COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES, DE
L’ECONOMIE GENERALE ET DU CONTRÔLE BUDGETAIRE DE
L’ASSEMBLEE NATIONALE
Article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
L’organisation du secours en
montagne et de la
surveillance des plages
Septembre 2012
SOMMAIRE
AVERTISSEMENT
...........................................................................
7
RESUME
............................................................................................
9
RECOMMANDATIONS
.................................................................
13
PREMIERE PARTIE
L’ORGANISATION DU SECOURS EN
MONTAGNE
(EXERCICES 2008 A 2011)
..............................
15
INTRODUCTION
...........................................................................
17
I
- De nouveaux enjeux
............................................................................
17
II
- Une pluralité d’acteurs
.......................................................................
19
CHAPITRE I UN DISPOSITIF COMPLEXE
..............................
25
I
- Les moyens au service du secours en montagne
..................................
25
A - Les effectifs déployés
..........................................................................
25
B - Le coût du dispositif d’Etat
..................................................................
26
C - Le coût des interventions des sapeurs-pompiers
...............................
27
II
- Une complexité source de dysfonctionnements
.................................
28
A - Les règles applicables
..........................................................................
28
B - L’organisation territoriale du secours en montagne
...........................
33
C - De nombreux dysfonctionnements
....................................................
41
CHAPITRE II DES AJUSTEMENTS NECESSAIRES
................
55
I
- Un excès de moyens par rapport aux besoins
......................................
55
A - La mesure imprécise de l’activité des services
...................................
55
B - Une activité variable selon les départements
.....................................
56
II
- L’absence de logique de massif
...........................................................
61
4
COUR DES COMPTES
III
- Une évolution des activités de montagne mal prise en compte
.........
63
A - L’évolution de l’accidentologie en montagne
.....................................
63
B - L’adaptation du secours en montagne
...............................................
65
CHAPITRE III UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE
ENTRE SERVICES
.........................................................................
67
I
- La question du cadre juridique du secours en montagne
.....................
67
A - L’enjeu de la définition du secours en montagne
...............................
67
B - Les interventions sur le domaine skiable
............................................
69
II
- L’hélicoptère : maîtriser les coûts d’emploi
........................................
71
A - Une gestion à rationaliser
...................................................................
71
B - Des coûts à maîtriser
...........................................................................
75
III
- Des formations à adapter à la réalité des besoins
..............................
79
A - La qualification OPJ
.............................................................................
79
B - La formation des médecins
.................................................................
80
C - Les formations des secouristes à harmoniser
.....................................
81
D - Des formations insuffisamment mutualisées
.....................................
84
CONCLUSION
.................................................................................
89
DEUXIEME PARTIE
LA SURVEILLANCE DES PLAGES
.....
91
INTRODUCTION
...........................................................................
93
A - Les flux massifs d'estivants dans les communes du littoral
................
93
B - La responsabilité des maires confrontée à de nouveaux enjeux
........
93
C - Le retrait partiel des moyens de l’Etat
................................................
94
CHAPITRE I LA POLICE DES BAIGNADES : UNE LOURDE
RESPONSABILITE DES MAIRES
...............................................
97
I
- Le cadre réglementaire
........................................................................
97
II
- Des enjeux évolutifs
...........................................................................
99
A - L’évolution des enjeux de sécurité civile
............................................
99
B - La croissance des besoins de sécurité publique
................................
101
III
- Un coût important pour les communes
...........................................
103
SOMMAIRE
5
A - Un coût accru par le désengagement partiel des CRS
......................
103
B - Un coût sensible pour certaines communes
.....................................
104
IV
- Une responsabilité sanctionnée par le juge
.....................................
105
CHAPITRE II LA PARTICIPATION CONTESTABLE DES CRS
A UN DISPOSITIF COMPLEXE
................................................
109
I
- La complexité du dispositif de surveillance des plages
......................
109
A - De multiples intervenants
.................................................................
109
B - Des situations variées
.......................................................................
110
C - Une gestion souvent complexe pour les communes
........................
113
II
- Le fondement du renfort saisonnier des CRS sur les plages
..............
114
A - Une activité étrangère à leurs missions
............................................
114
B - Une « mise à disposition » avantageuse pour les communes, mais
juridiquement critiquable
......................................................................
116
C - Le manque de transparence et l’inégalité de traitement des
communes
..............................................................................................
120
CHAPITRE III LA VIGILANCE INEGALE DE L’ETAT
.........
125
I
- L’imbrication des responsabilités du maire et du représentant de l’Etat
...............................................................................................................
125
II
- L’implication des préfectures
............................................................
126
A - Un intérêt inégal des préfectures
.....................................................
126
B - Des zones qui demeurent sans surveillance
.....................................
129
CONCLUSION
..............................................................................
131
CONCLUSION GENERALE
........................................................
133
ANNEXES
.....................................................................................
137
Avertissement
Le présent rapport sur « l’organisation du secours en montagne et
de la surveillance des plages » a été demandé par le président de la
commission des finances, de l’économie générale et du contrôle
budgétaire de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2011 en application
du 2
ème
alinéa de l’article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1
er
août
2001 relative aux lois de finances. Le Premier président a répondu à cette
demande par courrier du 11 janvier 2012 (
cf.
annexe n° 1).
Conformément aux précisions apportées à cette demande par le
rapporteur spécial de la commission des finances qui en était à l’initiative,
l’enquête sur la surveillance des plages a porté principalement sur le
dispositif d’Etat (compagnies républicaines de sécurité) qui concourt en
période estivale à la surveillance de certaines plages sur le littoral.
Toutefois, est aussi présenté le cadre général de la surveillance des plages
du littoral, qui incombe aux maires, dans lequel ce dispositif s’insère. La
question du secours en mer au-delà de la zone de responsabilité des
maires n’est pas abordée.
S’agissant du secours en montagne, la Cour n’a pas traité la
question de la gratuité des secours, ni celle, connexe, de l’obligation
éventuelle d’assurance.
Il a été convenu que l’enquête de la Cour comprendrait deux
volets, l’un portant sur « l’organisation du secours en montagne », et
l’autre sur « la surveillance des plages ». Le présent rapport est donc
divisé en deux parties.
Les investigations dont est issu le présent rapport ont été menées
entre les mois de janvier et mai 2012.
Pour la partie portant sur le secours en montagne, les responsables
de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), de la
direction centrale des compagnies républicaines de sécurité (DCCRS) et
de la direction de la sécurité civile et de la gestion de crises (DSCGC) ont
été rencontrés. Plusieurs questionnaires leur ont été adressés.
Six départements ont fait l’objet d’investigations spécifiques à
partir de données recueillies sur place : la Haute-Savoie, l’Isère, les
Alpes-Maritimes, les Pyrénées-Atlantiques, les Vosges et le Puy-de-
Dôme.
Pour la partie portant sur la surveillance des plages, les
responsables de la direction centrale des compagnies républicaines de
8
COUR DES COMPTES
sécurité (DCCRS) ont été rencontrés. Des questionnaires leur ont été
adressés.
Les responsables de deux départements concernés par le sujet
(Alpes-Maritimes,
Pyrénées-Atlantiques)
ont
été
rencontrés.
Un
questionnaire a été adressé à l’ensemble des préfets du littoral
métropolitain.
A la suite de ces investigations, un relevé d’observations
provisoires a été adressé le 17 juillet 2012 :
- pour la partie portant sur le secours en montagne : au secrétaire
général du ministère de l’intérieur, au contrôleur budgétaire et comptable
ministériel, ainsi qu’aux directeurs généraux de la gendarmerie nationale,
de la police nationale et de la sécurité civile et de la gestion de crises. Les
préfets des départements visités ainsi que seize présidents de services
départementaux d’incendie et de secours
évoqués dans ce relevé
d’observations provisoires ont en outre été destinataires des extraits les
concernant ;
- pour la partie portant sur la surveillance des plages : au secrétaire
général du ministère de l’intérieur, au contrôleur budgétaire et comptable
ministériel, ainsi qu’aux directeurs généraux de la police nationale et de
la sécurité civile et de la gestion de crises.
Après avoir reçu les réponses à ses observations provisoires, la
Cour a auditionné le 12 septembre 2012 les directeurs de la gendarmerie
nationale, de la police nationale ainsi que le directeur de la sécurité civile
et de la gestion de crises, pour la partie portant sur le secours en
montagne. Le directeur de la police nationale ainsi que le directeur de la
sécurité civile et de la gestion de crises ont été auditionnés à la même
occasion au sujet de la partie portant sur la surveillance des plages.
Le présent rapport, qui constitue la synthèse de l’enquête effectuée,
a été délibéré, le 13 septembre 2012, par la quatrième chambre de la Cour
des comptes, présidée par M. Bayle, président de chambre, et composée
de MM. Ganser, Hayez, Geoffroy, Uguen, conseillers maîtres, Carpentier,
conseiller maître en service extraordinaire, ainsi que M. Rogue, auditeur,
rapporteur, et de M. Martin, contre-rapporteur.
Il a ensuite été examiné et approuvé le 18 septembre 2012 par le
comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes,
composé de MM. Migaud, Premier président, Descheemaeker, Bayle,
Bertrand, rapporteur général du comité, Mme Froment-Meurice, MM.
Durrleman, Levy, Lefas, Briet, présidents de chambre, et M. Maistre,
premier avocat général.
Résumé
L’organisation du secours en montagne
Dans le milieu exigeant et difficile qu’est la montagne, trois
services interviennent au titre du secours : les policiers avec les sections
et les détachements de montagne des compagnies républicaines de
sécurité (CRS) ; la gendarmerie, avec ses pelotons de gendarmerie de
montagne (PGM)
et de haute montagne (PGHM) ; les sapeurs-pompiers
des SDIS, avec les groupes montagne des sapeurs-pompiers (GMSP).
A la différence des secours sur le domaine skiable, confiés aux
communes, le secours en montagne relève de l’organisation des secours
par l’Etat dans des zones d’intervention où celui-ci pallie l’incapacité de
fait des communes d’agir. Les secours ainsi engagés par l’Etat sont par
définition gratuits, aucun compensation financière n’étant demandée aux
communes ou aux personnes secourues ; leur volume est dix fois moindre
que ceux des secours sur le domaine skiable, mais relèvent d’une zone de
risque bien plus forte, à la différence du domaine skiable qui apparaît très
sécurisé (181 décès en montagne en 2011, contre 13 morts sur le domaine
skiable).
Depuis 1958,
le dispositif s’inscrit dans le cadre de plans
départementaux spécifiques d’Organisation de la réponse de sécurité
civile (ORSEC), arrêtés par le préfet. La situation est donc paradoxale
puisque concourent au secours en montagne des unités spécialisées de la
police et de la gendarmerie nationales, qui en sont chargées à titre
principal depuis l’origine, mais aussi des services d’incendie et de secours
(SDIS) dont la participation plus récente est jugée moins légitime par les
premières, bien que le secours à personne soit au coeur de leurs missions.
De réels conflits existent entre les acteurs, fondés sur ces querelles
de
légitimité
historique,
technique
et
juridique.
Une
circulaire
ministérielle du 6 juin 2011 a abrogé la circulaire de 1958 pour tenter de
rationaliser le dispositif existant et d’apaiser les conflits.
L’enquête de la Cour a permis d’évaluer à 61 M€ le coût global du
dispositif d’Etat (policiers et gendarmes), dont 31 % sont imputables à
l’emploi des hélicoptères dans lesquels embarquent le plus généralement
les secouristes. Le coût d’une intervention est en moyenne de 8 600 €.
En l’absence de données fiables et exhaustives, il n’a pas été
possible d’évaluer le coût complet du dispositif déployé par les SDIS. Il a
cependant été relevé qu’ils déploient parfois des moyens non justifiés
dans le but de développer leurs interventions en zone de montagne.
10
COUR DES COMPTES
L’analyse générale du dispositif fait ressortir un défaut de
cohérence dans l’organisation des services et l’implantation des unités.
L’élaboration
des
plans
de
secours
dans
un
cadre
strictement
départemental se traduit par une implantation des unités qui n’est pas
optimale à l’échelle des massifs montagneux. Dans ces conditions, les
préfets doivent arbitrer des rivalités contre-productives entre services.
L’application de la circulaire souffre de retards concernant
notamment
la
centralisation
des
alertes
au
niveau
des
centres
opérationnels départementaux d’incendie et de secours (CODIS) et le
déclenchement des moyens aériens. Localement ses dispositions ne sont
pas appliquées, voire sont délibérément contournées. La concurrence
entre
services
provoque
des
dysfonctionnements
qui,
sans
être
généralement préjudiciables aux victimes, nuisent à l’efficacité et à
l’efficience des interventions. Les problèmes non réglés sont relatifs à la
régulation des alertes, ainsi qu’à la mutualisation des moyens et des
actions de formation.
Localement, l’enquête a mis en évidence la sous-activité relative
de certaines implantations. Ainsi, travaillant en alternance avec les unités
de la gendarmerie dans les mêmes zones de montagne, les détachements
des CRS déploient une activité généralement moindre avec des effectifs
sensiblement plus importants. En outre, certaines unités de gendarmerie
connaissent une baisse saisonnière d’activité.
Enfin, une rationalisation de l’emploi de l’hélicoptère paraît
possible
à
plusieurs
niveaux :
coordination
des
implantations,
mutualisation de la maintenance, potentiels d’entraînement, dépenses de
rémunération des personnels navigants.
La surveillance des plages (le dispositif CRS estival déployé sur
le littoral)
Après avoir connu un maximum en 2002 avec 722 maîtres-nageurs
sauveteurs des CRS (MNS CRS) déployés, le dispositif de renforts
saisonniers de CRS sur le littoral est en recul, bien que cette décrue
semble aujourd’hui stabilisée (471 MNS CRS couvrant 99 communes).
Juridiquement, le dispositif s’inscrit dans le cadre de la police des
baignades, qui, au titre de l’article L. 2213-23 du code général des
collectivités territoriales (CGCT), est de la responsabilité du maire.
Pour les maires, dont la responsabilité est assez sévèrement
sanctionnée par le juge, cette police soulève des enjeux de responsabilité
réels. Si la dimension de sécurité civile reste importante (il y avait 737
noyades accidentelles sur le littoral en 2009, entraînant 188 décès), il y a
RESUME
11
une indéniable progression des enjeux de sécurité publique, compte tenu
d’une délinquance croissante sur les plages.
La base réglementaire du dispositif CRS apparaît déficient, tant au
niveau de l’attribution de la mission aux personnels des CRS qu’à leurs
conditions d’emploi dans le domaine de la sécurité publique. Les textes
définissant les missions des CRS ne leur attribuent qu’une mission de
surveillance générale ; leur emploi en qualité de MNS CRS n’est donc
pas explicitement prévu.
Très appréciés des maires pour leur double compétence au titre de
sauveteurs et d’agents de sécurité publique, les maîtres-nageurs
sauveteurs CRS ont une activité de sécurité publique qui prend parfois le
pas sur la fonction de maître-nageur sauveteur. Or, outre que cela
contrevient à la circulaire du ministre de 1986 sur la surveillance des
plages et lieux de baignade, des problèmes en termes de conditions
d’intervention et d’encadrement hiérarchique
sont clairement posés,
notamment lorsque les MNS CRS interviennent dans des zones de
gendarmerie.
S’agissant des conditions très avantageuses dans lesquelles des
remboursements sont demandés aux communes qui se voient attribuer des
renforts saisonniers de MNS CRS, le rapport établit l’irrégularité des
procédures mises en oeuvre.
Enfin,
le
dispositif
d’affectation
de
moyens
manque
de
transparence et soulève des questions d’équité dans les attributions de
renforts saisonniers aux communes.
Recommandations
S’agissant de l’organisation du secours en montagne
:
1.
arrêter et mettre en oeuvre, sous l’autorité des préfets, des plans
de secours fondés sur une lecture stricte de la définition du
secours en montagne établie par la circulaire du 6 juin 2011 ;
2.
mieux prendre en compte la logique de massif, au-delà du cadre
départemental, dans les plans de secours ainsi que dans le
déploiement des unités spécialisées et des moyens aériens de
l’Etat ; rationaliser le rattachement zonal des détachements des
CRS ; réviser l’implantation des unités de la gendarmerie
lorsqu’elles sont marquées par une trop grande proximité ou
une activité limitée ;
3. étudier l’option d’un désengagement des CRS du secours en
montagne et sa prise en charge complète dans les secteurs
concernés par les unités spécialisées de la gendarmerie ;
4.
limiter l’intervention des SDIS dans les plans de secours à la
condition qu’elle ne soit pas redondante, le préfet devant veiller
à ce qu’ils n’interviennent pas inopportunément ;
5.
assurer le rôle central des CODIS dans la régulation des alertes
et l’engagement des vecteurs aériens, ce qui permettrait en
outre de disposer à l’avenir de données statistiques fiables et
homogènes sur l’activité des différents services et l’importance
des moyens engagés ;
6. fusionner les structures existantes (Ecole militaire de haute
montagne, Centre national d’instruction de ski et d’alpinisme
de la gendarmerie, Centre national d’entraînement à l’alpinisme
et au ski) dans un centre de formation commun qui pourrait
servir également à la formation des sapeurs-pompiers ;
mutualiser les modules de formation communs au moyen d’un
référentiel de formation partagé par tous les services ;
7.
exploiter davantage les pistes de mutualisation, notamment des
achats de matériels ainsi que la médicalisation et la
maintenance des hélicoptères ;
8.
maîtriser le coût du parc d’hélicoptères de la gendarmerie.
14
COUR DES COMPTES
S’agissant des déploiements de maîtres-nageurs sauveteurs
CRS sur les plages :
9.
supprimer complètement à terme la participation de policiers au
dispositif de surveillance des plages en période estivale, en la
réduisant progressivement et en contribuant, si nécessaire, à
l’effort de formation d’un nombre accru de maîtres-nageurs
sauveteurs civils ;
Dans cette attente :
10.préciser le cadre juridique des interventions de « sécurité
publique » des agents des compagnies républicaines de sécurité
intervenant de manière isolée dans des zones de la compétence
de la gendarmerie nationale ;
11.adopter des textes réglementaires permettant de facturer
régulièrement aux communes non seulement les frais de
mission et de transport mais aussi les autres dépenses,
notamment de rémunération, supportées par l’Etat pour cette
« mise à disposition » de fonctionnaires ;
12.appliquer de façon transparente et objective une procédure de
sélection des communes littorales bénéficiaires de renforts
saisonniers.
Première partie
L’organisation du secours en montagne
(Exercices 2008 à 2011)
Introduction
L’organisation du secours en montagne présente une indéniable
complexité pour diverses raisons. Plusieurs types de services assurent de
facto les missions de secours en montagne : au sein de l’appareil de
l’Etat, des unités spécialisées de la police et de la gendarmerie nationales
mais aussi, dans certains cas, des effectifs de sapeurs-pompiers des
services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). De plus, les
plans de secours qui prévoient les modalités d’intervention de ces unités
et services sont arrêtés
à l’échelle départementale alors que la
délimitation
des
massifs
ne
coïncide
pas
avec
les
frontières
administratives des départements concernés. Enfin, du fait de l’histoire
brillante à laquelle il se rattache, du haut degré de technicité qu’il requiert
et des risques qu’il peut comporter, le secours en montagne est une source
de prestige pour les services chargés de l’assurer qui explique qu’ils y
soient fortement attachés au point d’entrer parfois en concurrence.
I
-
De nouveaux enjeux
Au regard des 4,5 millions d’interventions annuelles effectuées
chaque année par les services départementaux d’incendie et de secours
(SDIS), les secours en montagne sont très peu nombreux : ils ne sont que
de 5 000 à 8 000 par an en moyenne selon les sources
1
. Le coût total du
dispositif d’Etat mis en place peut être évalué à 60 M€ (hors formation).
Les interventions des SDIS dans ce domaine sont sensiblement moins
importantes que celles des services d’Etat ; la Cour n’a pu évaluer leur
coût.
Le secours en montagne s’exerce dans deux domaines : d’une part,
le domaine skiable où l’organisation des secours, en vertu du code
général des collectivités territoriales (articles L. 2212-1 à L. 2212-9), est
assurée sous la responsabilité du maire qui l’exerce le plus souvent par
délégation donnée au gestionnaire de remontées mécaniques ; d’autre
part, le domaine spécifique au « secours en montagne » où, depuis 1958,
l’Etat, constatant l’incapacité matérielle des communes à intervenir, s’est
substitué à elles en prenant en charge l’organisation des secours sous la
responsabilité des préfets de département.
1
5 600 : données du système national d’observation de la sécurité en montagne
(SNOSM) ; 8 000 : interventions déclarées par les services.
18
COUR DES COMPTES
Le secours en montagne au sens strict reste une activité limitée : en
2011, on comptait 52 000 interventions sur le domaine skiable (piste et
hors piste) contre 5 000 à 8 000 interventions spécifiques de secours en
montagne, soit environ dix fois moins.
Cependant, la physionomie traditionnelle du secours en montagne
tend à évoluer, du fait de la massification de la fréquentation touristique
et de l’évolution des pratiques sportives dans les territoires de montagne.
La massification de la fréquentation se traduit à la fois par
l’accroissement des flux de visiteurs et leur étalement dans le temps. Les
données de la direction du tourisme (2004-2005) montrent que les
départements de montagne connaissent, avec ceux du littoral, les pics de
fréquentation les plus élevés. Certains voient leur population doubler
(Savoie, Alpes-de-Haute-Provence, Pyrénées-Orientales) ou même tripler
(Hautes-Alpes) en haute saison. Quoiqu’ils n’atteignent pas des flux de
visiteurs aussi importants que les départements littoraux les plus
recherchés, tous les départements alpins reçoivent jusqu’à 200 000
visiteurs et plus (jusqu’à 355 000 en Savoie). Les départements pyrénéens
sont aussi très fréquentés, spécialement ceux du littoral qui cumulent
l’attrait de la montagne et de la côte, comme les Pyrénées-Atlantiques
avec des pics de fréquentation de près de 500 000 visiteurs en haute
saison.
Par ailleurs, la fréquentation touristique des zones de montagne
s’est étalée dans le temps. Elle intervient tout au long de l’année, été
comme hiver ; ainsi, la population totale des départements de Savoie,
Hautes-Alpes et Alpes-de-Haute-Provence, comme celle de l’intégralité
des départements pyrénéens, atteint son pic annuel en période estivale.
L’évolution des pratiques sportives associées à la montagne a
également un effet direct sur le secours en montagne. L’essor de la
randonnée, aujourd’hui première cause d’accidents en montagne, et des
nouvelles
pratiques
sportives
(parapente,
VTT,
etc.)
change
la
physionomie du secours en montagne, antérieurement étroitement lié à la
haute montagne et à l’alpinisme. Selon les statistiques, ce dernier n’est
plus la cause que de 16 % des interventions annuelles.
Les conséquences en termes d’accidents et de conditions
d’intervention ne sont pas négligeables. A la différence du domaine
skiable où, derrière une image de liberté, le dispositif de sécurisation mis
en place par les stations limite le nombre et la gravité des accidents
malgré l’extrême fréquentation en saison, le domaine couvert par le
secours en montagne est bien davantage un espace de liberté où les
pratiques,
beaucoup
moins
encadrées,
entraînent
des
accidents
proportionnellement plus graves. Avec 181 décès en 2011, la montagne
INTRODUCTION
19
tue plus de dix fois plus que les activités sur le domaine skiable (13
décès).
II
-
Une pluralité d’acteurs
Le secours en montagne est assuré à la fois par les compagnies
républicaines de sécurité (sections et détachements de montagne), la
gendarmerie nationale (pelotons de gendarmerie de haute et de moyenne
montagne) et les services départementaux d’incendie et de secours.
Lorsque l’emploi d’un hélicoptère est nécessaire, c’est le plus souvent un
de ceux de la sécurité civile ou de la gendarmerie.
Les CRS et la gendarmerie peuvent se prévaloir d’une légitimité
historique équivalente puisque leurs unités spécialisées se sont déployées
en montagne dès la fin des années cinquante. Leurs personnels suivent
des formations longues et de très haut niveau. Conçu à l’origine comme
une activité subsidiaire des services de l’Etat appelés à se substituer à
l’incapacité locale des communes pour porter secours aux alpinistes en
haute montagne, le secours en montagne s’est développé, notamment
chez les gendarmes et les CRS, comme une filière d’élite imposant aux
personnels les formations les plus exigeantes.
Acteurs plus récents, les SDIS justifient leur implication dans le
secours en montagne par les dispositions de la loi de modernisation de la
sécurité civile du 13 août 2004 qui leur reconnaît une primauté dans la
mission du secours à personnes. L’article 2 de la loi prévoit en effet que
« les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les
sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d'incendie et
de secours, ainsi que par les personnels des services de l'Etat et les
militaires des unités qui en sont investis à titre permanent. ».
Toutefois, si
la première partie de cette phrase donne une base légale à l’intervention
des SDIS, la seconde en donne une à celle des services de l’Etat qui en
seraient investis à titre permanent.
Se traduisant dans la majorité des interventions par l’engagement
d’au moins trois acteurs (secouristes, médecins, équipages d’hélicoptères)
et une pluralité de services dont le détail exact varie selon les
départements et au sein même des départements (gendarmes, CRS, SDIS,
SAMU, bases de la sécurité civile, forces aériennes de gendarmerie), le
secours en montagne soulève un enjeu central de coordination, en
l’absence d’un service unique qui serait, seul, chargé de l’intégralité des
opérations.
20
COUR DES COMPTES
La concurrence entre les trois principaux acteurs (unités de la
gendarmerie, des CRS et des SDIS) a pris ces dernières années une
ampleur particulière, notamment par le biais des médias
2
. Elle se traduit
par des dysfonctionnements, voire des incidents, dont les différents
services
se
renvoient
la
responsabilité
3
.
Les
cas
où
ces
dysfonctionnements mettraient en péril la situation des victimes semblent
cependant exceptionnels.
Ces dysfonctionnements n’en sont pas moins regrettables, car le
secours en montagne reste une activité exigeante et dangereuse qui
n’épargne pas les personnels : les CRS déplorent 36 morts depuis 1953 et
la gendarmerie la perte de 52 hommes depuis qu’elle intervient en
montagne. De plus, les blessures en service sont fréquentes
4
.
A l’issue du contrôle de l’organisation et du fonctionnement des
compagnies républicaines de sécurité (exercices 2001 à 2006), la Cour
avait recommandé, dans un référé du Premier président adressé le
1
er
septembre 2008 au ministre de l’intérieur, de
« rechercher une
meilleure cohérence et une efficacité accrue [de l’organisation du
secours en montagne] en étudiant le rattachement des unités de CRS de
montagne et des pelotons de gendarmerie de montagne et de haute
montagne à des unités fonctionnant selon les modalités inspirées des
unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile dédiées à la
prévention et à la lutte contre les incendies de forêts »
.
Dans sa réponse, la ministre a soutenu que le secours en montagne,
quoiqu’éloigné de leur coeur de métier, représentait un enjeu d’image
aussi bien pour les CRS que pour la gendarmerie
« ce qui explique la
volonté de certains acteurs de la sécurité civile de prendre en compte
cette mission valorisante »
. Elle ajoutait que
« le transfert de la mission
de secours en montagne à une administration différente se traduirait par
un transfert d’ETP mais ne garantirait pas une baisse des coûts »
. Elle
2
Par exemple, le 20 mars 2009, le président de la Fédération nationale des
sapeurs-pompiers de France (FNSPF) assiste à un entraînement, relayé par la première
chaîne privée nationale de télévision, de formation SMO3 à destination des
sapeurs-pompiers en Vallée blanche près de Chamonix –
lieu d’implantation
historique du PGHM - ; la gendarmerie réplique en organisant, au mois de juin de la
même année, un entraînement, médiatisé par le même vecteur, dans les gorges du
Verdon –zone réservée aux pompiers en vertu du plan de secours départemental.
3
En mai 2010, la revue
Le Sapeur-Pompier magazine
fait sa couverture sur les
relations entre SDIS et gendarmerie : « Pompiers, gendarmes : où est la faille ? »,
avec un éditorial ciblant particulièrement la question du secours en montagne, et
prenant notamment pour exemple la mort accidentelle d’une randonneuse dans les
Vosges en février de la même année.
4
Cf.
en annexe le rappel du bilan humain du secours en montagne.
INTRODUCTION
21
prônait le maintien de l’organisation actuelle partagée entre la
gendarmerie et la police, et reposant sur le rôle des préfets chargée de la
coordination des moyens à travers les plans de secours départementaux.
De fait, le Gouvernement n’a pas souhaité remettre en question
cette pluralité d’acteurs. Le ministre de l’intérieur a ainsi déclaré le 25
septembre 2010, au 117
e
congrès de la Fédération nationale des
sapeurs-pompiers de France (FNSPF) :
« Les choses sont claires, le
secours en montagne n’est le monopole de personne. Chacun doit y
trouver sa place. Les compétences de chacun doivent se renforcer
mutuellement, et non se concurrencer »
.
Il a ensuite confié au préfet Jean-Paul Kihl une mission de
réflexion sur le secours en montagne avec l’ensemble des intervenants,
selon une méthode inspirée des travaux ayant conduit au référentiel sur le
secours à personnes et l’aide médicale urgente du 25 juin 2008. Cette
réflexion a abouti à la signature de la circulaire du 6 juin 2011 sur
l’organisation du secours en montagne. Elle se poursuit actuellement avec
la mission confiée au préfet Jean-Claude Bastion, chargé d’animer un
groupe de travail visant au rapprochement des formations.
Historique
A l’origine, le secours reposait sur le bénévolat des sociétés de
montagne
5
et des compagnies de guides. Après-guerre, l’insuffisance de ce
dispositif amène les pouvoirs publics à réagir, à la suite de drames ayant
fortement marqué l’opinion (notamment la mort des alpinistes Vincendon et
Henry dans le massif du Mont-Blanc en décembre 1956).
Prenant acte des difficultés spécifiques au secours en montagne et de
l’ampleur indispensable des engagements de moyens, la circulaire du
21 août 1958 du ministère de l’intérieur organise le secours en montagne.
Elle définit le secours en montagne comme une application du plan ORSEC
dans laquelle les services de l’Etat sont actionnés par le préfet, qui élabore un
plan de secours départemental spécifique.
Les CRS, initialement déployées dans les Alpes dans l’après-guerre
pour la surveillance des chantiers de barrages et des frontières, vont s’intégrer
au dispositif.
5
La plus ancienne en France est la société des Sauveteurs volontaires du Salève créée
en 1897 en Haute-Savoie ; d’autres lui succèdent comme le Comité dauphinois de
secours en montagne créé à Grenoble en 1910, ou le Comité de secours de la Savoie à
Chambéry en 1929.
22
COUR DES COMPTES
La gendarmerie crée son premier groupe spécialisé de haute montagne
(GSHM) à Chamonix le 1
er
novembre 1958. D’autres unités sont mises peu à
peu en place, d’abord en réponse aux besoins les plus immédiats, puis selon
une logique d’exhaustivité visant à couvrir l’intégralité des sites concernés :
Alpes (Chamonix 1958, Grenoble 1962…), Pyrénées (Savignac-les-Ormeaux
1971, Oloron-Sainte-Marie 1974…), Vosges (Munster 1985). Les CRS ne
feront pas évoluer leur dispositif, la seule modification notable étant la
création du détachement d’Albertville en 1990.
La croissance des sports d’hiver et de la fréquentation touristique de la
montagne amène le ministre de l’intérieur à adopter la circulaire n° 7 8-003
du 4 janvier 1978, « sur la sécurité et les secours où se pratiquent les sports
d’hiver ». Elle s’efforce de préciser les limites du domaine skiable sous
responsabilité des maires. Le législateur s’empare du sujet avec la loi
n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la
montagne, dite « loi Montagne », qui vise à reconnaître « l’identité et les
spécificités de la montagne », et s’efforce de définir clairement les zones
concernées.
Dix ans après la loi Montagne, la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative
aux services d’incendie et de secours va renforcer l’émergence des sapeurs-
pompiers dans le secours en montagne. Avec la départementalisation des
corps de sapeurs-pompiers, on assiste à un développement des moyens
locaux de secours, alors qu’à l’origine le secours en montagne initié par la
circulaire de 1958 était marqué par un constat d’insuffisance de tels moyens
pour ce type d’intervention ; parallèlement, l’élaboration des schémas
départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) va donner
l’occasion aux SDIS, en identifiant un « risque montagne », de défendre leur
légitimité à intervenir.
INTRODUCTION
23
L’émergence de ce nouvel acteur que sont les SDIS sera notamment
mise en évidence lors de l’avalanche de Montroc, dans le massif du
Mont-Blanc, en février 1999
6
, qui marquera durablement les esprits des
acteurs du secours en montagne. En 2010, à la suite de nouveaux incidents
ayant opposé gendarmes et pompiers
7
, le ministère confie au préfet Jean-Paul
Kihl une mission de réflexion et de proposition sur l’organisation des secours
en montagne. Ce travail aboutit à la circulaire « Kihl » du 6 juin 2011. Cette
circulaire, qui abroge la circulaire du 21 août 1958, définit le cadre actuel du
secours en montagne.
6
Le 9 février 1999, alors que près de 2 m de neige sont tombés depuis 3 jours sur la
vallée de Chamonix, une très forte avalanche frappe le hameau de Montroc au lieu-dit
« les Poses ». Le PGHM, alerté, déclenche l’organisation des secours, mais ne peut
parvenir sur les lieux que deux heures après l’accident, les routes étant coupées par
l’avalanche. Le Préfet déclenchera rapidement le plan rouge, non sans qu’un conflit
ait éclaté entre le commandant du PGHM et le SDIS au sujet du déroulement de
l’opération de secours. Le sinistre fait 12 morts.
7
Notamment lors de la recherche d’une randonneuse disparue dans les Vosges en
février 2010, évoquée plus haut, et dans lequel le SDIS a déploré que ses moyens
n’aient pas été sollicités, la personne étant décédée peu après avoir été retrouvée.
Chapitre I
Un dispositif complexe
I
-
Les moyens au service du secours en
montagne
A - Les effectifs déployés
Au total, les services de l’Etat qui assurent le secours en montagne
déploient à cette fin 502 agents dans 24 départements classés
« montagne » ; s’y ajoutent 334 pompiers ayant les qualifications
requises.
Effectifs déployés par les services
Service
Concerné
Gendarmerie
PGHM-PGM
CRS
montagne
Pompiers
(SMO2-3)
TOTAL
Effectifs
Réalisés
322
180
502
Dont secouristes
270
170
334
774
Source : Cour des comptes d’après données transmises par DGGN, DCCRS,
DGSCGC.
Les gendarmes, présents dans 18 départements avec 20 pelotons de
gendarmerie de haute montagne (PGHM) ou pelotons de gendarmerie de
montagne (PGM) déploient 322 agents. Ce total inclut les effectifs de
soutien et les personnels administratifs présents dans les unités,
notamment les gendarmes adjoints volontaires (GAV). L’effectif des
26
COUR DES COMPTES
seuls secouristes est de 270 personnels, soit un ratio de 15 sauveteurs par
département.
Les CRS sont présents dans 6 départements
8
avec 180 personnels
et déploient en moyenne 30 personnels dans chacun. Ce total inclut les
effectifs de soutien et les personnels administratifs présents dans les
unités. L’effectif des seuls secouristes est de 170 personnels, soit un ratio
de 28 par département
Les pompiers déploient quant à eux 334 personnels qualifiés
SMO2 ou SMO3 (217 professionnels, 117 volontaires) dans 19
départements, soit 17,5 par département.
Sur les 24 départements considérés, la moyenne des secouristes
aptes à intervenir est de 32
9
.
B - Le coût du dispositif d’Etat
Le calcul du coût du dispositif s’est basé sur les dépenses engagées
par la direction générale de la gendarmerie et par la direction centrale des
CRS au titre de leurs unités spécialisées (PGHM, PGM, sections et
détachements de montagne des CRS). Elles intègrent dépenses de
rémunération des personnels (titre 2), dépenses immobilières, dépenses de
fonctionnement et d’équipement. Au total ainsi calculé s’ajoute le coût
complet des interventions héliportées des appareils de la sécurité civile et
de la gendarmerie, dont le coût complet horaire moyen (intégrant
équipages, maintenance, fonctionnement, carburant, amortissement) a été
évalué respectivement à 3 695 € pour les appareils de la gendarmerie, et à
3 795 € pour ceux de la sécurité civile.
Le détail des calculs effectués est donné en annexe.
8
A noter que la CRS 29 de Lannemezan (Hautes-Pyrénées) dispose d'un poste de
secours à Bagnères-de-Luchon en Haute-Garonne, soit un 7
ème
département, tenu par
15 fonctionnaires en alternance avec la gendarmerie. Calculé sur 7 départements, le
nombre moyen de personnels CRS est alors de 25,7 par implantation.
9
Ces effectifs ne tiennent pas compte des renforts pouvant être appelés en cas de crise
particulière, comme les moyens de l’armée. Ils ne tiennent pas compte non plus du
rôle joué de façon plus ou moins régulière et à titre bénévole, notamment en cas
d’événement majeur (avalanches, secours techniquement délicats…), par les
compagnies de guides ou les sociétés de secours en montagne. Ces dernières jouent
également un rôle appréciable en termes d’achats de matériels, de maintenance des
réseaux, de prévention, etc. Elles peuvent même être localement mentionnées dans les
plans de secours, comme par exemple l’Association départementale des sociétés de
secours en montagne de Haute-Savoie.
UN DISPOSITIF COMPLEXE
27
Au total, le coût des moyens de l’Etat peut être estimé globalement
à 61 M€ annuels, en additionnant les dépenses du titre 2 et hors titre 2,
relatives aux personnels dédiés de gendarmerie et des CRS ainsi que le
coût complet des heures effectuées par les appareils de la sécurité civile et
de la gendarmerie.
Rapporté aux 7 073 interventions déclarées par les unités de
gendarmerie et les CRS en 2011, le coût complet moyen d’une
intervention de secours en montagne peut être estimé à 8 600 €.
Coût du dispositif d’Etat
Gendarmerie
Dépenses T2
24 575 000
27 637 000
Dépenses HT2
3 062 000
CRS
Dépenses T2
12 365 000
14 315 000
Dépenses HT2
1 950 000
Hélicoptères
Gendarmerie
7 068 000
19 064 000
DGSCGC
11 996 000
TOTAL
61 016 000
Source : DGGN, DCCRS, DGSCGC.
C - Le coût des interventions des sapeurs-
pompiers
Les SDIS sont effectivement intégrés aux plans de secours
départementaux en première intention (généralement dans des situations
d’alternance, de mixité ou de sectorisation avec les gendarmes) dans huit
départements
10
, mais, de fait, ils déploient des secouristes qualifiés
secours en montagne (SMO) 2 ou 3 dans dix-neuf départements.
L’évaluation du coût de leurs interventions soulève des difficultés
particulières parce que les pompiers intervenant dans le secours en
montagne restent polyvalents pour d’autres opérations de secours et
peuvent intervenir dans toute opération de sécurité civile incombant à
leurs unités. Un calcul précis exigerait de modéliser la part exacte de
l’activité de secours en montagne dans l’ensemble des activités des unités
et de l’appliquer aux postes de dépenses des SDIS concernés. Ce calcul
n’a pu être réalisé.
10
Pyrénées-Atlantiques, Puy-de-Dôme, Jura, Vosges, Haut-Rhin, Haute-Savoie,
Haute-Corse, Corse-du-Sud (les Alpes-de-Haute-Provence forment un cas à part avec
une compétence reconnue au SDIS sur 4 communes des gorges du Verdon).
28
COUR DES COMPTES
Le SDIS des Vosges a évalué à 50 890 € en 2011 le coût des
interventions de son groupe montagne sapeurs-pompiers (GMSP) de 22
pompiers professionnels et 57 équipiers de première intervention
montagne (EPIM), sapeurs-pompiers volontaires. Ce coût, qui intègre
15 000 € en investissement (équipements collectifs et individuels) et
35 890 € en fonctionnement (masse salariale et coûts de formation),
n’intègre pas les dépenses afférentes aux bâtiments, équipements
communs et véhicules. Il apparaît nettement sous-évalué, notamment au
regard de la masse salariale.
Pour son groupe GMSP de 24 personnels, le SDIS des
Alpes-Maritimes aboutit à des ordres de grandeur très différents. Le seul
maintien
d’une
garde
opérationnelle
de
trois
agents
(deux
sapeurs-pompiers professionnels et un volontaire) a été évalué à
252 252 € en 2011. Le coût de formation (incluant la formation continue)
est évalué à 45 466 €. Les dépenses annuelles d’équipement individuel et
collectif sont estimées en moyenne à 20 131 € au cours de la période
2008-2011. En section d’investissement, les achats de matériels qui se
sont élevés en moyenne annuelle à 8 348 € et ceux des véhicules, amortis
sur dix ans, ont représenté un coût de 9 100 €. Le coût total s’établit donc
à 335 297 €.
L’évaluation du coût du GMSP des Alpes-Maritimes est ainsi plus
de six fois supérieure à celle de son homologue des Vosges, pourtant
d’une
taille équivalente, sans inclure d’EPIM. Ce différentiel peut
s’expliquer, s’agissant de SDIS de catégories différentes (1
ère
catégorie
pour le SDIS 06 et 3
ème
pour le SDIS 88), assurant pour l’un
(Alpes-Maritimes) une garde opérationnelle en pied d’hélicoptère avec
des sapeurs-pompiers professionnels, et pour l’autre (Vosges) un
dispositif d’astreinte non indemnisée appuyée en grande partie sur le
volontariat. L’écart n’en reste pas moins significatif.
II
-
Une complexité source de dysfonctionnements
A - Les règles applicables
1 -
Le rôle de coordination des préfets
La prise en charge du secours en montagne par l’Etat résulte à
l’origine d’une circulaire du 21 août 1958, aujourd’hui abrogée, selon
laquelle celui-ci constitue une application du plan ORSEC. L’économie
générale du dispositif n’a pas varié jusqu’à ce jour : le préfet de
département est chargé d’organiser les secours ; il lui revient d’élaborer
UN DISPOSITIF COMPLEXE
29
un plan de secours en montagne et d’en superviser l’exécution ; il assume
la fonction de directeur des opérations de secours (DOS) ou la délègue
par arrêté à un conseiller en liaison avec le directeur de la mission de
protection civile.
La loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a
confirmé que le dispositif de secours en montagne constitue l’application
du plan ORSEC à un risque spécifique lorsque la commune se trouve
dans l’incapacité d’y faire face par ses propres moyens (article 17). La
direction des opérations de secours relève alors de la responsabilité du
préfet
11
. L’article 14 de la loi lui laisse la possibilité, en dérogation au
droit commun, de désigner en tant que chef d’opérations de secours
(COS) un autre responsable que le commandant du SDIS
12
.
A l’issue du travail entrepris sous la direction du préfet Jean-Paul
Kihl par un groupe tripartite (gendarmerie, police nationale, sapeurs-
pompiers), la circulaire du 21 août 1958 a été abrogée par une nouvelle
circulaire du ministre de l’intérieur du 6 juin 2011, « relative aux
orientations générales pour la mise en oeuvre des moyens publics
concourant au secours en montagne et sa formalisation dans le cadre
d’une disposition spécifique ORSEC ».
L’un des apports de cette circulaire est d’établir une définition du
secours en montagne censée désormais s’imposer aux différents acteurs :
« toute opération de secours au sens de l’article L. 1424-2 du CGCT en
zone de montagne nécessitant une formation particulière des personnels
intervenants ainsi que la mise en oeuvre de technique et de matériels
spécifiques aux activités de montagne, comme ceux de l’alpinisme »
. Ce
type de secours, du fait de l’ampleur des moyens requis, émanant de
11
« En cas d'accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent
dépasser les limites ou les capacités d'une commune, le représentant de l'Etat dans le
département mobilise les moyens de secours relevant de l'Etat, des collectivités
territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou
réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des
opérations de secours. Il déclenche, s'il y a lieu, le plan Orsec départemental »
.
12
« Le plan ORSEC comprend (…) des dispositions propres à certains risques
particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de
secours »
. Une circulaire du 24 août 2004 sur l’interprétation à donner à l’article 14 a
indiqué aux préfets :
« pour des risques particuliers, tel que par exemple le secours en
montagne, vous pourrez confier le commandement des opérations de secours à un
agent public autre qu’un sapeur-pompier, en vous référant à l’article 14 de la loi »
.
L'article 8 du décret n° 2005-1157 du 13 septembre 2005 relatif à l'application de
l’article 14 dispose que
« les dispositions spécifiques ORSEC (...) précisent
l’organisation du commandement des opérations de secours adaptée à certains
risques de nature particulière et définissent les modalités d’information du centre
opérationnel départemental d’incendie et de secours »
.
30
COUR DES COMPTES
différents services,
« dépasse les capacités des communes et relève de la
responsabilité du préfet »
.
Ce nouveau texte a repris les dispositions de la circulaire de 1958
relatives au plan de secours qui doit délimiter les zones à risques, définir
le système d’alerte et d’acheminement des secours (centralisation des
renseignements en préfecture, constitution des formations de secours,
définition de périodes d’alerte permanente) et renvoyer à l’échelon
national en cas d’insuffisance de moyens.
S’agissant de l’organisation des secours, la circulaire précise
qu’une procédure réflexe de traitement de l’alerte doit être élaborée sous
l’égide du préfet. Elle ne doit cependant pas être interprétée comme une
procédure réflexe de déclenchement du secours lui-même. Le numéro 112
devient le numéro de référence exclusif pour toute demande de secours en
montagne. Une interconnexion entre services est requise. Le centre
opérationnel départemental d’incendie et de secours (CODIS) est identifié
comme le centre opérationnel en liaison permanente avec la préfecture,
matérialisant le rôle de DOS du préfet, qui est effectif dès l’activation du
dispositif spécifique de secours en montagne.
Par ailleurs le CODIS détient la responsabilité de l’engagement des
moyens en liaison avec le commandant des opérations de secours (COS)
et la régulation médicale. Le régime d’emploi des secours est laissé à
l’appréciation des préfets en attendant la convergence des formations
(l’alternance entre unités de secours ou la sectorisation par zone
géographique de compétence, étant préconisée de préférence à la mixité
des équipes).
Enfin, la circulaire prévoit que le préfet veille à ce que le schéma
départemental d’analyse et de couverture des risques, élaboré par le
SDIS, mais arrêté par lui, soit établi en concertation étroite avec tous les
services concernés. Une distinction entre opérations de secours simples,
complexes et d’envergure est introduite, la circulaire appelant à ce que les
préfets en tiennent compte pour la désignation des COS prévus par
l’article 14 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004. Concrètement, en cas
d’opérations de secours simple, le COS sera le chef de caravane de l’unité
intervenante. En cas d’opération d’envergure, le COS sera le directeur du
SDIS. Pour les opérations complexes, les préfets sont appelés à définir la
liste des personnels habilités à exercer les fonctions de COS (cadre issu
des unités spécialisées, sur liste d’aptitudes arrêtée par le préfet).
UN DISPOSITIF COMPLEXE
31
2 -
L’insuffisante du fondement juridique des interventions de la
police et de la gendarmerie
La circulaire précitée du 21 août 1958 énumérait les acteurs
auxquels le préfet devait recourir pour l’élaboration du plan de secours.
Parmi eux, figuraient les unités de la gendarmerie nationale et les
compagnies républicaines de sécurité, aux côtés des sociétés de secours
en montagne, des établissements spécialisés relevant du ministère de la
jeunesse et des sports, et des unités de l’armée de terre ou de l’air.
La circulaire du 6 juin 2011 qui l’a abrogée ne revient pas sur la
pluralité des acteurs puisqu’elle précise que :
« le secours en montagne
fait intervenir des sauveteurs spécialisés ressortissant à différents
services publics de secours et de sécurité. Au titre des services publics,
sont ainsi concernés les pelotons de gendarmerie de montagne et de
haute montagne, les sections et détachements de montagne relevant des
compagnies républicaines de sécurité et les groupes montagnes de
sapeurs-pompiers relevant des services départementaux d’incendie et de
secours »
.
Le fondement juridique de l’intervention des sapeurs-pompiers en
matière de secours en montagne découle de leur compétence générale
dans le domaine du secours à personne. L’alinéa 4 de l’article L. 1424-2
du CGCT, issu de la loi n° 96-369 du 3 mai 1996, dispose que les SDIS
exercent les missions de « secours d’urgence aux personnes victimes
d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ».
L’article L. 1424-4 du même code précise les conditions d’engagement
des SDIS, dans le respect des pouvoirs de police du maire et du préfet
(règlement opérationnel et commandement des opérations de secours).
D’un point de vue opérationnel, l’engagement des SDIS dans la
mission
de
secours
en
montagne
résulte
aussi
des
schémas
départementaux d’analyse et de couverture des risques qui, en application
de l’article L. 1424-7 (loi n° 2004-811 du 13 août 2004 sur la sécurité
civile), doivent être élaborés par les SDIS sous l’autorité des préfets.
S’agissant du fondement juridique de l’intervention de gendarmes
et de policiers, la loi précitée de 2004 mentionne certes que des services
de l’Etat peuvent être investis de
« missions de sécurité civile » « à titre
permanent »
13
, mais les textes qui définissent les missions de la
gendarmerie et de la police nationale ne les en ont pas explicitement
chargées en ce qui concerne le secours en montagne. Les textes
13
Cf.
supra p. 9. Ce texte est aujourd’hui codifié à l’art. L. 721-2 du code de la
sécurité intérieure.
32
COUR DES COMPTES
réglementaires qui régissent leur organisation ne prévoient pas d’unités
spécialisées au sein de la gendarmerie départementale ou des CRS pour
exercer ces missions. Il manque donc un texte qui attribue explicitement
les missions de secours en montagne aux services d’Etat, ainsi qu’un
texte de niveau réglementaire pour en préciser l’organisation au sein des
services.
La gendarmerie invoque une mission d’assistance traditionnelle
remontant aux dispositions de l’article 302 du décret du 20 mai 1903,
aujourd’hui abrogé, qui précisait :
« Une des principales obligations de la
gendarmerie étant de veiller à la sûreté individuelle, elle doit assistance à
toute personne qui réclame son secours dans un moment de danger »
. La
loi n° 2009-971 du 3 août 2009 dispose que la gendarmerie nationale est
appelée à « contribuer à la protection des populations » sur tout le
territoire national.
De même, dans le prolongement du décret n°
48-605 du
26 mars 1948, l’article 2 du décret n° 2003-952 du 3 octobre 2003 relatif
à l’organisation des compagnies républicaines de sécurité précise que
celles-ci
« peuvent être appelées à porter assistance aux populations en
cas de sinistre grave ou de calamité publique »
. Tout au plus peut-on
indiquer que l’arrêté du 10 décembre 1992 portant règlement intérieur des
CRS (chapitre V) prévoit des « dispositions particulières aux sections de
montagne », qui définissent le service des CRS de montagne en le
décomposant en actions de sécurité, actions de secours et actions de
formation
14
.
Au terme d’une mission d’étude motivée par un contexte de
concurrence problématique entre les acteurs du secours en montagne,
la circulaire du 6 juin 2011 n’a pas fondamentalement modifié
l’organisation qui prévaut depuis 1958. Elle a affirmé la compétence
partagée en la matière des CRS, des unités spécialisées de la
gendarmerie départementale et des sapeurs-pompiers. Elle a réaffirmé
le rôle central du préfet, chargé d’arrêter et d’appliquer le plan ORSEC
relatif au secours en montagne et d’assurer, dans le cadre de ce
dispositif, l’intégration des différents services concernés. Il conviendrait
que l’encadrement juridique des interventions des services d’Etat soit
consolidé.
14
Dans les zones de haute montagne ou d’accès difficile, les CRS de montagne
accomplissent des missions de police (mise en oeuvre de mesures de défense civile,
exercice de la police administrative et judiciaire, surveillance des frontières, services
d’ordre), de sécurité en montagne (prévention, études, visites, contrôles, dispositifs de
surveillance dans les massifs réputés dangereux, surveillance des domaines skiables
sur demande des maires, assistance technique aux organismes publics et privés
concernés par la sécurité en montagne).
UN DISPOSITIF COMPLEXE
33
B - L’organisation territoriale du secours en montagne
1 -
Les différentes logiques de déploiement
a) Les unités de la gendarmerie nationale
Du fait de la délimitation de sa zone de compétence, la
gendarmerie nationale est implantée dans tous les départements classés
« montagne ». Elle y dispose soit d’unités spécialisées, les pelotons de
gendarmerie de haute montagne (PGHM) et les pelotons de gendarmerie
de montagne (PGM), soit d’unités territoriales dont les qualifications et
les moyens sont adaptés aux conditions de montagne, les brigades de
haute montagne et les brigades de montagne
15
. En outre, des unités de
gendarmerie mobile peuvent être appelées en renfort saisonnier.
Les unités de la gendarmerie en zone de montagne
Les pelotons de gendarmerie de haute montagne et les pelotons de
gendarmerie de montagne
Les PGHM et PGM constituent les unités spécialisées de secours en
montagne de la gendarmerie. Ils sont rattachés au commandant du
groupement de gendarmerie départementale. Les PGHM sont implantés dans
les massifs alpin et pyrénéen ainsi qu’en Corse du Sud et à la Réunion. Les
PGM sont situés dans les Vosges, le Jura et le Massif central. Le dispositif
fonctionnel des PGHM et des PGM est le même. Seules les dotations en
matériel diffèrent.
La compétence des pelotons s’étend au département, sauf dispositions
contraires de certains plans de secours départementaux qui peuvent réserver
le secours en première intention à d’autres forces sur certaines zones (cas, par
exemple, de la Savoie et du Puy-de-Dôme). La compétence est étendue en
tant que de besoin aux massifs d’intervention en vertu de l’article R. 15-23 du
code de procédure pénale.
En fonction des caractéristiques du massif, l’unité peut être
fractionnée en plusieurs implantations. Les PGM et PGHM assurent les
missions de secours, les enquêtes judiciaires liées, la police administrative, et
éventuellement des missions de surveillance des frontières.
15
Cf.
la circulaire n° 36 600 du 19 décembre 1995 relative à l’organisation et à
l’emploi de la gendarmerie en montagne.
34
COUR DES COMPTES
L’alerte-secours est tenue en alternance ou de façon mixte avec les
autres services en fonction du plan de secours départemental. La permanence
pour les missions d’enquête judiciaire doit être assurée de façon continue.
Les brigades de haute montagne et les brigades de montagne
Sont classées brigades de haute montagne les unités de gendarmerie
isolées régulièrement en période hivernale du fait des conditions climatiques,
éloignées des unités d’intervention spécialisées PSIG « montagne » ou
situées dans des circonscriptions comportant une grande proportion de parois
rocheuses et glaciers, nécessitant l’usage de cordes, crampons et piolets.
Les brigades de montagne sont des unités intervenant en zone de
montagne sans répondre aux critères des brigades de haute montagne. Elles
doivent pouvoir se déplacer sur un terrain enneigé et exercer les missions
traditionnelles de la gendarmerie (notamment d’assistance aux populations et
recherches), quelles que soient les conditions atmosphériques.
Brigades de haute et de moyenne montagne ne sont pas des unités
spécialisées de secours en montagne et n’interviennent qu’au titre de soutien
aux unités spécialisées. A ce titre, en cas de secours, elles avisent d’abord
l’unité de montagne spécialisée et préparent son intervention, avec un rôle
d’assistance éventuelle sous la direction du chef de caravane.
La gendarmerie mobile
Les « escadrons de montagne » de gendarmerie mobile sont ainsi
dénommés lorsqu’ils sont situés dans les massifs ou à proximité. Ils
renforcent au besoin les unités de montagne, été comme hiver. Chaque
escadron de montagne doit être en mesure de mettre sur pied un peloton de
montagne.
Si le coeur du dispositif est constitué par les 20 PGHM et PGM
implantés dans dix-huit départements, l’action de la gendarmerie en zone
de montagne repose désormais sur le soutien des groupes montagne
gendarmerie (GMG), créés à la suite d’un audit effectué en 2008 par la
DGGN sur son organisation opérationnelle en zone montagne. Définis par
note-express du 5 juillet 2011, les GMG sont formés de personnels
identifiés au sein des unités territoriales, possédant tous le niveau 1 ou 2
de la formation spécifique (Centre école Markstein - CEM et diplôme de
qualification technique montagne - DQTM), désignés pour être appelés
en renfort lorsque les capacités des unités territoriales sont dépassées.
Placés « sous tutelle » du PGM ou du PGHM le plus proche, les
GMG constituent la « force montagne » sous l’autorité du commandant
de groupement départemental. Leur création répond à la volonté de la
UN DISPOSITIF COMPLEXE
35
DGGN de maintenir un maillage cohérent d’intervention en zone
montagne tout en resserrant les coûts de formation des personnels.
b) Les compagnies républicaines de sécurité
A l’origine, les sections et détachement de montagne des CRS,
institués par l’instruction n° 318 du 25 juillet 1957
« pour la police des
frontières et le secours en montagne »
, étaient implantés à Nice,
Grenoble, Perpignan et Lannemezan. Cette instruction a été abrogée par
l’instruction n° 772 du 14 mars 1986 qui a néanmoins conservé cette
organisation territoriale. L’instruction du 2 mai 1990 a précisé les
implantations de la CRS Alpes en créant le détachement d’Albertville.
A ce jour, les sections et détachement montagne des CRS sont
donc
situés
à
Grenoble
(Isère),
Albertville
(Savoie),
Briançon
(Hautes-Alpes),
Nice
(Alpes-Maritimes),
Perpignan
(Pyrénées-Orientales)
et
Lannemezan
(Hautes-Pyrénées).
Leur
organisation est adaptée au caractère spécifique de leurs missions.
La sélection de leurs personnels, initialement limitée aux
fonctionnaires des CRS possédant au minimum les qualifications de 2
ème
de cordée et de « skieur » (ou les diplômes équivalents), a été récemment
étendue à l’ensemble des corps de police en vertu d’une instruction du
directeur général de la police nationale (DGPN) de mai 2011. Tous les
trois ans, les personnels des sections de montagne sont soumis à un
contrôle d’aptitude technique du niveau du brevet de chef de cordée. Les
résultats sont communiqués à la DCCRS qui décide de leur maintien ou
non. Des contrôles médicaux s’ajoutent aux contrôles techniques.
La rationalisation des forces spécialisées de la gendarmerie a été
engagée avec les groupes montagne gendarmerie (GMG) en 2011. Il
serait souhaitable de la poursuivre, en examinant la pertinence des
implantations spécialisées (PGM et PGHM) en fonction de leurs
niveaux d’activité et des logiques de massif (cf. infra).
L’organisation territoriale des CRS dans le domaine du secours
en montagne s’appuie sur six sections et détachements dont
l’implantation n’a pas évolué, sauf pour une, depuis 1958.
Leur commandement n’est pas unifié. Les sections de Grenoble,
Briançon et Albertville, rattachées à la direction CRS Alpes située à
Grenoble, relèvent de la direction zonale Sud-est (Lyon), les sections de
Perpignan et Nice de la direction zonale Sud (Marseille) et celle de
Lannemezan relève de la direction zonale Sud-ouest (Bordeaux).
Il serait souhaitable d’étudier une modification du rattachement
zonal des sections et détachements de montagne, qui n’est pas optimal,
36
COUR DES COMPTES
en faisant primer une logique de massif. La DCCRS y serait favorable
et confirme que des projets en ce sens ont été mis à l’étude, quoiqu’ils
n’aient pu encore aboutir.
c) Les sapeurs-pompiers
L’acquisition des compétences propres au secours en montagne est
définie par le guide national de référence du secours en montagne
(GNR SMO), adopté par arrêté du 6 décembre 2000. Ce document doit
être distingué du guide national de référence GRIMP
16
, arrêté en 1999,
qui correspond à une formation faisant appel à des techniques apparentées
(cordes, rappel), destinée aux interventions en milieu périlleux et vertical,
naturel (arbres, gorges) ou artificiel (ponts, grues, immeubles) mais à
caractère plus généraliste et ne nécessitant pas de maîtriser les techniques
spécifiques du secours en montagne.
Le niveau SMO1, premier niveau du référentiel SMO, correspond
à
une
simple
initiation
au
sauvetage-secourisme
en
montagne.
L’acquisition du niveau SMO2 valide la formation d’équipier de secours
en montagne qui permet l’inscription sur liste d’aptitude validée par le
préfet, sur proposition du directeur de SDIS. Selon les réponses fournies
par la DGSCGC, 334 pompiers disposent d’une qualification SMO2 ou
SMO3.
Une unité de secours en montagne, constituée conformément au
GNR SMO, comporte un conseiller technique départemental (CT)
17
, des
chefs d’unité (niveau SMO3) et des équipiers de secours en montagne
(niveau SMO2). Les unités GRIMP dont sont dotés 88 SDIS sont
constituées sur le même modèle que les unités SMO.
17 SDIS disposent d’un groupe montagne sapeur-pompier
(GMSP). Parmi eux, treize disposent également d’un groupe GRIMP et
quatre (Haute-Savoie, Drôme, Alpes de Haute-Provence, Corse-du-Sud)
disposent uniquement d’un GMSP
18
.
16
GRIMP : groupes de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux.
17
A noter que les conseillers techniques départementaux (CT) ne disposent pas d’une
formation technique ou d’une attribution de diplôme spécifique. Le CT est désigné par
le directeur de SDIS parmi les chefs d’unité SMO3 inscrits sur la liste d’aptitude
départementale opérationnelle, et titulaires de l’unité de valeur de formation de
responsable pédagogique FOR2.
18
Les 13 SDIS disposant d’un
GRIMP sont ceux
des départements de
Pyrénées-Atlantiques,
Haute-Garonne,
Ariège,
Pyrénées-Orientales,
Hérault,
Haute-Loire,
Jura,
Vosges,
Savoie,
Isère,
Hautes-Alpes,
Alpes-Maritimes,
Haute-Corse.
UN DISPOSITIF COMPLEXE
37
De fait, il existe une certaine confusion entre le champ
d’intervention des GMSP et celui des groupes de reconnaissance et
d’intervention en milieu périlleux (GRIMP). Pourtant, le GNR GRIMP
dispose explicitement :
« La spécialité GRIMP permet d’intervenir en
matière de reconnaissance et de sauvetage dans les milieux naturels et
artificiels où les moyens traditionnels des sapeurs-pompiers sont
inadaptés, insuffisants ou dont l’emploi s’avère dangereux en raison de la
hauteur ou de la profondeur et des risques divers liés au cheminement.
Sont exclues de ce champ d’application les opérations relevant du
domaine du secours en montagne, du secours spéléo et les opérations
réalisables avec le lot de sauvetage et de protection contre les chutes »
.
La logique de polyvalence revendiquée par les sapeurs-pompiers
induit cependant une forme de porosité, au moins dans les propos, entre
qualification GRIMP et SMO ; la reconnaissance d’une équivalence de
qualifications secours en montagne pour les personnels formés GRIMP
fait d’ailleurs partie des revendications de la Fédération nationale des
sapeurs-pompiers. Plusieurs interlocuteurs, jusqu’au plus haut niveau, ont
laissé entendre à la Cour que
« GRIMP et SMO, en réalité, c’est la même
chose »
.
L’ambiguïté est parfois perceptible jusque dans les structures
d’organisation. Dans le département des Alpes-Maritimes, le groupe
« montagne », pourtant exclusivement composé de personnels formés
SMO2 et 3, est présenté dans les documents comme un groupe « milieu
périlleux ». Ailleurs, comme dans les Pyrénées-Atlantiques, on parle de
groupes GRIMP et GMSP « fusionnés », ce qui ne permet pas toujours
d’identifier clairement les qualifications exactes des personnels.
Une clarification semble d’autant plus nécessaire, pour éviter des
confusions et des débordements en termes de doctrine d’emploi, que les
sapeurs-pompiers sont déjà l’objet de critiques de la part des autres
services, en raison d’une spécialisation au secours en montagne jugée
moins aboutie.
Il est paradoxal, à cet égard, d’entendre des directeurs de SDIS
défendre la compétence exclusive en canyon de leurs personnels, en vertu
d’un référentiel spécifique que les sapeurs-pompiers sont effectivement
les seuls à mettre en oeuvre (le GNR CAN arrêté le 30 avril 2001, et
accessible aux détenteurs de la qualification GRIMP ou SMO), tout en
soutenant que, s’agissant de secours en montagne, le référentiel GRIMP
serait l’équivalent du SMO.
Une clarification de la doctrine d’emploi des personnels de SDIS
en accord avec le GNR SMO est souhaitable, pour une meilleure
identification des personnels aptes à intervenir dans le secours en
38
COUR DES COMPTES
montagne. Cela permettrait un meilleur déploiement de ces personnels et
des GMSP, fondé sur une évaluation précise des besoins et qui soit plus
en cohérence avec les plans de secours départementaux.
2 -
Les plans de secours départementaux : l’absence
d’organisation unique
Les acteurs du secours en montagne interviennent en vertu des
dispositions du plan de secours en montagne, élaboré sous la
responsabilité du préfet et arrêté par lui, conformément à la circulaire du
6 juin 2011. En fonction des services en présence, le dispositif varie d’un
département à l’autre. Différentes configurations sont possibles en ce qui
concerne le nombre de services susceptibles d’intervenir (de un à trois), la
sectorisation géographique, le choix d’un régime d’alternance ou de
mixité.
La refonte des plans de secours demandée par la circulaire du
6 juin 2011 n’est pas encore réalisée dans tous les départements.
UN DISPOSITIF COMPLEXE
39
Carte des régimes de secours en montagne définis par les plans
de secours départementaux
Source : Cour des comptes.
a) Le massif alpin
Le
massif
alpin
est
marqué
par
le
régime
d’alternance
hebdomadaire entre les personnels des CRS et les gendarmes, dans quatre
départements
(Savoie,
Isère,
Hautes-Alpes,
Alpes-Maritimes).
A
l’origine, ce système d’alternance fut expérimenté en Isère avant d’être
étendu aux départements limitrophes. Le calendrier de semaines
d’alternance est arrêté conjointement au niveau national par les services
centraux
des
deux
forces
dans
un
objectif
de
cohérence
interdépartementale. Cette dernière est renforcée, du côté des CRS, par le
commandement unique existant à l’échelle de la CRS Alpes, quoique la
40
COUR DES COMPTES
CRS basée à Nice soit placée sous le commandement de la direction
zonale Sud.
Deux départements qui ne disposent pas d’unités des CRS se
démarquent de ce régime d’alternance. Ainsi, un régime de mixité entre
les gendarmes et les sapeurs-pompiers est en place dans la majeure partie
du département de Haute-Savoie. Le département des Alpes de Haute-
Provence est de la compétence exclusive de la gendarmerie.
Les plans de secours présentent de nombreuses particularités
locales : le massif du Mont-Blanc, en Haute-Savoie, est zone exclusive
d’intervention de la gendarmerie ; en Savoie, l’arrondissement entier de
Chambéry est de la compétence des pompiers, les personnels des CRS et
les
gendarmes
intervenant
en
alternance
dans
les
deux
autres
arrondissements ; la spécificité « canyon » conduit à réserver aux
pompiers des zones exclusives d’intervention comme dans quatre
communes des gorges du Verdon (Alpes-de-Haute-Provence).
Huit hélicoptères relevant pour moitié de la gendarmerie et de la
sécurité civile sont stationnés dans l’ensemble des départements du
massif ; s’y ajoutent ceux susceptibles d’intervenir en renfort depuis les
départements limitrophes (Rhône, Var). Ce dispositif est complété en
saison par le renfort d’hélicoptères privés (deux en Savoie, un en Isère).
b) Le massif pyrénéen
Deuxième espace historique d’émergence du secours en montagne,
l’organisation du massif pyrénéen se rapproche de celle du massif alpin
avec une alternance entre les gendarmes et les personnels des CRS dans
trois départements : les Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne (toutes deux
sous le commandement de la direction zonale Sud-ouest pour les CRS), et
les Pyrénées-Orientales (direction zonale Sud). Deux départements ont un
autre régime : les Pyrénées-Atlantiques avec une alternance entre
pompiers et gendarmes ; l’Ariège de la compétence exclusive de la
gendarmerie. Le dispositif héliporté compte cinq appareils, trois de la
gendarmerie, deux de la sécurité civile.
c) Le massif central
Le Cantal relève de la compétence gendarmerie alors que le
Puy-de-Dôme obéit à un régime de sectorisation. Ainsi les pompiers
interviennent dans le nord du département, sur la chaîne des puys, et les
gendarmes dans le sud, au Mont-Dore, et dans l’est.
UN DISPOSITIF COMPLEXE
41
Un hélicoptère EC 145 de la sécurité civile est basé à
Clermont-Ferrand et un Ecureuil de la gendarmerie à Egletons en
Corrèze.
d) Les massifs jurassien et vosgien, la Corse et l’outre-mer
Les massifs jurassien et vosgien obéissent pour l’essentiel à un
régime de mixité entre gendarmes et pompiers. Le Jura, les Vosges et le
Haut-Rhin disposent d’un PGM. Les autres départements de ces massifs
ne sont pas couverts par des pelotons spécialisés de gendarmerie
19
. La
situation en Corse apparaît complexe, avec deux SDIS déployant un total
de 31 pompiers formés SMO évoluant en alternance (Haute-Corse) ou en
mixité (Corse-du-Sud) avec la douzaine
de personnels du PGHM, qui
vient d’être transféré à Ajaccio
20
tout en conservant un poste sur son
ancienne implantation à Corte.
Le Jura est couvert par l’hélicoptère de la sécurité civile basé à
Besançon (Doubs), le massif vosgien par un hélicoptère de la
gendarmerie basé à Colmar et les hélicoptères de la sécurité civile basés à
Strasbourg et Besançon. La Corse, quant à elle, est couverte par trois
hélicoptères, un de la gendarmerie, les deux autres de la sécurité civile.
A la Réunion, il n’y a pas de mixité ; la permanence incombe au
PGHM de Saint-Denis dont le vecteur aérien est un hélicoptère de la
gendarmerie basé à Saint-Denis. L’activité de secours en montagne y est
importante.
C - De nombreux dysfonctionnements
1 -
Redondances et services en doublons
Chaque service apprécie lui-même les besoins et détermine de
manière autonome ses moyens humains et matériels dédiés au secours en
montagne, si bien que les redondances sont inévitables.
19
La DGSCGC attire l’attention sur le fait que, dans les départements où les unités
spécialisées des CRS et des gendarmes ne sont pas présentes, notamment la
Haute-Loire, l’Allier, la Loire, le Bas-Rhin, la Moselle et le Doubs, la mission est
assurée par les SDIS. Il convient cependant de relever que, selon les statistiques
qu’elle a elle-même fournies, l’activité de secours en montagne déclarée par les SDIS
au titre des accidents de montagne ne s’élevait au cours de l’année 2010 qu’à huit
interventions pour les deux premiers de ces départements, l’activité des autres SDIS
restant inconnue. Seul le Doubs enregistrait une activité notable avec 47 accidents de
montagne déclarés.
20
Décret n° 2012-911 du 24 juillet 2012.
42
COUR DES COMPTES
a) Les moyens redondants des sapeurs-pompiers
Les SDIS sont venus tardivement au secours en montagne avec la
volonté de s’insérer dans le dispositif existant. Lors de l’élaboration des
premiers schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques
(SDACR), l’accusation a été portée contre eux d’identifier un risque
« montagne » en méconnaissant la présence de services d’Etat déjà en
place pour y répondre.
De fait, certains SDIS se sont dotés de moyens spécifiques alors
que le plan de secours ne les fait pas intervenir en première intention.
Sont ainsi concernés les SDIS des départements suivants : Isère,
Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Haute-Garonne, Ariège et Pyrénées-
Orientales.
Un groupe GMSP de 14 pompiers est déployé dans le département
de l’Hérault qui n’a qu’un petit nombre de communes classées
« montagne », au point que ni la gendarmerie ni les CRS n’ont jugé utile
d’y implanter des sauveteurs spécialisés. Dans les Hautes-Alpes ou les
Alpes-Maritimes, respectivement 20 et 24 pompiers des SDIS sont
formés SMO, alors même que les plans de secours arrêtés par les préfets
prévoient une alternance entre les gendarmes et les personnels des CRS,
qui exclut les pompiers du secours en montagne.
Par comparaison, l’absence de GMSP dans le SDIS des
Hautes-Pyrénées, où le plan de secours est fondé sur l’alternance entre les
CRS et les gendarmes, est cohérent. Dans le Puy-de-Dôme, l’absence de
GMSP s’explique par un plan de secours qui confie aux pompiers un
secteur (la chaîne des puys) où l’activité de secours en montagne est
réduite. L’absence de GMSP dans le Haut-Rhin, moins compréhensible
puisque le SDIS est appelé à y oeuvrer en coordination avec le PGM de
Munster sur le massif vosgien, découle d’un plan de secours qui articule
explicitement les EPIM du SDIS en unités de soutien au PGM. En
l’absence de services spécialisés de l’Etat, le SDIS de la Drôme s’est doté
d’un important GMSP, pour une activité qui reste limitée.
b)
Une pluralité d’acteurs non maîtrisée
L’importance des effectifs départementaux de secouristes paraît
parfois supérieure aux besoins. Dans les départements où les CRS et les
unités de gendarmes interviennent en alternance, le ratio est presque de
1,5 fonctionnaire des CRS pour un agent de la gendarmerie. Cela se
traduit par un ratio moyen annuel de 20,5 interventions pour les premiers
contre 32,6 pour les seconds.
UN DISPOSITIF COMPLEXE
43
Le groupement de gendarmerie des Alpes-Maritimes a présenté
une étude selon laquelle, en augmentant les effectifs du PGHM de
seulement huit (passage de 12 à 20), celui-ci serait en mesure d’assurer
l’intégralité
de l’activité de secours en montagne du département,
actuellement prise en charge par plus de 50 personnes, soit 12 du PGHM,
24 de l’unité de CRS et 24 du GMSP du SDIS (qui n’est toutefois pas
intégré au plan de secours en montagne mais affecté au plan « canyon »).
Un tel dispositif, limité à 20 personnes au lieu de 50, serait comparable à
ceux des Alpes de Haute-Provence (PGHM de Jausiers) et de l’Ariège
(PGHM de Savignac-les-Ormeaux), placés sous la compétence exclusive
de la gendarmerie dans un contexte d’activité comparable.
c) Les interventions en doublons
Les interventions en doublons sont fréquentes. Parfois, elles
découlent de la conjugaison de l’aspect interdépartemental des massifs
avec des plans de secours qui ne définissent pas toujours de façon stricte
les services appelés à intervenir. Cela conduit à l’engagement de moyens
disproportionnés.
Exemples de redondances
Le 20 décembre 2011, un skieur parti de la station de ski du Lac Blanc
fait une chute alors qu’il se dirige vers le col de la Schlucht. L'alerte, donnée
par la victime elle-même, arrive au standard du centre de traitement de
l’alerte (CTA)-CODIS 88. Les premiers éléments recueillis confirment qu’il
s’agit d’une luxation du genou, sur un itinéraire connu, par temps calme.
D'initiative, l'opérateur du CODIS engage six véhicules dont une ambulance
et 20 sapeurs-pompiers tout en signalant les faits auprès du PGM de Xonrupt
(88), qui détermine, après analyse, que la personne se trouve probablement
sur le secteur alsacien. L'alerte est donc transmise au PGM de Munster (68).
De son côté, le SDIS 88 transmet également l’alerte au SDIS 68. En
application du plan de secours en montagne, le PGM de Munster est engagé
sur l'événement en compagnie d'une EPIM locale du SDIS et d’un véhicule
de secours et d’assistance aux victimes (VSAV). La personne blessée est
récupérée sur le secteur alsacien et conduite jusqu'au VSAV pour son
évacuation sur le centre hospitalier de Colmar. Au total, l’intervention aura
mobilisé plus de 25 personnes pour secourir, sur un itinéraire bien ciblé et en
pleine journée, un seul skieur, se trouvant à moins d’un kilomètre de la
station, dont le pronostic vital n’était nullement engagé.
44
COUR DES COMPTES
Le 28 décembre 2011, le PGM de Xonrupt-Longemer (Vosges) est
averti par le COG 88, lui-même averti par le CODIS 88, de l’accident d’une
randonneuse en raquette sur la commune de Kastelberg, dans le secteur du
petit Hohneck. Un second appel téléphonique, signalant un accident sur la
commune de Schaeferthal, est très vite identifié comme portant sur le même
fait. Le PGM de Xonrupt informe cependant son homologue de Munster
(situé à 8 km) et deux équipes sont envoyées. Elles convergent vers le lieu de
l’accident non sans que les SDIS 88 et 68, également informés par le CODIS
n’envoient leurs propres équipes. L’hélicoptère de Strasbourg est engagé sur
le secours mais, le treuil s’avérant indisponible, le sauvetage est assuré de
façon terrestre. Au total, sur la foi des rapports de gendarmerie, le secours
aura engagé 7 militaires des PGM de Xonrupt et Munster, une vingtaine de
pompiers des SDIS88 et 68, 3 médecins, un hélicoptère. La victime âgée de
45 ans souffrait d’une luxation à l’épaule droite et d’un hématome à la cuisse
gauche.
Source : gendarmerie nationale et Cour des comptes.
Ailleurs, ce peut être un contexte exacerbé de concurrence qui
conduit à des doubles engagements systématiques de services qui en
viennent à se disputer les interventions. Ainsi, dans les Alpes-Maritimes,
la volonté du SDIS de prendre part à l’activité de secours en montagne,
bien que jusqu’à présent le plan de secours l’en ait tenu écarté, le conduit
à un engagement systématique de moyens au nom de « l’intérêt de la
victime »
21
. Les relations entre services s’en ressentent et le contexte des
interventions peut être tendu.
2 -
Le traitement de l’alerte
La circulaire du 6 juin 2011 a prévu la disparition des numéros de
secours en montagne à 10 chiffres correspondant aux permanences
d’alerte des PGHM ou des sections de CRS. Le numéro d’urgence
européen 112 doit être promu numéro de droit commun des alertes et pris
en charge au niveau du CTA-CODIS s’il n’est pas déjà interconnecté
avec le centre de réception et de régulation des appels (CRRA)-SAMU.
Une interconnexion doit être mise en oeuvre entre les centres de réception
pour toute alerte montagne si une plate-forme commune n’existe pas déjà.
21
Le président du SDIS expose ainsi la conception de son service :
« Le plan de
secours en montagne actuel prévoit que dès qu’un organisme (sapeurs-pompiers,
membres de la société de secours en montagne) a connaissance d’un accident en
montagne, il doit immédiatement et sans délai diffuser l’alerte et procéder aux
premiers secours dans la limite de ses compétences en attendant l’arrivée du secours
en montagne. Dans ce cadre, le SDIS, dès qu’il a connaissance d’un accident et qu’il
possède des moyens susceptibles de porter les premiers secours (délais d’intervention
plus rapides dans l’intérêt de la victime) engage ses moyens ».
UN DISPOSITIF COMPLEXE
45
Ainsi, quel que soit le canal d’arrivée (112, 15, 17, 18), toute alerte doit
être directement répercutée à l’ensemble des services participant au
secours en montagne dans le département.
Dans les faits, les conditions de traitement de l’alerte varient
fortement d’un département à l’autre.
La communication entre les services se heurte à une contrainte
technique forte à cause de l’impossibilité d’établir une conférence
téléphonique à quatre. Ainsi, outre la victime à secourir, le CODIS ne
peut communiquer simultanément
avec deux, voire trois autres
interlocuteurs : le SAMU pour la médicalisation, le service d’alerte
montagne appelé à prendre le commandement des opérations de secours
(COS), le chef de la base d’hélicoptères. Le SDIS du Puy-de-Dôme, qui a
constaté que seul un investissement lourd en matériel pouvait lever cette
contrainte technique, y a renoncé pour raisons budgétaires.
La mise en place de plate-formes communes SAMU - CODIS,
comme celle du Meythet, à Annecy, permet de contourner en partie la
difficulté puisque la présence dans la même salle d’opérateurs de
régulation du SDIS et du SAMU facilite la coordination des moyens. La
solution retenue à Epinal (Vosges) ou Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme),
où les services sont dotés de salles situées à proximité immédiate, offre
des avantages équivalents même si les passerelles informatiques ne
s’appuient pas, comme à Annecy, sur un logiciel commun.
D’autres départements ne disposent pas de la même fonctionnalité.
Les Pyrénées-Atlantiques, dans lesquelles opèrent deux SAMU, ont donc
deux CRRA-SAMU, ce qui complique la coordination avec le
CTA-CODIS. Dans les Alpes-Maritimes, les alertes arrivant au 18 sont
prétraitées par deux centres distincts de régulation avant d’aboutir au
CTA-CODIS.
La transmission des alertes entre services soulève des problèmes.
Certains PGHM ou PGM semblent continuer à promouvoir leurs numéros
à dix chiffres, contournant la régulation par le CTA-CODIS. Ainsi, dans
le Puy-de-Dôme, le CTA-CODIS refuse-t-il de transmettre directement
les alertes au PGM du Mont-Dore qu’il accuse de maintenir son numéro à
dix chiffres. Les alertes qui arrivent au 18 sont donc communiquées au
COG qui les répercute au PGM.
Compte tenu du contexte de concurrence entre les services, la
confiance peut faire défaut pour la bonne régulation des alertes. Dans les
départements où le SDIS n’est pas intégré au plan de secours, les CODIS
sont régulièrement accusés de vouloir détourner à leur profit des alertes
qui devraient être confiées aux services spécialisés. En sens inverse, les
SDIS accusent les gendarmes et les CRS d’engager leurs moyens
proprio
46
COUR DES COMPTES
motu
, lorsque des alertes leur parviennent directement, sans même en
aviser le CODIS ou le SAMU, ou encore de revendiquer des missions qui
logiquement ne devraient pas relever du plan de secours en montagne
mais du simple secours à personne de droit commun.
Les équipes spécialisées de la gendarmerie et des CRS avancent
souvent l’idée que, les personnels du CTA-CODIS n’étant pas des
spécialistes de la montagne, la régulation en est rendue défectueuse. La
proposition d’intégrer au sein du CTA-CODIS un gendarme ou un
fonctionnaire des CRS est acceptée localement par ces dernières,
notamment à Grenoble, mais la gendarmerie s’y refuse. En Haute Savoie,
le motif invoqué est le doublement inévitable de l’astreinte, le personnel
de permanence au pied du massif devant être maintenu, selon la
gendarmerie, pour conserver une appréciation
de visu
des conditions
d’intervention.
On
peut
cependant
observer
que
dans
d’autres
départements, les personnels de permanence des PGHM régulent les
interventions sans avoir la vue directe sur le massif.
Dans l’ensemble, les dysfonctionnements au niveau du traitement
de l’alerte n’ont fort heureusement pas de conséquences dommageables
pour les victimes puisqu’ils aboutissent le plus souvent soit à un
engagement de moyens redondants, soit à un simple défaut d’information
entre services.
UN DISPOSITIF COMPLEXE
47
Défaut de régulation : concurrence de services sur une même
intervention
Le 18 juillet 2011 à 15 heures 35, le CODIS 06 alerte la CRS 06 au
sujet d’un homme souffrant d’une luxation à l’épaule au niveau de la rivière
de l’Esteron, dans la commune de Toudon. Compte tenu du secteur, le
Dragon 06 est demandé mais il réclame un délai, étant alors engagé sur un
autre secours. Un nouveau contact avec la victime confirme qu’il n’y a pas
d’urgence vitale, sa luxation provenant d’un problème récurrent motivant une
opération prochaine. La CRS 06 engage deux secouristes à pied pour
approcher de la victime avant l’arrivée de l’hélicoptère. Un nouveau contact
avec Dragon 06 apprend qu’il sera indisponible. L’hélicoptère de la
gendarmerie de Digne (04) ne peut être obtenu avant un délai de 40 minutes.
Le CODIS 06 engage alors un hélicoptère de type Bell bombardier d’eau
avec, à son bord, quatre personnels du groupe GRIMP et un médecin. Arrivés
sur le site, les secouristes CRS constatent que les pompiers sont déjà présents
avec l’hélicoptère bombardier d’eau et qu’ils se font hélicorder (absence de
treuil sur ce type d’appareil) en deux rotations pour porter secours à la
victime avant l’arrivée des CRS par voie terrestre. A l’arrivée de l’hélicoptère
de la gendarmerie, un vif conflit éclate entre les CRS et les pompiers, ces
derniers insistant pour réaliser eux-mêmes l’hélitreuillage. Le secours en
montagne a été réalisé intégralement par les équipes du SDIS, en dehors du
cadre réglementaire du plan de secours départemental. Le SDIS soutient
avoir agi dans l’intérêt de la victime.
Sources : SDIS 06 et CRS.
3 -
Les opérations de recherche et les opérations de secours
La distinction entre opérations de recherches et opérations de
secours est importante car les secondes doivent être dirigées par des
fonctionnaires ayant la qualité d’officier de police judiciaire (OPJ), que
les gendarmes étaient jusque très récemment seuls à avoir pour des
interventions en zone de montagne. Cependant, les gendarmes étaient
régulièrement accusés d’exciper abusivement de leur qualité d’officier de
police judiciaire pour accaparer des interventions relevant en réalité des
opérations de secours
22
.
Les tensions qui ont conduit à la mise en place du groupe Kihl et à
la diffusion de la circulaire du 6 juin 2011 ont largement résulté d’un
accident survenu dans les Vosges en février 2010, qui a mis directement
en jeu la distinction entre opérations de recherche et de secours.
22
La récente habilitation des CRS en qualité d’officier de police judiciaire pour les
secours en montagne (
cf.
infra
) devrait modifier localement les conditions
d’interventions des unités.
48
COUR DES COMPTES
Une opération de recherche à l’issue tragique
Le 14 février 2010, à 19 heures 30, le COG 88 est alerté par la mère
d’une randonneuse qui n’est pas rentrée, après avoir annoncé qu’elle partait
en promenade en raquettes dans le secteur du lac de Gadémont. La
gendarmerie déclenche une procédure de recherche de personne disparue. Le
PGM de Xonrupt et deux brigades territoriales sont engagés. A 21 heures 30
le véhicule de la randonneuse est retrouvé. L’équipe cynophile remonte une
trace qui se perd à hauteur du lac. A 3 heures du matin, le dispositif de
recherches est allégé mais une équipe demeure sur place. Le lendemain les
recherches reprennent grâce au renfort de personnels de l’escadron de
gendarmerie mobile de Saint-Etienne-lès-Remiremont et à l’hélicoptère de
Colmar. Suite à leur insuccès, le PGM fait l’hypothèse d’un itinéraire autre
que celui initialement annoncé par la personne disparue. De nouvelles traces
sont alors découvertes sur un versant opposé au secteur des recherches
initiales. La piste permet de découvrir la victime à 12 heures. Elle a fait une
chute d’une quinzaine de mètres dans un escarpement, s’est relevée avant de
tomber à nouveau. Inconsciente, en état d’hypothermie, elle est prise en
charge par un médecin urgentiste qui décide son évacuation par hélicoptère
vers Colmar. A court de bouteille d’oxygène pendant le transfert, le PGM
sollicite le SDIS présent sur place mais tenu à l’écart des opérations de
recherches. Le directeur du SDIS se plaindra auprès du préfet de la façon
dont son service a été traité lors de l’opération. La victime est décédée à
l’hôpital.
Source : gendarmerie nationale.
La circulaire du 6 juin 2011, prenant acte des conflits pouvant
opposer les services autour de la distinction entre l’opération de secours
et l’opération de recherches distingue cette dernière de la phase de
localisation qui
« consiste à déterminer précisément le lieu de
l’intervention des secours »
, leur nécessité étant établie. Cette phase de
localisation
« est distincte de l’opération de recherche fondée sur
l’incertitude des renseignements tenant aux circonstances de la
disparition »
.
Un cas récent illustre de façon tragique la question du passage
d’une opération de localisation de secours à une opération de recherches.
UN DISPOSITIF COMPLEXE
49
Difficultés au cours d’une opération de localisation
Le 24 avril 2010, vers 13 heures 45, les pompiers sont alertés par une
femme
de
la
chute
de
son
mari
dans
le
secteur
du
Rey
(Pyrénées-Atlantiques). Ne disposant d’un téléphone portable, elle a couru
pour trouver un téléphone et alerter les secours et ne se trouve plus à l’endroit
exact de l’accident. Etant de permanence d’alerte en vertu du plan
départemental, les pompiers engagent le Dragon 64 et sont sur les lieux à
14 heures 01. Le COG est tenu informé de l’opération. A 15 heures 15, le
COG est avisé de la difficulté rencontrée pour trouver la victime. A
16 heures 30, le chef de salle du CTA-CODIS demande l’engagement des
personnels du PGHM et que l'opération de secours passe en opération de
recherches, considérant que la personne se serait égarée, désorientée par sa
chute. A 16 heures 45, l'OPJ de permanence au PGHM donne rendez-vous
aux pompiers sur le stade de la commune d'Arudy pour 17 h 30. A son
arrivée, le chef d’équipe du PGHM reprend l’analyse de la situation. Il décide
d'organiser de nouvelles rotations d’hélicoptère pour essayer de trouver la
personne déclarée disparue. La première rotation démarre à 17 heures 50.
Deux pompiers sont positionnés à l'endroit où la victime est tombée, le
membre du PGHM leur donnant instruction de descendre à pied dans l'axe de
la chute. La victime décédée est découverte à 18 heures.
Source : gendarmerie nationale.
Quoique les opérations de recherche relèvent de la police
judiciaire, les pompiers mettent en avant leur capacité à mobiliser
d’importants moyens humains pour des opérations de recherche
d’ampleur. Les gendarmes appuient leur légitimité sur la différence de
« culture » des services : alors que les pompiers seraient dans une culture
du « déblaiement-secours » susceptible d’effacer des traces utiles, les
gendarmes auraient davantage une culture d’enquêteurs respectueuse du
milieu d’intervention.
Dans les Vosges, suite à l’incident de février 2010, qui a mis en
exergue l’importance de la distinction, la gendarmerie et le SDIS se sont
mis d’accord le 10 juin 2010, à la demande du préfet, sur un protocole de
régulation des alertes censé distinguer « opérations de secours » (incluant
la localisation) et « opérations de recherches préalables à un secours ».
Toutefois, ce document peu clair n’identifie pas explicitement le
responsable des opérations de recherche, les deux services étant saisis à
égalité. D’ailleurs, un compte rendu de retour d’expérience du directeur
de cabinet sur un exercice interservices de recherches et de secours en
montagne réalisé le 1
er
février 2011 mentionne que
« la bascule
Commandant des opérations de recherche (COR)-Commandant des
opérations de secours (COS) n’a pas été perçue de façon évidente par les
50
COUR DES COMPTES
équipes intervenant sur le terrain (un léger flottement a été constaté
pendant environ une demi-heure) »
.
Parce que la qualification de l’alerte en recherche ou en
localisation détermine l’attribution de l’intervention, elle devient un enjeu
dans la régulation des alertes, entraînant localement des frictions entre
services.
4 -
L’engagement des moyens et l’emploi du vecteur aérien
La circulaire du 6 juin 2011 précise que l’engagement des moyens
est décidé sous l’autorité du CODIS en concertation avec la régulation
médicale (SAMU) et le COS. Le recours à l’hélicoptère doit être rationnel
et obéir au principe de
« juste suffisance »
.
Cette procédure qui n’est pas appliquée partout est même contestée
localement. Ainsi, le plan de secours de la Savoie précise explicitement
que
« lorsqu’il estime nécessaire l’intervention d’un moyen héliporté, le
commandant des opérations de secours sollicite directement la base
héliportée médicalisée de secours en montagne »
. Selon la préfecture, du
fait du plan de secours qui répartit le secours en montagne entre, d’une
part, les fonctionnaires des CRS et les gendarmes en alternance dans le
massif (Beaufortin, Vanoise et Maurienne) et, d’autre part, les pompiers
dans l’arrondissement de Chambéry, la réponse opérationnelle est
meilleure à partir du positionnement des COS en plein massif (CRS basée
à Albertville, PGHM à Modane, détachement saisonnier à Courchevel),
compte tenu du dispositif héliporté qui le couvre. Dans l’arrondissement
de Chambéry, les pompiers ont de fait recours à des hélicoptères
extérieurs au département.
De même, en Haute-Savoie, les alertes provenant du secteur du
Mont-Blanc sont transférées directement au PGHM de Chamonix qui
gère l’engagement de l’hélicoptère. Le CODIS se plaint ainsi d’être
informé de l’engagement de l’hélicoptère seulement
a posteriori
.
D’une manière générale, les entorses à la règle d’engagement des
moyens sous l’autorité du CODIS sont justifiées par les intervenants par
des motifs opérationnels. Dès l’alerte, les COS jugent plus efficace de
contacter directement les chefs de base pour vérifier la disponibilité des
hélicoptères plutôt que d’entrer en conférence avec le CODIS, chargé de
la régulation de l’engagement. Si l’urgence est avérée, les équipes
demandent un décollage immédiat, le CODIS n’en étant informé
qu’après.
Dans le Puy-de-Dôme, le CODIS déplore que l’hélicoptère de la
sécurité civile soit souvent engagé par la gendarmerie ou d’autres services
UN DISPOSITIF COMPLEXE
51
comme le SAMU (y compris celui d’un autre département) sans qu’il en
soit préalablement avisé. L’information lui parvient après l’engagement
de la mission alors que l’appareil est déjà en vol.
De facto
, le rôle de
gestionnaire du CODIS se limite donc à tenter de suivre l’emploi des
moyens aériens afin d’en informer le commandement des opérations de
zone (COZ). Ces difficultés ont déjà été communiquées au COZ Sud-est.
Dans les Hautes-Alpes, gendarmes et fonctionnaires des CRS sont
accusés d’engager des moyens extra-départementaux (hélicoptères,
renforts d’avalanches) sans en référer au CODIS. En Isère, le
détachement saisonnier de l'Alpe d'Huez est accusé de s'engager sans
ordre du CODIS et sans régulation médicale du SAMU. Dans l’Ain, les
pompiers relèvent un cas d’engagement d’un hélicoptère de la
gendarmerie sans concertation avec le CODIS qui avait déjà engagé
l’hélicoptère de la sécurité civile.
Les décisions d’engagement sans mise en conférence ne
concernent pas seulement le rôle de régulation des moyens du CODIS,
mais aussi la régulation médicale des SAMU. Les délais de régulation en
passant par le SAMU étant parfois critiqués, les COS peuvent être
également tentés d’engager les moyens héliportés sans passer par l’avis
du médecin régulateur du SAMU.
Ainsi, le SAMU du Puy-de-Dôme déplore que les appels arrivant
directement au PGM puissent aboutir à un engagement de l’hélicoptère de
la sécurité civile dont il n’est informé qu’
a posteriori
. Dans certains cas,
ces engagements sans médicalisation sont préjudiciables aux victimes,
héliportées sans présence d’un médecin à bord pour un traitement
antidouleur ou sédatif. Le SAMU de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques)
signale des cas identiques.
L’engagement de moyens sans en référer aux autorités de
régulation, outre qu’il contrevient à la circulaire du 6 juin 2011, est
susceptible d’entraver la bonne gestion des ressources. Par ailleurs,
l’urgence ne saurait servir à justifier des pratiques rendant possibles des
abus hors le contrôle du CODIS. Dans son travail de thèse de 2011 sur les
accidents de randonnée en moyenne montagne dans le pays basque, un
auteur rapporte deux cas où les personnes secourues, surprises de voir
atterrir un hélicoptère à la suite de l’alerte qu’elles avaient elles-mêmes
déclenchée, refusent d’embarquer à bord de l’appareil.
23
23
Txomin Haran Larre,
Accidentologie de la randonnée pédestre en moyenne
montagne en Pays basque nord
, Thèse pour l’obtention du diplôme d’Etat de docteur
en médecine, Université Bordeaux 2, 2011, p. 167.
52
COUR DES COMPTES
5 -
Les transmissions
En zone de montagne, les transmissions sont un moyen essentiel
du secours. Les contraintes imposées par le relief justifient que, jusqu’à
ce jour, certains réseaux spécifiques tels que les réseaux radios « secours
montagne » 150 MHz aient été maintenus et soient toujours couramment
utilisés tant par les professionnels que par les unités spécialisées. Ainsi
que le relève le directeur général de la police nationale,
« un éventuel
déploiement de l'INPT et d'ANTARES pour la couverture des zones de
haute montagne n'est pas envisageable et n'a d'ailleurs jamais été
envisagé, au regard des consommations électriques nécessitant un
raccordement au réseau ERDF des relais, ce qui est souvent impossible
ou insupportable économiquement »
.
Le SDIS du Puy-de-Dôme déplore donc que plusieurs zones du
département restent non couvertes par le réseau Antares, notamment dans
le secteur du Sancy-Ouest sur environ 900 km². La difficulté, signalée dès
2008 à la DGSCGC, reste à ce jour non résolue, contraignant le SDIS à
conserver ses installations analogiques pour assurer ses communications
dans les territoires non desservis. En Savoie, le SDIS se plaint quant à lui
de ne pas avoir accès au réseau radio pourtant largement utilisé par les
unités de secours et les professionnels.
Par ailleurs, du fait de la pluralité des services de secours, l’emploi
des hélicoptères soulève des enjeux d’interopérabilité.
Les problèmes majeurs concernent les hélicoptères et les équipes
au sol. Les appareils de la sécurité civile sont équipés de systèmes de
transmission
numérique
(terminaux
P2G)
qui
garantissent
l’interopérabilité avec les différents réseaux, des pompiers (Antares), de
la police (Acropol) et, potentiellement, de la gendarmerie (Corail NG).
De son côté, la gendarmerie reconnaît que des problèmes de
communication air-sol entre ses hélicoptères et les services de secours
persistent. Dans l’immédiat, seules des solutions palliatives peuvent être
trouvées : embarquement à bord des aéronefs d'un sapeur-pompier ou
d’un policier équipé d'un poste portatif (Antares ou Acropol) pour avoir
un contact direct avec les unités au sol ; recours aux réseaux du secours
en montagne (gendarmerie) 150 MHz et du ministère de l'intérieur
85 MHz (cependant, cette solution est appelée à disparaître avec l’arrivée
à obsolescence de ces réseaux qui ne sont plus soutenus) ; relais par
l’intermédiaire du COG ou d’un gendarme posté au sol à proximité des
secouristes.
A terme, seule la dotation de l’ensemble de la flotte en terminaux
Corail NG (gendarmerie) ou BRE 4 M (pour la sécurité civile) pourra
garantir une interopérabilité avec le réseau Antares. Pour la gendarmerie,
UN DISPOSITIF COMPLEXE
53
cette solution se heurte cependant encore au problème de la saturation du
réseau provoquée par l'émission radio depuis les aéronefs. Une solution
technique est à l’étude.
Au total, ces contraintes d’interopérabilité obligent les SDIS les
plus actifs dans le secours en montagne, comme le SDIS de
Haute-Savoie, à maintenir leurs réseaux analogiques actifs, malgré
l’achèvement du déploiement d’Antares depuis plus d’un an.
6 -
Les mutualisations
Des mutualisations possibles entre les services participant au
secours en montagne ne sont pas effectuées. Les plus évidentes
concernent la formation ou la maintenance des hélicoptères (
cf. infra
).
Pour les achats de matériels, les services ne se coordonnent pas
suffisamment, négligeant ainsi des gisements d’économies. Beaucoup
d’achats d’équipements sont pourtant décidés soit directement par le
Centre national d’entraînement à l’alpinisme et au ski (CNEAS), qui gère
de façon déconcentrée les achats de matériels spécialisés de la DCCRS,
soit sur le conseil technique du Centre national d’instruction de ski et
d’alpinisme de la gendarmerie (CNISAG), pour la gendarmerie, dont le
commandant est le conseiller technique montagne du directeur général de
la gendarmerie nationale. Les deux structures étant basées à Chamonix,
des rapprochements plus systématiques semblent possibles.
La gendarmerie contribue au développement de nombreux
matériels de montagne par le biais de ses PGHM qui spécifient des
cahiers des charges aux partenaires industriels et effectuent des essais.
Cependant, elle ne valorise pas suffisamment cette contribution en termes
de prix préférentiels, droits intellectuels ou autres. Paradoxalement, la
contrainte budgétaire peut même conduire à ce que des matériels
développés en partenariat avec les PGHM soient acquis par des SDIS
avant que la gendarmerie ait pu en doter toutes ses unités.
Un exemple caractéristique des mutualisations manquées est la
médicalisation des hélicoptères opérant en Haute-Savoie. Du fait qu’ils
sont tour à tour médicalisés par les médecins du SDIS et ceux du SAMU,
chaque service équipe les hélicoptères avec son propre matériel de
médicalisation, en fonction des gardes. Le coût de ces lots de matériel de
médicalisation, qui sont identiques, est estimé à 60 000 € pour un
hélicoptère par le SAMU, 49 000 € par le SDIS 74, amortissables sur une
durée moyenne évaluée à cinq ans.
54
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Le coût global des moyens humains et matériels mobilisés pour les
interventions de secours en montagne peut être évalué de façon
approximative à environ 60 M€ par an pour ce qui concerne les unités de
la gendarmerie et des CRS.
L’activité de sécurité civile des SDIS étant polyvalente, l’absence
de comptabilité analytique empêche d’isoler, au sein de leurs budgets,
celles de leurs dépenses qui sont relatives au secours en montagne. La
Cour regrette que l’hétérogénéité des données collectées auprès des SDIS
rende impossible l’évaluation du coût global de leurs interventions.
Compte tenu de l’extrême variété des plans de secours
départementaux et du contexte de concurrence qui oppose parfois les
services, l’organisation du secours en montagne engendre divers
dysfonctionnements.
Les redondances des moyens ou même des interventions des unités
spécialisées sont fréquentes. En outre, les possibilités de mutualisation ne
sont pas assez exploitées. Le traitement des alertes souffre de divers
défauts selon les endroits : mauvaise identification des alertes, défaut
d’interconnexion entre plate-formes 15-18, prise d’alerte directe par les
services sans information du CODIS.
La dimension judiciaire des
recherches interfère parfois avec la logique de secours. L’engagement
des moyens aériens reste insuffisamment régulé par les CODIS, qui sont
régulièrement contournés par les COS.
Il appartient aux préfets qui sont responsables de l’élaboration des
plans de secours de prévenir de tels dysfonctionnements, notamment en
contrôlant les conditions de mise en oeuvre opérationnelle de ces plans.
Chapitre II
Des ajustements nécessaires
I
-
Un excès de moyens par rapport aux besoins
A - La mesure imprécise de l’activité des services
Le système national d’observation de la sécurité en montagne
(SNOSM), dépendant du ministère chargé des sports, basé à Chamonix
dans les locaux de l’Ecole nationale de ski et d’alpinisme (ENSA), fournit
des données qualitatives sur les activités de secours. Ces données, qui
sont agrégées au niveau des départements dits de montagne par
l’intermédiaire des préfectures, portent sur les accidents ayant entraîné
intervention des services spécialisés. Cependant, elles ne permettent pas
de retracer l’activité de ces services. Les préfectures n’assurent pas
toujours une transmission intégrale de leurs données au SNOSM. De plus,
il faut distinguer le secours en montagne, mettant en jeu des moyens de
l’Etat ou des GMSP des SDIS, des secours intervenant en montagne selon
le droit commun du secours aux personnes ou, plus souvent, en vertu de
l’organisation placée sous la responsabilité des maires dans le domaine
skiable, sur les pistes et hors pistes.
Les différents acteurs ne donnent pas tous la même définition du
secours en montagne. A cet égard, les données des SDIS s’avèrent les
moins fiables. Ainsi, dans les Vosges, une activité de « piquet de
sécurité » pour le rallye de France automobile est intégrée par le SDIS
dans son décompte d’activités de secours en montagne
24
. Souvent, les
24
30 septembre 2011.
56
COUR DES COMPTES
SDIS comptabilisent à ce titre des secours liés à des chutes de véhicules
en ravin qui, selon les guides de référence en vigueur, seraient davantage
des activités relevant des GRIMP.
De façon générale, la DGSCGC n’a pu répondre précisément aux
demandes de la Cour sur l’activité de secours en montagne des SDIS. Elle
n’a pu fournir les informations demandées par la Cour que pour 11 SDIS
sur les 18 départements concernés.
La DCCRS et la DGGN ont fourni un état précis par département
des interventions de leurs unités de secours en montagne. Cependant, seul
un décompte au cas par cas aurait permis de vérifier que l’intervention
décomptée répond effectivement à la définition du secours en montagne
retenue par les textes, qui appelle « la mise en oeuvre de techniques et de
matériels spécifiques aux activités de montagne, comme ceux de
l’alpinisme ». Ainsi, dans les Pyrénées-Atlantiques, une intervention
héliportée déclenchée pour une fracture de la cheville survenue à la
descente d’une voiture peut venir alimenter les statistiques d’activité du
PGHM au titre du secours en montagne
25
.
La comparaison des données du SNOSM, d’une part, et de celles
de la DCCRS et de la DGGN, d’autre part, ne permet pas de déduire
l’activité de secours en montagne des SDIS. Dans la plupart des
départements, l’addition des chiffres de la DGGN et de la DCCRS, voire
le seul nombre d’interventions fourni par la DGGN dans les départements
où les CRS ne sont pas implantés, dépasse le plus souvent, parfois de
façon conséquente, le nombre d’interventions enregistré par le SNOSM.
Certains départements ne transmettent pas leurs données. Dans
d’autres, elles sont manifestement peu crédibles.
La fiabilisation des données statistiques sur l’activité de secours en
montagne des différents services qui y participent constitue un préalable à
la rationalisation de l’organisation en vigueur.
B - Une activité variable selon les départements
1 -
Les SDIS
Les comparaisons sont difficiles en l’absence de statistiques fiables
dans l’ensemble des zones où des GMSP ont été déployés par les SDIS.
25
Intervention 29 février 2012, col de Meatxe.
DES AJUSTEMENTS NECESSAIRES
57
La Cour ne peut que regretter ce défaut d’information qui empêche des
comparaisons objectives entre services.
Là où ils interviennent, les SDIS peuvent avoir une activité de
secours en montagne qui ne doit pas être sous-évaluée.
En Haute-Savoie, avec un GMSP de 48 agents, le SDIS réalise une
moyenne annuelle de 570 interventions, soit près de 24 par secouriste (sur
la base de deux secouristes par intervention), atteignant des ratios
comparables à ceux de certains services de l’Etat dans d’autres
départements. Dans les Pyrénées-Atlantiques, les 21 sapeurs-pompiers
spécialisés ont réalisé 82 secours en 2011, ce qui les place à un niveau
comparable aux gendarmes avec qui ils alternent, toutefois avec un
effectif plus important (21 pompiers contre 14 gendarmes).
2 -
Les services de l’Etat
Les unités des départements de haute montagne, comme la Haute-
Savoie et la Savoie, connaissent la plus forte activité. Le PGHM de La
Réunion a aussi une forte activité.
Dans le massif pyrénéen, l’activité est globalement moins soutenue
même si les unités des Hautes-Pyrénées déploient une activité supérieure
à celle de certains départements alpins.
Dans les départements de moyenne montagne tels que le
Puy-de-Dôme ou les Vosges, la question de la sous-activité est posée. On
relève le niveau spécialement bas du PGM du Jura.
Dans les zones où les unités de la gendarmerie et des CRS assurent
le secours en montagne par alternance hebdomadaire, les secondes
disposent d’effectifs souvent supérieurs de moitié environ à ceux des
premières.
Compte tenu de leurs effectifs proportionnellement plus
nombreux que ceux des PGHM avec lesquels elles alternent, les unités
des
CRS
affichent
un
niveau
général
d’activité
plus
faible
(20,6 interventions en moyenne contre 32,6 pour les gendarmes). Le
maintien de la carte actuelle des implantations suppose sans doute un
ajustement des effectifs dans des unités de CRS telles que celles des
Hautes-Pyrénées ou des Pyrénées-Orientales.
58
COUR DES COMPTES
Effectifs et interventions des services d’Etat
au titre du secours en montagne
Départements montagne
Effectif
PGHM-PGM
Effectif CRS
montagne
Interventions GN
Interventions CRS
Ratio GN
Ratio CRS
04 ALPES-DE-HAUTE-
PROVENCE
18
221
24,6
05 HAUTES-ALPES
24
34
290
264
24,2
15,5
06 ALPES-MARITIMES
14
21
130
189
18,6
18
38 ISERE
23
31
348
362
30,3
23,4
73 SAVOIE
35
39
797
669
45,5
34,3
74 HAUTE-SAVOIE
57
1564
54,9
15 CANTAL
11
115
20,9
63 PUY-DE-DOME
13
109
16,8
2B HAUTE-CORSE
12
191
31,8
39 JURA
10
24
4,8
974 LA REUNION
13
490
75,4
09 ARIEGE
17
193
22,7
31 HAUTE-GARONNE
11
127
23,1
64 PYRENEES-
ATLANTIQUES
14
92
13,1
65 HAUTES-PYRENEES
15
36
236
255
31,5
14,2
66 PYRENEES-
ORIENTALES
12
19
119
109
19,8
11,5
68 HAUT-RHIN
11
115
20,9
88 VOSGES
12
88
14,7
TOTAL
322
180
5249
1848
32,6
20,5
Source : CC, d’après les données fournies par DGGN et DCCRS
26
.
26
Les ratios d’activité, qui permettent d’évaluer l’activité des unités, ont été calculés comme suit, sur la base de deux secouristes
engagés par intervention : (nombre d’interventions/effectif)*2. Ces ratios indicatifs ne sauraient s’interpréter comme le nombre
d’interventions effectivement effectué par secouriste, puisque l’effectif rapporté comporte aussi les personnels de soutien non
secouristes. Le nombre exact d’interventions par secouriste est, pour les CRS, de 21,7 en moyenne, et pour les gendarmes, de 38,9.
DES AJUSTEMENTS NECESSAIRES
59
Dans la gendarmerie, les unités spécialisées les plus récentes sont
aussi les moins actives. Il en est ainsi particulièrement des PGM,
d’installation plus tardive que les PGHM. L’activité de certaines unités
peut même connaître un étiage très bas en fonction de la saisonnalité
touristique. En Corse, par exemple, l’activité estivale est plus de dix fois
supérieure à celle du reste de l’année. Huit à dix mois par an, les
personnels de certaines unités spécialisées n’effectuent en moyenne
qu’une intervention par semaine ou guère plus, ce qui soulève la question
du maintien des effectifs actuels de ces unités ou de l’enrichissement de
leurs missions.
Variation saisonnière de l’activité des unités de
gendarmerie
Moyenne
d’interventions
mois forts
Mois concernés
Moy.
d’interventions
mois faibles (autres
mois de l’année)
PGHM
Bagnères-de-
Luchon
14,6
janvier-février-mars
7,3
PGHM
Oloron-Sainte-
Marie
22,5
juillet-août
5,5
PGHM Osséja
14,7
juin-juillet-août-
septembre
4,5
PGM Murat
23
mai-juin-juillet-août
5,5
PGM Xonrupt-
Longemer
25,5
janvier-février
5,7
PGM Morez
8
juillet-août
3,4
PGHM Corte
43,2
juin-juillet-août-
septembre
3,4
Source : DGGN.
60
COUR DES COMPTES
Au-delà des niveaux d’activité, il convient de préciser le type
d’activité développé par les gendarmes et les CRS dans les implantations
au sein desquelles ils alternent. En effet, la gendarmerie aussi bien que la
police insistent sur la polyvalence de leurs agents, même affectés dans
des services spécialisés.
Selon la DGPN, les personnels des unités de montagne des CRS
ont, outre leurs activités de secours en montagne qui restent leur mission
principale, une forme de polyvalence : en dehors de leurs formations et de
leurs entraînements, ils interviennent dans le secours en spéléologie, des
actions de formation et d’appui aux démineurs de la sécurité civile pour
les interventions dans les gouffres, ou des missions ponctuelles de police
générale en montagne (services d’ordre, de surveillance des frontières à
l’occasion de grands événements). Leur expertise conduit à ce qu’ils
soient associés aux formations des services de police spécialisée (RAID,
GIPN,
préfecture
de
police,
service
de
protection
des
hautes
personnalités). D’une manière générale, ainsi que le montre la façon dont
ils peuvent être associés aux dispositifs tels que l’appui à des événements
(G8, G20), les personnels CRS de montagne n’échappent pas à la mission
générale des CRS qui en fait la réserve générale de la police.
La direction générale de la gendarmerie a présenté des
informations selon lesquelles les PGHM et PGM ne pratiqueraient le
secours en montagne qu’à hauteur de 4 à 6 % de leur activité missionnelle
totale, le reste étant essentiellement consacré (83,7 %, voire 90,2 % pour
les PGM) à des activités de sécurité publique générale. Ces parts
respectives doivent être relativisées en les réintégrant à l’activité totale
des pelotons, qui intègre les activités de formation (16,2 % de l’activité
totale pour les PGHM, 19,1 % pour les PGM), et diverses actions de
gendarmerie (respectivement à hauteur de 16,4 % et 9,1 %), définies
comme les activités de soutien logistique que les unités effectuent pour
leur propre fonctionnement, la formation des personnels, et des activités
telles que le recrutement, les tâches d’écriture, etc. Ramenée à ce niveau
de l’activité totale, la part de l’activité de sécurité publique générale se
trouve réduite à 53,3 % pour les PGHM, et à 60,8 % pour les PGM. Il
convient au demeurant de préciser le contenu de cette activité qui, selon
la DGGN, « se distingue de celle des brigades territoriales par ses
modalités d’exécution » - les pelotons étant parfois de fait situés en
proximité
immédiate
des
implantations
de
brigades
territoriales.
S’agissant de missions de protection des personnes, l’activité de sécurité
publique repose essentiellement sur l’action préventive des pelotons qui
assurent, par leur présence sur le terrain, un rôle de recommandation aux
pratiquants, de vigilance par rapport au respect des lois et des règlements.
S’agissant des missions de surveillance générale, les pelotons assurent
une présence active dans les stations touristiques, sur les espaces
DES AJUSTEMENTS NECESSAIRES
61
accessibles aux pratiquants de sports de loisir, et d’une manière générale
dans les massifs.
En dépit des dénégations des deux directions, on ne peut que
relever le caractère restreint des activités de « police générale » ou de
« sécurité publique générale » ainsi décrites, directement attachées à la
présence en montagne, dans des lieux non investis par les forces de droit
commun, d’unités identifiées comme relevant des forces de sécurité. La
différence essentielle opposant les deux forces repose sur la compétence
territoriale de la gendarmerie dans les zones considérées. A tout le moins,
l’organisation de la gendarmerie, ainsi que le principe de disponibilité
permanente auquel sont astreints les militaires, leur permettent de
répondre aux mêmes besoins opérationnels à moindre coût. La recherche
d’une affectation optimale des emplois publics devrait donc conduire à
opter pour le désengagement des CRS du secours en haute montagne qui,
dans l’ensemble des massifs concernés, serait confié exclusivement aux
unités spécialisées de la gendarmerie, implantées dans leur zone de
compétence en matière de sécurité publique
.
II
-
L’absence de logique de massif
Dans certains cas, la logique strictement départementale des plans
de secours ne paraît pas adaptée. En particulier, elle ne permet pas
toujours un emploi optimum des moyens aériens.
Dans les départements où l’activité de secours en montagne est
relativement faible, l’optimisation de l’emploi des moyens qui lui sont
dédiés devrait faire primer une approche interdépartementale.
Tel n’est pourtant pas le cas dans les Vosges, par exemple, où la
ligne de crête du massif marque la frontière entre les départements, et où,
comme il a été démontré
27
, l’implantation rapprochée des PGM de
Xonrupt-Longemer (88) et Munster (67), distants de seulement 8 km à
vol d’oiseau,
conduit à des doubles engagements fréquents.
Le
regroupement sur un seul site de ces deux unités, qui connaissent toutes
deux un faible niveau d’activité, paraît s’imposer. Le fait que les zones
couvertes
par
ces
deux
unités
soient
séparées
par
un
col
occasionnellement fermé l’hiver ne saurait suffire à justifier leur
maintien. On imagine le nombre d’implantations qu’il conviendrait de
créer dans les Alpes en suivant un tel raisonnement.
27
Cf. supra
« Les interventions en doublons ».
62
COUR DES COMPTES
Dans
les
Pyrénées,
le
positionnement
des
PGHM
d’Oloron-Sainte-Marie (64) et Pierrefitte-Nestalas (65) suscite le même
type de critique. Les secours interviennent essentiellement en secteur
béarnais, au sud-est du département des Pyrénées-Atlantiques, si bien
qu’en période estivale, les rotations vers l’ouest de l’hélicoptère de la
gendarmerie au départ de Tarbes, pour embarquer les secouristes du
PGHM d’Oloron-Sainte-Marie, avant de repartir vers l’est en bordure de
département, allongent les délais d’intervention. Une solution plus
opérationnelle consisterait, au moins pendant toute la haute saison, à
choisir un site tel que Gavarnie comme point de départ à la fois des
interventions dans les Hautes-Pyrénées et dans le secteur béarnais des
Pyrénées-Atlantiques. Les opérations en moyenne montagne dans le
secteur basque pourraient être confiées aux pompiers.
D’une manière générale, on peut regretter que les logiques
strictement départementales prévalent sur les logiques de massif.
Souvent, en outre, combinées avec les choix d’implantation des
hélicoptères, elles aboutissent à une organisation peu cohérente.
L’expérience montre que, lorsque les préfets sont en mesure
d’imposer leur vision, un dispositif rationnel peut être mis en place en
limitant les risques de dysfonctionnements entre services. Il en est
notamment ainsi dans les départements où le plan de secours prévoit, soit
un régime d’alternance clair entre gendarmes et personnels des CRS (cas
de plusieurs départements alpins ou pyrénéens) ou entre gendarmes et
pompiers (exemple des Pyrénées-Atlantiques), soit une sectorisation
(Savoie, Puy-de-Dôme). En revanche, en l’absence de culture et de
référentiels de formation communs, la mixité des équipes d’intervention
est davantage propice aux rivalités.
La
création
récente
d’un
groupe
de
haute
montagne
sapeur-pompier réunissant les deux SDIS de Savoie et de Haute-Savoie
(le groupe de haute montagne sapeur-pompier des deux Savoie -
GHMSP2S), afin notamment de mieux répondre aux alertes sur
l’arrondissement de Chambéry, avec une composition mixte des équipes
de secouristes, montre que des collaborations interdépartementales sont
possibles dans une logique de mutualisation de moyens.
L’implantation des unités et des vecteurs aériens devrait se faire
plus systématiquement à l’échelle des massifs, et non dans un cadre
systématiquement départemental, de façon à éviter les redondances
inutiles et à optimiser les choix d’implantation des unités spécialisées en
fonction des zones prioritaires en matière de secours.
La direction générale de la gendarmerie nationale, qui affirme être
prête à étudier le regroupement de certaines de ses unités spécialisées au
DES AJUSTEMENTS NECESSAIRES
63
nom de cette logique de massif, devra démontrer sa volonté d’entrer dans
une véritable logique interdépartementale.
Pour que cette évolution soit possible, il conviendrait aussi que
les plans de secours, dont l’élaboration et la mise en oeuvre
opérationnelle relèvent de la compétence des préfets, s’appliquent
dans certains cas à un périmètre interdépartemental et prévoient
l’intervention des unités spécialisées des services de l’Etat au-delà de
leur seul département d’implantation
III
-
Une évolution des activités de montagne mal
prise en compte
A - L’évolution de l’accidentologie en montagne
Selon les données du SNOSM, environ 5 000 interventions par an
relèvent spécifiquement de secours en montagne, hors du domaine
skiable, pour 50 000 interventions dans le domaine skiable (sur pistes et
hors pistes).
1 -
Le domaine skiable
Le domaine skiable est un immense terrain d’activités de loisirs où
l’effort de sécurisation est constant. La plupart des secours sont pris en
charge par voie terrestre par les pisteurs-secouristes et les personnels des
stations. Les hélicoptères n’interviennent que pour 5,4 % des personnes
secourues, dans les situations les plus graves et urgentes nécessitant une
hospitalisation immédiate. Certaines stations de ski, à l'instar de Flaine ou
d'Avoriaz en Haute-Savoie, se sont dotées de leur propre hélicoptère.
Typologie des accidents dans le domaine skiable
Domaine
skiable
Collisions
entre
usagers
Collisions
avec
obstacles
Accidents
hors
collisions
Hors
pistes
Domaine
alpin, toutes
glisses,
pistes et
hors pistes
Domaine
nordique
Total
Interventions
2875
574
47658
784
51891
232
52123
Blessés
2837
544
47146
691
51218
221
51439
Décès
0
5
2
6
13
0
13
(Données Hiver 2010-2011, chiffres SNOSM.)
64
COUR DES COMPTES
Les décès ne représentent que 0,02 % du total des interventions
dans le domaine skiable. Plus d’un tiers résultent de collisions avec des
obstacles, susceptibles d’engager la responsabilité des communes dont
relève l’aménagement des pistes. Presque la moitié des décès est due aux
activités hors pistes où le volume des interventions reste néanmoins
marginal (1,5 %).
2 -
Le domaine « montagne »
Les données sont classées par le SNOSM selon le domaine
d’intervention : neige-glace, ou hors neige ; cette classification obéit en
grande partie à la saisonnalité. Pour l’année, les accidents se répartissent
comme suit :
Typologie des accidents dans le domaine « montagne »
Avec 181 décès en 2011 (150 en 2010, 197 en 2009), le domaine
« montagne » est dix fois plus meurtrier que le domaine skiable. Les
données ont un caractère saisonnier fortement marqué
28
. Près de 50 % des
interventions ont lieu en juillet et août ce qui reflète la part importante
prise par les activités de randonnée dans le déclenchement des secours.
Le total des personnes secourues dans le domaine « hors neige »
représente environ quatre cinquièmes des personnes secourues. L’activité
qui occasionne le plus de secours est, en effet, la randonnée à pied. Même
si elle a un peu diminué depuis 2009, elle est à l’origine de 40 % des
secours, tous domaines confondus. Cette part s’étend en hiver aux secours
28
Détail en annexe.
DES AJUSTEMENTS NECESSAIRES
65
occasionnés par les activités de randonnée à skis ou en raquettes, qui
représentent 27 % des personnes secourues dans le domaine neige-glace.
La forte proportion de secours classés « Autres » (17 %
globalement et même 46 % dans le domaine « neige-glace »), en
augmentation de 85 % en trois ans, a suscité une enquête du SNOSM
actuellement en cours. Ces données reflètent probablement la part
croissante des activités de ski de type « free-ride » en haute montagne
au-delà des domaines skiables (pistes et hors pistes). La part des activités
de VTT (près de 10 % des personnes secourues) a aussi connu une très
forte croissance (77 %). Autrefois à l’origine de la prise en charge par
l’Etat du secours en montagne, l’alpinisme n’en représente plus que 16 %.
A la différence du domaine skiable, le recours à l’hélicoptère est
fréquent en matière de secours en montagne. Environ deux personnes sur
trois en bénéficient.
En conséquence, les données statistiques sur le secours en
montagne font apparaître une évolution forte vers de nouvelles pratiques
sportives, liées à l’essor du tourisme de masse, et un transfert important
de l’activité au cours de la période estivale.
B - L’adaptation du secours en montagne
L’organisation des secours doit tenir compte du développement
considérable des nouvelles pratiques de sports et de loisirs en montagne
telles que la randonnée et le VTT (
cf.
annexe VI). A la différence de
l’alpinisme pur, celles-ci ont souvent pour caractéristique d’opérer à
partir des sentiers. La technicité exigée des secouristes ne soulève pas les
mêmes enjeux que l’alpinisme hivernal ou la marche sur glacier. Leurs
formations, le déploiement des moyens d’intervention et les plans de
secours devraient davantage en tenir compte.
Une réflexion sur l’évolution des métiers du secours serait
souhaitable. Face à une accidentologie nouvelle, le secours ne doit pas
être pensé uniquement autour du positionnement, dans la vallée, du
secouriste et de son vecteur aérien en attente de projection, en cas
d’alerte, sur le massif. La dimension de la prévention et de l’anticipation
des accidents, dans le massif lui-même, doit aussi être développée en
intensifiant les actions d’information sur site et en prenant en compte les
évolutions des pratiques.
En conséquence, il serait souhaitable de procéder à une analyse
qualitative et quantitative fine de l’évolution de l’accidentologie couverte
par les services de secours (sites, activités, périodes) afin d’actualiser les
plans de secours en adaptant plus finement l’implantation géographique
66
COUR DES COMPTES
des moyens et son évolution entre les période hivernale et estivale, les
formes d’intervention et la formation des secouristes, la place respective
des unités spécialisées et des unités généralistes.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La régulation systématique des alertes par les CODIS, permettant
de ne qualifier en secours en montagne que celles qui répondent
exactement à la définition précise donnée par
la circulaire du
6 juin 2011, permettrait de lever certaines incertitudes statistiques sur
l’activité.
Au reste, dans une logique d’adaptation au niveau d’activité, le
format et les implantations des unités de CRS et de gendarmerie
devraient être localement révisées.
La recherche d’une affectation optimale des emplois publics
devrait conduire à opter à terme pour le désengagement des CRS du
secours en haute montagne. Dans l’ensemble des massifs concernés,
l’activité serait confiée exclusivement aux unités spécialisées de la
gendarmerie, au demeurant implantées dans leur zone de compétence en
matière de sécurité publique.
Une réflexion sur l’évolution des modes d’intervention devrait
accompagner l’évolution des pratiques et de la fréquentation des zones
de montagne.
Chapitre III
Une convergence indispensable entre
services
I
-
La question du cadre juridique du secours
en montagne
A - L’enjeu de la définition du secours en
montagne
La circulaire du 6 juin 2011 définit le secours en montagne comme
« toute opération de secours au sens de l’article L. 1424-2 du CGCT en
zone de montagne nécessitant une formation particulière des personnels
intervenants ainsi que la mise en oeuvre de technique et de matériels
spécifiques aux activités de montagne, comme ceux de l’alpinisme »
. Ce
type de secours, par l’ampleur des moyens requis et l’appel à différents
services
« dépasse les capacités des communes et relève de la
responsabilité du préfet »
.
Cette définition est ensuite précisée par la circulaire :
« La
qualification de l’opération de secours en montagne sera effectuée en
fonction d’un certain nombre de paramètres, en premier lieu celui de la
nécessité de mettre en oeuvre des techniques et des matériels spécifiques
aux activités de montagne. D’autres critères peuvent également être pris
en compte, dont certains constituent des constantes mais la plupart des
68
COUR DES COMPTES
variables : conditions météo, type de terrain, accessibilité, degré
d’urgence, disponibilité des acteurs, nombre de victimes, etc »
.
Fruit d’un compromis entre les différents services concernés,
l’adjonction de ce second paragraphe est regretté par certains acteurs
parce qu’elle donne une acception large du secours en montagne. De fait,
la définition du secours en montagne est devenue un enjeu central dans le
conflit qui peut opposer les services puisque qu’elle conditionne
l’attribution des interventions en vertu des plans de secours spécialisés.
C’est ainsi que, dans certains départements, la révision du plan de
secours en montagne, exigée par la circulaire, passe par la modification
de la définition retenue sur la base d’une interprétation plus extensive. Il
en est ainsi dans les Alpes-Maritimes où les services de la préfecture
effectuent des simulations sur les statistiques des années passées pour
démontrer comment cette requalification permettrait d’intégrer certaines
interventions du SDIS au secours en montagne, l’associant ainsi à cette
activité sans en dessaisir les autres services. La solution ne semble
satisfaire ni le SDIS, qui revendique d’être pleinement intégré au plan de
secours en montagne, ni les CRS et les gendarmes, qui dénoncent une
banalisation de la notion.
Des flottements du même type sont à signaler dans d’autres
départements. Dans le Puy-de-Dôme, le SDIS avait dans un passé récent
demandé au préfet de déclassifier le massif et de ne plus le considérer
comme une zone « montagne ». Cette modification, qui aurait permis aux
équipes des pompiers d’y intervenir selon le droit commun du secours à
personnes, a été refusée. Dans d’autres départements, on envisage la
requalification en « secours en montagne » des secours effectués sur toute
zone non accessible par voie carrossable.
La réalité des interventions montre que ce combat autour de la
définition juridique du secours en montagne est bien souvent vain.
Chaque service peut citer des exemples d’intervention en moyenne
montagne où, malgré un relief généralement peu accidenté, diverses
circonstances (météo, lieu particulier, état ou nombre des victimes) ont
conduit à une intervention difficile et technique. Inversement, il peut
aussi arriver que, malgré le caractère de haute montagne du massif,
l’action des services se résume à un brancardage sans technicité
particulière.
Dans les mêmes secteurs, des secours peuvent être revendiqués par
les unités spécialisées, compte tenu de la configuration des lieux, mais
laissés au SDIS s’il s’agit d’un accident de circulation, la compétence des
sapeurs-pompiers n’étant pas contestée en matière de désincarcération.
UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE ENTRE SERVICES
69
Il conviendrait de s’en tenir de façon stricte et limitative à la
définition du secours en montagne de la circulaire du 6 juin 2011, afin de
limiter les situations de concurrence entre les services concernés.
B - Les interventions sur le domaine skiable
La définition du domaine skiable repose sur la circulaire n° 78-003
du 4 janvier 1978 du ministre de l’intérieur qui définit le domaine skiable
comme tout point accessible par gravité à partir du sommet des remontées
mécaniques. L’intégralité de ce domaine (pistes, hors piste, « pistes de
fait »
29
) est placée sous la responsabilité du maire, spécialement au titre
de ses pouvoirs de police administrative et pour l’organisation des
secours.
La présence des pistes de ski délimitées par arrêté municipal ne
définit que les aires d’application des règlements propres à ces pistes : la
piste est sécurisée, balisée, ouverte ou fermée par le service des pistes. A
l’inverse, le domaine hors piste n’est ni sécurisé ni balisé. Il ne peut être
interdit que partiellement, dans l’espace et dans le temps, en s’appuyant
sur l’existence de risques majeurs. La responsabilité de la commune lors
d’accidents de ski est généralement relevée sur deux fondements : la
responsabilité pour faute au regard de ses obligations de la police
administrative ; la responsabilité pour dommages de travaux publics,
lorsque l’accident résulte par exemple d’une collision entre un skieur et
un ouvrage tel que des poteaux reliant des filets de protection, un
pare-neige, etc.
Le dispositif d’Etat intervient obligatoirement en cas d’accident en
dehors des limites du domaine skiable. Conçu pour suppléer les moyens
communaux, il peut intervenir sur le domaine skiable en fonction de la
gravité de l’alerte. Des événements majeurs, comme les avalanches,
déclenchent l’intervention des services de l’Etat, de même que les
accidents d’une certaine gravité (traumatismes lourds, urgences vitales).
Les pisteurs-secouristes ont instruction de les alerter dans de telles
circonstances.
L’économie générale du dispositif appelle plusieurs remarques.
D’une part, l’intense activité régnant sur les pistes en période
hivernale peut conduire à négliger le rôle des services d’Etat au titre de la
police judiciaire. La gendarmerie signale plusieurs cas où des secours
29
La jurisprudence a développé la notion de pistes de fait, hors domaine strictement
pris en charge par le service des pistes, dans le cas de parcours habituellement
fréquentés, naturellement empruntés compte tenu de la configuration des lieux, et
lorsqu’aucune signalisation n’indique aux usagers qu’ils ne sont plus sur les pistes.
70
COUR DES COMPTES
sont mis en oeuvre sans que ses services soient correctement alertés,
entraînant des retards voire des impasses dans l’engagement des enquêtes
sur l’origine de l’accident et la détermination des responsabilités.
Par ailleurs, la volonté des services des pistes de ne pas
immobiliser trop longtemps leurs personnels sur des secours peut
conduire à une sollicitation abusive des moyens d’Etat.
Le cas est particulièrement signalé dans le département de l’Isère
où les gestionnaires de pistes (services à caractère commercial) sont
accusés de recourir abusivement aux moyens d’Etat, notamment dans la
station de l’Alpe-d’Huez.
En Savoie, les secouristes des services de l’Etat embarquent
souvent dans des hélicoptères privés. Ainsi, sur 656 interventions de
secours héliportées en 2011, la section de CRS de montagne d’Albertville
en a effectué 331 (soit 50,4 %) à bord des hélicoptères de l’opérateur
privé de Courchevel
30
. Le haut niveau d’activité et l’insuffisance des
moyens d’Etat pour y répondre, conduit à une situation que la préfecture
elle-même qualifie de
« mutualisation permanente des moyens publics et
privés »
. L’hélicoptère désigné en première alerte l’est sur des critères
purement opérationnels, et se trouve donc être souvent le moyen privé, en
vertu même du plan de secours
31
. Par ailleurs, ainsi que le précise le plan
de secours, l’engagement de l’hélicoptère se fait non au niveau du CODIS
mais du COS, selon sa conviction propre et sans autre régulation :
« lorsqu'il estime nécessaire l'intervention d'un moyen héliporté, le
commandant des opérations de secours (unité publique spécialisée ou
directeur de service des pistes) sollicite directement la base héliportée
médicalisée de secours en montagne »
. Les conditions sont donc réunies
pour des déclenchements fréquents du moyen aérien, embarquant des
secouristes d’Etat.
L’intervention
des
services
de
l’Etat
peut
résulter
du
dysfonctionnement de services commerciaux. Ainsi, il paraît étrange qu’à
la
suite
de
l’intervention
héliportée
du
PGHM
de
l’Isère,
le
11 février 2012, sur un téléphérique bloqué, qui a duré quatre heures et
30
Il est à relever que les appareils de l’opérateur en question (Secours aérien français)
sont des EC 135 et non des EC 145. Le coût refacturé par la société est de
51,18 € TTC selon la préfecture de Savoie, ce qui mérite considération au regard des
coûts complets à la minute des appareils de la sécurité civile et de la gendarmerie,
selon les estimations (respectivement 63,2 € et 61,6 €).
31
L’hiver, dans l’arrondissement d’Albertville, autour de Bourg-Saint-Maurice,
l’hélicoptère de première alerte est explicitement désigné par le plan de secours
départemental comme l’hélicoptère médicalisé du Secours aérien français (privé
donc).
UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE ENTRE SERVICES
71
mobilisé trois hommes et deux hélicoptères pour évacuer une soixantaine
de personnes, aucun frais n’ait été facturé à la société gestionnaire de
l’équipement.
Au-delà des difficultés juridiques parfois réelles pour délimiter
l’étendue exacte du domaine skiable, les secouristes d’Etat cohabitent
en montagne avec des services privés à caractère commercial dont la
logique de rentabilité peut trouver occasionnellement dans le dispositif
d’Etat un soutien commode à leur activité. Il convient de rester vigilant
face à des sollicitations qui peuvent sembler trop systématiques et de
bien marquer les responsabilités de chacun.
II
-
L’hélicoptère : maîtriser les coûts d’emploi
Avec deux tiers des interventions de secours en montagne ayant
recours à l’hélicoptère et plus de 90 % dans les secteurs de haute
montagne les plus actifs, le vecteur aérien est devenu une composante
indispensable de l’action des services de secours. Il n’en reste pas moins
que le secours héliporté en haute montagne est hautement technique. Les
appareils sont sollicités aux limites de leurs capacités de vol et le pilotage
est rendu délicat tant par la proximité des parois, l’aérologie que les
opérations de treuillage.
En mai 2010, le DGGN et le DGSCGC ont signé un document
conjoint destiné à rationaliser l’emploi du vecteur aérien. Y est
notamment affirmé le principe de dominante missionnelle propre aux
machines de chacune des deux flottes, la gendarmerie étant chargée de la
sécurité publique, et la sécurité civile du secours à personne. Cette
dominante missionnelle va de pair avec un principe de subsidiarité dans
l’emploi des machines et de renfort mutuel entre les deux flottes.
A - Une gestion à rationaliser
1 -
Des parcs qui évoluent différemment
Les dernières Alouette III ont été retirées en 2009 du secours en
montagne. Les flottes de la sécurité civile et de la gendarmerie sont
désormais pourvues d’appareils du même type, l’EC 145.
a) La stabilité du parc d’hélicoptères de la sécurité civile
La DGSCGC a fait le choix d’une flotte monotype toutes missions.
Elle dispose de 22 bases d’hélicoptères en métropole. Elle déploie sept
72
COUR DES COMPTES
détachements saisonniers. Son parc comprend 39 appareils (35 EC 145, 4
Ecureuil).
Ayant remplacé la totalité de son parc en très peu de temps à partir
de 2002, la DGSCGC sera confrontée dans les prochaines décennies à la
question de son renouvellement. Elle s’efforce de l’anticiper en mettant
en place, dans les zones les plus exigeantes et de façon progressive
(Chamonix est ainsi prévu), une stratégie de remise à niveau et de
renouvellement des machines.
b) La croissance du parc d’hélicoptères de la gendarmerie
Comme la sécurité civile, la gendarmerie a choisi de s’équiper de
l’hélicoptère polyvalent EC 145 mais elle est aussi dotée aussi d’EC 135,
moins puissants que les EC 145, adaptés à des missions de police en
plaine ou à un contexte de moyenne montagne. Par ailleurs, elle a
conservé ses Ecureuil, appareils plus anciens et adaptés à des missions
courantes.
En 2002, la gendarmerie disposait de 42 appareils : 29 Ecureuil et
13 Alouette III. L’entrée en service des EC 145 a conduit au retrait
progressif de service des Alouette III. La gendarmerie s’est dotée
d’EC 135 pour assurer les missions de police sans réformer ses Ecureuil.
Le parc comprend donc aujourd’hui 56 appareils contre 42 en
2002. La gendarmerie envisage de surcroît l’achat de nouveaux EC 135
mais le retrait de service des Ecureuil n’est pas envisagé. Elle demande au
contraire au constructeur des remotorisations pour prolonger leur service.
Ainsi, le parc d’hélicoptères de la gendarmerie qui s’est accru d’un
tiers (14 appareils) depuis 2002 est susceptible de s’accroître encore.
Parallèlement, le volume d’heures de vol, d’environ 15 000 en
2003, approche aujourd’hui les 20 000 (19 785 exactement) dans un
contexte d’alourdissement du prix des carburants. Le coût de cet
accroissement peut être estimé à 18,445 M€.
Le
commandant
du
groupement
des
forces
aériennes
de
gendarmerie justifie cette croissance du parc par la nécessité de reprendre
des missions outre-mer, suite au désengagement de l’armée de l’air. Cette
explication permet de rendre compte de la nécessité de trois appareils
supplémentaires depuis 2003, mais ne justifie pas totalement la croissance
du parc. Il est regrettable que le schéma directeur des forces aériennes de
la gendarmerie, élaboré en juillet 2003, ait délibérément laissé de côté la
question de l’outre-mer et des implantations de montagne.
UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE ENTRE SERVICES
73
2 -
Des implantations de base à mettre davantage en cohérence
Biturbine, l’EC 145 consomme près de deux fois plus de carburant
que l’Alouette III (environ 5 litres/min. contre 3 litres/min. pour
l’Alouette), mais les temps de vol sont de fait raccourcis par ses
performances : à titre d’exemple, l’EC 145 de la gendarmerie basé à
Chamonix au pied du massif peut intervenir au niveau du Mont-Blanc en
environ dix minutes, là où l’Alouette III n’effectuait la montée qu’en une
vingtaine de minutes.
Le raccourcissement des délais d’intervention impose une nouvelle
logique en termes d’implantation des bases hélicoptères, même si,
s’agissant des interventions en montagne, le facteur météorologique ne
doit pas être écarté : ainsi, en Isère, bien que l’hélicoptère de la sécurité
civile de Grenoble-Le Versoud puisse rejoindre l’Alpe
d’Huez en
seulement six minutes, le maintien d’une implantation héliportée en ce
dernier endroit reste justifié par le fait qu’au départ de l’Alpe d’Huez les
décollages sont souvent encore possibles quand en vallée les conditions
ne le permettent pas.
De la même manière que pour l’implantation des unités de
secouristes, le renforcement de la logique de massif peut permettre de
rationaliser l’emploi des moyens aériens et épargner des rotations inutiles
et dispendieuses.
On peut ainsi s’interroger sur la rationalité, au niveau du dispositif
héliporté, d’un plan de secours tel que celui de la Haute-Savoie, qui
conduit à mettre en oeuvre trois hélicoptères en semaine paire et deux en
semaine impaire pour couvrir le même territoire. Outre le sous-
dimensionnement ou au contraire le surdimensionnement du dispositif,
selon la semaine considérée, c’est la rationalité même de cette alternance
hebdomadaire, en dépit de toute saisonnalité, qui laisse perplexe.
De la même manière, on peut s’interroger sur le chassé-croisé
auquel donne lieu le détachement estival de l’hélicoptère de la sécurité
civile de Pau (Pyrénées-Atlantiques), lorsqu’il vient armer une semaine
sur deux la base de Gavarnie, en Hautes-Pyrénées, tandis que
l’hélicoptère de gendarmerie de Tarbes (Hautes-Pyrénées) accomplit des
rotations à Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques) pour embarquer
les membres du PGHM intervenant dans le département
32
.
32
Cette rotation, qui intervient au moment où le PGHM d’Oloron-Sainte-Marie est
d’alerte dans les Pyrénées-Atlantiques, est décalée par rapport à l’alerte du PGHM de
Pierrefitte-Nestalas,
qui
intervient
en
alternance
avec
les
CRS
dans
les
Hautes-Pyrénées – de sorte que le PGHM d’Oloron-Sainte-Marie est le seul de France
dont le tour hebdomadaire d’alerte soit décalé par rapport au régime national
74
COUR DES COMPTES
Les explications alléguées par les services sur la nécessité
d’entraîner les différents équipages dans les endroits les plus exigeants
des massifs ne convainquent pas. Les contraintes particulières aux vols en
haute montagne, soulignées par les acteurs, sont certainement indéniables,
mais il est à craindre que cette organisation dissimule un manque
d’appétence pour la collaboration entre les unités. Le fait est que la base
commune de Pamiers, en Ariège, prévue par l’accord de mai 2010 signé
entre le DGGN et le DGSCGC, n’est toujours pas armée.
Les conditions d’emploi des hélicoptères paraissent encore trop
souvent dictées par une logique de rattachement aux unités qui en sont
dotées et au cadre départemental imposé par les plans de secours.
Le détachement de Gavarnie est présenté par le chef de la base de
Pau comme un point de départ permettant de couvrir
les lieux
d’intervention les plus fréquents en un temps réduit (six minutes), que ce
soit dans les Hautes-Pyrénées ou dans l’est des Pyrénées-Atlantiques. Le
positionnement de l’hélicoptère à cet endroit, avec une garde médicalisée,
serait pleinement justifié. Pourtant, la logique départementale du plan de
secours des Pyrénées-Atlantiques prévaut. Lorsqu’une intervention est
déclenchée dans l’est béarnais en période de garde du PGHM,
l’hélicoptère de Tarbes intervient avec une rotation par Oloron qui
entraîne un délai incompressible d’intervention de plus de 40 minutes
(Tarbes-Oloron-massif en limite Est).
En revanche, un secours dans le secteur de la Grave, dans les
Hautes-Alpes, conduit à actionner l’hélicoptère de la sécurité civile de
l’Alpe d’Huez, en Isère : le gain de temps est de 15 minutes par rapport à
l’hélicoptère de la gendarmerie de Briançon.
Il
faut
malheureusement
observer
que
ces
régulations
interdépartementales sont rarement prévues par les plans de secours.
Elles se heurtent parfois à la
dimension départementale des
services d’intervention. Ainsi, les hélicoptères de 1
ère
et de 2
ème
alerte
permettant de couvrir l’arrondissement de Chambéry (Savoie) sont situés
hors département (Annecy et Grenoble).
Le travail en commun mené par la DGGN et la DGSCGC en
mai 2010 sur la mise en cohérence de leurs flottes d’hélicoptères, dans
une logique de subsidiarité, au-delà de leurs missions respectives
(sécurité publique, secours aux personnes), n’a pas encore conduit à
tous les progrès escomptés. Les décisions prises ont connu peu de suites
d’alternance entre PGHM et unités de montagne de CRS. Au moins,
ainsi
l’hélicoptère de la gendarmerie de Tarbes n’embarque-t-il jamais que des gendarmes –
mais peut-être est-ce le but ?
UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE ENTRE SERVICES
75
concrètes. La base commune de Pamiers (Ariège) n’est toujours pas
armée.
B - Des coûts à maîtriser
1 -
Les lents progrès de la mutualisation
La mutualisation de la maintenance des flottes d’hélicoptères de la
gendarmerie et de la sécurité civile a été programmée en 2007 au titre de
la révision générale des politiques publiques (RGPP). La DGGN devait
réaliser la maintenance des Ecureuil de la DGSCGC sur le site
d’Orléans-Bricy. Celle de ses EC 145 devait être assurée par la DGSCGC
sur sa base de Nîmes-Garons.
La base d’Orléans-Bricy a accueilli deux Ecureuil de la sécurité
civile en octobre 2011 et janvier 2012. L’effort de mutualisation achoppe
en revanche à Nîmes malgré les travaux d’agrandissement réalisés, pour
6 M€, sur des hangars destinés à accueillir désormais les hélicoptères des
deux flottes.
Arguant que certaines pièces de ses hélicoptères sont spécifiques,
que les modes de certification ne sont pas les mêmes (immatriculation
militaire et non civile), la DGGN refuse l’intervention sur ses appareils
des personnels de la sécurité civile. En fait de mutualisation, la
maintenance des appareils donne surtout lieu à la cohabitation sur un
même site d’équipes distinctes qui ne collaborent pas réellement
ensemble.
Un hélicoptère de la gendarmerie s’est trouvé ainsi immobilisé
pendant 26 semaines en visite annuelle (le délai moyen réalisé pour ses
propres hélicoptères pour la sécurité civile étant de 10 semaines). La
DGGN évoque à ce sujet un problème d’approvisionnement en pièces de
rechange. L’immobilisation de cet appareil, occupant le plot de visite,
aurait de surcroît obligé la DGGN à détourner un de ses EC 145 en visite
vers Orléans, au lieu de Nîmes comme initialement prévu.
2 -
Des cibles de formation à préciser
Il importe d’adapter le nombre de qualifications de secouristes
aptes à embarquer dans les appareils aux besoins réels en revenant, le cas
échéant, sur des qualifications « historiques » qui ne sont plus mises en
oeuvre au niveau opérationnel ou sur des qualifications qui étaient
délivrées plus largement lorsque l’Alouette III était en service.
76
COUR DES COMPTES
Dans cette logique, la base de la sécurité civile de Cannes est
passée d’un volume de 347 personnels qualifiés en 2005 à 121
aujourd’hui
(dont
92
relevant
directement
des
services
des
Alpes-Maritimes). Selon le directeur de la base, ce nombre pourrait être
encore réduit, ce qui montre l’importance des gisements d’économies.
Dans le Puy-de-Dôme, sans atteindre des volumes comparables, une
réduction des qualifications délivrées notamment au SDIS (45) paraît
également possible, compte tenu des besoins réduits d’interventions
héliportées.
La sécurité civile assure un important effort d’entraînement aux
interventions héliportées des secouristes, tous services confondus, qui
sont amenés à embarquer dans ses hélicoptères. Cet effort représente en
2012 un potentiel de 2 135 heures de vol, soit un coût total de 8,1 M€. Il
serait légitime que la DGSCGC facture les coûts d’entraînement aux
services qui en bénéficient, ce qui contribuerait peut-être à maîtriser les
demandes de qualifications.
La gendarmerie, qui dispose de ses propres moyens aériens,
consommera néanmoins un potentiel d’entraînement de 170 heures sur le
volume total d’entraînement offert par la DGSCGC (soit un coût estimé
de 645 150 €), dont 116 heures sont destinées aux PGHM et PGM. Le
potentiel d’entraînement accordé à chaque unité dépend localement de la
fréquence d’utilisation de l’appareil de la sécurité civile,
liée à
l’indisponibilité des hélicoptères de la gendarmerie.
Il ne paraîtrait pas inopportun que la gendarmerie, qui pour sa part
n’offre pas de façon systématique de potentiel d’entraînement aux
équipes (notamment des CRS) embarquant dans ses hélicoptères
33
,
considérant que les interventions opérationnelles suffisent à maintenir la
qualification, reverse à la DGSCGC la somme correspondant aux
potentiels consommés
34
.
33
Si l’accès aux machines de la gendarmerie semble garanti pour l’entraînement des
CRS dans les Alpes, il n’en va pas de même dans les autres implantations (Pyrénées),
où le moyen aérien de la gendarmerie n’est utilisé que de façon opérationnelle, ce qui,
aux dires du DCCRS,
« tend à poser légitimement la question d'une généralisation
des entraînements avec les moyens aériens de la gendarmerie au profit des CRS, les
interventions opérationnelles ne pouvant se substituer à ces exercices. »
34
Ces refacturations entre directions internes du ministère ont déjà été évoquées par la
Cour. Le 10 mars 2011, le DGSCGC avait transmis à la DGGN un projet de
convention relatif à l’emploi des moyens aériens de la sécurité civile au profit de la
gendarmerie. Selon la DGSCGC ce projet n’a pas reçu de réponse de la part de la
DGGN. Par lettre du 23 mai 2011, le président de la 4
ème
chambre a saisi le DGSCGC
des conditions de refacturation des interventions héliportées engagées par la
DGSCGC pour le compte de la DGGN.
UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE ENTRE SERVICES
77
La sécurité civile et la gendarmerie disposent du même type
d’appareil. Il est
regrettable que les deux forces n’aient pu se
coordonner au sujet du positionnement du treuil, placé à droite sur les
appareils de gendarmerie et à gauche sur ceux de la sécurité civile. La
question de savoir si un besoin d’entraînement n’a pas été
artificiellement créé mérite d’être posée.
3 -
Des conditions parfois avantageuses pour les personnels
Les secouristes ne perçoivent pas de primes particulières du fait
d’embarquer dans les appareils. Il faut signaler toutefois que les services
aériens ouvrent droit à des bonifications de services, au sens de l’article
L. 12-d du code des pensions civiles et militaires, qui dispose :
« Le
décompte des coefficients applicables aux heures de vol ou à la durée des
services sous-marins est effectué conformément aux dispositions en
vigueur au moment où s'est ouvert le droit à ces bonifications »
.
Un arrêté du 30 juin 1971
35
définit des coefficients multiplicateurs
applicables aux temps des missions réalisées pour calculer les
bonifications obtenues, en jours, mois, années. Chaque personnel fait
l’objet d’un relevé individuel établi hiérarchiquement chaque année. Pour
les sapeurs-pompiers, le calcul est fait au sein des SDIS. Le total des
bonifications obtenues intervient dans la liquidation des pensions.
Les personnels navigants, qui bénéficient de ce système de
bonifications, peuvent aussi compter sur un régime indemnitaire
spécifique.
Les pilotes et mécaniciens opérateurs de bord de la gendarmerie,
sous statut militaire, peuvent percevoir l’indemnité pour services aériens,
régie par l’article 2 du décret n° 48-1686 du 30 octobre 1948, qui prévoit
une majoration de 25 % ou 50 % de la solde de base brute annuelle.
L’indemnité ne peut être inférieure à un plancher d’échelon de grade. Elle
ne peut excéder l’indemnité attribuée à un commandant (1 333 € bruts).
Bien que ne disposant pas, comme les personnels de la
gendarmerie, de logements de fonction, les personnels navigants de la
sécurité civile ont un régime indemnitaire qui semble particulièrement
avantageux.
35
«
Conditions d’exécution pour les personnels civils et militaires des services
aériens, sous-marins ou subaquatiques commandés et calcul des bonifications
correspondantes.
»
78
COUR DES COMPTES
Généralement contractuels, ils perçoivent une prime de vol
36
en
plus de leur rémunération de base fondée sur un classement indiciaire
avec indemnité de résidence et supplément familial de traitement. Cette
prime comprend une prime d’activité générale et une prime d’exercice de
fonctions spécifiques. Le niveau moyen de la première part, pour les 209
personnels concernés, est de 2 735 € mensuels (3 201 € pour les pilotes,
2 245 € pour les mécaniciens). La DGSCGC a versé à ce titre 6,859 M€
en 2012 aux personnels du groupe hélicoptère de la sécurité civile. La
deuxième part de la prime de vol renvoie à des qualifications ou fonctions
spécifiques, telles que chef de base, instructeur, instructeur mécanicien.
Les montants s’échelonnent de 163 € mensuels à près de 700 €.
Les personnels navigants de la sécurité civile perçoivent aussi une
indemnité de mission
37
. Toute mission entraînant un décollage ou un
poser en dehors de la période de vol normale (c’est-à-dire pendant la
période de nuit
38
) est rémunérée par l’équivalent de quatre heures au taux
d’intervention de nuit
39
, soit entre 44 et 88 €. Si la mission entraîne un
poser dans la demi-heure précédant l’horaire de fermeture normal de la
base, l’indemnité est de deux heures au taux d’intervention, soit entre
22 et 44 €. La DGSCGC a versé 716 848 € à ce titre à ses personnels. Il
est à noter que les vols de nuit représentent 20,6 % du total des vols
effectués par le groupement d’hélicoptères de la sécurité civile, contre
seulement 9,6 % dans les forces aériennes de gendarmerie, toutes
missions confondues, ce qui, selon le DGSCGC, s’explique par la
qualification aux vols de nuit de l’ensemble des pilotes de la sécurité
civile, élargissant le spectre de leurs missions
40
.
36
Les textes régissant ce dispositif sont le décret n° 2005-622 du 30 mai 2005 modifié
et un arrêté du 30 mai 2005. S’agissant de la rémunération de base, il y a cinq
échelons, qui vont pour les pilotes de l’indice 533 à l’indice 691, et pour les
mécaniciens de 470 à 612.
37
Arrêté du 27 juillet 2005.
38
Celle-ci est encadrée par le décret n° 2002-146 du 7 février 2002, qui dispose que
« le travail de nuit correspond à la période comprise au maximum entre 17 h 30 et
8 h 30 au solstice d'hiver et au minimum entre 22 h 30 et 5 h 15 au solstice d'été ».
39
Soit : «
11 € de l'heure entre 18 heures et 22 heures ainsi que les samedis entre
7 heures et 22 heures. 22 € de l'heure entre 22 heures et 7 heures ainsi que les
dimanches et jours fériés
. »
40
Selon les estimations fournies, un pilote des forces aériennes de gendarmerie au
grade de maréchal des logis-chef perçoit une solde brute de 2 523 €, indemnité de
services aériens comprise ; au grade d’adjudant, cette solde est de 2 980 € ; au grade
de capitaine (grade sommital au niveau opérationnel), de 4 429 €. On peut estimer
qu’un pilote contractuel de la sécurité civile démarre à 3 043 € nets avec la 1
re
part de
la prime de vol, hors indemnités de résidence, SFT, 2
ème
part de la prime de vol
(qualification/fonction) et indemnités de missions. En retenant la même base de
UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE ENTRE SERVICES
79
III
-
Des formations à adapter à la réalité des
besoins
A - La qualification OPJ
Comme le précise la circulaire n° 36 600 du 19 décembre 1995
relative à l’organisation et à l’emploi de la gendarmerie en montagne,
l’OPJ
territorialement
compétent
dans
les
unités
de
montagne,
spécialisées ou non, apprécie la nécessité d’ouvrir une enquête judiciaire,
au besoin après en avoir référé à son supérieur hiérarchique et au
procureur. Une procédure judiciaire est établie pour les accidents ayant
entraîné des atteintes corporelles.
Selon la circulaire,
« la présence de militaires de la Gendarmerie
compétents territorialement s’impose du fait de leurs attributions
exclusives en matière de police judiciaire »
. Les gendarmes s’appuient
sur l’article 2 du décret n° 96-828 du 19 septembre 1996, relatif à la
répartition des attributions et à l'organisation de la coopération avec la
police nationale, qui reconnaît à la gendarmerie dans sa zone de
compétence (notamment en zone de montagne) la responsabilité
exclusive de l’exécution des missions de sécurité publique (et non de
police judiciaire).
Depuis de nombreuses années, la DCCRS demandait que ses
personnels chargés du secours en montagne puissent aussi être habilités
en tant qu’OPJ. Dans l’attente d’un déblocage de la situation, elle
continuait à en former certains pour acquérir la qualification OPJ : à ce
jour, 27 agents des sections de montagne ont cette
qualification.
Toutefois, cette qualification restait inutile, faute d’habilitation.
Le décret n° 2012-869 du 9 juillet 2012 vient débloquer la situation
en étendant la reconnaissance de la qualité OPJ pour le secours en
montagne aux formations spécialisées des CRS, et non plus aux seuls
gendarmes.
D’un point de vue fonctionnel, la modification réglementaire
permet aux personnels des CRS d’agir dans des conditions de parfaite
symétrie avec les personnels des PGHM dans les départements où les
calcul, dès la 3
ème
année, son salaire est de 4 146 €, et de 5 051 € au bout de 8 ans,
hors primes citées. Le régime de travail est dérogatoire, avec un maximum de
98 heures sur une période 12 semaines, à la différence des pilotes d’hélicoptère de la
gendarmerie qui sont sous droit commun du statut militaire (45 jours de
permission/an).
80
COUR DES COMPTES
deux forces interviennent en alternance. Jusqu’à présent, la dissymétrie de
compétence conduisait les PGHM à maintenir une permanence
opérationnelle continue, même en période confiée aux CRS, au motif que
seuls leurs personnels étaient habilités à établir des constatations. Il en
découlait des frictions entre services, notamment lorsque la présomption
de suites judiciaires conduisait à dessaisir d’un secours des secouristes de
garde non habilités. La DGGN, qui n’était pas initialement favorable à
l’extension des habilitations OPJ aux personnels des CRS, ne pourra plus
employer ce levier de la même manière pour conforter sa position dans
l’organisation du secours en montagne.
Les personnels secouristes des SDIS restent les seuls à ne pouvoir
effectuer des constatations judiciaires, ce qui est d’ailleurs conforme à
leur vocation centrée sur le secours à personne et non les activités de
sécurité publique. La question de leur non-habilitation et de leur
éventuelle éviction des équipes de secours lorsque des suites judiciaires
sont envisagées demeure. Les arguments les plus fréquemment avancés
par les gendarmes concernent la volatilité des éléments de preuve en
montagne et la judiciarisation croissante des relations entre les acteurs. Ils
ne doivent cependant pas faire oublier la priorité à accorder au secours
proprement dit, réaffirmée par la circulaire du 6 juin 2011.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, une forme pragmatique de
collaboration a été mise en place entre le PGHM et le GMSP. Lorsque les
conditions d’une intervention laissent présager
des suites judiciaires, les
pompiers contactent les gendarmes avant le départ pour envisager avec
l’OPJ de permanence le mode souhaité : soit le GMSP effectue les
premières constatations et prend les clichés nécessaires sur instruction de
l’OPJ du PGHM, soit un personnel du PGHM participe à l’intervention.
La DGGN aussi bien que la DCCRS s’opposent à la généralisation de ce
mode de fonctionnement.
Afin d’éviter tout conflit, il conviendrait qu’une telle forme de
collaboration puisse être étendue en tant que de besoin entre les unités de
la gendarmerie et de CRS, d’une part, et celles des
SDIS, d’autre part.
B - La formation des médecins
Les médecins participant au secours en montagne doivent posséder
une formation assez lourde, sanctionnée par le diplôme interuniversitaire
de médecine et d’urgence en montagne (DIUMUM) délivré par les
universités de Grenoble et Toulouse. Cette formation se déroule sous la
forme de quatre stages de cinq jours, répartis sur une durée de deux ans,
et s’accompagne de la rédaction d’un mémoire. Le maintien de la
qualification en résultant suppose en outre des entraînements réguliers.
UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE ENTRE SERVICES
81
L’engagement de ces médecins est donc exigeant, ce qui pose certains
problèmes.
Dans le département des Pyrénées-Atlantiques, le SAMU de Pau
peine à recruter des médecins qualifiés pour armer les hélicoptères. Le
niveau modéré d’activité, joint à une médicalisation non systématique des
vols, conduit les médecins à n’effectuer que peu de missions (parfois
seulement une ou deux par an). Ils se trouvent de ce fait en manque
d’entraînement.
Ces problèmes paraissent mieux traités dans certains départements.
Le SAMU de Grenoble a mis en place, par convention avec le CNEAS à
Chamonix, une formation spécifique de deux stages de cinq jours. Le
CNEAS assure par ailleurs des maintiens en qualification réguliers. De la
sorte, le SAMU de l’Isère médicalise les interventions héliportées avec
des médecins qui détiennent soit le DIUMUM, soit la formation
conventionnée avec le CNEAS.
C - Les formations des secouristes à harmoniser
Les programmes de formation mis en place par les divers services
traduisent leurs différences de conception en matière de secours en
montagne.
Tableau comparatif des formations de personnels secouristes en montagne
Source : DCCRS-DGGN-DGSCGC.
UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE ENTRE SERVICES
83
Avec des durées totales de formation de 42 et 39 semaines, les
CRS et la gendarmerie développent une conception plus élitiste que les
sapeurs-pompiers dont la formation montagne au sens strict se limite à
5 semaines (9 avec les modules optionnels). Il convient cependant de
relativiser cet écart, puisque les gendarmes et les personnels des CRS
doivent acquérir, au cours de leur formation de secours en montagne, des
compétences
de
secouriste
qui
sont
déjà
détenues
par
les
sapeurs-pompiers appelés à intégrer les modules de spécialisation
montagne
41
.
Les cursus mis en place par les deux acteurs historiques sont donc
lourds. Ils aboutissent, dans les unités spécialisées, à la formation de
personnels dédiés à l’activité de secours en montagne, qui n’interviennent
plus de la même manière que les unités de droit commun dans les
activités de sécurité publique générale.
De surcroît, l’acquisition de compétences de guide de haute
montagne
est
fréquente
42
.
Elle
est
présentée
comme
un
gage
supplémentaire de technicité. Le maintien en condition des personnels est
l’objet d’un soin particulier. Les personnels de la gendarmerie sont
périodiquement recyclés et réévalués intégralement (« formation zéro »).
Ceux qui ne satisfont pas aux conditions de réemploi sont reversés dans
les unités traditionnelles. Il en va de même pour les CRS.
Au contraire, les pompiers insistent sur la nécessaire adaptation du
cursus de formation des personnels à la réalité des secours effectués. Le
cursus SMO est conçu comme un complément d’instruction mais les
personnels qui interviennent en montagne restent affectés à l’ensemble
des missions des SDIS et doivent demeurer polyvalents, aptes aux
diverses formes du secours aux personnes.
Les sapeurs-pompiers ont donc une conception plus généraliste de
la formation nécessaire au secours en montagne. Ils mettent ainsi en doute
l’utilité de disposer de secouristes formés à l’auto-sauvetage en crevasse
lorsqu’il s’agit d’intervenir en moyenne montagne pour secourir des
randonneurs souffrant de simples contusions.
41
La DGSCGC affirme ainsi que
« en cumulant les modules de secours à personne,
de gestion opérationnelle et commandement et de formateur nécessaires à
l'encadrement des entraînements, le volume de
formation est en réalité de
24 semaines pour un chef d'unité, 32 semaines pour un commandant des opérations
d'une opération complexe ».
42
Au 31 décembre 2011, les PGHM et PGM comptaient 101 guides de haute
montagne et 15 aspirants guides, soit près de 40 % de leurs personnels. Les CRS
comptaient eux 57 guides et 6 aspirants dans leurs personnels (CNEAS inclus), soit
30 %.
84
COUR DES COMPTES
L’enjeu soulevé par la définition d’une doctrine commune de
formation a été pris en compte par les pouvoirs publics. Il a été évoqué
par le Président de la République lors du 118
e
congrès de la FNSPF, le
24 septembre 2011 à Nantes :
« nous devons aussi agir dans le domaine
de la formation, où perdure encore une situation hétéroclite entre
sapeurs-pompiers, gendarmes et CRS : il n'est pas normal que certains
suivent 6 mois de formation là où d'autres ne font qu'un cursus de
6 semaines, alors que le travail est le même. Il n'est d'ailleurs pas normal
que la formation ne soit pas dispensée dans un centre commun »
.
Le ministre de l’intérieur a ensuite créé un groupe de travail qui,
sous l’égide du préfet Jean-Claude Bastion, doit élaborer un référentiel de
formation commun. L’axe retenu consiste à faire converger les
référentiels existants autour de critères communs (en termes de capacités
techniques, managériales, et judiciaires), tout en s’appuyant sur une
distinction opérationnelle entre les exigences de la montagne et de la
haute montagne. La nécessité de rehausser le référentiel de qualification
des sapeurs-pompiers semble acquise, sans que l’harmonisation générale
des formations débouche sur des coûts supplémentaires.
A terme, un référentiel commun d’activité et de compétence
devrait être adopté par arrêté ministériel, aboutissant à une certification
par le ministère du travail. Dans la ligne des préconisations de la
circulaire du 6 juin 2011, le rapprochement des formations permettrait
une véritable mixité des équipes d’intervention.
D - Des formations insuffisamment mutualisées
1 -
Les personnels des CRS et de la gendarmerie
Le Centre national d’entraînement à l’alpinisme et au ski
(CNEAS), qui assure le recrutement, la formation et la formation
continue des personnels des CRS, ainsi que le Centre national
d’instruction de ski et d’alpinisme de la gendarmerie (CNISAG), son
homologue dans la gendarmerie, sont situés à Chamonix, à trois
kilomètres l’un de l’autre.
Les deux centres qui ont entrepris, depuis quelques années, un
effort conséquent de resserrement des formations, affichent à ce jour des
coûts de fonctionnement comparables.
Le CNEAS
Créé en 1955, le CNEAS est rattaché à la CRS 47, implantée à
Grenoble. Ses statuts
sont précisés par l’instruction n°
772 du
UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE ENTRE SERVICES
85
14 mars 1986 modifiée relative à l’organisation et au fonctionnement des
formations spécialisées de montagne des CRS. Il assure en outre des
formations spécialisées à l’attention de personnels de la DGPN ou
d’autres acteurs. Il emploie 24 agents qui ont délivré 2 468 jours de
formation en 2011.
En 2009, la DCCRS a supprimé les stages de préparation à
l’emploi, qui étaient destinés à l’acquisition de certains brevets d’Etat ou
de qualifications de secours en montagne par les fonctionnaires des CRS.
Cette mesure a permis de réaliser une économie de fonctionnement de
l’ordre de 30 000 €. Par ailleurs, la formation dispensée est désormais
adressée aux personnels des CRS mais aussi, de plus en plus, des autres
directions de la DGPN ou d’autres administrations, permettant une
réduction appréciable (- 36,4 % de 2008 à 2011) du coût de formation par
agent.
En 2012, les prévisions du nombre de stagiaires comme de jours de
formation délivrés sont supérieures aux années précédentes. Le rapport
entre ces deux indicateurs est de 8,7 contre 7 les années précédentes.
Cette augmentation correspond au scénario optimiste retenu par la
direction du centre qui table sur la présence de tous les stagiaires prévus
ainsi que sur un taux de réussite total des personnels dans la réalisation
des stages et donc leur passage au niveau supérieur.
En réalité, ces deux conditions sont rarement réunies. Cependant,
une instruction du DGPN datée de mai 2012 doit permettre d’élargir le
vivier de recrutement à l’ensemble des corps de la police nationale et
permettra peut-être d’accueillir cette année plus de candidats que les
années passées. En tablant sur un nombre de jours de formation délivrés
de 3 000 environ, comme en 2009, le budget s’établirait autour de
60 000 €. Le coût du jour de formation des fonctionnaires des CRS serait
d’environ 26 €.
Le nombre de personnels complètement formés est réduit. Si l’on
prend pour référence la formation d'équipiers de secours en montagne
(formation de base du cursus CRS d’une durée de 140 jours en incluant la
sélection), le nombre de jours de formation délivrés chaque année à la
DCCRS équivalait en 2011 à la formation complète de 11 personnels
contre 21 en 2008. Un contingent de 8 futurs spécialistes par an est
nécessaire pour maintenir le dispositif de formation à niveau.
Il est à noter que pour des raisons budgétaires, et à la différence
des gendarmes, la DCCRS a été contrainte de cesser de financer des
formations de guide de haute montagne pour ses personnels.
86
COUR DES COMPTES
Le CNISAG
La création du CNISAG, qui est installé à Chamonix depuis 1988,
découle de la volonté de la gendarmerie de se doter de son propre outil de
formation. Auparavant, ses personnels étaient formés au sein de l’Ecole
militaire de haute montagne (structure encore existante, implantée à
Chamonix depuis 1932). Le centre, hébergé dans des locaux partagés
avec le PGHM, emploie 39 personnels qui ont dispensé 5 980 jours de
formation en 2011.
Suite à l’audit effectué en 2008, la DGGN a reconfiguré ses
formations en fonction des besoins identifiés. Le resserrement des
formations montagne territoriales sur les GMG, créés à cette occasion, est
allé
de
pair
avec
une
rationalisation
du
cursus
de
formation
(remplacement des anciens DTM et BTM - 18 semaines de formation en
tout - par l’actuel DQTM - 13 semaines). La réduction du nombre de
journées de formation délivrées a été de 23 %. Elle s’est traduite par un
repositionnement de la gendarmerie en montagne, hors secours
spécialisé : des groupes de gendarmes de montagne plus resserrés, avec
une formation plus courte (17 semaines contre 22 auparavant). Le nombre
de formation des spécialistes et commandants d’opérations est resté
inchangé, mais l’entrée en spécialisation est renforcée au niveau du BSM
(18 semaines au lieu de 11). Au total, le CNISAG affiche un coût moyen
de la journée de formation de 27 €.
Les projections de formation pour 2012 sont en hausse : avec
700 stagiaires et 5 800 jours de formation, la progression serait de 20 %
par rapport à 2008. Par ailleurs, à la différence de la DCCRS, la DGGN
n’a pas renoncé à financer les formations de ses personnels au diplôme de
guide de haute montagne. Suite à son alignement avec le niveau européen
en 2010, le coût de cette formation, assurée exclusivement par l’Ecole
nationale de ski et d’alpinisme (ENSA), sise à Chamonix, a
considérablement augmenté, passant de 7 279 € à 14 258 €
43
.
Cette hausse a conduit le CNISAG à engager une démarche de
réduction des coûts (solutions d’hébergement hors ENSA, convention de
prise en charge d’une partie des recyclages de guides). Les gains sont de
l’ordre du 10 % du coût total. Pour autant, il n’y a pas de démarche
entreprise au sujet du nombre de personnels présentés aux stages de guide
et aspirant-guide : on comptait 12 stagiaires aspirants-guides et
7 stagiaires-guides en 2011 contre 9 et 8 en 2008. Le coût total des
formations évolue de 43 769 € à 77 734 €.
43
Se décomposant en 11 400
€ de frais pédagogiques
et 2 858
€ de frais
d’hébergement et d’alimentation.
UNE CONVERGENCE INDISPENSABLE ENTRE SERVICES
87
Le CNEAS comme le CNISAG ont développé des partenariats
externes mais, à ce jour, trop peu de collaborations entre eux. Un projet
de mutualiser la formation des chiens d’avalanche a été suggéré par le
CNEAS mais n’a pas eu de suite.
2 -
Les sapeurs-pompiers
La formation des sapeurs-pompiers est assurée par 9 SDIS,
agréés pour délivrer la formation SMO1, 4 agréés pour la formation
SMO2 (Drôme, Pyrénées-Atlantiques, Savoie et Haute-Savoie), ainsi que
par
l’Ecole
d’application
de
la
sécurité
civile
de
Valabres
(Bouches-du-Rhône). Actuellement, seuls les SDIS de Savoie et de
Haute-Savoie délivrent des formations SMO2. Seul le SDIS de
Haute-Savoie est agréé pour délivrer la formation SMO3.
Cette absence de centralisation gêne le suivi des qualifications
par les services centraux de la DGSCGC, les SDIS faisant remonter de
façon inégale les informations qui les concernent. De plus, le conseil
d’administration de chaque SDIS étant maître de ses décisions relatives
au nombre de qualifications, les défauts d’adéquation aux besoins
inhérents aux plans de secours apparaissent inévitables.
S’agissant des coûts de formation, on peut relever que les tarifs
facturés par le SDIS de Haute-Savoie aux autres SDIS pour les
formations de dix jours qu’il délivre à leurs personnels s’élèvent à
2 000 € TTC pour le niveau SMO2 et 2 200 € TTC pour le niveau SMO3,
frais pédagogiques, d’hébergement et restauration inclus.
3 -
Des rationalisations souhaitables
La commune de Chamonix compte plusieurs structures liées aux
métiers de la montagne : Ecole nationale de ski et d’alpinisme, Ecole
militaire de haute montagne, CNISAG, CNEAS, et bientôt peut-être un
centre de formation des sapeurs-pompiers.
Compte tenu des prix élevés du marché immobilier local et du
manque d’espace dans les écoles existantes du fait d’un fort taux
88
COUR DES COMPTES
d’occupation
44
, cette dispersion paraît dommageable. La mairie de
Chamonix se dit prête à envisager des solutions foncières pour faciliter
des réaménagements.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
L’emploi des hélicoptères représente à lui seul 31 % des
dépenses de secours en montagne supportées par les services de
l’Etat.
Il
convient
de
rester
vigilant
quant
aux
conditions
d’engagement des moyens de l’Etat.
Des économies substantielles paraissent possibles à travers la
baisse du nombre de qualifications délivrées, la mise en cohérence
des flottes de la sécurité civile et de la gendarmerie nationale et la
mutualisation de leur maintenance qui avance encore trop lentement.
Enfin il paraît important de maîtriser la croissance du parc
d’hélicoptères de la gendarmerie, et les dépenses de personnels de la
sécurité civile.
Dans le prolongement de la circulaire du 6 juin 2011, un
référentiel de formation commun devrait être mis en place pour faire
converger les formations et permettre une meilleure coopération entre
services.
Enfin, un projet de centre de formation commun devrait être
mis à l’étude, en fusionnant les structures existantes
.
44
A titre d’illustration, le commandant du CNISAG annonce des taux d’occupation de
ses locaux de l’ordre de 80 % à l’année. Les locaux destinés aux permanents
représentent 207 m² pour 32 permanents, soit un ratio de 6,47 m² par agent. L’espace
fait davantage encore défaut pour l’hébergement des stagiaires, avec des
hébergements en chambres collectives n’offrant que 5,8 m² par stagiaire.
L’hébergement doit être complété par 6 logements déclassés (capacité 17 personnes)
au sein de la caserne de Chamonix sud ; en appoint, le CNISAG est aussi contraint de
recourir à un arrangement amiable avec la mairie, qui met à disposition des logements
dans un bâtiment communal proche de l’ENSA.
Conclusion
Grâce à la compétence et au dévouement des personnels, les
secours
en
montagne
sont
assurés,
en
dépit
des
nombreux
dysfonctionnements observés par la Cour.
Tout en rappelant la responsabilité du préfet dans l’organisation
des plans de secours départementaux, et sa responsabilité opérationnelle
en tant que directeur des opérations, la circulaire « Kihl » du 6 juin 2011,
fruit d’un travail commun de près d’un an entre les services, a permis de
réaliser certaines avancées notables : définition du secours en montagne,
principe de centralisation des alertes et de régulation par les CODIS,
distinction de niveaux de complexité des opérations.
Force est de reconnaître, un an après son entrée en vigueur, que
certains des principes énoncés dans la circulaire restent localement mal
appliqués et que le contexte de concurrence entre services auquel
répondait le texte ne s’est toujours pas apaisé. Le rapprochement des
formations, auquel réfléchit le groupe de travail animé par le préfet
Jean-Claude Bastion, est un préalable important à une meilleure
coordination future entre services.
Quoique d’un volume limité, l’activité de secours en montagne est
coûteuse, notamment du fait de l’emploi très fréquent de l’hélicoptère.
Compte tenu de l’hétérogénéité et du manque de fiabilité des données
statistiques, la Cour regrette de n’avoir pu évaluer le coût des
interventions effectuées par les SDIS.
La circulaire précitée du 6 juin 2011 a entériné la légitimité à
intervenir des trois acteurs actuels du secours en montagne. Pour autant,
la couverture satisfaisante des besoins ne justifie pas leur intervention
conjointe dans tous les départements concernés.
Il revient à l’Etat, quand cela s’avère utile, de rendre les choix
d’implantation de ses unités spécialisées et l’usage de ses moyens aériens
conforme à une logique de massif plutôt que de les soumettre
systématiquement au découpage territorial des départements. Il appartient
aux préfets, responsables de l’élaboration et de la mise en oeuvre des
plans de secours, de veiller à la plus grande cohérence de l’emploi des
moyens humains et matériels dédiés au secours en montagne.
En particulier, ils doivent s’efforcer de prévenir la tendance de
certains SDIS à y participer activement même quand le plan de secours ne
le prévoit pas.
90
COUR DES COMPTES
En outre, même si les personnels des unités spécialisées de la
gendarmerie et de la police nationales disposent également d’un haut
niveau de compétence technique, une réflexion s’impose sur le partage de
la haute montagne entre les deux forces.
Dans son rapport d’octobre 2011 sur la redéfinition des zones de
compétence de la gendarmerie et de la police nationale, la Cour estimait
que
« l’objectif d’efficience exigerait de mener à bien une réflexion sur
les moyens rares (équipes cynophiles, plongeurs…) et les fonctions
spécifiques (secours en montagne, brigades motocyclistes, etc.) pour
envisager une attribution à l’une seulement des deux forces »
.
Dans les massifs alpin et pyrénéen, l’analyse de l’activité déployée
respectivement par les unités de CRS et celle de gendarmerie devrait
conduire, au-delà du processus de convergence déjà engagé entre les deux
forces, à confier à terme cette mission aux unités de gendarmerie, en
envisageant, le cas échéant, le transfert vers celles-ci des personnels
actuels des CRS.
Deuxième partie
La surveillance des plages
Le dispositif CRS estival déployé sur le
littoral
(Exercices 2008 à 2011)
Introduction
A - Les flux massifs d'estivants dans les communes du
littoral
Chaque année, les communes du littoral sont confrontées à un
afflux massif de populations attirées de façon saisonnière par la mer. La
métropole compte environ 6 000 kilomètres de côtes, dont un tiers de côte
sableuse, réparties entre 25 départements littoraux. Ces départements,
dont la population résidente habituelle est de 21,2 millions d’habitants,
sont parmi les plus fréquentés en période estivale. Au pic de
fréquentation, qui se situe à la mi-août, sauf exception, ils accueillent
jusqu’à 6,8 millions de touristes, soit une augmentation de 32 % par
rapport à leur population résidente.
Cette fréquentation est inégalement répartie : alors que dans les
départements du nord de la France l’augmentation n’excède pas 25 %
(cas de la Somme), dans nombre de départements de l’ouest la population
augmente de moitié, voire double comme en Vendée qui passe de
570 000 habitants en temps normal à 1 120 000 à la mi-août. Les records
de fréquentation restent l’apanage des départements du sud-ouest et du
sud-est avec de fréquents doublements de population (Charente-Maritime,
Landes, Pyrénées-Orientales, Corse) ; à cause de cet afflux estival, tous
les départements littoraux du sud-ouest et du sud-est, à deux exceptions
près, avoisinent ou dépassent alors le million d’habitants.
B - La responsabilité des maires confrontée à de
nouveaux enjeux
Les maires sont directement concernés par l’accueil du flux
d’estivants au titre de plusieurs de leurs responsabilités, notamment celle
de la surveillance des lieux de baignade. En application du code général
des collectivités territoriales (CGCT), le maire est en effet chargé de la
police des lieux de baignade. En particulier, il est responsable à la fois de
la police administrative des plages situées sur le territoire de sa commune
et de la mise en oeuvre des secours en cas de besoin.
Cette responsabilité, qui est une déclinaison du pouvoir de police
générale du maire, a pris ces dernières années une dimension nouvelle,
essentiellement à cause de l’essor de l’industrie du tourisme. Pour de
94
COUR DES COMPTES
nombreux maires, qui voient la population de leur commune doubler,
tripler, si ce n’est décupler, en période estivale, la surveillance des plages
est devenue un défi majeur, le temps fort d’une année administrative
focalisée sur la préparation et la mise en place du dispositif municipal
d’accueil des estivants.
Cette inflexion n’est pas seulement le fait de la croissance des
populations amenées à fréquenter les communes du littoral. Elle résulte
tout autant de l’évolution des caractéristiques de cette fréquentation.
Conçue à l’origine uniquement autour de la prévention des risques liés
aux baignades (noyades, accidents nautiques, etc.), la surveillance des
plages doit de plus en plus répondre à de nouveaux enjeux, avec la
nécessité tant d’adapter la réglementation aux nouveaux usages des
plages et aux nouvelles pratiques sportives, que de maintenir la sécurité
des personnes et des biens dans des contextes nouveaux.
C - Le retrait partiel des moyens de l’Etat
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’Etat avait
accompagné l’essor des stations balnéaires en allouant aux communes des
renforts
saisonniers
de
policiers
prélevés
sur
des
compagnies
républicaines de sécurité (CRS) afin de les seconder dans leur
responsabilité de surveillance des plages. Même s’il n’a jamais été
présent sur l’ensemble des 381 communes du littoral disposant de
plages
45
, ce dispositif avait, au fil des ans, pris une certaine ampleur.
Ainsi, en 2002, 722 maîtres-nageurs sauveteurs, fonctionnaires des CRS
(MNS CRS), étaient déployés dans 126 communes, soit toutefois moins
du tiers des communes disposant de plages.
De 2008 à 2011, le dispositif est passé de 605 MNS-CRS à 471,
soit une réduction de 23 %. Grâce aux redéploiements effectués, le
périmètre de surveillance auquel contribuent les CRS n’a pas été réduit
dans la même proportion que les effectifs de policiers puisqu’il est passé
de 114 km de littoral surveillés dans 101 communes en 2008 à 99 km
dans 98 en 2011. La période de surveillance est restée sensiblement la
même (du 1
er
juillet au 31 août), mais a été remise en cause en 2012 par
un projet de réduction (du 4 juillet au 26 août).
45
Selon les données reconstituées à partir des informations communiquées
par les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage
(CROSS).
INTRODUCTION
95
Nombre de MNS CRS déployés sur le littoral
Années
Nombre de MNS CRS
Communes couvertes
2001
669
125
2002
722
126
2003
643
109
2004
632
107
2005
634
105
2006
636
106
2007
647
104
2008
605
101
2009
495
101
2010
471
99
2011
471
99
Source : DCCRS.
Face au retrait partiel des policiers des CRS, les maires des
communes littorales s’inquiètent et dénoncent un désengagement de
l’Etat au moment même où la surveillance des plages leur pose des
difficultés de plus en plus aiguës.
Au pic de la fréquentation estivale, les départements littoraux
accueillent sept millions de touristes. Pour les maires, auxquels
incombe la responsabilité de surveiller les plages au titre de la police
des baignades, cet afflux de population tend à déplacer les enjeux de
sécurité civile habituels (prévention des noyades, par la surveillance et
réglementation des plages, et secours) vers de nouveaux enjeux tant de
sécurité civile que de sécurité publique. C’est dans ce contexte que doit
être analysé le rôle du dispositif de renforts saisonniers de policiers
prélevés sur des compagnies républicaines de sécurité, dont le nombre a
été progressivement réduit depuis une dizaine d’années.
Chapitre I
La police des baignades : une lourde
responsabilité des maires
La surveillance des plages, dont le coût est relativement important
pour les communes, du moins les plus petites
46
, est susceptible d’engager
lourdement la responsabilité des maires en cas de manquement à leurs
obligations.
I
-
Le cadre réglementaire
La police des baignades est une responsabilité administrative qui
incombe au maire en vertu du code général des collectivités territoriales
(CGCT), du fait de ses pouvoirs généraux de police, notamment au titre
du 5° de l’article L. 2212-2 qui dispose que le maire a
« le soin de
prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la
distribution des secours nécessaires, les accidents »
. L’article L. 2121-4,
renvoyant à ce soin de prévention, dispose que
« en cas de danger grave
ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article
46
La population permanente de certaines communes littorales dépasse
200 000 habitants (Marseille, Nice, Montpellier) ; celles d’autres communes
ne dépassent pas mille habitants.
98
COUR DES COMPTES
L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par
les circonstances. Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le
département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites »
.
Ce cadre général a été précisé par les dispositions de la loi
n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la
mise en valeur du littoral, intégrées dans le CGCT et le code de
l’environnement.
L’article L. 2213-23 du CGCT, qui définit le pouvoir municipal de
police des baignades, dispose ainsi que
: « Le maire exerce la police des
baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec
des engins de plage et des engins non immatriculés. Cette police s'exerce
en mer jusqu'à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des
eaux. Le maire réglemente l'utilisation des aménagements réalisés pour
la pratique de ces activités. Il pourvoit d'urgence à toutes les mesures
d'assistance et de secours. Le maire délimite une ou plusieurs zones
surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante
pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il
détermine des périodes de surveillance. Hors des zones et des périodes
ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont pratiquées aux
risques et périls des intéressés. Le maire est tenu d'informer le public par
une publicité appropriée, en mairie et sur les lieux où elles se pratiquent,
des conditions dans lesquelles les baignades et les activités nautiques
sont réglementées »
.
La police des baignades, comme toutes les polices administratives,
reste limitée par le principe fondamental de proportionnalité qui limite
toute interdiction permanente. Un maire ne saurait se dégager de la
responsabilité qui lui incombe au titre de la police des baignades en
interdisant
sine die
l’accès aux plages de sa commune. Le principe de la
liberté
d’accès
est
affirmé
par
l’article
L. 321-9
du
code
de
l’environnement qui dispose que
« L'accès des piétons aux plages est
libre sauf si des motifs justifiés par des raisons de sécurité, de défense
nationale
ou
de
protection
de
l'environnement
nécessitent
des
dispositions particulières. L'usage libre et gratuit par le public constitue
la destination fondamentale des plages au même titre que leur affectation
aux activités de pêche et de cultures marines »
. Ainsi, les concessions de
plages sont-elles limitées au nom de la préservation de
« la libre
circulation sur la plage et le libre usage par le public d'un espace d'une
largeur significative tout le long de la mer »
.
La circulaire n° 86-204 du 19 juin 1986 du ministre de l’intérieur
relative à la surveillance des plages et aux lieux de baignade non payants
définit les conditions d’exercice de la police municipale des baignades.
Les lieux de baignade sont classés en trois catégories :
LA POLICE DES BAIGNADES : UNE LOURDE RESPONSABILITÉ DES
MAIRES
99
0
lieux interdits à la baignade : l’interdiction doit résulter d’un
arrêté municipal motivé ;
0
lieux de baignade « aux risques et périls » des usagers ; un
affichage doit prévenir clairement le public ;
0
lieux de baignade aménagés : le maire doit y pourvoir à la
surveillance par des postes de secours.
La circulaire prévoit notamment qu’en cas de défaillance grave de
l’autorité communale, le préfet se substitue au maire pour définir, par
arrêté porté à la connaissance du public, les dispositions prises pour
assurer la sécurité. Elle définit les conditions d’installation des postes de
secours, d’affichage du règlement des baignades établi par arrêté
municipal, de signalisation et de balisage des zones de baignade. Elle
rappelle les qualifications obligatoirement détenues par les personnels de
surveillance et définit les conditions d’emploi de personnels de police et
de gendarmerie pour assurer de telles missions :
« Les personnels de
police et de gendarmerie affectés pendant la saison estivale à la
surveillance des
baignades aménagées ont comme mission première et
prioritaire cette surveillance et le secours éventuel aux personnes en
difficulté. Il convient de rappeler aux maires qu’ils ne sont pas à leur
disposition pour renforcer les effectifs locaux de police ou de
gendarmerie afin de maintenir l’ordre public pendant la période d’été »
.
II
-
Des enjeux évolutifs
A - L’évolution des enjeux de sécurité civile
1 -
Les risques traditionnels de noyade
La prévention des noyades est le premier objectif de la circulaire
n° 86-204 du 19 juin 1986 du ministère de l’intérieur relative à la
surveillance des plages et aux lieux de baignade non payants, qui
commence par ces mots : «
Comme chaque année, la dernière saison
estivale a été marquée par un nombre de noyades qui, bien qu'en
diminution reste encore trop élevé. S'il paraît évident que la plus grande
partie de ces décès accidentels est due à l’imprudence des baigneurs
eux-mêmes, il me semble cependant que des mesures appropriées, une
meilleure surveillance des plages et lieux de baignade et une
organisation rationnelle de la distribution des secours devraient
permettre une amélioration de la situation ».
En termes de santé publique, il convient de rappeler que la mer est
la première cause de noyade accidentelle en France. L’enquête
100
COUR DES COMPTES
« Noyades »
47
conduite par l’Institut national de veille sanitaire (INVS)
en 2009 a montré que sur les 1 652 noyades accidentelles enregistrées en
France du 1
er
juin au 30 août 2009 (entraînant 669 décès), 52,3 % avaient
lieu dans la bande littorale des 300 mètres qui relève de la police
municipale des baignades (auxquelles s’ajoutent près de 5 % de noyades
au-delà de cette bande, hors compétence directe du maire). Le nombre de
noyades en mer est d’ailleurs en progression constante puisqu’il est passé
de 560 en 2003 à 782 en 2009 et le nombre de décès de 160 à 188.
L’analyse des noyades accidentelles par département en 2009
(
cf.
tableau en annexe) fait ressortir des facteurs déterminants. Les
départements les plus touchés sont ceux dont la dangerosité des eaux est
connue (baïnes, forte houle, dans les départements de la façade
atlantique) ou ceux qui connaissent des pics de fréquentation notable
(Pyrénées-Orientales, Hérault, Alpes-Maritimes, etc.).
Le risque de noyade en mer est spécifique : à la différence des
noyades en plan d’eau, piscine publique ou privée, où les victimes sont
souvent jeunes (l’âge médian des victimes de noyades en piscine privée
est de 5 ans), les personnes qui se noient en mer sont à près de 75 % des
adultes âgés de 25 ans et plus et à 50 % des adultes de plus de 45 ans. Il
ne s’agit donc pas d’un public insusceptible d’avoir conscience des
risques.
La simple baignade en mer tue plus que le cyclisme (162 morts en
2009). En saison, de juin à septembre, on enregistre une moyenne de 6 à 7
noyades accidentelles par jour, avec des pics à plus de 20 par jour. Une
sur quatre est suivie d’un décès.
2 -
Les risques dus aux nouvelles pratiques sportives
A ce risque traditionnel de santé publique, il faut ajouter des
risques dus à de nouvelles pratiques sportives que le pouvoir de police
des baignades du maire doit aussi s’efforcer de prévenir.
D’apparition récente, des activités telles que le surf, le kite-surf et
le jet-ski provoquent des accidents autrefois inconnus et parfois graves,
notamment des traumatismes crâniens (surfeurs blessés par leur propre
surf, collisions entre embarcations légères et baigneurs, etc.).
47
Au sens retenu par l’INVS, « noyade » s’entend comme une «
suffocation due à une
immersion dans l’eau
». Au sens strict, la noyade est suivie du décès, mais l’INVS
retient une définition plus large correspondant au fait de se noyer, qui doit déclencher
l’intervention des secours. Toute noyade, en ce sens, n’est heureusement pas suivie du
décès, même si le bilan reste lourd.
LA POLICE DES BAIGNADES : UNE LOURDE RESPONSABILITÉ DES
MAIRES
101
En 2011, sur les plages de Biarritz, 700 interventions du service
départemental d’incendie et de secours (SDIS) sur 2 000, soit plus d’une
sur trois, concernaient des surfeurs. Dans certaines stations balnéaires, les
conditions favorables à la pratique de certains sports engendrent ainsi des
risques nouveaux. Des sites tels que la plage de Piémenson à Arles,
connue pour être favorable à la pratique du kite-surf, connaît une
fréquentation en forte croissance ainsi que de fréquents accidents graves.
Il en est de même de sites comme les étangs de Leucate ou Gruissan dans
l’Aude.
Ces nouvelles activités sportives et l’usage de nouveaux engins
mécanisés, sur le sable (quads) ou sur l’eau (scooters), engendrent des
conflits de partage de l’espace et de nouveaux risques tant pour les
pratiquants que pour les tiers qui appellent de nouvelles règles que les
maires ne sont pas toujours bien armés, du point de vue juridique, pour
définir.
B - La croissance des besoins de sécurité publique
Les maires, à cause des concentrations de population que leurs
communes connaissent désormais, sont confrontés à un double besoin
d’une acuité croissante : d’une part, celui de faire respecter la
réglementation entourant les usages de la plage et des zones de baignade ;
d’autre part, celui de prévenir et réprimer une « délinquance des sables »
liée à la forte fréquentation touristique.
Sous réserve de l’adaptation des arrêtés municipaux aux nouvelles
pratiques sportives dangereuses, les maires doivent pouvoir les faire
respecter. Or le rappel à la loi et la réaffirmation du cadre de police
administrative vont souvent à l’encontre de comportements dominants
fondés sur une vision de la plage comme espace de liberté et de
relâchement des contraintes habituelles de la vie collective.
S’agissant de la délinquance proprement dite, la concentration de
population,
l’évolution
des
comportements,
les
problèmes
intergénérationnels nés du conflit entre une population générale qui
vieillit et les nouvelles populations qui accèdent aux loisirs estivaux ainsi
que la fréquentation des plages par une population directement issue des
quartiers sensibles grâce aux opérations de transports en commun du type
« TER à 1 euro » au départ des métropoles régionales (comme sur les
plages du nord ou de Normandie) entraînent des phénomènes nouveaux
bien éloignés de l’image familiale des vacances à la plage.
Dans les Bouches-du-Rhône, à Arles, une population nombreuse
(jusqu’à 15 000 personnes) s’installe sur la plage de Piémenson avec des
102
COUR DES COMPTES
tentes et des camping-cars pour la fin de semaine ou la totalité de la
saison
estivale.
Les
faits
de
délinquance
liée
à
l’alcool,
les
comportements d’ivresse sur la voie publique et les problèmes de
circulation (deux-roues) sont fréquents. Ils font aussi partie désormais de
ceux que doit affronter la ville de Bayonne à chacune de ses fêtes
annuelles. A Marseille, où les plages ont la particularité d’être dans la
continuité du centre-ville, la préfecture rapporte le fort émoi suscité par le
viol en pleine journée d’une jeune femme de 17 ans, en août 2011, sur la
plage des Catalans, habituellement fréquentée par les familles du 7
ème
arrondissement.
L’évolution de la fréquentation des plages provoque de nouvelles
nuisances, désormais récurrentes, notamment en dehors des horaires
habituels de surveillance ; ainsi, à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), le
SDIS réalise 26 % de ses interventions sur les plages le jour, en dehors
des heures de surveillance, et même la nuit.
En Gironde, le préfet signale la nécessité de
« faire respecter (…)
l’ordre public sur les plages dont certaines sont fréquentées par des
résidents de quartiers sensibles de la région parisienne »
, tandis que celui
de Loire-Atlantique évoque le fait que
« lorsque la surveillance n’est pas
assurée le terrain est laissé aux petits délinquants, que ce soient les
voleurs (…), les consommateurs de substances illicites voire les dealers,
ou encore les exhibitionnistes »
.
Dans ce contexte, la mission de surveillance des plages dépasse
souvent les capacités des moyens communaux. Elle requiert une
coordination globale entre services et peut paradoxalement susciter chez
les maires un sentiment d’isolement. C’est pourquoi les élus semblent
unanimes à dénoncer le retrait des CRS des plages, alors même que selon
la circulaire du 19 juin 1986 du ministre de l’intérieur précitée «
ils ne
sont pas à leur disposition pour renforcer les effectifs locaux de police ou
de gendarmerie afin de maintenir l’ordre public pendant la période
d’été ».
Le cas d’une commune aussi célèbre que Ramatuelle (Var)
apparaît emblématique de ce dépassement des moyens d’action
communaux. La commune, dont le territoire constitue l’essentiel de la
presqu’île de Saint-Tropez, a un linéaire de plage de 4,5 km et peut
concentrer jusqu’à 30 000 personnes par jour et 500 mouvements de
navires. La présence de 27 établissements de plage, 7 établissements
spécialisés dans les loisirs nautiques et de nombreux vendeurs ambulants
crée une forte pression qui peut dégénérer à tout moment en conflit. Le
plan de balisage, très étoffé, avec 17 chenaux, 3 zones exclusives de
baignade, une zone d’interdiction d’engins motorisés sur 4,5 km, va de
pair avec un important dispositif de surveillance (six postes de secours).
LA POLICE DES BAIGNADES : UNE LOURDE RESPONSABILITÉ DES
MAIRES
103
La présence d’une population internationale, de publics très divers, dans
un environnement naturel, est propice à certaines formes de délinquance
(car-jacking, vols, vente de produits stupéfiants, racolage) qui excèdent
les capacités de la commune.
III
-
Un coût important pour les communes
A - Un coût accru par le désengagement partiel des
CRS
La réduction des effectifs affectés par la DCCRS en renfort
saisonnier sur les plages, s’est accompagnée d’un engagement plus
important des secouristes de la Société nationale de secours en mer
(SNSM) recrutés par les communes.
En fait, de 2002 à 2011, la baisse du nombre MNS CRS a été
compensée par l’accroissement équivalent de celui des nageurs
sauveteurs de la SNSM, comme le montre le tableau suivant.
Déploiement de personnels MNS CRS et nageurs sauveteurs de la
SNSM par année
Années
Nombre de personnels qualifiés
CRS
SNSM
Totaux
2002
722
1 138
1 860
2003
643
1 201
1 744
2004
632
1 210
1 842
2005
634
1 263
1 897
2006
636
1 211
1 847
2007
647
1 304
1 951
2008
605
1 270
1 875
2009
495
1 372
1 867
2010
471
1 418
1 889
2011
471
1 410
1 881
Source : DCCRS, SNSM.
104
COUR DES COMPTES
Pour la SNSM, association loi 1901 reconnue d’utilité publique en
1970, présente toute l’année sur le littoral au titre du sauvetage en mer,
qui reste sa mission principale, cette évolution est coûteuse. Elle finance
en effet 40 à 50 % de la formation des nageurs sauveteurs dont le coût
global s’élève à 1 500 €.
Alors que ces coûts de formation (plus de 3 M€ en 2011 dans un
budget total de plus de 22 M€) sont en nette augmentation, ils ne sont pas
répercutés aux communes qui recrutent les nageurs sauveteurs de gré à
gré. Dépendante à 67,5 % de fonds privés et de la générosité du public, la
SNSM s’inquiète donc de la croissance de ces dépenses de formation. Les
subventions versées par l’Etat (des ministères chargés de l’écologie, de
l’intérieur et de la défense) doivent financer un objet précis. Ainsi la
subvention du ministère de l’écologie, qui est la seule réellement
conséquente (environ 2 M€) doit servir à financer la flotte de la SNSM
qui lui permet de remplir sa mission de sauvetage en mer.
B - Un coût sensible pour certaines communes
La préfecture du Morbihan évalue à 20 000 € annuels la tenue d’un
poste de secours (hors coûts de matériels et immobilier). Cette évaluation
semble cohérente avec la facturation du SDIS des Pyrénées-Atlantiques
aux communes qui lui délèguent la surveillance de leurs plages. En 2011,
pour cinq communes, déployant 11 postes de secours mobilisant au total
90 personnes de juin à septembre, dont 69 en permanence aux mois de
juillet et août, le coût moyen par poste était de 29 000 €, le détail des frais
étant le suivant :
LA POLICE DES BAIGNADES : UNE LOURDE RESPONSABILITÉ DES
MAIRES
105
Facturation de frais de surveillance des plages par le SDIS des
Pyrénées-Atlantiques en 2011
Dépense
Montant (en €)
Personnel (vacations, CDD)
269 070
Habillement
14 155
Gestion
20 484
Formation
16 548
Total
320 257
Coût moyen/poste
29 114
Source : Cour des comptes d’après données communiquées.
Avec un nombre moyen de deux postes de surveillance par
commune, le coût annuel de la surveillance des plages (hors équipement
et immobilier) peut être évalué en moyenne à 50 000 € par commune sur
la base de 25 000 € par poste (moyenne des évaluations ci-dessus pour les
communes du Morbihan et celles des Pyrénées-Atlantiques).
Il semble y avoir toutefois de notables écarts de coûts entre les
communes. En 2010, dans le Finistère, la commune de Fouesnant (9 500
habitants) consacrait un budget de plus de 120 000 € pour cinq postes de
secours dont deux tenus par des CRS. Dans l’Hérault et le Gard, la
moyenne de postes de secours est de six par commune avec des budgets
par conséquent plus importants (150 000 €).
IV
-
Une responsabilité sanctionnée par le juge
La contrainte sur les maires est d’autant plus lourde que le juge
n’hésite pas à sanctionner les communes. Lors d’accidents, il apprécie la
façon dont la commune a rempli sa mission de police et d’organisation
des secours. A l’occasion, même lorsque l’imprudence des victimes est
avérée, il peut prononcer un partage de responsabilité, sur la base d’un
manquement de la commune à ses obligations (Conseil d’Etat,
30 janvier 1980,
Consorts Quiniou
). Même lorsque la commune a rempli
ses obligations de surveillance, les sanctions peuvent être lourdes. Un
jugement du 22 février 2005 de la cour administrative d’appel de
Bordeaux a ainsi condamné la commune de Saint-Julien-en-Born à verser
des indemnités importantes à la veuve et aux enfants d’un homme décédé
106
COUR DES COMPTES
par noyade alors même qu’il se baignait en secteur surveillé sans
commettre d’imprudence, considérant que
la responsabilité de la
commune était engagée du fait de la méconnaissance par les
maîtres-nageurs
employés par elle d’un phénomène hydrologique
particulier dû aux baïnes du littoral.
La responsabilité communale peut aussi se trouver engagée sur des
plages non surveillées. Dans un important arrêt du 13 mai 1983
(
Mme Lefebvre)
, le Conseil d’Etat a rappelé qu’il incombe aux communes
de prendre les mesures nécessaires à une intervention rapide des secours
en cas d’accident, y compris sur les baignades non aménagées faisant
l’objet d’une fréquentation régulière et importante. En l’absence de
moyens d’alerte des services de secours à proximité de tels lieux, la
responsabilité du maire est engagée. Le 3 mars 2008, la Cour
administrative d’appel de Marseille a jugé que la responsabilité de la
commune de Bonifacio était engagée suite au décès d’une femme sur une
telle plage faisant l’objet d’une fréquentation régulière et importante, la
présence d’une cabine téléphonique à proximité immédiate de la plage ne
constituant pas un dispositif suffisant d’organisation des secours.
__________CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
_________
Le cadre réglementaire du pouvoir de police spéciale des
baignades confié au maire obéit aux contraintes habituelles de ses
pouvoirs de police générale : un engagement direct de responsabilité
qu’il lui revient d’assumer, en même temps qu’un principe général de
proportionnalité qui s’impose à toutes ses décisions.
La prévention des noyades en mer reste un objectif important,
eu égard au nombre annuel de décès qui demeure élevé. Par ailleurs,
les accidents sont favorisés par de nouvelles pratiques sportives
(kite-surf, jet-ski, etc.) qui appellent l’adaptation de la réglementation
communale.
Les maires, confrontés à la difficulté de faire respecter les arrêtés
municipaux, doivent aussi affronter l’extension d’une « délinquance des
sables » qui traduit l’exportation de phénomènes urbains vers des lieux
de villégiature. La concentration de population offre en effet un terrain
favorable à l’essor de certains types d’infractions.
A raison de deux postes en moyenne par commune, le coût de
l’armement des postes de secours destinés à la surveillance des plages en
période estivale peut être évalué à environ 50 000 € dans le budget
annuel des communes du littoral. Cependant, celles qui sont exposées à la
LA POLICE DES BAIGNADES : UNE LOURDE RESPONSABILITÉ DES
MAIRES
107
plus forte fréquentation touristique se dotent d’un nombre supérieur de
postes de secours.
La responsabilité des communes peut être sanctionnée par le juge
qui décide parfois d’assez lourdes indemnisations. Par ailleurs, le juge
sanctionne aussi les maires pour leur responsabilité dans des secteurs
non surveillés, même dûment signalisés.
Chapitre II
La participation contestable des CRS à
un dispositif complexe
I
-
La complexité du dispositif de surveillance des
plages
A - De multiples intervenants
Pour exercer leur responsabilité en matière de police des
baignades, les maires doivent affecter dans les postes de secours des
maîtres-nageurs sauveteurs qualifiés. On peut distinguer quatre types
d’intervenants :
0
l’Etat, à travers les CRS : présents depuis l’été 1958, leurs
personnels sont les seuls à avoir la double compétence de
fonctionnaire de police et de maîtres-nageurs sauveteurs; leur
nombre est en réduction ;
ils ne sont présents que dans
99 communes en 2011 et uniquement en juillet et août ;
0
les SDIS, partenaires habituels des communes pour le secours à
personne : ils interviennent dans beaucoup de départements, en
vertu de conventions signées avec les municipalités ; à
Marseille, les marins-pompiers sont engagés dans le dispositif ;
110
COUR DES COMPTES
0
les sociétés de secours en mer : la SNSM, mais aussi d’autres
associations de secours, comme la Fédération française de
sauvetage et de secourisme (FFSS) ou la Croix Blanche, et
aussi, notamment dans certains départements de l’ouest, des
micro-associations de sauvetage, dont l’intervention est parfois
limitée à une commune et auxquelles les maires préfèrent avoir
recours plutôt qu’aux SDIS ou à la SNSM ;
0
les autres intervenants :
maîtres-nageurs
sauveteurs civils
recrutés sous contrat par les mairies ; il s’agit parfois de
policiers municipaux détenteurs des qualifications requises,
mais aussi de policiers ou de réservistes de la police, comme à
Marseille.
B - Des situations variées
Les conditions de surveillance des plages sont variées, car chaque
département a ses propres caractéristiques en termes de catégories
d’intervenants (présence ou non de CRS, convention ou non avec le
SDIS, implantation traditionnelle ou non de la SNSM), aussi bien qu’en
termes de fréquentation ou de configuration côtière.
Le tableau suivant sur la situation prévisionnelle de la saison 2012
a été établi d’après les données fournies par les centres régionaux
opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) combinées,
lorsqu’elles
étaient
incomplètes,
avec
celles,
parfois
lacunaires,
communiquées par les préfectures des départements littoraux. Ces
données restent partielles, car toutes les communes ne communiquent pas
aux CROSS les informations utiles et les préfectures sont d’ailleurs en
général encore moins bien informées que les CROSS.
LA PARTICIPATION CONTESTABLE DES CRS À UN DISPOSITIF
COMPLEXE
111
Déploiement du dispositif de surveillance pour la saison 2012
Département
Nombre de
communes
Nombre de
postes de
secours
CRS
SDIS
Autres
Total sauveteurs
59
5
12
10
39
49
62
15
21
32
134
166
80
7
9
44
44
76
20
27
4
37
20
61
14
28
44
34
10
166
210
50
29
34
73
41
114
35
6
22
11
38
11
60
22
18
29
2
54
91
29
42
47
9
66
66
141
56
22
40
13
34
122
169
44
9
21
22
42
64
85
7
30
34
90
124
17
37
61
204
15
219
33
15
28
59
91
150
40
15
39
92
320
412
64
9
19
26
68
102
196
66
10
40
15
24
78
117
11
5
25
12
58
20
90
34
14
33
24
77
27
128
30
1
6
21
21
13
13
32
4
45
82
131
83
25
91
26
130
125
281
6
14
41
22
85
34
141
20
15
24
14
50
64
Totaux
381
775
465
1 003
1 775
3 243
Source : Cour des comptes d’après données des CROSS et des préfectures.
112
COUR DES COMPTES
On peut estimer que le dispositif de surveillance des plages en
pleine
saison
(juillet-août)
concerne
381
communes
du
littoral
métropolitain qui arment 775 postes de secours. Le nombre de sauveteurs
employés à les garder en pleine saison est prévu pour 3 243 à l’été 2012,
selon les données, partielles, retraitées comme susdit par la Cour, se
répartissant comme suit :
0
31 % de sauveteurs des SDIS
48
;
0
14 % de maîtres-nageurs sauveteurs des CRS ;
0
55 % de sauveteurs « autres », regroupant essentiellement des
sauveteurs civils employés de façon saisonnière, au premier
rang desquels ceux de la SNSM, dont provenaient 1 410
sauveteurs en 2011, présents dans 273 postes.
Les maîtres-nageurs sauveteurs de la SNSM sont majoritaires au
sein de ce troisième groupe même s’ils ne forment pas un effectif
« complet », étant employés sur des contrats de durée différente (un, deux
ou trois mois, voire plus), et s’ils ne sont pas tous nécessairement en poste
au même moment. Le reliquat est composé des sauveteurs militaires des
brigades de sapeurs-pompiers (BMSP) de Marseille et surtout d’employés
communaux, notamment de policiers municipaux, titulaires de brevets de
sauveteurs.
Le nombre de communes couvertes par ce dispositif varie d’une
seule par département (Gard) à 42 (Finistère). C’est pourquoi le nombre
de MNS varie énormément : d’une trentaine (Gard) à plus de 400
(Landes). La moyenne départementale est de 135 MNS et 15,8
communes.
Quelques départements ne font intervenir qu’une seule catégorie de
MNS. Ainsi, les communes de la Somme ne font appel qu’au SDIS
comme la quasi-totalité de celles de Charente-Maritime (61 postes de
secours).
Ailleurs, les intervenants sont multiples, sans qu’il y ait
nécessairement mixité au niveau des postes. De façon assez remarquable,
les SDIS sont absents des dispositifs de surveillance des départements du
nord (59, 62, 80) et de beaucoup de départements de la façade atlantique
(Loire-Atlantique, Vendée, Gironde, Landes). Ils sont en revanche très
présents dans certains départements comme la Charente-Maritime et le
Var.
48
La DGSCGC considère cette proportion inférieure à la réalité. Pour des
raisons de méthode, la Cour n’a pu retenir le pourcentage qu’elle proposait et
a choisi de s’en tenir aux informations des CROSS et des préfectures.
LA PARTICIPATION CONTESTABLE DES CRS À UN DISPOSITIF
COMPLEXE
113
La SNSM est présente dans presque tous les départements. Son
implantation, souvent liée à une tradition ancienne, est la plus forte dans
les départements de l’ouest (Morbihan, Calvados, etc.). Son absence,
toutefois, dans certains départements comme les Pyrénées-Atlantiques
s’explique par une forte tradition de surveillance des plages par des
associations locales, notamment en pays basque.
C - Une gestion souvent complexe pour les communes
1 -
La coordination parfois difficile des différentes catégories
d’intervenants
L’organisation du dispositif est difficile à gérer pour certains
maires, qui doivent compter avec des statuts et des cadres d’emploi
différents. Les contraintes horaires ne sont pas les mêmes : les CRS
peuvent être employés jusqu’à 46 h 48 par semaine, six jours sur sept, au
lieu de 35 heures pour les sauveteurs civils en contrat à durée déterminée.
A Six-Fours-Les-Plages, dans le Var, les CRS assurent la
surveillance à partir de 11 heures 40 et jusqu’à 19 heures 00, mais la
mairie qui ouvre les postes à partir de 9 heures 30 doit disposer de
personnels qualifiés entre 9 heures 30 et 11 heures 40.
Les
maires
doivent
donc
souvent
coordonner
différents
intervenants afin d’assurer la permanence des postes de secours. Cette
coordination se complique parfois en raison de la qualité des relations
entre services. Ainsi, à Nice, il ne semble pas possible de mêler policiers
et pompiers pour la tenue d’un même poste de surveillance et de secours ;
c’est évidemment inefficient en période de réduction d’effectifs : de fait,
cinq MNS CRS se retrouvent ensemble pour armer un seul poste alors
qu’ils pourraient en armer deux.
2 -
Les difficultés de recrutement
Enfin, les communes ont des difficultés pour recruter des
personnels qualifiés.
Le SDIS des Landes, suite à des accidents dans les années 90 et à
la mise en cause judiciaire de ses personnels, s’est désengagé de la
surveillance des plages dans tout le département. Un projet de convention
préparé par le directeur de la sécurité civile sur le sauvetage au-delà des
300 mètres ayant lui aussi été refusé par le SDIS, celui-ci s’est de fait
désengagé de la surveillance du littoral. De même, le SDIS de Gironde
n’intervient pas dans la surveillance des plages. Cette abstention est
d’autant plus regrettable que les plages de ces départements sont
114
COUR DES COMPTES
particulièrement dangereuses. Ailleurs, même lorsqu’ils interviennent,
comme dans les Alpes-Maritimes et l’Aude, les SDIS justifient les limites
de leur engagement par la nécessité de conserver un effectif opérationnel
suffisant pour leurs autres missions, notamment les feux de forêt dans les
départements du pourtour méditerranéen.
Le recrutement de personnels civils est parfois difficile compte
tenu d’une ressource insuffisante en quantité mais aussi en qualité. Ainsi,
selon le préfet du Morbihan :
« le manque de maturité de certains
nageurs sauveteurs, qui leur enlève une part de crédibilité aux yeux du
public, mérite d’être souligné »
. Ce défaut est particulièrement sensible
pour la fonction de chef de poste :
« peu de jeunes diplômés peuvent
remplir ces fonctions qui exigent de l’expérience (trois mois en tant que
nageur sauveteur sur deux saisons) et une certaine maturité (…) Les
personnels [que le SDIS et la DZCRS] affectent sont mieux formés et
mieux aguerris aux techniques de sauvetage en milieu naturel. En
revanche, les jeunes BNSSA qui n’ont été formés qu’en piscine par
d’autres organismes, découvrent vite leurs limites lors de la première
affectation en plage »
.
L’une des raisons du mécontentement unanime des maires à
propos du dispositif de renforts policiers prévu en 2012 du 4 juillet au
26 août portait justement sur la difficulté de recruter des vacataires pour
des périodes de quelques jours.
II
-
Le fondement du renfort saisonnier des CRS
sur les plages
A - Une activité étrangère à leurs missions
1 -
La justification historique
Les premiers maîtres-nageurs sauveteurs des CRS sont apparus sur
les plages en juillet 1958 à la demande des Hospitaliers et sauveteurs
bretons (HSB), l’une des plus anciennes associations de sauvetage en
mer. A l’origine, seuls trois MNS CRS étaient détachés sur les plages de
la Baule et Saint-Nazaire. L’année suivante, la Fédération nationale de
sauvetage emboîta le pas des HSB et demanda elle aussi le renfort de
CRS. Dès 1959, le dispositif prenait forme et l’on comptait alors
150 MNS CRS. Sa généralisation fut ensuite décidée par l’Etat et
accompagna l’essor de la fréquentation des plages.
LA PARTICIPATION CONTESTABLE DES CRS À UN DISPOSITIF
COMPLEXE
115
Au fil des ans, les MNS CRS sont devenus une force sur laquelle
certaines communes se sont habituées à compter pour déployer leur
dispositif de surveillance et de secours. Le pic de ces renforts a été de
722 MNS CRS en 2002, affectés dans 126 communes pour surveiller
152 km de littoral.
L’ampleur de ce dispositif a ensuite été partiellement remise en
cause dans le cadre de la révision générale des politiques publiques qui a
conduit à recentrer les CRS sur leurs missions.
2 -
L’absence de base réglementaire
Aucun texte réglementaire ne confie aux CRS une mission de
surveillance des plages. Le décret n° 2003-952 relatif à l’organisation des
compagnies républicaines de sécurité, reprenant en son article 2 les
termes du décret n° 77-1470 du 28 décembre 1970 (abrogé), dispose que
les CRS peuvent être employées sur tout le territoire, notamment pour
« assumer des missions de surveillance »
. Par ailleurs, elles peuvent
« être appelées à porter assistance aux populations en cas de sinistre
grave ou de calamité publique »
. Ces dispositions de portée générale ne
sauraient suffire à fonder la participation des CRS à la surveillance des
plages qui relève de la police des baignades confiée aux maires par le
CGCT et requiert de la DCCRS la « mise à disposition » de
fonctionnaires dotés de qualifications spécifiques (maîtres-nageurs
sauveteurs).
Seule l’instruction ministérielle du 24 mai 1965 relative à
l’utilisation des compagnies républicaines de sécurité dispose, au titre des
« renforts spécialisés », que
« le Directeur général de la Sûreté nationale
peut, sur proposition des préfets, mettre à la disposition des communes, à
titre temporaire, des Maîtres-Nageurs-Sauveteurs »
. La circulaire du 25
mai 1965 dispose que les compagnies républicaines de sécurité sont
fréquemment employées à remplir certaines tâches spécialisées comme
« d’assurer la surveillance des plages »
. Le cadre d’emploi est quant à lui
défini par l’arrêté du 6 juin 1974 portant règlement des compagnies
républicaines de sécurité, notice sur la technique de police de sécurité des
plages et des plans d’eau.
116
COUR DES COMPTES
B - Une « mise à disposition » avantageuse pour les
communes, mais juridiquement critiquable
1 -
Une double compétence recherchée mais ambiguë
Pour les communes, les personnels des CRS présentent l’avantage,
unanimement salué et recherché, de disposer de la double compétence de
fonctionnaire de police et de maîtres-nageurs sauveteurs, qui leur permet
de faire face à la fois aux problèmes de sécurité civile et de sécurité
publique pouvant survenir sur les plages.
Les personnels des CRS disposent d’une expérience reconnue dans
la surveillance des plages. Ils sont d’ailleurs affectés sur les mêmes
dispositifs estivaux de nombreuses années consécutives. Dans les Landes,
où les plages sont particulièrement dangereuses, leur compétence est très
appréciée. Ainsi, selon une estimation fournie par la préfecture,
l’ancienneté moyenne des personnels des CRS dans cette mission est de
13 ans au lieu de seulement 3 ans pour les maîtres-nageurs sauveteurs
civils. Les personnels des CRS sont aussi appréciés pour leur expérience
de direction d’équipes, acquise dans leurs missions traditionnelles, utile
pour la tenue des postes de secours.
Leur position vis-à-vis des maires reste cependant ambiguë.
L’instruction
ministérielle
du
24
mai
1965
précise
que
« les
maîtres-nageurs sauveteurs sont placés sous l’autorité de leur chef de
détachement dont ils reçoivent leurs instructions et auquel ils rendent
compte. Le chef du détachement relève du maire. Il applique en accord
avec ce dernier les instructions qu’il reçoit de sa hiérarchie ».
Dans le
même esprit, l’arrêté du 6 juin 1974 portant règlement des compagnies
républicaines de sécurité - notice sur la technique de police de sécurité
des plages et des plans d’eau - dispose en son article 12 que les
MNS CRS
« sont mis à la disposition du maire (…). Le chef de plage
relève du maire qui a demandé et obtenu le concours des maîtres-nageurs
sauveteurs (…). Il applique, en accord avec lui, les instructions qu’il
reçoit de sa hiérarchie »
. Ainsi, bien que le maire ne se voie pas
reconnaître d’autorité hiérarchique sur les MNS CRS, ce sont ses arrêtés
que ceux-ci s’appliquent à faire respecter. En même temps leur mise à
disposition est révocable à tout instant par décision ministérielle, et leur
activité reste sous le contrôle hiérarchique de l’autorité zonale.
S’agissant des missions de sécurité publique dont les MNS CRS
sont également investis, leur cadre est à tout le moins incertain, beaucoup
étant d’ailleurs affectés dans des zones où c’est la gendarmerie nationale
qui est compétente en matière de sécurité publique. En vertu de
l’instruction ministérielle du 24 mai 1965, «
dans les communes où la
LA PARTICIPATION CONTESTABLE DES CRS À UN DISPOSITIF
COMPLEXE
117
police est étatisée, le chef de détachement se présentera au chef de
circonscription de Police urbaine qu’il tiendra informé de tout incident
survenu dans l’exercice de sa mission »
(articles 522 à 524). L’article 34
de l’arrêté du 6 juin 1974 enjoint aux MNS CRS, à leur arrivée, d’établir
des contacts avec l’autorité préfectorale, l’autorité municipale, l’autorité
judiciaire, l’autorité des affaires maritimes. L’article 83 précise que le
chef de plage se présente notamment au maire, au chef de circonscription
de police ou à l’OPJ compétent dans les zones de gendarmerie. Il
rencontre
le
commandant
des
sapeurs-pompiers
et
contacte
les
responsables locaux des affaires maritimes et des douanes. Les
instructions prévoient que la liste nominative des MNS CRS détachés est
transmise aux autorités judiciaires compétentes ainsi qu’aux parquets,
pour agir en qualité d’agents de police judiciaire. La situation implique
néanmoins une double ligne hiérarchique, entre l’autorité zonale et
l’autorité de police judiciaire territorialement compétente.
2 -
Un concours de l’Etat aux communes particulièrement
avantageux
Le dispositif est, de fait, une prestation de services rendue par
l’Etat aux communes dans des conditions financières très avantageuses.
La DCCRS finance elle-même la formation de ses personnels aux
diplômes requis
49
. L’Etat rémunère ses effectifs affectés à la surveillance
des plages, qui ne perçoivent d’ailleurs, pour cette mission, aucune prime
ou avantage en nature.
La DCCRS demande aux communes de ne rembourser que les frais
de mission et de déplacement occasionnés. La base de remboursement est
de 15,25 € par repas (coût unitaire forfaitaire) et 33 € par nuitée. Le
défraiement comprend également les frais occasionnés par le transport
aller-retour vers le lieu de mission. Les décomptes des frais avancés par la
DCCRS à ses personnels sont adressés par la direction d’emploi aux
secrétariats généraux pour l’administration de la police (SGAP). Les titres
de perception sont émis par les SGAP, qui les transmettent aux
communes. Le recouvrement est imputé sur le fonds de concours
09.2.2040 rattaché au programme budgétaire 176 –
Police nationale
, les
crédits ouverts en contrepartie de ces recouvrements ne sont pas affectés à
un emploi particulier.
49
Brevet d’Etat d’éducateur sportif des activités de la natation ou Brevet national de
sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA) ; certificat restreint de radiotéléphoniste ;
permis côtier ; diplôme de premier secours en équipe de niveau 2 (PSE2). L’ensemble
de la formation représente 300 heures, soit 10 semaines.
118
COUR DES COMPTES
D’une manière générale, la DCCRS recommande aux communes,
autant que possible, de prendre elles-mêmes à leur charge l’hébergement
et la restauration des MNS CRS, soit par leurs propres moyens, soit par
convention avec des établissements hôteliers ou de restauration de façon à
éviter que l’Etat ne fasse l’avance des frais. Ainsi, les communes peuvent
réduire le montant des sommes à payer à l’Etat.
Par ailleurs, la DCCRS dispose d’une flotte de 90 embarcations
motorisées dont elle assure l’entretien et la maintenance dans son centre
motonautique national de Saint-Herblain (Loire-Atlantique). Elle met ces
moyens motonautiques à la disposition des communes auxquelles elle
facture à la journée les coûts correspondants
50
.
En 2011, les frais occasionnés par les renforts saisonniers de CRS
se sont répartis comme suit :
Répartition des frais occasionnés par les renforts saisonniers des
CRS, hors dépenses de rémunération
Dépenses
Montant (en €)
Habillement
67 295
Frais de mission
1 917 319
Frais de transport
116 688
Divers
909
Total
2 102 210
Source : DCCRS.
La part de ce montant demandée aux communes, soit 2 034 007 €,
correspond aux frais de mission et de transport. Sans préjuger des frais
qu’elles supportent directement, cette participation paraît très avantageuse
au regard des effectifs déployés par l’Etat (471 MNS
CRS dans
99 communes pendant deux mois).
Les dépenses de rémunération annuelle moyenne d’un agent du
corps d’encadrement et d’application étaient prévues pour 57 233 € dans
le projet annuel de performance de la mission Sécurité annexé au projet
de lois de finances pour 2012, y compris cotisations au CAS Pensions.
Les dépenses de rémunérations supportées par l’Etat
pour les
468 MNS CRS affectés pendant deux mois sur les plages est d’environ
50
Exemples de montants 2010 : Zodiac Mark II GR moteur 25 CV :
35 €/jour ; Zodiac mark III GR moteur 40 CV : 39 €/jour.
LA PARTICIPATION CONTESTABLE DES CRS À UN DISPOSITIF
COMPLEXE
119
4,5 M€
51
, sans tenir compte des droits à récupération ou à congés acquis
par ces policiers au cours de ces deux mois de présence intensive.
3 -
Un concours de l’Etat aux communes non prévu par les textes
Ce concours, coûteux pour l’Etat, paraît juridiquement contestable.
La « mise à disposition » par l’Etat auprès de communes de
personnels dont elles ne remboursent pas la rémunération peut
s’interpréter comme une subvention de fonctionnement en nature,
totalement dépourvue de base légale. Les seules subventions de
fonctionnement en deniers aujourd’hui légalement possibles sont celles
prévues par l’article L. 2335-2-1 du CGCT.
Par ailleurs, les bases réglementaires aux remboursements
demandés aux communes font défaut.
Au plan interne, les modalités de remboursement par les
communes des indemnités de déplacement (restauration et hébergement)
et des frais de transport (de la résidence au lieu d’emploi et retour) versés
aux personnels des CRS affectés à la surveillance des plages sont décrits
par la circulaire NOR/INT/C/95/00226/C du 4 août 1995. Une note du
DCCRS du 6 avril 2007 décrit plus précisément le dispositif de
recouvrement. Le régisseur doit être en possession de la lettre
d’engagement du maire avant le début de la mission, les fonctionnaires
devant être informés préalablement de ses conditions d’exécution. Les
montants de remboursement sont calculés conformément aux décrets
n° 2006-781 du 3 juillet 2006 et à l’arrêté du 22 août 2006 qui définissent
les modalités de règlement des frais de déplacements temporaires des
personnels civils de l’Etat, mais ne prévoient nullement la possibilité pour
l’Etat de se les faire rembourser par les communes.
D’une manière générale, la DCCRS invoque les dispositions du
décret n° 97-199 du 5 mars 1997 relatif au remboursement de certaines
dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie. Ces
dispositions s’appliquent aux
« services d’ordre lorsqu’ils ne peuvent être
rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en
matière de sécurité et d’ordre publics »
(article 1
er
). Il n’apparaît pas que
puissent en faire partie la mise à disposition de personnels destinés à
effectuer des missions de surveillance et de sauvetage sur les plages, non
plus que celle des embarcations dédiées à ces missions.
51
57 233 € (données prévisionnelles 2011) x 471 (effectif prévisionnel 2012)
x (2/12) = 4 492 790 €.
120
COUR DES COMPTES
C - Le manque de transparence et l’inégalité de
traitement des communes
1 -
Le non-respect de la procédure du plan saisonnier
L’arrêté précité du 6 juin 1974 prévoyait que le plan saisonnier
était établi à partir du recueil, par la DCCRS, des demandes des maires
transmises par les préfets et assorties de leur avis
52
. La reconduction
d’effectifs réduits, d’année en année, sur des implantations de faible
activité montre que cette procédure n’est plus respectée.
La Cour a constaté que les préfectures étaient inégalement
informées ; de nombreux témoignages attestent une saisine directe de la
DCCRS, voire du ministre ou de son cabinet, par des élus locaux (maires,
présidents de syndicats de communes, présidents de conseils généraux ou
députés). Le rôle de régulation initialement attendu des préfets et des
directions zonales des CRS dans la réponse aux besoins ne joue plus. La
DCCRS tend à devenir un simple prestataire de services pour l’attribution
de moyens saisonniers décidée au niveau ministériel sans critères
objectifs ni transparence.
Certaines implantations sont maintenues, sans justification connue
autre que la seule nécessité supposée de reconduire
a minima
l’existant. Il
est ainsi curieux que trois MNS CRS soient affectés à la surveillance d’un
plan d’eau, comme à Meaux, ou à celle d’une piscine, comme à
La Courneuve. Au demeurant, ces fonctionnaires, dont les statistiques
d’activité ne sont pas connues, sont les seuls à opérer en dehors du
littoral.
2 -
Des niveaux et des types d’activités variables
Les statistiques établies par la DCCRS permettent de connaître le
niveau d’activité des renforts saisonniers dans chaque département littoral
où ils sont présents. Ce décompte comporte une partie « sécurité civile »,
recouvrant le nombre de sauvetages réalisés, le nombre de personnes
sauvées
et
les
aides
apportées
aux
baigneurs,
navigateurs
et
véliplanchistes, et une partie « sécurité publique » sur les avertissements
au
public, les infractions de police générale (administrative), les
52
Art. 15 :
« En fonction des besoins exprimés par les maires et des appréciations des
préfets, compte tenu des suggestions des commandants de groupements régionaux et
des disponibilités en effectifs spécialisés, le service des compagnies républicaines de
sécurité établit un plan estival d’emploi appelé plan saisonnier des maîtres-nageurs
sauveteurs »
.
LA PARTICIPATION CONTESTABLE DES CRS À UN DISPOSITIF
COMPLEXE
121
infractions de droit commun et des infractions de nature diverse
(maritimes, douanières, aéronautiques, etc.)
53
.
En nombre de sauvetages réalisés en 2011, les départements de la
façade atlantique viennent en tête : plus de mille dans les Landes, 451 en
Gironde, près de 400 dans les Pyrénées-Atlantiques. Ce nombre est bien
sûr en partie corrélé à celui de MNS-CRS présents, ces départements
étant parmi les mieux pourvus. Toutefois, dans d’autres départements
parmi les mieux pourvus, l’activité ainsi mesurée est nettement
inférieure : ainsi, dans le Calvados et la Vendée, les 34 MNS CRS
déployés dans chacun de ces département réalisent respectivement 4,3 et
8,5 fois moins de sauvetages que les 26 MNS CRS présents dans les
Pyrénées-Atlantiques.
Au regard des autres indicateurs d’activités de sécurité civile, les
départements sont pareillement classés, avec, en tête, les mêmes
départements de la façade atlantique. Seules les mesures d’aide aux
navigateurs, peu nombreuses au demeurant, semblent obéir à des
circonstances locales particulières.
Le nombre de sauvetage a été inférieur ou égal à 20 en 2011, dans
quinze départements parmi les vingt où des MNS CRS étaient présents ;
dans huit départements, ils ont effectué moins de 10 sauvetages pendant
la saison. L’activité de sécurité civile semble parfois tellement résiduelle
que le maintien de MNS CRS en paraît étrange, comme dans les
Bouches-du-Rhône ou les Côtes d’Armor où ils n’ont effectué aucun
sauvetage en 2011.
Le classement des départements est différent en fonction du niveau
d’activité en matière de sécurité publique. Globalement, si les MNS CRS
réalisent
2
200
sauvetages
dans
l’année,
ils
délivrent
83 000
avertissements et répriment plus de 4 000 infractions diverses.
Au regard du nombre d’avertissements délivrés par les MNS CRS,
des départements comme le Calvados et la Vendée remontent en tête de
classement, juste derrière les Landes. Il en est de même des
Côtes d’Armor (plus de 1 000 avertissements délivrés) où les MNS CRS
ont une faible activité de sécurité civile. Sur la base d’un indicateur global
53
D’une façon générale, le décalage statistique des simples aides avec les sauvetages
effectifs a dû conduire à en écarter l’analyse dans l’appréciation globale de l’activité
de sécurité civile des MNS CRS, par risque de déséquilibre et pour maintenir un
niveau de comparaison objectif. De fait, selon les données fournies, les seules aides
aux baigneurs en 2011 s’élevaient à 15 475 au niveau national, et à 17 452 en
intégrant les aides aux navigateurs et aux véliplanchistes –avec de fortes disparités
locales. Ce total aurait dû être comparé aux actions de sauvetages proprement dites,
qui s’élevaient à 2 215, soit près de 8 fois moins.
122
COUR DES COMPTES
d’activité de sécurité publique (ensemble des actions de sécurité
publique/effectifs), la hiérarchie est bouleversée : tous les départements
de l’ouest et du nord-ouest (44, 76, 22, 35, 29, 56, 85, 14) passent en tête,
suivis par les trois départements du sud-ouest (64, 33, 40) qui n’arrivent
plus qu’en milieu de tableau.
Cette activité de sécurité publique paraît être pour l’essentiel une
activité préventive de police municipale avec la délivrance de nombreux
« avertissements » : près de trois en moyenne par jour et par policier. En
revanche, les constats d’infractions diverses, en moyenne de plus de huit
par mois et par policier au cours des quatre dernières années, n’ont été
que de cinq par mois par policier en 2011. Le directeur général de la
police
nationale
qualifie
d’ailleurs
cette
activité
judiciaire
de
« relativement modeste ».
Quoi qu’il en soit, cette activité ne devrait être que secondaire
selon la circulaire de 1986 sur la surveillance des plages et lieux de
baignade qui dispose explicitement que
« les personnels de police et de
gendarmerie affectés pendant la saison estivale à la surveillance des
baignades aménagées ont comme mission première et prioritaire cette
surveillance et le secours éventuel aux personnes en difficulté. Il convient
de rappeler aux maires qu’ils ne sont pas à leur disposition pour
renforcer les effectifs locaux de police ou de gendarmerie afin de
maintenir l’ordre public lors de la période d’été »
.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
L’organisation par les communes du dispositif de surveillance
des plages est soumise à de fortes contraintes, du fait notamment de la
nécessité de coordonner l’intervention de personnels qualifiés dotés
de statuts d’emploi et d’horaires de travail différents ainsi que de la
difficulté de les recruter.
Quoiqu’il soit dépourvu de base réglementaire, le renfort
saisonnier des MNS CRS pour la surveillance des plages est fortement
recherché par les communes, en raison de leur expérience dans ce
domaine ainsi que de leur double compétence en matière de police des
baignades et de sécurité publique. L’encadrement hiérarchique est
cependant ambigu : les MNS CRS sont des fonctionnaires de l’Etat
placés de facto sous l’autorité des maires quand ils contribuent à la
police des baignades. En revanche, en matière de sécurité publique,
les limites de leur champ d’intervention et les modalités de leurs
relations avec les responsables des services
de police ou de
LA PARTICIPATION CONTESTABLE DES CRS À UN DISPOSITIF
COMPLEXE
123
gendarmerie nationale territorialement compétents sont mal définies.
Questionnée sur ce point, la DCCRS n’a pas fourni toutes les
précisions souhaitées.
Les remboursements par les communes des frais de mission et
de transports correspondants sont dépourvus de base juridique.
La procédure d’élaboration du plan saisonnier prévue par
l’arrêté du 6 juin 1974 ne fonctionne plus, et le choix des communes
bénéficiaires des renforts des CRS pour la surveillance des plages ne
paraît ni rationnel ni transparent. L’affectation hors littoral de six
MNS CRS pour surveiller un plan d’eau dans la commune de Meaux
ainsi qu’une piscine dans celle de la Courneuve paraît exemplaire de
ces dysfonctionnements.
Le DGPN s’est engagé à reconsidérer
l’utilité de ces affectations en 2013.
Dans les départements où les besoins en matière de sauvetage
sont
moins
importants,
les
MNS
CRS
tendent
à
intervenir
principalement en tant que fonctionnaires de police, remplissant
majoritairement des missions de sécurité publique en contradiction
avec les objectifs qui leur avaient été assignés il y a plus de vingt-cinq
ans par le ministre de l’intérieur.
Chapitre III
La vigilance inégale de l’Etat
I
-
L’imbrication des responsabilités du maire et
du représentant de l’Etat
La responsabilité municipale de la police des baignades et de la
surveillance des plages s’exerce en interaction avec celle du préfet
maritime, qui est responsable du sauvetage au-delà de la bande littorale
des 300 mètres, de la police des embarcations à moteur (y compris dans la
zone des 300 mètres) et qui est également coresponsable, avec le maire,
du balisage des zones de baignade et du signalement des chenaux de
navigation. Ces dispositifs font d’ailleurs l’objet d’arrêtés conjoints
(arrêté du 27 mars 1991).
Le balisage des zones de baignade s’effectue en cohérence avec les
zones surveillées sur les plages. Ainsi que le rappelle l’article 54 de
l’arrêté du 6 juin 1974 portant règlement des compagnies républicaines de
sécurité (notice sur la technique de police de sécurité des plages et des
plans d’eau),
« la baignade surveillée se trouve virtuellement délimitée
(…) sur les côtés par une ligne imaginaire passant par les panneaux ou
fanions de limites »
matérialisés sur la plage.
Cette délimitation des zones de surveillance, qui commence sur la
terre pour se poursuivre en mer, met en jeu le contrôle du préfet.
La circulaire n° 86-204 du 19 juin 1986 enjoint aux préfets de
porter attention à la question :
« tout aménagement spécial constitue une
incitation à la baignade imposant par voie de conséquence à la
collectivité locale compétente de mettre en oeuvre les moyens de
surveillance nécessaires à la sécurité du public. Il faut rappeler aux
126
COUR DES COMPTES
maires qu’une baignade une fois classée dans [la catégorie des
emplacements aménagés à usage de baignade] ne peut être déclassée
sans un motif grave qu’il vous appartiendra de contrôler. Vous devrez
éventuellement vous substituer à l’autorité municipale pour faire rouvrir
cette baignade indûment interdite »
.
De fait, au titre de l’article
L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, le préfet détient
un
pouvoir général de substitution vis-à-vis des actes de police
municipale du maire. La loi « littoral » du 3 janvier 1986 a étendu ce
pouvoir de substitution à la police des baignades.
II
-
L’implication des préfectures
A - Un intérêt inégal des préfectures
L’activité de surveillance des plages étant très inégale selon les
départements et leur fréquentation touristique, il n’est pas critiquable que
les préfectures s’y intéressent de manière inégale. De surcroît, il ne s’agit
pas d’une responsabilité de l’Etat mais des maires. Ainsi, dans le Gard où
seule une commune (Le Grau-du-Roi) met en place des postes de secours,
la préfecture se tient seulement informée du dispositif de surveillance des
plages. En revanche, dans les départements où ce dispositif concerne de
nombreuses communes, posant alors des problèmes de coordination des
services de l’Etat (police, gendarmerie) ou du département (SDIS), les
préfectures devraient s’y intéresser de plus près, ce qui n’est pas toujours
le cas.
Assez souvent, leur implication semble se limiter à la transmission
au ministère de l’intérieur, à destination de la DCCRS, des demandes de
renforts saisonniers formulées par les maires, sur lesquelles ils sont
censés émettre un avis.
La préfecture du Pas-de-Calais reconnaît ainsi qu’elle
« ne
coordonne pas directement d’opérations ou d’actions (…). Elle est en
effet rarement informée des moyens humains déployés directement par les
communes »
. Les préfectures de Vendée et des Côtes d’Armor
reconnaissent qu’elles ne coordonnent pas l’action des différents
intervenants et sont simplement tenues informées des dispositifs mis en
place. Quant à la préfecture du Var, elle s’est bornée à transmettre le
questionnaire adressé par la Cour au directeur zonal de la DCCRS et au
maire de Ramatuelle invité de la sorte à répondre à la question :
« La
préfecture est-elle amenée à coordonner l’action des différents
LA VIGILANCE INÉGALE DE L’ETAT
127
intervenants ? Est-elle régulièrement informée des dispositifs mis en
place ? »
54
.
Assez souvent, l’intervention des préfectures se limite à une
réunion au début de la saison estivale avec les élus, comprenant un retour
d’expérience sur la saison précédente, et une réunion de bilan à la fin. Les
services préfectoraux ou les sous-préfets sont parfois appelés à inspecter
les postes en début de saison. Les préfectures sont cependant
fréquemment incapables de préciser le nombre exact de secouristes
employés sur les plages ou même le nombre de postes de secours.
Ces situations contrastent avec les dispositifs mis en place dans des
départements comme le Morbihan, la Haute-Corse, l’Hérault et
a fortiori
les Landes où la maîtrise de la surveillance du littoral est assurée par la
préfecture.
Les préfectures les plus impliquées font intervenir les services des
affaires maritimes intégrés aux directions départementales des territoires
et de la mer (DDTM) et agissent à travers une commission
départementale des baignades. Ainsi, en Haute-Corse, l’efficacité de cette
commission est avérée pour favoriser la responsabilisation des maires.
Dans l’Hérault, à la suite de l’ancien schéma départemental d'analyse et
de couverture du risque (SDACR), la coordination des actions de
surveillance des plages a été confiée au SDIS par arrêté préfectoral de
juin 2011.
D’une manière générale, les relations des préfets avec les préfets
maritimes sont ténues, voire inexistantes.
54
Réponse du maire : « oui ».
128
COUR DES COMPTES
Le dispositif de surveillance des plages dans les Landes
Dans les Landes, la préfecture agit en collaboration avec le syndicat
mixte de gestion des baignades landaises (24 communes littorales ou
lacustres, deux communautés de communes, le syndicat mixte de gestion des
milieux naturels) pour coordonner le dispositif. Un cadre réglementaire
55
a
été élaboré en 2011, qui fait suite aux difficultés rencontrées récemment par
les maires pour réglementer les activités nautiques. Un groupe de travail
réunissant les services de la préfecture et du syndicat mixte a réfléchi aux
solutions juridiques pour réglementer l’usage du domaine public maritime,
vérifier le respect des obligations sociales et fiscales, s’assurer de la sécurité
juridique des actes pris par les élus, etc. Le préfet a écrit aux élus pour leur
soumettre des arrêtés-type de réglementation de la pratique du surf et autres
activités nautiques et les aider à réglementer l’installation d’écoles
d’enseignement nautique sur leurs plages.
Par ailleurs, depuis 2005, la préfecture a formalisé un document
spécifique, l’Ordre particulier de transmission (OPT) avec la direction zonale
des CRS, le SDIS et le SAMU, pour coordonner les secours sur les plages.
L’OPT fixe les règles de traitement des alertes (CODIS), d’intervention et de
mise en oeuvre des moyens (notamment héliportés).
Pour les hélicoptères (hélicoptères légers de la gendarmerie), un
protocole opérationnel a été signé le 25 juillet 2001 entre le préfet maritime,
le préfet de zone et les autorités régionales de la gendarmerie. Dans ce cadre,
la préfecture des Landes met en place chaque année son propre protocole
opérationnel avec
la région de gendarmerie, le commandement de
gendarmerie de la zone de défense sud-ouest, l’agence régionale de santé
(ARS) et les centres hospitaliers de Dax et Mont-de-Marsan, pour l’emploi et
la médicalisation de l’hélicoptère assurant le sauvetage côtier. Les coûts
d’utilisation de l’hélicoptère incombent essentiellement au centre hospitalier
destinataire. Il s’agit d’une mise à disposition « exceptionnelle et payante »,
sauf lorsque le secours intervient pour un sauvetage en mer ou une urgence
vitale avérée.
Toute la côte n’est pas servie (le dispositif va de Mimizan au nord au
Vieux-Boucau au sud) et la disponibilité de l’hélicoptère est assurée sous
réserve de son engagement sur d’autres missions. Cet engagement est
déclenché directement par le poste de secours de plage selon le protocole
opérationnel.
L’information
doit
être
immédiatement
transmise
au
CROSS-Etel qui gère l’intégralité des moyens aériens appelés à intervenir
pour le sauvetage en mer.
55
« Organisation des secours et des liaisons sur les plages surveillées des communes
du littoral landais »,
document (
« applicable dès réception et pour la période
d’activation des postes de secours du littoral »
) signé par le préfet, 26 pages.
LA VIGILANCE INÉGALE DE L’ETAT
129
Avec trois SAMU intervenant, trois bases d’hélicoptères mobilisables
et une coordination de l’ensemble des postes le long du littoral, ce dispositif,
beaucoup plus important que dans d’autres départements, fait l’objet d’une
attention soutenue des services préfectoraux.
B - Des zones qui demeurent sans surveillance
Compte tenu de la configuration du littoral, les maires ne peuvent
parfois assurer pleinement la mission communale de surveillance des
plages.
Dans le département de la Corse-du-Sud, la longueur de la côte,
plus de 1 000 km, rend ainsi impossible la surveillance de tous les lieux
de baignade. Les maires n’y assurent que la surveillance des plages les
plus fréquentées, mais les noyades ont lieu le plus souvent hors des zones
surveillées. En Haute-Corse, on relève selon le préfet
« une grande
distorsion entre la Balagne, relativement bien lotie et le reste du
département. Des zones importantes du littoral, pourtant à fort potentiel
touristique, ne disposent d’aucun poste de secours : Agriate, façade
occidentale du Cap Corse, majeure partie de la plaine orientale »
.
En Charente-Maritime, le préfet déplore que trois communes de
l’Ile-de-Ré ne mettent pas en place de postes de secours malgré la forte
affluence estivale et les incitations répétées de la préfecture. En
Ille-et-Vilaine où, sur les 47 lieux de baignade identifiés, moins de la
moitié (22) ont un poste de secours, ces défauts de surveillance
résulteraient, selon le préfet, d’un problème de coût. A Cancale, on ne
compte qu’une seule baignade surveillée pour sept plages. La situation est
semblable dans la Manche où aucun site de la côte est du département n’a
de poste de secours mais où, selon la préfecture
« une éventuelle création
entraînerait sans doute une dépense difficile à supporter pour les
collectivités »
.
Certaines communes prennent le risque, en contradiction avec la
circulaire de 1986 sur la police des baignades, de ne pas assurer la
surveillance de sites où ont été réalisés des travaux d’aménagements.
Ainsi le préfet d’Ille-et-Vilaine déplore-t-il que
« malgré [ses] fréquents
rappels aux maires afin que ceux-ci assurent la surveillance des zones de
baignade pendant la saison estivale, quelques communes ont choisi de ne
pas armer de dispositif de sécurité et de secours et ont classé leurs plages
en zones « aux risques et périls » alors même que celles-ci sont
fréquentées par plus de dix baigneurs et que des aires de baignade sont
pourvues de blocs sanitaires, de poubelles et de divers dispositifs (tables,
chaises) incitant à la baignade »
. Dans le Pas-de-Calais, on constate une
130
COUR DES COMPTES
situation identique :
« Les zones de baignade surveillée ne couvrent
qu’une infime partie du linéaire. Un grand nombre de plages ne sont pas
surveillées alors qu’elles sont traditionnellement très fréquentées ou que
des structures de loisir et d’hébergement y sont installées »
.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La surveillance des plages qui est de la compétence exclusive
du maire, n’en associe pas moins indirectement le préfet de
département et le préfet maritime au titre des services sollicités et des
arrêtés municipaux qui sont pris. Il paraîtrait souhaitable de mieux
préciser le rôle imparti à chacun.
Les préfectures s’intéressent très inégalement aux dispositifs de
surveillance des plages mises en oeuvre par les communes. Il n’apparaît
pas que l’intégration en 2010 des directions départementales des affaires
maritimes (DDAM) dans les directions départementales des territoires et
de la mer (DDTM), dans le cadre de la RéATE, ait contribué à renforcer
l’information et le suivi exercé par les préfectures.
Le défaut de surveillance de sites de baignade fréquentés, en
raison des aménagements réalisés qui y incitent, soulève des questions
santé publique et de responsabilité qui devraient être traitées. Des
règles plus contraignantes pour les maires ou pour l’Etat seraient
peut-être nécessaires.
Conclusion
La surveillance des plages est l’une des responsabilités des
communes du littoral dont les conséquences budgétaires et juridiques ne
sont pas négligeables du fait d’un fort afflux touristique et de la
diversification des pratiques sportives et de loisirs.
Pour assurer cette surveillance, une partie des communes
concernées reçoit une aide conséquente de l’Etat sous la forme d’une
affectation saisonnière de policiers des compagnies républicaines de
sécurité (CRS).
Ce dispositif est critiquable pour plusieurs raisons.
La police des baignades est une compétence municipale et non
étatique et le concours que l’Etat apporte à certaines communes pour
exercer cette compétence manque de base juridique.
La participation à la police des baignades ne fait pas partie des
missions des CRS qui sont des forces mobiles chargées d’assurer des
missions de maintien de l’ordre et de sécurité publique.
Ces policiers ont des activités non seulement de surveillance et de
secours, mais aussi de police, dans un cadre incertain. Contrairement aux
instructions ministérielles, ces activités de police apparaissent dans
certaines communes prédominantes.
La mise à disposition des communes de maîtres-nageurs
sauveteurs,
rémunérés
par
l’Etat,
constitue
une
subvention
de
fonctionnement qui n’est prévue par aucun texte.
De plus, la sélection des communes ainsi aidées ne répond pas à
des critères objectifs et ne garantit pas le meilleur emploi des moyens
alloués. Quand certaines communes bénéficient de la présence de
fonctionnaires d’Etat pendant la saison estivale, dont elles ne remboursent
qu’une fraction du coût, d’autres, bien que dotées d’un important linéaire
de plages, doivent recruter et payer intégralement des maîtres-nageurs
sauveteurs vacataires.
Enfin, les préfectures s’intéressent inégalement aux dispositifs de
surveillance des plages mis en place par les communes en dépit des
enjeux de sécurité en cause.
132
COUR DES COMPTES
Le dispositif de renforts saisonniers de maîtres-nageurs sauveteurs
des CRS est irrégulier et inéquitable. Il ne saurait être durablement
maintenu.
Quoique très dissemblables par de nombreux aspects quant aux
réalités qu’elles concernent et aux territoires qu’elles affectent, la
question de l’organisation du secours en montagne et celle de la
surveillance des plages à travers le dispositif de renforts saisonniers des
CRS n’en soulèvent pas moins des questions communes, et auxquelles les
décideurs publics ne sauraient rester insensibles dans la période de
contrainte financière que traverse le pays.
L’une et l’autre de ces activités mettent en effet en jeu la
répartition d’un service public entre l’Etat et les collectivités territoriales :
l’organisation du secours en montagne, à travers la revendication
d’activité avancée localement par les SDIS, alors même que des services
d’Etat sont déjà présents ; la surveillance des plages, à travers le soutien
apporté par l’Etat aux communes bénéficiaires des renforts de CRS, dont
il est apparu qu’il n’était ni régulier ni équitable.
S’agissant des renforts saisonniers de CRS, le soutien apporté doit
s’analyser comme une charge indue pour l’Etat dans un domaine relevant
de la responsabilité des communes. S’agissant du secours en montagne,
l’entrée des SDIS dans le dispositif pourrait soulever un problème
identique de charge pour le contribuable local, avec le financement de
services intervenant en doublons de ceux déjà existants.
Par ailleurs, les deux activités soulèvent une question de cohérence
fonctionnelle des services et d’attribution des missions. Pour des raisons
historiques, CRS et gendarmes interviennent en montagne pour une
activité de secours à personne étrangère à leurs missions fondatrices. De
la même manière, les CRS interviennent historiquement depuis
l’après-guerre en qualité de maîtres-nageurs sauveteurs sur les plages
pour une mission de surveillance et de sauvetage éloignée de leurs
missions premières.
La légitimité historique ne doit pas interdire une remise en cause
fondée sur le bon usage des deniers publics, la recherche de l’efficience et
celle de la cohérence fonctionnelle. Dans un contexte de réduction
globale d’effectifs et de moyens, les renforts saisonniers de MNS CRS
prélevés chaque été sur les compagnies de CRS créent une tension pour le
bon accomplissement de la mission première du corps, qui est le maintien
et le rétablissement de l’ordre public. Le double engagement de la police
et de la gendarmerie dans le secours en montagne peut être interrogé de la
même manière, à l’heure où le ministère de l’intérieur doit chercher à
répartir au mieux ses moyens humains. D’une façon plus globale, rien
n’interdit de réfléchir à une répartition plus rationnelle des missions ; les
dispositifs en place appellent en tout état de cause une clarification
juridique.
CONCLUSION GENERALE
135
Les rapprochements que l’on peut ainsi effectuer entre les
problématiques, si différentes au premier abord, de l’organisation du
secours en montagne aussi bien que celle de la surveillance des plages et
des renforts saisonniers de CRS ne doivent en fait rien en hasard. Toutes
deux renvoient à la question de la massification de la fréquentation
touristique dans ces zones de loisirs que sont aujourd’hui la mer et la
montagne. Elles soulèvent toutes deux des questions, certes différentes,
mais parallèles, d’évolution des comportements associée à des effets de
masse : délinquance ici, imprudence là, nouvelles pratiques sportives, etc.
Le décideur est ainsi renvoyé, malgré l’apparence dissemblable des
deux questions, à une même réflexion sur le coût global des activités de
loisirs dans ces deux domaines. Il doit réfléchir à la façon optimale d’en
répercuter les coûts de sécurisation et de secours sur les citoyens, en
croisant choix au niveau des acteurs et des moyens, redéfinition des
périmètres de mission et adaptation des réglementations, rationalisation
de l’organisation fonctionnelle, prévention au niveau des comportements.
ANNEXES
138
Annexe I - Lettre de saisine et lettre de réponse du Premier
président
140
COUR DES COMPTES
Annexe II - Le bilan humain du secours en montagne
Le secours en montagne est une activité très technique et soumise à
de nombreux aléas. Le drame des alpinistes Vincendon et Henry de 1956,
à l’origine du dispositif d’Etat de secours en montagne, l’avait d’ailleurs
montré, avec une phase de secours héliporté tragique où, suite au crash de
l’hélicoptère Sikorski engagé, il avait fallu engager un secours pour
secourir les secouristes.
Les personnels des unités de montagne, passionnés par leur métier,
savent que le tribut à payer peut être lourd. Cet engagement réel ne peut
être sous-estimé lorsqu’il s’agit de demander à ces personnels de faire
évoluer leurs méthodes ou lorsqu’on remet en cause certains dispositifs.
Depuis 1953, les CRS de montagne déplorent 36 morts. Entre 2008
et 2011, deux décès en service sont à déplorer. La moyenne des blessés en
service en période récente est supérieure à 20, ce qui est considérable par
rapport à l’effectif total.
Blessures en service
Année
2008
2009
2010
2011
Nombre d’agents blessés en
service
27
29
27
17
Source : DCCRS.
La DCCRS souligne l’engagement et la disponibilité de ses
personnels, rarement arrêtés ou, quand ils le sont, majoritairement suite à
des blessures subies pendant le service.
Avec 6 nouveaux décès de sauveteurs-secouristes pour la période
2008 à 2011, le nombre de gendarmes décédés pendant des opérations de
secours ou d’entraînement au secours en montagne s’élève à 52. Sur la
même période, les blessures se chiffrent comme les CRS à une vingtaine
par an, en incluant les PGHM, PGM et autres unités de gendarmerie
appelés à intervenir ou à l’entraînement :
ANNEXES
141
Blessures en service
Année
2008
2009
2010
2011
Nombre d’agents blessés en
service
21
(dont
PGHM
14)
20
(dont
PGHM
14)
20
(dont
PGHM
11)
19
(dont
PGHM
15)
Source : DGGN.
Les sapeurs-pompiers ont eu des blessés mais n’ont pas à déplorer
de décès spécifiques au secours en montagne sur la période 2008-2011.
En 2009, trois sapeurs-pompiers sont décédés lors d’un secours en
canyon.
Enfin on ne saurait oublier le tribut payé par les personnels
navigants de la sécurité civile, puisque depuis 1958 on déplore 11 pilotes
et mécaniciens opérateurs de bord décédés au cours d’interventions de
secours en montagne.
142
COUR DES COMPTES
Annexe III - Le coût du dispositif d’Etat de secours en
montagne
1 -
Les dépenses de personnel
Les dépenses sont évaluées sur la base d’un tableau des effectifs au
31 décembre 2011.
Pour la gendarmerie, en tenant compte des rémunérations
moyennes des personnels engagés en fonction des grades, le total des
dépenses de rémunération hors contribution au CAS Pensions s’élevait en
2011 à 11,483 M€. Y compris cette contribution, le coût total peut être
estimé à 24,575 M€.
Pour les CRS, selon la direction des ressources et des compétences
de la police nationale (DRCPN), le total des dépenses de rémunération a
été de 12,365 M€ en 2011.
Aucun des personnels de secours en montagne du dispositif d’Etat
ne recevant de primes spécifiques, le total des dépenses de titre 2 peut
donc être évalué, pour les 502 personnels employés, à 36,643 M€, y
compris contributions aux CAS Pensions.
2 -
Les dépenses autres que de rémunération
a) La gendarmerie
Les dépenses immobilières
Loyers
casernes
Loyers hors
casernes
Total
logements
Total loyers
Loyers/logements
PGHM 04
6931,79
52886,54
15
59818,33
3987,89
PGHM 06
118386,26
12
118386,26
9865,52
PGHM 09
75018,00
38943,78
14
113961,78
8140,13
PGM 15
21244,90
15776,47
6
37021,37
6170,23
PGHM 2B
21124,52
6
21124,52
3520,75
PGM 68
37162,01
45500,03
15
82662,04
5510,80
PGHM 31
39563,60
10667,56
10
50231,16
5023,12
PGHM 74
11473,64
78206,74
11
89680,38
8152,76
PGHM 74
177959,65
38
177959,65
4683,15
PGHM 05
26
0,00
0,00
PGHM 65
53029,26
15
53029,26
3535,28
PGHM 38
313208,63
21
313208,63
14914,70
ANNEXES
143
PGM 39
77216,78
9
77216,78
8579,64
PGM 63
7458,33
10
7458,33
745,83
PGHM 64
43304,31
23678,38
11
66982,69
6089,34
PGHM 66
90160,50
6060,00
11
96220,50
8747,32
PGHM 974
833,22
81434,52
9
82267,74
9140,86
PGHM 73
217048,28
12000,00
16
229048,28
14315,52
PGHM 73
11
0,00
0,00
PGM 88
21609,00
9111,79
7
30720,79
4388,68
TOTAL
820439,88
886558,61
273
1706998,49
6252,74
Source : Cour des comptes d’après données DGGN.
Le ratio loyers/logements fait apparaître des disparités. Les
niveaux atteints en Isère (14 914 €/logement) s’expliquent, selon la
DGGN, par le relogement de personnels de gendarmerie mobile. En
Savoie, le niveau également élevé (14 315 €/logement) découle de la
livraison en 2009 de la nouvelle caserne de Bourg-Saint-Maurice dans le
cadre d’un bail emphytéotique administratif (BEA).
Le coût de l’immobilier domanial est estimé à 589 000 € par la
DGGN
56
.
Les dépenses de fonctionnement
Les charges de fonctionnement sont délicates à isoler, étant
fréquemment partagées avec d’autres unités. La DGGN propose une
évaluation à partir des dépenses moyennes par effectif en région
Rhône-Alpes, soit 620 €/ETP en 2011. Ce poste pourrait alors être évalué
à 198 000 €. Il convient d’ajouter la dotation de fonctionnement des
unités élémentaires versées aux PGHM et PGM, pour un total de
37 000 €.
56
L’immobilier considéré appartient au patrimoine immobilier de l’Etat et n’est pas
amorti. La DGGN, qui effectue les réhabilitations au fur et à mesure des besoins et
des crédits disponibles, propose un amortissement sur 60 ans, ce qui ne correspond
pas à une norme réglementaire et n’est pas réaliste. Si l'on considère les dépenses de
réhabilitation effectuées entre 2008 et 2011, essentiellement sur deux casernes (Corte
et Modane), en appliquant le ratio d’occupation par les PGHM aux dépenses
concernées, le calcul donne : (4077542*17%+6872571*30%) = 2 700 953 €, soit une
moyenne sur 4 ans de 675 238 €. Sur la période 2006-2011, en intégrant une opération
importante menée en 2006 déjà à Modane (8 605 151 €), la moyenne est de
880 416 €/an. De nouveaux travaux ne sont pas prévus dans l’immédiat. La DGGN a
proposé un calcul fondé sur l’estimation du coût moyen de construction et d’entretien
au m² des surfaces occupées par les PGHM-PGM (soit 14 100 m²). Le calcul donne
589 000 €, valeur qui reste proche des ordres de grandeur évoqués et retenue pour le
calcul de coût.
144
COUR DES COMPTES
Les dépenses d’équipement
Les achats de matériels spécifiques au secours en montagne sont
effectués en partie par les directions régionales, qui pourvoient également
aux besoins des groupes montagne gendarmerie (GMG) et des escadrons
de gendarmerie mobile (EGM). Ces dépenses, qui atteignent une
moyenne de 298 903 € par an sur quatre ans, ont progressé de 42 %
depuis 2008.
La hausse des dépenses, inégale selon les régions, a été importante
en Rhône-Alpes (de 87 167 € en 2008 à 125 200 € en 2011) ou en
Midi-Pyrénées (de 30 655 € à 43 500 €).
Les dépenses des seuls PGHM et PGM sont évaluées à 333 000 €
en 2011 (non inclus les achats de matériels de formation). Il convient d’y
ajouter la part représentée par divers marchés passés directement par les
services centraux (détecteurs de victimes d’avalanche en 2010 :
85 000 € ; treuils et brancards hélitreuillables, matériels divers en 2011 :
158 391 €). Ces achats varient selon les années (aucun achat en 2009, par
exemple) ; ils sont donc évalués sur la base d’une moyenne 2008-2011 à
39 000 € annuels. Le coût des tenues des personnels est évalué à
159 000 €.
b) Les compagnies républicaines de sécurité
Les dépenses immobilières
Les dépenses pour l’ensemble des unités de montagne (loyers
budgétaires, loyers, travaux d’aménagement et d’entretien) se sont
élevées à un peu plus de 161 000 € en 2011, en hausse de 51 %
depuis 2008. Elles se répartissent inégalement entre les différentes
implantations. La dépense de la CRS Alpes a atteint à elle seule 132 149
€ (+ 107 % depuis 2008) ; les dépenses des autres unités (CRS 58
Perpignan,
CRS 29 Lannemezan, CRS 06) vont de 5 933 € à 12 120
€. La DCCRS n’ayant pu fournir d’estimation du coût d’amortissement de
son immobilier domanial, un montant de 738 000 € a été retenu,
correspondant à la moyenne annuelle sur quatre des dépenses de
réhabilitation
57
.
57
Au cours de l’année 2010, le site de Briançon a été livré, pour un coût total de
2 953 000 €.
ANNEXES
145
Les dépenses de fonctionnement
Malgré la hausse des dépenses immobilières, les dépenses globales
sont contenues grâce à la maîtrise des dépenses de fonctionnement qui
sont passées de 891 695 € en 2008 à un peu plus de 924 000 € en 2011.
Les dépenses d’équipement
Les achats de matériels ont atteint en 2011 un montant de
391 000 € très supérieur aux années précédentes (environ 39 000 €
annuels), une dotation spécifique de 350 000 € ayant été consentie pour le
renouvellement de l’ensemble des matériels. Sur quatre ans, les achats de
matériel, financés sur le BOP central, se sont élevés à 127 000 € en
moyenne par an.
3 -
Les hélicoptères
En tenant compte des mouvements saisonniers, 24 hélicoptères
appartenant aux services de l’Etat (sécurité civile et gendarmerie) sont
utilisés pour le secours en montagne. La part de ce dernier dans les
missions varie selon que les appareils sont basés en haute montagne
(Haute-Savoie, Savoie, Isère, etc.), en moyenne montagne (Puy-de-Dôme,
Haut-Rhin, etc.), en territoire mixte mer-montagne (Alpes-Maritimes,
Pyrénées-Atlantiques, etc.).
Pour les 12 hélicoptères de la gendarmerie affectés sur des bases
permanentes, le total des heures de vol s’est élevé à 1 913 heures en 2011.
Le coût de l’heure de vol des EC 145, qui sont les principaux appareils
employés, a été évalué à 2 901 €, amortissement compris, hors
contribution au CAS Pensions. En réintégrant cette contribution,
l’estimation du coût horaire complet est de 3 695 €, soit un coût total de
7,068 M€.
La direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crises
(DGSCGC) déploie ses appareils sur 12 bases permanentes et
4 détachements saisonniers. Le total des heures de vol effectuées
au-dessus de 500 mètres s’est élevé à 3 161
heures
58
, sans qu’il soit
possible de distinguer la part prise par le secours en montagne
stricto sensu
. Le coût complet hors amortissement de l’heure de vol étant
58
Les missions en canyon n’ont pas été intégrées.
146
COUR DES COMPTES
évalué à 3 283 €, le coût horaire s’établit à 3 795 € en intégrant
l’amortissement (512 €)
59
, soit un coût total de 11,996 M€.
4 -
Le coût total du dispositif
Ainsi que précisé dans le rapport, l’ensemble des dépenses ici
énumérées s’élèvent à un total de
61 016 000 €
.
Ce calcul n’intègre pas le coût de la formation des personnels ainsi
que le coût de la médicalisation des hélicoptères (personnels médecins et
matériel médical). Ce facteur de sous-évaluation du coût global est en
partie compensé par la surestimation du volume d’heures hélicoptère pris
en compte pour les appareils de la sécurité civile, dont la part exacte
consacrée au strict secours en montagne ne peut être connue.
59
Ce coût est un coût général qui ne prend pas en compte la différence de coût entre
Ecureuil et EC 145, le premier étant moins coûteux que le second. La différence n’a
pas été jugée significative, la DGSCGC ne possédant que 4 Ecureuil, par ailleurs peu
employés, en regard des 35 EC 145 qui assurent aujourd’hui l’essentiel de ses
missions.
ANNEXES
147
Annexe IV - Carte des implantations de PGHM et PGM
Source : CC d’après DGGN.
148
COUR DES COMPTES
Annexe V - Carte des implantations des sections et
détachements de montagne CRS
Source : CC d’après DCCRS.
ANNEXES
149
Annexe VI - Carte des groupes départementaux spécialisés
GRIMP et GMSP
Source : CC d’après DGSCGC.
ANNEXES
150
Annexe VII - Accidentologie « montagne » - 2011
Interventions par domaine
Domaine
montagne
NEIGE-GLACE
Interventions
Alpinisme
d'hiver
Randonnée
à pied/hiver
Cascade de
glace
Randonnée
à ski
Raquettes
Autres
TOTAL
2011
120
236
36
269
129
672
1462
% 2011
8,20 %
16,10%
2,50 %
18,40 %
8,80 %
46,00 %
100,00 %
Variation
2009-2011
23,70 %
5,40 %
44,00 %
7,20 %
- 33,50 %
161,50 %
39,50 %
ANNEXES
151
Domaine
montagne
HORS NEIGE
Interventions
Alpinisme
Escalade,
via ferrata
VTT
Spéléologie
Randonnée
à pied
Parapente,
deltaplane
canyonisme
Autres
TOTAL
2011
782
186
553
16
1987
262
111
298
4195
% 2011
18,60 %
4,40 %
13,20 %
0,40 %
47,40 %
6,20 %
2,60 %
7,10 %
100,00 %
Variation
2009-2011
- 1,00 %
- 0,50 %
76,70 %
33,30 %
- 10,50 %
13,90 %
- 9,00 %
11,60 %
1,30 %
Part des interventions héliportées dans le domaine « montagne »
2009
2010
2011
Personnes secourues
5188
4815
5683
Interventions héliportées
3285
3114
3743
Interventions terrestres
913
1010
1142
Données SNOSM.
152
COUR DES COMPTES
Annexe VIII - L’accidentologie liée au développement de
nouvelles pratiques sportives
A - La randonnée
Première cause d’accidentologie en montagne, la randonnée est
particulièrement
caractéristique
des
évolutions
de
pratiques.
Symptomatique à la fois d’un pays qui vieillit (les randonneurs présentent
une moyenne d’âge sensiblement plus élevée que le moyenne nationale)
mais aussi de la promotion des activités de nature et de la recherche de
liberté que procure l’environnement de montagne, elle représente un
enjeu auquel les secours en montagne doivent s’adapter. Dans son étude
sur l’accidentologie en randonnée pédestre en Pays basque
60
, l’auteur
déplore le manque d’études médicales spécifiquement consacrées à ce
thème, qui constitue pourtant désormais la réalité majoritaire des
interventions de secours en montagne. De fait, les ouvrages de référence
sur la médecine de montagne se consacrent pour l’essentiel aux
pathologies propres à la haute montagne, s’intéressant à des phénomènes
tels que l’hypoxie qui sont totalement absents de la problématique de
secours dans la plupart des massifs en dehors des Alpes.
Selon cette étude, dans plus de deux tiers des cas, le randonneur
accidenté a plus de cinquante ans, ce qui induit une part non négligeable
d’accidents liés à l’effort. L’expérience de la montagne est généralement
médiocre, le niveau d’équipement partiellement inadapté, notamment
chez les enfants. On relève un respect insuffisant des consignes de
sécurité
et
le
manque
de
prise
en
compte
des
informations
météorologiques.
L’accidentologie révèle ainsi la contrepartie de l’impression de
facilité ou d’accessibilité que peut donner la randonnée. Avec tout juste
un peu plus de 200 000 adhérents à la Fédération française de randonnée
pédestre, pour une population de pratiquants totale estimée à quinze
millions de personnes par la direction du tourisme, tous domaines
confondus, la randonnée compte de fait parmi les activités sportives les
moins encadrées, souffrant sans doute de son image de simplicité. La
façon dont les pratiquants s’engagent en montagne comme pour une
simple promenade soulève des enjeux de prévention. En même temps le
sentiment de liberté au sein d’espaces encore sauvages participe du
pouvoir d’attraction de cette activité.
60
Op. cit.
ANNEXES
153
B - Le VTT
Le ministère chargé des sports a mis en place un groupe de
réflexion sur les problèmes posés par le développement du VTT en
montagne : surreprésentation des 15-20 ans parmi les personnes
accidentées, défaut de port de casque entraînant des lésions graves. Le
nombre de blessés (553 en 2011) a quintuplé en dix ans.
L’appréciation du phénomène reste délicate compte tenu de
l’absence de pointage, aux remontées mécaniques, des usagers pratiquant
le VTT : la corrélation entre la croissance de la pratique et le
développement de cette accidentologie spécifique reste donc malaisée. Le
SNOSM s’est vu confier la mission de mener des études pour mieux
circonscrire le phénomène.
Une meilleure compréhension de l’accidentologie liée au VTT
dans le secours en montagne permettrait de faire la part entre simple
augmentation statistiquement liée à une pratique en croissance et
l’existence de conduites à risques contre lesquelles une action de
prévention devrait être menée. L’image de ce sport subit l’effet d’une
communication commerciale mettant volontiers l’accent sur les prouesses
de champions ne portant pas les protections requises.
Au-delà, la question d’une réponse spécifique à cette nouvelle
accidentologie et l’éventuelle mise en place de mécanismes assurantiels
s’en trouveraient éclaircies.
154
COUR DES COMPTES
Annexe IX - Tableau des effectifs spécialisés déployés
Massif
concerné
Départements
montagne
Régime
PGHM-
PGM
CRS
montagne
Pompiers
(SMO2-3)
Total
Alpes
04 ALPES DE
HAUTE-
PROVENCE
Permanence
GN
18
28
46
Alpes
05 HAUTES-
ALPES
Alternance
GN/CRS
24
34
20
78
Alpes
06 ALPES-
MARITIMES
Alternance
GN/CRS
14
21
24
59
Alpes
26 DROME
Département
montagne
22
22
Alpes
38 ISERE
Alternance
GN/CRS
23
31
10
64
Alpes
73 SAVOIE
Alternance
GN/CRS
35
39
30
104
Alpes
74 HAUTE-
SAVOIE
Mixité
GN/Pompiers
57
48
105
Alpes
83 VAR
Département
montagne
10
10
Central
15 CANTAL
Permanence
GN
11
0
11
Central
43 HAUTE-
LOIRE
Département
montagne
12
12
Central
63 PUY-DE-
DOME
Mixité
GN/Pompiers
13
3
16
Corse
2A CORSE DU
SUD
Mixité
GN/Pompiers
21
21
Corse
2B HAUTE-
CORSE
Alternance
GN/Pompiers
12
19
31
Jurassien
39 JURA
Mixité
GN/Pompiers
10
4
14
Outre-mer
974 LA
REUNION
Permanence
GN
13
13
Pyrénées
09 ARIEGE
Permanence
GN
17
22
39
Pyrénées
31 HAUTE-
GARONNE
Alternance
GN/CRS
11
8
19
Pyrénées
34 HERAULT
14
14
Pyrénées
64 PYRENEE-
ATLANTIQUES
Mixité
Alternance
GN/Pompiers
14
21
35
Pyrénées
65 HAUTES-
PYRENEES
Alternance
GN/CRS
15
36
0
51
Pyrénées
66 PYRENEES-
ORIENTALES
Alternance
GN/CRS
12
19
8
39
Vosgien
68 HAUT-RHIN
Mixité
GN/Pompiers
11
11
ANNEXES
155
Massif
concerné
Départements
montagne
Régime
PGHM-
PGM
CRS
montagne
Pompiers
(SMO2-3)
Total
Vosgien
88 VOSGES
Mixité
GN/Pompiers
12
6
18
TOTAL
322
180
330
832
Source : Cour des comptes d’après DGGN et DCCRS.
156
COUR DES COMPTES
Annexe X – La situation en Haute-Savoie
Le département est le lieu de naissance du secours en montagne
français. La présence du massif du Mont-Blanc, qui couvre l’Est du
territoire, explique cette situation. Le département comporte en outre de
nombreux massifs de haute et de moyenne montagne, avec une forte
implantation touristique.
A - Les moyens, l’organisation et l’activité
1-
Les moyens
Le PGHM dispose de 57 personnes (43 à Chamonix, 14 à Annecy),
dont 48 secouristes, 33 guides de haute montagne ou aspirants guides
(58 %), et trois maîtres chien d’avalanche.
Le groupe de secours en montagne des sapeurs-pompiers (GMSP)
du SDIS dispose de 112 équipiers de première intervention EPIM et de
43 équipiers, chefs d’unité et conseillers techniques dans les quatre
centres supports, Epagny (Annecy), Chamonix, Bonneville et Evian.
Dans ces effectifs figurent 9 guides de haute montagne et trois aspirants.
Le SDIS emploie par ailleurs 11 médecins pour les permanences
opérationnelles. Tous sont volontaires, à l’exception du médecin-chef.
Il faut relever aussi la présence de l’Association des sociétés de
secours en montagne, qui fédère au niveau départemental l’action des
sociétés de secours en montagne locales.
Trois hélicoptères (deux sécurité civile, un gendarmerie) sont basés
dans le département.
2- L’organisation
Au titre du secours en montagne n’interviennent que le SDIS
(GMSP) et la gendarmerie (PGHM de Chamonix et Annecy). Les trois
composantes du secours en montagne n’en sont pas moins présentes dans
le département, puisque les CRS disposent à Chamonix de leur école de
formation, le CNEAS.
Pour les hélicoptères, le département est découpé en trois zones,
selon une ligne nord-sud découpant deux moitiés est et ouest, et en isolant
le massif du Mont-Blanc au sud de la partie est. Le dispositif héliporté
obéit à ce zonage en fonction des semaines paires ou impaires.
ANNEXES
157
L’hélicoptère de la gendarmerie nationale est basé à Chamonix ; il
couvre en semaine impaire le massif du Mont-Blanc et en semaine paire
l’est du département (hors Mont-Blanc). Un hélicoptère de la sécurité
civile est basé à Annecy en semaine impaire (pour couvrir le reste du
département hors Mont-Blanc) et à Chamonix en semaine paire pour
couvrir le massif du Mont-Blanc. Un deuxième hélicoptère de la sécurité
civile est à Annecy en semaine paire pour couvrir l’ouest du département.
Il n’y a pas de prise en compte de la saisonnalité de l’activité, hormis le
mois de février où les trois hélicoptères sont présents en permanence
(selon le schéma de semaine paire).
Le personnel pompier de garde en semaine paire à la DZ des Bois
de Chamonix, au pied du massif du Mont-Blanc, n’intervient que pour
assurer les secours en partie est du département, et jamais lorsque l’alerte
concerne le massif, ce qui génère des tensions.
La médicalisation des interventions héliportées est assurée à
Annecy
par
une
garde
alternée
SAMU Annecy-SDIS
en
pied
d’hélicoptère pour la haute saison (été, hiver). Le matériel embarqué est
celui du SDIS. En intersaison, c’est le SAMU de l’hôpital qui assure la
médicalisation. Le matériel embarqué est celui du SAMU. A Chamonix,
la médicalisation est assurée par le SMUR Hôpitaux du Pays du
Mont-Blanc (en pied d’hélicoptère le jour en haute saison, en astreinte la
nuit et en intersaison). Le matériel est mis à disposition par la
Chamoniarde, association de secours en montagne.
3- L’activité
Le département est le plus actif de France dans le secours en
montagne. A titre d’exemple, le PGHM de Chamonix a la plus forte
activité de France, Annecy se classant deuxième à égalité avec le PGHM
de Bourg-Saint-Maurice en Savoie (le 3
e
PGHM en termes d’activité
étant hors métropole à La Réunion).
Le PGHM a effectué, en 2011, 1 059 interventions à Chamonix et
500 à Annecy. Le SDIS a effectué 500 interventions en 2011.
B - Les problèmes
1-
La redondance de certains équipements
Les permanences de médecins en pied d’hélicoptère tiennent
compte de la saisonnalité, ce qui semble justifié (en haute saison on
compte, par exemple, 4,5 interventions médicalisées/jour en moyenne au
départ d’Annecy, contre 0,5/jour en intersaison).
158
COUR DES COMPTES
L’alternance saisonnière conduit à avoir deux jeux de matériel
pour les hélicoptères de la sécurité civile basés à Annecy, ce qui soulève
des interrogations : concrètement chaque service (SAMU-SDIS) détient
son matériel, qui ne sert que 6 mois sur 12.
Enfin le dispositif conduit à réinterroger la pertinence du régime
d’alternance en termes de facturation pour le patient, puisque les
interventions réalisées avec le médecin SAMU conduisent à une
facturation régulière par le centre hospitalier (régime de sécurité sociale),
tandis que les interventions réalisées avec le médecin du SDIS échappent
à cette facturation.
2-
La régulation des alertes
Une plate-forme commune 15-18-112 vient d’être mise en place au
Meythet près d’Annecy. Située dans les locaux du SDIS, elle est partagée
avec les personnels du SAMU, qui verse un loyer au SDIS pour cette
occupation.
La régulation à réception des appels est effectuée par un groupe
d’opérateurs comprenant à parité personnels du SDIS et du SAMU. Le
logiciel de gestion des appels, qui a été conçu en commun par les deux
services, permet à ce premier groupe d’opérateurs de rediriger l’alerte
vers les groupes d’opérateurs de deuxième
niveau, qui relèvent
respectivement du SDIS ou du SAMU.
L’organisation permet de suivre en temps réel les appels reçus, leur
gestion, ainsi que les moyens engagés. Les alertes qui auraient été
dirigées par erreur vers le pôle SDIS ou le pôle SAMU peuvent être
rebasculées.
On
peut
regretter
que
cette
régulation,
qui
répond
aux
préconisations de la Cour dans son récent rapport sur les SDIS, reste
inopérante dans le domaine du secours en montagne. Du fait du
découpage départemental qui accorde l’exclusivité des interventions sur
le massif du Mont-Blanc au PGHM, les appels concernant le secours en
montagne suivent plusieurs voies distinctes :
0
Les appels concernant un secours en montagne hors massif du
Mont-Blanc restent régulés par le CTA-CODIS du Meythet, qui
peut suivre l’intervention et l’engagement des moyens,
notamment les hélicoptères affectés au département hors
massif ;
0
Les appels concernant un secours dans le massif du Mont-Blanc
sont rebasculés vers le PGHM de Chamonix, qui traite
exclusivement l’alerte. Le CTA-CODIS n’a plus de suivi direct
ANNEXES
159
de
la
régulation
des
interventions,
et
notamment
de
l’engagement de l’hélicoptère de massif, dont il n’est informé
que par téléphone.
Il est à noter enfin que, malgré la circulaire du 6 juin 2011 qui
préconise la généralisation du 112 pour les appels de secours, y compris
de montagne, le numéro à 10 chiffres du PGHM reste largement utilisé
sur le massif du Mont-Blanc, pour des raisons notamment historiques. Il
va de soi que ces appels, qui parviennent directement au PGHM,
échappent à toute régulation du CTA.
Les gendarmes dénoncent l’absence de véritable spécialiste de la
montagne parmi les opérateurs d’alerte du CTA du Meythet. Ils
souhaiteraient une mise en conférence à 3 (SDIS-SAMU-PGHM) au
niveau du CTA, mais avec une prise en main opérationnelle par le PGHM
dès lors que l’alerte serait identifiée comme relevant d’un secours en
montagne sur le massif. Ils défendent par ailleurs la nécessité pour le
PGHM d’opérer cette régulation depuis Chamonix, et rejettent l’idée de
détacher un opérateur du PGHM au Meythet : la gendarmerie ne pouvant
renoncer à un opérateur d’alerte à Chamonix, seul à même d’apprécier
finement les situations très évolutives dans le contexte du massif, cela
conduirait à doubler les moyens en personnels pour gérer les alertes.
3-
Le plan de secours départemental
Il peut être considéré en lui-même comme problématique. La
première
question
soulevée
est
celle
de
l’alternance
semaine
paire/impaire de la couverture héliportée, qui conduit à soulever la
question du surdimensionnement
ou du sous-dimensionnement du
dispositif. Cette alternance à deux ou trois hélicoptères selon les
semaines, sans prise en compte de la saisonnalité, peine à trouver une
justification. L’argument de la nécessité pour les pilotes de la sécurité
civile de pouvoir s’entraîner sur le massif du Mont-Blanc ne tient pas,
puisque, pour ce faire, il suffirait d’alterner deux hélicoptères et non
trois ; cela supposerait,
cependant,
qu’en semaine de garde de
l’hélicoptère de la sécurité civile au pied du massif, l’hélicoptère de
gendarmerie aille effectuer une rotation à Annecy, ce dont la gendarmerie
ne veut manifestement pas.
L’autre difficulté naît à la fois de l’exclusivité reconnue à la
gendarmerie pour les interventions sur le massif du Mont-Blanc –
exclusivité entérinée par la circulaire du 6 juin 2011 - et du régime de
mixité gendarmerie-pompiers dans les autres interventions. Le dispositif
de mixité, en place depuis 1993, ne peut que générer des frustrations et un
mauvais climat entre services. Les pompiers de garde, qui montent dans
160
COUR DES COMPTES
l’hélicoptère avec
les gendarmes pour les
interventions sur le
département, doivent descendre dès que l’intervention a lieu dans le
massif du Mont-Blanc. Ces rotations sont dénoncées par le SDIS, pour
qui elles retardent les interventions au détriment de la victime. Les
gendarmes réclament l’abandon du système de mixité et le passage à un
système d’alternance, tout en conservant l’exclusivité sur le massif du
Mont-Blanc. Le SDIS soutient que le passage à l’alternance s’avérerait
plus coûteux que le maintien de la mixité.
ANNEXES
161
Annexe XI – La situation dans les Alpes-Maritimes
Les Alpes-Maritimes sont un département qui comporte une
problématique très particulière de secours, avec une activité littorale et
une activité de montagne, dans un contexte de forte fréquentation
touristique : le département, qui compte plus d’un million de personnes
résidentes en temps ordinaire, accueille près de 250 000 personnes au
mois d’août. L’activité de montagne occupe essentiellement le nord du
département, dans le parc du Mercantour, où les sommets les plus élevés
dépassent 2 500 mètres, voire 3 000 (Gélas). Le département compte une
dizaine de stations de ski, la plus connue étant Isola 2000. Plus au sud, on
trouve encore des reliefs escarpés et des parois où l’alpinisme est
pratiqué, mais aussi des secteurs réputés pour l’activité de canyoning,
comme le secteur des gorges du Loup.
A - Les moyens, l’organisation et l’activité
1-
Les moyens
Le
PGHM,
basé
à
Saint-Sauveur-sur-Tinée,
compte
onze
personnels, tous secouristes (deux BCOES, trois SEOM) ; trois sont
guides de haute montagne, un aspirant guide. En soutien, le GMG
comprend 35 militaires (34 détenteurs du CEM, commandés par un
militaire détenteur du BCOES).
Les
CRS
sont
localisés
en
présence
permanente
à
Saint-Martin-Vésubie, avec deux localisations temporaires à Isola 2000
l’hiver et Tende l’été. Ils disposent de 20 personnels, dont quatre sont
guides ou aspirants guides de haute montagne.
Le SDIS dispose de 24 personnes formés SMO (treize SMO3, onze
SMO2). Ils sont intégrés au groupe milieu périlleux et sont répartis dans
les centres de secours principaux pour permettre une mobilisation rapide
en cas de besoin.
2- L’organisation
Le secours en montagne date du 23 janvier 1998. Le régime défini
dans le département est un régime d’alternance entre gendarmerie et CRS.
Le SDIS n’intervient qu’en renfort éventuel. La révision du plan de
secours avec un passage à un système d’alternance à trois associant le
SDIS alimente des tensions entre services. Les services assurent une
162
COUR DES COMPTES
garde en pied d’hélicoptère. Ils interviennent également de façon terrestre
depuis leurs implantations dans le massif.
Le traitement des alertes n’est pas encore totalement centralisé et il
n’y a pas de plate-forme commune 15-18. La réception des appels au 18
se fait encore par l’intermédiaire de deux centraux différents qui
retransmettent ensuite l’alerte au CODIS. Le SAMU n’est pas encore
intégré au CODIS, la synchronisation des logiciels de traitement des
alertes est en cours de mise en place.
L’identification des appels comme relevant du secours en
montagne se fait essentiellement par le biais de la géolocalisation de
l’appel et à travers les informations fournies par le requérant. Les CRS
ont proposé de détacher un fonctionnaire d’alerte pour aider à la
régulation de ces appels, mais ce dispositif n’est pas en place. Les
gendarmes s’y refusent en arguant des doublons fonctionnels que cela
entraînerait.
L’hélicoptère d’intervention est le Dragon 06 basé à Cannes. Il est
médicalisé de façon systématique par le SDIS 06. La sécurité civile a
expérimenté depuis peu le détachement d’un hélicoptère sur la base du
Luc dans le Var ; à la suite de la fin de cette expérimentation, un
deuxième hélicoptère pourrait être basé à Cannes. En cas d’indisponibilité
de Dragon 06, l’hélicoptère de gendarmerie de Digne est sollicité.
3- L’activité
En 2011, les services affichaient des volumes d’intervention
d’ordre de grandeur comparable (130 pour le PGHM - en baisse -, 189
pour les CRS). Ce chiffrage paraît cohérent avec les déclarations du chef
de base hélicoptère, selon qui chaque binôme de secouriste effectue de
22 à 23 secours par an, soit un total de 330 à 345 secours. En période de
pic, le maximum d’intervention enregistré par le PGHM sur 24 heures est
de cinq.
Il faut noter qu’il existe un plan de secours canyon spécifique au
département, qui associe normalement PGHM, CRS et sapeurs-pompiers.
Ce plan distingue deux niveaux d’alerte ; le premier niveau d’alerte est
souvent dépassé, entraînant l’engagement de l’équipe spécialisée du
SDIS.
ANNEXES
163
B - Les problèmes
1-
L’ajustement des effectifs au niveau d’activité et l’alternance
à 3
Avec un total d’environ 350 interventions par an, des pics estivaux
à 4-5 interventions dans la journée, le volume d’activité reste moyen.
Avec le problème de l’activité se pose la question du maintien en
qualification. Le chef de la base hélicoptère de Cannes a présenté une
simulation censée illustrer la possibilité d’une alternance à trois services :
en descendant le groupe sapeurs-pompiers à 15 personnels qualifiés (et
non 24, comme présentement) et en conservant les effectifs actuels de
gendarmes et de CRS, on arriverait à un rythme de 15 à 16 alertes
annuelles par binôme secouriste, ce qui paraît faible. Pour retrouver un
niveau d’activité comparable au niveau actuel (22-23 alertes/an), il
faudrait réduire l’effectif total à 35, ce qui suppose une réduction et du
groupe sapeurs-pompiers, et des CRS et des gendarmes. La question du
sens d’un maintien de trois services à une dizaine de personnels chacun,
effectuant la même activité, mériterait alors d’être posée, sans compter
qu’il n’est pas garanti que ces services ainsi réduits seraient à même
d’effectuer les gardes saisonnières que, dans les cas des CRS, ils assurent
actuellement.
En sens inverse, le commandant du groupement de gendarmerie a
présenté une simulation selon laquelle, en étoffant le PGHM de seulement
8 personnels (passage à vingt agents), la gendarmerie serait selon lui à
même de reprendre l’intégralité de la mission de secours en montagne du
département, en absorbant les pics d’interventions, tout en respectant les
contraintes réglementaires de droits à permission et à repos, et sans
solliciter le GMG. Le dispositif ainsi projeté ressemblerait alors à celui
des Alpes-de-Haute-Provence (PGHM de Jausiers) ou de l’Ariège
(PGHM de Savignac-les-Ormeaux), où la permanence de secours en
montagne est assurée exclusivement par la gendarmerie, dans un contexte
d’activité comparable.
La réalité est que le niveau d’activité paraît trop limité pour
justifier la présence de trois services spécialisés. La démarche entreprise
par la préfecture, qui s’est pourtant donné cet objectif dans le cadre de la
révision du plan de secours en montagne, apparaît difficile. A partir de la
définition de la circulaire « Kihl », la préfecture a en effet entrepris un
travail de redéfinition de la notion de secours en montagne, de façon à
proposer une définition qui satisfasse tous les services. Des interventions
« classiques » pourraient ainsi être requalifiées en secours en montagne.
164
COUR DES COMPTES
La démarche ne semble pas convaincre les acteurs, tant gendarmes et
CRS - qui dénoncent une banalisation de la notion -, que pompiers.
2-
La régulation des alertes
Le circuit de traitement des alertes souffre d’un défaut de
centralisation, puisque même au sein du CODIS il résulte de la remontée
d’un premier travail de recueil au sein de deux centres d’alertes distincts.
L’utilisation de la géolocalisation par le CODIS pour identifier les alertes
« montagne » est contestée, au motif que l’imprécision de ces données
fausse toute interprétation du contexte exact d’intervention. D’une
manière générale, le CODIS est accusé de ne pas répercuter les alertes
montagne de façon toujours fiable, et de chercher à privilégier
l’engagement de moyens SDIS en primo-intervention, alors que le plan de
secours ne le prévoit qu’en renfort. Les CRS ont demandé à pouvoir
déployer un effectif au CODIS, de façon à contribuer à la régulation des
alertes. Les gendarmes s’y refusent (coût d’effectif).
L’absence d’interconnexion 15-18 perturbe le suivi des moyens
engagés. Le SAMU, qui ne médicalise pas l’hélicoptère de Cannes, se
plaint ainsi de n’être systématiquement avisé de l’engagement de moyens,
dans le cas des secours en montagne, qu’
ex post
.
Le CODIS déplore de la même manière que les COS CRS et
gendarmes puissent engager l’hélicoptère de gendarmerie de Digne de
leur propre autorité et ne l’en aviser qu’après.
3-
Les tensions inter-services et la révision du plan de secours
La volonté nettement exprimée par le SDIS d’entrer dans le
secours en montagne contribue au climat parfois tendu entre les services.
Chacun apporte des exemples ou des « rapports d’incidents » mettant en
cause l’autre : utilisation de moyens inappropriés pour un secours en
montagne
61
, services doublés en voiture sur l’autoroute par les équipes du
service concurrent
62
, etc.
La situation apparaît dommageable et nuit à une entente nécessaire
bien au-delà du simple secours en montagne. Les pompiers sont accusés
de partir en procédure-réflexe de façon trop systématique, sur des
opérations relevant du secours en montagne. La gendarmerie évoque ainsi
une cinquantaine de cas de doublons par an. Les cas de régulation
61
Utilisation d’un hélicoptère bombardier d’eau, cas cité en première partie de ce
rapport.
62
Cas d’un secours sur la commune de La Turbie, 22 janvier 2011.
ANNEXES
165
litigieuse de l’alerte sont analysés comme une volonté de s’imposer dans
le secours en montagne en violation du plan de secours. De fait, le SDIS
développe une conception du premier secours qui le conduit à défendre la
primo-intervention en parallèle de l’alerte aux secours de permanence,
suscitant sans doute les phénomènes de doublons dénoncés
63
.
De leur côté, les pompiers dénoncent la volonté des services CRS
et gendarmes de s’approprier tous les secours en zone de montagne, y
compris ceux accessibles par voie carrossable et n’exigeant pas de
compétences « montagne » particulières
64
. De façon plus générale, ils
dénoncent un contexte d’ensemble où ils estiment être traités comme de
simples supplétifs des autres services. Les gendarmes confirment que le
SDIS propose très systématiquement ses propres moyens en renfort des
opérations de secours en montagne.
Dans le domaine des interventions en canyon, les CRS et le PGHM
se plaignent que l’équipe spécialisée canyon du SDIS soit quasi-
systématiquement engagée, ainsi que le plan de secours le prévoit dès
qu’est dépassé le premier niveau d’alerte. Les gendarmes notamment
s’étonnent de n’être jamais engagés par le CODIS sur la zone des gorges
du Loup, alors même qu’ils ont compétence judiciaire exclusive et que
l’accidentalité est forte sur cette zone. Le SDIS soutient que la majorité
des alertes se font en niveau 1.
63
Le président du SDIS présente ainsi la position de son service dans sa réponse à la
Cour :
« Le plan de secours en montagne actuel prévoit que dès qu’un organisme
(sapeurs-pompiers, membres de la société de secours en montagne) a connaissance
d’un accident en montagne, il doit immédiatement et sans délai diffuser l’alerte et
procéder aux premiers secours dans la limite de ses compétences en attendant
l’arrivée du secours en montagne. Dans ce cadre, le SDIS, dès qu’il a connaissance
d’un accident et qu’il possède des moyens susceptibles de porter les premiers secours
(délais d’intervention plus rapides dans l’intérêt de la victime) engage ses moyens »
.
64
Cas d’un secours de personne s’étant blessée avec son engin de motoculture, à
quelques centaines de mètres de la route, en site accessible, dans le village de
Roquebillière, et qui selon le SDIS était de sa compétence.
166
COUR DES COMPTES
Annexe XII – La situation en Isère
L’Isère est un département dont les zones de montagne sont assez
précisément délimitées sur six massifs, la Chartreuse, le Vercors,
Taillefer, Belledonne, les Grandes Rousses et l’Oisans. 25 stations de ski
alpin et 14 de ski de fond y sont implantées et sont très fréquentées. Le
département est, en outre, bien placé pour les activités estivales de
randonnées en moyenne montagne et de haute montagne, en particulier en
Oisans.
Les accidents de montagne ont d’importantes conséquences
humaines : sur les trois dernières années, entre 30 et 45 décédés chaque
année, et entre 300 et 450 blessés.
A - Les moyens, l’organisation et l’activité
1-
Les moyens
Le PGHM dispose de 24 personnes (20 secouristes dont 11 guides
de haute montagne, un secrétaire, trois gendarmes adjoint volontaires).
Les CRS ont un effectif de 32 personnes, dont huit guides de haute
montagne.
Les matériels des deux unités sont pour partie achetés de manière
mutualisée par l’association Solidarité dauphinoise pour le secours en
montagne (SDSM). Celle-ci regroupe des membres passés et présents du
secours en montagne. Elle peut recevoir des dons déductibles des impôts
et est financée en outre par le conseil général de l’Isère.
Le SDIS dispose d’un groupe d’intervention en milieu périlleux
(GRIMP) de 43 personnes, dont trois sapeurs-pompiers volontaires guides
de haute montagne. Parmi cet effectif, 10 sont titulaires d’une
qualification montagne (SMO 2 et 3) et 23 sont formés à l’hélitreuillage.
Les médecins disponibles pour la médicalisation des interventions
sont soit ceux du SMUR de Grenoble (20 médecins formés pour la
montagne) soit ceux de l’association nationale des médecins et sauveteurs
en montagne, qui a passé une convention avec le CHU. Trois dotations
médicales
montagne
sont
disponibles
en
permanence
pour
les
interventions.
Le département bénéficie de deux hélicoptères de la sécurité civile
basés sur la base du Versoud près de Grenoble (6 équipages de deux
personnes). Un des deux est six mois par an (saison estivale et hivernale)
basé à l’altiport d’Huez. Le SAMU dispose de son côté d’un hélicoptère,
ANNEXES
167
mais qui n’intervient que de manière exceptionnelle pour le secours en
montagne et est plutôt affecté au transport secondaire.
2- L’organisation
Le plan de secours en montagne qui datait de 2005 vient d’être
réformé par l’adoption du nouveau plan au 10 juillet 2012. Alors
qu’auparavant le département ignorait la sectorisation, désormais celle-ci
est effective, selon une ligne nord-est - sud-ouest passant en ligne
médiane externe des massifs de la Chartreuse et du Vercors. CRS et
gendarmes sont confortés sur la partie la plus technique du massif au sud
de cette ligne. Le règlement opérationnel du SDIS, qui a été révisé en
même temps que le plan de secours, renforce le rôle du GRIMP pour les
interventions situées en proximité urbaine de Grenoble. La révision se fait
donc dans le prolongement du SDACR signé par le préfet le
24 juillet 2009, et qui précisait explicitement (2.2.7) que le SDIS de
l’Isère
« n’a pas de compétence générale en matière de secours en
montagne et ne réalise aucune intervention »
.
Pour l’alerte, le centre d’appel 112-18 est interconnecté de façon
automatique avec le centre 15 situé à l’hôpital de la Tronche, et il existe
une passerelle informatique entre logiciels CODIS et SAMU. L’alerte
peut en outre être donnée via le numéro d’appel à 10 chiffres arrivant
directement au Versoud, mais ce numéro n’est pas très utilisé. Elle passe
aussi parfois par le réseau radio sécurité Dauphiné. A l’exception des
appels lui arrivant directement, la conférence à trois ne concerne pas le
CODIS, mais le requérant, l’unité de permanence et le SAMU. Les
conférences téléphoniques se font au moyen d’une ligne prioritaire
inter-services.
Conformément au plan de secours, le vecteur aérien est mobilisé
par le commandant des opérations de secours de l’unité de permanence, et
est médicalisé après régulation par le SAMU. L’embarquement du
médecin s’effectue à partir de l’hôpital de La Tronche.
En intersaison, l’ensemble du personnel PGHM est au Versoud.
Les CRS sont implantés à Grenoble mais, depuis la fin de 2010, ils
tiennent aussi leur permanence opérationnelle au Versoud donc au pied
de l’hélicoptère.
En saison estivale, 4 gendarmes et 4 CRS sont détachés en
alternance à l’Alpe d’Huez. Deux gendarmes et 5 CRS sont en alternance
à La Bérarde (porte d’entrée du massif des Ecrins). En saison hivernale,
6 gendarmes et 6 CRS sont en alternance à l’Alpe d’Huez.
168
COUR DES COMPTES
Depuis 2010, un médecin du SMUR de Grenoble assure toute
l’année une permanence pendant la journée au Versoud au pied de
l’hélicoptère. A l’Alpe d’Huez, un médecin (du SMUR pour 30 % des
jours, de l’ANMSM pour 70 %)
est présent en permanence la journée au
pied de l’hélicoptère lorsque celui-ci est sur place (saisons d’été et
d’hiver).
3- L’activité
663 opérations de secours ont été effectuées en 2011 (527 en 2010,
518 en 2009). Elles sont assurées moitié par le PGHM moitié par les
CRS. Selon le SDIS, plus de la moitié de ces interventions ne
correspondrait pas à la définition du secours en montagne de la circulaire
du 6 juin 2011, soit qu’elles ne nécessiteraient pas de technique
spécifique (exemple : randonnée à pied), soit qu’il s’agirait d’accidents
routiers, en canyon ou sur des pistes.
La proportion d’intervention avec une composante terrestre est
comprise entre 10 et 15 % (soit une trentaine pour chacune des deux
forces).
Entre 350 et 400 interventions par an sont médicalisées, en quasi-
totalité par voie héliportée. Le départ des interventions a lieu
majoritairement depuis l’Alpe d’Huez (71 %) plutôt que du Versoud
(29 %). 93 % des patients ont été transportés au CHU de Grenoble.
B - Les problèmes
Un sujet de préoccupation constant pour la préfecture
L’historique des actions menées par la préfecture montre que
l’activité de secours en montagne nécessite un suivi constant. Par une
note du 15 juillet 2010 transmise, après un audit, aux services concernés,
le prédécesseur de l’actuel préfet décidait notamment de transférer la
permanence des CRS au Versoud, ce qui permettait de réduire les
navettes aériennes entre cette base et l’installation occupée par les CRS à
Grenoble. Il donnait pour instruction de rationaliser l’action du CODIS en
standardisant les protocoles d’information (suppression du numéro à
10 chiffres et limitation de la diffusion de ceux des postes avancés de
La Bérarde et d’Huez, création d’une instance inter-services de
débriefing, mise en place d’un outil statistique). Il prévoyait de détacher
de manière permanente au CODIS des représentants des unités
spécialisées. Ces différents points ne seront en réalité que très
partiellement appliqués : le numéro à dix chiffre existe toujours et seuls
ANNEXES
169
les CRS ont accepté de détacher une personne au CODIS en 2012 pour
une période temporaire.
A la suite de la circulaire Kihl, le préfet a donné de nouvelles
instructions par lettre du 22 septembre 2011. Il rappelle quelques
principes simples, mais manifestement parfois oubliés : les interventions
sur le domaine skiable doivent rester exceptionnelles et les services
spécialisés ne doivent pas être mobilisés si ce n’est pas nécessaire ; le
numéro à 10 chiffres doit être désactivé, et ceux des unités spécialisées ne
doivent pas être diffusés au public, tout appel de secours sur ces lignes
devant être renvoyé sur le 112.
Un des enjeux actuels, suite à l’adoption du nouveau plan de
secours, est l’acceptation de la sectorisation par les sapeurs-pompiers,
ainsi que, en sens inverse, l’acceptation du rôle accru de régulation du
CODIS par les autres intervenants.
La situation à l’Alpe d’Huez
Le détachement d’effectifs l’été et l’hiver à l’Alpe d’Huez permet
à l’équipe de secours d’être positionnée au coeur de sa zone d’action
principale. Il présente une garantie contre la présence d’une couche
nuageuse sur Grenoble qui empêche parfois le décollage des hélicoptères,
l’évacuation sur Grenoble étant alors assurée par véhicule. Il peut
permettre une montée en puissance plus rapide d’une caravane terrestre
dans le massif des Ecrins.
Il diminue également le temps de vol pour aller chercher la
victime. Cet avantage est cependant contrebalancé par le fait que de toute
façon, 80 % des victimes sont orientées vers une structure hospitalière
grenobloise. Au total, l’économie serait environ d’une vingtaine d’heures
par an.
Il entraîne en revanche des coûts supplémentaires. Le poste de
secours est mis à disposition par la commune, mais les indemnités de
déplacement (alimentation) et les frais d’hébergement (locatif) s’élèvent
au total à environ 20 000 € pour le PGHM.
Le vrai problème de l’implantation à l’Alpe d’Huez est son
autonomie excessive par rapport à la régulation départementale
d’ensemble. Les alertes du service des pistes de l'Alpe d'Huez (stations de
Vaujany, Villard Reculas, La Garde, Oz-en-Oisans, Alpe d'Huez, Le
Freney d'Oisans) sont systématiquement passées auprès de l'unité de
permanence sans passer par une régulation médicale. Les appels arrivant
directement au poste de secours sont retransmis avec retard au SAMU (et
parfois pas du tout). La décision de médicalisation du secours est en
170
COUR DES COMPTES
pratique systématique, le médecin d'Huez, sans consigne de son
régulateur, n'ayant aucune autre possibilité que de monter dans
l'hélicoptère sur la demande des secouristes et/ou du pilote. La proportion
d’intervention terrestre depuis l’Alpe d’Huez est particulièrement faible
(moins de 5 %), en l’absence de tout dispositif permettant d’apprécier si
l’intervention héliportée est vraiment nécessaire.
La station d'Huez a enfin tendance à ignorer la coordination
départementale des secours au bénéfice de ses propres clients. Il arrive
que le service des pistes n'alerte pas les services de secours, mais
diligente sur place un médecin de la station ou fasse transporter par son
véhicule « non sanitaire » des blessés graves (qui auraient dû être
médicalisés sur place) vers les cabinets médicaux de station.
Le maintien d’une implantation à l’Alpe d’Huez en saison est
logique. Encore faut-il qu’une régulation beaucoup plus stricte soit
effectuée sur l’utilisation de ces moyens.
L’implantation à La Bérarde
Dans ce poste, site historique du secours en montagne de l’Oisans,
l’hélicoptère n’est plus stationné depuis 2001. La gendarmerie nationale
reconnaît elle-même que l’intérêt opérationnel de ce poste est « relatif ».
Il permet de disposer d’un élément précurseur pour prêter assistance à une
cordée en difficulté.
En réalité, l’action par l’hélicoptère depuis Huez ou Grenoble est
beaucoup plus rapide, soit directement, soit pour projeter des secouristes.
Les statistiques de nombre d’interventions montrent d’ailleurs une
activité très faible (15 interventions seulement par les CRS en 2011).
Le fait que la municipalité mette à disposition une structure neuve
d’hébergement et que la SDSM prenne en charge les fluides et
l’ameublement n’empêche pas que les personnels et les frais de
déplacement restent à la charge de l’Etat, et n’est donc pas un argument
suffisant pour justifier le maintien de cette implantation. Le préfet
reconnaît que l’implantation
« relève plus de l’historique du secours en
Oisans que d’une nécessité opérationnelle au regard de la faible activité
des équipes »
.
La régulation
Le CODIS ne jouait pas jusqu’ici un rôle central dans le plan de
secours. De fait, à plusieurs reprises, ses instructions n’ont pas été suivies
dans le choix de l’équipe sollicitée pour intervenir dans l’hélicoptère.
ANNEXES
171
Un exemple de rôle insuffisant de régulation du CODIS
Le 30 juin 2009, le centre 15 informe le CODIS de la chute d’un
cycliste dans un ravin sur la commune de Villard Reculas et sollicite le
concours de l’hélicoptère pour embarquer les sapeurs-pompiers du GRIMP,
tout en informant le PGHM. Le chef de base hélicoptère informe le CODIS
que le PGHM le sollicite également. Malgré les instructions formelles du
CODIS en sens contraire, qui fait valoir que c’est un secours en ravin et non
en montagne, l’hélicoptère embarque finalement les gendarmes du PGHM.
D’autres dysfonctionnements sont dus à l’inverse à la volonté du
SDIS
d’assurer
des
interventions
dans
des
conditions
pourtant
discutables. Ainsi, le 22 juin 2008, c’est un hélicoptère bombardier d’eau
du SDIS qui est venu secourir une victime gravement blessée à la suite
d’une glissade, le CODIS n’ayant mis en conférence ni le SAMU ni le
PGHM. Le délai d’admission à l’hôpital s’en est trouvé substantiellement
rallongé.
Dans d’autres cas, on observe une réticence du CODIS pour mettre
en place en temps réel une conférence à trois. Celle-ci est pourtant le plus
souvent nécessaire pour que tout le monde soit informé et que le meilleur
moyen d’intervention soit défini (ex emple : opération de Seyssins du
27 juillet 2009, secours du 8 août 2010 à Saint-Christophe-sur-Guiers).
Dans d’autres cas, ces dysfonctionnements aboutissent à une
redondance évidente des moyens.
Un exemple de redondance des moyens faute de régulation
Un accident au canyon du Furon du 30 juin 2009 (chute de six mètres
avec grosses douleurs dorsales) fait l’objet d’une intervention des CRS
(sollicités directement) et des sapeurs-pompiers par le CODIS sans qu’une
régulation
intervienne.
De
ce
fait,
seront
présents
sur
place
12
sapeurs-pompiers, trois véhicules, un hélicoptère, deux agents CRS et un
médecin urgentiste.
Parmi ces différents incidents, l’arbitrage de la préfecture
(directeur de cabinet) est parfois ponctuellement sollicité (exemple :
opération du Monteynard du 27 juillet 2009).
Le nouveau plan de secours devrait pallier ces défauts avec un rôle
renforcé du CODIS : centralisation plus systématique des alertes,
procédure de levée de doute claire et rapide quant aux identifications des
secours à partir d’un zonage départemental et d’un logigramme d’actions,
déclenchement maîtrisé des moyens, y compris aériens, commandement
opérationnel unique.
172
COUR DES COMPTES
Les défauts constatés de régulation par le CODIS devraient être
surmontés dans le nouveau plan de secours, dans lequel la préfecture a
entendu lui donner un « rôle central de régulation forte ».
Le remboursement des frais de certains secours et l’opération du
11 février 2012
Il s’est agi d’évacuer 61 personnes bloquées sur la télécabine du
Pic Blanc à l’Alpe d’Huez à la suite d’un incident technique imputé à de
violentes rafales de vent. Cette opération d’une durée totale de quatre
heures a mobilisé trois agents du PGHM et deux hélicoptères avec leurs
équipages, l’un emportant le matériel (39 minutes de vol), l’autre
procédant aux hélitreuillages.
S’agissant d’une panne de matériel, la responsabilité du fabricant
et (ou) de la société d’exploitation pourrait être engagée.
Aucun remboursement n’a logiquement été sollicité par les
services de l’Etat dès lors qu’une telle possibilité n’est pas prévue par
les textes en vigueur. Mais il serait logique que les règles soient revues
pour que l’entreprise concernée, dans ce genre de cas, contribue
financièrement aux secours.
ANNEXES
173
Annexe XIII – La situation des Pyrénées-Atlantiques
A - Les moyens, l’organisation et l’activité
1-
Les moyens
Les
gendarmes
disposent
d’un
PGHM
de
14
personnes
(11 sauveteurs-secouristes dont 4 guides de haute montagne, 3 gendarmes
auxiliaires) basé à Oloron-Sainte-Marie.
Le SDIS a de son côté dans ses effectifs 20 personnes qualifiées
SMO (16 SMO3, 4 SMO2), dont 9 volontaires, et, en soutien, un groupe
d’intervention en milieu périlleux (GRIMP) de 20 personnes.
Le département a la particularité de posséder deux SAMU, à
Bayonne (sur le Pays basque) et Pau (secteur Béarn) et trois SMUR
intervenant
en
montagne
(Pau,
8
médecins
montagne,
Oloron-Sainte-Marie, 4 médecins montagne, Bayonne).
Un hélicoptère EC 145 de la sécurité civile est basé à Pau.
L’Ecureuil de la gendarmerie basé à Bayonne, moins adapté au secours
en montagne, intervient essentiellement pour le secours côtier et à titre de
renfort. Le SAMU dispose d’un hélicoptère à Bayonne qui sert surtout
aux transferts inter-hospitaliers, mais effectue épisodiquement du secours
à personne ; il ne dispose pas toutefois de moyens d’hélitreuillage.
2- L’organisation
Le plan de secours en montagne a été révisé plusieurs fois ces
dernières années, mais sans modifier substantiellement le dispositif. A la
suite de la circulaire du 6 juin 2011, il a été approuvé par un arrêté
préfectoral du 30 janvier 2012 pour intégrer notamment la définition des
COS selon les niveaux de complexité des opérations. La préfecture
procède à des réunions régulières de coordination et de suivi avec les
partenaires concernés.
L’organisation est depuis 2002 une alternance entre le PGHM et
les sapeurs-pompiers. Le secours en montagne dans le département est
assuré alternativement par les hommes du PGHM d’Oloron-Sainte-Marie
et par les personnels du GMSP (fusionné avec le GRIMP), basé à Pau et
relevant du SDIS. Depuis février 2012, les deux services expérimentent
une permanence au pied de l’appareil à la base de la sécurité civile de
Pau. En cas de médicalisation, l’hélicoptère va chercher le médecin selon
174
COUR DES COMPTES
le secteur d’intervention, soit au SMUR de Bayonne, soit à ceux
d’Oloron-Sainte-Marie ou de Pau selon la semaine d’alternance.
L’été, l’EC 145 de Pau est détaché une semaine sur deux dans les
Hautes-Pyrénées sur le site de Gavarnie. Il embarque alors les CRS de
Lannemezan opérant dans ce département. Pendant ce temps, les
Pyrénées-Atlantiques sont couvertes par l’EC 145 de la gendarmerie basé
à Tarbes (Hautes-Pyrénées), qui embarque les gendarmes du PGHM
d’Oloron-Sainte-Marie et est médicalisé par le SMUR d’Oloron.
La médicalisation des hélicoptères est systématique pour l’Ecureuil
de la gendarmerie de Bayonne. Pour l’EC 145 de la sécurité civile de Pau,
elle est assurée en tant que de besoin par les médecins du SMUR de Pau
en semaine d’alternance pompiers, et celui d’Oloron-Sainte-Marie en
semaine d’alternance gendarmes.
Les appels arrivant au 15 et au 112 sont redirigés automatiquement
par l’opérateur téléphonique, en fonction de l’origine géographique de
l’appel, vers le SAMU basque (Bayonne) ou béarnais (Pau). Les appels
du 18 arrivent au CTA-CODIS situé à Pau. Une conférence à trois est en
principe obligatoire. La régulation médicale est de fait assurée par le
centre d’appel du SAMU concerné, le CODIS étant informé. C’est le
commandant des opérations de secours de l’unité de permanence qui
choisit ou non le vecteur aérien.
3- L’activité
Confronté à la difficulté d’obtenir une information fiable et
susceptible d’établir des comparaisons au sujet des secours en montagne,
le SIDPC a mis en place un système de collecte des données de manière à
disposer d’un outil totalement transparent et incontestable dans la gestion
de ce dossier.
En 2011, le PGHM a effectué 83 interventions. De leur côté, les
pompiers en ont assuré 82 (74 pour chaque année 2009 et 2010), dont 71
héliportées. 60 ont été effectuées pour des accidents de randonnée (et de
raquettes) et 11 pour de l’alpinisme ou de l’escalade. L’essentiel de ces
interventions se situe entre juin et septembre (60 au total).
B - Les problèmes
1-
L’organisation du dispositif des hélicoptères
Le détachement saisonnier à Gavarnie de l’hélicoptère de la
sécurité civile normalement basé à Pau entraîne des difficultés et allonge
ANNEXES
175
dans certaines périodes le délai d’intervention. Le préfet a écrit à diverses
reprises à la DGSCGC pour obtenir l’affectation à temps complet d’un
appareil,
mais
ne
l’a
pas
obtenue.
L’intervention
pour
les
Pyrénées-Atlantiques de l’appareil de la gendarmerie de Tarbes a pour
conséquence un allongement des délais d’intervention (Tarbes-Pau : 17
minutes de vol). La question affecte aussi le département voisin des
Hautes-Pyrénées, avec un hélicoptère de gendarmerie qui, opérant pour
les secours dans les Pyrénées-Atlantiques, est susceptible de devenir à
tout moment indisponible pour d’autres missions dans le département.
Par lettre du 7 mars 2012 au DGSCGC, le préfet évoque la
dégradation de la couverture opérationnelle des moyens héliportés une
semaine sur deux en période estivale pour la couverture des secteurs
montagneux autres que Gavarnie (Ossau, Aspe et Pays basque) et
demande l’affectation d’un deuxième appareil dans cette période, ou
sinon une réunion interdépartementale portant sur ce sujet.
Compte tenu des statistiques d’activité, le besoin de ce deuxième
hélicoptère n’est pas avéré, et il suffirait en effet de mettre en place une
organisation mieux coordonnée au niveau des deux départements ou de
la zone de défense.
2-
La médicalisation des interventions
Le
SAMU
de
Bayonne
médicalise
systématiquement
les
interventions. Ceci s’explique par une ressource en personnels qui le
permet, mais surtout par la fonction qu’il exerce en matière de secours
côtiers, qui exigent souvent une médicalisation dans les délais les plus
brefs possibles.
La médicalisation était de même systématique au SAMU de Pau
jusqu’en 2005. Mais la généralisation des téléphones portables, qui
permet le plus souvent de connaître à l’avance l’état de la victime, a
justifié qu’elle ne soit pratiquée depuis 2005 qu’au coup par coup. Le
volume d’interventions héliportées médicalisées reste de fait limité (53 en
2011 sur 115 interventions au total), et, à ce jour, aucune plainte n’a été
déposée par les victimes.
Il reste que cette situation entraîne des délais supplémentaires
(« transmission » des patients et changement de tenue du médecin
urgentiste). Plusieurs dysfonctionnements sont en outre intervenus
montrant une communication difficile entre le PGHM et le SAMU de
Pau. Les équipages se plaignent quant à eux d’une gestion « tendue »,
conduisant à secourir sans médicalisation des victimes qui nécessiteraient,
au minimum, un traitement anti-douleur (luxations, fractures du fémur,
etc).
176
COUR DES COMPTES
Il serait utile de revenir à une médicalisation systématique des
vols, sous réserve que les moyens suffisants soient disponibles, par
exemple en mutualisant davantage ceux des SMUR de Pau et d’Oloron.
3-
La régulation
Comme dans d’autres endroits, la régulation reste dispersée et ses
règles ne sont pas toujours satisfaisantes. Même s’il doit en principe être
toujours informé, le CTA-CODIS n’est pas suffisamment reconnu comme
l’autorité de régulation des moyens. C’est le commandant des opérations
de secours qui décide du recours au vecteur aérien, le CODIS assurant
son déclenchement et le suivi de son emploi. Ceci peut entraîner des
difficultés de gestion lorsque plusieurs missions sont sollicitées au même
moment. Dans sa réponse à la Cour, le préfet indique que de
« nouvelles
modifications vont être apportées sur ce point précis au dispositif ORSEC
montagne
. ».
ANNEXES
177
Annexe XIV – La situation du Puy-de-Dôme
Outre les plaines, le Puy-de-Dôme comporte un relief érodé
composé davantage de collines que de véritables montagnes (Forez,
chaîne des puys à proximité de Clermont-Ferrand). Seul le secteur du
massif du Sancy comporte une véritable problématique de secours en
montagne, avec les stations de ski de la Bourboule et Superbesse, le
secteur du Mont-Dore à forte fréquentation touristique (capacité de
70 000 lits) et l’existence de cascades de glace.
A - Les moyens, l’organisation et l’activité
1-
Les moyens
Deux services interviennent dans le secours en montagne :
- la gendarmerie nationale (GN), outre le personnel de soutien (25
personnels GMG), dispose d’un PGM au Mont-Dore composé de 12
personnes (9 sauveteurs-secouristes, 3 gendarmes adjoints-volontaires).
Aucun de ces personnels n’est guide de haute montagne, mais l’ensemble
des personnels sauveteurs du PGM est habilité au commandement
d’opérations simples, et trois le sont pour des opérations complexes ;
- le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) a un
groupe GRIMP de 38 personnels, dont 33 sont formés SMO. Les 15
sapeurs-pompiers inscrits sur la liste d’aptitude par le préfet pour le
commandement d’opérations de secours en montagne ne le sont qu’en cas
d’opérations simples, à une exception près.
L’hélicoptère engagé en première intention est le Dragon 63,
EC 145 basé à Clermont-Ferrand. Il est médicalisé par le SAMU 63. En
deuxième intention, il peut être fait appel à l’appareil de la gendarmerie
basé à Egletons (Corrèze).
2- L’organisation
Le département dispose depuis 1990 d’une plate-forme commune
CODIS-SAMU à proximité du centre hospitalier. La permanence des
deux services se fait dans deux salles contiguës séparées par une baie
vitrée amovible ; en cas d’urgence avérée, un contact physique direct est
donc possible. Les appels au 112 sont désormais systématiquement
transférés au 18. Les lignes 15 et 18 sont interconnectées et la conférence
à 3 avec le requérant est systématique en tant que de besoin. Le logiciel
178
COUR DES COMPTES
de traitement des alertes utilisé par chacun des services n’est cependant
pas identique.
Jusqu’en 2007, une garde mixte « montagne » était assurée au
CODIS par un personnel gendarme et un personnel pompier. En cas
d’alerte,
les
deux
secouristes
embarquaient
conjointement
dans
l’hélicoptère pour effectuer le secours. Le dispositif a pris fin car il était
critiqué par les deux parties.
Le plan de secours « montagne », établi en 2007, abolit un système
précédemment fondé sur un zonage défini par l’altitude (compétence des
pompiers pour le secours en deçà de 800 mètres, compétence des
gendarmes au-delà) et se fonde sur une sectorisation qui reprend le
classement des communes en zone montagne : la gendarmerie est
compétente pour les secteurs du Sancy (lieu d’implantation du PGM) et
du Forez (qui génère pourtant moins de secours). Le SDIS détient la
compétence pour les interventions sur la chaîne des puys.
3- L’activité
Le total des interventions s’est élevé en 2011 à 160 (101 pour la
GN, 59 pour le SDIS), dont 91 héliportés (55 pour la GN, 36 pour le
SDIS). Les randonnées à pied ou en raquettes représentent la majorité des
interventions (94) suivies des activités de VTT et de quad (31). Le ski n’a
entraîné que 11 interventions de secours (à l’exclusion, bien sûr, de celles
effectuées par les services de pistes), exclusivement par la GN. Les mois
où les interventions sont les plus nombreuses sont janvier, février, mars et
août.
B - Les problèmes
1-
Le traitement des alertes
La mise en conférence à 4 (requérant-SAMU-CODIS-PGM ou
COG) s’avère techniquement impossible en l’état des matériels.
Confronté à cette difficulté, le CODIS a un moment envisagé les
solutions techniques à ce problème, mais a dû renoncer, celles-ci
supposant un renouvellement des matériels qu’il n’est pas pour l’heure en
état d’assumer.
Le numéro à 10 chiffres du PGM est très actif dans le département
et son abandon n’est pas effectif pour le moment. Le SAMU évalue à un
tiers seulement le nombre d’appels de secours en montagne directement
entrés par le 15 ; pour les deux autres tiers, il est sollicité par le PGM au
titre d’appels arrivés à cet organisme.
ANNEXES
179
Ces deux caractéristiques conduisent le PGM à engager parfois
directement l’hélicoptère Dragon 63, sans en avertir le SAMU et le
CODIS, ou en les avertissant
a posteriori
. Cette situation entraîne des
dysfonctionnements :
- le PGM engage parfois des hélicoptères non médicalisés, alors
que l’inverse aurait été nécessaire. Le SAMU cite notamment le cas d’un
enfant secouru par le Dragon 63 directement sur le secteur du Mont-Dore,
sans qu’il ait été sollicité pour médicaliser l’appareil, alors même que la
victime souffrait d’une fracture du fémur avec hémorragie interne ;
- à l’inverse, la justification de certains recours à l’hélicoptère en
l’absence de sollicitation du SAMU mérite interrogation. Les victimes
sont ramenées pour être prises en charge à l’hôpital, mais aucun dossier
n’a été constitué par le SAMU qui perd toute trace de la justification de
l’intervention et de la réalité des soins effectivement délivrés ensuite par
le centre hospitalier.
2-
La couverture héliportée
Après l’hélicoptère engagé en première intention (Dragon 63), il
peut être fait appel en deuxième intention à l’appareil de la gendarmerie
basé à Egletons (Corrèze), mais il s’agit d’un Ecureuil, nettement moins
bien adapté au secours en montagne et qui ne peut pas être médicalisé.
Dans ce cas, la rotation alors imposée pour embarquer un médecin à
Clermont-Ferrand
rallonge
les
délais
d’intervention
de
façon
significative (temps de vol entre Egletons et le Mont-Dore 25 minutes, du
Mont-Dore à Clermont-Ferrand 7 minutes).
3-
Le partage entre la gendarmerie et le SDIS
Le SDIS regrette la disparition du dispositif mixte CIME et
critique la territorialisation du plan de secours. L’activité de secours dans
la chaîne des puys restant faible, la garde opérationnelle que les pompiers
assurent pour les interventions héliportées est très peu sollicitée, à la
différence de celle des gendarmes. La situation génère des tensions
suffisantes pour que le chef de la base de sécurité civile ait été conduit à
refuser désormais d’héberger les équipes des deux services lors des
gardes.
L’an dernier, le SDIS a souhaité la déclassification du massif de la
chaîne des Puys de la zone « montagne », ouvrant de fait la voie à
l’intervention régulière de ses équipes sur tous les secours. Suite au refus
opposé par le préfet, la répartition sectorielle des secours en montagne ne
fait plus aujourd’hui l’objet de contestations officielles. Le SDIS défend à
180
COUR DES COMPTES
présent l’introduction de la notion de secours en « zones terrestres d’accès
difficile » dans le plan de secours, propre à mieux légitimer l’intervention
du GRIMP.
4-
Le niveau d’activité du PGM
Le volume réduit de l’activité, environ 22 interventions annuelles
par secouriste sur la base de deux personnes par intervention, et sa
saisonnalité soulèvent la question du format actuel du dispositif. Celui-ci
ne permet pas de maintenir les compétences dans de bonnes conditions.
Le PGM exerce certes des missions annexes de surveillance et de
renseignement dans un territoire fortement fréquenté en saison, alors
même que la brigade de gendarmerie du Mont-Dore a été supprimée. La
possibilité d’évoluer vers une meilleure polyvalence de ces personnels,
avec un retour à l’attribution de certaines des missions traditionnelles de
sécurité publique de la gendarmerie telles qu’elles pouvaient encore être
mises en oeuvre dans le format ancien des PGSM, mérite d’être étudiée.
5-
La qualification des sapeurs-pompiers
Héritage partiel de la situation existant avant 2007, les
qualifications hélicoptères délivrées au personnel du SDIS paraissent
désormais en nombre excessif. 25 secouristes SMO sont qualifiés, alors
que le niveau d’activité est faible (en moyenne trois secours par mois
conduisant à un embarquement de personnels pompiers). En ajoutant les
autres
qualifications
pompiers
appelant
un
entraînement
et
une
qualification à l’hélicoptère (plongeurs, GRIMP…), le volume de
personnels SDIS appelés à être entraînés et maintenus en condition (45)
semble donc excessif par rapport aux besoins, et consomme un potentiel
d’heures de vol non justifié. Toutefois, le SDIS conteste cette analyse
pour des raisons opérationnelles, et suggère la mise en place d’une
mutualisation de ces qualifications au niveau régional
65
.
65
Dans sa réponse à la Cour, le président du SDIS 63 affirme ainsi qu’il lui paraît
« nécessaire de maintenir cet effectif au regard des rythmes de travail et des
contraintes de service, imposées aux personnels. (…)
En revanche, il serait
intéressant de mutualiser entre plusieurs SDIS de la région Auvergne ces spécialistes.
Il est compliqué d'entretenir une formation et intervenir régulièrement avec Dragon
lorsque celui-ci n'est pas sur le département. Ainsi les personnels du SDIS 63
pourraient-ils utilement intervenir sur les départements voisins. La conséquence
directe serait de récupérer du potentiel de vol pour la machine, en ce qui concerne
l'Etat, et les SDIS voisins pourraient limiter les heures de maintien des acquis pour
leurs agents ».
ANNEXES
181
6-
La prise en charge des secours sur le domaine skiable
Lors de son déplacement, la Cour a été informée que les bennes
téléphériques situées dans certaines stations fonctionnaient, alors même
que les stations étaient fermées, la saison étant normalement terminée. À
la suite des chutes de neige importantes, et inhabituelles, les bennes
étaient notamment utilisées par des skieurs. La situation soulève des
enjeux à la fois juridique et financier, avec mise en jeu de la
responsabilité des maires qui, de fait, reportent la mise en oeuvre du
secours sur le domaine skiable, qui leur incombe, vers les services de
l’Etat.
182
COUR DES COMPTES
Annexe XV – La situation des Vosges
Le département des Vosges comporte le versant occidental du
massif du même nom. Au-delà de cette zone de montagne, une partie du
département comporte des territoires escarpés et des forêts sur des zones
inhabitées et peu accessibles, en particulier l’hiver. Le contexte de
secours est particulier, la crête de massif présentant la particularité d’être
accessible par la route. Les altitudes ne dépassent pas 1 200 mètres, mais
avec des conditions météorologiques (froid) parfois sévères. Des activités
professionnelles (bois) et de loisir (randonnée, VTT, raquettes) se sont
développées dans le massif, qui compte sept stations de ski et une
fréquentation hôtelière d’un million de nuitées en hiver, 400 000 en été.
A - Les moyens, l’organisation et l’activité
1-
Les moyens
Situé au coeur du massif, le PGM de Xonrupt-Longemer est
composé de sept secouristes et quatre gendarmes adjoints volontaires.
Parmi ces personnels, un est guide de haute montagne, un aspirant guide.
Le PGM met en oeuvre un matériel assez important : 2 motoneiges, 2
quads, 1 véhicule 4X4, 2 autres véhicules, 2 motos 125 cm
3
.
En appui du PGM, le GMG compte vingt militaires (18 CEM, 2
BTM). Il faut signaler enfin la présence à Saint-Etienne-lès-Remiremont
d’un groupe de gendarmerie mobile montagne, qui peut également être
mobilisé en appui du PGM pour les missions d’importance.
Les sapeurs-pompiers disposent pour le secours en montagne de 79
personnes, soit un groupe EPIM de cinquante personnels répartis dans les
différents centres d’intervention situés dans le massif, et un groupe
GRIMP-SMO de 28 personnes, 1 infirmier venant compléter cet effectif.
Seulement un personnel est qualifié SMO3, cinq SMO2. Les autres
membres de l’équipe de secours en montagne disposent de qualifications
GRIMP. Il n’y a pas d’astreinte dédiée mais, en moyenne en 2011, 5
personnels sont mobilisables toute l’année. Le matériel spécifique est
réparti dans les centres de secours de montagne.
2- L’organisation
Le plan de secours, qui est en cours de révision pour répondre aux
préconisations de la circulaire du 6 juin 2011, présente la particularité de
ne pas opérer de partage de responsabilité entre les équipes de secouristes
ANNEXES
183
appelées à intervenir. L’algorithme de régulation des alertes prévoit
explicitement, dès identification d’une opération de secours en montagne,
« information bipartite immédiate et concomitante SDIS-GN ». Le
requérant doit dans le même temps être transféré au CTA-CODIS, tandis
qu’une interconnexion avec la plate-forme CRRA-SAMU pourra décider
de la médicalisation ou non.
Au niveau de la réception des alertes, SAMU et CODIS partagent
des locaux contigus, simplement séparés par une baie vitrée amovible,
permettant un contact direct en cas de besoin. La régulation du 112 se fait
par le 15. Les alertes sont identifiées comme relevant d’un secours
montagne par décision de l’opérateur d’alerte, sur la foi des réponses
apportées par le requérant à ses questions.
Le département ne dispose plus d’hélicoptère. Jusqu’à il y a
quelques années, l’hélicoptère de gendarmerie de Colmar effectuait un
détachement estival au peloton de Xonrupt-Longemer. Il était alors
médicalisé par le SAMU 88, avec un financement par le conseil général.
Ce dispositif a pris fin suite au retrait de l’hélicoptère, au regret du
SAMU selon qui il fonctionnait bien. A présent, les interventions font
appel le plus souvent à l’hélicoptère Dragon 67, basé à Strasbourg, qui
embarque des secouristes du PGM de Xonrupt-Longemer ou du PGM de
Munster-Hohrod.
Il
est
médicalisé
par
le
SAMU
67. En
cas
d’indisponibilité, il est fait appel à l’hélicoptère de la gendarmerie
nationale de Colmar, médicalisé par le SDIS 68, ou au Dragon 25
3- L’activité
Les sapeurs-pompiers annoncent 36 interventions de secours en
montagne par intervention terrestre en 2011, et 32 interventions de
secours en montagne ayant donné lieu à l’engagement d’un quad seul. Sur
ces 68 interventions, 15 ont été effectuées l’hiver et 53 l’été. Le
bien-fondé de la qualification de « secours en montagne » retenue serait à
discuter au cas par cas pour chacune de ces interventions. Peut-on
qualifier de « secours en montagne » l’engagement d’un quad pour porter
assistance dans un cas de suspicion de détresse vitale à domicile ? Une
équipe terrestre engagée sur un piquet de sécurité du Rallye de France
effectue-t-elle du « secours en montagne » ? Sur les 36 interventions
terrestres déclarées, 14 renvoient à des accidents de circulation (chute de
véhicule en ravin…), type de secours ne relevant pas du secours en
montagne au sens strict.
Le PGM des Vosges a de son côté effectué 75 interventions en
2011, en forte diminution par rapport aux chiffres d’il y a quelques
années (122 en 2004, 107 en 2005, par exemple). L’hélicoptère n’a été
184
COUR DES COMPTES
utilisé qu’à 14 reprises (53 en 2004, 40 en 2005), la moto-neige 6 et le
motoquad 9, le reste étant des interventions terrestres. Une part
importante des interventions consiste en des opérations de recherche,
expliquant le fort nombre de personnes indemnes parmi les personnes
secourues (40 sur un total de 92 personnes secourues, soit 43 %).
B - Les problèmes
1-
Les redondances et le niveau d’activité
De par sa configuration, le département offre un contexte de
secours en montagne particulier : l’activité reste limitée et, selon les
statistiques d’intervention, en baisse. Le fait que le plan de secours suive
un principe de double engagement permet peut-être aux services de
masquer cette sous-activité tendancielle, du fait que cela leur permet
d’intervenir systématiquement.
Afin d’éviter ces phénomènes de doublons, une clarification du
plan de secours paraît indispensable, avec la désignation d’un responsable
unique des opérations, soit selon un schéma d’alternance, soit selon un
schéma de sectorisation. En l’état, l’activité ne justifie pas le maintien en
continu de deux services de garde opérationnelle.
Par ailleurs, la proximité des départements voisins, et notamment
du
Haut-Rhin,
crée
une
situation
favorable
aux
engagements
concomitants de services, les lieux d’accidents étant souvent situés sur
des
zones
frontalières.
Les
redondances
deviennent
ici
transdépartementales, comme le montrent les exemples des opérations du
28 décembre 2011 au Petit Hohneck, ou du 20 décembre à la station de
ski du Lac Blanc, cités en première partie de ce rapport. D’autres
exemples existent
66
.
Cette situation ne peut qu’inciter à mettre en oeuvre une logique de
massif. La question du maintien du format actuel du PGM de
Xonrupt-Longemer doit être soulevée, notamment au regard de la
présence du PGM de Munster à huit kilomètres à vol d’oiseau (18 par la
route). Le PGM de Munster déploie un effectif similaire à celui de
Xonrupt (huit spécialistes et trois gendarmes-adjoints volontaires).
L’activité affichée par chacun des PGM ne justifie pas le maintien du
dispositif en l’état (les interventions comptabilisées par chacun, déjà
limitées, comportant un certain nombre d’interventions communes). La
66
Ainsi, un secours pour un randonneur ayant fait une chute grave dans le secteur de
Rouge Gazon (lac des Perches) le 6 février 2011 : deux SDIS, deux PGM, deux
SAMU et un hélicoptère engagés.
ANNEXES
185
réunion des deux PGM, selon une logique de massif, paraît logique,
fût-ce en conservant une antenne sur chaque département. Le personnel
pourrait être réajusté aux besoins, et un retour vers des activités de
sécurité publique traditionnelle pourrait compléter les services effectués.
2-
La désignation du COS et du COR
Suite à l’issue tragique des recherches menées pour une
randonneuse en février 2010 et au conflit qui avait opposé les services, la
préfecture a demandé aux gendarmes et aux pompiers de convenir d’une
procédure commune permettant de régulariser les situations de secours en
montagne intégrant des opérations de recherche.
Sur la base d’une distinction entre localisation (liée à un secours
avéré) et recherche stricte (liée à un secours possible, mais non avéré, et
relevant donc d’une opération judiciaire) – distinction reprise dans la
circulaire du 6 juin 2011 -, les deux services ont cosigné une procédure
commune. Les opérations de simple localisation doivent donner lieu à une
alerte commune, et donc un double engagement de moyens – on retrouve
le problème de redondance dénoncé au sujet du plan de secours
départemental ; les opérations de recherche sont assurées par la
gendarmerie.
Le document n’apparaît pas pleinement satisfaisant. Outre qu’il
n’est pas contresigné par le préfet, il n’exprime pas explicitement que le
commandant des opérations de recherches (COR) est le commandant du
groupement de gendarmerie. Par ailleurs on voit mal le progrès réalisé :
ainsi que le reconnaît la gendarmerie, un cas litigieux tel que celui de
l’accident de randonneuse de février 2010 ne serait pas traité aujourd’hui
différemment de ce qui avait été le cas à l’époque.
Outre une mauvaise identification du COR, à nouveau démontrée
lors d’un exercice interservices mené par la préfecture le 1er février
2011
67
, le plan de secours, à travers la règle de double engagement, ne
permet pas d’identifier clairement le commandant des opérations de
secours (COS). Le problème de responsabilité est réel, le COS étant
réputé agir sous autorité du DOS (directeur des opérations de secours), en
l’occurrence le préfet, dont la responsabilité est ainsi directement
engagée. La désignation du COS est au demeurant un des points
67
Le compte rendu mentionne que
« la bascule Commandant des opérations de
recherche (COR) - Commandant des opérations de secours (COS) n’a pas été perçue
de façon évidente par les équipes intervenant sur le terrain (un léger flottement a été
constaté pendant environ une demi-heure) »
.
186
COUR DES COMPTES
d’achoppement
dans
la
révision
actuelle
du
plan
de
secours
départemental.
3-
La régulation des alertes et de l’engagement de l’hélicoptère
Depuis la fin du détachement estival de l’hélicoptère de Colmar, le
recours à l’hélicoptère est plus limité. Les règles d’engagement ne
paraissent pas toujours claires. Bien que le CTA-CODIS soit censé
réguler
l’engagement,
dans
les
faits
certains
comptes
rendus
d’intervention montrent que ce peut être le COS, ce qui est d’autant plus
problématique qu’au vu du nombre d’équipes parfois engagées, le COS
est mal identifié, ou il y en a plusieurs.
4-
Les qualifications des sapeurs-pompiers
Le discours habituel des sapeurs-pompiers sur la polyvalence de
leurs personnels s’applique dans les Vosges plus que partout ailleurs,
puisque sur les 28 personnels appelés à intervenir dans l’équipe
montagne, seuls six ont une formation SMO de niveau 2 (pour cinq
d’entre eux) ou 3 (1 personne). Huit ont une formation SMO1, qui n’est
qu’une formation d’initiation qui n’ouvre normalement pas droit à
inscription sur la liste d’aptitudes. La grande majorité des secouristes
intervenant relèvent donc du référentiel GRIMP (18 secouristes, les autres
étant EPIM). Il convient de rappeler ici que le GNR GRIMP dispose
explicitement que les détenteurs de la spécialité ne sont pas habilités au
secours en montagne.
ANNEXES
187
Annexe XVI – La situation de la Savoie
Fort du plus grand domaine skiable de France, le département de la
Savoie connaît une
intense activité de secours liée aux activités
hivernales. Les stations de ski, situées en haute montagne au coeur du
massif (Courchevel, Val d’Isère, Tignes…), peuvent se prévaloir de
durées d’enneigement sensiblement plus longues qu’ailleurs, et avec un
total de 500 000 lits touristiques, le département accueille chaque hiver
21 millions de nuitées et 20,5 millions de journées skieurs. C’est
cependant en été que le département accueille le plus de visiteurs (jusqu’à
355 000), attirés par la richesse du patrimoine naturel. Enserré entre le
Beaufortin au nord, et la vallée de la Maurienne au sud, le parc de la
Vanoise offre un ensemble exceptionnel, avec plusieurs sommets proches
de 4000 mètres. A l’ouest, l’arrondissement de Chambéry n’est pas
marqué par le même contexte de haute montagne, mais les massifs de la
Chartreuse ou des Bauges restent le théâtre d’une réelle activité de
secours en montagne.
A - Les moyens, l’organisation et l’activité
1-
Les moyens
Le PGHM de Savoie est constitué de deux éléments, opérant
depuis les deux sites de Bourg-Saint-Maurice et Modane. L’effectif total
est de 35 personnes, dont 29 secouristes (17 à Bourg-Saint-Maurice, 12 à
Modane), auxquels s’ajoutent six gendarmes adjoints volontaires. Quatre
véhicules 4X4 sont à disposition, ainsi qu’un quad et une motoneige.
Longtemps implantés à Pralognan-la-Vanoise en coeur de massif,
les CRS sont désormais implantés à Albertville. L’effectif total est de 39
personnels (33 secouristes, 6 personnels de soutien). Ils ont à disposition
une motoneige et dix véhicules dont quatre 4X4.
Le SDIS déploie un groupe montagne sapeur-pompier (GMSP) de
24 agents, dont 3 guides de haute montagne, un aspirant. Sept personnels
sont qualifiés SMO3, les autres personnels étant qualifiés SMO2.
L’équipe GMSP dispose de 3 véhicules dédiés ; 3 locaux destinés à
accueillir les matériels sont répartis entre les CSP de Chambéry,
Albertville et Aix-les-Bains. En soutien au groupe GMSP, un groupe
EPIM de 191 personnels est constitué ; ils sont répartis territorialement
dans les centres locaux.
188
COUR DES COMPTES
2- L’organisation
Le nouveau plan de secours a été mis en place par le préfet le
1
er
décembre 2011, dans le but de mettre en oeuvre les préconisations de la
circulaire du 6 juin 2011 : généralisation du 112, désignation du COS
selon le niveau d’intervention, etc. Il présente la particularité d’associer
les trois services gendarmes, CRS et pompiers, avec une sectorisation et
une alternance CRS et gendarmes dans la partie est du département
(Beaufortin, Vanoise, Maurienne). A l’ouest, l’arrondissement de
Chambéry est pris en charge par les pompiers. Ce partage découle d’une
répartition historique. A l’origine, le secours en montagne en Savoie
relevait des gendarmes, avec une exception notable dans la commune de
Pralognan-la-Vanoise, prisée des alpinistes, et où étaient implantés les
CRS. En 1989, suite à une directive du ministère, l’alternance
CRS-gendarmes fut mise en place sur l’ensemble du département.
Cependant, déjà à ce moment, l’arrondissement de Chambéry était pris en
charge par les pompiers.
Les
implantations
géographiques
correspondent
à
cette
sectorisation, avec des pompiers intervenant depuis Chambéry, les CRS
basés à Albertville et les gendarmes à Modane et Bourg-Saint-Maurice.
En haute saison, la base hélicoptère de Courchevel, en plein coeur de la
Vanoise, est armée en alternance par les secouristes des PGHM et des
CRS.
La réception des alertes a lieu au CTA-CODIS situé à Saint-Alban-
Leysse, en proximité immédiate de Chambéry. Le 112 est interconnecté
avec le 18. Les hélicoptères étant systématiquement médicalisés, les
mises en conférence avec le 15 ont lieu pour arbitrer la destination
d’hospitalisation des victimes. Le plan de secours prévoit que dès que
l’alerte est identifiée comme une alerte montagne, elle est
« dirigée ou
redirigée sans délai vers le service public spécialisé secours en montagne
compétent (…) Ce transfert s’effectue sous forme de conférence à trois »
.
Le dispositif héliporté est particulier : on compte un hélicoptère de
la gendarmerie basé à Modane, un hélicoptère de la sécurité civile en
détachement saisonnier (juillet-août) à Courchevel. Surtout, la base de
Courchevel est armée l’hiver par deux hélicoptères du Secours aérien
français (SAF), opérateur privé avec lequel les communes stations de skis
sont conventionnées.
Le plan de secours est très précis dans la répartition des
hélicoptères d’alerte, ce qui témoigne de l’activité intense qui prévaut à
cet égard dans le département : selon l’arrondissement (Chambéry,
Albertville, Saint-Jean-de-Maurienne) et selon le moment de l’année
(inter-saisons, hiver, été), les hélicoptères de 1
ère
, 2
ème
et 3
ème
alerte sont
ANNEXES
189
très précisément identifiés. Au total, on peut identifier au moins sept
hélicoptères
différents
appelés
à
intervenir.
L’arrondissement
de
Chambéry n’est servi qu’en 3
ème
alerte par un hélicoptère du département
(l’appareil de la gendarmerie basé à Modane) : en règle générale, il fait
appel aux moyens de Haute-Savoie ou d’Isère (Dragon 74 et Dragon 38).
L’arrondissement
de
Saint-Jean-de-Maurienne
fait
lui-même
occasionnellement
appel
à
l’hélicoptère
de
gendarmerie
des
Hautes-Alpes. C’est dans l’arrondissement d’Albertville que la situation
est la plus complexe, avec, en hiver et en inter-saisons, une division en
deux sous-secteurs, devant recourir à des moyens différents et mettre en
oeuvre des procédures particulières, tels que l’appel direct au CTA 74 (qui
décidera de l’engagement du Dragon 74 ou du Choucas 74), ou le
recours, en première alerte, au moyen privé du SAF de Courchevel.
Les hélicoptères du département (Choucas 73 de Modane, SAF de
Courchevel, Dragon Courchevel) sont médicalisés par les centres
hospitaliers
des
secteurs
concernés
(Saint-Jean-de-Maurienne,
Bourg-Saint-Maurice, Albertville) et éventuellement le SAMU de
Chambéry, avec des gardes en pied d’hélicoptère.
3- L’activité
Le volume général d’activité est élevé. Le PGHM de Modane a
ainsi effectué 277 interventions en 2011, celui de Bourg-Saint-Maurice
530. Les CRS revendiquent, quant à eux, 669 interventions sur la même
période, tandis que le GMSP de Savoie affiche une moyenne annuelle de
230 interventions.
Les données du SNOSM, inférieures à ce total d’interventions
déclarées, retiennent néanmoins près de 1 000 interventions (999) pour
2011, dont 91 % par voie héliportée. Par ailleurs, plus de la moitié de ces
interventions (56 %) serait réalisée hors hiver, avec une part très
conséquente de secours liés aux activités de randonnée (25 % des secours
découlant de randonnée d’été). Les secours liés à des activités
d’alpinisme ne seraient plus que 6 %, toutes saisons confondues.
B - Les problèmes
1-
Les conditions de déclenchement du moyen aérien
Lors de la transposition de la circulaire du 6 juin 2011 dans le
nouveau plan de secours à destination des services, le préfet n’a pas voulu
revenir sur les conditions particulières d’engagement du moyen aérien qui
prévalent dans son département. En effet, alors que la circulaire prévoit
190
COUR DES COMPTES
que le CODIS « doit avoir pour tâche, en lien étroit avec le COS et la
régulation médicale, d’engager les moyens » aériens, le plan de secours
de la Savoie précise explicitement que « lorsqu’il estime nécessaire
l’intervention d’un moyen héliporté, le commandant des opérations de
secours (unité publique spécialisée ou directeur de service des pistes)
sollicite directement la base héliportée médicalisée de secours en
montagne concernée »
68
. Cette procédure est justifiée selon la préfecture
en raison de contraintes opérationnelles, avec une meilleure capacité des
COS, positionnés en plein massif (notamment,
lorsque la base de
Courchevel est activée), pour apprécier la situation et l’opportunité de
déclencher le moyen.
On se retrouve ainsi dans une situation paradoxale, avec un CODIS
qui n’a plus directement la main sur les conditions d’engagement des
moyens aériens situés dans le département, ceux-ci étant engagés sous
responsabilité des COS, CRS ou gendarmes, ou directeurs des pistes,
implantés dans le massif. A cela s’ajoute le recours aux numéros à 10
chiffres et à des réseaux radio auxquels le CODIS n’a pas accès
69
.
Le dispositif, s’il garantit peut-être aux yeux de la préfecture une
meilleure réactivité aux situations de secours, n’en présente pas
néanmoins des risques de défaut de régulation, avec des conditions
d’engagement échappant à la rationalisation à laquelle appelle la
circulaire de 2011, et plus délicates à contrôler. De fait, avec un nombre
particulièrement élevé d’hélicoptères intervenant dans le département, les
conditions paraissent réunies pour des déclenchements fréquents et mal
vérifiables du moyen aérien.
Par contraste, il est paradoxal que le CODIS, dont le rôle général
de régulation des moyens aériens ne paraît pas assez affirmé, soit lui-
même dépendant du CTA de Haute-Savoie lorsqu’il s’agit d’engager des
moyens à destination des sapeurs-pompiers opérant dans l’arrondissement
de Chambéry : le CODIS 73 interroge en effet alors, en vertu du plan de
secours, le CODIS 74 pour un engagement du Dragon 74 d’Annecy. Le
plan de secours ne l’amène à recourir à un hélicoptère départemental (le
Choucas 73 de Modane) qu’en troisième alerte. Cependant, un
68
Plan de secours en montagne de la Savoie, p. 22.
69
Le SDIS dénonce ainsi le fait que «
les appels de secours arrivent (…)
régulièrement directement dans les unités de secours en montagne, soit par téléphone
par leur numéro à 10 chiffres qui reste très connu des professionnels de la montagne,
soit par radio sur le réseau de 1'association sécurité Vanoise qui fait référence pour
les pratiquants de la montagne dans le département de la Savoie. Bien que nous
l'ayons sollicitée à plusieurs reprises, cette association a toujours refusé au SDIS
l'accès à son réseau ».
ANNEXES
191
rapprochement des deux SDIS a eu lieu en juillet dernier, avec la création
d’un GMSP commun (le groupe de haute montagne sapeurs-pompiers des
deux Savoie, GHMSP2S), qui devrait rationaliser les conditions
d’intervention en Savoie à partir de la base d’Annecy
70
.
2-
Les hélicoptères privés et la gratuité des secours
La particularité que constitue l’intégration des hélicoptères privés
du SAF à l’intérieur du plan de secours a été soulignée. En hiver, ces
moyens aériens sont les moyens de première intention pour les
secouristes intervenant dans certains secteurs de l’arrondissement
d’Albertville (cantons de Bozel, Moutiers, Aime, Bourg-Saint-Maurice et
Arêches-Beaufort),
et
de
deuxième
intention
dans
le
reste
de
l’arrondissement
d’Albertville
(après
régulation
par
le
CTA
de
Haute-Savoie, et si indisponibilité des moyens de Haute-Savoie), ainsi
que dans l’arrondissement de Saint-Jean-de-Maurienne (si indisponibilité
de l’hélicoptère de gendarmerie de Modane).
Lorsque l’intervention héliportée relève d’un secours en montagne
au sens strict, le secours est toujours gratuit, quel que soit l’hélicoptère
intervenant (si c’est un moyen privé qui intervient, le coût est pris en
charge par le SDIS, en vertu de l’article 27 de la loi de modernisation de
la sécurité civile de 2004). Ce cas de figure est fréquent, compte tenu du
manque d’hélicoptères publics. Ainsi, sur 656 interventions de secours
héliportées réalisées en 2011, la section de CRS de montagne
d’Albertville en a effectué 331 (soit 50,4 %) à bord des hélicoptères de
l’opérateur privé. Le haut niveau d’activité, et l’insuffisance des moyens
d’Etat pour y répondre, conduit à une situation que la préfecture elle-
même qualifie de
« mutualisation permanente des moyens publics et
privés »
. L’hélicoptère désigné en première alerte l’est sur des critères
purement opérationnels, et se trouve donc être souvent le moyen privé, en
vertu même du plan de secours. La situation est fortement dénoncée par le
SDIS : à l’inverse de la préfecture qui tend à minimiser l’impact de cette
70
Le protocole a pour objet de préciser les modalités de coopération entre les deux
SDIS au départ de la base du Meythet à Annecy (74), puisque l’arrondissement de
Chambéry (73) est couvert, en vertu du plan de secours départemental, par
l’hélicoptère de cette base. Les interventions vers l’arrondissement de Chambéry
devraient voir embarquer 2 secouristes du GHMSP2S (composé à 2/3 de
sapeurs-pompiers de Haute-Savoie, et 1/3 de personnels du SDIS de Savoie) ;
cependant, pour les interventions sur les
autres secteurs de Savoie, ou en
Haute-Savoie, les dispositions des plans de secours imposeront l’embarquement d’un
seul membre du GHMSP2S, conjointement avec un gendarme du PGHM de Haute-
Savoie.
192
COUR DES COMPTES
organisation, le président du SDIS s’alarme de la croissance des
refacturations que le SDIS se trouve contraint d’honorer
71
.
Lorsqu’il s’agit d’un secours sur le domaine skiable, la
refacturation éventuelle des coûts des frais de secours soulève un
problème d’égalité de traitement. L’ensemble des communes sièges de
stations de sports d’hiver sont conventionnées avec le SAF et pratiquent
le recouvrement des frais de secours permis par la loi de 1985
(article L. 2331-4 du CGCT). Les tarifs font l’objet d’une information au
public dans les stations
72
.
Les conséquences ne sont pas neutres, selon que l’hélicoptère
intervenant sera privé ou public. Si l’hélicoptère est privé, la personne
secourue peut se voir refacturer des sommes importantes, non
nécessairement prises en charge intégralement par son assurance – a
fortiori si elle n’est pas assurée - ; si le secours avait été opéré par un
moyen public il n’y aurait pas eu refacturation. Cette situation conduit la
préfecture de Savoie à affirmer que
« la différenciation des interventions
en fonction de l’hélicoptère n’apparaissant pas opérationnellement
réaliste et la nécessité de préserver une organisation visant en priorité la
rapidité du secours et l’intérêt de la victime amènent à considérer comme
souhaitable la mise en place d’une assurance obligatoire, incluse dans le
forfait des usagers des pistes »
. A ce jour, la mise en place de semblables
assurances, qui appelleraient une disposition législative, n’a pas pu se
faire.
71
«
Ce dispositif (…) fait peser une lourde charge sur le budget du SDIS, d'autant
plus que le total des factures augmente considérablement depuis les deux dernières
saisons. Il se montait à 18 190 euros pour la saison 2009/2010 et à 68 126 euros pour
la saison 2010/2011. Pour cette armée, nous avons déjà reçu près de 90 000 euros de
factures. J'ai déjà saisi le Préfet de département afin qu'il fasse évoluer ce dispositif
(…) et qu'il privilégie, pour les secours sur domaine public, les appareils de l'Etat
(gendarmerie ou sécurité civile). Si, sur le principe, et c'est l'esprit des articles 27 et
28 de la Loi n° 2004-811, il n'est pas question de s'opposer à l'engagement du moyen
le plus proche et le plus adapté en cas de prompt secours (avalanche par exemple), je
ne pense pas qu'il soit acceptable d'utiliser un moyen privé facturé au SDIS alors
même que des moyens publics sont disponibles et que la nature de l'intervention ne
revêt pas un caractère d'urgence avéré. De plus, et contrairement aux dispositions de
la circulaire NOR INT K 05 00070 C du 29 juin 2005, relative à la prise en charge
des frais d'opérations de secours le prévoit
[sic]
, une bonne partie des interventions
réalisées par cette société se fait sans information préalable au CODIS et donc a
fortiori, sans mon accord. »
72
51,18 € TTC la minute de vol pour l’hiver 2011-2012.
ANNEXES
193
Annexe XVII - Variation de population dans les
départements littoraux
Département
Population
résidente
Population
maximale
Augmentation (en %)
Nord
59
2 577 500
2 630 300
2,05 %
62
1 450 200
1 587 200
9,45 %
80
559 000
700 600
25,33 %
Ouest
76
1 245 500
1 271 900
2,12 %
14
663 500
847 900
27,79 %
50
486 100
710700
46,20 %
35
908 400
977 500
7,61 %
22
560 900
807 800
44,02 %
29
874 100
1 233 800
41,15 %
56
677 500
1 110 000
63,84 %
44
1 192 200
1 313 400
10,17 %
85
576 800
1 120 600
94,28 %
Sud-ouest
17
587 500
1 148 500
95,49 %
33
1 359 700
1 588 400
16,82 %
40
347 300
745 400
114,63 %
64
625 200
936600
49,81 %
Sud
66
421 200
907 000
115,34 %
11
329 400
566 800
72,07 %
194
COUR DES COMPTES
34
971 400
1 519 000
56,37 %
30
6 650 00
802 700
20,71 %
13
1 892 700
1 971 600
4,17 %
83
957800
1638700
71,09 %
6
1 057 000
1 300 600
23,05 %
Corse
20
273 100
654 400
139,62 %
Totaux
21 259 000
28 091 400
32,14 %
Source : direction du tourisme, 2006.
Annexe XVIII - Nombre de noyades accidentelles par
département en 2009
Départements
Noyades accidentelles en 2009
Nord
59
11
62
10
80
11
Ouest
76
5
14
24
50
7
35
5
22
19
29
21
56
27
44
12
85
29
Sud-ouest
17
65
ANNEXES
195
33
74
40
42
64
22
Sud
66
81
11
31
34
71
30
2
13
40
83
40
6
66
2B
15
2A
7
Total
737
Source : INVS.
196
COUR DES COMPTES
Annexe XIX - Nombre de sauvetages réalisés par les
maîtres-nageurs sauveteurs CRS en 2011, par ordre
décroissant
Départements
Nombre
de MNS
Sauvetages réalisés
40
91
1 097
33
60
451
64
26
393
14
34
91
85
34
46
35
11
20
44
22
19
2A
14
19
6
22
16
66
15
13
11
12
13
34
24
9
83
26
9
62
32
7
76
4
3
59
10
2
29
9
2
56
13
2
22
2
0
13
4
0
Totaux
468
2 212
Source : DCCRS.
197
COUR DES COMPTES
Annexe XX - Activités de sécurité publique des MNS CRS en 2011
198
COUR DES COMPTES
Source : Cour des comptes à partir de données de la DCCRS.
199
COUR DES COMPTES
Annexe XXI
- Ratio d’activité de sécurité publique
(avertissements inclus) des renforts saisonniers de CRS, en
2011, par ordre décroissant
Départements
Ratios d’activité sécurité publique
[activités de sécurité publique/effectif
MNS]
44
573,9
76
570,8
22
556,5
35
524,3
29
369,0
56
344,1
85
335,8
14
335,8
64
235,5
33
165,1
40
146,3
34
58,2
83
57,3
13
45,5
2A
44,2
6
34,4
11
21,0
66
20,8
62
19,1
59
4,2
Total
229,3
Source : Cour des comptes d’après des données de la DCCRS.
200
COUR DES COMPTES
Annexe XXII – GLOSSAIRE