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Commission permanente de contrôle des sociétés de
perception et de répartition des droits
(Droits des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs)
Publication du neuvième rapport annuel
–
Année 2011
Conférence de presse du 25 avril 2012 à 10 heures
INTRODUCTION
par M. Bernard MENASSEYRE, président de la commission
Il existe aujourd’hui 27 sociétés chargées de la gestion collective des droits des
auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs, les "SPRD".
En 1850, il en existait une seule, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques
; en 1984, une dizaine, dont la SACEM.
26
d'entre
ces
sociétés
sont
en
activité.
En
2010,
elles
ont
perçu
1,4 milliard d'euros de droits et supporté environ 310 millions de charges d'exploitation. Elles
regroupent 2 150 emplois à temps plein et les 17 les plus importantes rassemblent quelque
300 000 associés dont le nombre est allé croissant. Tant par le nombre des associés que
pour les perceptions et les emplois, la SACEM est largement prépondérante. Elle joue un
rôle éminent dans un système complexe et
d’une transparence encore insuffisante,
qui
repose sur la mutualisation des moyens.
Tel est, en très grands traits, le domaine dont la loi du 1
er
août 2000 a confié le
contrôle, celui des comptes et de la gestion, à la Commission permanente qui aujourd'hui
présente son neuvième rapport. Celui-ci résulte des contrôles exécutés en 2011.
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Un mot sur la Commission elle-même. Sa compétence concerne des sociétés civiles
régies par le droit privé qui ne reçoivent aucun denier public. Sous cet angle juridique, elles
sont ainsi une exception remarquable. L'enjeu culturel qu'est le droit d'auteur conçu et défini
par Beaumarchais en est le fondement. A quoi il faut ajouter qu'en 2000, le législateur a
souhaité voir contrôler des organismes qui, tels la SACEM de l'époque, faisaient l'objet
d'interrogations ou de critiques.
La mission essentielle de la Commission est d'
INFORMER
. Informer le Parlement,
informer le gouvernement, informer les associés. A cette fin, la Commission, instance
permanente, distincte, j'y insiste, de la Cour des comptes qui l'héberge et lui assure ses
moyens de fonctionnement, se présente comme une autorité pourvue de réels pouvoirs
d'investigation, même si elle ne dispose pas d’un rôle juridiction
nel ou de sanction. C'est une
instance collégiale de cinq hauts magistrats et fonctionnaires. Ses délibérations portent sur
des rapports qui sont soumis à une procédure contradictoire au cours de laquelle les
sociétés peuvent présenter leurs positions. En toute indépendance, la Commission choisit
les sujets de ses contrôles. Dans ses rapports, elle formule des recommandations précises
et en suit après coup attentivement l'exécution pour en rendre compte.
Les pouvoirs publics, les associés et l'opinion perçoivent dès à présent les
bouleversements qui affectent ce secteur sensible. Qu'on en juge! Au-delà de la lutte contre
les usages illicites, la question essentielle pour l’avenir reste le rôle que pourrait jouer la
gestion collective des droits
dans l’univer
s numérique.
L'Union européenne entend imposer le principe de la concurrence là où règnent
encore des monopoles territoriaux de fait et "l'exception culturelle" doit trouver de nouvelles
formes. Vous savez à quel point les données sont changées et que l'ensemble cherche un
nouvel équilibre.
Depuis dix années, la Commission permanente, grâce à l'examen des comptes des
sociétés, suit l'évolution de leurs flux financiers et peut ainsi exposer objectivement les
changements qu'elle exprime. Elle est la seule à le faire. En outre, elle traite après une
instruction sur pièces et sur place menée par une équipe de rapporteurs, les sujets les plus
significatifs de la gestion des SPRD. En voici les principaux : la perception et la répartition
des droits, les relations des sociétés avec leurs homologues hors de France, leur action
artistique et culturelle, leur trésorerie, leurs relations financières et leur politique salariale.
Le neuvième rapport que vous présente Christian PHÉLINE, rapporteur général,
porte sur les flux financiers de 2009 et 2010, d'une part, sur le thème de la participation des
associés à la vie des sociétés, d'autre part. En 2012, la Commission a décidé d'examiner les
suites données par les sociétés à ses recommandations sur la trésorerie et la politique
salariale et sur les droits liés aux utilisations audiovisuelles et les relations avec les
diffuseurs.
J'ajoute pour terminer que les commissions chargées de la culture des deux
chambres ont souhaité entendre en audition le président et le rapporteur général de la
Commission, témoignage de l'intérêt qu'elles éprouvent pour ses observations dont le
Parlement pourrait éprouver la pertinence à la veille de décisions attendues sur la gestion
collective.
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PRÉSENTATION
par M. Christian PHÉLINE, rapporteur général
On accuse parfois les journalistes comme les corps de contrôle de ne pas
suffisamment parler des trains lorsqu’ils partent à l’heure. Mais nos lecteurs eux
-mêmes sont
peut être plus attentifs aux difficultés et aux insuffisances qu
’il nous app
artient de relever
–
«
d’épingler
» dit-on volontiers à propos de la Cour des comptes-
qu’
aux
satisfecit
que nous
nous faisons devoir de délivrer chaque fois qu’ils sont justifiés. Je tenais à souligner ce souci
d’une évaluation équilibrée en préambule à l
a présentation des résultats de nos contrôles de
l’année 2011, tant en ce qui concerne l’évolution récente de l’économie de la gestion
collective que la question, essentielle pour son avenir, du fonctionnement de la démocratie
au sein des sociétés de perception et de répartition. En effet, s
ur l’un et l’autre de ces sujets,
des notations,
plus positives qu’il n’est habituel, viennent nuancer ou corriger des tendances
de fond restant préoccupantes.
1. S
’agissant
d’abord
de l’observation des flux,
une embellie conjoncturelle, aussi
nette qu’inattendue
,
s’observe au cours des deux dernières
années, même si elle n’écarte en
rien, ni
les incertitudes qui affectent l’avenir économique des droits,
ni
la nécessité d’une
gestion plus efficace et plus rapide.
Les perceptions globales, qui avaient connu antérieurement une sensible
décélération, ont en effet crû de 12,7 % entre 2008 et 2010, pour dépasser 1,4 milliard
d’euros. Contrastant avec la morosité du marché discographique, cette reprise tient
notamment à des facteurs exceptionnels (comme le dénouement de contentieux) et à des
relèvements récents de barèmes (notamment en matière de « rémunération équitable »).
Les évolutions restent
d’ailleurs
contrastées par sociétés et types de droit, les ressources
d’origine aud
iovisuelle
contribuant notamment à la croissance observée.
L’utilisation des perceptions n’a suivi que partiellement leur rythme de croissance
,
d’où un alourdissement des restes à affecter en fin d’année, les affectations aux ayants droit
représentant toujours plus de 40 % des droits disponibles et moins des 3/4 des perceptions
de l’année. Une même inertie relative s’observe pour l’utilisation des ressources d’action
artistique et culturelle.
Les charges de gestion ont en revanche crû plus modérément que les perceptions et
s’établissent en moyenne un peu au
-dessous de 20 % des perceptions. Les prélèvements de
gestion en couvrent les 2/3 environ, la part venant des produits financiers tendant à se
tasser.
Malgré cette évolution récente favorable, la plupart
des sociétés s’interrogent sur
l’avenir de leurs ressources, du fait des incertitudes sur les perspectives de la rémunération
pour copie privée à l’issue de la période provisoire d’un an ouverte par la loi du 20
décembre
dernier et sur le rythme de mise en place des offres numériques légales. En toute hypothèse,
la commission les encourage
a améliorer le rythme d’utilisation et d’affectation des droits.
2. Pour ce qui, en second lieu, concerne
la vie des sociétés, le constat d’ensemble
reste que bien des restrictions juridiques ou pratiques au plein exercice des droits
d’information et de contrôle
des associés mériteraient d’être levées, même si
les intéressés
n’exercent que d’une manière
bien limitée les prérogatives que leur reconnaissent déjà le
code de la propriété intellectuelle ou les statuts des sociétés.
Pour autant, la Commission permanente trouve, pour la première fois, à se féliciter de
l’importance des clarifications ou engagement pour l’avenir obtenus
, dès la conduite de son
enquête, de la part tant du ministère de la Culture que de plusieurs des sociétés contrôlées.
L’enquête a porté sur
neuf sociétés,
d’auteurs (la SACEM, la SACD et la SCAM, ainsi
que
l’ADAGP qui gère les droits sur des œuvres
visuelles et la SCELF qui regroupe les
4
éditeurs du livre)
, d’artistes
-interprè
tes (l’ADAMI et la SPEDIDAM) et
de producteurs
phonographiques (
la SCPP et la SPPF). Ces sociétés sont d’une taille très différente
, le
nombre de leurs associés se chiffrant, en centaines pour la SCELF, en milliers pour les
sociétés de producteurs qui regroupent des entreprises, en dizaines de milliers pour chacune
des autres sociétés, la SACEM regroupant à elle seule quelque 137 000 membres, dont des
éditeurs.
Comme les autres SPRD, ces sociétés relèvent du statut des sociétés civiles, qui
reconnaît aux associés et à leur assemblée générale d’importants pouvoirs d’information et
de contrôle. Le code de la propriété intellectuelle comporte cependant des dispositions
particulières sur l’exercice de ces droits, prenant en compte no
tamment le nombre élevé de
leurs associés. En outre, l
es statuts des sociétés se fondent tous sur l’existence d’un conseil
d’administration qui rapproche leur fonctionnement de celui des sociétés par actions.
En réponse à des interrogations soulevées lors du contrôle, en 2009, des
rémunérations des principaux dirigeants, le ministère de la Culture a apporté une importante
clarification sur la portée des textes en vigueur, soulignant que la liste limitative
d’informations figurant à l’article R. 321
-6-1 du c
ode, ne s’appliquait qu’à celles dont les
associés demanderaient qu’elle leur soient «
adressées
» préalablement à l’assemblée
générale ; cette liste précise, par exemple, que seul est communicable, sous cette forme, le
« montant global » des 5 ou des 10 principales recommandations. En revanche, elle ne
saurait être opposée à la
demande d’un accès direct à des informations plus complète
s et
plus détaillées
s’exerçant au siège social selon des modalités prévues
, par ailleurs,
à l’article
321-6.
A l’issue d’u
n examen approfondi des informations transmises aux associés, soit de
manière systématique, soit à leur demande, la Commission a relevé notamment que les
possibilités de transmission en ligne étaient encore insuffisamment utilisées notamment pour
la préparation des assemblées générales et que les conditions réglementaires mises à
l’exercice du droit à demander par voie judiciaire une expertise le rendait de fait inaccessible
(il faudrait en effet réunir 10 % des associés). Des recommandations sont faites en vue de
dépasser ces restrictions.
Elle a également souligné la nécessité que les adhérents et associés soient plus
explicitement informés de la possibilité juridique de ne faire aux sociétés qu’un apport partiel
de leurs droits, ainsi que des taux et montants
de l’ensemble des prélèvement
s de gestion
dont ceux-ci sont affectés, y compris de ceux opérés par les sociétés dites « intermédiaires »
intervenant en amont des sociétés d’ayants droit.
Elle encourage par ailleurs plusieurs sociétés à lever les limit
ations à l’infor
mation
des associés sur les in
tentions des candidats au conseil d’administration ou aux diverses
commissions et à p
ermettre à l’assemblée générale
d’approuver effectivement les retenues
de gestion et, quand ce n’est pas le cas (SCELF), le b
udget prévisionnel.
S’agissant de la tenue des assemblées générales, la Commission a constaté un très
faible taux de participation physique des associés. Si cette situation tient pour une part au
fait que nombre d’entre eux ne perçoivent que des montants d
e droits très limités, elle incite
à autoriser la convocation par voie électronique et, lorsque ce n’est pas encore le cas,
l’exercice du vote à distance et en ligne.
Si les sociétés adopte des modalités diverses de la « gérance » propre aux sociétés
civi
les, la Commission s’est interrogée, en termes de bon équilibre des pouvoirs, sur la
réforme statutaire intervenue en 2009 à l’ADAMI, qui confère au président du conseil
d’administration le pouvoir de proposer le nom du gérant et celui de contrôler la conf
ormité
de son action aux orientations de la société.
L’enquête a par ailleurs donné lieu à un débat avec
la SPEDIDAM où une pratique
non limitative des pouvoirs conduisait à leur concentration en assemblée générale dans les
mains de quelques dirigeants, par ailleurs salariés de la société. La Commission se félicite
5
qu’
au terme de ces échanges, le
conseil d’administra
tion ait décidé de proposer à la
prochaine assemblée générale une importante réforme statutaire tendant à remédier à cette
situation contestable.
Elle note aussi avec satisfaction que la SACEM entend soumettre au vote une série
de mesures statutaires visant à améliorer la participation des associés et qu’elle s’est
engagée à désormais diffuser par voie électronique préalablement à son assemblée
générale le rapport de la Commission permanente. Elle souligne enfin que la SCELF entend
prendre des dispositions visant à mieux
informer et responsabiliser l’assemblée générale sur
la situation financière de la société.
Je vous laisse donc sur l’indication
de ces améliorations
pour l’avenir,
dont la
Commission permanente vérifiera, le moment venu, la bonne mise en œuvre.