R
APPORT PUBLIC THÉMATIQUE
Paris, le 30 mai 2011
Les aides à la pierre :
l’expérience des délégations de l’État
aux intercommunalités et aux départements.
La Cour publie ce jour un rapport public thématique intitulé «Les aides à la pierre : l’expérience
des délégations de l’État aux intercommunalités et aux départements».
Ce rapport dresse un premier bilan, sur la période 2005-2009, d’une expérience originale
concernant l’attribution des aides à la pierre : tout en restant compétent pour l’attribution de ces
aides, l’État, en délègue la gestion à des collectivités et des établissements publics locaux qui le
souhaitent. La délégation porte sur l'ensemble des aides publiques, subventions de l'État et
prêts connexes de la Caisse des dépôts.
Les aides à la pierre bénéficient, d’une part, à la construction de logements sociaux et, d’autre
part, à la rénovation des logements privés.
Les délégataires sont des intercommunalités : 14 des 16 communautés urbaines, un tiers des
communautés d'agglomération et 5 communautés de communes ayant adopté la compétence
« logement social ». 28 départements ont également opté pour cette délégation.
La Cour a comparé l’efficience de la gestion des aides dans les zones où elle est déléguée et
dans celles où l’État continue à l’assurer directement.
Le bilan est contrasté : pour la gestion des aides à la construction sociale, la délégation, en
dépit de nombreuses difficultés, produit des résultats encourageants ; en revanche, pour la
gestion des aides à la rénovation, le constat est en demi-teinte.
1) La construction de nouveaux logements sociaux :
des résultats encourageants malgré des obstacles persistants
En métropole, le parc de logements sociaux s’établissait à 4 180 600 au 1
er
janvier 2005 et à
4 373 000 au 1er janvier 2009, soit un gain de 192 000 logements en quatre ans.
Le nombre de logements financés a progressé de 52 %, passant de 76 992 à 117 368 entre
2005 et 2009. Les zones sous délégation y ont contribué à hauteur de 56 % en 2009 (soit
65 344 logements), contre 13 % en 2005 (soit 9 685 logements). De plus, la part des logements
dits « très sociaux » (type PLA-I) a connu une augmentation forte, majoritairement financée par
les zones sous délégation.
Depuis 2005, la part des aides à la pierre dans l’effort financier global de l’État est en baisse.
Dans le budget 2010, le montant des aides à la personne (type APL) s’élève à 5,37 milliards
d’euros et les dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif à 3,2 milliards d’euros,
Contacts presse :
Denis GETTLIFFE -
Responsable des relations presse - Tél : 01 42 98 55 77 -
dgettliffe@ccomptes.fr
Dorine BREGMAN -
Directrice de la communication - Tél : 01 42 98 98 09 -
dbregman@ccomptes.fr
Page 2 sur 3
tandis que le budget alloué aux aides à la pierre se chiffre à 607 millions d’euros (contre 921
millions d’euros en 2006).
En 2008, le montant des contributions complémentaires versées par les délégataires s’est élevé
à 1,76 milliard d’euros, dépassant celui de l’État (1,44 milliard d’euros). Contrairement aux
services de l’État, les délégataires ont mis en place de meilleurs outils de suivi des
constructions et de consommation de crédits, à travers notamment l’installation d’observatoires
de l’habitat.
Les délégataires sont néanmoins confrontés à des difficultés persistantes : manque de terrains
à bâtir disponibles et coûts croissants de ces terrains, notamment en raison du développement
de l’investissement locatif dans le secteur libre et du succès du prêt à taux zéro auprès des
primo-accédants. Les coûts de construction ont également augmenté en raison d’une forte
sollicitation des entreprises du bâtiment et du développement de nouvelles exigences
qualitatives, avec les normes HQE (majoration de 30 à 40 % à enveloppe financière égale).
La Cour déplore l’inefficacité, dans les intercommunalités, du prélèvement pour insuffisance de
logements sociaux, appliqué, en vertu de l’article 55 de la loi SRU, sur les ressources fiscales
des communes qui ne respectent pas l’objectif de 20 % de logements sociaux.
Les effets du prélèvement sont atténués en amont par la prise en compte, en tant que
logements sociaux, des logements PLS qui s’adressent cependant à des publics non-
prioritaires. Ils sont aussi limités en aval, car une commune membre d’une intercommunalité
(délégataire ou non des aides à la pierre), quand elle doit acquitter le prélèvement, le verse à
l’intercommunalité, qui est alors tenue de lui en reverser une partie au titre de la dotation de
compensation.
La Cour recommande en conséquence l’abrogation des dispositions en cause (l’article 1609
nonies C du code général des impôts) et suggère, le cas échéant, de s’interroger sur un
éventuel transfert du droit de préemption aux EPCI jusqu’à obtention du taux de logements
sociaux fixé par la loi.
La Cour souligne les innovations mises en place par les délégataires : apports d’emprise et
aides financières pour minorer le coût des opérations, mobilisation des bailleurs à travers la
mise en place de contrats locaux d’objectifs et de conventions globales de financement,
négociation contractuelle entre collectivités et les bailleurs sociaux, devenue localement le
principal outil de politique sociale de l’habitat.
2) La rénovation du parc privé connaît un bilan plus mitigé
Les résultats globaux de ce deuxième volet du dispositif sont décevants : 132 057 logements
ont reçu des aides en 2005, et 160 705 en 2009. Sur la période 2006-2009, les délégataires ont
contribué aux aides à hauteur de 41 %, contre 49 % pour les zones hors délégation.
La Cour constate que les délégataires prennent peu en compte les priorités sociales, alors qu’il
s’agit d’aides à finalité sociale. Sur la période 2006-2009, les prêts accordés aux propriétaires
occupants représentent 40 % des aides en zone sous délégation, contre 45 % pour les zones
hors délégation. Les prêts aux propriétaires bailleurs représentent 35 % des aides accordées
toutes zones confondues, mais la part des logements rénovés donnant lieu à des loyers
maitrisés atteint 54 % en zones sous délégation, contre 65 % dans les zones hors délégation.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces résultats modestes : la superposition d’objectifs par
une succession de lois
(PCS en 2005, DALO en 2007, MOLLE en 2009), la coexistence
Page 3 sur 3
d’autres acteurs disposant de compétences historiques en la matière (ANAH, communes), le
plafonnement trop bas des montants des travaux pour les personnes à faibles ressources.
La Cour observe toutefois que, depuis 2009, l’ANAH facilite la réalisation des travaux par l’octroi
d’avances, jusqu’à 70 % du montant des travaux, dès le démarrage du chantier.
Les délégataires ont, de leur côté, pris des initiatives : travaux réalisés sur leurs ressources
propres, encouragement des baux à réhabilitation, développement de politiques préventives.
En matière de lutte contre l’habitat indigne, la Cour a relevé les difficultés à agir des
délégataires, faute de compétences en matière de police de l’insalubrité (compétence
préfectorale) et du péril (compétence communale, sauf à Paris).
3) En conclusion
, la Cour souligne le fort engagement, notamment humain et financier des
collectivités volontaires, qui ont su inventer de nouvelles coopérations à un échelon territorial
pertinent. De son côté, l’État a respecté ses engagements financiers.
En dépit de différences sensibles entre les aides à la construction et celles destinées à la
rénovation, la Cour estime le bilan globalement encourageant. Elle considère le régime de la
délégation difficilement réversible là où il est mis en oeuvre du fait de la perte d’expertise des
services déconcentrés de l’État.
Dans un contexte législatif et budgétaire qui évolue rapidement (réforme des collectivités
territoriales, crise des finances publiques), la Cour recommande d’assurer un cadre pluriannuel
stable, mieux adapté aux engagements de moyen et long terme requis par les délégations de
gestion des aides à la pierre. Elle demande aux pouvoirs publics de clarifier les orientations
qu’ils entendent suivre à l’avenir.
La Cour formule des préconisations opérationnelles pour lever certains freins à l’action des
délégataires, notamment :
-
inscrire les délégations à la pierre dans une programmation pluriannuelle de l'État fixant des
objectifs globalisés et des moyens financiers prévisionnels ;
-
supprimer les sources d’opposition entre les plans locaux de l'urbanisme et les programmes
locaux de l'habitat qui relèvent de la compétence d’autorités locales différentes ;
-
abroger les dispositions de l’article 1609 nonies C du code général des impôts ;
-
favoriser le transfert aux intercommunalités des compétences en matière d’urbanisme.
Consulter le rapport et les autres éléments
Contacts presse :
Denis GETTLIFFE -
Responsable des relations presse - Tél : 01 42 98 55 77 -
dgettliffe@ccomptes.fr
Dorine BREGMAN -
Directrice de la communication - Tél : 01 42 98 98 09 -
dbregman@ccomptes.fr