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APPORT PUBLIC THEMATIQUE
Paris, le 18 juillet 2013
Dexia :
un sinistre coûteux, des risques persistants
Le groupe bancaire privé franco-belge Dexia, confronté à une crise de liquidités,
a fait l’objet d’interventions
pub
liques à partir d’octobre
2008. La Cour des comptes, compétente à compter de cette date pour contrôler sa
filiale française, a décidé d’examiner les conditions de création et de développement de cette banque, l’impact
sur les finances publiques de son échec et les responsabilités en cause.
Ses observations se limitent à la partie française de Dexia,
la Cour n’étant pas en capacité d’
appréhender
le volet belge.
1)
Une stratégie porteuse de risques, que ni la gouvernance de Dexia ni les autorités
de supervision n’ont su prévenir
La constitution du groupe transnational Dexia à partir de 1996 a souffert
dès l’origine
de
faiblesses
structurelles
.
Le
modèle financier
de Dexia, atypique et fragile, reposait sur un
financement de prêts à très long
terme par des ressources de moyen terme et, pour une part importante, de court terme
. La
recherche
d’une
rentabilité toujours plus élevée et la distribution de dividendes substantiels
aux actionnaires ont
poussé à une croissance très rapide des actifs du groupe, y compris dans la période précédant immédiatement
la crise.
Ce modèle supposait le bon fonctionnement du marché monétaire et un accès facile à ce marché grâce à
une bonne notation financière. A partir de 2008, ces conditions
n’ont plus été réunies, pr
ovoquant une grave
crise de liquidités (septembre 2008).
Le
conseil d’administration de Dexia
,
très dépendant d’équilibres binationaux
,
n’a pas
anticipé la
montée des risques
à partir de l’été 2007,
et ne s’est pas
opposé à une stratégie
qui aurait dû être
fondamentalement révisée bien avant la mi-2008. Actionnaire certes minoritaire, la
Caisse des dépôts et
consignations
est restée très en retrait
jusqu’en 2008
.
De même, la Cour constate que
les autorités de supervision n’ont pas su prévenir les risques avant
2008
et qu’elles
se sont abstenues, après cette date
, d’établir et de sanctionner les manquements
relevés dans le cadre de leur contrôle prudentiel
.
2)
L’échec du plan de restructuration
Les deux volets du plan de sauvetage, élaboré dans l’urgence en 2008 par les
États belge et français, ont
pris
la forme d’une
augmentation de capital réservée aux entités publiques (2,7 Md
€ pour la partie française
dont 1
Md€ apporté par l’État
et 1,7
Md€ par
le groupe Caisse des Dépôts) et de
l’octroi de garanties
étatiques
permettant
à Dexia d’accéder à nouveau à
des financements de marché.
La Caisse des dépôts et consignations a fait porter par le
Fonds d’épargne
(qui centralise l’épargne
réglementée)
une partie de l’effort qui lui était demandé
, faisant ainsi supporter un risque aux épargnants.
La contrepartie demandée par la Commission europé
enne pour accepter les aides d’
État a été un plan de
restructuration consistant notamment en la réduction de la taille du bilan. Si le plan a été globalement respecté,
le
déclenchement en 2011 de la crise des dettes souveraines, auxquelles Dexia était très exposée, a
rendu nécessaire le démantèlement
du groupe.
Ce démantèlement a nécessité une nouvelle augmentation de capital de 2,58 Md€, souscrite par l’
État
français à la fin de 2012. Après acquisition par celui-
ci de la principale filiale française, l’extinction progressive
du groupe Dexia « résiduel » a été engagée.
3)
Un coût élevé pour les finances publiques
, auquel s’ajoutent
des risques durables
Le
coût direct, à ce jour, de ce sinistre bancaire
s’élève
, pour la seule partie française, à
6,6 Md€.
Il
est réparti entre un coût net de 2,7 Md€ pour l’
É
tat et de 3,9 Md€ (Fonds d’épargne inclus) pour la Caisse des
dépôts et consignations, coûts liés à la perte de valeur de leurs participations respectives.
Les
risques futurs tiennent à l’extinction de Dexia
, dont le modèle de financement inchangé demeure
très sensible à une augmentation des taux d’intérêts, et qui aura
vraisemblablement un horizon bien plus
lointain que 2020.
Ils
tiennent également au financement local
et aux risques liés aux «
emprunts toxiques
» délivrés par
Dexia,
susceptibles de provoquer des défauts de paiement
ou des contentieux.
S’ils se réalisent, ces
risques pèseront
sur l’
État français
, qui est aujourd’hui directement impliqué dans la structure mise en extinction
(Dexia « résiduel ») ainsi que dans les entités publiques nouvelles (SFIL / CAFILL) appelées à succéder à
Dexia dans le financement des collectivités locales françaises.
4)
Une recherche tardive et incomplète des responsabilités
Le sauvetage de Dexia
a été suivi d’un changement d
e ses équipes dirigeantes,
puis d’un renouve
llement
substantiel du co
nseil d’administration en 2009.
A la demande des États, les deux principaux dirigeants de la banque
M. Pierre Richard
, président du
conseil d’administration, et
M. Axel Miller
, administrateur délégué
ont quitté leur poste.
Mais
la mise en cause de la responsabilité des anciens dir
igeants n’a
été recherchée
ni par les
nouveaux dirigeants nommés en 2008, ni par les actionnaires déjà présents ou entrés au capital en 2008, ni par
les États.
Les anciens dirigeants ont certes été évincés, mais
ils ont pu conserver le bénéfice d’avantages
financiers substantiels, parmi lesquels, pour les dirigeants français, des dispositifs contestables de
retraites chapeaux
.
5)
Principales recommandations
Les projets de réforme en cours en matière de supe
rvision et de résolution bancaire témoignent d’une prise
de conscience salutaire. Le projet de
confier à la Banque centrale européenne la supervision
supranationale des établissements financiers
semble en particulier tirer les enseignements des lacunes
constatées dans la supervision de Dexia.
Mais ces réformes doivent être approfondies, notamment sur
la responsabilité des dirigeants
. Les
sanctions
devraient être plus
clairement définies, plus fortes et être appliquées systématiquement
, dans
le cas d’une aid
e publique à la restructuration.
La Cour formule au total
huit recommandations
, parmi lesquelles :
instituer les dispositifs juridiques permettant de revenir sur l'octroi de rémunérations variables et
d’avantages et indemnités complémentaires à des dirigeants d’institutions financières, en cas
d’intervention publique ;
renforcer les dispositifs de sanctions pénale et pécuniaire, tant pour les dirigeants que pour les membres
des conseils d'administration d'institutions financières, pour les cas de prise de risque inconsidérée ayant
entraîné des pertes ;
utiliser, avant l'échéance de la prescription en 2014, toutes les voies de droit, encore ouvertes, pour
remettre en cause le dispositif des retraites supplémentaires versées aux anciens cadres dirigeants de
Dexia ;
remettre en cause la possibilité ouverte aux fonctionnaires de réintégrer la fonction publique tout en
percevant des indemnités liées à la cessation de leurs fonctions antérieures de dirigeant dans une
entreprise publique ou bénéficiant de soutiens financiers publics ;
prendre les mesures de validation législative nécessaires à la sécurisation des modalités de conclusion
des contrats de prêts passés entre les établissements de crédit et le secteur public local.
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