux locaux de l’Institut français rattachés à titre expérimental à cet
établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), de huit
centres culturels binationaux (dont cinq en Afrique). À ces 145 Instituts
s’ajoutent 198 espaces Campus France - intégrés dans les Instituts
français ou les Alliances - et 10 services scientifiques et technologiques
(SST).
Ce réseau public constitue, avec les réseaux diplomatique et
consulaire, l’un des trois réseaux du ministère des affaires étrangères
(MAE) à l’étranger.
En second lieu, il s’appuie sur un ensemble d’associations de droit
local, les Alliances françaises, au nombre de 812, dont 486 bénéficiaient
d’un soutien direct du ministère.
Ces Alliances concourent à la mission d’influence de la France à
l’étranger, sous l’égide de la Fondation Alliance française.
Dans son acception la plus large (Instituts et Alliances françaises,
subventionnées
ou
non),
le
réseau
culturel
totalise
près
de
1 500 implantations permanentes, ce qui en fait le premier au monde par
la taille alors même que le réseau diplomatique français n’occupe que le
troisième rang mondial.
Dans son acception réduite aux Instituts et aux seules Alliances
françaises subventionnées, il atteint 631 entités en 2012, ce qui
correspond à une légère baisse (- 5 %) en dix ans, de nature
principalement optique. En effet, à côté de la croissance du nombre des
Alliances subventionnées (+ 8 %)
11
, la réduction du nombre des Instituts
(- 2 %) tient plus à la fusion administrative de nombreuses implantations
qu’à des fermetures d’emprises qui sont demeurées peu nombreuses.
L’évolution française contraste ainsi avec celle des partenaires de
la France, dont les réseaux ont connu au cours des dernières années des
réductions plus marquées puisque le
British Council
, qui dispose de
191 bureaux dans 110 pays, et le
Goethe Institut
, qui en compte 146 dans
92 pays,
ont
vu
le
nombre
de
leurs
implantations
se
réduire
respectivement de 14 % et de 24 %.
11
Selon la Fondation, le nombre total des Alliances françaises est en revanche passé
de 1 065 en 2002 à 812 en 2012 (- 24 %).
COUR DES COMPTES
24
Tableau n° 1 : évolution des implantations des réseaux culturels
2002-2012
Réseau
Goethe
Institut
British
Council
Instituts
français
12
(1)
Alliances
françaises*
(2)
Réseau
culturel
français
(1)+ (2)
2002
195
221
213
449
662
2006
179
212
205
502
707
2012
149
191
145
486
631
Evolution
2002/2012
-23,6 %
-13,6 %
-31,9 %
+8,2 %
-4,6
Nota : Alliances françaises bénéficiant d’un soutien public seulement.
Source : Cour des comptes d’après rapport Faivre d’Arcier (2009) actualisé.
Le réseau français demeure ainsi, en 2013, particulièrement étendu
et n’a pas autant réduit ses implantations dans la même proportion que ses
homologues allemand et britannique.
3 -
Les autres acteurs publics
À
cet
ensemble
s‘ajoutent
d’autres
acteurs
publics
plus
spécialisés : les représentations des grands établissements scientifiques
(Centre national de la recherche scientifique, Commissariat à l’énergie
atomique, Institut de recherche pour le développement, Centre de
coopération
internationale
en
recherche
agronomique
pour
le
développement, etc.), les cinq écoles françaises à l’étranger (EFE)
13
, les
représentations des collectivités territoriales françaises, et enfin, des
établissements locaux
sui generis
comme le Louvre Abou Dhabi et la
Sorbonne Abou Dhabi.
Le réseau français s’appuie également sur un tissu d’établissements
scolaires à l’étranger, qui est le premier au monde. Le Livre blanc de
2008 le décrivait comme « un atout exceptionnel qu’il faut développer »,
dans sa mission d’enseignement pour les enfants des Français expatriés,
mais aussi de rayonnement. Ce réseau scolarise 306 000 élèves, dont
51 % d’étrangers locaux et 12 % d’étrangers de nationalité tierce, le solde
12
Dénommés centres culturels ou instituts culturels avant 2010.
13
Casa Velázquez
, École française de Rome, Ecole française d’Athènes, Institut
français d’archéologie orientale du Caire et Ecole française d’Extrême-Orient.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
25
étant composé de ressortissants français disposant parfois de la double
nationalité. Il est financé par le ministère des affaires étrangères (MAE)
sur le même programme budgétaire (programme 185 Diplomatie
culturelle et d’influence) que le réseau culturel. Ces 481 établissements,
souvent réputés, jouent un rôle essentiel dans certains pays (comme au
Liban où ils scolarisent 50 000 élèves, dont 80 % de Libanais) ou dans
certaines capitales (telles Londres, Rome ou Vienne).
L’enseignement français à l’étranger principal actif culturel français
Le réseau d’établissements relevant de l’Agence pour l’enseignement
français à l’étranger (AEFE), établissement public placé sous l’autorité du
MAE, compte 481 établissements présents dans 130 pays (dont 36 % en
Afrique) et emploie près de 10 500 agents. L’AEFE gère directement
75 établissements et en conventionne 156. La Mission laïque, qui constitue le
deuxième réseau d’établissements, compte, pour sa part, 106 établissements
présents dans 46 pays, scolarisant près de 44 500 élèves, dont 64 %
d’étrangers locaux et 13 % d’étrangers de nationalité tierce. Quelques
dizaines d’établissements d’enseignement locaux bénéficiant du label
FranceEducation, créé en janvier 2012, complètent cet ensemble.
En 10 ans, le nombre des élèves a progressé de 30 % et celui des
établissements de 17 %.
L’AEFE bénéficie au projet de loi de finances (PLF) 2013 d’une
dotation budgétaire d’un montant de 425 M€ au titre du programme 185 à
laquelle s’ajoutent 110 M€ au titre de l’aide à la scolarité.
La tutelle des établissements est localement assurée, sous l’autorité
des ambassadeurs, par les conseillers de coopération et d’action culturelle
(COCAC).
Source : Cour des comptes.
Le réseau culturel français ne peut ainsi intervenir efficacement
sans tenir compte de ces opérateurs qui agissent dans le même champ que
lui.
4 -
Un acteur associatif, le mouvement des Alliances françaises
Présentes aux côtés de services culturels relevant directement de
l’État, les Alliances françaises sont le plus souvent des associations de
droit local à but non lucratif. Bien que certaines d’entre elles bénéficient
d’un soutien public, il serait, de ce fait, excessif de considérer les
COUR DES COMPTES
26
Alliances comme « des succursales ou des satellites du réseau culturel
français à l’étranger »
14
.
Cependant, tant par le rôle éminent qu’elles jouent dans certains
pays que par le jeu des contributions de l’État dont elles bénéficient
(subventions de fonctionnement, mises à disposition
15
d’agents expatriés
pour une masse salariale représentant environ 31 M€, appels à projets et
formations dispensées par l’Institut français), elles font objectivement
partie du « réseau » d’action culturelle française à l’étranger. Elles sont
animées, dans les pays les plus importants, par près de 40 délégués
généraux de la Fondation Alliance française rémunérés par le ministère
des affaires étrangères (MAE). Elles jouent un rôle déterminant sur
plusieurs continents, notamment en Amérique latine et en Asie
16
. À
l’inverse, les Alliances françaises jouent un rôle réduit au Maghreb ou au
Proche et Moyen-Orient.
Tableau n ° 2 : évolution des subventions du ministère des affaires
étrangères aux Alliances (2008-2013)
Subventions du
MAE (€)
2008
2009
2010
2011
2012
2013
%
- Fondation et
DG
2 690 082
3 396 556
1 642 800
1 664 664
1 681 000
1 413 158
- 47,5
- AF locales via
les postes
8 101 017
9 852 762
7 100 000
6 166 335
5 932 621
5 924 638
- 26,8
Total
10 791 099
13 249 318
8 742 800
7 830 999
7 613 621
7 337 796
- 32,0
Nota : hors masse salariale des agents expatriés mis à disposition par le
MAE Source : RAP 2008 à 2012, PAP 2013, rapports d’activité de la
Fondation Alliance française
.
14
B. Faivre d’Arcier «
Étude comparative des dispositifs culturels extérieurs de la
France et de ses principaux partenaires
» remise au ministre des affaires étrangères
(mars 2009).
15
S’agissant de ces agents mis à disposition, une clarification juridique s’impose : le
ministère les traite comme s’ils étaient affectés au sein du réseau public alors qu’ils
sont de fait
mis à disposition d’associations. Or les conditions juridiques de mise à
disposition imposeraient notamment la conclusion de conventions, assorties, le cas
échéant, d’un remboursement des rémunérations.
16
En 2012, les principales d’entre elles, en termes d’heures de cours de langue, se
trouvaient en Colombie (3,13 millions d’heures), en Chine (3,11 millions), en Inde
(2,73 millions), au Brésil (2,54 millions) et au Pérou (2,14 millions). Avec ses
39 Alliances et huit centres associés, le Brésil est une «
terre d’Alliances
»,
rassemblant plus de 34 600 élèves apprenant le français. En Chine, les Alliances ont
collecté plus de 10 M€ de recettes propres, soit légèrement plus que l’Institut français
de Chine.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
27
La réduction des subventions du ministère aux Alliances doit être
relativisée compte tenu du financement, par celui-ci, des équivalent temps
plein (ETP) qui leur sont affectés.
B - Une baisse des moyens budgétaires des postes
malgré la stabilité apparente des crédits d’action
culturelle
1 -
Des moyens budgétaires dispersés
L’État consacre chaque année à l’action culturelle un peu moins du
cinquième (18,1 % en 2013) de son budget d’action extérieure, soit plus
de 1,3 Md€ en 2013. Le document de politique transversale (DPT) relatif
à la politique extérieure reconnaît un périmètre « Rayonnement », qui ne
comprend que six programmes budgétaires relevant de quatre ministères
et ne couvre pas l’ensemble de l’action culturelle de l’État à l’étranger.
On peut, en effet, estimer que le budget de cette action provient d’une
dizaine de programmes budgétaires, dont le montant agrégé a progressé
de 13,5 % depuis 2009. Cette évolution doit toutefois être relativisée du
fait des changements de périmètre intervenus entre les programmes 185
Diplomatie culturelle et d’influence
17
de la « Mission Action Extérieure
de l’État » et 209 Solidarité à l’égard des pays en développement de la
« Mission Aide publique au développement ».
17
Baptisé jusqu’en 2010
Rayonnement culturel et scientifique
.
COUR DES COMPTES
28
Tableau n° 3 : évolution des crédits budgétaires d’action culturelle
extérieure 2009-2013
(M€)
2009
2010
2011
2012
2013
% 2009/2013
MAE
1
592,8
680,5
736,4
751,7
747,6
+ 26,1
P. 185 Rayonnement culturel
et scientifique/Diplomatie
culturelle et d‘influence
592,8
680,5
736,4
751,7
747,6
+ 26,1
- dont AEFE
412,7
426,0
416,6
420,1
425,0
+ 3,0
MCC
26,3
24,8
10,1
10,7
7,6
- 71,4
P. 131 Création
5,2
5,4
-
-
-
-
P. 224 Transmission des
savoirs et démocratisation de
la culture
19,1
17,4
8,1
8,5
5,6
- 70,6
P. 180 Presse
2,0
2,0
2,0
2,0
2,0
+ 0,0
MEN
53,7
38,2
34,4
32,9
33,1
- 38,3
P. 140 Enseignement scolaire
public du 1
er
deg.
12,4
12,3
9,7
8,8
9,0
- 27,4
P. 141 Enseignement scolaire
public du 2
nd
deg.
22,9
22,8
21,7
21,3
21,5
- 6,1
P. 214 Soutien de la politique
de l’éducation nat.
18,4
3,1
3,0
2,8
2,6
- 85,9
AEF (France-Médias
Monde)
291,1
316,6
372,6
320,4
318,7
+ 9,5
P. 115 AEF
232,4
199,1
125,2
150,1
150,1
-
P. 844 Contribution au
financement de l’AEF
58,7
117,5
247,4
170,3
168,6
+ 287,2
Recherche et enseignement
supérieur
2
215,7
240,0
271,5
238,3
232,2
+ 7,7
P. 150 Formations
supérieures et recherche
universitaire
7,1
6,9
7,2
8,0
8,0
+ 12,7
P. 172 Recherches
scientifiques et
technologiques
pluridisciplinaires
208,6
233,1
264,3
230,3
224,2
+ 7,5
Total ACE
1 179,6
1 300,1
1 425,0
1 353,8
1 339,2
+13,5
Total AEE
6 454,4
6 693,2
7 522,4
7 252,7
7 387,9
+16,6
Part ACE/AEE (%)
18,3
19,4
18,9
18,7
18,1
-
Nota :
1 Hors contribution obligatoire à l’UNESCO (16,3 M€ sur le P. 105 en
2012) et contribution volontaire à l’OIF (56 M€ sur le P. 209 en 2012) pour le MAE.
L’évolution du programme 185 tient compte du changement de périmètre intervenu en
2011, avec la création du programme Diplomatie culturelle et d’influence.
2 Hors accueil des étudiants étrangers pour ESR.
Source : DPT Action extérieure de l’État 2009-2013.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
29
L’effort public en matière d’action culturelle extérieure de la
France mobilise ainsi un budget inférieur à celui de l’Allemagne
(1,6 Md€ au niveau fédéral en 2012, dont 0,8 Md€ financé par le
ministère allemand des affaires étrangères) mais très supérieur à celui du
Royaume-Uni (environ 480 M€, en incluant les opérateurs
BBC World
Service
et
British Council
).
Parmi les ministères concernés, le ministère des affaires étrangères
(MAE) joue un rôle majeur (55,8 % des crédits finançant l’action
culturelle extérieure en 2013
18
), et en progression relative depuis 2008.
Les parts du ministère de la culture et de la communication (MCC)
19
(0,6 %) et du ministère de l’éducation nationale (MEN) (2,5 %) sont
modestes et en forte réduction depuis 2009. La part du ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) est substantielle
(17,4 % des crédits en 2013) mais diminue également. L’Audiovisuel
extérieur de la France (AEF)
20
, créé en avril 2008 pour regrouper les
chaînes France-24 et Radio France Internationale (RFI) et la participation
publique dans TV5, conserve une place importante (23,8 % des crédits en
2013).
Le budget est donc relativement dispersé, et bien éloigné de l’idée
initiale des concepteurs du programme 185, qui souhaitaient créer un
« grand programme unique » couvrant l’ensemble de l’action culturelle
extérieure.
2 -
Deux programmes budgétaires aux périmètres fluctuants
Le programme 185, sous la responsabilité de la direction générale
de la mondialisation (DGM), fournit l’essentiel des crédits budgétaires
alloués à l’action du réseau culturel (749 M€ en loi de finance initiale
2013, soit une baisse de 1,2 % depuis 2011 à périmètre constant), mais
l’essentiel du programme (près de 57 %) est absorbé par l’enseignement
français à l’étranger, ce qui fait peser sur le budget du rayonnement
18
Document de politique transversale sur l’action extérieure de l’État annexé au
projet de loi de finances (PLF) 2013.
19
Le volume des crédits du ministère de la culture et de la communication consacrés à
l’action culturelle extérieure (Action 6
Action culturelle internationale
du programme
224
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
de la Mission
Culture
)
a significativement diminué au cours des dernières années, passant de 19,1 M€ en
2009 à 6 M€ en 2013. En 2012, 5,5 M€ des 9,3 M€ programmés relevaient de crédits
d’intervention gérés par le service des affaires internationales de ce ministère, dont 30
% au titre de l’accueil des cultures étrangères, 28 % pour les actions d’expertise et de
formation, 17 % pour les saisons culturelles, 13,5 % pour les engagements
multilatéraux et 11,5 % pour les réseaux professionnels internationaux.
20
Devenu France Médias Monde en juin 2013.
COUR DES COMPTES
30
culturel une partie du soutien à la scolarisation des expatriés français. Le
programme 209, placé également sous la responsabilité de la DGM,
finance un certain nombre d’actions concourant à l’action culturelle, en
portant la masse salariale (188,7 M€ en 2012) des ETP du réseau d’action
culturelle dans les pays éligibles à l’aide publique au développement
(APD) ainsi que certains des crédits d’intervention (27,7 M€) relevant du
Fonds de solidarité prioritaire (FSP).
Cette dualité de programmes finançant l’action culturelle au sein
du MAE ainsi que les variations de périmètre pratiquées entre eux par le
ministère depuis 2007 rendent délicate l’appréciation de l’évolution des
moyens de l’action du réseau. Les réformes structurelles ayant affecté la
direction générale de la mondialisation (DGM) et l’évolution parallèle des
outils informatiques (PRISME, AGE, CHORUS) ont, en outre, contribué
à rendre difficile, pour le ministère, une reconstitution précise de
l’évolution des crédits consacrés au réseau. Enfin, l’architecture
budgétaire du programme 185 (présentation par actions et sous-actions du
projet annuel de performances) ne rend pas compte des principales
évolutions, qui doivent être appréciées par instruments. Celles-ci sont
retracées dans les rubriques budgétaires, faisant l’objet de la négociation
annuelle avec la direction du budget, qui permettent une meilleure
appréhension des priorités du programme.
Tableau n° 4 : évolution des rubriques budgétaires du programme 185
(2008-2012)
Source : Cour des comptes d’après DGM (hors masse salariale).
COUR DES COMPTES
32
L’interprétation des évolutions des masses budgétaires entre 2008
et 2013, même à périmètre constant, est également rendue délicate par les
transferts de responsabilité opérés entre les opérateurs (Institut français et
Campus France) à partir de 2011 et l’expérimentation du rattachement de
certains postes à l’Institut français. On constate cependant une évolution
significative des modalités d’action du ministère, marquée par une
augmentation des dotations aux opérateurs (+ 55 %), une baisse des
dotations de fonctionnement du réseau public (- 5 %) et une réduction des
dépenses d’intervention (près de 50 %), en particulier pour les dotations
aux Alliances françaises (- 53 %).
Les dotations budgétaires s’élevaient en 2012 à 54 M€ pour le
fonctionnement du réseau et à 8 M€ pour la subvention aux Alliances
françaises. On peut néanmoins évaluer le coût de fonctionnement complet
du réseau en considérant que la masse salariale des agents du réseau est
représentée par l’intégralité du titre 2 du programme 185 et par la part de
celui du programme 209 correspondant aux actions culturelles (soit 20 %
sur la base de la clé de répartition des FSP). Ainsi, le coût en personnel du
réseau est passé de 118 M€ en 2008 à 132 M€ en 2012, dont 31 M€ pour
les personnels mis à disposition des Alliances.
Le coût budgétaire du fonctionnement du réseau peut donc être
évalué à 186 M€ pour le MAE en 2012, dont environ 72 % constitué de
dépenses de personnel.
3 -
Une baisse des moyens du réseau public
Une telle évolution permet de comprendre la contradiction
apparente entre l’évolution des crédits des programmes 185 et 209 depuis
2008 et celle des moyens de fonctionnement à la disposition du réseau.
Ayant progressé de 17 % (hors masse salariale) pour la seule période
2011-2013, ces crédits ont été préservés au regard de l’application de la
norme de dépenses de l’État. Toutefois, en faisant abstraction des crédits
réservés à l’enseignement français à l’étranger et aux bourses,
l’enveloppe réelle de crédits à la disposition des postes pour financer des
actions ou nouer des partenariats s’est incontestablement réduite, créant
parfois un sentiment de frustration chez certains agents, dont la plupart
des responsables de postes se font l’écho dans les réponses au
questionnaire de la Cour. Ainsi, le montant des dotations budgétaires des
postes du réseau (hors masse salariale des expatriés) est inférieur de 11 %
en 2013 par rapport à 2009
21
. L’évolution n’est positive depuis 2011 que
21
Bien que le ministère estime la baisse des dotations affectées au réseau culturel à 40 % entre 2008 et
2013, la dispersion des moyens avant le changement de périmètre intervenu en 2011 entre les
programmes 185 et 209 ne permet pas d’appréhender précisément l’évolution sur la période.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
33
du fait de l’octroi de crédits de restructuration exceptionnels au titre des
fusions des services de coopération et d’action culturelle (SCAC) et des
établissements à autonomie financière (EAF)
22
.
En définitive, malgré les dotations exceptionnelles allouées aux
programmes 185 et 209 en 2009 et 2010, les moyens budgétaires alloués
au réseau public, pour son fonctionnement et ses interventions, ont baissé
dans tous les postes visités. Cette baisse des crédits varie selon les postes
mais atteint, entre 2008 à 2012, 17 % en Inde, 25 % en Turquie ou en
Inde, et même 28 % en Chine.
23
Les postes interrogés par la Cour y voient
leur première difficulté.
La marge de manoeuvre des postes est, en outre, réduite par la
rigidité de la structure des enveloppes, qui limite les possibilités de
redéploiement entre elles, même si elle est atténuée par l’existence de
fonds de roulement souvent élevés (six mois en moyenne en 2012 selon le
CBCM, quatre mois selon la DGM, alors qu’elle préconise deux mois en
moyenne).
22
Ces crédits de restructuration ont atteint 16,4 M€ entre 2008 et 2013, soit 5,5 % des
dotations de fonctionnement du réseau.
23
La baisse des crédits s’est ralentie entre 2012 et 2013 pour ces pays émergents.
COUR DES COMPTES
34
Tableau n° 5 : les 20 Principaux postes bénéficiaires du
programme 185
(hors enseignement français à l’étranger)
Enveloppe (€)
Programme 185
2011
2012
2013
Triennal
% des
crédits
totaux
Evolution
2011-2013
1
MAROC
8 135 737
8 303 842
7 734 483
24 174 062
89 %
-5 %
2
ALGERIE
6 592 436
6 638 465
6 174 807
19 405 708
78 %
-6 %
3
TUNISIE
5 425 261
5 263 830
4 915 844
15 604 935
93 %
-9 %
4
INDE (y.c. IF)
4 476 034
4 714 140
4 622 893
13 813 067
99 %
3 %
5
CHINE
4 861 061
4 644 065
4 294 761
13 799 887
85 %
-12 %
6
TURQUIE
4 543 427
4 585 050
4 536 786
13 665 263
98 %
0 %
7
ALLEMAGNE
3 789 280
3 963 237
3 840 789
11 593 306
100 %
1 %
8
RUSSIE
3 942 196
3 816 308
3 629 450
11 387 954
89 %
-8 %
9
BRESIL
3 597 825
3 539 507
4 208 673
11 346 005
95 %
17 %
10 ÉTATS-UNIS
2 534 308
2 461 556
4 030 700
9 026 564
100 %
59 %
11 VIET NAM
2 995 523
2 946 436
2 915 806
8 857 765
96 %
-3 %
12 EGYPTE
2 671 597
2 588 996
2 418 372
7 678 965
93 %
-9 %
13 LIBAN
2 511 186
2 487 002
2 430 823
7 429 011
95 %
-3 %
14 SYRIE
2 577 989
2 479 076
2 326 016
7 383 081
99 %
-10 %
15 POLOGNE
2 375 348
2 429 096
2 134 825
6 939 269
99 %
-10 %
16 AFGHANISTAN
2 217 263
2 229 314
2 205 847
6 652 424
100 %
-1 %
17 MEXIQUE
2 268 273
2 225 078
2 141 595
6 634 946
90 %
-6 %
18 ROUMANIE
2 238 806
2 152 413
1 953 762
6 344 981
90 %
-13 %
19 JERUSALEM
2 016 047
1 958 419
1 937 803
5 912 269
92 %
-4 %
20 MALI
1 907 175
1 832 927
1 813 632
5 553 734
93 %
-5 %
Total 20
51 523 338
51 052 620
51 442 533
154 018 491
95 %
0 %
Total général
152 003 404
154 521 432
148 852 751
455 377 587
92 %
-2 %
Part des 20 dans le total
général
33,9 %
33,0 %
34,6 %
33,8 %
-
-
Source : PRISME.
La dégradation de leurs ressources en crédits publics expose
doublement les postes du réseau. D’une part, elle ne leur permet pas de
faire face à la croissance régulière de leurs coûts de fonctionnement, ce
qui les conduit à des réductions de moyens répétées mais non anticipées
ou à des abandons de missions, plaçant certains Instituts en situation
financière délicate. D’autre part, elle réduit l’effet de levier potentiel de
ces crédits qui permettent pourtant d’enclencher une dynamique de
production de ressources propres, notamment par le cofinancement de
projets ou de bourses, par des partenaires locaux.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
35
C - Une dépendance accrue vis-à-vis des financements
extrabudgétaires
1 -
La mobilisation croissante du réseau
La recherche des ressources extrabudgétaires est devenue un
objectif général des instructions adressées aux ambassadeurs, des plans
d’action des ambassades et des instructions réitérées de la direction
générale
de
la
mondialisation
(DGM).
Comme
l’indique
le
projet
annuel
de performances (PAP) 2013, « la mise en oeuvre de
(notre)
stratégie
d’influence
privilégiera
en
2013
des
moyens
d’intervention capables de mobiliser des cofinancements et des structures
relais ». Dans ce contexte, les postes du réseau, qui bénéficient de
l’autonomie financière en vertu de leur statut d’EAF, ont cherché à
développer leurs ressources extrabudgétaires, soit par l’autofinancement
de leurs activités (cours de langue, certifications, billetterie des
événements, etc.), soit par la recherche de cofinancements auprès de
partenaires extérieurs (États et collectivités publiques, entreprises,
fondations, etc.).
On peut estimer que les ressources propres du réseau constitué par
les Instituts et les Alliances représentent 57 % du montant de leurs
ressources totales. Le montant et l’évolution réelle des ressources
provenant des deux types de financement extrabudgétaire restent
cependant encore imprécis, en raison de la faiblesse des mécanismes de
collecte et de la comptabilisation des informations.
En
matière
d’autofinancement,
les
limites
des
systèmes
d’information financière (logiciels comptables) et les changements de
périmètre du réseau invitent à apprécier avec prudence le dynamisme
apparent des recettes propres des EAF (+ 21 %), qui compense la
réduction des subventions d’État (- 11 %) depuis 2009 (soit 58,2 M€ en
2012 hors ETP expatriés). Ce n’est que depuis 2012 qu’existe un système
comptable permettant la consolidation des données sur l’ensemble du
réseau public. Pour leur part, les cofinancements apportés par les
partenaires du réseau font l’objet d’indications d’une précision croissante,
mais variable, suivant les postes dans les fiches budget-pays déclaratives
qu’ils remplissent
24
.
S’agissant des Alliances françaises, la Fondation Alliance française
ne dispose pas d’un tableau financier consolidé. Elle estime, sur la base
des indications transmises par celles-ci, que leurs recettes propres
24
Les postes comptabilisent les apports en numéraire et en nature.
COUR DES COMPTES
36
atteignaient 185 M€ en 2012. Mais la fiabilité de cette estimation n’est
vérifiée ni par la Fondation, ni par le ministère.
Ainsi, les efforts consentis par le réseau pour mobiliser des
ressources
propres
demeurent
mal
connus
faute
d’un
système
d’information adapté.
2 -
Les particularités de ces ressources
Ces précautions rappelées, en 2012, les postes ont levé 102 M€ de
ressources propres et 186 M€ de cofinancements.
De manière plus fine, les résultats de 2011 en matière de
cofinancements (175 M€) montraient :
-
une très forte concentration sur un petit nombre de pays (huit
pays
25
mobilisaient 50 % des cofinancements déclarés)
26
;
-
une part importante (40 %) des actions artistiques et culturelles
dans les cofinancements recensés ;
-
la concentration des autres cofinancements (30 %) sur les
programmes de bourses, essentiellement obtenus auprès de
partenaires publics (12,2 M€ au Brésil sur un total de 29,1 M€),
avec un fort effet de levier ;
-
une
concentration des
cofinancements
sur
deux
zones,
l’Amérique latine et l’Asie, comportant nombre de pays
émergents et où les effets de levier sont les plus forts
27
;
-
50 % des cofinanceurs sont des partenaires publics locaux et
près de 40 % des organismes privés (entreprises, fondations,
etc.) ;
-
la très faible part de l’Union européenne, pourtant dotée de
moyens importants, qui montre une faible aptitude du réseau et
de la DGM à capter ces cofinancements.
Ces caractéristiques montrent bien les axes de progression
possibles pour le développement des cofinancements des actions du
réseau.
25
Brésil, États-Unis, Malaisie, Egypte, Gabon, Japon, Taïwan, Vietnam.
26
Il convient de signaler la faiblesse des résultats obtenus dans les six pays du Golfe :
0,5 M€ de cofinancement en 2011 pour près de 1 M€ de dotation versée par le MAE.
27
À cet égard, le montant des cofinancements au Royaume-Uni (236 000 € en 2012)
apparaît faible.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
37
D - Une ressource humaine en réduction et
partiellement inadéquate
1 -
La réduction des effectifs
Le nombre réel des agents du réseau est difficile à estimer. Dans
son périmètre le plus vaste, le ministère estime qu’il atteignait en 2012
6 210 personnes, répartis en deux sous-ensembles.
D’une part, il comptait 2 760 agents sous plafond d’emplois
ministériel. Sur ce total, seulement 1 719 agents étaient affectés dans le
réseau public et 321 étaient affectés auprès des Alliances françaises (dont
128 expatriés et 95 volontaires internationaux)
28
. Ces effectifs
se
répartissent en trois catégories : les fonctionnaires titulaires du ministère,
peu nombreux (183) ; les agents détachés sous contrat (titulaires d’autres
ministères) et les contractuels sans lien antérieur avec une administration.
D’autre part, le réseau disposait de 3 450 employés au sein des
EAF, agents de droit local (ADL) sous contrat, qui échappent à ce
plafond.
Cet effectif total est moins important que celui du
British Council
,
qui compte 710 salariés au Royaume-Uni et 6 836 salariés (hors
vacataires) à l’étranger (dont 1 700 enseignants), pour une masse salariale
de 276 M£ en 2012, mais plus que celui du
Goethe Institut
, qui compte
pour sa part 690 salariés en Allemagne et 2 100 salariés à l’étranger.
Les effectifs, affectés dans les entités publiques ou détachés dans
les Alliances françaises, constituent ainsi la première dépense du réseau
(53 % du coût complet estimé en 2012). Ils baissent régulièrement depuis
plusieurs années en raison de la réduction du plafond d’emplois du
ministère et de ses propres arbitrages internes
29
.
Le nombre des ETP relevant des programmes 185 et 209 (ETPT) a
baissé, entre 2008 et 2012, de 23% pour le programme 185, qui passe au-
dessous de la barre du millier (978 contre 1 265), et de 21 % pour le
programme 209 (2 231 contre 2 805). Cette réduction se poursuivra, le
ministère devant restituer 300 ETP, dont 255 à l’étranger, dans le cadre
du triennal 2013-2015. Au sein du seul programme 185, le nombre des
28
À ceux-ci s’ajoutent 720 experts techniques internationaux.
29
Cour des comptes,
Référé
,
L’évolution du réseau diplomatique français
.
13 février 2013, 10 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
; ce référé indiquait que les
effectifs diplomatiques
stricto sensu
n’ont baissé que de 9 % entre 2007 et 2011, alors
que les effectifs se consacrant à la coopération et à l’action culturelle ont été réduits
de 15 % (sur le programme 185) et de 17 % (sur le programme 209).
COUR DES COMPTES
38
ETP correspondant aux agents permanents à l’étranger a été réduit de
24 % au cours de la période. Toutefois, cette évolution s’explique en
partie par le transfert des recrutés locaux aux EAF.
Tableau n° 6 : évolution des ETP du réseau étranger
(Programmes 185 et 209)
(ETP)
2008
2009
2010
2011
2012
Evolution
(%)
Programme 185
1 106
1 040
990
982
842
- 23,8
Expatriés (G2)
87
71
62
62
61
- 29,8
Contractuels (G3)
771
745
710
711
662
- 14,1
Recrutés locaux
(G5)
248
224
218
209
119
- 52,0
Programme 209
1 420
1 298
1 152
1 095
1 076
- 24,2
Expatriés (G2)
156
129
118
120
122
- 21,7
Contractuels (G3)
1 946
1 806
1 657
1 608
1 538
- 21,0
Recrutés locaux
(G5)
424
403
367
349
258
- 39,1
Total général
2 526
2 338
2 142
2 077
1 918
- 24,0
Nota : ETP hors titulaires en administration centrale (G1). Source : Cour
des comptes d’après DGA/DRH.
Une telle évolution conduit à une réduction du nombre d’agents
dans la plupart des postes, rarement considérés en excédent par
l’inspection générale des affaires étrangères (IGAE). C’est le cas, par
exemple, au Maroc où l’effectif du réseau public a diminué de 28 % entre
2006 (462 ETP) et 2012 (333 ETP). Elle se traduit également dans les
pays prioritaires par la stagnation des effectifs (maintien des effectifs en
Chine, à hauteur de 97 ETP entre 2008 et 2012). Cette décroissance n’est
pas également répartie sur l’ensemble des composantes du réseau : elle
pèse davantage sur les Instituts que sur les Alliances, dont les effectifs
mis à disposition par l’État, toutes catégories confondues, ont été très
légèrement renforcés (+ 3%) entre 2007 et 2012 selon les documents
budgétaires.
Comme la Cour a déjà eu l’occasion de le constater
30
, le recours
aux expatriés est important. Cette logique tranche avec celle du
British
Council
, qui favorise le recrutement local, y compris pour ses directeurs
locaux. Ainsi, 80 % de l’effectif de l’opérateur britannique n’est pas
expatrié.
30
Cf.
Cour des comptes,
Référé
précité sur
l’évolution du réseau diplomatique
français.
13 février 2013, 10 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
39
2 -
Une proportion importante d’agents contractuels
La part des agents contractuels demeure, par ailleurs, très
majoritaire (80 % du total). La moitié provient d’autres administrations
que le ministère des affaires étrangères. Le ministère de l’éducation
nationale demeure le premier contributeur des agents contractuels du
réseau avec 69 % des recrutements en 2012, soit un niveau proche de
celui de 2008 (71 %). Avec le ministère de l’enseignement supérieur et de
la recherche (MESR), il représente les trois-quarts des contractuels
recrutés. En revanche, le recrutement d’agents du ministère de la culture
et de la communication (MCC) demeure très marginal (moins de 2 % en
2012).
Le volume des recrutements pour le réseau a décru de 14 % entre
2008 et 2012. Sur 392 emplois ayant fait l’objet d’un mouvement en
2012, 55 % ont été pourvus par des fonctionnaires titulaires détachés
d’autres ministères, contre 66 % en 2008. La part des contractuels
« purs » a, en revanche, légèrement progressé (28 % en 2008, 32 % en
2012). Celle des agents titulaires du MAE demeure faible (moins de 5 %
en 2008 comme en 2012) même si, depuis 2007, entre un quart et un tiers
des postes de COCAC sont occupés par des diplomates titulaires.
Sensible aux conséquences d’une évolution qui conduit la
proportion d’agents contractuels à s’accroître, le MAE entend la tempérer
en favorisant l’affectation de diplomates dans le réseau culturel,
notamment dans des fonctions de directeur d’Institut. Il justifie cette
orientation par les mutations du métier diplomatique, caractérisé
désormais par le développement des postes mixtes (consulaire et culturel
par exemple) et le besoin de généralistes.
Le choix du ministère, qui relève tant d’une démarche politique
(maintenir des liens étroits entre les ambassadeurs et les Instituts) que
gestionnaire (contribuer à la mobilité géographique et fonctionnelle des
agents diplomatiques), se concilie difficilement avec le besoin d’agents
spécialisés et la recherche d’une certaine autonomie des Instituts. C’est là
tout l’enjeu de la démarche de professionnalisation des agents du réseau.
3 -
Les faiblesses de la gestion des ressources humaines
La gestion des ressources humaines, très contrainte par des
suppressions répétées d’emplois, était déjà considérée comme peu
satisfaisante par les agents du réseau public, consultés par le ministère en
septembre 2009. Elle se traduit par l’intervention de deux entités : le pôle
« filières et métiers » de la direction générale de la mondialisation
COUR DES COMPTES
40
(DGM), qui a une connaissance plus précise des 25 métiers identifiés
31
et
des besoins correspondants, mais dont le rôle se limite au recrutement, et
la DRH du ministère, qui maîtrise les statuts et les plafonds d’emplois.
Cette gestion n’a pas été substantiellement modifiée par la loi de
2010, qui prévoyait que l’Institut français soit « associé à la politique de
recrutement, d’affectation et de gestion des carrières » des personnels du
réseau. La gestion des affectations dans le réseau s’est améliorée avec la
mise en place, en 2008, de commissions de sélection des candidats, qui se
tiennent en février-mars de l’année précédant l’affectation, avec la
participation des services du ministère et des organismes concernés
(MEN, MCC, MESR, Institut français).
Cette gestion conjointe est parfois considérée comme lourde et
certaines compétences requises peuvent apparaître d’une technicité
excessive ou artificielle
32
. De manière quasi-unanime, les interlocuteurs
rencontrés dans le réseau regrettent cependant que, pour des raisons de
délai de procédure, les chefs de poste et les conseillers de coopération et
d’action culturelle (COCAC) ne se voient proposer qu’un seul candidat
par l’administration centrale pour les emplois d’expatriés, sans que les
qualifications escomptées correspondent toujours aux besoins.
La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences des
agents du réseau est complexe. Le ministère ne parvient en effet que
difficilement à assurer l’adéquation des besoins et des compétences du
réseau culturel. Il doit subir la rotation trop importante des agents
contractuels et des volontaires internationaux, ce qui prive le réseau de
certaines compétences acquises au fil de l’expérience.
En effet, le ministère des affaires étrangères (MAE) n’intègre dans
ses cadres que peu d’agents contractuels du réseau
33
. Pour éviter de
s’exposer à l’application des lois « Dutreil » et « Sauvadet », qui
imposent d’intégrer les agents contractuels au-delà d’une certaine durée
de contrat, le ministère a choisi de limiter la durée d’emploi des agents
contractuels du réseau à une seule affectation pour un « contractuel pur »
ou deux affectations successives pour un titulaire sur contrat, avec un
maximum de huit ans (le plus souvent six) à l’étranger pour ces derniers.
Cette pratique ne permet pas de valoriser l’expérience acquise à
31
Parmi lesquels ceux d’attachés de coopération pour le français, d’attachés de
coopération éducative, d’attachés de coopération universitaire, de chargés de mission
spécialisés pour le livre ou la musique, de directeur des cours ou de médiathécaires.
32
Le niveau de qualifications exigé pour enseigner le «
français langue étrangère
»
est jugé trop restrictif par le ministère des affaires étrangères (MAE).
33
Les lauréats à ses concours internes ne sont que rarement des agents contractuels du
réseau culturel et peu d’agents en CDD se voient proposer un CDI (une dizaine par an
pour l’ensemble du ministère).
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
41
l’étranger, tant en termes de compétences qu’en termes de carrière.
L’usage de contrats de deux ans susceptibles d’être prolongés d’une
année à deux reprises accroît la précarité des agents du réseau, ceux-ci
n’étant pas assurés du renouvellement de leur contrat. Les exemples ne
manquent pas d’agents qui, bien que très appréciés, doivent quitter leurs
fonctions sans assurance de trouver un emploi. En 2012, près de la moitié
(49%) des contractuels du réseau ayant terminé leur contrat ont connu une
période de chômage indemnisée par le ministère.
L’appui aux Instituts et aux Alliances de plus de 700 volontaires
internationaux (VI) est souvent essentiel, comme en témoigne la mise en
place d’un site Internet à Alger par un de ces volontaires également très
impliqué dans des levées de fonds. Là encore, la rapidité de leur rotation
(deux ans maximum) accroît la fragilité du dispositif.
En raison de ces caractéristiques de gestion, le réseau culturel
français ne peut disposer, comme ses homologues allemand et
britannique, d’un cadre permanent d’agents spécialisés.
4 -
L’enjeu de la « professionnalisation »
Ces divers éléments conduisent à faire de la formation des agents
du réseau culturel un point sensible. Dans une « étude comparative des
dispositifs culturels extérieurs de la France et de ses principaux
partenaires » remise au ministre des affaires étrangères en mars 2009,
M. Bernard Faivre d’Arcier relevait déjà que « les personnels culturels
français sont moins bien formés que dans les autres pays européens ». Il
proposait, à cet égard, d’organiser une formation de haut niveau de quatre
semaines pour les agents du réseau, dont le coût était estimé à
60 000 € HT pour 16 à 20 stagiaires. L’Alliance française a mis en place,
en 2005, un programme de « professionnalisation » avec le soutien du
ministère qui a bénéficié à environ un millier de recrutés locaux.
Au sein du réseau public, la formation s’est améliorée grâce à
l’organisation par le ministère de formations spécifiques répondant aux
besoins du réseau (marketing des cours de français langue étrangère
(FLE), site Internet des centres culturels depuis 2009, recherche de
cofinancement depuis 2010). Elle a surtout bénéficié de l’intervention de
l’Institut français dans ce domaine, conformément à son mandat
fondateur. Ce dernier a consacré à la formation un montant de 1,2 M€ en
2012 pour 1 277 agents formés, dont 487 recrutés locaux. Mais, en raison
des contraintes pesant sur l’établissement, ce budget a baissé de 21 %,
entre 2011 et 2013, ce qui n’a pas permis d’atteindre la cible de 20 % des
agents du réseau formés en 2012, leur nombre marquant même un recul
de 25 % par rapport à 2011. Les agents apprécient ces formations tout en
COUR DES COMPTES
42
reconnaissant que des insuffisances subsistent dans certains domaines
(gestion d’équipes, marketing culturel, gestion des publics et des
bénéficiaires) et, comme l’estiment également les responsables des
ministère de l’éducation nationale (MEN) et ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche (MESR), les modules de formation générale
destinés aux agents partants sont trop courts (une semaine) pour aller au-
delà d’une simple information.
Certains postes ont pris des mesures pour donner une cohérence à
leur politique de ressources humaines, notamment pour les agents de droit
local, qui relèvent de leur responsabilité directe. Au Maroc, par exemple,
la fusion service de coopération et d’action culturelle/ établissement à
autonomie financière (SCAC/EAF) a conduit à établir, après un audit de
tous les sites, un seul cadre des emplois et des rémunérations pour tous
les agents des 12 sites de l’Institut français du Maroc (IFM), devenu leur
employeur unique.
La formation vue par un directeur d’Institut français
« Les nouveaux recrutés suivent un stage dit « des nouveaux
partants », au cours duquel sont présentés les différents interlocuteurs qu’ils
auront en France au cours de leur mission. Il n’y a pas de formation
linguistique (les délais sont trop courts), ni de formation professionnelle
avant le départ.
Dans le réseau, le « tuilage » avec le prédécesseur est impossible ; les
informations sur le pays dépendent de l’initiative personnelle.
Localement, depuis peu, c’est l’Institut Français qui propose des
formations aux postes sous la forme d’aide à la conception de plans locaux de
formation (en GPRH) et de soutien financier à l’organisation de ces
formations locales (sur avis d’une commission).
Les thèmes des formations vont de la recherche de mécénat à
l’utilisation du logiciel comptable AGE, en passant par les programmes
européens ou le marketing des cours de langue.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
43
L’expérience montre que les formateurs sont plus souvent des
animateurs de groupes que de véritables experts du domaine. Ceci fait
d’ailleurs ressortir un autre point important : l’EPIC Institut Français, qui
devrait être un véritable
pool
d’expertise au service du réseau, a recruté des
agents issus du réseau culturel, dans les mêmes conditions que le MAE
recrute ses contractuels expatriés, c’est-à-dire des agents qui ne sont pas des
professionnels du marketing, du lobbying, etc. L’expertise de ces agents est
donc identique à celle des agents du réseau, soit en-dessous de ce qu’on
devrait attendre de l’Institut français. Faute de moyens, et peut-être de
directives, l’Institut français a reproduit le dysfonctionnement du MAE. »
(Commentaire de la Cour : l’Institut fait valoir, sur ce dernier point,
son besoin de recruter à la fois des compétences techniques hors du réseau et
de disposer d’agents ayant une expérience de celui-ci.)
Source : Cour des comptes.
Le profil de spécialisation « communication et influence » parmi
les agents chargés de la communication et des politiques en matière de
culture, d’enseignement et d’attractivité qu’évoquait le Livre blanc de
2008 n’a pas vu le jour. Le MAE conduit actuellement une réflexion,
pilotée par le directeur général de l’administration, sur l’amélioration du
parcours des agents contractuels, dont les résultats ne sont pas encore
connus.
Au total, la « professionnalisation » du réseau, recherchée depuis
plusieurs années, demeure un objectif imprécis. Elle requiert une
approche globale (formation, carrière, rotation, débouchés). Un meilleur
équilibre entre généralistes et spécialistes d’une part, et entre agents du
ministère spécialement formés et compétences extérieures recrutées,
d’autre part, est, en tout état de cause, nécessaire pour permettre au réseau
de valoriser son capital humain.
II
-
Un pilotage du réseau en cours de redéfinition
A - Les insuffisances du pilotage du réseau
1 -
Un pilotage interministériel défaillant
Comme le déplorait déjà le rapport Rigaud en 1979, il n’existe pas
d’enceinte interministérielle qui puisse contribuer au pilotage du réseau.
Les postes mettent en oeuvre, sous l’autorité des ambassadeurs, une action
culturelle qui ne peut guère tenir compte des attentes des autres
ministères. Si des représentants du ministère de la culture et de la
COUR DES COMPTES
44
communication (MCC) et des ministères de l’éducation nationale et de
l’enseignement supérieur et de la recherche (MEN/MESR) participent
bien aux réunions d’instruction pour les ambassadeurs partants, il est
fréquent qu’ils ne tiennent pas informés les postes de l’existence
d’accords ou de missions se déroulant dans leur pays de résidence. Ces
trois ministères se disent insatisfaits des conditions du pilotage
interministériel. Le ministère de la culture et de la communication (MCC)
estime ainsi nécessaire de renforcer sa relation avec le ministère des
affaires étrangères (MAE) par la conclusion d'une convention avec ce
dernier sur les enjeux et moyens de l’action culturelle. De son côté,
l’Institut
français
appelle
à
la
mise
en
place
d’une
instance
interministérielle de coordination de l’action du réseau. Le mandat du
CORINTE
34
, comité interministériel consacré aux réseaux de l’État à
l’étranger, ne répond pas à ce besoin avéré.
La relation formelle entre le ministère des affaires étrangères et le
ministère de la culture et de la communication, en concurrence depuis la
création, en 1959, de ce dernier ministère par André Malraux, se limite
ainsi aux réunions épisodiques (deux à ce jour) du comité d’orientation
stratégique (COS) de l’Institut français, dont le président est le ministre
des affaires étrangères et le vice-président le ministre de la culture, ou à la
participation occasionnelle de ce dernier aux ateliers annuels organisés
par l’Institut français au profit du réseau. Le ministère des affaires
étrangères (MAE) tire argument de la modestie de la contribution du
ministère de la culture et de la communication (MCC) au budget de
l’Institut français (1,2 M€ en 2013 sur 44 M€) et de l’autonomie des
principaux opérateurs culturels pour revendiquer un rôle principal, sinon
exclusif, vis-à-vis du réseau. S’agissant de l’audiovisuel extérieur, la
direction générale de la mondialisation a cependant défini une feuille de
route en liaison avec le ministère de la culture et de la communication,
gestionnaire du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure »
(environ 350 M€), fixant des priorités géographiques (villes et pays) et
thématiques. Ce travail, qui a impliqué les opérateurs concernés et les
directions géographiques du ministère des affaires étrangères, a donné
lieu à des orientations couvrant les deux priorités, alors que le ministère
de la culture et de la communication, abandonnant volontiers les priorités
géographiques au MAE, s’estimait légitime pour la partie concernant les
priorités sectorielles. Cette situation est compliquée par l’autonomie, vis-
à-vis du ministère de la culture et de la communication, des opérateurs
culturels publics ayant une action extérieure, qui n’apparaît guère
34
Le comité interministériel des réseaux de l’État à l’étranger (CORINTE) institué
par le décret n° 2009-117 du 16 février 2009 n’a pas pour objet de se prononcer sur
les stratégies et les actions mais sur les moyens de ces réseaux.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
45
entamée par les réunions semestrielles des correspondants internationaux
de ces opérateurs, organisées depuis quelques années, par le secrétaire
général du MCC.
Les relations avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche (MESR) relèvent du même schéma. L’organisation même de ce
ministère
ne
facilite
pas
le
dialogue :
la
responsabilité
de
l’internationalisation de la recherche et de l’enseignement supérieur est
difficile à isoler au sein de l’organigramme du ministère, étant partagée
entre la direction générale pour
la recherche et l’innovation (DGRI), la
direction générale pour l’enseignement supérieur et de l’insertion
professionnelle (DGESIP) et la direction des relations européennes,
internationales et de la coopération (DREIC)
35
. Chaque ministère a sa
vision de la coopération universitaire et scientifique : le ministère des
affaires étrangères souligne notamment son attachement à sa dimension
d’aide au développement, généralement absente des priorités du ministère
de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce dernier rappelle, de
son côté, son attachement aux principes essentiels de l’autonomie des
universités, de la liberté du chercheur et de la recherche de l’excellence.
Les choix internationaux des grands opérateurs scientifiques se font sur
un mode comparable à ceux des grandes institutions culturelles, c’est-à-
dire en relative indépendance. Le ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche n’assume enfin qu’une tutelle distante de Campus
France, et souhaiterait la renforcer.
L’absence de référentiel interministériel n’a pas été compensée par
l’adoption
d’une
stratégie
ministérielle.
Une
première
tentative
d’élaboration d’un tel document a été engagée fin 2011 par la direction de
la politique culturelle et du français de la direction générale de la
mondialisation, sans aboutir. Un nouveau document de stratégie culturelle
vient d’être présenté au ministre fin juin 2013, sans avoir été
véritablement élaboré en partenariat avec les ministères concernés.
Ainsi, puisque la nécessité d’une meilleure association des acteurs
centraux au pilotage du réseau n’est pas contestée, il reste à inventer les
instruments (instance, référentiel, conventions, etc.) indispensables à sa
mise en oeuvre.
35
Créée en 2003, cette direction, dont la mission avait fait l’objet de sérieuses
réserves voir, Cour des Comptes,
Référé
du 26 octobre 2010, disponible sur
www.ccomptes.fr
relatif à cette direction, vient de faire l’objet d’un audit de
l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche en
juin 2013 dont les conclusions devraient être tirées par les ministères avant la fin de
l’année.
COUR DES COMPTES
46
2 -
La direction générale de la mondialisation (DGM), encore à la
recherche d’une pleine efficacité
À la suite du Livre blanc et dans le cadre de la
révision générale
des politiques publiques (RGPP), le ministère des affaires étrangères
(MAE) a réformé son organisation centrale, en constituant, par décret
n° 2009-291 du 16 mars 2009, une direction générale de la mondialisation
(DGM), censée améliorer son rôle en matière de pilotage et de
coordination interministérielle de l’action culturelle extérieure. Cette
réorganisation n’a eu finalement que des effets limités. La direction
générale a eu du mal à disposer des ressources humaines nécessaires, à
déléguer aux opérateurs ses tâches de gestion et à ajuster ses relations
avec les autres directions du ministère, ce qui a nécessité régulièrement
des arbitrages au niveau du secrétaire général. Une division du champ de
l’action culturelle entre deux directions de la DGM a prévalu jusqu’en
mars 2013
36
. Ces divers facteurs ne lui ont pas permis d’exercer
pleinement sa fonction de conception et de définition des orientations
stratégiques, conduisant le réseau à agir par défaut.
37
Le rôle de « pilotage » par la DGM de l’action culturelle extérieure
se concentre ainsi essentiellement sur le pilotage budgétaire, porté par le
directeur général en tant que responsable des programmes 185 et 209. On
ne trouvera pas dans les documents budgétaires correspondants une
indication réelle des résultats de l’action du réseau public. Le document
de politique transversale (DPT) Action extérieure de l’État contient deux
objectifs visant à « assurer le rayonnement de la France » : l’objectif n° 8
« Maintenir l’influence de la France et du français » traite de la présence
de la France et du français dans les organisations internationales, du
nombre d’inscrits dans les cursus francophones, de l’« audience réelle »
de l’AEF (France-Médias Monde) et du rang sportif de la France,
l’objectif n° 9 « Promouvoir l’enseignement et la recherche française » ne
porte que sur la part des étudiants étrangers inscrits dans les masters et
36
La direction de la politique culturelle et du français et
la direction des politiques de
mobilité et d'attractivité ont été fusionnées par le décret n° 2012-1511 du 28 décembre
2012 en une direction de la coopération culturelle, universitaire et de la recherche.
Cette direction est composée d’une mission des échanges culturels et de l’audiovisuel
extérieur, d’une mission de la langue française et de l’éducation, d’une sous-direction
de l’enseignement supérieur
et d’une sous-direction de la recherche et des échanges
scientifiques.
37
Cette hypothèse est également celle de Daniel Haize, ancien conseiller culturel,
auteur d’une thèse présentée à l’Université de Montpellier. Selon lui, «
cette politique
publique correspond plus à la résultante de l’action menée à l’étranger par le réseau
culturel et ses agents qu’à la mise en oeuvre d’une politique conçue et décidée à
Paris
». Cf. Daniel Haize «
L’action culturelle et de coopération de la France à
l’étranger : un réseau, des hommes
» (2012).
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
47
doctorats français et des chercheurs étrangers recrutés ou accueillis dans
les laboratoires français. Plusieurs changements de méthode et de
périmètre limitent leur signification.
Les indicateurs du programme 185 sont également insuffisants et
inadaptés. Ils ne portent que sur la dynamique des ressources d’origine
externe
(autofinancement
des
Instituts
français
et
de
l’AEFE,
cofinancements obtenus par le réseau pour ses projets) et sur l’activité
d’enseignement du français (nombre d’élèves, nombre d’heures de cours).
Les cibles proposées au réseau dans ce document budgétaire ne sont pas
toujours incitatives ou réalistes. C’est ainsi que l’objectif fixé pour les
cofinancements en 2015 était en 2013 de 150 M€ alors que les résultats
de 2012 dépassent déjà 186 M€
38
.
La direction générale de la mondialisation (DGM) n’a pas pour
autant négligé les « analyses stratégiques » : les notes et brochures
relatives aux stratégies sectorielles et géographiques abondent
39
, bien que
leur statut et leur portée soient incertains. Au-delà de ces travaux, elle
assure la préparation des instructions et des plans d’action des
ambassadeurs pour leur volet culturel et la programmation des moyens
(ETP et « enveloppes » des postes) dite « stratégique » mais en réalité
annuelle et portant exclusivement sur les crédits d’État, qu’il incombe à la
mission du réseau de la direction des programmes et du réseau (DPR) de
la DGM de répartir. Cette entité, dont l’action en matière de soutien
administratif et financier est reconnue comme efficace par les postes,
compte près de 50 agents. Elle est la seule à appréhender le réseau public
dans son ensemble.
La DGM collecte des indicateurs mis en place dans le cadre du
contrôle de gestion (« fiches-budget pays »), confié à la mission des
programmes de la DPR. Ceux-ci étaient, soit insuffisants, soit non
exploités (cofinancements, manifestations, publics, boursiers, etc.). Cet
outil demeurait par ailleurs avant tout conçu comme un outil destiné à
l’administration centrale et non comme un instrument pour les postes. Le
ministère estime cependant pouvoir tirer un meilleur parti à l’avenir de
cet outil fiabilisé et entend demander aux postes un suivi plus régulier de
leurs résultats, notamment sur le plan qualitatif.
38
Le ministère prévoit désormais de relever cette cible à 170 M€ dans le cadre du
projet de loi de finances
(
PLF) 2014.
39
La DGM réalise certains travaux en commun avec les directions géographiques du
ministère, à l’exemple de la note DGM/DUE du 19 avril 2013 sur la stratégie de la
DGM en matière de coopération artistique et promotion des industries culturelles,
débat d’idées, médiathèques et politique du patrimoine ou de celle du 15 mai 2012 sur
la stratégie culturelle, linguistique et audiovisuelle en Afrique subsaharienne.
COUR DES COMPTES
48
La DGM est la seule direction du ministère à disposer d’une
structure officiellement consacrée à l’évaluation de la performance. Elle
réserve cependant les interventions de celle-ci aux programmes ou aux
instruments d’aide au développement et n’évalue ainsi les actions de
coopération culturelle et scientifique que lorsqu’elles sont financées au
titre du Fonds de solidarité prioritaire (FSP). Cette situation contraste
avec celle du
British Council
, qui alloue systématiquement 5 % du budget
de chaque projet à son évaluation et s’impose la définition préalable des
cibles d’audience, des objectifs, des résultats (
output
) et de l’impact
(
outcomes
) attendus. Il est indispensable que ces pratiques d’évaluation
soient étendues à l’action du réseau culturel.
Via la direction de la coopération culturelle, universitaire et de la
recherche (DCCUR) récemment créée
40
, la DGM assure également, sur
les opérateurs spécialisés, une tutelle dont la relative faiblesse ne manque
pas de se répercuter sur le réseau. Cette responsabilité s’est jusqu’ici
traduite par la mise au point du contrat d’objectifs et de moyens (COM)
de l’Institut français, conclu le 10 février 2012, et la préparation d’un
COM avec Campus France, qui doit être conclu avant la fin 2013. La
DGM établit chaque année des lettres d’objectifs destinées aux dirigeants
de ces opérateurs et organise une concertation régulière avec ceux-ci. La
DCCUR est parfois tentée de s’immiscer dans la conduite des actions
alors qu’elle devrait se concentrer sur sa mission essentielle : le pilotage
stratégique de l’action culturelle à l’étranger, l’exercice de la tutelle, les
relations avec les autorités ministérielles et avec le mouvement des
Alliances françaises. Elle conserve ainsi des responsabilités et des
moyens de gestion dans les domaines du cinéma, de l’audiovisuel, de la
langue française et du patrimoine, qui devraient relever des opérateurs. À
l’inverse, elle ne
répond pas à certaines attentes des opérateurs
spécialisés,
notamment
en
matière
de
définition
des
priorités
géographiques. Une telle situation diffère de celle du
British Council
, qui
se contente de sa Charte royale de 1936 pour ses objectifs structurants de
service public, et ne sollicite l’agrément du
Foreign&Commonwealth
Office
(FCO) qu’en cas d’opérations majeures.
Comme la Cour l’a déjà constaté, la DGM est une administration
dont l’efficacité pâtit de l’étendue de ses compétences. Sa dernière
réforme permet de mieux appréhender l’unité du champ de l’action
culturelle extérieure. Elle doit être poursuivie par un recentrage sur les
fonctions qui ne peuvent être assumées par d’autres ministères ou
déléguées aux opérateurs.
40
La direction de la coopération culturelle, universitaire et de la recherche (DCCUR)
résulte de la fusion en mars 2013 de la direction de la politique culturelle et du
français et de la direction des politiques de mobilité et d’attractivité.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
49
B - La mobilisation des opérateurs spécialisés
Le manque de stratégie formalisée n’entame pas le dynamisme des
acteurs locaux ou des opérateurs. Ainsi, pour plus de 90 % des postes, les
leviers mobilisables pour l’action culturelle se retrouvent essentiellement
dans l’équipe culturelle locale elle-même, les Alliances et, plus
généralement, les actifs culturels locaux.
La loi du 27 juillet 2010 n’a pas prévu de doter les deux opérateurs
de leur propre réseau. Ces derniers ont cependant fait preuve, dans la
limite de leurs compétences et de leur montée en puissance, d’initiatives
appréciées du réseau.
1 -
Campus France, une dynamique à poursuivre
Campus France, qui n’a été mis en place qu’après le décret
n ° 2011-2048 du 30 décembre 2011
41
, est chargé d’assurer la mobilité
étudiante et la promotion de l’enseignement supérieur français. Il maîtrise
ces problématiques tout en faisant preuve d’initiative. Si le contrat
d’objectifs et de moyens (COM) entre les deux ministères et Campus
France n’est pas encore signé, plus de 18 mois après avoir été annoncé
par son décret constitutif, l’établissement procède néanmoins à des
analyses détaillées des systèmes universitaires et de la mobilité étudiante
des grands pays ou zones géographiques, susceptibles de constituer des
outils d’aide à la décision pour les postes et la direction générale de la
mondialisation (DGM). L’opérateur entretient des liens étroits avec les
conférences d’établissements
42
. Il anime en outre le forum Campus
France auquel participent les universités et les grandes écoles. Le
professionnalisme de ses personnels, la pertinence de leurs propositions, y
compris pour des dossiers complexes dans le domaine scientifique et de la
recherche, sont, à cet égard, loués par ses partenaires ainsi que par les
postes.
2 -
L’Institut français, une montée en puissance inachevée
L’Institut français, dont un des quatre objectifs est, selon son
contrat d’objectifs et de moyens (COM), de « soutenir et développer
l’action du réseau culturel dans le monde », dispose en 2013 d’un budget
de 60,2 M€ (dont 39,5 M€ pour l’Institut français Paris et 20,7 M€ pour
41
Son conseil d’orientation, prévu par le décret de 2011, n’a même commencé à
fonctionner qu’à compter de mai 2013.
42
Conférence des présidents d’universités, conférence des grandes écoles, conférence
des directeurs d’écoles d’ingénieurs.
COUR DES COMPTES
50
l’expérimentation) et d’un effectif autorisé de 183 ETP. Sa montée en
puissance a été contrariée par les réductions des subventions dont il a été
l’objet dès 2012 (gel de 3 M€ pour 2012) et par sa difficulté à mobiliser
des financements extérieurs
43
. Son coût de fonctionnement atteint, en
2013, 13,7 M€, un montant supérieur de 50 % à celui de CulturesFrance
en 2009 (9,2 M€), ce qui tient au moins en partie à ses compétences
élargies. Les attentes des postes interrogés par la Cour à son égard portent
d’abord sur un soutien financier
44
. Hors expérimentation, l’Institut ne
dispose cependant que d’un budget d’intervention de 13,5 M€ tandis que
ses coûts de fonctionnement et de personnel représentent respectivement
35 % et 31 % de ses charges en 2013. Comme le regrette le ministère, il
ne consacrait ainsi qu’environ 14 % de son budget d’activités en 2012 à
des subventions directes au réseau public alors que son objectif était de
37,5 %.
L’Institut a réussi, dès sa première année d’existence, à trouver sa
place, aux prix parfois de quelques difficultés dans des pays, tels que
l’Argentine ou la Colombie, où la réputation des Alliances françaises était
particulièrement établie. L’apparition d’une marque commune, objectif de
la création du nouvel opérateur, a généralement facilité la conclusion de
partenariats, par exemple au Royaume-Uni avec certaines institutions
britanniques. Elle a néanmoins été considérée par la Fondation Alliance
française comme « un affichage ambigu »
45
en raison de l’absence de
liens formels entre l’Institut français et les instituts fusionnés. Si le
ministère a dû arbitrer quelques conflits locaux (Chine, Portugal, Brésil),
la crainte d’une « guerre des marques » évoquée par la Fondation
46
ne
s’est cependant pas concrétisée,
L’Institut français est également parvenu à proposer au réseau des
instruments
modernes,
notamment
des
plateformes
numériques
(bibliothèque numérique Culturethèque lancée en novembre 2012 et
catalogue IFCinéma de 160 films en ligne mis en place en juin 2011
notamment) ainsi qu’une pratique d’appel à projets fondée sur le double
critère de la qualité du projet et du cofinancement (recherche de l’effet de
levier). Nombre de ces initiatives ont été bien accueillies par le réseau -, y
compris par les Alliances françaises qui utilisent aussi ces outils -, mais
également par le ministère de la culture et de la communication (MCC),
43
Hors financement des saisons, l’Institut a mobilisé 2,6 M€ de cofinancement en
2012 et n’en prévoit que 2,5 M€ en 2013. Il n’est parvenu à bénéficier que de
197 000 € en 2012 au titre du mécénat alors qu’il en attendait 1 045 000 €.
44
Selon un décompte provisoire, les principaux bénéficiaires de subvention ont été en
2012 l’IF Afrique du sud (360 000 €), l’IF Allemagne (324 000 €), l’IF Madagascar
(266 000 €), l’IF Chine (177 000 €) et l’IF Russie (177 000 €).
45
Note de la Fondation Alliance française du 6 novembre 2012.
46
Rapport d’activité de la Fondation pour 2011.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
51
qui estime que l’Institut français a bien saisi le virage du numérique. Ces
outils sont cependant trop récents pour que le bénéfice puisse en être
entièrement mesuré.
Si elle est appréciée du réseau en matière de formation des agents,
l’intervention de l’Institut français n’est cependant pas sans susciter
quelques critiques de certains postes. Ceux-ci ont été initialement
déstabilisés par la procédure d’appel à projets, qui les met en concurrence
avec d’autres acteurs français ou étrangers. Ils évoquent une tendance
centralisatrice de nature à encadrer les initiatives locales. Ils estiment que
l’opérateur n’occupe pas suffisamment le terrain de la coopération
culturelle ou linguistique et qu’il demeure marginal sur le champ
universitaire, scientifique et de la recherche, ainsi que pour l’audiovisuel
et les médias.
Les postes, en réponse au questionnaire adressé par la Cour, ont
exprimé des attentes vis-à-vis de l’Institut. Ils souhaiteraient, en
particulier, qu’il contribue plus efficacement à la diffusion des bonnes
pratiques ainsi qu’au soutien des postes dans leurs recherches de
partenariat opérationnel (expertises, cofinancement de projets) et de
mobilisation des collectivités territoriales françaises. Pour eux, l’Institut
doit avoir avant tout un rôle de soutien logistique et de prestation de
service plutôt que de concepteur d’une programmation de leurs activités,
qui pourrait s’inscrire dans des conventions-cadre comme celles passées
avec le réseau au Maroc et envisagées en Allemagne.
Une telle position entretient l’ambiguïté sur la capacité d’initiative
de l’Institut vis-à-vis du réseau. Si la voie est étroite, l’Institut devrait être
encouragé à diriger l’effort dans les domaines prioritaires : formation,
développement des plates-formes technologique, relations avec le
ministère de la culture et de la communication (MCC) et les opérateurs
qui en dépendent. Dans cette configuration, après accord de son autorité
de tutelle selon des modalités précisées dans son contrat d’objectifs,
l’Institut français devrait pouvoir mener des actions impliquant plusieurs
postes du réseau.
C - La question de l’expérimentation du rattachement
de douze postes
1 -
Une expérimentation limitée dans ses principes
Par l’article 11 de la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action
extérieure de l’État, le législateur a souhaité que le rattachement du
réseau
culturel
public
à
l’Institut
français
fasse
l’objet
d’une
expérimentation. Imaginée à partir de l’été 2009 par le ministre pour
COUR DES COMPTES
52
surmonter les réticences rencontrées, cette disposition a eu pour objet
d’évaluer aussi objectivement que possible une idée récurrente dans les
travaux du Parlement, qui visait :
-
d’une part, à doter l’action culturelle extérieure d’un grand
opérateur ayant la capacité de piloter directement le réseau, afin
d’améliorer sa gestion, notamment en matière de ressources
humaines ;
-
d’autre part, à octroyer aux composants du réseau un nouveau
statut en tant que bureaux d’un établissement public industriel
et commercial (EPIC), afin de leur offrir une capacité d’action
supplémentaire, notamment en matière de levée de fonds et
d’attribution de subventions.
Cette expérimentation a conduit au « rattachement » à l’Institut
français de 12 postes du réseau public (renommés bureaux locaux de
l’Institut), sélectionnés en janvier 2011
47
, afin d’évaluer à partir de cet
échantillon les conditions concrètes d’un tel rattachement. Le ministère
des affaires étrangères a d’emblée souligné la difficulté résultant de la
dissymétrie entre les mandats respectifs de l’Institut français, contenu par
la loi de 2010, et des postes du réseau, plus larges (coopération
scientifique, coopération administrative, coopération universitaire, aide au
développement). Cette limite est reconnue tant par l’Institut français que
par Campus France.
La loi a prévu une durée d’expérimentation de trois ans et a
demandé au gouvernement de remettre, chaque année, aux commissions
permanentes compétentes des deux assemblées parlementaires « un
rapport
d’évaluation
prospective
des
résultats
de
cette
expérimentation »
48
. Ces rapports ont été produits comme prévu. Des
échanges avec l’ensemble des parties prenantes, il résulte que
l’expérimentation a été conduite conformément au cahier des charges par
l’ensemble d’entre elles.
47
Cambodge, Chili, Danemark, Émirats arabes unis, Géorgie, Ghana, Inde, Koweït,
Royaume-Uni, Sénégal, Serbie, Singapour.
48
Le décret n° 2010-1695 du 30 décembre 2010 relatif à l'Institut français a précisé le
calendrier de remise de ces rapports : avant le 31 mars 2011 pour le premier ; avant le
31 mars 2013 (au titre de 2012) pour le deuxième et avant le 31 octobre 2013 pour le
dernier (au titre de 2013).
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
53
Calendrier de l’expérimentation du rattachement du réseau
- Début officiel de l’expérimentation : 28 juillet 2010 (publication de la loi au
JORF)
- Création de l’Institut : 1
er
janvier 2011
- Désignation des postes expérimentateurs : 6 janvier 2011 (Cambodge, Chili,
Danemark, Émirats Arabes Unis, Géorgie, Ghana, Royaume-Uni, Inde,
Koweït, Sénégal, Serbie, Singapour) (Syrie exclue)
- Première réunion des COCAC expérimentateurs : 11 février 2011
- Deuxième réunion des COCAC expérimentateurs : 17 juin 2011
- Arrêté fixant le cahier des charges : 15 février 2011
- Premier rapport d'évaluation : mars 2011 (co-rédigé par le ministère et
l'Institut)
- Lancement du nouvel outil de gestion commun au réseau et aux 12 postes :
juillet 2011
- Formation comptable pour 50 agents de 12 postes expérimentateurs :
octobre 2011
- Formation des postes expérimentateurs au logiciel AGE : octobre 2011
- Nomination de l’agent comptable : arrivé à l’Institut le 1
er
novembre 2011
- Décret instituant les directeurs des bureaux de l’EPIC en qualité
d’ordonnateurs et donnant au président de l’IF la possibilité de nommer des
agents comptables secondaires
- Rattachement des 12 postes à l’Institut français : 1
er
janvier 2012
- Passage au régime de la comptabilité publique : 1
er
janvier 2012
- Note interne du secrétaire général du MAE (sur la base des réponses au
questionnaire adressé aux expérimentateurs dans la perspective du second
rapport d’évaluation remis au Parlement fin mars 2013) remis au ministre à
sa demande le 30 novembre 2012
- Deuxième rapport d’évaluation : 28 mars 2013
- Troisième rapport d’évaluation : attendu avant la fin octobre 2013
Source : Cour des comptes
L’expérimentation n’a cependant en fait été engagée qu’au
1
er
janvier 2012, lorsque les établissements à autonomie financière (EAF)
concernés ont été érigés en bureaux de l’établissement public à caractère
industriel et commercial (EPIC) et que les conditions techniques
minimales ont été réunies. L’expérimentation effective n’aura donc duré à
COUR DES COMPTES
54
ce jour qu’à peine 18 mois. Les douze premiers mois ont été consacrés à
la mise en place du cadre de l’expérimentation (logiciels, règles
comptables, etc.) et des acteurs (création
ex nihilo
de certains EAF et
mise en place de l’agence comptable). Il n’est donc pas possible
d’examiner à ce jour le fonctionnement des 12 bureaux locaux rattachés
sur un rythme d’activité normal.
Le protocole d’expérimentation conclu avec l’Institut a exclu,
conformément au cahier des charges adopté et pour préserver la
comparabilité avec les autres EAF, toute innovation ou prise de risque.
De plus, comme le reconnaît le ministère, la clause de réversibilité prévue
par la loi a limité les effets de l’expérimentation. Ce protocole s’est révélé
trop restrictif pour permettre l’élaboration expérimentale d’un nouveau
modèle économique pour le réseau.
2 -
Des résultats peu exploitables
L’analyse du fonctionnement des Instituts rattachés fait apparaître
une forte diversité dans les résultats obtenus. Des facteurs communs ont
pu être mis en avant, aussi bien positifs, telle la capacité nouvelle des
bureaux locaux à accorder des subventions, que négatifs, comme le risque
accru de fiscalisation des activités
49
.
La mise en place de l’expérimentation a été marquée par certaines
ambiguïtés, dues notamment au fait que le directeur du bureau local est
resté également conseiller culturel de l’ambassade, ou encore aux règles
nouvelles de mise en place des crédits. Cette situation a conduit à des
déceptions plus ou moins marquées au sein des postes expérimentateurs,
qui s’étaient portés volontaires pour cet exercice dans l’espoir de redéfinir
leurs modalités d’action. Sur le plan budgétaire, les dotations allouées aux
bureaux de l’établissement public à caractère industriel et commercial
(EPIC) ont continué d’être déterminées par le ministère des affaires
étrangères. Sur le plan comptable, la globalisation des lignes budgétaires
a cependant simplifié la gestion des bureaux locaux par rapport à leur
situation antérieure.
L’expérimentation étant réduite à des sujets comptables et
budgétaires, la situation des postes rattachés ne se différencie pas
fondamentalement de celle des postes qui demeurent sous l’autorité
directe du ministère, de telle sorte que les résultats de l’expérimentation
ne sont pas interprétables. C’est ce que confirme la deuxième auto-
évaluation établie par le ministère des affaires étrangères, sans véritable
concours de l’Institut français, et transmise au Parlement en avril 2013.
49
Ce risque s’est surtout matérialisé à ce jour dans des pays non expérimentateurs.
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
55
L’hypothèse du rattachement est considérée avec réserve par la Fondation
Alliance française, qui n’a pas été associée à l’expérimentation et craint,
dans cette perspective, un transfert à l’Institut de la gestion des agents
affectés par le ministère auprès des Alliances. Celle-ci fait valoir que le
rattachement priverait le réseau public d’une capacité à arbitrer
objectivement entre les Instituts et les Alliances. Ces craintes, déjà
fondées sur la situation résultant de la fusion réalisée entre service de
coopération et d’action culturelle (SCAC) et établissement à autonomie
financière (EAF), paraissent cependant excessives au vu des situations
localement constatées.
Une autre étude, récemment produite par la direction générale de la
mondialisation (DGM), évalue à 52 M€, sur le triennal 2014-2016, le coût
du rattachement de l’ensemble du réseau à l’Institut français, soit une
estimation inférieure à la fourchette de 55 à 75 M€, qui avait été avancée
dans une étude remise au ministre des affaires étrangères en 2010. Ce
montant
paraît
réaliste
mais
doit
être
interprété.
Concernant
principalement des charges de personnel, il a été calculé sur la base de
coûts instantanés pour le ministère alors que ceux-ci s’annulent sur le
long terme (c’est le cas des pensions des agents) et en prenant l’hypothèse
de la création de conseillers dans 15 ambassades, qui seraient rendus
nécessaires par la partition des responsabilités. Il n’a en revanche pas pris
en compte les économies potentielles que le rattachement permettrait
d’obtenir par une gestion plus dynamique du réseau (fermeture de postes,
utilisation de résidents, recrutement d’ADL).
Le résultat de l’expérimentation conditionne non seulement
l’avenir de l’Institut français, mais aussi celui du réseau. La fin de
l’expérimentation ne devrait pas conduire à un retour au
statu quo ante
mais permettre de relever plusieurs défis : l’exercice d’une tutelle
stratégique sur le réseau, les modalités des prestations des opérateurs, le
statut juridique du réseau et l’adaptation de la gestion des ressources
humaines aux objectifs poursuivis.
À l’inverse, le rattachement des établissements à autonomie
financière (EAF) à l’Institut français permettrait de résoudre plusieurs
problèmes mais ne serait, comme le reconnaît l’Institut français lui-
même, réalisable qu’à moyen terme. L’Institut ne dispose en effet pas
encore des capacités pour assumer une telle gestion, qui requerrait des
transferts importants et délicats de compétences et d’agents en
provenance de la direction générale de la mondialisation (DGM). Le
ministère aurait du mal à absorber le surcoût dans le cadre de son triennal
budgétaire 2013-2015.
COUR DES COMPTES
56
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Le réseau français demeure le premier réseau culturel à l’étranger
par le nombre de ses implantations et se présente comme un ensemble
composite. Son action doit en outre être conjuguée avec celle du réseau
des établissements scolaires français à l’étranger, lui-même le premier
au monde, et de nombreux opérateurs publics. Ne bénéficiant que d’une
part réduite du budget de l’action culturelle extérieure, il est confronté à
une érosion de ses crédits budgétaires, que ne compense qu’en partie un
recours croissant à des ressources externes.
Ce réseau subit une diminution régulière de ses effectifs, sans que
leur répartition, du point de vue de l’origine ou du statut des agents, ait
substantiellement changée au cours des dernières années. Les contraintes
de gestion liées à l’emploi majoritaire d’agents en contrat à durée
déterminée
ont
jusqu’ici
sérieusement
limité
les
tentatives
de
professionnalisation du réseau.
Le pilotage de l’action du réseau n’associe pas suffisamment les
ministères concernés. Le ministère des affaires étrangères a tenté
d’adapter son organisation centrale pour mieux appréhender le champ
du réseau. Il ne fonde cependant toujours pas son action sur une
démarche stratégique ou d’évaluation qui permettrait de mieux cadrer la
mission des acteurs locaux et des opérateurs spécialisés. Ces difficultés
ont été compensées par l’intervention des nouveaux opérateurs
spécialisés
et
le
dynamisme
des
postes pour
contribuer
à
la
modernisation de leurs propres outils.
Enfin, l’expérimentation du rattachement du réseau public à
l’Institut français a été trop brève et limitée pour produire des résultats
d’une portée significative. Trois ans après la loi qui l’a décidée, des défis
demeurent à relever.
Dans ces conditions, la Cour formule les recommandations
suivantes :
1.
poursuivre la démarche de professionnalisation des agents du
réseau, en la fondant sur une analyse des compétences requises
et des formations nécessaires ;
2.
améliorer le pilotage interministériel de l’action culturelle
extérieure sur la base d’une stratégie élaborée et mise en
oeuvre au sein d’une instance commune ;
3.
mettre en place une procédure d’évaluation des projets du
réseau culturel ;
LE CONTEXTE : LE RÉSEAU ET SES ACTEURS
57
4.
confier à l’Institut français et à Campus France le rôle
principal d’intermédiation entre les acteurs nationaux de leur
domaine respectif et le réseau ;
5.
permettre à l’Institut français de s’appuyer sur le réseau pour
mener des actions communes en le mentionnant expressément
dans son futur contrat d’objectifs et de performances.
Chapitre II
La capacité du réseau à renforcer
l’attractivité de la France
Objet régulier de l’attention gouvernementale
50
, l’attractivité de la
France est difficile à mesurer. Elle se manifeste par l’attachement des
élites locales à la langue ou à la culture françaises, à la mobilité étudiante
en direction des universités françaises et la place de la recherche française
dans le monde.
Si le réseau concentre l’essentiel de ses actions dans ces domaines,
le soutien des intérêts économiques reste un sujet à approfondir, bien
qu’il retienne l’attention croissante des autorités.
50
Cf. notamment, le séminaire gouvernemental du 7 février 2005 qui lui avait été
consacré.
COUR DES COMPTES
60
Graphique n° 2 : l’attractivité de la France, les différents domaines
d’action du réseau
Source : réponses des postes au questionnaire de la Cour des comptes à la
question relative aux actions qui leur paraissent les plus prioritaires
(en % des réponses).
I
-
La promotion du modèle français
A - La culture, atout maître de la diplomatie d’influence
En dépit des réserves du sénateur Adrien Gouteyron
51
selon qui
« le portrait flatteur que dressent certaines de nos ambassades à l’étranger
d’une France, « puissance économique moyenne mais hyperpuissance
culturelle », n’est pas convaincant », les tables rondes organisées par la
Cour, comme les rapports de nombreuses missions d’inspection des
postes par l’inspection générale des affaires étrangères (IGAE),
confirment que l’action culturelle, au sens large, est un levier important
pour l’image de la France. Les propos de l’ambassadeur de France en
51
Adrien Gouteyron - Rapport d´information sur
L’action culturelle de la France à
l’étranger
- Sénat (juin 2008).
21
2
7
9
29
1
47
27
8
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
61
Uruguay dans son rapport de fin de mission de novembre 2009, vont
d’ailleurs en ce sens : « si nous existons en Uruguay, alors que (…) le
français comme langue est en net recul, c’est parce que les élites et la
classe moyenne (ici dominante) ont un rapport affectif avec la culture
française, à travers une présence permanente dans la vie culturelle, le
rayonnement du lycée français (1 000 élèves) et de l’Alliance française
(…) C’est cette présence culturelle et scientifique qui nous fait exister sur
le plan politique et aussi économique. ».
Cette perception est corroborée par les rares analyses d’opinion
disponibles. Une étude réalisée en 2012 pour la BBC par la société
Globescan auprès de 25 000 personnes de divers pays montre que
l’influence de la France est considérée comme positive par 48 % des
sondés, 22 % la considérant comme « essentiellement négative » et les
autres ne se prononçant pas. Pour les sondés qui ont une position positive,
la France est perçue à travers le prisme de ses traditions et sa culture et
pour ceux qui ont une opinion négative à travers celui de sa politique
étrangère. Le sondage réalisé auprès de 13 000 personnes interrogées
dans douze pays par TNS Sofres pour l’AEF (France-Médias Monde) en
février 2012 sur l’image et l’attractivité de la France pour les étrangers
montre une image globalement positive, reposant davantage sur un goût
pour des « traditions culturelles », telles que la mode et la gastronomie
(70 % et 80 % des sondés reconnaissant l’excellence française dans ces
domaines), que sur l’idée d’une compétence dans les secteurs de pointe
comme l’aéronautique ou les télécommunications.
Les responsables du ministère des affaires étrangères (MAE) sont
conscients de l’atout que représente l’image de la France dans de
nombreux pays. L’orientation générale de l’action est cependant rendue
d’autant plus complexe que l’image de la France n’est plus mesurée par le
ministère comme il le faisait il y a quelques années, sur la base de travaux
périodiques des ambassades, le ministère n’ayant pas été convaincu de
leur apport. Il est nécessaire que les services de presse des ambassades
soient désormais associés à l’action du réseau, au-delà même de la simple
collecte des indices de l’activité culturelle (retombées dans les médias des
manifestations, etc.) qu’ils se bornent souvent à effectuer.
B - Un modèle à renouveler
Le modèle français est ambitieux, comme en témoignent les efforts
de promotion du patrimoine et des traditions nationales, aussi bien que
ceux de soutien à la création contemporaine. Comme le rappelle une note
récente du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, « nous
nous voyons alternativement comme des inventeurs, et comme les
COUR DES COMPTES
62
détenteurs du secret d’un certain mode de vie que le monde nous envie.
Nous
plaçons
successivement
nos
espoirs
dans
les
productions
traditionnelles et dans l’innovation radicale »
52
. L’action culturelle
française porte tant sur les efforts de restauration du temple Baphuon à
Angkor (Cambodge), pour un budget de 6 M€ entre 1996 et 2011, que sur
le soutien aux échanges entre galeries d’art contemporain de Paris et
Berlin. Pour les personnalités réunies par la Cour lors de tables rondes,
l’action culturelle de la France et de son réseau à l’étranger est jugée
parfois quelque peu passéiste, trop centrée sur le registre de l’émotionnel
et pas suffisamment liée à l’économie et à l’industrie. Un consensus
paraît se dégager dans les postes pour tenter de renverser l’image
traditionnelle sans négliger le capital immatériel accumulé.
En Turquie par exemple, ce sont les partenaires locaux du réseau
eux-mêmes qui appellent la France à se renouveler : « dès qu’on parle de
culture, on pense à la France qui a influencé de nombreux pays au plan
culturel. Mais aujourd’hui, il faut que la France change : le futur de la
culture, c’est la création, l’innovation et les industries culturelles. La
France doit apparaître plus ouverte sur le monde et pas seulement sur ses
anciennes colonies, et se renouveler. Les Néerlandais, les Anglais et les
Américains (qui dominent le monde des arts) sont les plus efficaces »,
indique une fondation turque.
Le modèle, centré sur un réseau d’établissements français de
qualité et sur la défense de la langue, semble certes éprouvé, mais sa
pertinence n’est pas assurée par rapport aux objectifs nouveaux. Dans son
rapport précité, Mme Julia Kristeva-Joyaux relevait que « le réseau
culturel français souffrait d’une approche souvent très traditionnelle de la
réalité socio-culturelle mondiale ». Il n’existe pas en effet de corrélation
forte entre les pays émergents et les pays francophones, ce qui appelle à
inventer de nouveaux instruments. En Turquie, par exemple, la priorité
donnée à l’Université de Galatasaray trouve ses limites : son vivier est
plus restreint, la maîtrise du français par les étudiants décline, et surtout
elle capte des moyens budgétaires qui permettraient de lancer des
partenariats avec d’autres universités en pointe, notamment sur la
recherche et les sciences.
Cette nécessité de rajeunir la perception de la culture française sans
sacrifier la valeur patrimoniale de notre offre culturelle, également
identifiée par les postes, aussi bien dans les pays sans grande tradition
francophile (Inde) que dans ceux où la France disposait d’un capital
52
Contribution au séminaire gouvernemental du 19 août 2013 « Quelle France dans
dix ans ? ».
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
63
aujourd’hui en déclin (Mexique), représente un enjeu décisif des
prochaines années.
II
-
La relativisation du rôle de la langue
A - La situation menacée de la langue française
La langue française, qui constitue la base du modèle français
d’action culturelle extérieure depuis la seconde guerre mondiale, demeure
une priorité réaffirmée dans le Livre blanc de 2008. Elle continue d’attirer
un important public, notamment dans les écoles et les lycées français
(croissance de 5 % par an) ou dans les Alliances françaises (progression
de 9 % entre 2009 et 2011). Pour les postes interrogés par la Cour, elle
demeure clairement la première modalité d’action du réseau à l’étranger.
Selon les documents budgétaires, le nombre d’élèves inscrits dans
des sections scolaires bilingues dans le monde est passé de 1,43 million
en 2008 à 1,67 million en 2012 (+ 17 %) mais cette progression semble
tenir à l’évolution des modes de comptabilisation. Si les inscrits aux cours
de langues des établissements à autonomie financière (EAF) et des
Alliances sont, de leur côté, passés de 815 500 en 2009 à 1 075 000 en
2012 (+ 32 %), le nombre d’heures de cours correspondantes (45 millions
en 2012) n’a progressé que de 10 %. Selon la Fondation, le nombre
d’heures et d’apprenants a même baissé en 2012, respectivement de 6,3 %
et de 5,2 % en 2012. Là encore, ces données doivent être prises avec
prudence en raison des modes de comptabilisation, notamment au sein
des 86 % des Alliances qui ont une activité d’enseignement du français.
Le nombre de candidats aux certificats de langue française a connu une
évolution de même ordre (+ 44 %), passant de 331 000 en 2009 à 478 000
en 2012.
La géographie des cours de langue française peut parfois
surprendre car elle est fonction de paramètres particuliers (pouvoir
d’achat local, volonté d’émigrer, etc.). Elle est ainsi forte au Bangladesh
où les deux Alliances françaises de Dhaka et de Chittagong jouissent
d’une grande visibilité, ou au Botswana où les cours de langues dispensés
par les Alliances françaises ont progressé de 40 % en trois ans en raison
des perspectives économiques en Afrique francophone. Au Koweït, la
francophonie apparaît également en expansion depuis quelques années.
En revanche, la baisse de 7 % du nombre d’heures dispensées par les
Alliances en 2012 est interprétée comme la conséquence du durcissement
de la politique d’immigration du Québec.
COUR DES COMPTES
64
Selon l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), il
existe 900 000 professeurs de français et plus de 100 millions d’élèves et
d’étudiants francophones dans le monde. Le ministère des affaires
étrangères (MAE) estime que le nombre de locuteurs quotidiens en
français pourrait passer de 220 millions actuellement (dont près de la
moitié en Afrique) à environ 500 millions en 2050 du fait des prévisions
de croissance démographique en Afrique. Pourtant, selon les ambassades,
la francophonie régresse néanmoins dans de très nombreux pays,
notamment d’Afrique et de l’OCDE. Elle occupe d’ailleurs un rang
modeste dans les nouveaux médias
53
et la couverture des télévisions et
des radios françaises est menacée dans nombre de pays.
Francophonie, les indices d’un déclin
Certaines illusions méritent d’être dissipées. Selon un ancien
ambassadeur en poste à Hanoï, le Vietnam n’a jamais été un pays
francophone, ne comptant que 300 000 locuteurs dans un pays de 90 millions
d’habitants. Historiquement, les grands lycées français n’ont été fréquentés
que par les colons et les élites locales. L’importance de la francophonie au
Vietnam n’est qu’apparente, même si l’OIF y a implanté son bureau régional
à Hanoï.
En Tunisie, la francophonie est, selon le ministère, « fragilisée par
l’insuffisance du niveau de l’enseignement général de masse et la
désaffection vis-à-vis des médias francophones », ce qui ne laisse que 30 %
de francophones réels en 2012 selon l’ambassade.
En Israël, l’ambassade reconnaît « une francophonie exceptionnelle
(un Israélien sur 10) mais en déclin, faute de relais ».
En Géorgie, l’ambassade indique, dans son plan d’action de 2008, que
« le mythe d’une Géorgie francophone, membre observateur de l’OIF, ne
saurait faire illusion : le français disparaît parce que le choix du tout anglais a
été fait par ce pays qui aspire à devenir le représentant dans le Caucase du
modèle américain ». Malgré un schéma de relance, l’ambassade indique dans
un nouveau plan d’action en 2012 que « la langue française est en grave
recul ».
En Russie, le plan d’action indique en 2010 que si le français demeure
la 3
ème
langue enseignée en Russie, elle connaît une « baisse préoccupante »,
ayant perdu 750 000 apprenants en 10 ans.
53
Selon l’UIT en juin 2012, le français n’est que la 9
ème
langue sur internet (avant le
coréen) alors qu’il représente le 4
ème
contingent de locuteurs en première langue.
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
65
En Biélorussie, le français demeure également la 3ème langue étudiée
(4,5 % de la population, soit environ 40 000 élèves). Mais, selon le constat
fait en 2009, « l’érosion de notre langue au profit de l’anglais est
particulièrement sensible dans les zones rurales ».
En Ouzbékistan, le français est jugé en 2010 en net déclin par le
ministère avec une « baisse inquiétante du niveau des professeurs de français
dont près de 95 % ne sont jamais allés en France ».
De même, ce repli de l’usage du français est fréquemment constaté
lors des missions de l’inspection générale des affaires étrangères (IGAE) : en
Albanie en octobre 2010, ou à Malte en novembre 2010, au Burundi en
décembre 2011 ou en Angola en janvier 2012. Il décline en Australie en
février 2011, du fait de la fermeture de nombreux départements de français
dans les universités et de la forte concurrence de l’apprentissage des langues
asiatiques ou au Portugal en janvier 2012 en raison de son déclin dans le
système scolaire.
Même dans des bastions supposés comme le Sénégal, le français,
langue officielle, n’est maîtrisé, selon une évaluation optimiste, que par un
tiers environ de la population âgée de plus de dix ans.
En Haïti, pays francophone, « notre langue n’y est parlée que par une
petite minorité et doit faire face à la concurrence de l’anglais et de l’espagnol,
alors que la langue d’usage commun est le créole ».
Au Cambodge, « notre langue a connu un fort recul (...). Elle est
aujourd’hui assez largement supplantée par l’anglais qui est davantage
pratiqué dans la région. L’insertion régionale du Cambodge et sa
participation à l’ASEAN, largement anglophone, jouent dans le sens d’un
recul du français. (…). Notre langue [y] occupe ainsi une place assez
paradoxale. Aujourd’hui on estime que moins de 3 % de la population parle
notre langue ; celle-ci est pourtant pratiquée par la moitié environ des
membres du gouvernement ».
Dans le cas du Royaume-Uni, le français est, par tradition, la langue la
plus enseignée. Toutefois, depuis près d'une dizaine d'années, le nombre
d'élèves choisissant de présenter le français aux examens scolaires GCSEs et
A-Levels (Standard grades) n'a cessé de décroître à un rythme de plus de 7 %
par an. Si en 2000, plus de 341 000 GCSE en français étaient passés, ils
n’étaient plus que 141 000 en 2011. Une baisse moins prononcée est
constatée pour les A-Levels, passant de 13 300 en 2004 à un peu moins de
12 000 en 2011. L'absence d'obligation d'enseignement des langues vivantes
étrangères en dehors des trois premières années de l'enseignement secondaire
(il n’y a aucune obligation en Ecosse) explique ce recul continu et laisse
entrevoir une stabilisation. L'allemand a au demeurant subi une érosion plus
COUR DES COMPTES
66
importante encore. Seul l'espagnol consolide régulièrement ses positions
comme dans le monde entier. La promotion du français doit ainsi faire face à
un contexte très difficile dans une société où l'appétence pour les langues
étrangères reste limitée à une élite sociale et intellectuelle scolarisant ses
enfants dans les grandes institutions privées. Peu à peu, le français se trouve
placé dans une position de « niche » et de marqueur social fort.
Source : Cour des comptes.
Une des clés de la présence de la langue française est son statut
dans le système scolaire ou universitaire local, pour peu qu’il soit
efficace. Au Brésil, le français demeure une langue facultative dans le
système scolaire, ce qui plafonne de fait le nombre de ses apprenants à
environ 250 000 en 2011 dont 35 000 dans le réseau des Alliances. En
Corée du sud, une baisse du nombre d’apprenants est intervenue depuis
l’abandon de l’enseignement d’une seconde langue obligatoire en 2000
(division par 6 : 46 000 en 2011 contre plus de 280 000 en 2000). Aux
Émirats Arabes Unis, la langue française a disparu des programmes
officiels. À l’inverse, au Nigéria, l’intention du chef de l’État d’ériger le
français en deuxième langue officielle favorisera sa diffusion dans
l’enseignement local. En Chine, les 104 départements universitaires de
français qui drainent plus de 100 000 apprenants constituent un centre
d’attention du poste.
Cependant, les postes n’ont pas toujours tous les leviers d’action
pour promouvoir le français dans le système scolaire local.
B - La nécessité d’un soutien plus différencié
Si, comme l’indique l’ancien responsable de CulturesFrance, la
langue française est un « marché d’avenir », notamment en Afrique et au
Maghreb, où la démographie joue théoriquement en sa faveur, la quasi-
totalité des pays émergents ne sont pas des bassins francophones et les
perspectives y sont limitées. La direction Asie admet qu’en Chine, au
Pakistan ou à Singapour, la promotion de la langue ne peut être
l’instrument privilégié de l’action culturelle.
Il ne s’agit naturellement pas, alors que vient d’être adopté un
« plan d’actions pour la francophonie » en octobre 2012, de renoncer à sa
promotion. Dans certains pays asiatiques anglophones (Bangladesh,
Australie, Birmanie, Brunei ou Malaisie), la direction d’Asie considère,
par exemple, que celle-ci doit être conservée comme l’une des priorités ;
de même, la direction d’Europe continentale estime que la francophonie
doit être activement soutenue en Albanie, en Biélorussie, en Géorgie, au
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
67
Kazakhstan, en Macédoine, en Russie, en Serbie et au Turkménistan. Il en
va ainsi en Inde, où la francophonie est considérée comme un atout : le
français demeure, après l'anglais, la langue étrangère la plus enseignée
dans les écoles et les universités, le plus souvent privées, qui sont celles
qui se développent le plus rapidement. 1,25 million d'élèves et d'étudiants
indiens apprennent notre langue alors que l'allemand suit à distance avec
150 000 élèves.
Pour nombre de postes, la politique de promotion de la langue est
au coeur de la stratégie française d’influence et étroitement liée aux autres
enjeux de l’attractivité française. Directement, elle favorise la proximité
avec notre pays, sa culture et ses valeurs ; indirectement, elle permet les
échanges dans tous les domaines et facilite notamment la mobilité
universitaire vers la France, les partenariats scientifiques et, au-delà, les
partenariats et échanges industriels et commerciaux. L’ambassade de
France en Indonésie, précisait que ces trois axes « se comprennent
comme étant intégrés à notre offre de coopération : la coopération
universitaire encadre et permet la mobilité ; elle se nourrit de la
coopération scientifique qui donne des perspectives à plus long terme ; en
amont, elle repose sur notre capacité à faire de la langue française une
langue de choix pour les étudiants indonésiens, en tant que langue d’accès
à des savoirs et des métiers ».
La France, estimant que le soutien à la francophonie s’inscrit aussi
dans une logique d’aide au développement, finance plusieurs fonds de
solidarité prioritaire (FSP) de cet ordre sur le programme 209, comme par
exemple au Cambodge (FSP mobilisateur « Valorisation du français en
Asie du Sud-est »), au Kenya (FSP « Appui au développement du
français » de 2 M€ clôturé à l’été 2012), en Angola (FSP ADELFA de
840 000 €) ou au Burundi (FSP « Projet d’appui à la rénovation de
l’enseignement supérieur » et FSP « Promotion de la langue française »).
Privilégiant les approches régionales et les finalités professionnelles, le
ministère finance un FSP « Solidarité avec la jeunesse des pays du sud de
la Méditerranée (Algérie, Egypte, Libye, Maroc, Tunisie) » et s’apprête à
lancer un FSP « 100 000 professeurs pour l’Afrique ». Il vise désormais
plus la coopération éducative que la coopération linguistique. Il est
cependant manifeste que les résultats dans ce domaine passent avant tout
par l’action des institutions multilatérales.
Tout en envisageant la poursuite de l’effort de défense de la
francophonie en tant que vecteur de la culture et des valeurs françaises,
cette concentration sur la promotion de la langue ne répond pas toujours
aux attentes.
COUR DES COMPTES
68
Le Livre blanc de 2008 et plusieurs observateurs qualifiés
54
ont au
demeurant souligné l’importance de la traduction d’oeuvres et de travaux
français en anglais, afin de permettre leur plus large diffusion. Sur ce
point, le délégué général à la promotion de la langue française relève
qu’au côté du plan de soutien à la traduction mis en oeuvre par le Centre
national du livre, le programme d’aide à la publication porté par l’Institut
français constitue un bon instrument.
La maîtrise de la langue française, souvent présentée comme une
clé impérative à l’accès à l’enseignement supérieur français, dissuade
certains étudiants de venir faire leurs études en France. L’organisation de
sections trilingues et de cours en anglais dans les universités françaises
répond, d’ailleurs, à une attente forte comme l’ont souligné les postes
interrogés par la Cour.
Dans certains pays, des enseignements ont été tirés de cette
situation. Au sein de l’Université française d’Hanoï, l’enseignement peut
être fait en anglais car les doctorats en France se font dans cette langue.
En Argentine, le plan d’action de 2007 propose de prendre acte de la
« quasi disparition » du français du système d’éducation publique pour
porter attention aux demandes très spécialisées de publics spécifiques
(médecins ou étudiants en sciences sociales), conduisant à supprimer le
poste d’attaché de coopération pour le français et à déléguer à l’Alliance
française certaines actions de coopération linguistique. Aux Émirats
Arabes Unis, les partenaires émiriens de la Sorbonne d’Abou Dhabi, par
ailleurs uniques financeurs, manifestent une forte attente en direction
d’un enseignement en anglais.
Ces évolutions appellent une attitude plus pragmatique fondée sur
une approche linguistique plus adaptée aux élites non francophones, qui
constituent la catégorie majoritaire dans de nombreux pays à enjeux.
III
-
La rationalisation de l’offre artistique
A - Une offre importante mais hétérogène
La France conserve un fort pouvoir d’attractivité artistique, du fait
notamment de l’existence de plus de 300 structures culturelles publiques
sur son territoire. Ainsi est-elle par exemple, selon l’ambassadeur de
France à Buenos-Aires en 2009, « la référence par excellence pour les
artistes argentins et le public d’Argentine ».
54
Par exemple, Anne Gazeau-Secret
op.cit.
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
69
Les postes affichent souvent un dynamisme remarquable dans la
mise en place d’opérations visant à renforcer l’attractivité de l’offre dans
ce domaine. Le ministère affirme ainsi soutenir 50 000 manifestations
annuelles
55
. Ce foisonnement peut conduire à un certain « saupoudrage »,
pour reprendre l’expression de l’inspection générale des affaires
étrangères dans ses observations sur le Canada (2010) ou l’Irlande (2012).
Cette dispersion des moyens peut aboutir à des déceptions telles que celle
du Festival du cinéma français organisé à Alger en 2012, où plusieurs
réalisateurs invités, pour un coût de 65 000 €, sont intervenus devant un
public quotidien de 30 personnes. Elle peut conduire à évoquer
« l’agitation fébrile d’une agence de spectacles, dont les manifestations
éphémères ne laissent aucune trace, tout au plus reste-t-il le vague ou
l’émouvant souvenir d’une lueur »
56
, si elle n’est pas contrecarrée.
L’Institut français contribue à cette dispersion en sélectionnant, faute de
moyens, des spectacles à moindre coût produits par de petits ensembles, à
la visibilité encore modeste. L’objectif implicite du réseau parait plus
être, dans ces cas, de soutenir de petites structures françaises (compagnies
artistiques locales, artistes débutants) que de maximiser la visibilité de
l’action culturelle, au risque d’une présence « symbolique », faite
d’évènements culturels qui n’attirent qu’un nombre infime de personnes.
Bien que rangées dans la même catégorie, ces manifestations ne
peuvent s’apprécier uniquement en fonction de l’importance du public
mais doivent être mise en regard de critères aujourd’hui absents.
En Chine, en 2012, le poste a comptabilisé 779 466 spectateurs
dont 521 554 au titre du Festival Croisements, 240 000 au titre de
l’exposition Abysses et 10 370 au titre du festival du film francophone.
Mais comment peuvent être appréciés les 80 participants à la journée
scientifique consacrée au cancer du sein ou les 35 participants au
séminaire sur l’usage du français dans les sciences ? Comparé au
continent, le poste de Hong-Kong dénombre en 2012 un nombre très
élevé de spectateurs des manifestations auxquels il a contribué :
2 085 983, soit près de 30 % de la population du territoire, la plupart dans
le cadre des manifestations du French May (Festival de cinéma,
exposition de sculpture de Nathalie Decoster, exposition Chefs d’oeuvre
de Picasso, etc.). Il enregistre aussi 70 participants au concours de
chansons interuniversitaires et 50 au concours oratoire du Delta des
Perles. En Allemagne, le nombre cumulé de spectateurs en 2012 peut
apparaître relativement modeste par rapport à l’importance du réseau dans
ce pays : 285 052 dont 250 000 au titre du Festival FrancoMusiques et
55
Soit environ cinq fois plus que le
Goethe Institut
et 20 fois plus que le
British
Council
.
56
Xavier North
op.cit.
COUR DES COMPTES
70
10 000 au titre de la Semaine du cinéma français de Berlin. Que valent en
regard les 80 participants au débat sur Frédéric-II à l’Université de
Postdam, et les 50 autres à la présentation du manuel d’histoire franco-
allemand à Leipzig, etc.?
Par ailleurs, les manifestations « de prestige » demeurent toujours
apparemment appréciées, telles les tournées de la troupe « Royal de
luxe » en Amérique latine en 2010, au risque de conduire, dans certains
cas, comme en Roumanie en 2010, à un dérapage budgétaire en raison de
la sous-estimation des coûts et de la surestimation des apports de
mécénat. Au nombre des manifestations de grande ampleur, il convient de
citer l’exemple de l’Australie, où le poste et les Alliances françaises
locales parviennent à mobiliser chaque année 100 000 spectateurs pour un
Festival annuel de cinéma, largement financé par des mécènes. De même,
à Londres, la saison
Paris Calling Performing Arts
organisée par l’Institut
français du Royaume-Uni (IFRU) a accueilli plus de 50 000 spectateurs
pour un budget de 140 000 £, dont 45 000 £ provenant d’une subvention
de l’Arts Council et autant de la Commission européenne. De tels projets
ne sont pas sans risques. Ainsi, tout en étant un succès, le festival
« Bonjour India » de 2010 a asséché les possibilités de cofinancement
locales, et son déficit a dû être comblé par une subvention du ministère de
1 M€, sans que le bilan qu’appelait de ses voeux l’IGAE en 2011 ait été
réalisé.
La seconde édition de «
Bonjour India »
Organisé par la France en 2012-2013, le festival « Bonjour India » a
représenté un budget de 3,8 M€, dont moins de la moitié provenant de fonds
publics (742 000 € de l’Institut français en Inde, 180 000 € de soutien de
l'Institut Français de Paris, 112 000 € cofinancées par des collectivités locales
et
l'Institut français de Paris). Ainsi, 60 % du coût a été couvert par
des
fonds privés, soit 2,28 M€, chiffre sans précédent et plus de trois fois
supérieur à la première édition de « Bonjour India » en 2010.
Avec l’appui du réseau des Alliances françaises, 15 villes indiennes
ont abrité plus de 50 événements spécifiques (soit 150 manifestations)
montrant le savoir-faire français dans le domaine culturel : spectacles
artistiques (tournée du ballet contemporain Preljocaj, création d'une pièce
consacrée à Marguerite Duras par le metteur en scène Eric Vigner),
manifestations littéraires et intellectuelles (présence de Tahar Ben Jelloun et
Kénizé Mourad), colloque de la francophonie, rassemblements d'étudiants.
Le
dernier
spectacle
de
« Bonjour
India »
a
rassemblé
plus
de
16 500 personnes.
Source : Cour des comptes / Institut français d’Inde.
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
71
L’évolution de l’offre et de la demande artistiques justifie une plus
forte différenciation de l’implication des postes. Dans certains cas, le
réseau porte lui-même des actions de manière volontariste, en tant
qu’opérateur direct. Dans d’autres, il est conduit à adopter une logique
plus opportuniste pour accompagner, voire à exploiter judicieusement,
des événements locaux ou des opérations de certains partenaires,
programmées de manière indépendante. Ceci conduit les postes à
développer leurs actions dans des directions différentes : d’une part,
l’organisation d’événements d’envergure croissante (« Bonjour India »,
« Croisements » en Chine, « French May » à Hong-Kong) à forte
visibilité, inscrits dans un calendrier politique et dans lesquels le
financement budgétaire est minoritaire ; d’autre part, le montage
d’opérations devenues modestes en raison de la faiblesse des budgets
d’intervention, comme dans les Instituts français de Turquie, des Émirats
Arabes Unis ou de Munich.
La question n’est pas tant la taille des opérations soutenues que
celle de leur intérêt et de leur impact. Sans méconnaître l’intérêt en soi de
la diversité artistique, les postes devraient avoir une attitude plus
différenciée, en distinguant plus clairement les initiatives qui, présentant
un intérêt majeur, exigent une forte mobilisation de leur part, des
opportunités qui peuvent se présenter à eux et méritent d’être simplement
étudiées.
B - « Saisons » et « années croisées », une formule à
évaluer
Mis en oeuvre depuis 1985, le mécanisme des « saisons » et des
« années
croisées »
constitue,
selon
les
termes
d’un
rapporteur
parlementaire
57
, « un outil original, éprouvé et plébiscité à l’étranger,
mais aussi un mode privilégié de rapprochement étatique ». Selon le
ministère des affaires étrangères (MAE), il constitue un bon moyen de
valoriser l’offre nationale, d’en élargir le champ et d’obtenir une forte
visibilité médiatique. L’année de la France au Brésil en 2009 illustre le
succès de ce type d’action. Des années croisées France-Corée du sud sont
prévues pour 2015-2016.
Ce dispositif est mis en oeuvre par l’Institut français, sans pour
autant être inscrit dans la loi de 2010 ou dans sa lettre de mission. La
plupart des acteurs, à Paris (Comédie-française par exemple) et dans les
postes, apprécient une gestion facilitée, au sein de l’Institut français,
57
Jean Roatta, Assemblée nationale, avis sur le PLF 2012,
Action extérieure de
l’État, rayonnement culturel et scientifique
(octobre 2011).
COUR DES COMPTES
72
grâce à son pôle spécialisé et ses chargés de mission. Le ministère de la
culture et de la communication (MCC) est associé au cycle de préparation
(séminaire tenu avec l’Institut français en octobre 2012). Cependant, ce
dispositif recueille un certain nombre de critiques, qui soulignent une
« fausse réciprocité » : utile par sa visibilité politique forte, il est exposé
aux relations bilatérales, comme le montre l’échec des saisons de la
Turquie et du Mexique. Les rapports des commissaires généraux désignés
pour la circonstance sont utiles mais correspondent souvent à des auto-
évaluations et ne sont pas analysés de manière formelle.
Les « saisons » et « années » laissent par ailleurs peu d’initiatives
aux postes, tout en convenant de moins en moins au calendrier des grands
opérateurs français, car elles sont difficiles à intégrer dans la logique de
programmation d’établissements comme le Centre Georges Pompidou.
Elles se révèlent, par ailleurs, d’un rapport coût/efficacité variable (Année
de la France en Chine 2005).
L’année de la France en Chine (2004/2005)
L’année croisée avec la Chine se présentait comme une première.
Selon le commissaire général, cet exercice visait un triple objectif :
- politique, en ayant été décidé par les deux chefs d’État en 1999 et
illustrant le partenariat stratégique entre les deux pays ;
- économique, en visant à améliorer l’image de la France auprès des
décideurs et des consommateurs chinois, ce qui a justifié un mécénat
d’entreprises françaises de 22 M€ (soit 60 % du budget) ;
- culturel, en favorisant la connaissance mutuelle des cultures et
l’expression de leur diversité.
Le thème retenu pour la France en Chine a été celui de la « France
créative » (esprit de fête, esprit de création, esprit d’innovation). Plus de 300
manifestations ont été organisées dans une vingtaine de villes en Chine (dont
237 aidées) pour un budget de 36,9 M€
58
pour l’année de la France en Chine.
Le financement public de l’Année de la France en Chine s’est élevé à
14,9 M€, dont 4,6 M€ pour le ministère des affaires étrangères (MAE) et
l’a
ssociation française d’action artistique (
AFAA), et 3,8 M€ pour le
ministère de la défense (déploiement de la Patrouille de France).
58
Dont 10,8 M€ pour les grands évènements (3,8 M€ pour la Patrouille de France,
3,4 M€ pour le concert de J-M. Jarre), 6,0 M€ pour les expositions artistiques (1,6 M€
pour mes Impressionnistes), 2,2 M€ pour les arts de la scène, 2,2 M€ pour le
cinéma/audiovisuel/littérature, 3,7 M€ pour l’art de vivre/design/architecture, 8,1 M€
pour les sciences et techniques (dont 1,4 M€ pour un salon Cosmopolis et 1,2 M€
pour des salons Ubifrance) et 2,4 M€ pour l’organisation/logistique/communication.
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
73
Deux manifestations « populaires » ont été organisées (concert de Jean-
Michel Jarre à la Cité interdite pour 20 000 spectateurs et pique-nique de
60 000 personnes sur la Grande Muraille, ce dernier « n‘ayant finalement pas
répondu aux espoirs qui avaient été placés en lui »). Les programmes
culturels
59
ont
été
accompagnés
de
manifestations
scientifiques,
technologiques et universitaires.
Le commissaire général énumère les difficultés qu’il a rencontrées sur
le théâtre parisien – plus auprès des administrations ou du comité de mécènes
français que des opérateurs culturels – mais se félicite de l’appui de
l’Ambassadeur et du s
ervice de coopération et d’action culturelle (
SCAC)
en Chine, les services économiques locaux restant en retrait.
Si la presse locale a rendu compte des manifestations et de leur esprit
(parfois de manière critique pour la presse française présente en Chine), le
commissaire général reconnaît qu’aucune mesure d’image par enquête
d’opinion n’a été effectuée, avant et après, pour comparer l’image des deux
pays dans les opinions. Il estime qu’« une dizaine de millions de Chinois
dans une vingtaine de villes »
60
ont été touchés par les manifestations. Le
commissaire général s’est efforcé d’allier l’évènementiel à la préoccupation
du long terme (résidences, coproductions et échanges croisés). Dans ce cadre
ont été inaugurés le Centre culturel français à Pékin, l’Institut Pasteur à
Shanghai et l’Ecole centrale de Pékin.
Ainsi le commissaire général estime-t-il avoir oeuvré à « une
contribution durable à la promotion de la diversité et du dialogue entre les
civilisations ».
Source : Cour des comptes d’après rapport de fin de mission du Commissaire
général – octobre 2005
59
Expositions «
Les trésors impressionnistes des collections nationales françaises
»,
«
Napoléon
», «
Louis-XIV
», tournées du ballet de l’Opéra de Paris, rétrospectives
Pierre & Gilles et Yan Ming PEI, festival Transmusicales à Pékin pour 20 000
spectateurs, spectacles, pyrotechniques du Groupe F.
60
Trois millions pour l’exposition d’art contemporaine de Jinan (Shandong), deux
millions pour le spectacle Parade à Hong-Kong, près d’un million à Pékin, Shanghai
et Hong-Kong pour l’exposition sur les Impressionnistes.
COUR DES COMPTES
74
C - Le réseau en attente d’une information sur la scène
artistique
Les opérateurs spécialisés sont donc bien impliqués dans cet effort
de promotion de la culture française. En dehors même des années et des
saisons croisées, l’Institut français de Paris cofinance de nombreux
évènements du réseau. Ainsi, au Maroc, six des événements de la Saison
culturelle France-Maroc ont bénéficié d’un financement de l’Institut et
des conseils de ses experts sectoriels lors de la construction de sa
programmation. Cette action de promotion de l’excellence française en
matière artistique est un succès public depuis sa première édition en 2011.
Pour sa part, Campus France participe à l’attractivité artistique en
développant le réseau « CampusArt », accessible depuis son site Internet,
qui présente près de 200 formations différentes, dans une soixantaine
d’écoles et d’universités françaises offrant des filières artistiques (design,
mode, cinéma, architecture, arts plastiques, musique, communication
visuelle, photographie, danse, théâtre, muséologie).
Cependant,
les
postes
déplorent
le
manque
d’information
actualisée sur l’offre artistique nationale qui leur permettrait de la
promouvoir de façon plus efficace dans les pays où ils sont implantés,
comme le montrent les réponses au questionnaire de la Cour. Ainsi, un
poste étoffé et géographiquement proche comme celui du Maroc indique
attendre des acteurs centraux une information sur l’offre nationale. Ce
constat montre que l’Institut français doit pouvoir mieux assumer la
mission que lui a fixée la loi de 2010 dans ce domaine. Il indique étudier
actuellement la mise en place d’un fil « culture à l’international ».
IV
-
La modestie de l’appui à la coopération
scientifique
A - De nombreux acteurs au service de la diplomatie
scientifique
Le réseau s’est engagé dans le soutien de la coopération
scientifique depuis 1969. Il compte ainsi environ 150 attachés
scientifiques. Cette dimension est importante, notamment dans des pays
où, comme le reconnaissait l’ambassadeur de France au Chili dans son
rapport de fin de mission en 2008, « la coopération scientifique et
technique est le principal levier de notre influence dans ce pays où la
francophonie est moribonde ».
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
75
Le ministère a tenté, en janvier 2013, de formaliser son action par
un concept de « diplomatie scientifique », appliqué à différentes régions :
coopération avec les pays de l’OCDE et les émergents ; encouragement à
la formation des élites scientifiques du Sud ; appui à la construction d’un
espace euro-méditerranéen ; contribution aux coopérations régionales en
Afrique. Ce document fait, néanmoins, l’objet de réserves dans le monde
scientifique, qui estime ne pas avoir été suffisamment associé à sa
rédaction (MESR et grands opérateurs) et n’en voit guère la portée
pratique. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
(MESR) ne se reconnaît pas dans le concept, car il considère que les
chercheurs et les institutions scientifiques sont autonomes et fonctionnent
eux-mêmes en réseau.
Les opérateurs de recherche spécialisés dans le développement font
partie intégrante du réseau. En Amérique latine, par exemple, les
ambassadeurs présentent l’Institut de recherche pour le développement
(IRD) comme le « principal moteur de la recherche en Equateur depuis
30 ans » ou « le fer de lance de notre politique de recherche et d’échanges
universitaires » en Bolivie. Le centre de coopération internationale en
recherche agronomique pour le développement (CIRAD), qui dispose de
huit délégations, jouit d’une réputation identique dans d’autres pays.
Les postes ont, dans leur ensemble, une assez bonne connaissance
des partenariats scientifiques. Ils jouent un rôle d’intermédiation, de
soutien et de veille, sans engager nécessairement des montants de crédits
importants. Mais rares sont ceux qui sont armés pour le faire (par
exemple, l’animation d’un club de R&D à Shanghai), et les Instituts n’y
consacrent souvent que des effectifs très réduits, comme aux Émirats
Arabes Unis.
Onze services scientifiques et technologiques (SST), distincts des
SCAC/Instituts français, sont implantés dans les grandes ambassades,
sans que cette séparation paraisse toujours justifiée – comme l’estimait
d’ailleurs l’inspection générale des affaires étrangères au Canada en
2010. Leur répartition géographique est problématique, notamment en
Europe. Par exemple, la présence d’un SST à Londres s’explique
davantage par le poids de l’histoire que par la mise en oeuvre d’une
stratégie internationale ou d’une vision géographique. Une inclusion de
ces services dans les services culturels, maintes fois évoquée, ne va
pourtant pas de soi et n’a pas la préférence du ministère des affaires
étrangères (MAE). Ainsi, en Allemagne, le SST estime avoir plus de liens
naturels avec les services économiques et financiers qu’avec les services
culturels de l’ambassade. Aux États-Unis, si la coordination entre les
services culturels et la mission scientifique, forte d’une trentaine de
COUR DES COMPTES
76
personnes, apparaît très faible, la spécificité de la mission (sciences dures,
partenaires différents) est un obstacle au rattachement.
Les services scientifiques et technologiques (SST) partagent, dans
la plupart des pays, avec les conseillers de coopération et d’action
culturelle (COCAC) le pilotage des attachés de coopération universitaire,
apparus dans le réseau en 2000, dans des conditions rarement
satisfaisantes. Les conséquences de cette situation sont variables : peu
fructueuses en Allemagne, au Royaume-Uni et en Inde, elles sont
compensées en Chine par une bonne collaboration entre les services. Un
défaut de coordination obère la capacité des services à atteindre les
objectifs économiques qui leur sont assignés, compromet les relations
avec les universités (premier opérateur global de recherche en France) et
peut défavoriser les sciences humaines et sociales. Dans ces conditions, il
n’est pas certain que la réflexion en cours au sein du ministère de
l’éducation nationale et du ministère de l’enseignement Supérieur et de la
recherche (MEN/MESR) visant à créer, dans les postes, des « missions »
pour l’éducation et la recherche, distinctes des services de coopération et
d’action culturelle/établissements à autonomie financière (SCAC/EAF) et
intégrant les espaces Campus France, soit de nature à résoudre ces
difficultés.
B - Des moyens dispersés
Le réseau finance également des actions visant à encourager la
mobilité des chercheurs. En 2012, il a organisé près de 4 800 mobilités de
chercheurs avec le concours de Campus France, dans le cadre de 55 des
70 « Partenariats Hubert Curien » en cours, principalement en Europe et
au Maghreb, ainsi que, dans une moindre mesure, en Asie. Au Brésil,
l’important programme CAPES-COFECUB, qui absorbait environ
670 000 € sur le programme 185 en 2011, a permis de former environ
1 500 docteurs brésiliens depuis sa création en 1978.
Dans un registre différent, le ministère des affaires étrangères
(MAE) juge depuis des décennies les fouilles archéologiques prioritaires,
et finance, à ce titre, plus de 150 missions à l’étranger. Son discours vise
à convaincre de la dimension politique de l’archéologie. Cependant,
l’outil parait difficile à manier. Ainsi, en Turquie, les campagnes de
fouilles sont parfois instrumentalisées dans le cadre des tensions
politiques bilatérales.
Les 27 Instituts français de recherche à l’étranger (IFRE),
institutions mixtes relevant du ministère des affaires étrangères (MAE) et
du CNRS en vertu d’un accord-cadre d’avril 2007, et les cinq
établissements d’enseignement français à l’étranger
(EFE), grands
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
77
établissements relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche (MESR), sont souvent des « électrons libres » au sein du
réseau, malgré les échanges établis avec la direction générale de la
mondialisation (DGM).
En Egypte, l’ambassadeur regrettait, dans son rapport de fin de
mission de juin 2012, « l’autarcie dans laquelle se complaît l’Institut
français d’archéologie orientale (IFAO) », qui dispose pourtant de
moyens très importants ; il estimait en outre que « son rayonnement ne
paraît pas à la hauteur des efforts consentis par la puissance publique ».
Le MAE et le MESR sont conscients de cette situation et travaillent
actuellement à un éventuel rapprochement des IFRE et des EFE. Tout en
respectant la distance requise par leur crédibilité scientifique et
l’existence de partenaires locaux, les IFRE et les EFE pourraient être
davantage mobilisés par les postes et par l’Institut français, notamment
dans le domaine des sciences humaines et sociales contemporaines, qui
sont utiles à l’orientation de l’action du réseau (Centre Marc Bloch de
Berlin, Centre d’études françaises sur la Chine de Hong-Kong, Institut
français de recherche en Turquie)
61
.
L’IFEA, un Institut français de recherche en Turquie
Situé au sein de la résidence de France à Istanbul, l’Institut français
d’études anatoliennes (IFEA) est un IFRE constitué de quatre pôles :
archéologie, études byzantines, études ottomanes, études contemporaines
(avec trois observatoires, sur les études urbaines, les sciences politiques et la
vie politique turque). Il assure l’interface entre le monde de la recherche en
sciences humaines et sociales en France et en Turquie. Il se veut un
observatoire neutre de l’évolution de la Turquie moderne, mettant « au
service de cette analyse, l’expertise française de la gestion du passé ». Cette
expertise est reconnue, puisque l’IFEA est sollicité par une dizaine de
personnes chaque jour pour de la documentation. Il irrigue la vision politique
de la chancellerie et organise, conjointement avec le SCAC, des événements
ponctuels consacrés au débat d’idées.
La volonté de renforcer la tutelle du MAE sur l’IFEA ne s’est pas
accompagnée de l’octroi de moyens supplémentaires. Le représentant du
CNRS, conseiller régional compétent pour l’Asie centrale, s’implique peu
61
La Cour a déjà eu l’occasion de souligner la dispersion de ces moyens dans ses
référés suivants : Cour des comptes,
Référé
,
Les écoles françaises à l’étranger.
24 mai 2012, 16 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
Cour des comptes,
Référé,
Les sciences humaines et sociales au CNRS.
1
er
août 2012,
7 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
COUR DES COMPTES
78
dans la gouvernance de l’IFEA, d’autant qu’il finance ses propres missions
de prospection archéologique sans le tenir informé.
L’IFEA souligne l’importance diplomatique de son action pour
contribuer à la reconnaissance, par ses interlocuteurs locaux, de la spécificité
du patrimoine turc, notamment religieux.
Il est confronté à des difficultés de fonctionnement (son budget a
baissé de 41 % entre 2007 et 2013) et ne parvient guère à mobiliser les
entreprises françaises (TOTAL a retiré son soutien). Estimant ne pas avoir la
taille critique pour obtenir des financements européens, l’institut mise sur la
recherche de nouveaux modes de financement pour survivre ; cette évolution
nécessiterait toutefois une réorganisation et l’acquisition de nouvelles
compétences.
Son statut d’EAF ne lui permet pas de se développer comme il l’avait
espéré ; son autonomie financière reste limitée, notamment en ce qui
concerne la vente de ses publications, et, en raison de son implantation
géographique, il n’est pas éligible aux subventions de l’Agence nationale de
la recherche (ANR), et ne peut envoyer des chercheurs turcs en France.
Source : Cour des comptes
La mission de diffusion de la culture scientifique et technique
confiée à l’Institut français par la loi du 27 juillet 2010, doit enfin être
approfondie, en relation avec l’établissement public Universcience, créé
en décembre 2009 dans une finalité identique. La sous-direction de la
coopération scientifique et de la recherche de la direction générale de la
mondialisation (DGM), également chargée de cette mission, entretient, au
reste, peu de liens avec l’Institut, auquel elle ne laisse que des
compétences résiduelles.
Malgré la récente tentative de conceptualisation de la diplomatie
scientifique, la dispersion des moyens et le foisonnement des acteurs ne
permettent pas au réseau d’apporter une contribution significative au
rayonnement scientifique de la France.
V
-
La valorisation du potentiel universitaire
A - L’attractivité universitaire, une réalité à
appréhender de manière plus qualitative
La France a accueilli plus de 288 000 étudiants étrangers en 2012,
ce qui la place au quatrième rang mondial depuis 2009 des pays d’accueil,
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
79
après les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, et juste avant
l’Allemagne. Cet effectif a été multiplié par plus de deux en dix ans.
Comme
le
relève
l’Agence
française
pour
les
investissements
internationaux dans son rapport 2012 sur l’attractivité économique,
l’Afrique est la première région d’origine de ces étudiants étrangers
(42,9 %), devant l’Asie (22,1 %) et l’Europe (21,1 %) alors qu’en
Allemagne et au Royaume-Uni, la part des étudiants européens est
beaucoup plus élevée (respectivement 46,9 % et 32,4 %), tout comme la
part des étudiants asiatiques (respectivement 37,8 % et 49,1 %). La part
des étudiants étrangers dans les cycles supérieurs français est importante,
et relativement stable au cours de la période : 47,9 % des étudiants de
master et 14,6 % des étudiants de doctorat en 2009, respectivement
49,6 % et 13,9 % en 2012. Selon le ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche (MESR), 42 % des thèses soutenues aujourd’hui en
France le sont par des étrangers.
Comme le font remarquer plusieurs postes et partenaires locaux,
l’attractivité de l’offre universitaire française dépend beaucoup du renom
accordé à l’enseignement supérieur français dans les différents pays. Elle
est forte pour les étudiants des pays en développement, mais plus
incertaine, au moins pour les premiers cycles universitaires, pour ceux
des pays développés, qui estiment disposer d’une offre équivalente
(Allemagne ou Turquie). Ainsi, à Oman, l’ambassadeur de France relève,
dans son rapport de fin de mission de mars 2012, que « la coopération
universitaire en est restée à ses balbutiements car l’attractivité de
l’enseignement supérieur français reste encore à démontrer ». En outre, la
complexité du système universitaire français n’est pas toujours facile à
déchiffrer pour les étudiants étrangers, comme les postes le relèvent
notamment au Canada, en Australie et à Singapour.
L’un des axes stratégiques de la politique mise en oeuvre par le
réseau
est
donc
de
stimuler
l’attractivité
des
établissements
d’enseignement supérieur et de recherche français, en particulier pour les
élites étrangères. Cette conviction récemment encore exprimée par le
ministre des affaires étrangères qu’« une personne étrangère formée en
France peut devenir le meilleur ambassadeur de notre pays »
62
est
partagée par les postes : comme l’indique l’ambassadeur de France au
Brésil dans son rapport de fin de mission en 2009, « s’il ne devait rester
qu’une politique sectorielle au service de coopération et d’action
culturelle (SCAC), ce serait bien la coopération universitaire, scientifique
et technique ». Néanmoins, ces convictions ne sont pas étayées par des
études à la disposition du ministère.
62
Laurent Fabius, Discours devant l’Ecole normale supérieure 5 février 2013.
COUR DES COMPTES
80
L’encouragement de la mobilité étudiante vers la France demeure
encore souvent fondé sur des objectifs quantitatifs. Ainsi, alors que durant
sa récente visite en Inde en février 2013, le Président de la République a
souhaité que, dans les cinq ans à venir, le nombre de boursiers augmente
de 50 %, un objectif analogue, fixé en 2008 par son prédécesseur, n’a pas
été atteint en 2012, et le sera difficilement en 2013 (6 000 boursiers). La
recherche d’objectifs qualitatifs (niveaux master et doctorat, mobilité
encadrée, filière particulière, etc.) demeure récente et peu articulée avec
le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR).
La France a accueilli près de 22 000 boursiers en 2012, issus de
l’ensemble des régions du globe
63
. 14 500 bourses du gouvernement
français (BGF) ont ainsi été attribuées pour une dépense de près de
74 M€, dont 52 M€ attribués par les postes (dont 10 M€ au titre des
bourses Quai d’Orsay/Entreprises
64
) et 19,7 M€ par les services centraux
(dont 13 M€ de bourses Eiffel et 3,5 M€ de bourses Excellence Major).
La répartition des bourses Eiffel pour 2013 traduit, de fait, les priorités :
100 pour la Chine, 70 pour le Brésil, 30 pour la Russie et 20 pour l’Inde,
sur un total de 480 bourses octroyées. Néanmoins, le nombre annuel de
bourses a baissé de plus de 10 % depuis 2008, et la dotation budgétaire
qui leur est consacrée a diminué de 14%. Au Japon, par exemple, le
montant des bourses françaises est désormais considéré comme peu
incitatif par rapport à celles du gouvernement japonais. Malgré la priorité
affichée, le nombre de boursiers dans certains pays à enjeux peut paraître
modeste.
Depuis
2011,
ces
crédits
font
l’objet
d’une
mesure
de
« sanctuarisation », ce qui a indirectement pour effet de réduire le volume
des crédits disponibles dans les autres domaines de l’action culturelle.
Instrument de coopération traditionnel, au demeurant jamais
évalué, la politique des bourses, mise en oeuvre par le réseau, présente
dans ces conditions un intérêt de plus en plus relatif.
B - Les vecteurs de la mobilité entrante
Les postes estiment avoir une bonne connaissance des partenariats
universitaires, tout en reconnaissant que beaucoup d’accords entre
63
Parmi lesquels, 1 960 Gabonais, 1 700 Algériens, 1 230 Tunisiens, 1 200 Marocains
mais seulement 830 Chinois, 540 Indiens et 520 Brésiliens.
64
Les bourses Quai d’Orsay/Entreprises regroupent depuis 2006 les bourses
cofinancées par les entreprises, qui représentaient en 2011 40 programmes en cours et
un total de plus de 2 000 bourses attribuées. Le MAE relevait un fléchissement des
financements privés en 2012, qu’il expliquait par le «
contexte économique
international
».
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
81
établissements supérieurs français et locaux leur échappent, compte tenu
de
l’autonomie
laissée
aux
universités
et
aux
établissements
d’enseignement supérieur en la matière. Afin de favoriser la projection
des universités à l’étranger, le ministère de l’enseignement supérieur et de
la recherche (MESR) estime que le mandat de Campus France pourrait
être élargi.
Créés en 2007, les espaces Campus France, qui sont animés par
environ 300 agents relevant directement du réseau du ministère des
affaires étrangères (MAE), jouent un rôle important dans l’information
des étudiants et la promotion des universités et grandes écoles françaises.
Leurs agents répondent aux demandes d’information et soutiennent des
actions de promotion hors les murs (46 opérations conduites en 2012 et
59 programmées en 2013) dans des salons rassemblant des établissements
français de tous niveaux. Ainsi, en Inde, où existent neuf espaces et
antennes répartis dans le sous-continent, leur action a permis d’augmenter
de 50 % le nombre des étudiants indiens en France par le développement
d’une offre de formations en anglais (700 recensées) dans les grandes
écoles de commerce et d’ingénieurs, par une politique active de
partenariat entre les établissements français et leurs homologues indiens
(près de 450 accords, dont 30 doubles diplômes), ainsi que par une offre
de bourses du gouvernement français (environ 300 par an).
Le concept d’« espace » présente cependant des limites comme en
témoigne leur fréquentation inégale (forte en Chine, faible en Allemagne
ou aux Émirats Arabes Unis), que ne suffisent pas à expliquer leur
mauvaise implantation ou leur signalement insuffisant pour attirer les
publics cibles.
À cet égard, Campus France pourrait avantageusement réfléchir
aux vertus de la pratique du
Deutscher Akademischer Austauschdienst
(DAAD) qui, parmi les enseignants des universités locales, identifie des
« lecteurs », enseignants résidents auxquels il verse un complément de
rémunération pour promouvoir le système allemand d’enseignement
supérieur et entretenir ainsi, à moindre coût, un réseau d’ambassadeurs de
ce système.
Par ailleurs, 31 pays (parmi lesquels la Chine depuis 2003, l’Inde
et le Maroc depuis 2007, l’Algérie, la Tunisie, le Sénégal, le Gabon)
disposent d’espaces Campus France dotés de la procédure CEF (centres
pour les études en France), qui traite désormais près de 85 % des
demandes de visas pour études. Cette procédure, dont la mise en place a
été décidée en février 2005 et qui se fonde sur une convention-cadre
conclue le 10 janvier 2007 entre le ministère des affaires étrangères
(MAE),
le
ministère
de
l’éducation
nationale,
le
ministère
de
l’enseignement supérieur et de la recherche (MEN/MESR), le ministère
COUR DES COMPTES
82
de la culture et de la communication (MCC) et les représentants des
établissements d’enseignement supérieur français, permet, dans le pays
d’origine, de conjuguer, via des candidatures en ligne, les préinscriptions
de candidats dans environ 230 établissements d’enseignement supérieur
français (pratiquement toutes les universités) et les formalités d’obtention
d’un visa étudiant. Elle apparaît très utile dans les pays soumis à visa où
existe un flux minimal d’étudiants étrangers (au moins 500 par an), même
si elle est parfois critiquée, comme en Turquie, du fait du refus de certains
établissements français de s’y engager, pour des motifs de niveaux de
langue jugés insuffisants. Elle permet accessoirement de dégager une
ressource propre pour le réseau d’environ 10 M€, dont l’essentiel provient
de Chine (5,7 M€).
Des points d’amélioration peuvent être envisagés : extension de
certaines antennes saturées (Institut français d’Alger) ou en nombre
insuffisant (une seule aux États-Unis dans l’enceinte de l’ambassade) ;
accroissement du nombre de pays concernés ; motivation améliorée des
refus opposés aux candidats par les services consulaires. Campus France
estime, quant à lui, qu’une péréquation des ressources entre les centres
pour les études en France (CEF) pourrait être assurée au profit des postes
les moins bien dotés.
Les conditions de l’obtention des visas demeurent essentielles.
Elles devraient bénéficier de l’abrogation de circulaires restrictives de
2011 et des instructions données par le gouvernement aux postes en mai
2013 pour simplifier la délivrance de visas long séjour pour les étudiants.
Dans cette perspective, Campus France souhaite une présence du
ministère de l’intérieur dans son conseil d’administration.
C - Des lacunes à combler dans le suivi des bénéficiaires
Les outils de suivi des anciens étudiants et boursiers demeurent
embryonnaires ou précaires, en dehors de quelques expériences signalées
(Club France Chine ou Club France Maroc, Inde, Indonésie), bonnes
pratiques dont il faudrait encourager la diffusion.
Un réseau d’anciens étudiants : le club France Maroc
Le Club France Maroc été créé en 2010 à l’initiative de l’ambassade
de France et de la chambre française de commerce et d’industrie du Maroc. Il
vise à créer un lien entre les étudiants et diplômés marocains de
l’enseignement supérieur français et les acteurs économiques locaux, à
informer les étudiants et diplômés sur les perspectives économiques
marocaines (développement économique, salaires, perspectives de carrière), à
diffuser toute information facilitant le retour au Maroc et à mettre en valeur
LA CAPACITÉ DU RÉSEAU À RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE
83
les diplômés marocains pour préserver l’attractivité de l’enseignement
supérieur français.
L’activité du Club s’organise autour d’un site Internet dont l’accès est
réservé aux membres (étudiants et diplômés) et aux partenaires (entreprises,
acteurs académiques et associations de diplômés).
Près de trois ans après son lancement, le Club compte 3 200 membres,
dont 95 % d’un niveau supérieur ou égal à Bac+5. 64 % d’entre eux résident
en France et 34 % au Maroc. Une nouvelle base de données doit être mise en
service en 2013 et devrait être connectée aux réseaux sociaux.
À terme, les administrateurs du Club France Maroc souhaitent que
l’association serve d’interface entre les opérateurs économiques et les
personnes formées en France.
Source : Cour des comptes.
La constitution de réseaux d’anciens (étudiants, boursiers,
stagiaires, lycéens du lycée français notamment) demeure un objectif
récurrent de nombreux plans d’action ou instructions des ambassades,
comme au Chili, en Uruguay, au Pérou ou en Arabie saoudite. Elle peut
exister par tradition locale, comme dans le cas des anciens élèves du lycée
de Galatasaray en Turquie. Les postes font également preuve d’initiatives.
Au Brésil, l’annuaire des anciens boursiers réalisé par le CENDOTEC de
Sao-Paulo pour le compte de l’ambassade a permis de constituer une base
de données de 1 100 personnes, reliée au portail France-Brésil ouvert en
décembre 2007, et permettant le recensement en ligne. Au Canada, le
poste a lancé l’idée d’un suivi des « jeunes dirigeants » sur le modèle du
programme
Young Leaders
de la
French American Foundation
65
.
Pourtant, très peu de postes interrogés par la Cour considèrent que
les réseaux d’anciens étudiants sont un actif mobilisable de premier rang.
Ce constat a déjà été effectué dans des enquêtes réalisées par la direction
générale de la mondialisation (DGM) en 2009 et en 2011, qui ont mis en
évidence le caractère insuffisant du travail accompli par les postes. Il
n’existe pas de portail en ligne facilitant les prises de contacts, à l’instar
de ce qui se fait au Royaume-Uni ou en Allemagne, avec la base de
données des anciens boursiers de l’organisme chargé de la mobilité
étudiante, le
Deutscher Akademischer Austauschdienst
(DAAD)
66
, ou le
portail
Alumni Deutschland
, commun au DAAD et au
Goethe Institut
.
65
Créé en 1981, ce programme vise à rapprocher des jeunes responsables à fort
potentiel des deux pays par des visites et des échanges.
66
La base de données du DAAD contient un million de noms. Les
alumni
sont
fidélisés à travers divers services tels que des conférences qu’organise régulièrement
COUR DES COMPTES
84
Campus France a été chargé par le ministère des affaires étrangères
(MAE), en décembre 2012, de mettre en place à partir de 2014 un fichier
des
alumni
, qui pourrait être utilisé aussi bien par l’opérateur que par le
ministère et les ambassades. À ce stade, le projet ne prévoit pas
l’intégration des étudiants non boursiers, et encore moins des chercheurs
et artistes bénéficiaires de la coopération française. En outre, il ne dispose
que d’un budget d’investissement modeste, 150 000 €, et de deux agents
pour le mener à bien. Les conditions de financement ultérieures de cette
plate-forme n’étant pas précisées, l’avenir de ce projet demeure incertain.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATION
_________
L’action du réseau vise encore trop souvent la valorisation d’un
modèle traditionnel de rayonnement dont la réception n’est pas mesurée
Centré sur la langue française, dont la pratique connait des
évolutions contrastées, ce modèle ne peut plus être l’instrument exclusif
de l’attractivité dans de nombreux pays.
L’offre du réseau demeure, par ailleurs, trop foisonnante pour
obtenir
le
meilleur
impact
en
matière
d’attractivité
artistique.
L’investissement du ministère devrait être mieux différencié entre des
opérations-clés dans lesquelles son intervention est indispensable et des
manifestations d’origine extérieure auxquelles il est opportun d’apporter
un soutien public.
Malgré les ambitions affichées, la contribution du réseau public à
l’attractivité
scientifique
n’est
pas
déterminante,
en
raison
de
l’autonomie des acteurs et des faiblesses d’organisation.
Enfin, l’appui du réseau au développement de la mobilité étudiante
constitue une priorité mais demeure encore très centrée sur les bourses,
alors qu’elle ne dispose toujours pas des outils permettant de tirer
pleinement parti de cette orientation.
Dans ces conditions, la Cour recommande de :
6.
mettre en place, en 2014, l’outil de suivi par Campus France
des anciens étudiants, chercheurs et boursiers étrangers
soutenus par le réseau public.
le DAAD dans chaque pays, dont le thème varie en fonction de la spécialisation
professionnelle des anciens boursiers. En 2011, le DAAD a consacré 4,8 M€ à ses
programmes d’
alumni
.
Chapitre III
La cohérence des interventions
sectorielles du réseau
I
-
La contribution à la mise en oeuvre des objectifs
des ambassades
A - Pour les ambassadeurs, des outils de pilotage en
cours de redéfinition
Comme les instructions ministérielles aux ambassadeurs prenant
leurs fonctions, les plans d’action des ambassades, lorsqu’ils existent, ne
manquent que très rarement d’inclure une composante culturelle, quelle
que soit la taille et les moyens du poste diplomatique. Ainsi, à titre
d’exemple, le plan de l’ambassade au Liban de juin 2010 ne compte pas
moins de 16 objectifs relatifs à l’action culturelle.
Le récent renforcement des dispositions relatives aux plans
d’action
67
devrait se révéler bénéfique, notamment en matière de suivi des
actions.
Comme l’indiquait notamment le directeur de Campus France, le
plan d’action de l’ambassade est cependant un instrument de portée
67
Cour des comptes,
Référé,
Le réseau diplomatique.
13 février 2013, disponible sur
www.ccomptes.fr
, la Cour, ayant relevé le manque d’utilisation de cet instrument, le
secrétaire général du MAE l’a récemment redéfini dans une circulaire.
COUR DES COMPTES
86
temporelle insuffisante (trois ans en moyenne) pour l’action culturelle.
Antoine Compagnon souligne à cet égard que « les actions les plus
profitables des services culturels français sont les plus patientes, car elles
visent le long terme, non l’assemblage d’un «
press book
» »
68
. Nombreux
sont les ambassadeurs qui font le constat de cette difficulté à s’inscrire
dans un horizon adéquat, accrue par le manque de prévisibilité des
financements.
Pratiques du
Goethe Institut
et du
British Council
La vision allemande repose sur une organisation décentralisée et
régionalisée, au sein de laquelle les directeurs locaux du
Goethe Institut
jouissent d’une grande autonomie pour mettre en oeuvre les objectifs qui leur
sont assignés. Cette autonomie n’est cependant pas un obstacle à une bonne
coordination entre ambassade et opérateurs culturels. La convention-
cadre conclue en 2004 entre le ministère allemand des affaires étrangères et
le
Goethe Institut
lui confère un rôle d’instrument de la diplomatie
allemande, en demandant à ses services de « travailler étroitement » avec les
représentations
diplomatiques.
Des
échanges
de
documents
sont
systématiquement prévus, des comptes rendus des instituts locaux sont
transmis aux ambassades.
Il en va de même au Royaume-Uni. Ainsi, l’entente entre
l’ambassadeur et le représentant local du
British Council
est la règle. Le
Foreign Office
comme le
British Council
admettent que, dans quelques cas,
ces relations sont distantes, voire conflictuelles.
La relation entre les ambassadeurs et leurs conseillers culturels,
présents dans les ambassades depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale
69
, se fonde notamment sur la lettre de mission que les premiers
adressent aux seconds et sur leur validation du projet d’établissement que
les conseillers, devenus directeurs d’institut, présentaient dans les six
mois de leur prise de fonctions. Rares sont cependant les postes consultés
ou rencontrés en état de présenter ce projet comme un document de
référence, et encore plus d’en faire un outil de pilotage assorti d’objectifs
quantifiés et de clauses de rendez-vous.
Lorsqu’ils existent, les pôles interministériels de compétences,
créés au sein des ambassades pour rassembler les chefs de service
concernés par un même sujet, ne sont guère utilisés pour l’action
culturelle. Ils pourraient trouver un nouvel élan dans les « conseils de la
68
Antoine Compagnon
op.cit.
69
Les conseillers culturels sont devenus conseillers culturels et de coopération
(COCAC) en 1999.
LA COHERENCE DES INTERVENTIONS SECTORIELLES DU RESEAU
87
culture, de l’audiovisuel et de l’attractivité », rassemblant sous présidence
de l’ambassadeur, les services de l’ambassade, les établissements
d’enseignement et les partenaires locaux dans les domaines de la culture,
de l’audiovisuel et du tourisme, dont l’annonce vient d’être faite par le
ministre des affaires étrangères en juillet 2013.
B - La fusion SCAC/EAF, un atout au service des
ambassades
La fusion des services de coopération et d’action culturelle
(SCAC) et des instituts conduit actuellement à remplacer le projet
d’établissement par un document d’orientation, soumis aux mêmes
procédures. Evoquée dès le début de la précédente décennie, la
proposition a été reprise par la révision générale des politiques publiques
(RGPP) dès juin 2008, mise en oeuvre dès janvier 2009 avec 13 postes
(dont Berlin, Pékin, New-Delhi et Ankara) et achevée en janvier 2013.
Après quelques ajustements nécessaires (Japon, Russie), elle est
considérée comme un succès par la plupart des postes. Censée procurer
un gain de 110 à 130 équivalents temps plein (ETP) selon les mesures de
la RGPP, elle aurait conduit, selon les organisations syndicales du
ministère des affaires étrangères (MAE), à une suppression de 237 postes
mais un décompte objectif est impossible en raison de la variation de
périmètre des programmes.
Opportune, la réforme facilite la définition d’une stratégie globale
dans chaque pays et l’optimisation des moyens en fonction de ses
priorités. Elle a contribué à la clarification de l’image externe du réseau
(« marque » France). Elle n’a cependant pas estompé toutes les
différences entre les deux types d’entités de l’État, ni dissipé les craintes
exprimées par la Fondation Alliance française d’une « disparition de
l’arbitre » que constituait le conseiller culturel vis-à-vis de l’Institut et de
l’Alliance. Les agents du réseau ou les partenaires locaux ont éprouvé
parfois, comme en Turquie, une difficulté à repérer le registre dans lequel
ils intervenaient - certaines responsabilités n’ayant pas été transférées aux
Instituts (coopération administrative, aide à la gouvernance, aide au
développement) - ou à identifier le programme budgétaire sur lequel
s’imputait telle activité.
Les comités d’orientation stratégiques locaux (COSL) des Instituts,
présidés par les ambassadeurs, ne se réunissent pas partout. Au Maroc ou
en Allemagne, par exemple, l’ambassadeur et ses équipes se sont
mobilisés pour la formalisation des objectifs lors du premier comité ; à
Abou Dhabi, le compte-rendu du comité dresse un plan d’activité à
COUR DES COMPTES
88
12 mois, sans projection à moyen terme et, en Turquie, il ne s’est pas
réuni depuis 2011.
II
-
La synergie locale des interventions du réseau
A - Le besoin d’une matrice des interventions
Le périmètre de l’action culturelle est large, les intervenants
nombreux et les outils diversifiés. De ce fait, l’exploitation des finalités
communes, l’articulation et l’optimisation des différentes interventions
constituent des enjeux forts. Il s’agit non seulement d’éviter la
concurrence
entre
certaines
interventions
publiquement
soutenues
(promotion du français portée par les Instituts et Alliances), mais de
démultiplier les effets d’actions qui relèvent de plusieurs acteurs (action
artistique, attractivité universitaire, valorisation économique).
LA COHERENCE DES INTERVENTIONS SECTORIELLES DU RESEAU
89
Les principaux instruments d’action culturelle
Agents du réseau (expatriés, ADL, VI) (ETP),
Infrastructures physiques (centres culturels, médiathèques, salles de spectacles et d’exposition)
(INFRA),
Cours de langues (COURS),
Lecteurs de français (LECT),
Bourses (BOURS),
Manifestations culturelles (MANIF),
Partenariats avec des institutions visant à des coproductions (PARTE),
Infrastructures de communication (sites, réseaux) (INFX),
Capacités de financement (SUBV),
Établissements d’enseignement français à l’étranger (EFE),
Chaînes de l’audiovisuel extérieur (AEF),
Réseaux de francophones ou d'anciens élèves (RESE),
Résidences diplomatiques officielles (RESI),
Certifications (CERTIF),
Expatriés français (EXPAT),
Entreprises françaises (ENTR),
Francophiles (FRANCOP),
Formations et séminaires (FORM),
Procédures CEF (CEF),
Résidences d’artistes (RESI),
Experts résidents ou en mission (EXPER),
IFRE (IFRE).
Source : Cour des comptes.
Le réseau ne peut s’appuyer sur un modèle logique d’action
culturelle, car les interactions entre les huit domaines particuliers
70
qu’elle
recouvre et la vingtaine d’instruments qu’elle mobilise - ci-dessus
dénombrés - ne sont pas recensées et analysées. Il n’existe pas non plus
d’étude particulière des interactions positives qui existent entre certains
domaines (enseignement du français et mobilité étudiante, lycées français
70
L’action culturelle extérieure peut être décomposée en huit domaines d’activité :
coopération universitaire (UNI), coopération scientifique (SCI), savoirs et débats
(SED), soutien aux industries culturelles (SIC), action artistique (ART), soutien
audiovisuel (SAV), langue française (FRAN) et coopération éducative (EDU).
COUR DES COMPTES
90
et diffusion culturelle française, enseignement du français et diffusion du
livre, etc.)
71
.
Ces travaux sont un préalable, non seulement à l’amélioration de la
diffusion de l’information, mais au développement de projets et d’actions
communs, hors les murs (spectacles ou débats d’idées dans les campus
universitaires) ou reposant sur les infrastructures existantes (lycées
français). Des bonnes pratiques peuvent être mises en évidence, comme
celle de l’Institut français du Royaume-Uni (IFRU), qui systématise le
travail collectif ou l’utilisation des missionnaires invités pour des
conférences dans les établissements français à l’étranger.
71
Ainsi à Madagascar, dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la
recherche, l’inspection générale des affaires étrangères
(
IGAE) a jugé en 2010 que le
service de coopération et d’action culturelle
(
SCAC) devait organiser plus
régulièrement des réunions rassemblant l’ensemble des acteurs français du secteur
dans une perspective de meilleure coordination et de plus grande lisibilité pour
l’ambassade.
LA COHERENCE DES INTERVENTIONS SECTORIELLES DU RESEAU
91
Tableau n° 7 : matrice des interventions du réseau culturel
Domaines
UNI
SCI
SED
SIC
ART
SAV
FRA
EDU
Instruments
ETP
+
+
+
+
+
+
+
+
INFRA
+
+
COURS
+
LECT
+
+
BOURS
+
+
+
+
+
MANIF
+
+
+
PARTE
+
+
+
+
INFX
+
+
+
+
+
SUBV
+
+
+
+
+
+
+
+
EFE
+
+
AEF
+
+
+
+
+
RESE
+
+
+
RESI
+
+
CERTIF
+
+
EXPAT
+
ENTR
+
+
+
+
+
FRANCOP
+
+
+
+
FORM
+
+
+
+
+
CEF
+
+
EXPE
+
+
+
+
+
IFRE
+
Nota : les cases en bleu montrent l’existence d’une interaction forte entre les domaines (dont le
nom est développé dans la note de bas de page 75) et les instruments (répertoriés dans l’encadré
précédent).
Source : Cour des comptes.
L’établissement d’une matrice liant les domaines d’activité aux
instruments mis en oeuvre par les acteurs, comme celle donnée en
exemple dans le tableau précédent, garantirait la cohérence de
l’intervention des acteurs locaux.
B - La recherche pragmatique de convergences
1 -
Une synergie globalement correcte mais susceptible d’être
améliorée sur certains points
Le préalable d’une meilleure cohérence des actions du réseau passe
par la limitation des effets des imperfections du dispositif central. À cet
égard, la priorité porte sur le partage du pilotage entre la direction
générale de la mondialisation (DGM) et l’Institut français, dont
COUR DES COMPTES
92
l’imprécision est regrettée par de nombreux postes et qui doit donc être
clarifié.
La dualité des opérateurs Instituts français et Campus France, qui
résulte plus d’un compromis tactique entre ministères que d’un modèle
cohérent, est moins préjudiciable. Les missions de Campus France sont
d’autant mieux coordonnées avec les ambassades, que les espaces
Campus France sont intégrés au sein des Instituts français ou des
Alliances françaises
72
. Ces espaces devaient être intégrés à l’intranet de
Campus France à l’été 2013. Cette organisation permet de tempérer
certains défauts de compréhension demeurant entre l’établissement public
et les postes, notamment sur le mode de calcul des coûts des bourses du
gouvernement français affichés par Campus France (coûts paramétriques,
qui divergent des coûts réels et incorporent les charges de l’établissement
public à caractère industriel et commercial (EPIC)).
73
Au sein du réseau public, les synergies entre acteurs locaux ont été
renforcées par l’unification des centres culturels d’un pays dans un même
établissement – qui n’a pas entravé le dynamisme des centres locaux,
notamment à l’extérieur des capitales - et par la fusion subséquente entre
l’établissement à autonomie financière (EAF) et le service de coopération
et d’action culturelle (SCAC). Les plans communs aux différents acteurs
(ambassades, Institut français, Alliances françaises, librairies françaises,
lycées
français,
espaces
Campus
France,
universités,
médias
audiovisuels) sont cependant encore rares.
La perception que l’on peut avoir, notamment depuis Paris, d’une
mauvaise articulation entre les services de l’État et les Alliances
françaises doit être nuancée. Elle peut laisser à désirer dans certains cas,
comme en Croatie, où l’Alliance française détient l’exclusivité des cours
de français et des certifications mais ne participe pas aux activités
d’animation culturelle de l’ambassade et ne relaie pas les activités de
l’Institut, ou au Soudan où l’inspection générale des affaires étrangères
(IGAE) a relevé l’insuffisance du suivi par le poste des trois Alliances.
Il est cependant généralement bon, comme en Inde, où les
programmations sont communes à l’Institut français et aux seize
Alliances locales, ou en Bolivie, où les cinq Alliances françaises, le lycée
français, l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et l’Institut
français d’études anatoliennes (IFEA) collaborent, ou au Maroc où les
Alliances sont intégrées dans le réseau des cours de français. Dans
certains pays, l’action culturelle de l’ambassade a été transférée aux
72
En Inde, les neuf espaces, dont les responsables sont tous des agents indiens de
droit local, sont situés au sein des Alliances françaises.
73
À la différence des postes expérimentateurs, qui sont facturés au coût réel.
LA COHERENCE DES INTERVENTIONS SECTORIELLES DU RESEAU
93
Alliances françaises avec succès, comme au Venezuela en 2010 ou en
Erythrée en 2012.
La Cour a déjà eu l’occasion, dans son intervention d’octobre 2009
sur les Alliances françaises, de recommander une relation de nature
stratégique et non hiérarchique entre les ambassadeurs et ces acteurs
privés. Pour autant, il est fâcheux que le ministère ne soit pas en mesure
de connaître le nombre des conventions d’objectifs et de moyens conclues
localement entre les ambassades et les Alliances, ni même de s’assurer
que les comptes rendus d’utilisation des subventions ont bien été produits
par les Alliances.
Le degré de synergie est donc très variable selon les contextes
locaux.
Un effort plus soutenu à conduire dans plusieurs domaines la
coopération scientifique donne des exemples d’une coordination
perfectible entre les acteurs locaux. Par exemple, la réalisation, à
l’initiative des postes d’Asie du Nord-Est (Chine, Japon, Corée du Sud)
de la revue « Croisements », revue de sciences humaines ouverte aux
chercheurs francophones de l’Asie de l’Est s’est faite sans coordination
avec les Instituts français de recherche à l’étranger (IFRE) de la sous-
région (Centre d’Études Français sur la Chine, Maison Française du
Japon) et sans concertation avec les responsables des sciences humaines
de la DGM. Dans plusieurs pays, les délégations des opérateurs de
recherche (CNRS, CIRAD, IRD) sont jugées trop distantes de
l’ambassade et de l’Institut. Au Sénégal, l’inspection générale des affaires
étrangères (IGAE) relevait que les nombreux opérateurs spécialisés
(CNRS, CIRAD, Institut Pasteur, IRD), pour appréciés qu’ils soient,
faisaient preuve d’une trop grande autonomie par rapport à l’ambassade.
En Turquie, l’Institut français d’études anatoliennes n’est averti des
missions de fouilles lancées par le CNRS qu’en cas de difficultés d’ordre
diplomatique.
2 -
L’appui perfectible du réseau culturel sur l’enseignement et
l’audiovisuel extérieurs
Les interventions du réseau culturel souffrent souvent d’une
articulation insuffisante avec celles de de l’enseignement français à
l’étranger comme le reconnait le ministère des affaires étrangères (MAE),
chargé de ces deux domaines. Une carte des acteurs de l’enseignement
français à l’étranger montre pourtant le poids essentiel des établissements
scolaires français en Afrique alors que l’essentiel de l’effort repose, en
Amérique et en Asie, sur les Alliances françaises et, au Proche et Moyen-
Orient, sur les Instituts. La contribution des établissements français à
COUR DES COMPTES
94
l’action du réseau devrait donc être renforcée, pour plusieurs raisons : la
croissance du nombre de leurs élèves (+ 3,5 % par an) ; leur coût pour le
programme 185
74
; le fait que les ambassadeurs reconnaissent largement
que les lycées français sont un élément fondamental de l’influence
française, les qualifiant de « centre du dispositif d’influence français » au
Chili ou de « meilleure vitrine de notre pays » au Paraguay. Il est vrai que
la pression croissante des élèves français dans certains établissements
(lycée Jean Monnet de Bruxelles par exemple) exerce un effet d’éviction
auprès des ressortissants locaux et de tierce nationalité.
Afin de contribuer pleinement au rayonnement, il est nécessaire de
mieux prendre en compte la double nationalité d’une fraction importante
des parents d’élèves, de mieux identifier les publics étrangers locaux et
tiers,
de
soutenir
les
associations
d’anciens
élèves
souvent
embryonnaires. Le projet d’orientation stratégique et le contrat d’objectifs
de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ainsi que sa
convention, conclue entre celle-ci et l’Institut français, pourraient être
orientés en ce sens, tout en tirant parti des orientations récemment
présentées par la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.
À cet égard, l’objectif du passage des élèves de l’enseignement
français à l’étranger dans l’enseignement supérieur français, indicateur du
programme 185, contribue à asseoir l’orientation en faveur de la mobilité
étudiante, mais paraît très insuffisant pour rendre compte de la
contribution réelle des écoles et lycées français à l’attractivité dans ce
domaine. Dans plusieurs pays, la perspective d’effectuer ses études
supérieures en France ne va pas de soi pour les anciens lycéens. Ainsi, au
Chili, les anciens élèves du lycée français se doivent de faire leurs études
dans l’enseignement supérieur local ; en Espagne, les parents souhaitent
que les bacheliers passent deux ans dans les universités locales afin de
s’acclimater au pays, avant de poursuivre éventuellement des études
supérieures en France. Au Liban et en Turquie, les élèves nationaux de
l’enseignement secondaire français privilégient les universités locales
pour le 1
er
cycle et ne sont intéressés par des études à l’étranger qu’à
partir des 2
ème
et 3
ème
cycles.
La directrice de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger
(AEFE) admet la nécessité de mieux articuler l’enseignement français à
l’étranger avec l’action culturelle du réseau. Elle reconnait l’existence de
quelques cas de rivalité entre les conseillers de coopération et d’action
culturelle (COCAC) et les responsables locaux des établissements
français, ou, comme en Turquie, de concurrence entre l’Institut français
74
Au Maroc, premier budget du programme 185 avec 51,7 M€, l’enseignement
français absorbe 41,5 M€.
LA COHERENCE DES INTERVENTIONS SECTORIELLES DU RESEAU
95
local et les lycées français pour l’organisation des examens de
certification, qui sont une source importante de revenus.
Le domaine de la coopération éducative illustre également la
difficulté de la mise en synergie des actions culturelles. Celle-ci pose
avant tout un problème d’acteurs et de périmètres : elle relève
simultanément de l’Institut français, des services de coopération et
d’action culturelle (SCAC), de l’agence pour l’enseignement français à
l’étranger (AEFE), du centre international d’études pédagogiques
(CIEP)
75
mais également, dans les pays éligibles à l’aide publique au
développement (APD), de l’agence française de développement (AFD) et
de nombreux acteurs multilatéraux soutenus par la France (programme
des nations unies pour le développement (PNUD), Banque mondiale,
Organisation internationale de la francophonie). Comme la Cour l’a déjà
indiqué, la coordination dans ce domaine est insuffisante, le transfert des
responsabilités entre le ministre des affaires étrangères (MAE) et
l’agence française de développement (AFD) « ayant perturbé la mise en
oeuvre de certains projets et affaibli leur cohérence »
76
. Ce manque de
cohérence entre coopération éducative et promotion de la langue française
accentue la baisse de l’attractivité de la langue française dans de
nombreux pays, notamment au Maghreb. En revanche, la création de
sections bilingues dans l’enseignement local, qui se développe dans
certains pays, est de nature à favoriser la synergie entre coopérations
éducative, universitaire et linguistique.
Alors qu’ils sont considérés par le ministre des affaires étrangères
comme deux des « piliers de la diplomatie du rayonnement culturel,
intellectuel et scientifique », le réseau culturel et l’audiovisuel extérieur
requièrent également une meilleure coordination de leur action.
Compétent en matière audiovisuelle depuis la fin des années 1970, le
réseau déploie une trentaine d’attachés de coopération audiovisuelle, le
plus souvent à compétence régionale, dont l’intégration dans les équipes
d’ambassade demeure perfectible. Malgré certaines réussites
77
, près de
50 % des postes interrogés par la Cour considèrent que leur relation avec
75
Établissement public relevant des ministères chargés de l'éducation et de
l'enseignement supérieur, le Centre international d’études pédagogiques (CIEP)
contribue notamment à la mise en place des tests de niveau de langue pour les
étrangers.
76
Cour des comptes,
Rapport public thématique
:
La politique française d’aide au
développement.
La Documentation française, juin 2012, p.52., disponible sur
www.ccomptes.fr
77
Au Royaume-Uni, l’Institut français du Royaume-Uni
(
IFRU) s’est engagé, par un
accord de partenariat triennal avec TV5Monde, à soutenir la chaîne auprès de son
public et à diffuser ses programmes pédagogiques auprès des enseignants
britanniques.
COUR DES COMPTES
96
l’AEF (France-Médias Monde) n’est pas satisfaisante, notamment dans
les pays du Maghreb, où les programmes de la télévision française sont
très regardés.
Cette situation est regrettable, notamment au regard de la
contribution potentielle de l’audiovisuel au soutien de la francophonie
78
et
au débat d’idées, ce vecteur pouvant offrir une alternative bienvenue aux
idées propagées par certaines chaînes d’information continue diffusées
localement. Elle concerne également l’Europe, un ambassadeur en
Roumanie confirmant que dans ce pays de télévision câblée où les
chaînes françaises TV5 et France 24 sont menacées de disparaître des
bouquets locaux, l’audiovisuel extérieur est également un sujet important
et insuffisamment intégré par le réseau.
III
-
L’articulation du réseau et des opérateurs
nationaux
A - La contribution autonome des grands opérateurs
nationaux
Les grands établissements culturels français (musée du Louvre,
musée du quai Branly, Centre Georges-Pompidou, Bibliothèque nationale
de France, Réunion des musées nationaux, etc.), qui développent de
nombreuses actions à l’étranger, coopèrent directement avec leurs
partenaires.
Le Louvre, par exemple, entretient des contacts de nature
scientifique avec des interlocuteurs divers (États, musées, chaînes de
télévision) dans environ 70 pays étrangers. De même, le Centre Georges
Pompidou entretient des liens directs et réguliers avec des partenaires
reconnus comme le MOMA ou la
Tate Gallery
, et coproduit avec eux des
expositions temporaires.
78
RFI propose par exemple des outils pédagogiques d’apprentissage du français en
12 langues.
LA COHERENCE DES INTERVENTIONS SECTORIELLES DU RESEAU
97
Les partenariats étrangers d’un opérateur culturel : l’exemple du
musée du Louvre
- Egypte : plusieurs chantiers de fouilles (Saqqara, Deir El Medineh,
Baouit, Meremptah) ; depuis 2006, expertise pour la rénovation du musée
d’art islamique du Caire (rouvert en 2010)
- Jordanie : accord-cadre de coopération d’octobre 2009 avec le musée
national d’Amman
- Maroc : protocole de mai 2012 avec la Fondation Nationale des
Musées du Maroc prévoyant notamment l’organisation au Louvre (2014)
d’une exposition consacrée au Maroc médiéval
- Tunisie : partenariat de novembre 2009 avec l’Institut National du
Patrimoine tunisien et le musée du Prado
- Inde : protocole d’accord de janvier 2012 avec le ministère indien de
la culture
- Arabie Saoudite : mémorandum d’entente d’avril 2010
- Syrie : accord de partenariat de décembre 2006 (chantier de fouilles
à Tulul El’Far, campagnes de restaurations d’oeuvres, aide à la rénovation du
système muséal), gelée en raison des événements en Syrie
- Iran : accord-cadre de novembre 2004 (exposition au Louvre « Le
Chant du monde, l’art de l’Iran safavide », reprise d’un chantier de fouilles à
Nishapour (arrivé à terme en 2011 et non renouvelé)
- Yémen : convention de décembre 2006 (expertise sur le musée de
Sanaa, restauration et mise en valeur d’oeuvres)
- Soudan : chantier de fouilles (El-Muweïs ouvert en janvier 2007)
- Azerbaïdjan : accord de coopération de 2008
- Ouzbékistan : chantier de fouilles (Tachkent) lancé en 2010
- États-Unis : partenariat avec le High Museum d’Atlanta en 2005 ;
partenariat «
New Frontier
» en 2012 avec le
Crystal Bridges Museum
, le
High Museum
d’Atlanta et la
Terra Foundation
- Japon : coopération
MuseumLab
avec la société DAÏ NIPPON
PRINTING depuis octobre 2006, renouvelée en octobre 2010
- Chine : convention avec la « Cité Interdite » en octobre 2005
(exposition centrée sur Napoléon à Pékin et expertises diverses), renouvelée
en 2010 (exposition de la Cité Interdite au Louvre - automne 2011).
Source : Cour des comptes.
COUR DES COMPTES
98
Les postes ne sont que très marginalement associés à ces relations,
comme ils le regrettent presque unanimement dans leurs réponses au
questionnaire de la Cour. À cet égard, le soutien apporté par le réseau aux
tournées à l’étranger de la Comédie-française - qui sont un instrument
particulièrement prestigieux de rayonnement - fait plutôt figure
d’exception.
Les tournées à l’étranger de la Comédie-Française
La
Comédie-Française
effectue
une
vingtaine
de
ses
850
représentations annuelles à l’étranger. Après une grande tournée dans les
pays de l’Est en 2009, puis dans six villes de Russie en 2010, elle s'est rendue
en Asie (Corée du Sud, Chine, Taïwan) à l’automne 2011 pour jouer « Le
Malade imaginaire ». C'était la première fois que la Comédie-Française jouait
en Chine. À l’automne 2013, une grande tournée des « Jeux de l’Amour et du
Hasard » devrait être organisée en Amérique du Sud (Brésil, Argentine,
Uruguay).
Ces tournées ne sont jamais dépourvues d’une dimension politique,
comme l’ont montré ses déplacements en Australie en 1988 (essais nucléaires
du Pacifique) ou aux États-Unis en 2007 (Guerre d’Iraq).
Source : Cour des comptes.
B - Quelques pistes pour une meilleure synergie
Comme le soulignent plusieurs de leurs responsables, les attentes
des principaux opérateurs culturels vis-à-vis du réseau sont en réalité
modestes, sans être inexistantes. Le président d’un des plus importants
musées de France reconnait qu’en dépit de quelques « coïncidences
heureuses », « le monde des grands musées vit très loin du réseau de
l’action
culturelle
extérieure ».
Les
grands
opérateurs
culturels
distinguent, généralement, deux catégories de pays dans le monde : ceux
pour lesquels l’action passe par une intervention officielle (rôle du
« drapeau »), et ceux pour lesquels une telle intervention officielle est
inutile, voire contreproductive. Le plus souvent, ces opérateurs peuvent
être conduits à solliciter les ambassades, mais pas toujours leurs services
culturels, pour régler les modalités pratiques d’un projet ou vérifier
l’honorabilité de mécènes locaux potentiels. Quelques attentes déçues
sont à signaler, comme celle du Louvre, qui n’a pu convaincre le
ministère des affaires étrangères (MAE) de l’aider à déployer en Afrique
une exposition de reproductions d’oeuvres du Louvre qui avait pourtant eu
du succès dans les Caraïbes.
LA COHERENCE DES INTERVENTIONS SECTORIELLES DU RESEAU
99
Symétriquement, les postes devraient pouvoir tirer un meilleur
parti des bénéfices des actions extérieures des établissements publics.
C’est ainsi que le réseau des Émirats Arabes Unis éprouve des difficultés
persistantes pour s’intégrer dans l’action des établissements que sont le
Louvre ou la Sorbonne installés à Abou Dhabi, comme en faisait état le
plan d’action de l’ambassade en janvier 2009.
Dans un rapport consacré en février 2010 à l’action internationale
des grands établissements publics culturels, M. Benoît Paumier,
inspecteur général des affaires culturelles, confirmait que les liens de ces
grands établissements avec le réseau sont « très inégaux » : « très limités
dans les pays développés, ils sont en revanche souvent substantiels dans
les zones géographiques où les moyens d’action culturelle ont été
préservés, telles que l’Afrique du Nord ou l’Indochine, ou les pays à
risque politique ». Il estimait que « l’absence de synergies » qui résulte de
cette situation « constitue un handicap pour le développement des
établissements publics », en particulier pour ceux de petite et moyenne
taille. Aussi recommandait-il de « renforcer les liens avec le réseau
culturel », en particulier par l’information systématique des postes
culturels sur l’activité de ces établissements.
L’Institut français n’est guère associé à l’action des opérateurs
culturels, en dehors du cadre des saisons qu’il programme et malgré
l’existence de 25 conventions avec des établissements nationaux. Quel
que soit le professionnalisme de ses agents, il joue davantage un rôle de
communicant que de diffuseur, par manque de ressources humaines et
financières. C’est une différence significative avec le
British Council
, qui
fait tourner à l’étranger les grandes compagnies britanniques et en obtient
une vraie rentabilité.
L’annonce récente par le ministre des affaires étrangères de la
constitution d’un projet de « base de données des offres » nationales, qui
serait confié à l’Institut, est appelé à combler une lacune. Son succès
dépend cependant nécessairement d’une implication du ministère de la
culture et de la communication (MCC) avec une exploitation des outils
existants (site « culture.fr », etc.).
Une meilleure synergie entre les établissements culturels et le
réseau passe ainsi nécessairement par une meilleure implication du
ministère de la culture et de la communication (MCC) dans l’action du
réseau, notamment par une participation à la formation de ses agents. Si
ce ministère contribue à la rédaction des instructions ministérielles aux
ambassadeurs et participe à la sélection des agents du réseau, il pourrait
être plus régulièrement convié aux réunions régionales des conseillers de
coopération et d’action culturelle (COCAC), qui permettent d’aborder des
COUR DES COMPTES
100
problématiques plus ciblées. C’est aussi dans cette perspective que le rôle
de l’Institut français en matière d’intermédiation entre les opérateurs
culturels, le ministère de la culture et de la communication (MCC) et le
réseau devrait être conforté.
______________________
CONCLUSION
_____________________
Les ambassades ne disposent pas encore des outils nécessaires à
la conduite locale optimale de l’action culturelle, dans l’attente de plans
d’action et de structures de coordination locale rénovés.
La fusion entre les services de coopération et d’action culturelle
(SCAC) et les établissements à autonomie financière (EA)F a permis de
simplifier la structure du réseau public, sans clarifier totalement
l’articulation des responsabilités.
Les interventions d’un réseau dont le domaine d’action est très
vaste manquent encore cependant d’une approche transverse qui
permette de dégager les synergies potentielles entre ses acteurs et ses
actions.
Les actions menées sur le plan local par le réseau et celles des
opérateurs nationaux intervenant dans son champ ne sont pas
suffisamment liées entre elles. Ceci vaut aussi bien pour les opérateurs
extérieurs dont l’objet général est commun à celui du réseau
(enseignement français à l’étrange, audiovisuel extérieur) que pour les
établissements nationaux intervenant dans le champ culturel.
Chapitre IV
Les conditions d’une meilleure efficience
locale
I
-
La complémentarité des deux réseaux français
A - Les atouts du mouvement des Alliances françaises
L’apport des Alliances françaises au réseau culturel est très
important. Leur souplesse de fonctionnement, leur enracinement local,
leur contribution à l’entretien d’un attachement à la culture française sont
des atouts. Dans de nombreux pays, il est reconnu que le réseau des
Alliances assure une forte visibilité de la présence culturelle française,
notamment grâce à la « marque Alliance française » qui doit être un gage
de qualité qu’il revient à la Fondation de protéger. Le déploiement depuis
2009 d’un référentiel de qualité commun aux Instituts et aux Alliances y
contribue. La Fondation Alliance française est associée aux actions de
professionnalisation du réseau et s’est engagée, depuis sa création en
2007, à promouvoir un programme de formation des agents de droit local
(ADL) des Alliances, élaboré et mis en oeuvre par l’Alliance française de
Paris-Ile-de-France (AFPIF), dont cette Fondation est issue.
COUR DES COMPTES
102
Tableau n° 8 : couverture géographique des Alliances
françaises (2009-2011)
Zone
Nombre de pays
Nombre d'Alliances
françaises
Nombre de
centres associés
(CA)
Total AF + CA
2009 2010 2011 2009 2010
2011 2009 2010 2011 2009
2010 2011
Afrique / Océan Indien 38
37
37
129
131
130
1
1
0
130
132
130
Amérique du Nord
2
2
2
128
122
123
5
5
4
133
127
127
Amérique latine
19
18
18
216
208
207
33
34
32
249
242
239
Antilles / Caraïbes
14
15
15
25
26
26
0
0
0
25
26
26
Asie
24
25
24
78
77
76
0
0
1
78
77
77
Europe
33
34
34
292
292
265
60
53
51
352
345
316
Océanie
6
6
6
48
47
46
0
0
0
48
47
46
TOTAL
136
137
136
916
903
873
99
93
88
1 015 996
961
Source : Cour des comptes d’après les rapports d'activité de la Fondation
Alliance française.
Il est cependant difficile de mesurer précisément la contribution
des Alliances françaises à l’efficacité globale du réseau, les informations
collectées par la Fondation pouvant être insuffisamment fiables et
partielles
79
. Cette situation rend plus complexe leur association au réseau.
B - Les voies d’une meilleure complémentarité
La relation entre le ministère des affaires étrangères (MAE) et le
réseau des Alliances est complexe et devrait être mieux maîtrisée. Les
ambassades s’efforcent de valoriser l’action des Alliances, mais
ne
peuvent infléchir leur activité que dans la mesure où elles appuient
financièrement ces acteurs autonomes, sous forme de subventions. De son
côté, la Fondation ne dispose que d’une autorité morale sur les Alliances
et, de ce fait, n’en exerce pas le pilotage. L’existence de délégués
généraux financés par l’État permet d’améliorer l’animation du réseau
local mais n’évite pas toujours le problème de leur positionnement tant
vis-à-vis des Alliances françaises locales que des services culturels des
ambassades.
79
Le rapport d’activité de la Fondation ne retrace ni l’ensemble des manifestations
culturelles organisées, ni la répartition des moyens des Alliances en effectif et en
budget. Son édition publique pour l’exercice 2012 n’était pas encore en ligne sur le
site de la Fondation fin août 2013.
LES CONDITIONS D’UNE MEILLEURE EFFICIENCE LOCALE
103
Le soutien financier de l’État aux Alliances devrait
être assorti de
contreparties qui, bien sûr, ne méconnaitraient pas l’indépendance des
Alliances. Soutenues financièrement par les ambassades ou disposant
d’expatriés,
elles
devraient
faire
l’objet
d’une
démarche
de
conventionnement et de compte-rendu de l’emploi de leur subvention,
conformément au « vadémécum des procédures de la coopération et de
l’action culturelle » de la direction générale de la mondialisation (DGM).
De plus, la Fondation pourrait faire de ces documents un instrument de
contrôle de qualité. Enfin, les procédures de prévention et de contrôle des
malversations
80
pourraient encore être renforcées. Les retraits de label par
la Fondation pourraient être plus activement utilisés en cas de
manquement aux principes de la Charte.
C - La question délicate de l’implantation des deux
réseaux
Les implantations respectives des réseaux public et privé
constituent une source de tension entre des entités qui doivent être des
partenaires. Malgré une tentative d’articulation prévue par l’article 6 de la
convention triennale entre la Fondation et l’État signée en octobre 2010,
des redondances sont en effet signalées.
Celles-ci interviennent, lorsque plusieurs implantations coexistent
dans la même ville, ce qui est le cas dans une dizaine de grandes villes
comme Lisbonne ou Madrid
81
. De telles situations peuvent avoir pour
effet de brouiller l’image de l’action culturelle française pour les usagers
et les partenaires locaux, voire de susciter, malgré l’accord passé entre le
ministère des affaires étrangères (MAE) et la Fondation en 2012, une
concurrence pour l’obtention de ressources propres, tirées des cours de
langue, des certifications et du mécénat culturel local
82
. Elles ne doivent
pas pour autant être considérées comme des « doublons » dans des
métropoles où le potentiel d’apprentissage de la langue française est
grand.
Enjeu crucial pour l’avenir, le principe de subsidiarité entre les
deux réseaux n’est pas étudié sur des bases objectives, qui procèderaient
d’un bilan comparatif coût/résultat des structures locales. Comme
l’Institut français, la Fondation plaide ainsi pour une « cartographie
raisonnée des implantations », se substituant au « feuilleté historique
80
Malversations qui ont pu subvenir, par exemple, au Maroc en 2010 ou en Chine en
2012.
81
En Espagne, la concurrence avec les Alliances est cependant limitée compte tenu
d’accords passés pour se répartir les zones d’intervention géographiques.
82
188 M€ en 2012 pour les Alliances contre environ 73 M€ pour les Instituts français.
COUR DES COMPTES
104
résultant d’initiatives non coordonnées » dont il est souhaitable de
disposer avant la conclusion de la prochaine convention triennale 2014-
2016.
La complémentarité du réseau des Alliances avec le réseau d’État
devrait être plus activement recherchée, mais sans esprit de système, aussi
bien dans le domaine des cours de langues que dans celui des activités
culturelles, les Alliances ne devant pas voir, dans une coordination plus
active, un prélude à leur absorption par les Instituts. Nombre d’exemples
positifs de coopération entre les deux réseaux, déjà signalés, devraient
être analysés. Les logiciels de gestion des cours des deux réseaux
devraient être harmonisés. Les divergences de vue subsistant dans
plusieurs pays
83
devront être aplanies.
Par ailleurs, la formule de la direction d’Alliances françaises par
des agents de droit local plutôt que par des agents expatriés devrait être
privilégiée, compte tenu de la taille modeste de la plupart des Alliances
françaises
84
. L’exemple des Fidji, relevé par l’inspection générale des
affaires étrangères (IGAE) en 2010, montre que certaines Alliances
isolées peuvent fonctionner très efficacement (400 à 500 apprenants) sous
la direction d’un recruté local. De telles formules permettraient de
répondre à des demandes locales (Chine), qui ne sont pas encore
satisfaites.
Si une optimisation de l’implantation des deux réseaux est
envisageable, elle ne doit pas conduire à figer les situations dans une sorte
de « Yalta culturel ». Le « plan de redéploiement des moyens » du réseau
à l’horizon 2014-2105 que le ministre des affaires étrangères vient
d’annoncer au comité technique paritaire ministériel de mai 2013 vise en
effet à revoir la carte des 136 antennes d’établissement à autonomie
financière (EAF) implantés hors capitales (dont une vingtaine en
« sérieuses difficultés financières ») en fermant une vingtaine de ces
antennes. Il table sur un meilleur appui du réseau sur les Alliances
françaises, les établissements scolaires français, les consulats ou les
bureaux de représentation des établissements universitaires et des
organismes de recherche qui s’y trouveraient, ce qui peut conduire à faire
dans certains cas de leurs implantations le substitut du réseau culturel
public.
83
Au Royaume-Uni, l’Alliance se présente comme “
the French language specialists
”
et l’IFRU comme “
the official French government centre of language and culture in
London
“. Aux Émirats Arabes Unis, les Alliances comprennent mal l’intérêt de la
création de l’Institut français, qui leur a repris l’organisation des examens DELF afin
de s’assurer d’un autofinancement stable.
84
Les deux-tiers des Alliances reçoivent moins de 500 apprenants par an.
LES CONDITIONS D’UNE MEILLEURE EFFICIENCE LOCALE
105
II
-
L’optimisation du nouveau modèle de
financement
A - La mise en conformité nécessaire du statut des EAF
Le statut juridique des postes du réseau constitue une première
fragilité. Régi par les dispositions du décret n° 76-832 du 24 août 1976
relatif
à
l’organisation
financière
de
certains
établissements
ou
organismes de diffusion culturelle à l’étranger pris en application de
l’article 66 de la loi de finances pour 1974, il permet aux quelque 120
établissements à autonomie financière (EAF)
85
qui le composent de
disposer de l’autonomie financière sans avoir la personnalité juridique.
Ainsi, les établissements à autonomie financière (EAF) peuvent-ils
conserver les recettes qu’ils collectent grâce à leur activité.
Ce statut d’autonomie est relatif. La création d’un EAF exige un
arrêté interministériel annuel. Le tarif de leurs cours de langue et des
certifications n’est pas librement fixé. L’exemption fiscale dont
bénéficient leurs activités de vente de services en raison de leur statut
diplomatique est précaire, ce privilège fiscal étant actuellement contesté
dans plusieurs pays (Turquie, Ouzbékistan, Japon, etc.).
Depuis plusieurs années, le ministère des affaires étrangères est par
ailleurs conscient de la non-conformité du régime budgétaire et financier
des EAF aux principes d’unité et d’universalité budgétaires posés par
l’article 6 de la loi organique (LOLF), relevée aussi bien par le ministère
du budget en 2009 que par le Conseil d’État en 2011. Il a
plaidé pour une
modification du décret de 1976, à laquelle le ministère du budget s’est
opposé, la jugeant également incompatible avec la LOLF. Une étude,
récemment confiée par le ministère à un membre du Conseil d’État,
confirme l’incompatibilité du statut des établissements à autonomie
financière (EAF) avec ces principes, dont découlent l’obligation
d’enregistrement intégral des recettes et dépenses dans le budget général,
l’interdiction de compensation entre dépenses et recettes et l’interdiction
d’affectation des recettes à des dépenses.
Cette irrégularité n’est pas acceptable. Elle fait courir un risque
juridique à l’ensemble du dispositif du réseau public et accentue sa
fragilité compte tenu de l’appui croissant sur la collecte de recettes
commerciales. Le ministère hésite actuellement entre une modification de
85
Leur création est autorisée par un arrêté interministériel modifié annuellement. Leur
domaine de compétences et la liste de leurs antennes font l’objet d’une décision du
MAE prise chaque année.
COUR DES COMPTES
106
la LOLF, lourde à engager, le rattachement des établissements à
autonomie financière (EAF) à d’autres personnes morales (rattachement à
un établissement public, transformation des établissements à autonomie
financière (EAF) en établissement public à caractère industriel et
commercial (EPIC) locaux, etc.) et le recours à une procédure
d’attribution de produits, peu compatible avec le souci d’une autonomie
financière des établissements. Les solutions qui devront être trouvées
pour lever cette insécurité juridique auront nécessairement une incidence
sur l’organisation du réseau et son financement. Il est nécessaire qu’une
mise en conformité intervienne dès que l’expérimentation en cours sera
achevée.
B - La quête indispensable mais difficile de
cofinancements
Les postes affichent une progression des cofinancements obtenus
dans la plupart des pays à enjeux : entre 2011 et 2012, leur montant est
passé au Brésil de 15,3 M€ à 29,1 M€ ; aux États-Unis, de 13,0 M€ à
13,3 M€ ; en Chine, de 2,2 M€ à 4,4 M€ ; en Allemagne, de 2,4 M€ à
2,5 M€. Ils ont en revanche baissé au Maroc, de 3,2 M€ à 2,8 M€ et en
Turquie, de 1,5 M€ à 1,0 M€. De fait, ce sont les ambassadeurs, les
conseillers de coopération et d’action culturelle (COCAC) et leurs
collaborateurs
qui
effectuent
le
travail
de
lobbying
nécessaire.
L’impression prévaut d’une organisation fonctionnant de manière
artisanale, sans vision ou stratégie globale et qui ne déploie pas des
efforts coordonnés en vue de développer les cofinancements de façon
systématique et avec des instruments adaptés.
Cette situation appelle un meilleur soutien de la part de la direction
générale de la mondialisation (DGM), le ministère ne venant pas
suffisamment en appui aux postes en matière de recherche de fonds,
activité
complexe
qui,
pour
être
fructueuse,
nécessite
un
accompagnement
86
. 64 % des postes interrogés par la Cour classent
l’appui dans ce domaine au premier rang de leurs attentes.
Si plus de deux tiers (69 %) d’entre eux estiment avoir une
connaissance suffisante du potentiel financier local, les Instituts français
ont une capacité très variable à trouver des cofinancements, pour des
raisons de contexte ou de mobilisation de compétences. Au Japon, par
exemple, le cofinancement ainsi levé est six fois moindre qu’en Malaisie.
86
La création de fondations, pratiquée aux États-Unis ou en Italie, illustre cette
technicité : les services culturels aux États-Unis ont ainsi réussi par ce canal à
mobiliser plus de 13 M€ de mécénat en 2012, couvrant tout le champ de leurs
activités (financement de festivals culturels, de partenariats universitaires, etc.).
LES CONDITIONS D’UNE MEILLEURE EFFICIENCE LOCALE
107
Aux Émirats Arabes Unis, le poste ne parvient à mobiliser qu’un montant
très modeste de 51 000 € en 2013 de la part des mécènes français et
locaux. Cette situation peut entraîner une mise sous tension de certains
postes dans le cas d’une baisse des fonds publics. Dans les réponses
reçues par la Cour à son questionnaire, les cofinancements sont présents
principalement dans le domaine éducatif mais beaucoup moins dans le
domaine culturel (Portugal, Norvège, Allemagne). Ils sont, par exemple,
jugés « très difficiles à mobiliser » (Hongrie), « difficiles à obtenir et
exploiter, notamment faute de motivation de la plupart des partenaires
européens » (Ukraine). Les « démarches sont longues, complexes et
chronophages »
(Suède),
les
« procédures
lourdes
et
le
réseau
insuffisamment armé pour les instruire » (Espagne). En outre, « la
complexité des appels à projets européens freine les initiatives de ce
type : cela demanderait la mise à disposition d’un ETP à temps complet
pendant plusieurs mois et une capacité financière que l’IFP n’a pas »
(Pologne).
Des progrès en matière de cofinancement nécessitent également le
recours dans le réseau à des agents au profil spécialisé comme le
soulignent nombre d’ambassades, notamment dans les pays anglo-saxons
(Australie, Canada) ou émergents. Aux États-Unis, l’emploi par les
services culturels d’un seul agent pour la recherche de fonds à New-York
peut paraître insuffisant dans le pays phare de la philanthropie. Les
résultats
obtenus
dans
ce
pays,
s’ils
sont
importants,
restent
manifestement en deçà du potentiel et se concentrent surtout sur New-
York, les autres grandes métropoles étant délaissées par manque de
moyens. À Rome, seule une consultante à mi-temps traite le sujet. À
Berlin, le bureau du mécénat, créé en 2010 et confié à un agent local, n’a
pas donné grand résultat. À Alger, c’est un volontaire international qui,
auprès de l’ambassadeur, a suivi le projet phare de rénovation, grâce à des
mécènes locaux, du centre culturel de Tizi-Ouzou (0,7 M€ levés).
L’attribution de ces ressources humaines spécialisées aux ambassades les
plus aptes à les employer devrait se faire sur la base d’objectifs
pluriannuels de levée de fonds, inscrits dans les plans d’action des
ambassades.
Si la recherche de fonds privés peut pallier le manque de crédits
publics, elle doit s’exercer en tenant compte de l’impact pour l’image de
l’État qui pourrait s’attacher au financement par des capitaux privés
d’opérations
à
forte
symbolique
régalienne.
Il
conviendrait
en
conséquence de mieux ajuster les dotations de crédits budgétaires en
fonction de ces objectifs : nombre de postes alertent sur les risques que
fait encourir la baisse continue des crédits, qui ampute d’autant leur
COUR DES COMPTES
108
capacité à faire jouer un effet de levier, réel bien que non mesuré
ex
ante
87
. L’ambassade en Indonésie a indiqué que « l’enveloppe des crédits
d’intervention est très en deçà du potentiel que l’Indonésie offre à notre
coopération, y compris en termes de cofinancements … dans le cadre
d’une concurrence rude entre pays développés … pour attirer les
étudiants des meilleures universités ». Pour l’ambassade en Argentine,
« depuis quelques années, notre action souffre d’un déséquilibre entre la
volonté exprimée par nos partenaires, notamment dans les secteurs de la
coopération scientifique et universitaire, et notre capacité à assurer un
cofinancement à part égale. Nous serions potentiellement en mesure de
doubler
le
nombre
de
bourses
accordées
avec
des
moyens
supplémentaires et en nous appuyant sur un effet de levier remarquable ».
Aux États-Unis, la pérennité du programme d’échange universitaire
Partner University Fund
est en danger, le ministère étant dans
l’incapacité d’accompagner le mécène américain qui a versé pour ce
partenariat près de 10 M€ en cinq années.
Indispensable, la recherche de cofinancement des actions du réseau
a été jusqu’ici largement déléguée au réseau. Elle doit maintenant
s‘accompagner d’une implication plus grande des acteurs centraux pour
se poursuivre dans des conditions efficaces.
C - Une distinction nécessaire entre les sources de
cofinancement
Le développement des cofinancements des actions du réseau passe
par une distinction plus claire des types de contributeurs : entreprises
françaises, collectivités territoriales françaises, Union européenne et
mécènes locaux.
La contribution des acteurs privés français, mal mesurée par le
ministère, est relativement fragile, dépendant notamment des avantages
fiscaux associés. Elle appelle une coordination attentive pour éviter de
multiples sollicitations d’une même entreprise à Paris et dans les postes.
Certaines entreprises peuvent se montrer généreuses pour cofinancer des
actions culturelles et sont motivées par la possibilité d’offrir à leurs
expatriés un enseignement en français de qualité. Mais, dans d’autres cas,
les entreprises françaises installées à l’étranger et les expatriés ne sont pas
87
Cet effet de levier est très important au Royaume-Uni où les financements externes
du
British Council
permettent de porter l’effort financier total à 1,2 Md€, soit une
multiplication par 2,5 des crédits publics du
Foreign&Commonwealth Office
(
FCO) et un taux de subvention budgétaire de 28 % en 2012 (contre 54 % pour le
réseau public français).
LES CONDITIONS D’UNE MEILLEURE EFFICIENCE LOCALE
109
désireux de soutenir les actions du réseau, en étant plus enclins à
souligner leur enracinement local. La direction générale de la
modernisation (DGM) n’a pas le rôle moteur qu’elle pourrait avoir auprès
de ces partenaires potentiels pour promouvoir les missions du réseau,
développer des partenariats globaux conciliant les intérêts des entreprises
avec les enjeux du réseau et prévenir les sollicitations non coordonnées.
La part des cofinancements européens est très faible dans les
opérations du réseau (8 M€ en 2012 selon la direction générale de la
mondialisation (DGM)). Les postes ont fait part des mêmes constats que
pour les autres sources de financement : insatisfaction sur l’information et
le soutien reçus de l’administration centrale, absence de formation des
agents et insuffisance des compétences disponibles pour savoir mobiliser
des fonds aux procédures d’allocation complexe. Pour la Turquie, « à
l’heure actuelle, l’Institut français de Turquie n’a pas les moyens
financiers, ni administratifs (plafond d’emplois, CDD, etc.) pour apporter
de tels cofinancements (…), ce qui constitue son principal handicap par
rapport à ses partenaires européens (
British Council
,
Dante Alighieri
,
Goethe Institut
) bien mieux dotés en personnels et moyens pour suivre
des
projets
d’une
telle
ampleur
et
bénéficiant
même
d’aides
complémentaires financières de la part de leurs ministères de tutelle ». À
ce
handicap
s’ajoutent
l’absence
de
personnalité
juridique
des
SCAC/EAF, l’absence de dimension régionale du réseau et la faible taille
des Alliances françaises.
En dépit de ces constats, connus de longue date, la direction
générale de la modernisation (DGM) ne dispose pas encore d’agents
spécialisés dans la captation des financements européens et, à ce stade, sa
doctrine d’emploi, ses modalités d’action et la coordination avec le réseau
et le reste des administrations impliquées demeurent imprécises. Or, dans
le même temps, elle finance un poste de chargé de mission
« financements européens » à l’Alliance française de Bruxelles-Europe,
qui, outre une fonction de suivi, est censé répondre au nom de cet
organisme à des appels à propositions « particulièrement stratégiques ».
L’Institut français, qui s’est vu confier dans son décret constitutif et dans
son contrat d’objectifs et de moyens (COM), la mission de recherche de
fonds privés, n’a obtenu à ce jour que des résultats presque dérisoires
(moins de 50 000 €). Cette situation s’explique par sa jeunesse, par un
partage imprécis des rôles avec le ministère et par le peu de moyens qu’il
consacre à la recherche de financements européens. Si le
British Council
n’a aucun représentant à Bruxelles, il emploie au siège une dizaine
d’agents pour suivre les décisions et les financements européens, et le
Goethe Institut
entretient pour sa part cinq agents sur place.
L’amélioration de la situation passe donc autant par un investissement
proportionnel à l’enjeu que par une meilleure coordination des actions de
COUR DES COMPTES
110
la DGM, des opérateurs spécialisés, de la représentation permanente à
Bruxelles et des autres postes du réseau.
D - L’enseignement du français, source principale du
financement du réseau
Le réseau, soutenu dans ces efforts par le ministère des affaires
étrangères (MAE) et, depuis 2011, par l’Institut français, a parallèlement
développé de manière dynamique depuis quelques années ses ressources
propres en matière de cours de français et de certification de niveau
linguistique, qui représentent désormais 75 % de leurs recettes propres.
Ainsi, les Instituts se sont professionnalisés, ont diversifié leur offre, ont
investi dans des équipements adaptés, ont lancé des campagnes de
communication et, pour certains, ont engagé des processus de
certification (par exemple en Italie, afin d’avoir accès aux fonds de la
formation professionnelle).
Les certifications se sont largement imposées dans le monde et s’y
sont souvent substituées aux diplômes locaux, notamment délivrés par les
Alliances. La normalisation et le développement des certifications
confortent leur reconnaissance internationale et renforcent l’attractivité
des centres de langue. Elles attirent de nombreux publics : professionnels
souhaitant s’expatrier dans un pays francophone (France, Canada, etc.),
étudiants pour leurs études supérieures en France, cadres d’entreprises
travaillant avec des entreprises francophones, familles qui souhaitent,
dans un contexte de crise, accroître les chances de leurs enfants. Les
statistiques confirment une nette croissance du nombre de candidats et de
diplômés aux certifications de langue française, qui dépasserait en 2012
les 500 000 candidats dans le réseau (Alliances, Instituts et autres).
L’Allemagne est le premier pays pour les certifications (64 900 inscrits en
2012, principalement provenant du milieu scolaire, soit une progression
de 30 % depuis 2008), les droits d’inscription au diplôme d’études en
langue française/diplôme approfondi de langue française (DELF/DALF)
y ayant représenté près d’1,7 M€ en 2012.
Ces efforts ont produit des résultats positifs, les recettes propres
des établissements à autonomie financière (EAF) ont progressé de 21 %
entre 2009 et 2012, passant de 90,1 M€ à 108,9 M€. Le taux moyen
d’autofinancement des activités des EAF atteint 65 % en 2012 (hors
masse salariale des expatriés) contre 59 % en 2009.
Cette évolution conduit à l’autonomisation du réseau par rapport
au budget de l’État : en Chine, les crédits d’État ne représentent ainsi plus
que 34 % de l’ensemble des ressources mobilisées par l’Institut français
(14,8 M€ hors rémunération des expatriés) et seulement 17 % des
LES CONDITIONS D’UNE MEILLEURE EFFICIENCE LOCALE
111
ressources de l’établissement à autonomie financière (EAF)
88
; au Brésil,
où l’action efficace du comité des mécènes a permis d’élargir le champ de
la programmation, le poste a pu rendre des crédits au ministère des
affaires étrangères (MAE) en fin d’exercice. Toutefois, les résultats
diffèrent sensiblement d’un poste à l’autre, notamment lorsque les
recettes principales que constituent les cours de langue sont captées par
les Alliances françaises. Pour les Instituts qui bénéficient d’un monopole,
les taux d’autofinancement des activités de cours peuvent dépasser 100 %
et permettre ainsi de financer les autres missions du poste. C’est ainsi le
cas en Italie (Institut auprès du Saint-Siège qui détient le monopole des
cours et examens à Rome). En Espagne, l’Institut français affichait, ces
dernières années, une santé économique se traduisant par un taux
d’autofinancement très élevé (88 %) avec un secteur des cours fortement
générateur de recettes (bénéfice de 1 875 000 € en 2011 et taux de
recouvrement des charges de 141 %) et un secteur examens dégageant un
bénéfice de 528 000 € couvrant à lui seul le déficit des activités
culturelles (541 000 €). Parfois, les résultats sont plus contrastés,
notamment pour des raisons tenant aux conditions économiques du pays
hôte. En Grèce, la crise a contraint les partenaires grecs, publics comme
privés, du réseau à se désengager progressivement, et le tarif des cours de
langue a dû être réduit de 10 %. En Lettonie, en Argentine ou au Niger, la
conjoncture a exercé également des effets négatifs sur la capacité des
postes à mobiliser des ressources propres.
Cette course aux ressources propres ne va pas sans créer certaines
difficultés. Ainsi, à Abou Dhabi, l’Institut français, en décidant
d’organiser lui-même les épreuves de certification du DELF Junior pour
se créer une ressource propre stable, a dû retirer cette mission aux
Alliances françaises locales. Au Brésil, le niveau élevé des tarifs établis
par le service de coopération et d’action culturelle (SCAC) pour les
inscriptions aux diplômes et tests de français dans le réseau des Alliances
a provoqué une baisse de fréquentation (- 3,4 % en 2012). L’évolution
peut avoir un effet sur les priorités car, comme l’indique le responsable
d’un Institut, « la priorité est le français, car on n’a pas le choix, puisque
c’est la source de financement ».
La collecte locale des recettes liées aux cours et certifications pose
par ailleurs le problème de la péréquation des ressources sur plusieurs
plans : entre Alliances et Instituts français dans les pays où ces derniers
n’ont pas de ressources de langues ; entre implantations dans un même
pays comme en Turquie où la capacité d’autofinancement de l’Institut
88
La subvention de l’Institut français pour le festival «
Croisements
», principale
manifestation artistique en Chine, est passée de 142 000 € en 2011 à 52 000 € en
2013.
COUR DES COMPTES
112
français se concentre à 90 % sur Istanbul ; entre centres d’enseignement
du français (CEF) ; entre pays enfin, près de 60 % des candidats aux
certifications étant issus en 2012 des pays de l’OCDE. Au
Goethe Institut
,
les recettes tirées des cours de langue et des certifications sont
prioritairement affectées aux investissements de l’Institut local, mais le
surplus peut être mutualisé à titre accessoire au sein de la région. Les
Instituts sont donc particulièrement incités à développer cette source de
revenus. En France, le ministère ne peut compenser que marginalement
les déséquilibres compte tenu notamment du statut des établissements à
autonomie financière (EAF) afin de remédier à l’inégalité de revenus des
centres pour les études en France (CEF).
III
-
L’exploitation des leviers technologiques
A - L’indispensable pari technologique
Le réseau et les opérateurs, chacun à leur manière, ont investi
judicieusement dans les nouvelles technologies. Des outils numériques en
direction du public ou des enseignants, comme les tableaux blancs
interactifs (TBI) mis en place par l’Institut français, sont largement
employés. D’autres, tels la « webtv » de l’Institut français consacrée au
débat d’idées, sont encore balbutiants. Ces outils pourraient être
diversifiés, notamment dans le domaine des contenus et de la
communication mais leur mise en place dépend de la bonne volonté des
postes qui n’ont aucune obligation de les utiliser.
Certains Instituts et Alliances ont su tirer parti des réseaux sociaux
afin de fidéliser leur public (spectateurs, étudiants, etc.) et de développer
une communication adaptée (site événementiel, newsletter). L’IFRU de
Londres
consacre
quatre
agents
à
un
service
« marketing
et
communication » qui définit, élabore et met en oeuvre ses stratégies de
promotion des événements et services. Il assure la diffusion et la
production des supports de communication et a, en outre, mis au point un
système de fidélisation des usagers par les nouvelles technologies
(Facebook, Tweeter, newsletter, site Internet).
En Inde, l’Institut de New-Delhi fait, lui aussi, un grand usage des
nouvelles technologies pour des sites dont la fréquentation apparaît très
satisfaisante, notamment auprès de la population jeune et francophile. Il
en va de même à l’Alliance française de Bombay, où les étudiants sont
mieux suivis grâce à ces technologies. À Marrakech, le poste envisage
même la création d’un « Institut français virtuel ».
LES CONDITIONS D’UNE MEILLEURE EFFICIENCE LOCALE
113
B - Quelques pistes pour en tirer un meilleur parti
Le réseau culturel doit pouvoir tirer parti de l’entreprise de
modernisation des systèmes d’information et de communication lancée
par le ministre des affaires étrangères (MAE) en 2012 et dont les premiers
fruits sont attendus à l’été 2014.
Des améliorations devront cependant être apportées dans plusieurs
domaines particuliers à l’action du réseau culturel afin de surmonter
quelques imperfections :
-
les liens entre les sites des ambassades et des Instituts ne sont
pas toujours établis ;
-
le site internet LatitudesFrance lancé au printemps 2010 par le
MAE pour servir de portail de communication et d’échanges au
sein du réseau, toujours maintenu, est sous-utilisé ;
-
l’appui en matière de communication de l’Institut français
demeure modeste par rapport à celui du
British Council
, qui
conçoit et entretient les portails internet de ses antennes
locales ;
-
les initiatives des postes ne sont pas systématiquement
recensées ou évaluées : si certains projets ont été étendus à tout
le réseau comme le site informatique dédié aux professeurs des
sections bilingues (« Vizavi ») conçu par le poste de Bucarest
ou la plateforme Culturethèque conçue par l’IFRU à Londres,
les bilans de certains échecs
89
n’ont pas été tirés ;
-
dans l’attente d’une modernisation substantielle des systèmes
d’information du ministère, le recours à certaines technologies,
comme la visioconférence, est encore limité, même si quelques
postes, comme le Brésil, en font un usage régulier ;
-
nombre de ces outils demeurent dépendants, comme à Abou
Dhabi, de la bonne volonté des VI et de la continuité que le
poste parvient à maintenir après leur départ au terme d’un
séjour qui ne peut excéder deux ans.
89
Comme l’initiative du poste de Séoul, qui a mis en place, au mois de mai 2010, un
«
cyberDELF
» dont le coût de réalisation s’est élevé à près de 70 000 € et n’a pas
répondu aux attentes (64 inscriptions, soit environ 2 500 € de recettes).
COUR DES COMPTES
114
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La dualité d’un réseau reposant sur des composantes publiques et
privées présente une valeur intrinsèque mais cette caractéristique
française appelle une approche mieux coordonnée pour améliorer
l’efficience de l’action culturelle.
Le statut des établissements à autonomie financière, qui constitue
la base administrative du réseau public, doit être mis en conformité avec
la LOLF pour respecter les principes d’unité et d’universalité
budgétaires qu’elle a posés.
L’appui sur les financements extrabudgétaires est devenu une
condition de survie du réseau sans que celui-ci dispose de tous les atouts
pour les mobiliser.
Les leviers technologiques pourraient être mieux mobilisés pour
améliorer l’efficience du réseau.
Dans ces conditions, la Cour recommande de :
7.
accroître la synergie entre le réseau culturel public et le
mouvement des Alliances françaises à partir d’une analyse
détaillée, pays par pays, des avantages respectifs des deux
vecteurs et de
la cartographie souhaitable des implantations ;
8.
assurer la compatibilité du statut des EAF avec les principes de
la LOLF avant la fin 2014.
Chapitre V
La pertinence des actions de soutien du
réseau dans un contexte de concurrence
internationale
I
-
Le ciblage des publics prioritaires
A - À la recherche des publics prioritaires
Dans sa lettre de mission du 27 août 2007 au ministre des affaires
étrangères, le Président de la République demandait à ce dernier de mettre
en oeuvre « une politique d’attractivité de la France en direction des élites
étrangères pour qu’elles viennent s’y former ». Les plans d’action des
ambassades désignent de manière presque systématique les élites locales
comme les cibles de l’action culturelle française. Cette orientation vaut
quels que soient les continents ou la taille des pays (Vanuatu 2008,
Luxembourg 2013, États-Unis 2013, Maroc 2010). Le ministère des
affaires étrangères (MAE) affiche un fort volontarisme pour mener des
initiatives spécifiquement adaptées aux publics-cibles correspondant à des
intérêts politiques ou économiques. L’Institut français est censé, en vertu
de son
contrat d’objectifs et de moyens (COM), « accorder une attention
particulière aux personnalités d’influence et d’avenir et rajeunir les
COUR DES COMPTES
116
publics en s’attachant particulièrement aux étudiants et aux jeunes
publics ».
Certains
postes
s’attachent
donc
à
identifier
ces
publics
prioritaires, qui correspondent notamment aux « jeunes élites ». Aux
États-Unis, le réseau cherche, par exemple, à toucher la « génération Y »
des campus universitaires, identifiée comme la principale consommatrice
de biens culturels et comme une pépinière des élites américaines de
demain. Conscient de la nécessité d’une meilleure visibilité à l’échelon
central, le ministre des affaires étrangères vient d’annoncer la mise en
place d’un « observatoire des publics » au sein de l’Institut français. La
réussite de cette initiative repose sur plusieurs conditions : une
association
ab initio
du ministère de la culture et de la communication
(MCC), la collaboration de l’ensemble du réseau et la définition des
attentes en matière d’exploitation des résultats.
Le regain d’intérêt pour les stratégies d’influence invite à tirer parti
du programme d’invitation des personnalités d’avenir (PIPA), lancé en
1989 et désormais géré par le centre d’analyse, de prospective et de
stratégie du ministère des affaires étrangères (MAE). Non directement
relié à l’action du réseau culturel, ce programme, réputé efficace malgré
son faible volume, permet d’inviter, pour un séjour d’études d’une
semaine en France, de jeunes personnalités étrangères, identifiées par les
postes, pour leur donner une connaissance plus approfondie du pays. Le
programme privilégie les candidatures de personnalités en début de
carrière, émanant de la sphère politique ou de la société civile, ayant une
connaissance superficielle de la France. Le programme mise en effet sur
l’avenir professionnel de ses bénéficiaires. Le développement de la
carrière des personnalités invitées étant l’élément essentiel de la réussite
du programme, il importe de maintenir des liens étroits avec les
bénéficiaires des invitations et de suivre l’évolution de leur cursus
professionnel, ce qui reste encore largement perfectible. Depuis 1989,
quelque 1 500 personnalités ont bénéficié de ce programme.
Un autre moyen de toucher les élites installées, ou à venir, est de
mettre à contribution le « débat d’idées », notion qui n’a jamais été
définie par le ministère, comme l’ont souligné les tables rondes
organisées par la Cour. Des actions à ce titre, qui relèvent en principe de
l’opérateur culturel depuis 2009
90
, sont pourtant soutenues dans des pays
aussi divers que la Bolivie ou la Turquie par les programmes de l’Institut
français, ou à travers des institutions comme la Maison française
90
CulturesFrance a reçu en 2009 du ministère des affaires étrangères (MAE) la
responsabilité de gérer les crédits du «
Fonds d’Alembert
» conçu à cet effet. Le fonds
dispose d’une dotation de 270 000 € en 2013 dans le budget de l’Institut français.
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
117
d’Oxford au Royaume-Uni. Elles peuvent contribuer au rayonnement des
valeurs françaises (liberté politique, laïcité, égalité des sexes, etc.). Ces
actions ne parviennent pas toujours à atteindre leur public : une
conférence organisée par l’Institut français d’Istanbul visant à aborder, à
travers une présentation des « Voix de la diaspora anatolienne », la
question du génocide arménien, n’a ainsi attiré que 30 personnes au
printemps 2013.
Cependant, ces élites ne font guère l’objet d’études spécifiques, ce
qui prive le ministère des affaires étrangères (MAE) des indices utiles
pour s’adapter aux suites de certains bouleversements politiques ou des
transformations sociétales comme en Turquie. Dans ce pays, l’action
culturelle vise toujours la clientèle traditionnelle issue de la bourgeoisie
kémaliste éclairée et éprouve des difficultés pour susciter l’intérêt de
nouvelles couches de la population telles que les partisans du parti pour la
justice et le développement (AKP) ou les jeunes anglophones.
Un travail sur les publics prioritaires doit donc être conduit par les
acteurs centraux en liaison avec les ambassades et les Instituts.
B - La redécouverte de la demande locale
La table ronde organisée par la Cour a mis en avant le caractère
souvent très unilatéral de l’action culturelle, qui a pu être qualifiée
« d’autiste et d’hyperactive ». Cette action répond encore au modèle
traditionnel de la « diffusion », qui favorise un mode de production tous
azimuts. À cet égard, le Livre blanc invitait pourtant, en 2008, à « passer
de la logique, que nous ne pouvons plus assumer, d’une politique de
l’offre à dimension universelle, à une politique plus sélective, plus
différenciée selon les pays et prenant davantage en compte les attentes de
publics spécifiques ». Alors qu’elles ont longtemps correspondu à une
politique d’offre, les actions du réseau sont de plus en plus déterminées
par la demande et les attentes des partenaires et publics étrangers. Cette
évolution constitue un changement de perspective important pour les
acteurs de l’action culturelle. Pourtant, les analyses du réseau sur les
évolutions des scènes artistiques ou universitaires locales demeurent
rares. Elles ne sont de surcroît ni compilées, ni adressées aux opérateurs
et partenaires français qui pourraient en tirer profit.
Une telle orientation présuppose une attention beaucoup plus
soutenue aux bénéficiaires de l’action culturelle, qui correspondent à une
population très hétérogène en raison même de l’étendue des compétences
du réseau. Si l’analyse des publics est délicate, elle n’est pas impossible
comme le montrent les trois indicateurs que le programme 115
« Audiovisuel extérieur de la France » utilise pour son objectif n° 2
COUR DES COMPTES
118
« Développer la présence française et francophone » dans le paysage
audiovisuel mondial et qui sont basés sur l’observation des bénéficiaires :
une mesure d’audience réelle fondée sur des enquêtes réalisées par des
organismes de sondage auprès de publics choisis (habitants adultes des
grandes villes en Afrique et au Maghreb, foyers urbains les plus aisés en
Europe), complétée par une enquête de notoriété au Moyen-Orient, le
nombre de visites mensuelles des sites internet de France-24 et de RFI et
le nombre de vidéos vues sur les sites de France-24, RFI et TV5Monde
(« consommation délinéarisée »).
Dans une optique plus proche des bénéficiaires directs de l’action
du réseau, le modèle du
British Council
mérite attention, notamment dans
la perspective du futur COP 2014-2016 entre le ministère des affaires
étrangères (MAE) et l’Institut français (IF). Faisant de la notion de public
(«
people we will be working with
») un axe majeur de sa stratégie
mondiale, l’organisme britannique définit quatre catégories : le public en
situation de contact direct (
face to face
), c’est-à-dire les étudiants, les
enseignants, les visiteurs et les boursiers ; le public des manifestations
culturelles ; le public du réseau Internet et des réseaux sociaux et le public
indirect, qui entend parler du
British Council
par les médias ou les
publications (notamment à travers les programmes du
BBC World
Service
). Ces quatre types de publics sont suivis par des sondages, des
études spécialisées ou des logiciels spécifiques.
Les groupes prioritaires
du
British Council
et du
Goethe institut
Le
British Council
, distingue trois groupes prioritaires vers lesquels il
développe des actions spécifiques dans le but de modifier leur perception ou
leur comportement :
- les
leaders
(décideurs sur le plan national ou régional) ;
- les
influencers
(futurs décideurs et relais d’opinion) ;
- les aspirants (jeunes cherchant de l’information et des opportunités).
Le
Goethe Institut
de son côté cible ses bourses linguistiques aux
« vecteurs d’influence » (
Multiplikatoren
) issus de tous les milieux socio-
culturels.
Au regard de cette expérience, la mesure du public par le ministère
des affaires étrangères (MAE) demeure très sommaire bien que 90 % des
postes interrogés par la Cour prétendent connaître le public des
manifestations culturelles qu’ils organisent. Le recensement par les postes
des participants aux manifestations culturelles (visiteurs d’exposition,
spectateurs, auditeurs d’événements musicaux, participants à des forums
et colloques) n’est pas analysé, ni même seulement centralisé par la
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
119
direction générale de la modernisation (DGM). La fiabilité des
recensements des publics effectués chaque année par les postes dans les
fiches budget-pays et par les Alliances est d’autant plus incertaine que les
manifestations auxquelles ces publics assistent sont gratuites ou que les
billetteries sont contrôlées par des partenaires.
C - La segmentation des publics du réseau
Alors même que le ministre des affaires étrangères a insisté, dans
son discours au premier comité d’orientation stratégique (COS) de
l’Institut français, sur l’importance de cette notion, le ministère comme
les opérateurs n’ont pas tenté de la définir par des travaux particuliers.
Les clients du réseau culturel français se divisent au moins en deux
catégories : le public participant aux événements et les bénéficiaires
d’une activité.
Les publics des manifestations artistiques organisées par le réseau
ne sont pas identifiés ou suivis. À cet égard, les 89 000 visiteurs, en 2012,
des plateformes numériques de l’Institut français ne sont pas identifiés.
Si, à l’Institut français, les responsables d’IFCinéma connaissent bien le
nombre de médiathèques des Instituts ou des Alliances abonnées à leur
catalogue, ils ne connaissent pas le nombre des spectateurs qui visionnent
les films dans les conditions techniques permises par cette plateforme. Il
est dès lors impossible d’évaluer le retour qualitatif de cet investissement.
Les participants aux 80 débats d’idées qui ont été soutenus par l’Institut
français en 2012 ne sont pas
non plus connus. Rares sont les postes,
comme l’IFRU à Londres, où intervient un travail de définition des
publics-cibles. Cet Institut vise une cible correspondant aux Britanniques,
qui représentent 60 % de ses usagers, et non aux Français expatriés. Il
privilégie donc l’usage de la langue anglaise. Parallèlement, il s’est fixé
des objectifs ambitieux vis-à-vis de son public, comme celui de doubler la
fréquentation du cinéma tout en distinguant le milieu professionnel de
celui des spectateurs.
Les élèves ou apprenants de français constituent une deuxième
catégorie, elle-même composite puisqu’elle comprend les élèves
étrangers des établissements français à l’étranger, les inscrits dans les
cours des Instituts français et des Alliances françaises, les élèves et
étudiants étrangers suivant des cursus francophones dans leur système
d’enseignement national. Plusieurs acteurs constatent, enfin, que, dans un
certain nombre de pays, comme en Afrique (Côte d’Ivoire) ou au
Maghreb
(Maroc,
Tunisie),
l’enseignement
du
français
perd
progressivement les « élites locales » au profit d’une clientèle d’habitués,
voire de clients intéressés par un usage professionnel de la langue. Des
COUR DES COMPTES
120
sondages sur ces publics permettraient de mieux mesurer ces hypothèses
à l’instar de l’enquête réalisée en octobre 2011 auprès de leur public par
les Alliances française de Chine.
Les élèves binationaux de l’enseignement français, comptabilisés
dans les statistiques comme élèves français et dont un nombre croissant
maîtrise mal la langue et la culture françaises, constituent une autre cible
pour l’action culturelle. De même, les familles des élèves doivent être une
cible privilégiée pour les amener vers les Instituts et les Alliances. Les
étudiants étrangers susceptibles de participer à des programmes
universitaires en rapport avec la France pourraient être mieux ciblés. Le
SCAC de Hong-Kong ignore par exemple la présence au sein des
principales universités du territoire, dont la réputation surpasse celle de
Pékin ou Shanghai, des meilleurs étudiants de Chine continentale. La
catégorie plus identifiable des étudiants appelés à accomplir une partie de
leur scolarité dans les établissements français (mobilité entrante) est
mieux définie avec une priorité au recrutement d’étudiants, choisis selon
des
critères
d’excellence
académique,
en
master
et
doctorat,
principalement dans les disciplines prioritaires que sont les sciences
« dures », l’économie et le droit.
Campus France a pu réaliser une
enquête de satisfaction de ce public
91
.
Les auditeurs ou téléspectateurs de l’Audiovisuel extérieur de la
France (AEF) (France-Médias Monde) constituent une catégorie
spécifique qui n’est pas aujourd’hui prise en compte par le réseau. Le
public potentiel de France-24, dont la recherche de proximité culturelle
avec la France est l’un des trois motifs d’écoute (selon les sondages de
l’AEF
92
), est pourtant estimé à quelque 206 millions de foyers en 2012,
contre 115 millions en 2009, les deux tiers se trouvant en Europe. La
chaîne a ainsi eu une audience hebdomadaire auprès de 45,4 millions de
téléspectateurs en 2011, dont 7,7 millions de « leaders d’opinion », pour
l’essentiel en Afrique (20,6 millions) et au Maghreb, Proche et Moyen-
Orient (20,4 millions).
La radio RFI a, pour sa part, eu une audience hebdomadaire de
40,5 millions d’auditeurs en 2011, dont 32,7 millions en Afrique. Elle
était la radio la plus écoutée en 2012 à Abidjan, Kinshasa, Libreville et
Brazzaville.
La radio RMC-DOUALIYA a touché 7,9 millions
d’auditeurs en 2011 et était la deuxième radio la plus écoutée en Iraq en
91
Enquête auprès de 30 000 étudiants étrangers ayant fréquenté les établissements
français, confiée à la SOFRES pour un coût de 20 000 €.
92
L’incertitude liée à ces sondages a été soulignée par la Cour dans l’insertion : Cour
des comptes,
Rapport public annuel 2013
, Tome II. L’audiovisuel extérieur de la
France : une réforme chaotique et coûteuse, p. 443-488. La Documentation française,
février 2013, 605 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
121
2012. Le réseau devrait s’employer à aider les chaînes de l’AEF à
surmonter les obstacles, de nature politique, technique ou commerciale,
qu’elles rencontrent pour leur réception dans certains pays, comme en
Afrique du Sud ou en Chine, où RFI ne peut être reçue.
D - La nécessité d’un marketing culturel
Atteindre ces publics ne va pourtant pas de soi. Pour susciter une
« demande de France » qui n’est pas toujours explicite, un travail de
marketing est nécessaire, qui n’est que très rarement effectué par les
postes, conscients pour la plupart du besoin mais ne disposant pas des
moyens ou des compétences humaines nécessaires dans le domaine. Il est
cependant intéressant de relever quelques initiatives comme celles des
Instituts français en Italie ou au Maroc, en matière d’enquêtes de
satisfaction sur leur offre linguistique et culturelle, ou des Alliances
françaises de Chine sur les aspirations de leurs publics. De même, les
postes, en Inde et au Royaume-Uni, ont pris l’initiative de se doter d’une
cellule spécialisée et mènent une politique de communication efficace.
Ces pratiques restent encore éloignées de la mesure de l’indice de
satisfaction que le
British Council
utilise comme indicateur de
performance, inspiré des méthodes des grandes entreprises de distribution
ou de vente en ligne.
Un
meilleur
ciblage
des
opérations
des
postes
devra
accessoirement mieux identifier la part des ressortissants français
expatriés parmi les bénéficiaires des actions (expositions, conférences,
projections cinématographiques, concerts, médiathèques
93
) proposées par
les centres culturels français à l’étranger.
Si la mesure instantanée des bénéficiaires est délicate à effectuer
par le réseau et le ministère, la mémoire des anciens bénéficiaires de
l’action du réseau est souvent défaillante : les fichiers des publics sont
pratiquement inexistants, ceux des anciens élèves et apprenants peu
exploitables, ceux des anciens étudiants et chercheurs soutenus
financièrement défaillants. Les efforts des postes dans ce domaine,
contenus dans de nombreux plans d’action d’ambassade, sont ainsi restés
vains comme le relève l’inspection générale des affaires étrangères
(IGAE), par exemple lors de ses dernières inspections en Moldavie, au
Sénégal ou au Cambodge, même si des encouragements sont prodigués en
Angola ou en Hongrie.
93 L’Institut français affiche ainsi un nombre de 350 000 inscrits dans les 450
médiathèques du réseau, auxquelles il consacre un budget de 575 000 € en 2013, mais
n’en fait pas l’analyse.
COUR DES COMPTES
122
Les opérateurs spécialisés n’échappent pas à cette critique.
L’Institut français ne dispose d’aucune information sur les bénéficiaires
des activités organisées par son prédécesseur CulturesFrance ou via le
réseau. Il s’efforce d’améliorer sa connaissance des bénéficiaires de ses
actions et de conserver un lien avec eux, notamment dans le cadre du
programme SafirLab, doté d’un budget de 180 000 € en 2013. Campus
France, en liaison avec le ministère des affaires étrangères (MAE),
s’apprête, comme déjà indiqué, à mettre en place en 2014 un fichier des
anciens boursiers, qui pourrait permettre de faire appel à ces
alumni
, de
les mobiliser pour la défense de la culture française, voire de faire appel à
leur générosité. Dans cette même logique, l’Agence pour l’enseignement
français à l’étranger (AEFE) souhaite consacrer plus de moyens au suivi
des élèves passés par ses établissements : mise en place d’une adresse
mail à vie, affectation d’un agent au suivi des élèves et du rayonnement.
La connaissance des différents publics du réseau culturel est donc
un préalable à la vérification de la pertinence de ses actions.
II
-
La traduction des priorités géographiques
A - L’équilibre délicat entre émergents et prescripteurs
Le Président de la République a demandé, en 2007, au ministre des
affaires étrangères d’« être plus efficace et plus présent dans les nouveaux
centres de foisonnement culturel, en particulier en Asie et en
Amérique »
94
. Cette orientation est inchangée, le ministère venant de
s’engager au printemps 2013 dans un rééquilibrage des effectifs au profit
des pays émergents. Le ministre a ainsi annoncé au comité technique
ministériel des 15 et 16 mai 2013 un redéploiement d’« une centaine »
d’emplois du réseau et de coopération vers ces pays par prélèvement sur
les effectifs présents en Europe et en Amérique du Nord.
Malgré ces directives, les autorités éprouvent des difficultés
persistantes à définir des priorités géographiques générales pour le réseau
culturel, conséquence d’une approche dont le caractère universaliste et
centralisateur est relevé par tous. Malgré l’existence de réunions avec les
directions géographiques du ministère, de réunions par profil de pays
(« réunions typologiques ») et de grands rendez-vous avec le réseau
(« journées du réseau » en juillet, réunions régionales annuelles), une telle
posture présume l’existence de besoins de même nature et rend plus
94
Lettre de mission du Président de la République au ministre des affaires étrangères
du 27 août 2007.
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
123
aléatoire l’identification d’objectifs prioritaires au niveau des régions
95
,
des pays et des villes et, a fortiori, leur déclinaison en fonction des
domaines particuliers de l’action du réseau et des instruments disponibles.
Lorsque ces priorités sont définies comme dans l’avenant géographique
annuel du contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’Institut français,
elles ne se traduisent pas concrètement (crédits et effectifs en baisse,
objectifs ou indicateurs non mesurés, etc.). Les indicateurs prévus par le
contrat d’objectifs et de moyens (COM) de l’Institut Français manquent
de solidité et parfois d’intérêt
96
.
Plusieurs observateurs font valoir avec pertinence que les stratégies
doivent être différenciées selon les zones. Frédéric Martel
97
distingue par
exemple au moins trois stratégies d’influence différentes :
-
une approche « occidentale », à destination de l’Amérique du
Nord, des pays d’Europe occidentale et de l’Australie, qui
reposerait sur des « structures culturelles indépendantes » et sur
le marché, limitant le recours à la diplomatie culturelle ;
-
une « diplomatie d’influence », plus volontariste, à destination
des grands pays émergents (à l’exception de la Chine), au sein
desquels le rôle du marché sera décisif ;
-
une approche diplomatique adaptée aux régimes autoritaires et
aux pays en développement, dans lesquels le réseau culturel
devrait rester « totalement imbriqué à notre diplomatie ».
Cette approche impose, en l’état des moyens mobilisables, de faire
des choix. Mme Kristeva-Joyaux
98
émettait, par exemple, en 2009, une
interrogation sur le sens de l’action du réseau dans les pays les plus
développés, en estimant que « la diffusion de la culture française en
Europe occidentale et dans les pays industrialisé passe, désormais, de
moins en moins par les Instituts français. C’est une offre commerciale
pour un public solvable qui doit être proposée dans les équipements
culturels des villes. » À cette approche, le ministère oppose actuellement,
pour justifier une présence dans ces pays, la notion de « pays
prescripteurs », censés donner le ton de la vie culturelle mondiale, où se
déroulent les débats d’idées et où se jouent les enjeux scientifiques. Cette
95
Comme l’a reconnu le
National Audit Office
(NAO) britannique dans son rapport
consacré au
British Council
en juin 2008, cet organisme a su passer avec succès à
compter de 2006 d’une approche principalement fondée sur les pays à une approche
prioritairement régionale.
96
Par exemple, le «
nombre de villes desservies rapporté au nombre de projets
culturels soutenus
».
97
Frédéric Martel «
Du soft power à la diplomatie d’influence
» Note de consultance
de l’IRIS pour le MAE (janvier 2013).
98
Julia Kristeva-Joyaux op.cit.
COUR DES COMPTES
124
notion, utile dans une approche économique, devrait être mieux analysée.
Le ministère des affaires étrangères (MAE) reconnait cependant le besoin
d’une concentration accrue des moyens et espère la fonder sur une
nouvelle typologie des pays.
Une tentative de typologie géographique de l’action culturelle
Le ministère des affaires étrangères (MAE) a conçu une typologie
géographique lors de la transformation de la d
irection générale de la
coopération internationale et du développement (
DGCID) en direction
générale de la mondialisation (DGM), qui devait servir à appuyer la politique
de coopération dans toutes ses dimensions mais qui est en réalité marquée par
la politique d’aide au développement.
La note du 25 novembre 2008 de la d
irection générale de la
coopération internationale et du développement
(DGCID)
précise
notamment que « la programmation de crédits des postes, dans un contexte
budgétaire durablement tendu, s’effectue donc, depuis la campagne 2008,
selon cet instrument, inspiré davantage par le contexte géopolitique de
chaque zone que par les choix de gestion propres à l’activité de coopération.
La DGM continuera d’utiliser cette grille de lecture stratégique qui constitue
un progrès notable par rapport aux années antérieures ».
De ce fait, la typologie a été définie à partir de la combinaison de
critères dominants, dont :
- l’éligibilité ou non à l’a
ide publique au développement
(APD) ;
- les relations avec la France ;
- les enjeux stratégiques de coopération.
Malgré l’adoption par le ministère, en 2010, d’une nouvelle typologie
géographique de l’aide au développement (« document-cadre »), aucune
nouvelle typologie applicable à l’action culturelle n’a été mise en oeuvre
depuis.
Cependant, la direction de la politique culturelle et du français de la
direction générale de la mondialisation (DGM) a tenté, au printemps 2012,
dans un projet inabouti, de distinguer ses actions dans :
- l’espace européen, lieu de construction d’unité et d’influence
politiques ;
- la Méditerranée, zone où l’action culturelle peut accompagner la
transition politique ;
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
125
- l’Afrique, où l’action culturelle peut appuyer le développement
humain, via notamment la francophonie ;
- les pays prescripteurs (États-Unis, etc.), relais d’influence
notamment pour les industries culturelles nationales.
Source : Cour des comptes.
Jusqu'à présent, les principes d’universalité de la présence et
d’exhaustivité des actions du réseau, difficiles à faire valoir aujourd’hui,
ont émergé l’émergence d’une doctrine sur les priorités géographiques.
B - La nécessité de renouveler l’approche géographique
Le ministère doit donc réinventer un mode d’attribution au réseau
de ses moyens budgétaires, en rompant avec la logique actuelle de
répartition des enveloppes annuelles des postes au terme d’un dialogue
avec les directions géographiques du ministère, le cas échéant arbitré par
le secrétaire général du ministère. Ces directions raisonnent en effet plutôt
en termes d’enveloppes continentales qu’en fonction des objectifs
spécifiques que l’on peut assigner à l’action culturelle. De manière
parallèle, la spécialisation thématique des sous-directions de la direction
générale de la mondialisation (DGM) concernées par l’action du réseau
conduit à des raisonnements par instruments (bourses, missions, etc.).
Une approche fondée sur les résultats serait préférable.
Le ministère doit également résister à la dilution de ses moyens,
voire à leur saupoudrage. L’étonnement exprimé par l’inspection générale
des affaires étrangères (IGAE) en 2010 en Belgique, où se trouvaient
mobilisés 10 ETP et une enveloppe de 280 000 €, traduit bien cette
situation : « notre action culturelle est-elle adaptée à un pays qui, pour sa
partie francophone, se trouve spontanément exposé aux diverses
expressions de la culture française et, pour sa partie néerlandophone, a
connu une régression de notre présence ? ».
Le réseau doit ainsi pouvoir rompre avec l’approche universaliste
pour s’engager dans une démarche volontariste, bien résumée par un
conseiller de coopération et d’action culturelle (COCAC) : « nos cercles
d’influence traditionnels nous éloignent du pouvoir actuel. Nous devons,
tout en conservant la fidélité de nos alliés historiques, nous ouvrir à de
nouveaux publics : nouvelles élites économiques, classes moyennes
émergentes. Cela nous obligera à modifier la géographie de nos
interventions, à sortir des centre-villes, par exemple, pour investir dans
les périphéries des mégapoles ». Le réseau doit pouvoir s’adapter à la
vitesse à laquelle évoluent les pratiques sociales. La mondialisation ouvre
COUR DES COMPTES
126
l’éventail des choix pour les consommateurs culturels, les étudiants et les
intellectuels, par d’autres canaux que les services traditionnels offerts par
les postes. La crédibilité du réseau français et son aptitude à toucher les
consommateurs de culture dépendront de sa capacité à utiliser les
technologies modernes et à mobiliser les financements nécessaires. La
cartographie du réseau doit faire place à une topographie des lieux et des
milieux culturels.
Au-delà d’une approche comptable ou immobilière, le ministère
doit mieux identifier et dénombrer ses actifs culturels à l’étranger, qu’il
recense mal et dont la valeur est méconnue. Ceux-ci, qui sont constitués
de centaines d’établissements scolaires, culturels
99
et scientifiques mais
aussi d’actifs immatériels liés à une réputation locale ou une tradition de
filières, devraient être conçus comme un capital à faire fructifier. Comme
le montrent les difficultés rencontrées au printemps 2013 dans la gestion
de certains projets (cession de la Maison de France à Berlin
100
ou création
d’une Librairie française à New-York), cette méconnaissance minore le
capital accumulé par les actions antérieures (dont les anciens boursiers ne
sont qu’une illustration), sous-estime les rendements potentiels à en
attendre et néglige la question du refinancement de ces actifs.
La maison de France vue par son directeur
« L’Institut français de Berlin est un lieu qui s’inscrit de façon toute
particulière dans l’histoire et la géographie de la ville, donc de l’Allemagne,
et même de l’Europe. Ce constat n’est pas de pure rhétorique, il correspond à
un réflexe d’identification immédiate, chez de nombreux Berlinois, de
l’Institut français avec la « Maison de France », c’est-à-dire avec une
enseigne ancienne et prestigieuse du Kurfürstendamm, qui fait également
rayonner le nom de « Paris » dans le quartier environnant de Charlottenburg,
et bien au-delà (installé au rez-de-chaussée de l’Institut, le cinéma « le Paris »
ne désemplit pas depuis son ouverture en 1950, tandis que la brasserie,
inaugurée seulement l’an passé, et baptisée de même, attire désormais une
clientèle nombreuse et volontiers francophile).
99
Dont 111 annexes d’Instituts situées en dehors des capitales.
100
La Maison de France est le siège de l’Institut français de Berlin. Ce bâtiment,
classé et rénové grâce au mécénat en 2009, situé sur le Kurfürstendamm («
situation
très privilégiée dans la ville
» selon le TD Berlin 2012 20639 du 05/11/2012), est la
propriété de l’État français depuis les années 1950. D’une surface de 1 600 m², il
abrite des salles d’exposition (fichier de 10 000 contacts), une médiathèque (85 000
prêts en 2012 contre 54 000 en 2008), des salles de cours (2 000 élèves en 2012 contre
1 200 en 2008) ainsi qu’un cinéma «
Le Paris
» (dernier cinéma de l’avenue) et,
depuis 2009, un restaurant français (100 à 150 couverts par jour), qui ont tous deux
été concédés et rapportent un loyer.
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
127
Pour le dire simplement, l’Institut français de Berlin est une
formidable vitrine –
élégante, reconnue – de la France en Allemagne.
Ce ne peut être pour autant une façade sans profondeur, ou un palais
des glaces ouvert aux seuls reflets subtils d’une présence française sans
épaisseur, sans poids, sans pensée. C’est pourquoi l’ambition de faire vivre
un tel lieu doit s’appuyer sur une politique cohérente que l’on se risquera à
appeler (sans vouloir singer trop ironiquement les agences de notation
financière)
la
politique
du
« triple
C » :
connaissance,
culture,
communication. »
Source : note de position du directeur de l’Institut français de Berlin –
novembre 2012.
Dans cet esprit, les résidences officielles des ambassadeurs ou
consuls généraux sont des actifs à ne pas négliger. Un ambassadeur
indique les avoir beaucoup mobilisées à Tokyo et à Berlin, au service de
manifestations culturelles publiques et privées. De même, en Arabie
Saoudite, les activités culturelles doivent-elles être circonscrites aux
résidences diplomatiques françaises de Riyad et de Djeddah, compte tenu
des interdictions locales. Cette réalité n’interdit pas d’examiner avec
discernement les projets immobiliers qui prolongent l’esprit des
« maisons de la culture » françaises afin de vérifier qu’ils répondent bien
aux besoins du moment et qu’ils justifient l’effort qu’imposeront leur
entretien et la modernisation. C’est le cas pour le projet
Casa de Francia
à Mexico, conçu comme un point d’appui pour les entreprises françaises
et un vecteur d’influence pour la présence culturelle et universitaire.
Ces actifs doivent cependant demeurer adaptés aux pratiques
contemporaines. C’est ainsi que les deux antennes de l’Institut français de
Turquie sont confrontées à des difficultés : l’Institut d’Ankara est situé
dans un très beau bâtiment (moderne et fonctionnel) mais dans un quartier
résidentiel peu fréquenté. Il a dû, de ce fait, réorganiser l’ensemble de ses
activités
sur
le
week-end.
L’Institut
d’Istanbul
bénéficie
d’une
localisation exceptionnelle, mais ses locaux sont anciens et vétustes,
offrant une image pauvre de la France.
Compte tenu de son coût, l’investissement dans des lieux
physiques doit pouvoir être discriminant. Un exemple d’actif culturel
productif est l’Université française d’Arménie (UFAR), établie en 2001,
que l’inspection générale des affaires étrangères (IGAE) considère
comme une « incontestable réussite, à la fois outil d’influence et de
rayonnement (on y forme les élites arméniennes de demain), d’attractivité
(on veut y entrer pour bénéficier d’une formation supérieure à la
française) et de coopération interuniversitaire franco-arménienne (avec un
rôle éminent joué par l’Université Lyon 3) ». Cet actif a justifié une
COUR DES COMPTES
128
dotation de 160 000 € en 2011, soit 50 % de la dotation du poste et offre
apparemment de bons débouchés dans les entreprises à ses diplômés.
À l’inverse, l’Université française d’Égypte (UFE), projet
ambitieux lancé en 2002, qui constituait encore le premier objectif du
plan d’action de l’ambassade en avril 2009, doit être considérée comme
un actif inutile : ne parvenant à recruter que 400 étudiants par an, elle n’a
pas su trouver sa place dans le système universitaire local et demeure une
charge financière élevée pour le ministère des affaires étrangères (MAE).
L’Université
franco-allemande
(UFA),
fondée
en
2000,
a
cofinancé les études de 5 000 étudiants. Alors même que l’ambassade de
France lui consacre un montant de subvention (2,9 M€ en 2013)
correspondant à l’essentiel de sa dotation, l’absence de suivi de ces
étudiants en restreint la portée à des plans symbolique et politique.
Si aucune méthode ne parait pouvoir s’imposer exclusivement, les
pistes proposées par la Cour (allocation des moyens fondée sur les
résultats, réduction de la dispersion des implantations, prise en compte de
la topographie culturelle, approche par les actifs culturels) devraient
permettre d’accroître la pertinence des actions du réseau.
III
-
L’adaptation du réseau à la concurrence
internationale
A - Une concurrence assumée mais d’intensité variable
Dans un discours prononcé à l’École normale supérieure le
5 février 2013, le ministre des affaires étrangères a détaillé sa vision de la
diplomatie d’influence en la plaçant sous le signe de la compétition avec
les États-Unis, les autres « puissances traditionnelles » (Royaume-Uni,
Allemagne, Japon, Espagne) et les « grands émergents » (Chine, Inde,
Brésil).
Les postes interrogés par la Cour estiment que la France est
actuellement l’acteur culturel dominant dans 81 % des pays d’Afrique
sub-saharienne, 61 % des pays de l’UE, 41% des pays ANMO, 55 % des
pays d’Asie, 24 % des pays d’Amérique latine et 31 % des pays d’Europe
continentale. Sur tous les continents, les postes estiment que la présence
culturelle de la France est supérieure à celle de l’Allemagne ou du
Royaume-Uni. Cette perception optimiste s’explique manifestement par
une vision réductrice de l’action culturelle : en Europe continentale, par
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
129
exemple, l’action de l’Allemagne n’est citée comme dominante que par
25 % des postes alors que la politique d’échanges universitaires de ce
pays y prédomine.
La concurrence de l’action culturelle française avec les pays tiers
n’est pas pour autant universelle. L’inspection générale des affaires
étrangères (IGAE) relevait, au Kosovo et en Macédoine, en 2010, « une
faible concurrence en matière culturelle de l’Allemagne, du Royaume-
Uni, de l’Italie et des États-Unis ». En outre, les attitudes de nos voisins
peuvent être très différentes en fonction de leur perception de leurs zones
d’influence : ainsi en Géorgie, l’Allemagne maintient une présence
importante, (premier partenaire européen avec 200 bourses en 2010) alors
que le
British Council
s’est retiré depuis 2008. Dans de nombreuses
capitales peu favorisées par la mondialisation (Kaboul, Kigali, Niamey,
Khartoum, Douchanbé), le centre culturel français est la seule institution
ouverte pour des activités et des échanges artistiques, appréciés de la
jeunesse et des artistes locaux. Cette forme traditionnelle de présence a
inspiré les 350 Instituts Confucius implantés dans les universités locales
par le gouvernement chinois depuis 2004.
Il n’existe pas moins des situations de concurrence bien réelles,
comme sur le marché de l’apprentissage des langues étrangères. Au
Canada, les Alliances françaises sont confrontées aux entreprises privées.
Au Royaume-Uni, bien que l’IFRU travaille en collaboration avec les
promoteurs de l’espagnol (
Consejería d’Educación
) et de l’allemand
(
Goethe Institut
, DAAD et ambassade), il se trouve exposé sur le marché
des langues du système éducatif britannique à des concurrents dont les
moyens sont bien supérieurs aux siens.
COUR DES COMPTES
130
Tableau n° 9 : prestations comparées de centres culturels étrangers à
Paris
Qualité
de
l’accueil
Qualités des
informations
données
Tarifs
Bourse
Coopération
universitaire
Activités
culturelles
Qualité
du site
internet
British
Council
**
*
620€
Oui
Oui
Conférences
- Relais de
l’actualité
culturelle
britannique
en France
***
Goethe
Institut
***
*
530€
Cf.
DAAD
Cf. DAAD
Diverses –
Relais de
l’actualité
culturelle
allemande à
Paris
***
DAAD
**
-
/
Oui
Oui
****
Institut
Cervantès
**
*
660€
Extrêmement
diverses et
nombreuses
**
Institut
Confucius
****
*****
412€
Non
Non
Événements
du Centre de
coopération
chinois
(CCC) –
Ateliers de
culture et de
civilisation
chinoises
Site du
CCC
(****)
Source : enquête de terrain réalisée par la Cour des comptes en avril 2013
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
131
La concurrence existe également dans le domaine de l’attractivité
universitaire où l’Allemagne et le Royaume-Uni sont très actifs. Dans
leur lettre de mission au directeur général de Campus France du
4
mai 2012, les ministres des affaires étrangères et de l’enseignement
supérieur évoquaient cette « compétition accrue entre les systèmes
d’enseignement supérieur soucieux d’attirer les étudiants étrangers ».
Le réseau et les opérateurs se sont efforcés de s’adapter à cette
situation. C’est ainsi que Campus France, qui a réalisé une étude
comparative détaillée sur l’attractivité de l’enseignement supérieur en
2012, a dégagé des pistes d’action susceptibles de permettre de renforcer
l’attractivité française : développement d’une stratégie marketing axée sur
l’
education intelligence
et la construction d’une image de marque ;
constitution d’un réseau global d’anciens étudiants internationaux ;
encouragement de l’emploi des étudiants et jeunes diplômés dans le pays
d’accueil ; création et animation de réseaux de jeunes talents et futurs
décideurs par l’organisation d’événements, de concours, de rencontres et
de débats ; amélioration de l’accueil et du bien-être des étudiants en
développant les services d’aide, d’accompagnement, de conseil et
d’information tout au long de leur « expérience internationale » dans le
cadre d’un parcours balisé.
B - Mieux exploiter les bonnes pratiques étrangères
1 -
Le dispositif britannique
La
public diplomacy
, équivalent britannique de la diplomatie
d’influence, repose essentiellement sur des opérateurs, dont les deux plus
importants sont le
BBC World Service
et le
British Council
(leurs
subventions
représentent
19 %
du
budget
du
Foreign
Office
,
respectivement 233 M£ et 179 M£).
Le
British Council
, créé en 1934 dans un contexte de compétition
culturelle avec la France, l’Allemagne et l’Italie, participe du
soft power
britannique, selon les termes en usage dans les documents budgétaires
(«
Use soft power as a tool of UK foreign policy
»).
Le
British Council
est un
Non departemental Public Body
qui
dispose de toute latitude pour développer ses propres stratégies. La
relation avec le
Foreign Office
et le Parlement repose sur la confiance et
les bons résultats de l’opérateur, régulièrement évalué par le
National
Audit Office
. Les ambassadeurs, de leur côté, décrivent régulièrement
l’activité des centres locaux et participent à leur évaluation (ils donnent,
par exemple, un écho très favorable sur la manière dont les centres
utilisent les nouvelles technologies de l’information) et leurs relations
COUR DES COMPTES
132
avec les centres est le plus souvent de bonne qualité. Le
Foreign Office
informe régulièrement les ambassadeurs des évolutions du
British
Council
et les invite à visiter son état-major à Londres avant le départ en
poste. C’est le
Foreign Office
qui répond devant le Parlement de sa
stratégie et ses performances.
L’activité du
British Council
cible trois objectifs prioritaires : les
échanges artistiques, l’enseignement de l’anglais et la coopération
éducative, qu’il décline par régions du monde et sur la notion de public
(
people we will be working with)
. Il définit quatre sortes de publics dont il
suit l’évolution sur trois années glissantes : le public en situation de
contact direct (
face to face
), c’est à dire les étudiants, les enseignants, les
visiteurs et boursiers, le public des manifestations culturelles, le public du
réseau internet et des réseaux sociaux et le public indirect (celui qui
entend parler du
British Council
par les médias ou les publications). Ces
quatre catégories se décomposent en
influencers
,
aspirants
et
leaders
(
who we work with
).
La demande en langue anglaise est massive et durable. Le
British
Council
n’a pas d’effort de promotion à consentir. Son offre reste en
dessous de la demande. Les revenus tirés de l’apprentissage de la langue
(77
% des ressources en 2014) sont suffisants pour financer les autres
secteurs, comme l’action culturelle. L’objectif est cependant de
transformer la formidable attractivité pour la langue en une attractivité
pour le Royaume Uni et son économie.
La décrue programmée de la subvention publique a conduit le
British Council
à adapter sa stratégie pluriannuelle, tout en prévoyant une
hausse de son chiffre d’affaires qui doit passer de 799 M£ en 2012-2013 à
969 M£ en 2015. En effet, la part des ressources publiques doit passer de
25 % à 16 % de son budget, mais sa stratégie financière repose sur une
augmentation des ressources tirées de l’enseignement de l’anglais (158 à
260 M£), des partenariats contractuels avec les organismes internationaux
et les gouvernements locaux en matière de coopération éducative (141 à
229 M£), et du mécénat (37 à 65 M£).
Le
British Council
dispose 191 bureaux dans 110 pays qu’il gère
en toute autonomie. Pour répondre à un objectif de réduction des coûts, il
emploie peu d’expatriés (environ 300) et 80 % de l’effectif des centres
n’est pas britannique. Dans de nombreux pays, l’ensemble du personnel
est recruté local, y compris le
representative
(Estonie, Géorgie, Nelle-
Zélande, Brésil, etc.). Il compte 710 salariés au Royaume-Uni, 4 436 à
l’étranger ainsi que 1 700 enseignants, soit au total 6 836 salariés (hors
vacataires). Le service informatique est pour l’essentiel délocalisé dans
un hub régional (New Delhi – autres hubs : Thaïlande, Hong Kong).
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
133
Les bureaux sont évalués en permanence par le siège (sur la base
de grilles d’analyse et d’évaluation mise au point à l’OCDE ou selon les
méthodes utilisées par les grandes entreprises de distribution et de vente),
dont les 700 agents sont essentiellement des financiers, des juristes et des
évaluateurs.
L’évaluation est complétée par celle des publics sur la base d’un
indice de satisfaction, qui constitue l’indicateur de performance essentiel
du
British Council
.
2 -
Le dispositif allemand
Le ministère fédéral des affaires étrangères (
Auswärtiges Amt
)
présente la politique culturelle extérieure (
Auswärtige Kultur- und
Bildungspolitik
) comme l’un des trois piliers de la politique étrangère
allemande, avec les relations extérieures politique et économique.
Le budget fédéral consacré à cette politique avoisine 1,5 Md€, dont
la moitié est financée par le ministère fédéral des affaires étrangères ; ce
budget suit une tendance croissante.
La mise en oeuvre de cette politique est entièrement déléguée à des
opérateurs extérieurs :
Goethe Institut
, DAAD (
Deutscher akademischer
Austauschdienst
– Office allemand des échanges universitaires) et, plus
marginalement, Agence des écoles allemandes à l’étranger (
Zentralstelle
für Auslandsschulwesen
) ou Fondation Alexandre de Humboldt. La
répartition des compétences respectives de ces différentes instances
intervenant dans le champ de l’action culturelle à l’étranger n’est
d’ailleurs pas figée : elle est arbitrée localement par l’ambassadeur, en
fonction des besoins locaux.
Le
Goethe Institut
, créé dans sa forme actuelle en 1951, a pour
mission de promouvoir la langue allemande à l’étranger, de contribuer
aux échanges culturels sur le plan international et de promouvoir l’image
internationale de l’Allemagne par la diffusion de l’information sur la vie
culturelle, sociale et politique du pays. Il pratique depuis 2008 une
budgétisation par objectifs, assortie d’une pratique régulière de
l’évaluation, qui l’a conduit à accorder une large autonomie aux
directeurs des 149 instituts locaux, notamment dans la collecte de
ressources par le biais des cours de langue et des certifications. La
convention-cadre qui le lie depuis 2004 au ministère fédéral des affaires
étrangères réaffirme son rôle d’instrument de la diplomatie allemande.
Une importance particulière est accordée au travail sur les relais
d’opinion, à travers la formation de journalistes locaux ou l’organisation
de voyages d’études en Allemagne pour les élites des pays hôtes. Les
COUR DES COMPTES
134
préoccupations économiques sont prises en compte très en amont, dans la
définition des objectifs stratégiques assignés aux différentes entités.
Le DAAD se conçoit avant tout comme au service des universités
allemandes, dont il contribue à mettre en oeuvre les projets de
coopération. En même temps, l’indépendance qu’il affiche à l’égard du
pouvoir politique, qui rehausse son prestige auprès du public, n’est pas
incompatible avec une grande disponibilité à l’égard de la diplomatie
allemande.
Depuis 1925, il octroie des bourses aux meilleurs étudiants
étrangers, regardés comme de futurs partenaires potentiels pour
l’Allemagne, notamment dans les domaines politique et économique.
Depuis quelques années, ces aides individuelles sont complétées par des
actions plus structurelles, avec la création de partenariats d’excellence
dans
le
domaine
scientifique,
consistant
à
faire
coopérer
des
établissements d’enseignement supérieur allemands à la création à
l’étranger de structures dispensant un enseignement en partenariat, selon
les normes allemandes, comme en Colombie ou en Russie. Le DAAD
finance par ailleurs des bourses réservées aux étudiants allemands, et,
dans le but de promouvoir leur mobilité internationale, finance la création
d’universités binationales à l’étranger.
Le DAAD entretient un réseau de 15 antennes régionales dans le
monde, et 500 lecteurs d’allemand dans les universités, qui sont autant de
points d’information sur l’actualité la plus récente dans le domaine
universitaire allemand.
Le
DAAD
fait
évaluer
régulièrement
l’ensemble
de
ses
programmes par une instance extérieure. L’un des critères principaux est
la place qu’occupent les anciens boursiers parmi l’élite locale. Une telle
évaluation est permise par la qualité du suivi du réseau des anciens
boursiers, reposant sur l’organisation de conférences qui présente un
intérêt direct pour l’exercice professionnel des anciens boursiers,
permettant ainsi d’entretenir une base de données de plus d’un million de
noms dans le monde.
3 -
Les enseignements pour le réseau français
L’action du réseau français semble perfectible en comparaison des
actions de ces pays, dont les bonnes pratiques pourraient inspirer le
réseau.
Plusieurs bonnes pratiques du
British Council
mériteraient une
réflexion approfondie : stratégie simple fondée sur quatre types de
publics, trois axes d’activités et huit régions dans le monde ; dialogue
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
135
avec les autorités circonscrit aux orientations politiques ; grande attention
portée aux bénéficiaires et aux publics, à leur satisfaction et à leur suivi ;
gestion des ressources humaines privilégiant les recrutements locaux et
les plans de carrière ; concentration des effectifs du siège sur les fonctions
juridiques, financières et d’évaluation et décentralisation de certaines
fonctions sur des pôles régionaux à vocation mondiale.
Les pratiques des deux principaux acteurs allemands pourraient
également faire l’objet d’une attention plus soutenue : pour le DAAD,
investissement de moyens substantiels ; stratégie très qualitative en
matière de mobilité étudiante et gestion et suivi réputés efficaces des
réseaux d’anciens étudiants et boursiers ; pour le
Goethe Institut
, bonne
coordination avec le ministère allemand des affaires étrangères, sur la
base d’une convention-cadre et d’objectifs stratégiques, et de ses bureaux
locaux avec les ambassades allemandes ; budgétisation par objectifs
depuis 2008 avec évaluation des résultats ; identification des domaines
couverts par les pays concurrents et déploiement en conséquence
d’actions visant à investir les champs libres.
IV
-
Le soutien des intérêts économiques nationaux
A - Une mobilisation inégale du réseau
Si Antoine Compagnon indique que « la culture contribue au
déficit de notre balance commerciale puisque, par un renversement
historique de tendance, nous importons bien plus de produits culturels que
nous en exportons »
101
, il est néanmoins largement admis que les
échanges culturels sont susceptibles de favoriser le développement des
échanges économiques. C’est même la priorité principale de l’action du
réseau dans des pays comme l’Azerbaïdjan ou le Kazakhstan. Il est donc
compréhensible de vouloir mobiliser l’action culturelle pour améliorer la
part de marché de la France (3,6% sur le plan mondial mais seulement
1,3 % en Chine et 1,4 % en Inde).
Les postes, interrogés par la Cour, confirment quasi-unanimement
le levier potentiel de l’action culturelle, par exemple dans le secteur du
luxe, de l’art de vivre, des métiers d’art, de la gastronomie ou de la mode,
mais plus d’un tiers d’entre eux estiment que les échanges économiques
sont leur objectif le moins prioritaire. Ainsi est-il indiqué, dans la fiche-
pays de la direction générale de la mondialisation (DGM) relative au
101
Antoine Compagnon «
Le souci de la grandeur
» (2008).
COUR DES COMPTES
136
Maroc, que le poste considère le soutien aux industries culturelles et
audiovisuelles françaises comme « sans objet » dans ce pays.
De fait, les retombées économiques de l’action culturelle sont
rarement appréhendées, un cloisonnement important persistant entre le
monde de la culture et celui de l’économie. 81 % des postes interrogés
par la Cour déclarent ne pas être informés des échanges bilatéraux de
biens et services dans leur domaine. Au sein des Instituts français d’Inde
ou de Chine par exemple, la connaissance des paramètres économiques
est encore très modeste, au-delà du domaine relativement restreint des
industries culturelles.
Bien que récents, les opérateurs spécialisés de l’action culturelle,
Institut français et Campus France, ne sont pas encore organisés pour
intégrer cette dimension, comme en témoigne l’absence de convention
entre ceux-ci et Ubifrance. Cette situation tranche avec celle du
Goethe
Institut
, pour lequel les préoccupations économiques sont prises en
compte très en amont, dès la définition de la stratégie, notamment par
l’intervention du « comité économique » placé auprès du conseil de
direction de l’Institut.
B - L’enjeu des industries culturelles
S’agissant des industries culturelles proprement dites, la modestie
de la compétence de l’Institut français, qui n’est chargé de la promotion
du livre que depuis 2006 et du seul « cinéma patrimonial » que depuis
2009, s’explique par la position ambiguë du ministère de la culture et de
la communication (MCC). Initialement convaincu que le développement
et la promotion des industries culturelles « revêt plus que jamais une
importance stratégique » (note de 2009), ce ministère s’est, dans un
premier temps, déclaré disposé à confier des responsabilités dans ce
domaine à l’Institut français. Puis, comprenant qu’une double tutelle sur
l’établissement n’était pas envisageable et craignant une confusion des
rôles avec les bureaux professionnels spécialisés dont il assure le soutien,
il a obtenu que la mention d’industries culturelles soit absente de la loi de
2010 définissant les missions de l’Institut.
La coordination des actions respectives du centre national du
cinéma et de l’image animée (CNC), d’UniFrance (association créée en
1949 et placée sous la tutelle du CNC) et de TV France International
(TVFI), est un enjeu identifié par le ministère de la culture et de la
communication (MCC). À titre d’exemple, UniFrance et l’Institut
français mènent des opérations de sensibilisation au cinéma français
(master class ou hommage à un réalisateur contemporain), bien que leur
rôle respectif distingue le soutien de l’activité commerciale et celui du
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
137
domaine patrimonial. Depuis la signature d’une convention entre les deux
organismes lors du Festival de Cannes le 14 mai 2011, les actions
susceptibles de concerner les deux parties sont appelées à être menées
conjointement, comme en témoignent la possibilité pour l’Institut français
d’assister à la commission économique d’UniFrance Films et, pour
UniFrance Films, celle de siéger au conseil d’orientation stratégique de
l’Institut français.
Il reste que la répartition des compétences entre l’Institut français,
le réseau et certains opérateurs spécialisés et financés sur fonds publics
(UniFrance, Bureau Export, etc.) demeure imparfaite. Une réflexion sur
une meilleure articulation, une optimisation des moyens et, le cas échéant,
un rapprochement doivent être menés, à commencer par UniFrance et
TVFI. À cet égard, il est surprenant de constater que, dans le domaine
culturel, l’essentiel des postes (États-Unis, Japon, Algérie, etc.) consacre
des dotations importantes au soutien de festivals de cinéma français et à
des actions de promotion (invitations de réalisateurs, acteurs, etc.) alors
que le Centre national du cinéma (CNC) et UniFrance, dont c’est le rôle,
disposent également de moyens à cet effet.
Bien que certains postes disposent d’attachés spécialisés (livre,
musique, audiovisuel) pour soutenir ces secteurs, l’action des postes ne
peut qu’avoir un effet limité à certains domaines, en rapport avec leurs
capacités
102
. Dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel, leur
promotion, leur réception et leur éventuel succès à l’étranger dépendent
avant tout d’intermédiaires locaux (les distributeurs, les chaînes de
télévision, les éditeurs de vidéo et de vidéo à la demande, voire les salles
de cinéma) qui n’ont que peu de liens avec le réseau culturel à l’étranger.
Deuxième exportateur mondial de films, la France n’occupe
qu’une part modeste des marchés étrangers (1,5 % à 2,5 %), loin derrière
les États-Unis (25 % à 85 %). En Inde, par exemple, la présence des
industries culturelles françaises est encore modeste : le nombre des films
français diffusés dans les circuits commerciaux reste faible (5 en 2011,
7 en 2012), même si le nombre des droits cédés pour publication en Inde
est en forte augmentation, doublant entre 2010 et 2012. En Corée du Sud,
l’attaché audiovisuel apportait en 2011 son soutien à l'implantation des
télévisions françaises (diffusion depuis novembre 2010 de TV5Monde
avec des sous-titres en coréen, obtention de la licence pour les versions
anglaise, française et arabe de France 24) et à la promotion du cinéma
102
Les principaux domaines d’exportation culturelle sont les objets d’art, le livre et la
presse, qui représentent respectivement 31 %, 27 % et 19 % d’un montant
d’exportations françaises de 2,35 Md€ en 2010, soit une quasi-stagnation en valeur
depuis 2000). Les objets d’art correspondent en partie aux transferts du patrimoine
national. La presse relève d’une autre logique.
COUR DES COMPTES
138
français dans les grands festivals internationaux de cinéma de Pusan et
Jeonju). En revanche, dans certains pays comme en Hongrie, il faut
s’interroger
sur
la
justification
du
maintien
d’une
coopération
audiovisuelle, dotée de 60 000 € en 2011 et animée par une VI alors
même que la profession, qui jusqu’en 2009 contribuait à travers
UniFrance à l’organisation d’un festival du film français, a choisi de se
désengager du pays.
C - De nouveaux champs à défricher
L’action économique ne se résume pas au soutien des industries
culturelles. L’impact de son action sur la consommation des biens et
services à fort contenu culturel
103
et sur le tourisme vers la France est tout
aussi important bien qu’encore plus mal mesuré. Il ne fait pas l’objet
d’une approche commune au sein des acteurs français locaux.
Le tourisme étranger en France représentait en effet 81,4 millions
de nuitées en 2011, dont plus des deux tiers effectuées par des Européens.
Les pays émergents représentent une part très faible de ce total : 1,1 %
pour la Chine, 1,0 % pour le Brésil et 0,3 % pour l’Inde. Les visiteurs
étrangers du Musée du Louvre ont été plus de 7,1 millions en 2012, soit
89 % du total des visiteurs. Parmi eux, certains contingents paraissent
avoir été sensibilisés par l’image culturelle générale de la France :
909 000 Américains, 442 000 Chinois, 370 000 Brésiliens, 290 000
Russes.
Le réseau culturel ne peut donc se désintéresser de cette activité.
103
Le Comité Colbert, qui rassemble 75 entreprises françaises spécialisées dans le
luxe, avance en 2012 un chiffre d’affaires de 31 Md€ dont 64 % est exporté.
LA PERTINENCE DES ACTIONS DE SOUTIEN DU RÉSEAU DANS UN CONTEXTE DE
CONCURRENCE INTERNATIONALE
139
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La connaissance des publics et bénéficiaires du réseau demeure
superficielle et lacunaire. Les instruments traditionnels du réseau sont
peu adaptés pour atteindre les publics prioritaires visés (nouvelles élites,
pays émergents, etc.).
De nouvelles approches de la répartition géographique des
moyens doivent pouvoir être adoptées. Une approche fondée sur les
résultats, une atténuation de la dispersion des implantations, une prise en
compte de la topographie culturelle et une approche par les actifs
culturels devraient permettre un repositionnement géographique de
l’action culturelle en adéquation avec les priorités.
Le réseau doit également apprendre à mieux s’inspirer des bonnes
pratiques des autres pays occidentaux, notamment de celles de
l’Allemagne et du Royaume-Uni, pour faire face à une situation de
concurrence objective.
Il doit enfin mieux tenir compte des retombées économiques
potentielles de ses actions, non seulement dans le domaine des industries
culturelles mais aussi dans celui des autres secteurs pour lesquels
l’image de la France est un déterminant de la demande.
Dans ces conditions, la Cour recommande de :
9.
mettre en place un instrument de mesure de l’impact des
actions du réseau auprès des médias locaux et des publics ;
10.
renforcer la prise en compte des retombées économiques des
actions
culturelles
du
réseau
par
l’organisation d’une
concertation avec les acteurs publics chargés du soutien des
entreprises françaises et les organismes représentant le monde
professionnel ;
11.
veiller à une meilleure prise en compte des retombées
économiques des actions culturelles par une association du
MAE, des autres ministères concernés, des opérateurs
spécialisés, d’Ubifrance et des organismes représentant le
monde professionnel.
Conclusion générale
« Héroïne ou victime de sa bonne image ou de sa bonne volonté, la
France sème à tous vents son message culturel. Elle répand plus qu’elle
ne parvient à fournir, rassurée par l’étendue de son effort plutôt
qu’assurée de sa fécondité (…). Mais dans des temps plus rudes comme
ceux qui s’annoncent, il n’est pas évident que nous puissions poursuivre
tout bonnement sur une voie qui nous conduit à procéder par
accumulation, à réagir par essoufflement et bientôt à nous replier sans
gloire ». Cet avertissement lancé en 1979 par Jacques Rigaud demeure
pertinent en 2013, même si le réseau culturel à l’étranger a montré sa
capacité de résilience face aux contraintes qu’il subit depuis des années.
Il n’est pas douteux que ce réseau constitue, par son ampleur et ses
actifs, au premier rang desquels le dynamisme et la créativité de ses
équipes, un atout essentiel pour le rayonnement et l’attractivité de la
France.
Malgré son appellation réductrice, il exerce une mission bien plus
large que la coopération et la diffusion culturelles, puisqu’il assure
également la promotion de la langue française, le développement de
partenariats et d’échanges scientifiques, la mobilité étudiante vers la
France et la coopération éducative, chacune de ces missions appelant des
moyens significatifs et des compétences distinctes.
Ses différentes composantes s’organisent autour de deux acteurs de
terrain – le réseau des Instituts du ministère des affaires étrangères et le
mouvement des Alliances françaises –, auprès desquels interviennent
deux opérateurs spécialisés – l’Institut français et Campus France –,
tandis que contribuent également à l’action culturelle l’Agence pour
l’enseignement français à l’étranger et France Médias Monde ainsi que,
dans les domaines scientifiques, culturels et universitaires, de nombreux
opérateurs qui ne dépendent pas du ministère.
Le réseau culturel du ministère des affaires étrangères ne
représente qu’une fraction du budget que l’État consacre à son action
culturelle à l’étranger (moins de 200 M€ sur 1,37 Md€). Ses crédits
budgétaires et ses moyens humains diminuent depuis plusieurs années,
sans que ses missions n’aient été révisées en conséquence.
COUR DES COMPTES
142
Sur la base de diagnostics répétés visant à compenser sa fragilité et
son atomisation, notamment dans le Livre blanc de 2008, ce réseau a fait,
au cours des dernières années, l’objet de réformes profondes :
-
une fusion des services de coopération et d’action culturelle et
des établissements à autonomie financière dépendant du
ministère, engagée dès 2009, s’est achevée au 1
er
janvier
dernier. Le réseau public se compose désormais d’une centaine
d’entités nationales fusionnées sous le nom d’Instituts français.
La marque « Institut français » s’est imposée dans la plupart
des pays, tandis que la fusion a permis, outre une rationalisation
nécessaire des moyens, de mettre en oeuvre des stratégies plus
cohérentes tout en préservant une souplesse de gestion grâce à
l’autonomie financière des établissements ;
-
deux nouveaux opérateurs ont été créés en 2010 : l’Institut
français, établissement aux compétences élargies par rapport à
son prédécesseur CulturesFrance, et Campus France, issu de la
fusion de plusieurs organismes, chargé de gérer les boursiers du
gouvernement français et d’assurer la promotion des études en
France. Ces opérateurs, bien que récents, jouent un rôle de
prestataires de service pour le réseau qui est globalement
apprécié et efficace.
Pour significatives qu’elles soient, ces avancées ne peuvent
toutefois masquer la persistance d’un ensemble de problèmes cruciaux
qui affecte la performance du réseau, voire sa viabilité, et qui demeurent
aujourd’hui sans réponse satisfaisante.
Bien que le ministère des affaires étrangères ait fait preuve d’un
souci constant d’adaptation, il ne dispose pas encore, à l’été 2013, d’une
stratégie suffisamment claire, tant sectorielle que géographique, qui soit
étayée sur des analyses pertinentes des situations régionales et locales ou
qui ait défini les objectifs et les impacts recherchés. Malgré leur nombre,
les priorités de l’action culturelle sont souvent secondes dans les plans
d’action des ambassades. Les outils de suivi et d’analyse n’existent pas,
ou sont développés de façon trop artisanale dans les postes, lesquels, pour
la plupart, ne sont pas encore suffisamment intéressés par la mesure de
l’impact de leurs actions.
La direction générale de la mondialisation devrait se concentrer
davantage sur la définition des objectifs politiques, déclinés en grandes
priorités, et sur l’évaluation de leur mise en oeuvre par
le réseau ou les
opérateurs. Seule la mission de cette direction générale chargée de la
gestion du réseau assume, de fait, les fonctions d’interlocuteur reconnu
des postes, par le biais de l’affectation des ressources ou du dialogue de
gestion, sans pourtant pouvoir toujours répondre aux situations
CONCLUSION GÉNÉRALE
143
problématiques que signalent les postes. La valeur ajoutée des autres
départements de la direction générale, vis-à-vis du réseau et par rapport
aux opérateurs spécialisés, n’est pas manifeste.
La conception et la mise à disposition des outils nécessaires à
l’activité et à l’amélioration de la performance des postes sont en effet
désormais partagées entre l’Institut français et Campus France, chacun
dans son secteur propre (formation des agents, professionnalisation de
l’enseignement du français, mise en place de plateformes numériques,
développement des centres pour les études en France, promotion de
l’offre universitaire, analyses géographiques des marchés universitaires,
etc.), et l’administration centrale (mise à disposition d’outils financiers et
comptables, contrôle de gestion notamment). Mais ces initiatives ne
suffisent pas.
Ainsi, en dépit d’un investissement annuel de 90 M€ dans des
bourses pour étrangers, il n’existe toujours pas, en 2013, d’outil de suivi
des bénéficiaires. De même, alors que la recherche de financements
extérieurs est pour le réseau une priorité cruciale sur laquelle il se
mobilise, l’administration centrale en laisse l’entière responsabilité aux
postes sans leur fournir l’appui ni les outils nécessaires, alors même que
certains programmes qu’elle gère directement, notamment dans le
domaine universitaire, voient leurs cofinancements s’effriter. L’incapacité
à s’organiser efficacement pour mobiliser des financements européens sur
les champs d’intervention du réseau et, partant, assurer la valorisation de
l’expertise française tant auprès de la Commission européenne que des
pays qui bénéficient de son aide, est patente.
Par nature, l’activité du réseau requiert, en outre, certaines
compétences très diverses et spécialisées, provenant d’agents de statuts
variés, tant contractuels (80 %) que fonctionnaires, expatriés ou recrutés
locaux. La gestion de ces compétences, souvent extérieures au corps
diplomatique, comme la valorisation de l’expertise acquise en poste par
les agents, constituent un enjeu essentiel pour le réseau.
Or les constats effectués montrent que la gestion actuelle des
ressources humaines du réseau par le ministère des affaires étrangères
comporte de nombreux inconvénients : système pyramidal dans lequel la
connaissance du terrain et des acteurs locaux et l’expertise acquise sont
insuffisamment valorisées et utilisées ; affectations en inadéquation avec
les besoins du réseau et les compétences requises, du fait de la prévalence
de contraintes statutaires et de gestion des effectifs ministériels, au
détriment des agents contractuels ; rotation rapide des agents sur les
postes ; incapacité à inscrire la carrière et la gestion des contractuels non
fonctionnaires dans la durée. De fait, le réseau manque d’une gestion
prévisionnelle des emplois et des compétences, adaptée à ses missions et
COUR DES COMPTES
144
aux enjeux auxquels il doit faire face. Ce mode de gestion, qui est pour
partie la conséquence de l’absence d’un cadre adapté pour le réseau,
contribue à fragiliser les équipes et peut compromettre la pérennité de
projets, accroissant la difficulté de réseau à s’inscrire dans le long terme
qui est la condition de l’influence durable.
L’autonomie financière acquise progressivement par le réseau a
permis de sauvegarder ses capacités d’action. Celles-ci restent cependant
fragile, d’autant que n’ont pas été évalués les déterminants de fond de la
fréquentation des Instituts et Alliances, ni les seuils de dotation
budgétaire à partir desquels l’effet de levier ne pourra jouer. En outre, la
fragilité du statut juridique des établissement à autonomie financière
(EAF) au regard de la LOLF ne permet pas de doter les Instituts d’un
cadre
satisfaisant
pour
rechercher
et
percevoir
des
subventions
d’organismes multilatéraux, verser des subventions et, de façon générale,
élaborer et mener des stratégies au-delà de leur seule circonscription
géographique.
Or la concurrence entre les réseaux et les opérateurs des différents
pays, pour défendre leur attractivité et promouvoir leur culture, leur
langue et leur enseignement, est forte. Dans cet environnement,
l’éclatement actuel du réseau, sa difficulté à être réactif et à se doter des
compétences requises, constituent des handicaps qui doivent être
surmontés.
Nombreuses sont les actions correctives qui pourraient être
envisagées : mieux cibler les nouvelles élites issues des classes moyennes
des pays émergents, comme le préconise le ministère et comme le font
nos partenaires étrangers ; dépasser les limites d’une stratégie très centrée
sur la langue française, notamment pour mieux agir dans les pays
émergents ; définir des
priorités
vis-à-vis d’une offre artistique
foisonnante qui devrait être mieux articulée avec celle des grands
opérateurs publics ; adopter une approche plus intégrée dans le domaine
scientifique avec le ministère de la recherche et ses opérateurs ; ne pas
réduire la coopération universitaire à la mobilité étudiante et passer du
stade quantitatif au stade qualitatif pour celle-ci.
Ces actions correctives requièrent une amélioration de la cohésion
du réseau culturel : associer les Alliances françaises dans le jeu collectif
sur des bases plus objectives ; trouver les moyens de tirer un meilleur
parti des investissements publics consentis dans l’enseignement français à
l’étranger et l’audiovisuel extérieur ; prendre plus directement en compte
les retombées économiques des actions entreprises.
Sans renoncer à une ambition universelle, une différenciation plus
forte des approches paraît s’imposer, en fonction des types de pays, des
CONCLUSION GÉNÉRALE
145
domaines de l’action culturelle, des instruments utilisés et des possibilités
locales de financement.
Le réseau culturel n’est pas aujourd’hui dans une situation qui
permette de garantir sa pleine efficacité, en dépit des moyens investis.
Quatre enjeux sont à cet égard prioritaires : l’adaptation aux nouvelles
attentes des autorités et des bénéficiaires, la recherche de financements
non budgétaires, la gestion des ressources humaines et l’évaluation de
l’efficacité des actions et de leur impact. Ce sont autant de défis à relever
par le ministère, dans le cadre défini en 2010.
L’une des options possibles – inspirée d’exemples français et
étrangers – aurait été de rattacher le réseau à un opérateur, l’Institut
français. Comme l’a fait valoir le ministère dans sa dernière évaluation du
printemps 2013, l’expérimentation en cours de rattachement de 12 postes
à l’Institut français ne présente pas de résultats probants.
Cette expérimentation était, il est vrai, probablement compromise
dès l’origine, en raison de la différence de périmètre entre l’établissement
public et des Instituts aux missions plus larges, incluant les domaines
universitaire et scientifique et la coopération éducative, comme le
souligne lui-même le ministère. Initialement prévue pour une durée de
trois ans, elle n’a en outre duré, dans les faits, que 18 mois, ce qui interdit
d’en tirer des conclusions suffisamment significatives.
Les enseignements de cette expérimentation étant peu concluants,
elle ne peut conduire, à court terme, au rattachement du réseau à un
opérateur.
C’est en tirant parti de l’organisation issue de la loi de 2010, quitte
à en surmonter les imperfections, que le ministère des affaires étrangères
peut trouver, sans tarder, des solutions pour convaincre que le réseau
demeure capable de répondre aux attentes.
Glossaire
ADL : Agent de Droit Local
AEF : Audiovisuel Extérieur de la France (devenu France-Médias
Monde)
AEFE : Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger
AFAA : Association Française d’Action Artistique
AFD : Agence Française de Développement
AKP : Parti pour la Justice et le Développement (Turquie)
ANMO : Afrique du Nord Moyen-Orient
ANR : Agence Nationale de la Recherche
APD : Aide Publique au Développement
ASEAN : Association des Nations de l’Asie du Sud-Est
BBC : British Broadcasting Corporation
BGF : Bourses du Gouvernement Français
BNF : Bibliothèque Nationale de France
CAP : Centre d’Analyse et de Prévision (MAE)
CBCM : Contrôleur budgétaire et comptable ministériel
CEA : Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
CEC : Comité d’Évaluation et de Contrôle des politiques publiques
(Assemblée nationale)
CEF : Centre pour les Études en France
CENDOTEC : Centre de Documentation Technique et Scientifique (Sao
Paulo)
CIEP : Centre International d’Études Pédagogiques
CIRAD :
Centre
de
Coopération
Internationale
en
Recherche
Agronomique pour le Développement
CJB : Centre Jacques Berque (Maroc)
CNAM : Conservatoire National des Arts et Métiers (Maroc)
CNC : Centre National du Cinéma et de l’image animée
CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique
COCAC : Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle
COM : Contrat d’Objectifs et de Moyens
COS : Comité d’Orientation Stratégique (Institut français)
COSL : Comités d’Orientation Stratégiques Locaux
DAAD : Deutscher Akademischer Austauschdienst (Allemagne)
DCCUR : Direction de la Coopération Culturelle, Universitaire et de la
Recherche (MAE)
DELF : Diplôme d’Études en Langue Française
DREIC : Direction Europe de la Recherche et de la Coopération
Internationale
COUR DES COMPTES
148
DGCID : Direction Générale de la Coopération Internationale et du
Développement (MAE)
DGESIP : Direction Générale des Enseignements Supérieurs et de
l’Insertion Professionnelle
DGM : Direction Générale de la Mondialisation, du développement et des
partenariats (MAE)
DGRI : Direction Générale de la Recherche et de l’Innovation
DPR : Direction des Programmes et du Réseau (MAE)
DPT : Document de Politique Transversale
DREIC : Direction des Relations Européennes, Internationales et de la
Coopération
EAF : Établissement à Autonomie Financière
E-A-U : Émirats Arabes Unis
EHESS : École des Hautes Études en Sciences Sociales
EPIC : Établissement Public à caractère Industriel et Commercial
ETP : Équivalent Temps Plein
ETPT : Équivalent Temps Plein Travaillé
FACE : Fondation French American Cultural Exchange (États-Unis)
FCO : Foreign&Commonwealth Office (Royaume-Uni)
FSP : Fonds de Solidarité Prioritaire
GPRH : Gestion Prévisionnelle des Ressources Humaines
IFA : Institut Français d’Allemagne
IFAO : Institut français d’Archéologie Orientale
IFEA : Institut Français d’Études Anatoliennes
IFM : Institut Français du Maroc
IFP : institut Français de Pologne
IFRA : Institut Français de Recherche en Afrique
IFRE : Institut Français de Recherche à l’Étranger
IFRU : Institut Français du Royaume-Uni
IFT : Institut Français de Turquie
IGAE : Inspection Générale des Affaires Étrangères
IMA : Institut du Monde Arabe
IRD : Institut de Recherche pour le Développement
LIA : Laboratoire International Associé
LFI : Loi de Finance Initiale
LOLF : Loi Organique relative aux Lois de Finances
MAE : Ministère des Affaires Étrangères
MCC : Ministère de la Culture et de la Communication
MEN : Ministère de l’Éducation Nationale
MESR : Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
MFO : Maison Française d’Oxford
MICEL : Mission de Coopération Educative et Linguistique (Turquie)
MOMA : Museum of Modern Art (New York)
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économiques
GLOSSAIRE
149
OIF : Organisation Internationale de la Francophonie
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
RFI : Radio France Internationale
RGPP : Révision Générale des Politiques Publiques
SCAC : Service de Coopération et d’Action Culturelle
SDAI du CNOUS : Sous-Direction des Affaires Internationales du Centre
National des OEuvres Universitaires et Scolaires
SST : Service Scientifique et Technologique
TBI : Tableau de Bord Interactif
TNT : Télévision Numérique Terrestre
UE : Union Européenne
UFAR : Université Française d’Arménie
VI : Volontaire International
***
ANNEXES
153
Annexe 1
Lettre de saisine de la Cour
COUR DES COMPTES
154
Annexe 2
Réponse du Premier Président
ANNEXES
155
Annexe 3
La méthodologie suivie
1 -
La spécificité de la démarche
Bien que ne visant pas à évaluer une politique publique, la
démarche suivie par la Cour a consisté à recenser les parties prenantes à
l’action du réseau culturel étranger :
-
les responsables des administrations, opérateurs et organismes
concernés ;
-
les ambassadeurs et consuls généraux, consultés par enquête
exhaustive et lors des missions sur place ;
-
les agents du réseau, consultés directement et à travers leurs
organisations représentatives ;
-
les personnalités qualifiées, consultées à l’occasion d’entretiens
ou de tables-rondes organisées à la Cour ;
-
les bénéficiaires de l’action du réseau, consultés lors de tables-
rondes organisées à l’occasion des missions à l’étranger.
La Cour a ainsi pu établir un "sociogramme" de l'action culturelle
extérieure, qui permet de situer la place relative du réseau dans cette
action :
Bénéficiaires indirects
Bénéficiaires directs
Financeurs / décideurs
Opérateurs
MAE
Organisations
internationales
Mécènes et
sponsors
Campus
France
Institut
français
Agents du réseau
Boursiers
étrangers en
France
Elèves des lycées
français
Instituts/EAF
SCAC
Lycées
français
IFRE
Chercheurs
et
artistes étrangers en
échange
Entreprises françaises à
l’étranger
Personnes
apprenant le
français
Public des
manifestations
Public des médias
français
Population locale
Ministère de la
culture
Ministère de
l’Education nationale
Universités françaises
Fondation
Alliance française
Partenaires
étrangers
Opérateurs
culturels en
France
Artistes, créateurs,
chercheurs,
étudiants français
Collectivités
locales françaises
Ministère de
l’enseignement supérieur
et de la recherche
Etudiants
étrangers
en échange
Centres de recherche en
France
Entreprises françaises
Sociogramme de l’action culturelle extérieure
COUR DES COMPTES
157
2 -
Les questions posées
En accord avec les commanditaires de l’enquête, l’expression de
réseau culturel a été comprise au sens large : elle englobe l’ensemble des
activités auxquelles se livrent les ambassades, les Instituts français, les
Alliances françaises et les divers opérateurs dans un champ comprenant
notamment la coopération linguistique, artistique (« culturelle »
stricto
sensu
), universitaire et scientifique.
Organigramme de l’action culturelle extérieure:
Source : Cour des comptes
.
Afin de concentrer l’enquête sur les aspects prioritaires, un des
points fondamentaux de la démarche a été de définir, avec les rapporteurs
parlementaires, membres du comité d’évaluation et de contrôle (CEC),
des
questions-clés
, permettant de mesure l’efficacité et la performance du
réseau. À chaque question correspondent des critères d’appréciation de la
réussite, qui ont eux-mêmes servi de référentiels pour la construction des
outils de collecte des données. Ces questions sont au nombre de quatre,
qui correspondent aux questions-types des évaluations de politiques
publiques :
-
parmi les actions mises en oeuvre par le réseau, quelles sont
celles qui renforcent le plus l’attractivité de la France ?
(
efficacité
) ;
COUR DES COMPTES
158
-
dans quelle mesure les différentes interventions sectorielles
menées par le réseau sont-elles suffisamment cohérentes entre
elles ? (
cohérence
) ;
-
en quoi les différents acteurs du réseau sont-ils susceptibles
d’améliorer l’efficience locale de l’action culturelle dans un
contexte de concurrence internationale ? (
efficience
) ;
-
quelles sont les actions du réseau pour lesquelles le soutien
public demeure le plus nécessaire ? (
pertinence
).
3 -
La méthode suivie
La Cour a fondé ses constats sur l’action du réseau français à
l’étranger sur les diligences suivantes :
-
l’analyse documentaire de la littérature existante sur l’action
culturelle française à l’étranger (ouvrages, textes de lois,
rapports parlementaires, études, rapports antérieurs de la Cour
des Comptes, etc.), soit plusieurs dizaines de documents ;
-
des entretiens réalisés au printemps 2013 auprès d’une
cinquantaine d’acteurs de l’action culturelle en
France
(ministères, opérateurs culturels, opérateurs universitaires,
centres de recherche, etc.) ;
-
des études approfondies, effectuées au printemps 2013, du rôle
et des activités des principales « maisons-mères » du réseau
(Direction générale de la mondialisation (DGM) du ministère
des affaires étrangères, Institut français, Campus France,
Fondation Alliance française) ;
-
un questionnaire envoyé en février 2013 à tous les postes
diplomatiques bilatéraux et aux principaux consulats généraux
français, dont les réponses, au nombre de près de 200, ont été
méthodiquement traitées ;
-
une analyse typologique de l’action culturelle extérieure visant
à dégager une vision de ses priorités géographiques, sectorielles
et instrumentales ;
-
des études de cas dans sept « pays à enjeux » pour l’action
culturelle réalisées en avril 2013 : Allemagne
Royaume-Uni,
Chine, Émirats Arabes Unis, Inde, Maroc, Turquie. Ces pays
ont été sélectionnés en fonction de l’importance des moyens
publics consentis, de la présence ou non des Alliances
françaises et du rattachement expérimental du réseau à l’Institut
(Inde, E-A-U). Pour chaque pays, une mission de terrain, d’une
durée d’environ une semaine, a permis de réaliser plusieurs
ANNEXES
159
dizaines d’entretiens et des tables rondes avec les opérateurs et
des bénéficiaires de l’action culturelle ;
-
un parangonnage avec les dispositifs d’action culturelle de
l’Allemagne et du Royaume-Uni ;
-
enfin, deux tables rondes ont réuni en mai 2013 à la Cour, en
présence des rapporteurs parlementaires, une vingtaine de
« grands témoins » culturels français et étrangers pour porter un
regard extérieur sur l’action du réseau de la France à l’étranger.
Intervenants aux tables-rondes organisées par la Cour
Jolanta BAL
Č
I
Ū
NIEN
Ė
Ambassadrice de Lituanie en France
Olivier BOUIN
Économiste
Antoine COMPAGNON
Professeur au Collège de France
Cheikh DOUKOURE
Cinéaste
Bernard FAIVRE D'ARCIER
Président de la Biennale d'art contemporain de Lyon, ex-
directeur du Festival d'Avignon
Patrick GÉRARD
Conseiller d'État, ex-recteur de l'Académie de Paris
Pierre-Cyrille HAUTCOEUR
Économiste, Président de l'EHESS
Raissa LAHCINE
Artiste, Directrice des affaires culturelles de la
New-York
University
Alain LOMBARD
Administrateur général du Musée d'Orsay, enseignant sur
les politiques culturelles extérieures à Paris-Dauphine,
Stéphane MARTIN
Président du Musée du Quai Branly, ex-directeur de
cabinet du Ministère de la Culture et de Communication
Muriel MAYETTE
Administratrice de la Comédie-française
Ferdinand RICHARD
Président du Centre pour les musiques actuelles
Christine DE MAZIERES
Directrice générale du Syndicat national de l'Édition
Bruno RACINE
Président de la Bibliothèque Nationale de France, écrivain
Kareen RISPAL
Directrice des affaires publiques de LAFARGE, ex-
conseillère culturelle aux États-Unis
Nicolas TENZER
Essayiste
Joachim UMLAUF
Directeur du
Goethe Institut
(Paris)
Michel WIEVIORKA
Président de la Fondation de la maison des sciences de
l'homme
Pour répondre à l’Assemblée nationale dans les délais requis, les
différents outils ont été mobilisés de manière simultanée. Par exemple, les
Compte tenu des fortes contraintes de
temps, l’enquête a été effectuée sur une
durée d’environ quatre mois entre janvier et
mai 2013.
COUR DES COMPTES
160
missions de terrain ont permis de valider et d’approfondir les résultats de
l’enquête effectuée par questionnaire auprès des postes.
Le tableau ci-dessous décrit l’articulation entre les questions-clés
et les diligences, ou « outils », adoptés dans le cadre de l’enquête :
Outils
Questions-clés
Analyse doc
Entretiens
Enquêtes
opérateurs
parisiens
Questionnaire
Missions de terrain
Parangonnage
Tables rondes
Analyse
cartographique
1. Parmi les actions mises en oeuvre
par le réseau, quelles sont celles qui
renforcent le plus l’attractivité de la
France ?
x
x
x
x
2. Dans quelle mesure les différentes
interventions sectorielles menées par
le réseau sont-elles suffisamment
cohérentes entre elles ?
x
x
x
x
x
x
3. En quoi les différents acteurs du
réseau sont-ils susceptibles
d’améliorer l’efficience locale de
l’action culturelle dans un contexte de
concurrence internationale ?
x
x
x
x
x
x
4. Quelles sont les actions du réseau
pour lesquelles le soutien public reste
le plus nécessaire ?
x
x
x
x
x
x
Compte tenu des circonstances décrites ci-dessus, l’enquête a
comporté certaines limites. Celles-ci ont tenu principalement aux
contraintes de temps, qui n’ont pas permis une démarche entièrement
séquentielle, ni certains approfondissements dans l’analyse des données,
et à la difficulté pour interroger, en dehors des missions de terrain, les
bénéficiaires finaux de l’action culturelle en raison de la difficulté à les
cerner tous, de leur extrême diversité et de leur dispersion géographique.