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Cour de discipline budgétaire et financière
Première section
Arrêt du 17 juin 2013,
« Centre hospitalier intercommunal de la Lauter à Wissembourg »
N°189-683
REPUBLIQUE FRANCAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE
Siégeant à la Cour des comptes en audience publique a rendu l’arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1
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du livre III, relatif à la
Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le code de la santé publique, dans ses versions en vigueur au moment des faits ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la
fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la
comptabilité publique en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2001-1207 du 19 décembre 2001 portant statut particulier du corps des
attachés d’administration hospitalière et modifiant le décret n° 90-839 du 21 septembre 1990
portant statuts particuliers des personnels administratifs de la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 2002-598 du 25 avril 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux
supplémentaires ;
Vu le décret n° 2003-502 du 11 juin 2003 fixant des dispositions transitoires relatives
au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à
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l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la
fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 2003-506 du 11 juin 2003 relatif aux conditions d’indemnisation des
jours de réduction du temps de travail ;
Vu l’arrêté du 28 septembre 2001 modifiant l’arrêté du 23 mars 1992 modifié relatif
au
programme des études conduisant au diplôme d’Etat d’infirmier ;
Vu l’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la
continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de
santé et dans les établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
Vu la communication du 14 mai 2009, transmise le 29 juin 2009 et enregistrée au
parquet général le 3 juillet suivant, par lequel la chambre régionale des comptes d’Alsace a
saisi la Cour de discipline budgétaire et financière des irrégularités qu’elle avait relevées dans
la gestion du centre hospitalier intercommunal de la Lauter à Wissembourg (Bas-Rhin),
ensemble les pièces à l’appui ;
Vu le réquisitoire du 29 avril 2010 par lequel le Procureur général, ministère public
près la Cour de discipline budgétaire et financière a saisi de cette affaire le Premier président
de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du 10 mai 2010 par laquelle le président de la Cour de discipline
budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Jérôme Brouillet, auditeur à la Cour
des comptes ;
Vu le réquisitoire complémentaire du 27 septembre 2011 par lequel le ministère public
a saisi le président de la Cour de discipline budgétaire et financière d’irrégularités apparues en
cours d’instruction et non mentionnées dans le réquisitoire du 29 avril 2010 susvisé ;
Vu la lettre
recommandée du 6 octobre 2011 par laquelle le Procureur général a
informé M. X, directeur de l’établissement à l’époque des faits déférés, de l’ouverture d’une
instruction dans les conditions prévues à l’article L. 314-4 du code des juridictions
financières, ensemble l’avis de réception de cette lettre ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière
du 30 août 2012 transmettant au Procureur général le dossier de l’affaire, après dépôt du
rapport, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du Procureur général en date du 28 septembre 2012 informant le président
de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du
dossier de l’affaire, de poursuivre la procédure en application de l’article L. 314-4 du code des
juridictions financières ;
Vu les lettres du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du
4 octobre 2012, transmettant le dossier au ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, et au ministre des affaires sociales et de la santé afin de recueillir leur avis, en
application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières, ensemble les avis de
réception de ces lettres ;
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Vu l’avis du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date
du 16 novembre 2012 ;
Vu la décision du Procureur général du 28 mars 2013 renvoyant M. X devant la Cour
de discipline budgétaire et financière, conformément à l’article L. 314-6 du code des
juridictions financières ;
Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 2 avril
2013 désignant M. Eric Thévenon, conseiller référendaire, comme rapporteur de l’affaire en
remplacement de M. Jérôme Brouillet, placé en position de détachement à compter du
1
er
septembre 2012 ;
Vu la lettre n° 21493 du 2 avril 2013 de la greffière de la Cour de discipline budgétaire
et financière à M. X lui adressant la décision de renvoi du Procureur général du 28 mars 2013
susvisée et la décision d’inscription au rôle de l’audience du 31 mai 2013,
ensemble l’avis de
réception de cette lettre ;
Vu la lettre n° 21504 du 11 avril 2013 du président de la Cour de discipline budgétaire
et financière à Maître Jean Mauvenu, avocat de M. X, lui accordant un délai supplémentaire
jusqu’au 17 mai 2013, 15 heures pour déposer ses écritures ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d’audition et le rapport
d’instruction de M. Brouillet ;
Vu le mémoire en défense produit par Maître Burckel pour M. X, le 17 mai 2013 ;
Vu les documents transmis à la Cour à l’issue de l’audience par M. X et par son
conseil, notamment celui relatif aux résultats consolidés de l’établissement de 2008 à 2011 ;
Entendu le rapporteur, M. Eric Thévenon, résumant le rapport écrit, en application des
articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu M. Christian Michaut, avocat général, résumant la décision de renvoi, en
application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le Procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12
du code des juridictions financières ;
Entendu M. X en ses observations et Maîtres Burckel et Eyrignoux en leurs
plaidoiries, M. X ayant été invité à présenter ses explications et observations, la défense ayant
eu la parole en dernier ;
Sur la compétence de la Cour
Considérant que le centre hospitalier de la Lauter à Wissembourg est un établissement
public de santé soumis au contrôle de la chambre régionale des comptes d’Alsace au cours de
la période considérée ; que ses agents sont en conséquence justiciables de la Cour de
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discipline budgétaire et financière en application des b et c du I de l’article L. 312-1 du code
des juridictions financières ;
Sur l’absence d’avis du ministre des affaires sociales et de la santé
Considérant que l’absence de réponse du ministre
des affaires sociales et de la santé à
la demande d’avis formulée le 4 octobre 2012 ne fait pas obstacle à la poursuite de la
procédure en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières ;
Sur la prescription
Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières :
«
la Cour ne peut être saisie après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter
du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à application des sanctions prévues
par le présent titre
» ;
Considérant que la communication de la chambre régionale des comptes d’Alsace a
été enregistrée au parquet général le 3 juillet 2009, qu’il en résulte que les irrégularités
commises postérieurement au 3 juillet 2004 ne sont pas couvertes par la prescription de cinq
années susmentionnée ;
Sur les faits, leur qualification et l’imputation des responsabilités
A – Sur les conventions relatives à un appareil IRM
1 – Sur les faits
Considérant que si les délibérations du conseil d’administration du centre hospitalier
de
Wissembourg
autorisant
la
conclusion
des
conventions
des
14
septembre
et
10 décembre 1999, relatives à l’acquisition et à l’utilisation conjointe d’un appareil
d’imagerie par résonance magnétique (IRM) par le centre hospitalier de la Lauter à
Wissembourg, l’hôpital de psychiatrie et de radiologie du Palatinat (République fédérale
d’Allemagne) et un cabinet de radiologie situé à Landau (République fédérale d’Allemagne)
ont été déclarées irrégulières par arrêt du Conseil d’Etat du 10 janvier 2007 versé au dossier,
ces irrégularités sont couvertes par la prescription ;
Considérant qu’après résiliation de la convention du 14 septembre 1999 une nouvelle
convention a été conclue le 14 septembre 2004 entre le centre hospitalier et le cabinet de
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radiologie de Landau aux fins de poursuivre l’exploitation de l’appareil IRM pour la période
du 1
er
octobre 2004 au 30 septembre 2007 ; qu’un accord complémentaire à la convention du
14 septembre 2004 a été conclu entre les deux cocontractants, le 14 février 2005, qui
décidaient de constituer entre eux une nouvelle société de gestion de l’IRM ;
Considérant que la convention susmentionnée du 14 septembre 2004 et l’accord
complémentaire du 14 février 2005 n’ont pas été soumis au conseil d’administration du centre
hospitalier de la Lauter ;
Considérant que le centre hospitalier de la Lauter à Wissembourg a dû supporter, outre
une partie des frais d’entretien et de maintenance de l’appareil, le coût des examens IRM
effectués à Landau, au cours des exercices 2005 à 2007, par les patients externes du centre
hospitalier de Wissembourg suite au refus de prise en charge opposé par la caisse primaire
d’assurance maladie ;
2 – Sur la qualification et les responsabilités
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 313-3 du code des
juridictions financières, «
Toute personne visée à l'article L. 312-1 qui aura engagé des
dépenses sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation de signature à cet effet sera
passible de l'amende prévue à l'article L. 313-1
» ;
Considérant qu’en vertu de l’article L. 313-4 du même code, «
Toute personne visée
à l'article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les
règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'État ou des collectivités,
établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur
appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou
organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l'amende
prévue à l'article L. 313-1
» ;
Considérant que ces dispositions définissent des infractions distinctes de celles
prévues par l’article L. 313-6 du même code ; qu’elles s’appliquent indépendamment de
l’octroi ou non d’un avantage injustifié à autrui ;
Considérant que, conformément aux dispositions du 8° de l’article L. 6143-1 du code
de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à compter du 19 juin 2004, le conseil
d’administration des établissements publics de santé délibère sur «
les conventions concernant
les actions de coopération internationale
» ; que, contrairement à ce que soutient M. X, ces
conventions de coopération comprennent les conventions de coopération transfrontalière,
telles que la convention du 14 septembre 2004, entre le centre hospitalier et le cabinet de
radiologie de Landau et l’accord complémentaire à la convention du 14 février 2005 ;
Considérant qu’à supposer même que certains administrateurs aient été informés de
ces conventions, il est constant qu’elles n’ont pas été soumises à la délibération du conseil
d’administration ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique, le
directeur, représentant légal et ordonnateur des dépenses de l’établissement, conduit la
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politique générale de l’établissement ; qu’il représente l’établissement dans tous les actes de la
vie civile et agit en justice au nom de l’établissement, et qu’il lui appartient de veiller au
respect des attributions du conseil d’administration dont le même texte le charge d’exécuter
les délibérations ;
Considérant que le fait, pour un ordonnateur, d’avoir signé de sa seule initiative, en
2004 et 2005, deux conventions qui auraient exigé une délibération du conseil
d’administration est constitutif de l’infraction visée à l’article L. 313-3 du code des
juridictions financières ;
Considérant que le fait d’avoir poursuivi jusqu’en 2007 l’exécution de ces conventions
passées dans des conditions irrégulières, faisant supporter à l’établissement hospitalier des
frais de maintenance de l’appareil et des frais d’actes que la caisse primaire d’assurance
maladie refusait de prendre en charge, constitue une infraction aux règles d’exécution des
dépenses du centre hospitalier sanctionnée par l’article L. 313-4 du code des juridictions
financières ;
Considérant ainsi que la responsabilité de M. X est engagée sur le fondement des
articles L. 313-3 et L. 313-4 du code des juridictions financières ;
B – Sur le régime indemnitaire du personnel hospitalier
1 – Sur les faits
Considérant, en premier lieu, que six agents du centre hospitalier ont bénéficié, en 2006,
du versement d’une
indemnité indiciaire
d’un montant total de 6 025 € ; qu’une telle
indemnité est dépourvue de tout fondement législatif ou réglementaire et que le conseil
d’administration ne s’est jamais prononcé sur le principe de cette indemnité ; que l’attribution
et le montant de ces indemnités procèdent de la seule décision de M. X qui n’avait pas
compétence pour instituer de telles indemnités ;
Considérant, en deuxième lieu, que l’établissement a versé, en 2005 et 2006, une
indemnité dite
de congé RTT
à cinq attachés d’administration hospitalière ; que le principe de
ce complément de rémunération résulte d’un protocole d’accord signé, le 17 décembre 2001,
par M. X et par un syndicat du centre hospitalier, approuvé par le conseil d’administration et
transmis à l’agence régionale d’hospitalisation ; qu’aux termes de l’article 1
er
du décret n°
2003-502 du 11 juin 2003 fixant des dispositions transitoires relatives au temps de travail et à
l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du
9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, les
jours supplémentaires de repos prévus au titre de la réduction du temps de travail acquis au
titre de l’année 2003 et qui n’ont été ni pris ni affectés au compte épargne temps, peuvent
faire l’objet d’une indemnisation dans la limite de dix jours, mais que ce dispositif s’arrête au
31 décembre 2003 ; que cette indemnité, qui a ainsi perdu son fondement réglementaire à
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partir du 1
er
janvier 2004, a continué d’être servie aux cadres administratifs du centre
hospitalier jusqu’en juin 2009 ;
Considérant que les modalités d’indemnisation des agents de l’établissement ont
également méconnu tant les stipulations du protocole que les dispositions réglementaires
applicables résultant du décret n° 2003-506 du 11 juin 2003 ; qu’aux termes de ce dernier
texte, l’indemnité correspondant au payement d’une journée de réduction du temps de travail
devait être calculée sur la base du trentième du montant imposable perçu, en moyenne, par
l’agent concerné, pendant les mois de l’année civile précédente au cours desquels l’intéressé
était en activité ; que le protocole a cependant retenu, dans son paragraphe 6, le versement
annuel de l’équivalent de 10/365 de l’indice de fin de carrière des chefs de bureau, soit un
taux de 110 € par mois en 2006 ; que les montants versés aux agents en 2006 correspondaient
au surplus à une indemnisation de douze journées par an alors que le protocole ne prévoyait
qu’une indemnisation de dix journées ;
Considérant, en troisième lieu, que l’établissement a versé à cinq attachés
d’administration hospitalière, au cours de l’année 2006, des indemnités horaires pour travaux
supplémentaires ; que l’article 2 du décret n° 2002-598 du 25 avril 2002 relatif aux
indemnités horaires pour travaux supplémentaires prévoit que les indemnités horaires pour
travaux supplémentaires ne peuvent être accordées qu’aux fonctionnaires de catégorie C et
aux fonctionnaires de catégorie B dont la rémunération est au plus égale à celle qui
correspond à l’indice brut 380 ; que les attachés d’administration hospitalière, agents de
catégorie A en application du décret n° 2001-1207 du 19 décembre 2001, ne répondent pas à
ces conditions ; qu’en outre tous ces agents bénéficiaient du cumul des indemnités horaires
pour travaux supplémentaires et des indemnités forfaitaires représentatives de travaux
supplémentaires, en violation des dispositions de l’article 5 du décret n° 2002-598 du 25 avril
2002 précité ; que M. X ne peut prétendre que ces indemnités horaires pour travaux
supplémentaires auraient rémunéré des astreintes auxquelles les mêmes agents étaient
assujettis, dès lors que celle-ci ont donné lieu à une indemnisation distincte ;
Considérant, en quatrième lieu, que, par décision du directeur de l’établissement du
30 juin 2006, l’établissement a versé une « indemnité pour projet professionnel en institut de
formation en soins infirmiers
»
de 1 000 € pour un mois à un stagiaire étudiant en soins
infirmiers après que la direction régionale des affaires sanitaires et sociales a émis un avis
défavorable au recrutement de l’intéressé en qualité de faisant fonction d’interne en médecine,
ce poste étant réservé aux docteurs en médecine préparant un diplôme de spécialité ; que
l’arrêté du 28 septembre 2001 modifiant l’arrêté du 23 mars 1992 relatif au programme des
études conduisant au diplôme d’Etat d’infirmier prévoit un versement par semaine de stage de
23 € en première année, de 30 € en deuxième année et de 40 € en troisième année ; qu’ainsi le
montant de l’indemnité versée excède le montant réglementaire ; qu’en outre une telle
dépense est indue pour le centre hospitalier dès lors que l’arrêté du 28 septembre 2001 prévoit
que les indemnités de stage sont prises en charge par l’établissement support de l’institut de
formation en soins infirmiers et non par l’établissement public d’accueil ;
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Considérant, en cinquième lieu, que l’établissement a versé, en juillet 2006, une
indemnité de stage de 675 € ; que le versement de cette indemnité était au moment des
faits dépourvu de tout fondement législatif ou réglementaire ;
Considérant, en sixième lieu, que l’établissement a servi, en 2006, une indemnité de
premier déplacement d’un montant unitaire de 100 € à certains médecins, internes, assistants,
praticiens contractuels à temps plein et résidents en médecine pour un total de 21 328 € ; que
le versement de cette indemnité est dépourvu de tout fondement législatif ou réglementaire ;
Considérant, en septième lieu, que l’établissement a pris en charge, en 2006, des
indemnités pour période additionnelle de jour pour un médecin recruté à titre contractuel ; que
l’article R. 6152-402 du code de la santé publique, dans sa version en vigueur au moment des
faits, prévoyait que des praticiens contractuels peuvent être recrutés pour exercer des
fonctions temporaires liées à des activités nouvelles ou en voie d’évolution nécessitant des
connaissances hautement spécialisées ; que l’article R. 6152-416 du même code dans sa
rédaction alors en vigueur prévoyait que les praticiens contractuels ainsi recrutés sont
rémunérés sur la base des émoluments applicables aux praticiens hospitaliers ou aux
praticiens des hôpitaux recrutés en début de carrière, proportionnellement à la durée du travail
définie au contrat en ce qui concerne les praticiens des hôpitaux et que ces émoluments
peuvent être majorés dans la limite de ceux applicables aux praticiens parvenus au 4° échelon
de la carrière, majorés de 10% ; que le contrat conclu avec le praticien le 19 octobre 2006 se
borne à prévoir le versement de deux plages additionnelles sans comporter aucune mention
relative au temps de travail de l’intéressé ; qu’à défaut de stipulation ou de pièce distincte
venant constater un service fait au-delà des obligations réglementaires, il n’était ainsi pas
possible de s’assurer que les indemnités forfaitisées rémunéraient des plages additionnelles ;
qu’en outre le traitement de base de l’intéressé était de 2 331,06 € brut ; que le plafond
résultant de l’article R. 6152-416 déjà cité était de 2 564,16 € brut ; que la rémunération brute
totale qui lui a été versée a cependant été de 2 948,04 € ; qu’ainsi l’intéressé a bénéficié d’un
régime indemnitaire dépassant la limite fixée par l’article R. 6152-416 déjà cité ;
Considérant, en huitième lieu, qu’un autre praticien a perçu, en 2006, une indemnité
d’astreinte forfaitaire dont le principe avait été fixé à l’avance et qui lui était servie
indépendamment du nombre des interventions qu’il était conduit à réaliser ; que ce dispositif
n’est pas prévu par l’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et à l’indemnisation de la
continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics de
santé et dans les établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
Considérant, en neuvième lieu, que l’établissement n’a pas mis en place les états
mensuels établis par les praticiens effectuant des astreintes à domicile dans les conditions
prévues par l’article 9 de l’arrêté du 30 avril 2003 relatif à l’organisation et à l’indemnisation
de la continuité des soins et de la permanence pharmaceutique dans les établissements publics
de santé et dans les établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ;
que les tableaux mensuels de service que le directeur devait établir à titre d’état des services
faits en application de l’article 21 du même arrêté n’avaient pas un caractère exhaustif ; que
l’absence de ces documents ou leur caractère incomplet ne permettaient pas au comptable de
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rapprocher les états de paie des états de service exécutés ; qu’ainsi les modalités de
mandatement des indemnités liées à la permanence des soins n’étaient dès lors pas conformes
à la réglementation ; que la circonstance que les indemnisations étaient forfaitisées ne suffit
pas à justifier ces irrégularités ;
2 – Sur la qualification et les responsabilités
Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 313-6 du code des
juridictions financières que «
Toute personne visée à l'article L. 312-1 qui, dans l'exercice de
ses fonctions ou attributions, aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un
avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la
collectivité ou l'organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage sera passible
d'une amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 euros et dont le maximum
pourra atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué
à la date de l'infraction
» ;
Considérant que, conformément à l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires, «
Les fonctionnaires ont droit, après service
fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément
familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou
réglementaire
» ;
Considérant que, conformément à l’article 77 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, «
Les
fonctionnaires régis par le présent titre ont droit, après service fait, à une rémunération fixée
conformément aux dispositions de l’article 20 du titre 1
er
du statut général
» ;
Considérant que l’attribution d’indemnités dépourvues de toute base juridique constitue
une infraction aux règles d’exécution des dépenses de l’établissement public ; que tel est le
cas des indemnités indiciaires et d’une indemnité de stage ; que ces faits sont réprimés par
l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant que l’attribution d’indemnités dont le texte réglementaire qui lui servait de
fondement a cessé d’être applicable, ou dont la base contractuelle méconnaissait la
réglementation,
constitue
une
infraction
aux
règles
d’exécution
des
dépenses
de
l’établissement public, faits réprimés par l’article L. 313-4 du code des juridictions
financières ; qu’il en est ainsi
du versement, en 2005 et 2006, d’une
indemnité de congé RTT
à cinq attachés d’administration hospitalière ; que les versements correspondants constituent,
à hauteur du dépassement constaté, un avantage injustifié accordé à autrui, au préjudice de
l’établissement, au sens de l’article L. 313-6 du code des juridictions financières ;
Considérant que la méconnaissance des règles d’attribution des indemnités constitue
une infraction aux règles d’exécution des dépenses de l’établissement public, faits réprimés
10
par l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ; qu’il en est ainsi du versement à
cinq attachés d’administration hospitalière, au cours de l’année 2006, des indemnités horaires
pour travaux supplémentaires ; qu’il en est également ainsi du versement, en juin 2006, d’une
indemnité pour projet professionnel en institut de formation en soins infirmiers et du
versement, en 2006, d’une indemnité de premier déplacement à certains médecins, internes,
assistants, praticiens contractuels à temps plein et résidents en médecine ; qu’en outre, le
versement d’indemnités horaires pour travaux supplémentaires et le versement d’une
indemnité pour projet professionnel en institut de formation en soins infirmiers constituent un
avantage injustifié accordé à autrui, au préjudice de l’établissement, au sens de l’article
L.
313-6 du code des juridictions financières dès lors que la dépense était indue ;
Considérant que la violation des règles relatives à la liquidation des indemnités
constitue une infraction aux règles d’exécution des dépenses de l’établissement public, faits
réprimés par l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ; qu’il en est ainsi du
versement d’indemnités pour période additionnelle de jour et des indemnités d’astreinte ;
qu’en outre, l’indemnité pour période additionnelle de jour ayant été servie à un niveau
supérieur à celui qu’autorisait la réglementation, ces faits constituent, à hauteur du
dépassement constaté, un avantage injustifié accordé à autrui, au préjudice de l’établissement,
au sens de l’article L. 313-6 du code des juridictions financières ;
Considérant que le mandatement de dépenses en l’absence de pièces justificatives
prévues par la réglementation relative aux indemnités constitue une infraction aux règles
d’exécution des dépenses de l’établissement public, faits réprimés par l’article L. 313-4 du
code des juridictions financières ; qu’il en est ainsi du versement des astreintes à domicile ;
Considérant que, aux termes de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique, le
directeur, représentant légal et ordonnateur des dépenses de l’établissement, conduit la
politique générale de l’établissement ;
Considérant que, s’il est fait obligation au comptable public, sur le fondement des
dispositions des articles 12 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 en vigueur au
moment des faits, de contrôler en matière de dépenses «
la justification du service fait et
l’exactitude des calculs de liquidation
», la méconnaissance éventuelle de cette obligation
n’est pas de nature à exonérer la responsabilité de l’ordonnateur dans l’exercice de ses propres
compétences ;
Considérant que M. X a, de sa propre autorité, décidé la mise en place de régimes
indemnitaires irréguliers ; que si l’indemnité de congé RTT a été versée en application d’un
protocole validé par le conseil d’administration, le directeur a continué de faire application de
ce document alors que ce dernier avait cessé de produire ses effets ;
Considérant que, si certaines des irrégularités commises par M. X portent sur des
montants modestes, la répétition des agissements en cause leur confère un caractère de gravité
suffisante ;
Considérant ainsi que la responsabilité de M. X est engagée sur le fondement des
articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières ;
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C – Sur les conditions de recrutement d’un praticien contractuel
1 – Sur les faits
Considérant qu’un praticien contractuel a été recruté par un contrat du 31 juillet 2006,
signé par l’intéressé le 7 août 2006, «
en application de l’article 2-4° du décret n° 93-701 du
27 mars 1993 modifié
», pour la période allant du 1
er
février 2006 au 31 décembre 2007 ;
Considérant qu’aux termes du 4° de l’article R. 6152-402 du code de la santé publique,
en vigueur à la date de conclusion du contrat et codifiant les dispositions de l’article 2-4°
du
décret n° 93-701 du 27 mars 1993, les praticiens contractuels mentionnés à l’article
R. 6152-401 peuvent être recrutés «
pour occuper en cas de nécessité de service et lorsqu’il
s’avère impossible d’opérer un tel recrutement en application des dispositions statutaires en
vigueur, un poste de praticien à temps plein ou à temps partiel resté vacant à l’issue de
chaque procédure statutaire de recrutement. Le contrat peut être conclu pour une période
maximale de six mois renouvelable dans la limite d’une durée totale d’engagement de deux
ans
» ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que les contrats conclus en application du
4° de l’article R. 6152-402 précité doivent être signés pour une période maximale de six
mois ; que la durée initiale stipulée par le contrat du 31 juillet 2006, soit vingt-trois mois,
dépassait cette durée maximale ;
Considérant que M. X entend fonder sa décision sur la nécessité de permettre au
praticien recruté de se loger à Wissembourg ; que cette affirmation est contredite par les
stipulations mêmes du contrat de l’intéressé, dont l’article 9 précisait qu’il était logé à titre
gratuit au centre hospitalier ;
Considérant que M. X indique également que «
le contrat, dans sa forme, a été
approuvé par la DRASS
» ; que, si la direction régionale a effectivement été saisie du contrat
et a approuvé le recrutement du praticien, elle a au contraire rappelé à cette occasion les
termes de l’article R. 6152-402 du code de la santé publique relatifs à la durée d’engagement
des contractuels ; que la tutelle ne saurait en conséquence être regardée comme ayant
approuvé la durée irrégulière du contrat ;
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2 – Sur la qualification et les responsabilités
Considérant que la méconnaissance des règles de recrutement d’un praticien contractuel
constitue une infraction aux règles d’exécution des dépenses de l’établissement public, faits
réprimés par l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique le
directeur de l’établissement dispose du pouvoir de nomination et exerce son autorité sur
l’ensemble du personnel ; qu’il lui incombe à ce titre de veiller à une exacte application des
dispositions qui régissent le recrutement et la rémunération des agents ;
Considérant ainsi que la responsabilité de M. X est engagée sur le fondement de
l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Sur les circonstances
Considérant que le défaut de réaction de l’autorité de tutelle face au versement
irrégulier d’indemnités dites de congé RTT est de nature à atténuer la responsabilité de M. X ;
Considérant qu'eu égard au principe de séparation des ordonnateurs et des comptables
qui impartit des obligations distinctes aux uns et aux autres, M. X ne peut se prévaloir des
agissements du comptable de l'établissement hospitalier pour atténuer ou exonérer sa propre
responsabilité dans la commission des irrégularités en cause ; que, de même, les arguments
relatifs à la bonne gestion de l’établissement et à l’absence d’enrichissement personnel ne
peuvent constituer des circonstances atténuantes ;
Considérant que le nombre et la répétition des irrégularités commises en matière
indemnitaire conduit à aggraver la responsabilité de la personne renvoyée devant la Cour ;
Sur l’amende
Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des
circonstances de l’espèce en infligeant à M. X une amende de 1 000 € ;
Sur la publication au Journal officiel de la République française
Considérant qu’il y a lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, de publier le
présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l’article
L. 314-20 du code des juridictions financières ;
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ARRÊTE
:
Article 1
er
: M. X est condamné à une amende de 1 000 € (mille euros).
Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section, le 31 mai
deux mil treize par M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président ;
MM. Loloum, Larzul et Bouchez, conseillers d'État ; Mme Fradin, conseiller maître à la Cour
des comptes.
Lu en séance publique le 17 juin 2013.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce
requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et
officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.
Le président,
La greffière,
Didier MIGAUD
Isabelle REYT