C
OUR DES
C
OMPTES
L’accueil et l’accompagnement
des gens du voyage
Avertissement
Synthèse
du
Rapport public thématique
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et
l’utilisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes
concernés figurent à la suite du rapport.
Octobre 2012
Sommaire
3
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Une politique publique ambitieuse mais insuffisam-
ment pilotée
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
2
L’obligation d’accueil : une mise en oeuvre partielle et
un effet difficile à apprécier sur les stationnements illi-
cites
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11
3
L’aménagement, la gestion des aires et l’habitat
adapté : une faible mobilisation des acteurs publics
15
4
L’accompagnement social et scolaire : des résultats
insuffisants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
Introduction
5
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
L
’appellation « gens du voyage », d’origine administrative, a été retenue par le législateur
pour désigner une catégorie de la population caractérisée par son mode de vie spécifique :
l’habitat traditionnel en résidence mobile. Couramment qualifiés de « tsiganes », les gens du
voyage, de nationalité française dans leur très grande majorité, sont une population distincte de
celle des Roms, qui sont des migrants de nationalité étrangère, venus principalement d’Europe
centrale et orientale, sédentaires dans leur pays d’origine. Ces derniers relèvent de la législation
sur l’entrée et le séjour des étrangers sur le territoire français et non de la législation sur les gens
du voyage.
La France est l’un des rares pays à avoir adopté une législation consacrée spécifiquement
relative aux gens du voyage. La loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens
du voyage a cherché à établir un équilibre entre les droits et les devoirs réciproques des gens du
voyage et des collectivités territoriales, afin de favoriser une cohabitation harmonieuse de diffé-
rentes populations sur le territoire national. Cette loi impose une obligation d’organisation de
l’accueil des gens du voyage aux collectivités territoriales, tout en leur permettant, en contrepar-
tie, de recourir à des mesures renforcées de lutte contre les stationnements illicites des gens du
voyage.
Le rapport de la Cour et des chambres régionales des comptes synthétise les enquêtes
menées conjointement depuis 2009 et dresse un bilan global de la politique d’accueil et d’ac-
compagnement des gens du voyage, plus de dix ans après l’entrée en vigueur de la loi.
Le rapport analyse le statut juridique spécifique, les principales difficultés rencontrées par
les gens du voyage et la manière dont la loi du 5 juillet 2000 y répond, par la mise en place
d’une politique centrée sur l’obligation d’accueil des gens du voyage. Il montre les carences du
pilotage de cette politique publique, qui contribuent à son bilan contrasté. Le niveau et les condi-
tions de réalisation des structures d’accueil des gens du voyage sont en effet insatisfaisants et leur
impact sur les stationnements illicites difficile à mesurer. Le rapport permet également de
constater les difficultés posées par la gestion des aires d’accueil, qui fait l’objet d’une faible atten-
tion de la part de l’Etat et des collectivités, et la réponse limitée apportée à l’évolution impor-
tante des besoins des gens du voyage en termes d’habitat. Il analyse enfin les mesures prises en
matière d’accompagnement social et de scolarisation, qui ne sont pas à la hauteur des difficul-
tés sociales et des problèmes particuliers d’accès aux droits des gens du voyage.
7
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
1
Une politique ambitieuse
mais insuffisamment
pilotée
Une population
caractérisée par son
mode de vie et
sujette à des diffi-
cultés sociales
Les gens du voyage sont juridique-
ment définis par leur mode de vie, carac-
térisé par un habitat traditionnel en rési-
dence mobile. Cependant, dans les faits,
ils ne sont pas nécessairement itinérants.
Pour une partie importante de la popu-
lation des gens du voyage, semi-sédenta-
risée, la mobilité géographique est plus
réduite et plus ponctuelle.
La population des gens du voyage
reste mal connue, en l’absence de don-
nées statistiques fiables et actualisées.
Les estimations existantes, qui prennent
appui sur les titres de circulation que
détiennent les gens du voyage, se révè-
lent le plus souvent partielles et fragiles.
Au regard de ces données, la population
des gens du voyage représenterait entre
250 000 à 300 000 personnes a minima
en France. Cette absence de données
statistiques constitue une difficulté
majeure pour répondre aux besoins de
cette population qui fait face, pour par-
tie, à d’importantes difficultés sociales, à
la fois en matière d’accès aux soins et à
la prévention sanitaire mais aussi à l’édu-
cation et au marché du travail.
L’objectif ambitieux
de la loi du 5 juillet
2000 : rechercher
un équilibre entre
droits et devoirs
réciproques des
gens du voyage et
des collectivités
La loi du 5 juillet 2000 relative à l’ac-
cueil et l’habitat des gens du voyage
cherche à établir un équilibre entre les
droits et les devoirs réciproques des
gens du voyage et des communes.
Cette loi impose une obligation
d’organisation de l’accueil sur les com-
munes de plus de 5000 habitants et les
établissements publics intercommunaux
compétents inscrits au schéma départe-
mental. Elle leur
permet en contrepar-
Une politique ambitieuse mais
insuffisamment pilotée
8
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
tie de recourir à des mesures renforcées
de lutte contre les stationnements illi-
cites.
Les gens du voyage se voient ainsi
reconnaître un droit au stationnement,
assorti d’obligations, et un droit à un
accompagnement social intégrant la
question de la scolarisation des enfants.
Pour atteindre l’objectif de création
d’aires permanentes d’accueil et de
grand passage, la loi confère aux sché-
mas départementaux d’accueil des gens
du voyage un rôle pivot. L’élaboration
de ces schémas est de la responsabilité
du président du conseil général et du
préfet de chaque département.
Toutefois, le rythme et les modalités
d’adoption de ces schémas sont peu
satisfaisants. L’évaluation préalable des
besoins ayant été inégale, les objectifs
des schémas n’ont pris que partiellement
en compte les besoins identifiés. Les
schémas
sont
également
imprécis,
notamment sur la localisation des aires,
peu opérationnel.
La révision des schémas actuelle-
ment en cours cherche à tirer les consé-
quences de certaines de leurs faiblesses
initiales, en mettant l’accent sur les
besoins d’ancrage territorial et sur la
réalisation des aires de grand passage.
Un pilotage à
renforcer
Les politiques conduites en matière
d’accueil et d’accompagnement des gens
du voyage mettent en jeu un grand nom-
bre d’acteurs – collectivités territoriales,
administrations d’Etat, opérateurs pri-
vés, associations – et impliquent, au sein
même de l’Etat, l’intervention de plu-
sieurs ministères, ceux chargés du loge-
ment, des affaires sociales, de l’intérieur
et de l’éducation nationale.
Au croisement des compétences de
plusieurs ministères, la politique d’ac-
cueil et d’accompagnement des gens du
voyage souffre d’un manque de coordi-
nation interministérielle et de pilotage.
En résultent des difficultés pour organi-
ser et orienter la politique conduite et
des lacunes importantes dans son suivi
et son évaluation.
Cette situation est d’autant plus
préoccupante que la commission natio-
nale consultative des gens du voyage,
seule instance nationale de réflexion et
de concertation réunissant l’ensemble
des acteurs concernés par les actions à
mener envers les gens du voyage, a accu-
mulé les dysfonctionnements depuis sa
mise en place en 1992. Elle n’a pas éta-
bli de constats ni proposé d’orientations
ou préconisations. Elle n’a dès lors pas
été en mesure d’être une force d’analyse
Une politique ambitieuse mais
insuffisamment pilotée
9
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
et de proposition ni de contribuer à
infléchir et donner une cohérence d’en-
semble à la politique d’accueil et d’ac-
compagnement des gens du voyage.
Enfin, le pilotage local de cette poli-
tique, confié conjointement aux préfets
et aux présidents des conseils généraux,
est inégal sur le territoire et souvent peu
mobilisé. Il n’a pas permis de répondre
aux problèmes rencontrés en matière de
réalisation et de gestion des aires ou
d’accompagnement social des gens du
voyage. Les instances prévues (commis-
sion départementale consultative des
gens du voyage notamment) n’ont pas
fonctionné au rythme attendu et leurs
compétences ont été peu utilisées. Les
conditions du pilotage local n’ont ainsi
pas permis d’impulser une dynamique
facilitant la mise en œuvre du schéma
départemental d’accueil des gens du
voyage.
11
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
2
L’obligation d’accueil :
une mise en oeuvre
partielle et un effet
difficile à apprécier sur les
stationnements illicites
Un bilan contrasté
Malgré une accélération des réalisa-
tions au cours des dernières années, le
taux de réalisation des aires reste insatis-
faisant dix ans après l’adoption de la loi :
au 31 décembre 2010, seules 52 % des
places prévues en aires d’accueil et
29,4 % des aires de grand passage
avaient été réalisées.
Le taux de réalisation devrait cepen-
dant s’améliorer au cours des années à
venir, le nombre de places déjà financées
par l’Etat étant sensiblement supérieur
au nombre de places réalisées, en parti-
culier pour les aires d’accueil.
Le taux global de réalisation masque
de très fortes disparités territoriales.
Alors que près des trois quarts des aires
ont été réalisées à l’Ouest et dans le
Centre, il est particulièrement faible en
régions Provence-Alpes-Côte-d’Azur,
Ile-de-France et Languedoc-Roussillon.
Les subventions d’investissement de
l’Etat représentent un effort financier
important, qui ne correspond toutefois
qu’à une part minoritaire du coût réel de
réalisation des aires, estimé au total à
632 M€ sur l’ensemble de la période
2000–2011. Le coût d’investissement
moyen, sensiblement supérieur aux
attentes, est fortement hétérogène d’un
département et d’une aire à l’autre. La
charge foncière et les coûts de voirie et
réseaux divers pèsent d’avantage dans le
coût de réalisation des aires que l’amé-
nagement d’équipements sanitaires indi-
vidualisés.
L’obtention de co-financements,
facultatifs, de la part des conseils géné-
raux, des caisses d’allocations familiales
et plus rarement des conseils régionaux,
est aléatoire, alors qu’ils peuvent réduire
les dépenses d’investissement restant à
la charge des communes ou établisse-
ments publics de coopération intercom-
munale, chargés de la réalisation des
aires.
La réalisation des aires a été freinée
par des obstacles multiples : imprécision
initiale des schémas départementaux
conduisant à des retards de réalisation ;
réticence forte des populations rive-
raines ; coûts prévisionnels de réalisa-
tion largement dépassés, notamment du
fait de travaux de raccordements oné-
reux, directement imputables aux déci-
sions des collectivités territoriales d’éloi-
L’obligation d’accueil : une mise en
oeuvre partielle et un effet difficile à
apprécier sur les stationnements
illicites
12
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
gner les aires des zones habitées ;
absence de volonté des collectivités sur
certains territoires ; arrêt des subven-
tions versées par l’Etat pour la
réalisa-
tion des aires depuis la fin 2008.
La difficile mesure
de l’impact sur les
stationnements
illicites
En contrepartie de l’obligation de
création d’aires d’accueil, les moyens de
lutte contre les stationnements illicites
ont été renforcés pour les communes
qui ont rempli l’ensemble de leurs obli-
gations.
En cas de non-respect des arrêtés
d’interdiction de stationnement, une
procédure d’évacuation administrative
des résidences mobiles a été mise en
place par les lois du 5 juillet 2000 et du
5 mars 2007. Elle permet aux collectivi-
tés d’obtenir le concours de la force
publique pour mettre fin aux stationne-
ments illicites. Les gens du voyage ont
en effet le devoir de résider sur les aires
d’accueil existantes et encourent le
risque d’une évacuation forcée s’ils choi-
sissent un stationnement illicite.
L’efficacité du dispositif juridique
mis en place pour lutter contre les sta-
tionnements illicites est toutefois rela-
tive. En effet, la procédure d’évacuation
administrative est utilisée de manière
hétérogène d’un département à l’autre et
il est peu fait recours à l’évacuation for-
cée.
Plusieurs facteurs permettent d’ex-
pliquer cette situation.
Tout d’abord, seules les communes
qui ont réalisé l’ensemble de leurs obli-
gations en termes de création de struc-
tures d’accueil peuvent faire appel à
l’évacuation administrative. Ensuite, les
gens du voyage en stationnement illicite
partent le plus souvent dès qu’ils sont
mis en demeure, sans attendre le dérou-
lement complet du processus d’expul-
sion. Enfin, au-delà des possibilités
offertes par la procédure d’évacuation,
les collectivités locales et les préfectures
privilégient les solutions amiables avec
les gens du voyage lorsqu’aucune nui-
sance n’est constatée sur le terrain ou
que la mise en œuvre de la procédure
d’évacuation forcée est particulièrement
délicate.
Le départ volontaire des occupants
illicites d’un terrain par la voie de la
négociation constitue l’objectif privilé-
gié. Des dispositifs de médiation ont été
mis en place dans certains départe-
ments, afin de gérer plus en amont les
stationnements illicites et de mieux anti-
ciper les conflits potentiels des gens du
voyage avec les communes.
Les constats locaux, bien qu’hétéro-
gènes, accréditent l’idée d’une corréla-
tion possible entre la création des aires
et une baisse des stationnements illicites.
C’est le cas sur de nombreux territoires,
l’impact sur les stationnements illicites
est d’autant plus important que l’ensem-
ble des collectivités au sein d’une même
zone géographique a réalisé les aires
d’accueil prévues.
L’obligation d’accueil : une mise en
oeuvre partielle et un effet difficile à
apprécier sur les stationnements
illicites
13
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
Les occupations illégales demeurent
toutefois importantes en période esti-
vale, à l’occasion des grands passages et
des déplacements dans le cadre des
grands rassemblements. De grands
groupes s’installent alors massivement
et illégalement sur des terrains privés ou
publics. Le taux de réalisation particuliè-
rement faible des aires de grand passage,
destinées à accueillir ces grands groupes
de voyageurs, accentue ce phénomène.
Une réponse spéci-
fique plutôt efficace
aux grands rassem-
blements
Compte tenu de l’ampleur des
grands rassemblements, leur organisa-
tion matérielle relève essentiellement
d’une gestion de l’ordre public à la
charge de l’Etat. Organisée très en
amont en concertation avec les associa-
tions concernées et les collectivités, la
gestion des grands rassemblements
apparaît complexe mais efficace.
De manière générale, les grands ras-
semblements se déroulent dans des
conditions satisfaisantes. Si les troubles
à l’ordre public constatés sont rares, les
comportements en matière d’hygiène et
de salubrité restent préoccupants.
Eu égard à l’ampleur de ces mani-
festations, l’Etat est le seul à pouvoir
disposer de terrains de taille suffisante,
ou à les mobiliser, même si la politique
de cessions immobilières et foncières
réduit progressivement les terrains dis-
ponibles.
Le rapport avec les populations
locales est un sujet sensible. En 2011,
pour la première fois, la pression des
élus locaux a conduit l’Etat à renvoyer
sur un terrain privé appartenant à l’asso-
ciation organisatrice, la tenue du grand
rassemblement pentecôtiste au mois
d’août, alors qu’un terrain adéquat avait
été identifié.
Les mesures réparatrices mises en
œuvre et les retombées économiques
positives de ces grands rassemblements
ne permettent pas de compenser le défi-
cit persistant d’image auprès de la popu-
lation locale, dont les élus se font sou-
vent le relais.
15
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
3
L’aménagement, la
gestion des aires et
l’habitat adapté :
une faible mobilisation
des acteurs publics
Une faible attention
à l’aménagement et
à la gestion des
aires
La faible attention portée tant par
l’Etat que par les collectivités territo-
riales à l’aménagement et la gestion des
aires ne garantit pas une utilisation effi-
ciente des fonds publics.
Déterminant pour en assurer le bon
fonctionnement au moindre coût, l’amé-
nagement des aires est souvent mal
adapté. Les problèmes techniques liés à
la faible qualité ou à l’inadaptation des
infrastructures peuvent résulter d’inves-
tissements trop réduits, d’une mauvaise
conception de l’aménagement, d’un
suivi insuffisant des travaux par les maî-
tres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre ou
de défaillances dans la réalisation elle-
même.
Une plus grande attention doit être
portée à l’aménagement des aires, tant
par les collectivités que par l’Etat.
L’Etat
qui subventionne le fonc-
tionnement des aires d’accueil par l’allo-
cation de logement temporaire (ALT) 2
s’est peu impliqué. Au niveau national,
l’Etat ne s’est pas donné les moyens de
piloter l’allocation de logement tempo-
raire 2 ni d’analyser les caractéristiques
de la gestion des aires. Au niveau décon-
centré ses services ne contrôlent pas
suffisament la conformité à la réglemen-
tation des modalités de gestion de l’aire.
Ils exercent par ailleurs peu leur fonc-
tion de conseil auprès des collectivités.
Les collectivités
attachent une
attention variable à la gestion des aires,
alors que les dépenses de fonctionne-
ment qui restent à leur charge après le
versement de la subvention de l’Etat et
des redevances des usagers sont signifi-
catives. Certaines d’entre elles s’y sont
toutefois investies, notamment en met-
tant en place des dispositifs de suivi de
qualité.
Le manque d’attention portée à la
gestion des aires est particulièrement
problématique
lorsque cette gestion
est déléguée
. Le marché de la gestion
déléguée, largement occupé par des
sociétés privées, a en effet connu un fort
développement, au point qu’il repré-
sente près de 40 % des places en aires
d’accueil gérées.
L’Etat et les collectivités n’ont pas
cherché à organiser ou à suivre ce nou-
L’aménagement, la gestion des
aires et l’habitat adapté : une faible
mobilisation des acteurs publics
16
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
veau secteur d’activité, pourtant essen-
tiellement financé sur des fonds publics.
Il en résulte non seulement un recours
inapproprié à la délégation de service
public mais aussi un risque que les béné-
fices dégagés par certains opérateurs ne
soient que partiellement justifiés.
Un encadrement de la délégation de
la gestion et une implication plus forte
de l’Etat et des collectivités apparaissent
en conséquence nécessaires.
Les modalités de gestion des
aires sont très hétérogènes d’un ter-
ritoire à l’autre, notamment en
matière de tarification
, et peuvent être
à l’origine d’inégalités entre usagers. A
l’image des bonnes pratiques de certains
départements,
l’harmonisation
des
règles de gestion doit être plus large-
ment favorisée pour améliorer l’effica-
cité de l’accueil des gens du voyage. De
même, le métier de gestionnaire d’aire
d’accueil, difficile et peu reconnu, méri-
terait d’être mieux organisé et profes-
sionnalisé.
Des besoins en
termes d’habitat
adapté insuffisam-
ment pris en
compte
Les situations et demandes d’an-
crage territorial identifiées mettent en
évidence l’importance et la diversité du
phénomène, qui va de l’ancrage sur des
terrains privés, dans un cadre conforme
ou non au droit de l’urbanisme, à l’ins-
tallation durable sur les aires d’accueil.
La réalité des besoins d’ancrage territo-
rial est probablement sous-estimée, un
état des lieux précis n’ayant pas été réa-
lisé dans chaque département.
Cet ancrage territorial de plus en
plus marqué d’une partie de la popula-
tion des gens du voyage appelle des
solutions alternatives aux aires d’accueil.
Celles-ci sont en principe destinées à des
itinérants et non à une population
sédentarisée, provisoirement ou définiti-
vement. Encore trop peu prises en
compte dans les schémas départemen-
taux et les plans départementaux d’aide
au logement des personnes défavorisées
(PDALPD), les offres alternatives adap-
tées restent limitées au regard des
besoins croissants. Cette situation est
d’autant plus préoccupante que la
demande d’ancrage territorial sur les
aires d’accueil reçoit dans l’intervalle,
des réponses différentes voire opposées,
tant au niveau national que départemen-
tal.
Enfin, les réponses apportées aux
besoins spécifiques des gens du voyage
sédentarisés sont marquées par des
incertitudes qui peuvent engendrer des
inéquités. Ainsi, les conditions de verse-
ment des aides au logement pour les
occupants des terrains familiaux, la pos-
sibilité de proposer ou non un habitat
aux gens du voyage dans le cadre des
recours au titre du droit au logement
opposable (DALO) et les modalités de
régularisation des situations d’ancrage
territorial sur des terrains privés ne sont
pas fixées de manière précise.
17
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
4
L’accompagnement social
et scolaire : des résultats
insuffisants
Un accompagne-
ment social res-
treint
L’accompagnement social des gens
du voyage reste limité, alors que les
besoins sont importants. Bien que l’arti-
cle 6-1 de la loi du 5 juillet 2000 prévoie
un projet social pour chaque aire d’ac-
cueil en association avec l’ensemble des
acteurs concernés, son élaboration est
loin d’être systématique.
Conséquence du caractère général
des objectifs fixés par les schémas, l’ac-
compagnement social recouvre des
actions d’ampleur variable, qui peuvent
se réduire à une simple information sur
la localisation des services de droit com-
mun.
Diverses actions d’accompagnement
spécifiques, portées essentiellement par
des associations, sont également déve-
loppées : accès aux droits sociaux et à
l’aide sociale, soutien à l’insertion pro-
fessionnelle, scolarisation, prévention en
matière de santé. De manière générale,
les actions conduites souffrent d’un
manque d’évaluation qui ne permet pas
d’apprécier leur efficacité et de diffuser
les bonnes pratiques.
Si l’Etat apporte un soutien finan-
cier aux têtes de réseau associatives et,
de manière plus ponctuelle, aux actions
conduites au niveau local, l’implication
forte des conseils généraux apparaît
nécessaire pour assurer une bonne prise
en compte des difficultés spécifiques
des gens du voyage dans la politique
d’aide et d’action sociales.
Les circulaires de 2002 et, dans une
moindre mesure, les schémas départe-
mentaux d’accueil des gens du voyage
résultant de la loi du 5 juillet 2000 pro-
posent un cadre permettant la prise en
compte des difficultés de scolarisation
des enfants du voyage et constituent, en
ce sens, un progrès réel.
Toutefois, le dispositif mis en place
afin de favoriser la scolarisation des
enfants du voyage n’apparaît pas à la
hauteur des enjeux, face à la non-scola-
risation préoccupante d’une partie de ce
public.
Une partie importante des enfants
du voyage n’est en effet pas scolarisée,
en particulier à l’école maternelle et au
collège, et les retards dans l’acquisition
des savoirs fondamentaux pour les
enfants
scolarisés
s’accumulent.
Plusieurs dispositifs et initiatives sont
mis en place au sein de certaines acadé-
mies pour assurer l’accès à la scolarisa-
tion des enfants du voyage. Leur effica-
cité mériterait d’être évaluée. Dans l’en-
semble, l’organisation de la prise en
charge de ces élèves apparaît disparate et
encore insuffisante, tant sur le plan des
structures de scolarisation que des outils
pédagogiques.
Conclusion
18
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
L
a loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage vise à définir
un équilibre entre droits et obligations réciproques pour les collectivités territoriales et les
gens du voyage ; en contrepartie de l’obligation d’accueil, les communes disposent de moyens renfor-
cés pour lutter contre les stationnements illicites des gens du voyage sur leur territoire.
L’appréciation de l’efficacité de cette politique se heurte à un suivi très partiel des actions mises
en place et à l’absence d’une évaluation partagée entre les collectivités territoriales et l’Etat.
Dix ans après l’entrée en vigueur de la loi, la mise en oeuvre de ses objectifs demeure insuffi-
sante.
La réalisation tardive et encore insatisfaisante de l’obligation d’accueil des gens du voyage et
l’insuffisante prise en compte des enjeux liés aux modalités de gestion des aires et des besoins d’ac-
compagnement de ce public s’expliquent notamment par les importantes difficultés de pilotage de la
politique conduite. La mise en oeuvre opérationnelle au niveau local s’effectue sans orientations suf-
fisantes et harmonisées, tandis que le pilotage de cette politique au niveau national reste cloisonné
entre les différents ministères.
Les mesures recommandées par la Cour et les chambres régionales des comptes pour améliorer
l’accueil et l’accompagnement des gens du voyage sont d’abord des actions visant à assurer l’effica-
cité de la politique existante, par le renforcement de son pilotage et la définition de conditions per-
mettant la poursuite de la réalisation des aires et l’efficacité de leur gestion.
D’autres mesures doivent permettre de préparer l’avenir. Une mobilisation forte des pouvoirs
publics est nécessaire pour répondre efficacement à la demande grandissante d’ancrage territorial de
cette population, aux difficultés sociales auxquelles elle fait face et à la non-scolarisation d’une par-
tie des enfants.
Recommandations
19
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
S’agissant de la connaissance
de la population des gens du
voyage et des schémas départe-
mentaux
conduire des enquêtes ponc-
tuelles afin d’améliorer au niveau natio-
nal la connaissance des principales
caractéristiques de la population des
gens du voyage (nombre, revenus,
niveau social, professions, mobilité,
habitat etc.) ;
mettre à profit le processus de
révision actuel pour élaborer des sché-
mas départementaux identifiant la réa-
lité des besoins respectifs d’aires d’ac-
cueil et d’habitat adapté ainsi que la
diversité des besoins des gens du
voyage ;
S’agissant du pilotage national
assurer une coordination inter-
ministérielle forte de la politique d’ac-
cueil et d’accompagnement des gens
du voyage ;
revoir les modalités de fonction-
nement de la commission nationale
consultative des gens du voyage, afin
d’assurer sa contribution effective à la
définition des orientations nationales ;
S’agissant du pilotage local
assurer le fonctionnement régu-
lier de la commission départementale
consultative et de la commission régio-
nale de coordination des travaux tout
au long de la mise en œuvre de la nou-
velle génération de schémas départe-
mentaux ;
mettre en place, dans chaque
département, un dispositif de pilotage
opérationnel de la mise en œuvre du
schéma associant les différents acteurs
concernés ;
S’agissant de la réalisation des
aires d’accueil et de grand passage
inciter les services de l’Etat à
une mobilisation du Fonds européen
de
développement
régional
pour
contribuer à la réalisation du dispositif
d’accueil des gens du voyage ;
clarifier
l’usage
que
l’Etat
entend faire du pouvoir de substitution
du préfet, en choisissant entre deux
options :
- définir ses modalités concrètes
d’application afin de permettre sa mise
en œuvre effective ;
- à défaut, abroger la procédure de
substitution ;
rétablir le subventionnement par
l’Etat des aires demeurant à construire
dès lors qu’elles ont été validées par les
schémas révisés et avec pour seule
contrepartie un prélèvement financier
sur les collectivités défaillantes ;
S’agissant de la lutte contre les
stationnements illicites
établir des statistiques annuelles
relatives aux stationnements illicites
Recommandations
des résidences mobiles des gens du
voyage dans les collectivités ayant rem-
pli ou non leurs obligations de création
de structures d’accueil ;
améliorer la gestion en amont
des grands passages en lien avec les
associations de gens du voyage et déve-
lopper dans ce cadre des dispositifs de
médiation afin de favoriser le dialogue
entre les gens du voyage, les collectivi-
tés et l’Etat et limiter ainsi les station-
nements illicites ;
S’agissant de l’aménagement et
la gestion des aires d’accueil
Le rôle de l’Etat en matière d’aménage-
ment et de gestion des aires
contrôler annuellement, d’une
part, la conformité des aires d’accueil
aux normes techniques, d’autre part, la
conformité des modalités de gestion de
l’aire aux prescriptions réglementaires,
lors de la validation des règlements
intérieurs par l’Etat ;
améliorer la qualité et la fiabilité
des données statistiques relatives à
l’usage des aires d’accueil en lien avec la
caisse nationale d’allocations familiales,
afin d’être en mesure de connaître
l’usage effectif des aires d’accueil et
d’assurer le pilotage de l’allocation de
logement temporaire (ALT 2) ;
verser l’aide à la gestion (ALT 2)
directement au gestionnaire de l’aire
conformément à la réglementation ;
Le suivi de la gestion des aires
organiser un suivi systématique
de la gestion directe ou déléguée des
aires par les collectivités concernées ;
encadrer et suivre au niveau
national le marché de la gestion délé-
guée ;
L’hétérogénéité des règles de gestion
encadrer les modalités
de ges-
tion :
- fixer par voie réglementaire des
règles communes applicables à l’en-
semble des conventions de gestion à
travers des clauses-type, pour éviter
l’existence de dispositions ou de pra-
tiques de gestion abusives ;
- harmoniser au niveau départe-
mental les règles applicables en matière
de durées de séjour et de tarification ;
professionnaliser et assurer une
meilleure reconnaissance du métier de
gestionnaire d’aires d’accueil, par
la
clarification de leurs missions, la mise
en place de formations adaptées et la
mise en réseau des gestionnaires au
niveau départemental;
S’agissant de l’habitat adapté
des gens du voyage
assurer la réalisation d’un état
des lieux des besoins d’ancrage territo-
rial dans chaque département afin de
faciliter la définition de réponses
appropriées sur les plans quantitatif et
Recommandations
21
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
qualitatif, lorsque cela n’a pas été fait
dans le cadre de la révision du schéma ;
assurer la bonne articulation du
schéma départemental d’accueil des
gens du voyage, du plan départemental
d'action pour le logement des per-
sonnes défavorisées et des documents
d’urbanisme, si besoin à travers la mise
en place de structures communes pour
les départements où l’enjeu de l’an-
crage territorial des gens du voyage est
important ;
inscrire au sein des schémas
départementaux révisés les objectifs
chiffrés de réalisation des projets de
terrains familiaux pour favoriser leur
mise en œuvre ;
organiser une réponse transi-
toire et homogène aux difficultés
posées par l’ancrage territorial sur les
aires d’accueil, dans l’attente du déve-
loppement à moyen terme de l’habitat
adapté ;
lever les incertitudes qui carac-
térisent les réponses aux besoins spéci-
fiques des gens du voyage sédentari-
sés : modalités d’attribution et de cal-
cul des aides au logement pour les
occupants des terrains familiaux, pos-
sibilité de proposer un relogement en
habitat adapté dans le cadre du droit au
logement opposable et identification
des situations de sédentarisation en
infraction avec le droit de l’urbanisme
qui peuvent faire l’objet d’une régulari-
sation ;
S’agissant de l’accompagne-
ment social
élaborer, pour chaque aire d’ac-
cueil, un projet social, conformément à
l’article 6-I de la loi du 5 juillet 2000 en
associant l’ensemble des acteurs ;
évaluer l’efficacité des disposi-
tifs d’accompagnement en place et dif-
fuser les bonnes pratiques tant auprès
des services déconcentrés de l’Etat que
des collectivités territoriales ;
mettre en œuvre efficacement
la procédure de domiciliation issue de
la loi du 5 mars 2007 ;
S’agissant de la scolarisation
des enfants du voyage
Pilotage
définir clairement au niveau
national les orientations et les condi-
tions générales de mise en œuvre de la
politique de scolarisation des enfants
du voyage ;
établir au niveau déconcentré
un programme annuel d’actions en
faveur de la scolarisation des enfants
du voyage ainsi qu’un bilan annuel et
assurer leur large diffusion au sein de
l’éducation nationale et auprès de l’en-
semble des acteurs concernés ;
renforcer le pilotage et l’anima-
tion des services académiques, en par-
ticulier des centres académiques pour
la scolarisation des nouveaux arrivants
Recommandations
22
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
et des enfants du voyage et des coor-
donnateurs départementaux ;
La lutte contre la non-scolarisation et
l’absentéisme des enfants du voyage
établir un état des lieux de la
scolarisation des enfants du voyage
dans chaque inspection académique,
selon une méthodologie commune, et
recenser dans ce cadre les refus de sco-
larisation d’enfants du voyage ;
assurer une coopération active
et permanente entre les inspections
académiques, les communes et les ser-
vices sociaux afin de lutter contre la
non-scolarisation et l’absentéisme et
développer les actions de médiation
menées auprès des familles ;
La prise en charge pédagogique des
enfants du voyage
identifier et évaluer les diffé-
rents dispositifs spécifiques de scolari-
sation existants et préciser leur articu-
lation avec la scolarisation en classe
ordinaire ;
mieux insérer le service public
de l’enseignement à distance actuelle-
ment assuré par le centre national d'en-
seignement à distance dans la stratégie
de scolarisation des enfants du voyage.