P
RÉLÈVEMENTS À LA SOURCE
ET IMPÔT SUR LE REVENU
Février 2012
L
e Conseil des prélèvements obligatoires est chargé
d'apprécier l'évolution et l'impact économique, social et
budgétaire de l'ensemble des prélèvements obligatoires,
ainsi que de formuler des recommandations sur toute
question
relative
aux
prélèvements
obligatoires
(loi
n° 2005-358 du 20 avril 2005). Le présent document est
destiné à faciliter la lecture et l'exploitation du rapport du
Conseil des prélèvements obligatoires. Seul le texte du
rapport engage le Conseil.
Avertissement
Synthèse
Sommaire
Synthèse
du Rapport
CPO - Février 2012
INTRODUCTION
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
I
-
Définitions, périmètre et avantages comparatifs des
prélèvements à la source
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
- La retenue à la source : retour sur un débat ancien . . . . . .7
- Définitions et périmètre des prélèvements à la source
. . . .7
- Prélèvements à la source et prise en compte des intérêts des
contribuables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
- Prélèvements à la source et assainissement des finances
publiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13
- Prélèvements à la source et pilotage de l’économie
. . . . .16
II
-
Questions posées par la retenue à la source de
l’impôt sur le revenu, étendue des choix possibles
et conséquences de chacun
. . . . . . . . . . . . . . . . .19
- Modalités possibles de calcul d’un impôt sur le revenu prélevé
à la source . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
- Modalités possibles de recouvrement d’un impôt sur le revenu
prélevé à la source . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24
- Modalités possibles de transition vers une retenue à la source
de l’impôt sur le revenu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28
- Les alternatives possibles à une retenue à la source de
l’impôt sur le revenu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31
CONCLUSION
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36
3
Introduction
5
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
La France est généralement présentée comme un pays où le paiement sur avis
d’imposition est la norme, et où le prélèvement à la source est l’exception. Cette
« exception française » explique d’ailleurs que le débat sur la retenue à la source de
l’impôt sur le revenu revienne régulièrement dans l’actualité, les dernières fois en 2002
et en 2007.
Pourtant, les prélèvements à la source constituent une part très significative des
prélèvements obligatoires. La contribution sociale généralisée (CSG), tout ou partie des
cotisations sociales sur les salaires ou, s’agissant de la sphère fiscale, le prélèvement
forfaitaire libératoire sur les revenus du capital (PFL) sont des prélèvements dont le
recouvrement « à la source » ne fait guère de doute. La France dispose donc d’une
expérience importante et ancienne de ce mode de recouvrement de l’impôt.
Pour ces raisons, le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé nécessaire de
procéder à un état des lieux des prélèvements à la source et, sur cette base, d’effectuer
une analyse approfondie de leurs caractéristiques, avantages et inconvénients par rapport
aux autres modalités de paiement de l’impôt.
Le Conseil des prélèvements obligatoires a concentré ses travaux sur les
prélèvements assis sur les revenus des ménages : prélèvements sociaux (cotisations
sociales, CSG…) ou fiscaux (prélèvement forfaitaire libératoire, imposition des plus-
values immobilières…) retenus à la source et, en miroir, impôt sur le revenu.
Ce faisant, cette réflexion a poursuivi un second objectif : actualiser les termes du
débat sur l’opportunité de réformer le mode de recouvrement de l’impôt sur le revenu
afin de le collecter par retenue à la source.
En effet, la plupart des travaux réalisés sur ce sujet au cours des années 1990
ou au début des années 2000 ont pris position en faveur d’une retenue à la source de
l’impôt sur le revenu. Cependant, le contexte a évolué depuis : d’une part, plusieurs
prélèvements à la source sont apparus enrichissant l’expérience qui pouvait en être
retirée ; d’autre part, l’administration fiscale a engagé de nombreux chantiers de
modernisation de la gestion de l’impôt sur le revenu.
En d’autres termes, les constats qui avaient pu être établis par le passé méritent
d’être réexaminés à la lumière des changements intervenus dans le paysage socio-fiscal
français.
L’objectif final poursuivi par le Conseil des prélèvements est donc d’appréhender
6
l’économie globale d’un projet de retenue à la source de l’impôt sur le revenu, qui peut
être résumée de la façon suivante : compte tenu à la fois des avantages théoriques qui
pourraient en être attendus, et des modalités opérationnelles qu’elle pourrait emprunter
dans le cadre français, la retenue à la source apporterait-elle une amélioration du
système actuel, et si oui à quelle(s) condition(s) ?
Le Conseil des prélèvements obligatoires s’est appuyé sur une méthodologie
reposant notamment sur une enquête internationale approfondie, qu’il a menée auprès
de quinze pays de l’OCDE. Parmi ceux-ci, treize d’entre eux ont choisi de prélever
l’impôt sur le revenu à la source. Cette méthode a aussi reposé sur une large
consultation des principaux acteurs concernés par une éventuelle retenue à la source de
l’impôt sur le revenu en France :
représentants des employeurs qui deviendraient les
tiers payeurs de l’impôt prélevé à la source, représentants des salariés qui seraient
concernés au premier chef par le prélèvement de l’impôt sur les salaires, représentants
des usagers de l’administration, professionnels de l’édition des logiciels de paye et
représentants des professions du chiffre.
Le Conseil des prélèvements obligatoires a choisi de réaliser ses travaux avec
l’hypothèse d’un cadre constant des prélèvements obligatoires : les éventuelles réformes de
l’impôt sur le revenu n’ont été étudiées que dans la mesure où elles constitueraient une
condition préalable à la mise en place du prélèvement à la source. En revanche, les
débats sur l’opportunité de procéder à une réforme de l’imposition des ménages –
révision de la progressivité de l’impôt sur le revenu, fusion de celui-ci avec d’autres
prélèvements comme, par exemple, la CSG – n’entrent pas dans le champ du présent
exercice et ont donc été exclus des travaux.
Introduction
7
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
Définitions, périmètre et
avantages comparatifs des
prélèvements à la source
1
La retenue à la
source : retour sur
un débat ancien
Le prélèvement à la source de
l’impôt sur le revenu s’est développé
dans les pays occidentaux au cours de la
première moitié du XXème siècle. En
France les débats remontent aux années
30 et un « stoppage à la source » sur les
salaires a même été pratiqué entre 1939
et
1948.
Dans
un
contexte
de
généralisation de l’impôt sur le revenu –
le nombre de ménages assujettis passe
de 15 % en 1950 à 63 % en 1979 -,
nombreux ont été les rapports ainsi que
les projets gouvernementaux qui ont
tenté d’instaurer un prélèvement à la
source, sans jamais aboutir.
Définitions et
périmètre des
prélèvements à la
source
Le rapport recense les différentes
définitions du prélèvement à la source.
Avec le critère le « tiers payeur », il se
définit
comme
« un
mode
de
recouvrement de l'impôt consistant à
faire prélever son montant par un tiers
payeur, le plus souvent l'employeur ou le
banquier, au moment du versement au
contribuable des revenus sur lesquels
porte l'impôt ». C’est le cas pour les
cotisations sociales recouvrées par
l’entreprise, le prélèvement forfaitaire
libératoire par la banque ou l’impôt sur
les plus-values immobilières par les
notaires depuis 2004.
Une autre définition consiste à
qualifier le prélèvement à la source
lorsque le recouvrement de l’impôt
intervient simultanément à la formation
de l’assiette. Cette approche est illustrée
dans l’expression « pay as you earn » qui
fut mise en avant aux États-Unis à partir
de 1942 pour promouvoir le projet de
loi sur la retenue à la source de l’impôt
sur
le
revenu,
lui-même
signifi-
cativement intitulé « loi sur le paiement
contemporain de l’impôt ».
Dans cette approche, le paiement de
l’impôt survient au moment même où la
base imposable apparaît, c’est-à-dire au
moment de la formation de l’assiette.
Elle conduit à ajouter au périmètre
précédent
les
cotisations
sociales
patronales, le versement transport et la
cotisation sociale autonomie.
Prélèvements à la source
et impôt sur le revenu
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
8
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
Selon ces définitions plus ou moins
restrictives, les prélèvements à la source
représentent
entre
un
quart
(185 milliards d’euros) et la moitié
(428 milliards d’euros) du total des
prélèvements obligatoires.
Prélèvements à la
source et prise en
compte des intérêts
des contribuables
Le prélèvement à la
source permet-il de
simplifier les démarches
des contribuables ?
On peut penser que le prélèvement
à la source dispense le contribuable des
démarches à accomplir pour déclarer ses
revenus et payer son impôt. Lorsqu’il
s’agit des cotisations sociales, de la CSG
ou encore de la CRDS, il n’a en effet
aucune démarche déclarative à réaliser et
le paiement est effectué directement par
son employeur sans qu’il ait besoin
d’intervenir.
La situation contraste en matière
d’impôt sur le revenu : le contribuable
doit remplir sa déclaration de revenus,
puis payer par lui-même l’impôt. On
peut en déduire que le prélèvement à la
source est un facteur de simplification
des démarches à accomplir pour le
contribuable.
En réalité, les démarches pour le
calcul de l’impôt dépendent d’abord de
la complexité de l’impôt lui-même, et
non pas de son mode de paiement.
Les formalités déclaratives – remplir
une déclaration de revenus, informer
l’administration d’un changement de
situation personnelle (changement de
domicile,
divorce…),
vérifier
les
informations
communiquées
par
l’administration dans l’avis d’imposition
(taux
d’imposition,
échéancier
de
paiement…) – ne sont pas liées au mode
de recouvrement de l’impôt (retenue à la
source ou autre), mais à son mode de
calcul.
En effet, les prélèvements à la
source comme la CSG, ne sont pas des
impôts personnalisés : leur mode de
calcul
ne
tient
pas
compte
des
caractéristiques individuelles du contri-
buable et ne nécessitent pas de
formalités déclaratives importantes.
En
revanche,
les
impôts
personnalisés impliquent par essence
des démarches complémentaires. En
effet, l’administration fiscale a besoin de
connaître différentes informations dont
la plupart ne peuvent être com-
muniquées que par le contribuable lui-
même : situation de famille, existence de
revenus autres que salariaux, utilisation
de dépenses fiscales... C’est pour cette
raison qu’il est demandé au contribuable
de remplir une déclaration et, le cas
échéant, de fournir des informations
complémentaires, comme dans le cadre
de l’impôt sur le revenu.
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
9
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
D’ailleurs,
les
comparaisons
internationales montrent que les seuls
pays dans lesquels la retenue à la source
s’est traduite par une simplification des
démarches des contribuables sont ceux
dans lesquels l’impôt sur le revenu est
sensiblement moins personnalisé que le
nôtre. Ainsi au Royaume-Uni, où seul un
quart des contribuables remplit une
déclaration, le taux d’imposition du
contribuable ne tient pas compte de sa
situation conjugale ou familiale. La
politique
familiale
passe
par
le
versement
d’une
prestation
com-
pensatoire, le
child tax credit
, qui n’influe
pas sur le taux d’imposition. Le barème
est simple : la quasi-totalité des
contribuables sont situés dans la
première (20 %) ou la deuxième tranche
(40 %, revenus annuels inférieurs à
150 000 £, soit environ 180 000 euros).
Enfin, les contribuables ne peuvent
utiliser qu’un nombre limité de dépenses
fiscales pouvant réduire leur taux
d’imposition.
Ainsi,
le
taux
appliqué
par
l’employeur sur la feuille de paye ne tient
compte
que
d’un
nombre
limité
d’informations (existence de revenus
complémentaires
du
contribuable,
recours éventuel à quelques dépenses
fiscales)
et
peut
être
aisément
standardisé.
Dans la plupart des pays, la
déclaration annuelle de revenus reste en
revanche obligatoire pour tous les
contribuables
(Australie,
Belgique,
Canada), ou, lorsqu’elle est facultative,
elle reste souscrite par une grande
majorité de contribuables (93,4 % des
contribuables aux États-Unis, 90 % en
Espagne, 74 % en Allemagne).
En
France,
des
mesures
de
simplification ont été engagées par
l’administration
fiscale.
La
géné-
ralisation de la déclaration préremplie
(DPR) en 2006 a permis de simplifier
significativement
les
obligations
déclaratives des contribuables, 90 %
d’entre
eux
en
étant
dorénavant
destinataires. La DPR intègre déjà tous
les revenus transmis par des tiers
déclarants.
Des simplifications peuvent être
recherchées du côté des procédures de
paiement. En effet, le prélèvement à la
source dispense le contribuable de
démarches à accomplir pour payer
l’impôt puisque ces démarches sont
accomplies
par
le
tiers
payeur
(l’employeur par exemple).
Mais, l’administration offre déjà
aujourd’hui une palette d’outils de
paiement diversifiée aux contribuables.
En particulier, aux côtés des moyens de
paiement dits « matériels » elle propose
aussi plusieurs moyens de paiement
dématérialisés
aux
contribuables,
comme le télérèglement (ou « paiement
direct en ligne ») depuis 2001 et le
prélèvement automatique.
La mensualisation
a été instaurée en
1973 pour l’impôt sur le revenu : elle
permet au contribuable de régler son
imposition en 10 mensualités (de janvier
à octobre), des acomptes complémen-
taires étant éventuellement prélevés en
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
10
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
novembre et décembre si la situation du
contribuable le justifie.
Ces
moyens
de
paiement
dématérialisés ont connu une forte
progression au cours de la décennie
2000
:
en
2010,
72,8
%
des
contribuables sont mensualisés, 11 %
recourent au prélèvement à l’échéance et
3,3 % au télérèglement.
Au final donc, la retenue à la source
n’apporterait de simplifications qu’au
niveau du paiement de l’impôt (mais pas
en matière de déclaration), uniquement
pour les 13 % de contribuables qui
n’utilisent pas les moyens de paiement
dématérialisés, et encore, en faisant
l’hypothèse que ces derniers n’ont pas
gardé le paiement manuel par choix. Le
gain serait donc très faible, pour ne pas
dire nul.
Le prélèvement à la
source favorise-t-il un
ajustement plus rapide de
l’impôt si les revenus
diminuent ?
L’une
des
principales
caractéristiques de la retenue à la source
est
de
permettre
une
taxation
contemporaine
des
revenus.
Cela
signifie que l’impôt dû au titre des
revenus de l’année n est effectivement
payé au cours de l’année
n
. En France,
les revenus de l’année
n
sont déclarés et
payés au cours de l’année
n+1
, soit avec
une année de décalage.
Cette différence a des conséquences
pour
ceux
des
contribuables
qui
connaissent une variation de revenu
d’une année sur l’autre. En effet, chaque
année, de l’ordre de 30 à 40 % des
contribuables connaissent une baisse de
revenu, le montant médian de la baisse
étant de 10 %.
Les
changements
de
situation
professionnelle, comme le départ en
retraite et le chômage expliquent
l’essentiel des baisses de revenu, le reste
résultant de changements de situation
conjugale (divorce) ou familiale (perte
d’allocations familiales).
La capacité de l’impôt à prendre en
compte
ces
variations
de
revenu
constitue donc un enjeu majeur.
L’administration
propose
des
solutions pour tenir compte de ces
difficultés.
Les délais de paiement offerts par
l’administration fiscale permettent de
disposer d’un délai supplémentaire pour
payer l’imposition due. Parmi ces
solutions, la procédure spécifique en cas
de baisse brutale de revenu s’adresse aux
contribuables qui ont connu une baisse
de revenu supérieure à 30 %, quelle que
soit la cause de cette baisse (chômage,
maladie etc.). Le délai de paiement est de
droit pour le contribuable, qui peut s’en
prévaloir dès la constatation de la baisse
des revenus.
Par la modulation des acomptes,
l’administration fiscale offre aussi la
possibilité au contribuable de moduler
dès janvier
n+1
ses acomptes d’impôt
n+1
dus au titre des revenus
n
, sans
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
11
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
attendre la régularisation de septembre
n+1
. Elle peut être réalisée à la baisse
(anticipation d’une baisse future du taux
d’imposition) comme à la hausse
(anticipation d’une hausse future du
taux d’imposition).
Mais ces facilités sont toutefois peu
utilisées par les contribuables.
Seuls environ 2 % des contribuables
recourent à la procédure de droit
commun, alors que plus de 30 %
seraient susceptibles de l’utiliser. Quant
aux contribuables qui subissent une
baisse brutale de revenus, ils sont à
peine 0,01 % chaque année à solliciter la
procédure spécifique de délais de
paiement, alors que 10 % pourraient en
bénéficier de droit.
Le
constat
n’est
guère
plus
satisfaisant concernant la modulation
des acomptes : environ 7 % des
redevables
mensualisés
modulent
chaque année leurs acomptes, alors
qu’à
nouveau, plus de 30 % d’entre eux
subissent une baisse de revenu et, à ce
titre, auraient intérêt à moduler à la
baisse leurs mensualités dès le mois de
janvier
n+1
.
L’offre de services déployée par
l’administration fiscale pour corriger les
effets négatifs du décalage d’un an entre
la perception des revenus et le paiement
de l’impôt correspondant n’est donc pas
utilisée de façon optimale aujourd’hui.
Une retenue à la source pourrait
améliorer significativement la prise en
compte
des
difficultés
des
contribuables, car elle présente des
avantages que ne comporte pas la
mensualisation du paiement de l’impôt.
Avec une retenue à la source, les
revenus de l’année n sont taxés en n, et
non pas en
n+1
. Par exemple, les
acomptes prélevés chaque mois en 2012
le seraient au titre des revenus 2012 ;
alors
que
les
acomptes
payés
actuellement
par
un
contribuable
mensualisé représentent l’impôt dû au
titre des revenus 2011. Ainsi, si le
contribuable subit une baisse de revenu
en 2012, son impôt peut immédiatement
s’ajuster à la baisse avec une retenue à la
source ; en revanche, dans le système
actuel, le contribuable devra attendre le
1
er
janvier 2013 pour ajuster ses
mensualités à la baisse, puisque les
mensualités
de
2012
valent
pour
l’imposition des revenus 2011 qui, eux,
n’avaient pas subi de baisse.
Ensuite, les acomptes prennent la
forme d’un taux appliqué aux revenus,
et non pas d’un montant d’impôt à
payer. De ce fait, deux avantages en
résultent.
On observe un effet assiette : si le
taux d’imposition du contribuable est de
10 % et si son revenu mensuel passe de
1 000 euros à 800 euros, l’impôt prélevé
chaque mois passe instantanément de
100 euros à 80 euros, soit une baisse
d’impôt immédiate de 20 %. En
revanche, avec la mensualisation, le
contribuable continue de devoir payer
100 euros d’impôt chaque mois puisque,
du fait du décalage d’un an, il paye en
2012 l’impôt dû au titre de ses revenus
2011.
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
12
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
S’y ajoute un effet taux : si le fait de
passer d’un revenu mensuel de 1 000
euros à un revenu de 800 euros conduit
le contribuable à passer d’un taux
moyen d’imposition de 10 % à 8 %,
alors le mois qui suit sa baisse de revenu,
son impôt mensuel passe de 100 euros
(10 % de 1 000 euros) à 64 euros (8 %
de 800 euros). Le contribuable bénéficie
immédiatement d’une baisse d’un tiers
de son impôt (soit un quasi-doublement
du
seul
effet
assiette
obtenu
précédemment),
alors
qu’avec
le
système actuel de mensualisation son
impôt ne baisse pas jusqu’à la fin de
l’année.
Toutefois, la retenue à la source ne
peut
améliorer
la
situation
des
contribuables qui connaissent d’im-
portantes baisses de revenus que si elle
permet
l’ajustement
du
taux
d’imposition en temps réel et sans
erreur. Or, une retenue à la source
« parfaite » est complexe à bâtir dans le
cadre du système fiscal actuel et
comporterait de coûts de gestion élevés
pour l’administration ou les tiers
payeurs.
Le prélèvement à la
source est-il de nature à
améliorer la lisibilité de
l’impôt, et ce faisant, à
renforcer le consentement
à l’impôt ?
Il donne plus de visibilité au
contribuable sur son revenu disponible,
puisque le revenu qui est versé sur le
compte bancaire du contribuable est net
d’impôt. Le contribuable peut donc
disposer de son revenu librement, sans
avoir à se préoccuper de constituer une
épargne de précaution en prévision d’un
impôt futur.
Mais, au regard de la complexité de
l’impôt sur le revenu en France et de la
difficulté qu’il y aurait à mettre en place
une retenue à la source permettant un
ajustement parfait de l’impôt aux
variations de revenu du contribuable, il
n’est pas certain que la retenue à la
source permettrait au contribuable de
disposer d’un revenu véritablement net
d’impôt ; en réalité, il subsisterait
probablement
des
régularisations
l’année suivante, comme dans les autres
pays.
A contrario, la retenue à la source est
susceptible d’affaiblir le civisme fiscal
classique qui passe par une meilleure
participation du contribuable–citoyen
au débat démocratique.
En effet, le prélèvement à la source
est moins directement perceptible pour
le contribuable : son impôt prélevé à la
source n’apparaît plus sur son compte
bancaire, où seul figure le salaire net.
Le système du paiement sur rôle qui
prévaut actuellement en France est de ce
point de vue plus compréhensible : une
fois par an, le contribuable reçoit un avis
d’imposition
récapitulant
le
taux
synthétique d’impôt dû au titre de
l’ensemble de ses revenus, ainsi que
l’échéancier des paiements à venir. Les
prélèvements
mensuels
ou
aux
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
13
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
échéances correspondent exactement à
l’impôt dû par le contribuable.
Sur un plan plus symbolique, le
paiement de l’impôt peut être considéré
comme un « acte citoyen » par lequel le
contribuable manifeste son attachement
volontaire à la contribution aux charges
publiques.
Enfin, l’introduction d’un tiers
payeur, s’il s’agit de l’employeur, peut
perturber les relations de travail : des
tensions
peuvent
apparaître
entre
salariés, puisque deux salariés occupant
la
même
fonction
pourraient
dorénavant recevoir un salaire net
différent si leurs taux d’imposition sont
différents (par exemple si l’un a des
enfants et l’autre pas).
La crainte que l’employeur, par la
connaissance du taux d’imposition de
ses salariés, puisse orienter la politique
salariale
de
l’entreprise,
voire
sa
politique d’emploi (licenciement en
priorité des salariés dont le taux
d’imposition plus élevé semble indiquer
qu’ils perçoivent d’autres revenus) ne
doit pas être sous-estimée, notamment
dans les petites entreprises.
Enfin les variations de salaire net
engendrées par la retenue à la source
(une hausse du taux d’imposition
entraînant une baisse du salaire net)
pourraient provoquer de nouvelles
revendications salariales.
Prélèvements à la
source et
assainissement des
finances publiques
La retenue à la source de
l’impôt sur le revenu est
susceptible de générer
des gains de trésorerie
pour l’État
Le produit de l’impôt serait recouvré
plus régulièrement à raison d’une
fraction par mois. Il s’agit en principe
d’un avantage par rapport au système
des tiers provisionnels de l’impôt sur le
revenu actuel.
En outre, la base d’imposition est
avancée d’un an, permettant à l’État de
bénéficier de la croissance des revenus.
L’avancement d’un an de la base
d’imposition entraîne un gain de
trésorerie pour l’État si la nouvelle base
n+1
est plus importante que la base
n
du
fait de la croissance des revenus.
Toutefois, le ralentissement de la
croissance observé ces dernières années,
et singulièrement l’impact de la crise
économique
survenue
en
2008,
conduisent ici à nuancer des conclusions
formulées dans les années 1990. En
période de récession, l’avancement d’un
an de la base d’imposition pourrait au
contraire
entraîner
une
perte
de
trésorerie pour l’État.
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
14
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
Les simulations présentées dans le
rapport indiquent qu’il ne faut donc pas
attendre
de
gains
de
trésorerie
importants, voire pas de gains du tout,
d’un passage à la retenue à la source de
l’impôt sur le revenu.
En théorie, le prélèvement
à la source permet
d’améliorer le
recouvrement de l’impôt
C’est l’enseignement que l’on tire
des comparaisons internationales. Les
éléments recueillis auprès des pays
étrangers montrent que la retenue à la
source de l’impôt sur le revenu a le plus
souvent été introduite avec pour objectif
d’améliorer le recouvrement des recettes
fiscales de l’État. C’était le cas aux Etats-
Unis (1943), au Royaume-Uni (1944), en
Australie (1942), en Nouvelle-Zélande
(1958), au Canada (1917) et en Italie
(1973).
De fait, le taux de recouvrement de
l’impôt sur le revenu dans les pays où il
est prélevé à la source est part-
iculièrement élevé : 95 % en Irlande,
99,5 % aux Pays-Bas et 99,7 % au
Danemark.
En France, le taux de recouvrement
des prélèvements à la source dans la
sphère
sociale
(cotisations
et
contributions sociales dues sur les
salaires)
atteint
des
niveaux
systématiquement supérieurs à 99 %.
Enfin, en 2004, la mise en place de
la retenue à la source sur les plus-values
immobilières s’est accompagnée d’un
saut spectaculaire dans le montant des
plus-values déclarées : + 120 %, contre
+ 30 % en moyenne les autres années de
croissance des plus-values déclarées.
Cette différence de performance
semble
accréditer
l’idée
que
le
prélèvement à la source est un mode de
recouvrement de l’impôt sensiblement
plus fiable que le prélèvement sur rôle.
Mais, dans les faits, le taux de
recouvrement final de l’impôt sur le
revenu, pourtant prélevé sur rôle, atteint
en France 99 % et est ainsi comparable
à celui observé dans les pays qui
prélèvent l’impôt sur le revenu à la
source.
Ce
résultat
a été atteint par les
réformes engagées par l’administration
fiscale depuis 2000. La progression des
moyens automatiques de paiement
(mensualisation,
prélèvement
auto-
matique…) a permis de fiabiliser le
recouvrement des sommes dues. De
même, la modernisation des méthodes
d’analyse de l’administration fiscale
permet une politique de recouvrement à
la fois plus réactive (notamment lors de
la phase contentieuse) et plus ciblée en
fonction des enjeux.
L’amélioration
du
taux
de
recouvrement n’apparaît donc plus
comme une raison majeure d’étendre la
retenue à la source à l’impôt sur le
revenu.
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
15
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
Le prélèvement à la
source serait-il un levier
pour dégager des gains de
productivité
dans
l’administration ?
C’est
en
effet
un
mode
de
recouvrement réputé moins coûteux
que l’impôt sur rôle.
Le caractère automatisé du paiement
permettrait des économies de gestion
dans l’administration : les acomptes
d’impôt
étant
systématiquement
prélevés
par
des
tiers
payeurs
(employeurs,
banques,
caisses
de
sécurité sociale etc.) et reversés à
l’administration par simple virement,
cette dernière serait affranchie de toutes
les tâches d’encaissement manuel de
l’impôt : réception du public au guichet,
traitement des chèques... Par ailleurs,
l’administration
serait
en
théorie
déchargée du traitement de certaines
tâches de gestion : saisie et contrôle des
revenus
du
contribuable,
rensei-
gnements divers...
Pourtant, là encore, les économies
attendues
ne
doivent
pas
être
surestimées. En effet, si le recouvrement
de l’impôt sur le revenu est « cher », c’est
parce qu’il s’agit d’un prélèvement
complexe, intégrant une grande variété
de paramètres, qui nécessite de ce fait
une gestion personnalisée.
Ainsi, parmi les grandes fonctions
de gestion de l’impôt des particuliers,
seule la phase de recouvrement amiable
serait
susceptible
d’être
signi-
ficativement affectée par la mise en
place d’une retenue à la source. Par
contre, les autres fonctions resteraient
globalement inchangées, qu’il s’agisse de
la
gestion
administrative
des
contribuables, car il faudrait toujours
suivre et recouper les changements de
situation familiale, de domicile…, de
l’établissement des rôles et l’envoi des
déclarations, de la gestion du recou-
vrement contentieux qui subsisterait
afin de s’assurer du recouvrement des
créances
fiscales
auprès
des
contribuables ou des tiers payeurs
défaillants ou enfin de la mission de
contrôle des revenus imposables.
En outre, les gains de productivité
réalisés depuis dix ans par l’admi-
nistration fiscale réduisent encore les
économies de gestion à attendre de la
retenue à la source. Par exemple, la
progression des moyens électroniques
de paiement, qui concernent désormais
près de 90 % des contribuables, et
l’automatisation du traitement des
chèques dans les centres prélèvement
service (CPS), réduisent à un faible
niveau les gains à attendre d’une
automatisation du paiement de l’impôt
permise par la retenue à la source.
Enfin,
l’impôt
sur
le
revenu
n’occupe
qu’une
faible
part
des
prélèvements obligatoires en France :
moins de 20 % des recettes fiscales -
contre 30 % en moyenne dans les autres
pays de l’OCDE. Ainsi, la retenue à la
source de l’impôt sur le revenu
n’éliminerait en rien les tâches liées au
calcul et au recouvrement des autres
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
16
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
prélèvements (par exemple les impôts
directs locaux), qui mobilisent l’essentiel
des
ressources
de
l’administration
fiscale.
Au total, l’économie de gestion qui
pourrait résulter de la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu apparaît faible :
moins de 200 équivalents temps plein et
une économie totale annuelle d’environ
12 millions d’euros. Au surplus, près de
la moitié de cette économie pourrait être
réalisée plus simplement qu’avec la
retenue à la source, en généralisant la
mensualisation de l’impôt sur le revenu
(les encaissements manuels seraient
également supprimés).
En revanche, la retenue à la source
génèrerait des charges supplémentaires
pour l’administration fiscale et pour les
tiers payeurs.
La phase de gestion administrative
risque de se complexifier puisqu’au suivi
des contribuables, s’ajouterait désormais
le
suivi
des
tiers
payeurs
:
déménagements, absorptions, liqui-
dations… D’autre part, l’établissement
des rôles et la phase de recouvrement
amiable serait singulièrement com-
pliquée par la faculté désormais ouverte
d’ajuster le taux d’imposition en temps
réel.
La retenue à la source génèrerait
enfin une charge nouvelle pour les tiers
payeurs à qui est confié le précompte de
l’impôt, aussi bien lors de l’année de
transition qu’en régime de croisière, en
particulier pour les petites et moyennes
entreprises, si le tiers payeur est
l’employeur.
Prélèvements à la
source et pilotage
de l’économie
Le prélèvement à la
source accroît-il la
réactivité des politiques
macroéconomiques ?
L’impact du prélèvement à la source
pour favoriser une plus grande réactivité
des politiques économiques s’analyse au
regard de l’efficacité des stabilisateurs
automatiques, c’est-à-dire dans le rôle
d’amortisseur des variations de revenu
joué par les finances publiques.
En pratique, le prélèvement à la
source
renforcerait
l’effet
des
stabilisateurs automatiques parce qu’il
permet
une
synchronisation
plus
immédiate de l’impôt aux variations de
revenus, mais de façon limitée compte
tenu du faible poids de l’impôt sur le
revenu
au
sein
des
prélèvements
obligatoires (6 %).
Le prélèvement à la source aurait
une incidence plus marquée sur l’entrée
en vigueur des nouvelles dispositions
fiscales. Le prélèvement à la source peut
en effet favoriser une entrée en vigueur
plus rapide des nouvelles dispositions
fiscales, à condition qu’il permette un
ajustement du taux d’imposition en
cours
d’année,
sans
attendre
la
liquidation finale de l’impôt en
n+1
.
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
17
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
Le prélèvement à la
source peut-il avoir une
incidence sur la
consommation des
ménages ?
La retenue à la source pourrait
contribuer
à
réduire
l’épargne
contrainte, notamment l’épargne de
précaution. En effet, la retenue à la
source
permet
en
principe
au
contribuable de bénéficier d’un revenu
net d’impôt : elle réduit donc son
incertitude quant aux dépenses futures
et aux sommes à provisionner en
conséquence. En outre, la retenue à la
source entraîne un ajustement immédiat
de l’impôt aux variations de revenu : elle
réduit donc le risque de liquidité auquel
le contribuable est confronté, par
exemple lorsqu’il subit une baisse
brutale de son revenu sans avoir pu
ajuster immédiatement sa consom-
mation en conséquence.
Mais, l’impact sur la consommation
resterait toutefois très limité. En effet, le
surplus de consommation qui résulterait
d’une retenue à la source ne doit pas être
surestimé dans le cas français : l’épargne
de précaution représente environ 2 %
du patrimoine des ménages, soit au
maximum
0,2
points
de
produit
intérieur brut. Dans ces conditions, une
retenue à la source de l’impôt sur le
revenu, en ne réduisant qu’une faible
partie de l’épargne de précaution aurait
un impact marginal sur la croissance du
produit intérieur brut.
Définitions, périmètre et avantages
comparatifs des prélèvements
à la source
18
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
La retenue à la source concerne
d’ores et déjà une part significative des
prélèvements obligatoires en France et
ce
constat
conduit
à
relativiser
« l’exception française » que constitue
l’absence de retenue à la source de
l’impôt sur le revenu.
L’administration fiscale n’a cessé
de moderniser les modalités de calcul
et de recouvrement de l’impôt sur le
revenu, même en l’absence de retenue
à la source.
Dans
ce
contexte,
plusieurs
arguments forts autrefois avancés pour
promouvoir la retenue à la source de
l’impôt sur le revenu ont aujourd’hui
perdu de leur signification, qu’il
s’agisse d’une simplification des tâches
des contribuables, de l’amélioration du
recouvrement des recettes fiscales ou
de la trésorerie de l’État, de la
réalisation d’économies de gestion
dans l’administration, ou encore de la
réduction de l’épargne de précaution
des ménages.
En outre, il ne faut pas mésestimer
certains inconvénients prêtés à la
retenue à la source : une dégradation
possible de la lisibilité de l’impôt et
donc du consentement à le payer pour
le citoyen ; une détérioration éventuelle
des
relations
de
travail
dans
l’entreprise ; et un coût de gestion
global, peut-être plus élevé pour la
société si l’on ajoute la charge nouvelle
pour les tiers payeurs.
A l’issue de ce bilan, seuls deux
arguments subsistent en sa faveur : la
meilleure
prise
en
compte
des
variations de revenu du contribuable,
d’une part, et la plus grande réactivité
du système pour traduire dans la
situation
des
contribuables
les
réformes fiscales adoptées en cours
d’année.
Conclusion de la première partie
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
Prélèvements à la source
et impôt sur le revenu
2
Questions posées par la
retenue à la source de
l’impôt sur le revenu,
étendue des choix
possibles et conséquences
de chacun
Modalités possibles
de calcul d’un impôt
sur le revenu
prélevé à la source
La retenue à la source de
l’impôt sur le revenu est-
elle subordonnée à une
réforme préalable de cet
impôt ?
Le rapport pose la question de la
nécessité éventuelle d’une simplification
préalable de l’impôt sur le revenu – trop
complexe - avant la mise en place d’une
retenue à la source.
Deux exemples
semblent conforter le bien fondé de
cette question.
Prélevées à la source, les cotisations
sociales ou la contribution sociale
généralisée le sont selon un taux unique
proportionnel quels que soient les
revenus du contribuable, sa situation
conjugale
ou
encore
sa
situation
familiale. Le prélèvement s’effectue dès
le
versement
d’une
rémunération,
s’interrompt dès la disparition de celle-
ci, et est recouvré quelles que soient ses
fluctuations à la hausse comme à la
baisse.
Par ailleurs, la mise en place du
prélèvement à la source sur les plus-
values immobilières, en 2004, s’est
accompagnée
d’une
simplification
importante du mode de calcul de cet
impôt : un taux unique proportionnel a
remplacé le barème progressif qui
prévalait jusque là et la plupart des
exonérations ont été supprimées.
De fait, l’impôt sur le revenu, par sa
complexité
actuelle,
s’accommode
malaisément d’un prélèvement mensuel
par un tiers payeur. Il apparaît en effet
difficile
pour
celui-ci
d’avoir
connaissance
mois
par
mois
de
l’ensemble des éléments nécessaires au
calcul de l’impôt (montant des autres
revenus du contribuable, recours à des
dépenses fiscales…). Des mesures de
simplification pourraient dans ce cas
être examinées :
-
s’agissant
du
barème
progressif : le nombre de tranches
pourrait être réduit, et le taux marginal
pourrait être remplacé par un taux
19
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
20
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
effectif couvrant la totalité du revenu du
contribuable ;
-
s’agissant de la prise en compte
des charges de famille : le quotient
familial pourrait être remplacé par un
mécanisme d’abattement sur l’assiette de
l’impôt, ou encore par un mécanisme de
réduction ou de crédit. Ainsi, il ne serait
plus nécessaire de tenir compte de la
situation de famille du contribuable lors
du calcul du taux d’imposition appliqué
mensuellement sur les salaires ;
-
s’agissant du montant global de
l’impôt : certaines dépenses fiscales
pourraient être supprimées ou au moins
limitées.
Ces quelques exemples montrent
que le champ des possibles est très
vaste, mais excède en tout état de cause
le cadre d’investigation que s’est fixé le
rapport. Le CPO a cependant cherché à
savoir si ces mesures de simplification
étaient indispensables à la mise en
oeuvre d’une retenue à la source de
l’impôt sur le revenu.
Dans
les
faits,
une
telle
simplification ne serait ni nécessaire, ni
toujours possible dans le cadre juridique
français. C’est l’enseignement que l’on
tire des exemples étrangers.
L’observation des pays ayant choisi
de prélever l’impôt sur le revenu à la
source apporte une réponse claire à la
question : la simplicité de l’impôt n’est
pas
une
condition
préalable
au
prélèvement à la source. Si au Royaume-
Uni ou au Danemark, le calcul de
l’impôt sur le revenu obéit à des règles
plus simples que celles de l’impôt
français, dans la majorité des autres cas,
les modalités de calcul de l’impôt se
rapprochent de la complexité du
système français.
Les treize pays examinés appliquent
un
barème
progressif,
le
taux
d’imposition étant ainsi différencié en
fonction du revenu global du con-
tribuable. Le nombre de tranches est
comparable à celui du système français.
Certains pays prévoient même un
nombre de tranches significativement
supérieur (sept tranches en Espagne et
aux Etats-Unis, et même dix-huit au
Luxembourg, alors que la France en
compte cinq). En outre, le barème est,
comme en France, toujours exprimé en
taux marginaux, sauf en Australie.
La très grande majorité des pays
observés
prennent
en
compte
la
situation conjugale et familiale du
contribuable, la plupart au stade de la
retenue à la source ; tous ces pays
prévoient que le contribuable puisse
recourir à des dépenses fiscales pour
réduire son montant d’imposition.
Par conséquent, dans le cas français,
la retenue à la source de l’impôt sur le
revenu pourrait s’accompagner d’une
simplification de son mode de calcul,
mais il ne s’agirait aucunement d’une
condition nécessaire.
S’il était décidé de procéder à une
simplification du mode de calcul de
l’impôt sur le revenu, celle-ci devrait
respecter les principes fixés par le
Conseil constitutionnel, en particulier :
-
le respect du principe d’égalité
devant l’impôt : le principe d’égalité
devant l’impôt se comprend à la fois
comme l’égalité des contribuables
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
21
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
devant la loi fiscale, celle-ci devant être
la même pour tous, et comme l’égalité
des contribuables devant les charges
publiques, chacun devant contribuer à
hauteur de ses capacités. Dans le cas de
l’impôt sur le revenu, il serait exclu de
procéder à une différenciation trop
importante du calcul de l’impôt en
fonction du type de revenu perçu par le
contribuable ;
-
la prise en compte des charges
de famille du contribuable : un
contribuable qui doit subvenir aux
besoins d’une ou plusieurs personnes à
charge
n’a
pas
le
même
revenu
disponible, et de ce fait pas les mêmes
capacités contributives, qu’un con-
tribuable sans personne à charge ; le
calcul de l’impôt doit donc tenir compte
de
cette
différence
de
situation,
appréciée au niveau du foyer, quelles
qu’en soient les modalités ;
-
le respect du principe de
progressivité de l’impôt sur le revenu : il
découle de ce principe qu’un impôt sur
le revenu à taux unique purement
proportionnel (« flat tax ») serait jugé
inconstitutionnel..
Quels revenus pourraient
être concernés par la
retenue à la source ?
La retenue à la source de l’impôt sur
le revenu implique de distinguer trois
familles de revenus : les revenus
salariaux et assimilés, les revenus du
capital, les autres revenus (revenus des
indépendants
et
revenus
fonciers
notamment). Tous ne peuvent pas être
également concernés par ce mode de
prélèvement.
Les revenus salariaux et les revenus
de remplacement (pensions de retraite,
indemnités de chômage etc.), se prêtent
à une retenue à la source : versés chaque
mois, connus dès leur versement sans
qu’il soit besoin de procéder à des
retraitements complexes, ils transitent
nécessairement par un tiers verseur
facilement identifiable : l’employeur, la
caisse de retraite... En 2010, environ
40 % des contribuables percevaient
uniquement ce type de revenus.
Les revenus du capital comportent
des caractéristiques de nature à faciliter
leur imposition à la source : connus dès
leur versement, ils transitent également
par un tiers verseur, la banque, la société
d’assurance ou l’établissement financier.
Toutefois, tous les revenus du capital ne
sont pas versés par un tiers payeur. Pour
les revenus fonciers par exemple, il
apparaît difficilement concevable que le
précompte de l’impôt soit effectué par le
locataire lors du paiement du loyer.
Par ailleurs, les revenus du capital
sont par essence plus éclatés que les
revenus salariaux. A la différence de ces
derniers, il n’existe pas une seule source
du revenu (l’employeur), mais autant
que le contribuable détient de produits
d’épargne
:
contrats
obligataires,
portefeuilles d’actions etc. Il apparaît
difficilement concevable de mettre en
place des retenues à la source multiples
qui incorporent chacune, en temps réel,
le montant global des revenus du
contribuable.
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
22
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
Dans ces conditions, le rapport
examine quatre options : exclure les
revenus du capital du prélèvement à la
source,
généraliser
le
prélèvement
forfaitaire libératoire, recourir à des
prélèvements
forfaitaires
non
libératoires, ou généraliser des acomptes
mensuels au titre des revenus courants.
En tout état de cause, l’enjeu ne doit
pas être surestimé : en 2010, seuls
50
000
contribuables
ont
perçu
exclusivement des revenus du capital,
soit moins de 1 % du total des con-
tribuables.
Les
revenus
perçus
par
les
professions
indépendantes
sont
difficilement compatibles avec une
retenue à la source : ils ne sont pas
versés par des entités pouvant faire
office de tiers payeurs ; de plus, ils ne
sont pas connus dès leur versement
: le
calcul mensuel du chiffre d’affaires ne
permet pas de délimiter une assiette
d’imposition mensuelle sur laquelle
pourrait être appliqué un prélèvement à
la source. Dans ces conditions, le
rapport propose le statu quo ou la
généralisation d’acomptes mensuels au
titre des revenus courants.
Là encore, l’enjeu ne doit pas être
surestimé : en 2010, moins de 130 000
foyers imposables ont perçu exclu-
sivement des revenus indépendants, ce
qui représente seulement 0,6 % du total
des redevables de l’impôt sur le revenu.
Enfin concernant les contribuables
percevant
plusieurs
catégories
de
revenus, la retenue à la source pourrait
s’appliquer sans difficulté à une grande
majorité
des
contribuables
par
l’utilisation
d’un
taux
synthétique
d’imposition.
Ce
taux
synthétique
intégrant l’ensemble des revenus serait
appliqué à la rémunération principale,
qui est un salaire ou un revenu de
remplacement
pour
90
%
des
contribuables
percevant
plusieurs
revenus.
Dans ces conditions, près de 95 %
des contribuables pourraient se voir
appliquer une retenue à la source de
l’impôt sur le revenu. Pour les 5 %
restants, l’absence de retenue à la source
pourrait être compensée par une
généralisation du paiement d’acomptes
sur les revenus courants.
Avec quelle réactivité
l’impôt retenu à la source
pourrait-il s’ajuster aux
évolutions de la situation
du contribuable ?
Il apparaît très difficile de calculer le
taux d’imposition en temps réel, malgré
les avantages que cela représenterait
pour le contribuable. Dans le cadre du
système
fiscal
français,
cette
impossibilité résulte du fait que :
-
les revenus imposables ne sont
pas tous connus en temps réel ;
-
l’administration fiscale doit
disposer d’un temps nécessaire pour
tenir compte de tous les paramètres
concernant les 20 millions de foyers
imposables afin de calculer le taux
d’imposition. C’est la raison pour
laquelle dans le système actuel, l’avis
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
23
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
d’imposition est communiqué aux
contribuables au mois de septembre.
-
Il
apparaît
impossible
d’envisager
un
flux
d’échanges
d’informations mensuels, fiables et
sécurisés, entre l’administration et les
tiers payeurs.
Pour cette raison, la seule option
consisterait en l’application du taux
moyen d’imposition (TMI) de l’année
précédente
communiqué
au
con-
tribuable chaque année sur son avis
d’imposition. Ce taux ne serait donc pas
à jour des dernières évolutions de la
situation du contribuable.
Pour compenser l’inconvénient de
ne pas pouvoir calculer l’impôt en temps
réel, il devrait être proposé aux
contribuables de pouvoir moduler leur
taux d’imposition, à leur initiative, en
cours d’année.
En
contrepartie,
ce
système
maintiendrait les obligations déclaratives
du
contribuable,
pour
permettre
d’effectuer les ajustements nécessaires
résultant de la prise en compte tardive
des autres revenus éventuels ou des
dépenses fiscales. A la déclaration de
revenus s’ajouterait la déclaration du
tiers
payeur,
récapitulant
pério-
diquement les retenues effectuées pour
chaque salarié, comme c’est le cas dans
les pays étudiés par le présent rapport.
Des régularisations postérieures
seraient nécessaires et résulteraient de la
prise en compte des informations
données par le contribuable dans sa
déclaration de revenus.
Synthèse des choix
possibles sur les modalités
de calcul d’un impôt sur le
revenu prélevé à la source
De ce qui précède, il résulte qu’il
existe trois modèles de retenue à la
source :
- la retenue à la source cédulaire :
l’impôt est liquidé et recouvré revenu
par revenu, sur le modèle de la CSG.
Bien que d’une grande simplicité, ce
modèle présente deux inconvénients
majeurs. Il implique de renoncer au
caractère universel de l’impôt sur le
revenu,
puisque
certains
revenus
seraient
taxés
selon
un
barème
progressif et d’autres de manière
proportionnelle. Il ne réduit pas les
démarches administratives des con-
tribuables en raison des régularisations à
opérer, notamment pour les revenus qui
ne
peuvent
faire
l’objet
d’un
prélèvement à la source (revenus des
professions indépendantes ; revenus
fonciers).
- la retenue à la source globale
synchronisée : l’universalité de l’impôt
est préservée par l’application d’un taux
synthétique d’imposition au revenu
dominant, et l’ajustement se fait en
temps réel. Mais cette méthode est
utopique compte tenu de la structure
actuelle de l’impôt sur le revenu français
(impôt global, progressif, familiarisé et
personnalisé par les dépenses fiscales).
En effet, il est impossible de connaître
en
janvier
le
taux
synthétique
d’imposition
du
contribuable
à
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
24
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
appliquer au cours de l’année à venir, ni
de le synchroniser (l’ajuster en temps
réel) automatiquement avec revenu.
- la retenue à la source globale non
synchronisée : le modèle consiste à
appliquer le dernier taux d’imposition
connu, soit le taux de l’année
n-2
de
janvier à septembre et le taux de l’année
n-1
de septembre à décembre. Cette
option, qui permet de concilier retenue à
la source et universalité de l’impôt, a
pour prix le maintien d’un décalage
important avec le revenu contemporain
du contribuable. Elle implique une
régularisation importante de l’impôt un
an après, ce qui fait perdre beaucoup
d’intérêt au modèle, même si des
possibilités de modulation du taux en
cours d’année seraient de nature à en
atténuer les défauts.
Modalités possibles
de recouvrement
d’un impôt sur le
revenu prélevé à la
source
Quel tiers payeur peut
être choisi pour
précompter l’impôt pour le
compte de l’administra-
tion ?
La première option serait de confier
le prélèvement à la source aux banques.
Celles-ci sont déjà les tiers payeurs de
certains
prélèvements
fiscaux
et
sociaux ;
tous
les
contribuables
disposent en principe d’un compte
bancaire ; les banques ont l’habitude de
traiter des données confidentielles et
cette solution aurait l’avantage de ne pas
perturber les relations entre le salarié-
contribuable
et
l’entreprise.
L’administration fiscale aurait quelques
dizaines
d’interlocuteurs
et
il
en
résulterait une simplicité de gestion dans
le recouvrement de l’impôt.
Pourtant, cette solution comporte
des inconvénients majeurs. Tous les
revenus virés sur un compte bancaire ne
sont pas des revenus imposables
(remboursements
de
frais
profes-
sionnels, par exemple). A l’inverse, tous
les revenus ne sont pas virés sur un
compte bancaire et les rémunérations
versées par chèques sont difficiles à
identifier en tant que telles. Enfin, 28%
des contribuables disposent de plusieurs
comptes bancaires, ce qui rend délicat
l’application d’un taux d’imposition à
des sources de revenus multiples. Les
risques d’insolvabilité seraient doubles :
pour l’administration fiscale, le risque de
défaillance de la banque s’ajouterait à
celui de l’employeur.
L’option à privilégier serait de
confier le prélèvement à la source aux
employeurs. Les employeurs peuvent
identifier
sans
difficulté
l’assiette
imposable, puisque les rémunérations
sont déjà soumises à des prélèvements à
la source comme la CSG. Certes, un
certain nombre d’inconvénients ont déjà
été soulignés dans la première partie du
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
25
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
présent rapport mais ils ne sont pas
dirimants. D’ailleurs, le recours à
l’employeur pour collecter l’impôt sur le
revenu est la solution qui a été retenue
par la totalité des pays qui opèrent le
prélèvement à la source.
Toutefois la charge de travail
supplémentaire confiée aux tiers payeurs
ne serait pas négligeable. Sur la base de
l’option la plus simple consistant à ce
que l’administration communique à
l’employeur un taux d’imposition, le
coût pour l’entreprise a fait l’objet de
nombreux chiffrages : on peut avancer
un montant entre 1,3 et 3,5% de la
valeur des impôts collectés. Dans les
pays pratiquant la retenue à la source, les
choix offerts aux entreprises, pour
compenser ce surcoût, prennent la
forme de délais pour reverser à
l’administration l’impôt collectés leur
procurant
une
trésorerie
supplé-
mentaire,
auxquels
s’ajoutent
des
mesures d’accompagnement ponctuelles
par
l’administration
auprès
des
entreprises. En toutes hypothèses, ils ne
prennent jamais, dans les pays observés,
la
forme
d’une
rémunération
compensatrice.
En outre la responsabilité juridique
des tiers payeurs devra être clarifiée.
Deux grandes catégories d’erreurs sont
de nature à engager la responsabilité du
tiers payeur, puisque c’est désormais sur
lui que repose la responsabilité de
collecter et de reverser le produit de
l’impôt à l’administration fiscale.
En matière d’exactitude de la
collecte, l’entreprise, même de bonne
foi, n’est pas infaillible, comme le
montrent les nombreuses erreurs de
liquidation des prélèvements sociaux.
Par ailleurs, dans l’hypothèse de
tensions de trésorerie, de difficultés ou
même d’insolvabilité de l’entreprise, il
conviendrait d’envisager des solutions
spécifiques,
comme
le
mécanisme
assurantiel
de l’Association de garantie
des salaires qui couvre les salaires et les
cotisations salariales en cas de dépôt de
bilan de l’entreprise, ou un droit de
reprise de l’administration sur les
revenus des contribuables.
Comment protéger la
confidentialité des
informations transmises
par le contribuable au
tiers payeur ?
La protection de la confidentialité
des
informations
fiscales
du
contribuable est une préoccupation
majeure, qui devrait impérativement
faire l’objet d’un contrôle strict en droit
interne. En effet, en sa qualité de tiers
payeur, l’employeur pourrait connaître la
situation de famille du contribuable, par
exemple ses autres sources de revenus et
les revenus du conjoint. C’est ainsi le cas
au Canada.
Cette préoccupation plaide pour que
l’intégralité du calcul du taux soit
confiée
à
l’administration,
qui
communiquerait à l’employeur un taux
synthétique, comme c’est le cas en
Irlande.
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
26
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
En toute hypothèse, quelle que soit
l’option
choisie,
des
garanties
rigoureuses devraient être fixées par la
loi, imposant à l’entreprise :
- une délimitation stricte du champ
de l’utilisation des données confiden-
tielles ;
- un assujettissement au secret
professionnel ;
- un régime de sanctions en cas de
manquement à ces obligations.
Un taux moyen d’imposition (TMI),
assorti de la possibilité d’opter pour un
taux standard permet de répondre à une
partie
de
ces
préoccupations
de
protection
du
contribuable.
Des
simulations montrent que dans plus de
80 % des cas, le TMI n’offre pas
d’informations
significatives
à
l’employeur sur le montant et la nature
des revenus du contribuable. En
revanche, pour les autres, la situation
reste problématique, car le TMI est de
nature à révéler que le contribuable
perçoit des revenus autres que son
propre salaire (soit parce qu’il dispose
d’autres revenus, soit parce que son
conjoint perçoit un salaire plus élevé).
Dans ce cas, il pourrait être proposé
que le contribuable recoure à un taux
standard, correspondant à l’application
du barème progressif à son seul salaire.
En
contrepartie,
de
lourdes
régularisations devraient être effectuées
a posteriori, ce qui viendrait là encore
réduire les avantages de la retenue à la
source, en matière de simplicité de la
gestion de l’impôt.
Quel réseau de
recouvrement choisir ?
Une
fois
que
l’impôt
a
été
précompté par le tiers payeur, il doit être
reversé à l’administration. La question
qui se pose est de déterminer laquelle
des administrations, l’administration
fiscale (DGFIP) ou les URSSAF en leur
qualité d’administration chargée du
recouvrement des cotisations sociales,
serait la mieux adaptée pour assurer le
recouvrement de l’impôt sur le revenu
prélevé à la source.
Dans
l’hypothèse
où
le
recouvrement serait assuré par les
URSSAF, il n’est pour autant pas
question de retirer à l’administration
fiscale le traitement des principales
étapes de la gestion de l’impôt, à savoir
la gestion courante des 20 millions de
foyers
imposables
(collecte
des
informations, accueil des contribuables,
traitement des déclarations, émission
des avis d’imposition), le contrôle du
recouvrement de l’impôt contribuable
par contribuable et la mission régalienne
de contrôle de l’impôt.
Le
choix
ne
porte
que
sur
l’encaissement des précomptes versés
par les tiers payeurs.
Les URSSAF disposent déjà des
prérogatives de puissance publique
nécessaires au recouvrement de l’impôt.
En effet pour les cotisations sociales,
elles sont habilitées à réaliser tous les
contrôles
nécessaires
et
peuvent
recourir
à
différents
moyens
de
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
27
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
recouvrement forcé, y compris engager
des poursuites pénales.
La
DGFIP
et
les
URSSAF
possèdent globalement les mêmes
performances
en
matière
de
recouvrement. Les coûts d’adaptation à
un système de prélèvement à la source
ne seraient pas significativement plus
élevés pour un réseau plutôt que pour
l’autre.
En réalité, le choix entre les deux
réseaux repose sur des considérations de
nature
politique,
en
fonction
du
caractère symbolique qui serait accordé
au fait qu’un impôt régalien soit ou non
recouvré par l’administration fiscale.
Comment répartir les
responsabilités entre le
contribuable, le tiers
payeur et l’adminis-
tration ?
Le contentieux de l’impôt sur le
revenu, en matière de détermination de
l’assiette d’imposition, concerne la
relation
entre
le
contribuable
et
l’administration fiscale. Le passage au
prélèvement à la source ne changerait
pas la nature du contentieux né de ce
type de litige, qui relève du juge
administratif.
Par contre, avec la retenue à la
source, l’impôt serait désormais mis en
recouvrement
sur
la
base
d’une
estimation du taux d’imposition réel. Si
cette estimation faisant apparaître un
décalage
trop
important
entre
le
montant
des
retenues
mensuelles
estimées et le montant final de l’impôt
dû, provoquant une surimposition
préjudiciable au contribuable, des voies
de recours pourraient être envisagées.
De la même façon, des voies de recours
devraient être prévues dans l’hypothèse
où l’entreprise ne reverserait pas
l’ensemble des sommes dues en sa
qualité de tiers payeur.
Synthèse des choix
possibles sur les modalités
de recouvrement d’un
impôt sur le revenu
prélevé à la source
Les
choix
à
opérer
pour
le
recouvrement d’un prélèvement à la
source se résument en deux enjeux :
-
quel équilibre fixer entre la
défense des intérêts des contribuables et
la limitation de la charge de travail pour
ceux qui sont chargés de recouvrer
l’impôt ? Si la priorité est de privilégier le
service rendu au contribuable, en
conservant
les
principales
carac-
téristiques de l’actuel impôt sur le
revenu, une surcharge de gestion
importante en résultera nécessairement
au détriment des tiers payeurs et de
l’administration fiscale. Si en revanche,
la priorité retenue est la simplicité de la
gestion, il en découle inévitablement un
modèle peu protecteur des intérêts des
contribuables.
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
28
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
-
comment répartir la charge de
travail entre les tiers payeurs et
l’administration ? Selon la priorité
retenue, soit les économies de gestion
recherchées
dans
l’administration
engendreront des charges significatives
transférées aux entreprises, soit s’il est
décidé de limiter la charge pesant sur les
entreprises, il n’y aura pas d’économies
de
fonctionnement
dans
l’admi-
nistration.
En toutes hypothèses, un modèle
« parfait » de retenue à la source
permettant
de
concilier
grande
flexibilité
de
l’impôt,
protection
maximale de la confidentialité des infor-
mations des contribuables et faibles
coûts de gestion n’existe pas, et n’est
d’ailleurs observé dans aucun pays ayant
adopté le prélèvement à la source de
l’impôt sur le revenu.
Modalités possibles
de transition vers
une retenue à la
source de l’impôt
sur le revenu
Comment gérer la
suppression du décalage
temporel entre les
revenus et l’impôt
correspondant ?
L’année du changement du système
de
recouvrement
de
l’impôt,
les
contribuables sont exposés au risque
d’être imposés deux fois simultanément,
une fois au titre de l’impôt de l’année en
cours et une seconde fois au titre des
impôts perçus l’année d’avant.
L’hypothèse
d’une
double
imposition est difficilement concevable.
Deux options pourraient être envisagées
pour gérer la transition.
L’aménagement
de
la
double
imposition par la technique du lissage
serait une solution qui accroîtrait les
rentrées fiscales pour l’Etat. L’équité
sociale conduit aussi à envisager de
maintenir la double imposition par
lissage sur plusieurs années. En effet,
l’impôt sur le revenu n’étant acquitté que
par
une
partie
des
ménages,
la
suppression d’une année d’imposition
pourrait être interprétée comme « un
cadeau fait aux riches ».
L’étalement de l’impôt sur 36 mois
fut la solution retenue en 1944 par le
Royaume-Uni. L’étalement de certaines
indemnités de départ à la retraite ou le
régime d’étalement sur sept ans des
bénéfices
agricoles
exceptionnels,
constituent aussi des modèles dont on
pourrait s’inspirer.
Il pourrait toutefois être plus
opportun de privilégier l’effacement de
la
dernière
année
d’imposition
précédant la mise en oeuvre de la retenue
à la source. Nombreux ont été les
rapports antérieurs qui ont préconisé le
choix de « l’année blanche ».
Cette option n’a pas pour effet
d’exonérer les contribuables de leur
impôt pendant une année. Ils continuent
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
29
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
de payer l’impôt chaque mois, sans
interruption lors du passage à la retenue
à la source. L’administration fiscale
perçoit les recettes de l’impôt sur le
revenu sans discontinuité.
Cette solution présente
toutefois des difficultés
spécifiques, au nombre
desquelles se pose le sort
à réserver aux dépenses
fiscales correspondant à
l’année d’imposition
supprimée
En effet, si une année d’imposition
est supprimée, les dépenses fiscales
correspondant à cette année sont
également annulées et les contribuables
ne pourront pas en bénéficier pour
réduire les dépenses engagées au cours
de la dernière année précédant la mise
en oeuvre de la retenue à la source. Par
exemple, si la retenue à la source est
instaurée au 1
er
janvier
n+1
et si l’impôt
sur les revenus n n’est pas prélevé, les
dons, investissements ou rémunérations
d’employés à domicile réalisés en n
n’ouvriront droit à aucune réduction
d’impôt et coûteront donc plus cher aux
contribuables.
Dès lors, il existe un risque que le
contribuable réduise ou supprime ses
dépenses facultatives au profit d’un tiers,
puisqu’il n’y est plus incité. Par exemple
il peut renoncer à effectuer des dons au
profit d’une oeuvre caritative, ou à
procéder à un investissement dans une
PME ; il peut reporter des travaux non
urgents dans sa résidence principale.
S’agissant de dépenses contraintes, il
peut même être tenté de ne pas déclarer
certaines rémunérations : ce risque
concerne particulièrement l’emploi d’un
salarié à domicile ou les frais de garde
d’enfant.
Ainsi, le traitement des dépenses
fiscales,
notamment
celles
qui
bénéficient à des tiers, est parti-
culièrement problématique : c’est le cas
de la réduction d’impôt au titre des dons
aux oeuvres ou bien, encore, du crédit
d’impôt tiré de l’emploi d’un salarié à
domicile.
Dans ces conditions, certaines
dépenses fiscales, se rattachant à
« l’année blanche » pourraient être
maintenues.
Celles résultant de la situation
personnelle du contribuable ne seraient
pas concernées puisqu’elles conti-
nueraient de produire leurs effets lors de
la nouvelle année d’imposition : il s’agit
des dépenses liées à l’âge ou à la
situation
familiale,
telles
que
par
exemple l’abattement de 10 % sur les
pensions.
En revanche, les dépenses fiscales
qui ont un impact économique sur un
tiers devraient être maintenues, afin
d’éviter que ces tiers pâtissent de la
chute des dépenses des contribuables.
Le coût pour l’État se situerait alors
dans une fourchette de 5 à 10 milliards
d’euros.
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
30
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
Comment limiter les abus
qui pourraient naître de la
transition entre l’ancien et
le nouveau système de
recouvrement ?
Renoncer à la dernière année
d’imposition
risque
d’inciter
les
contribuables à des comportements
opportunistes, en logeant dans « l’année
blanche » des revenus supplémentaires
pouvant
être
déclenchés
à
cette
occasion :
plus-values,
versement
anticipé de bénéfices ou de revenus du
capital …
Pour prévenir ce risque, plusieurs
familles
d’options
seraient
envi-
sageables :
-
les
plus-values
seraient
réintégrées dans la 1
ère
année de
retenue à la source ;
-
l’imposition se ferait sur la
moyenne des deux années (« année
blanche » et année suivante) ;
-
l’imposition se ferait sur la base
du maximum des deux années : l’année
qui présente le plus gros revenu
imposable servirait de référence au
calcul de l’impôt ;
-
la clause de sauvegarde : les
variations excessives de revenu lors de
« l’année blanche » (par exemple de plus
de 20%) seraient taxées à un taux très
élevé pour dissuader les comportements
d’optimisation. C’est la solution qui fut
retenue au Danemark en 1970.
Synthèse des choix
possibles sur les modalités
de transition vers un
impôt sur le revenu
prélevé à la source
Les questions liées à la transition
entre un système d’impôt sur rôle et un
système de prélèvement à la source se
cristallisent
en
réalité
sur
la
problématique de la « double imposi-
tion » :
- soit la double imposition est
maintenue : la transition ne pose alors
pas de problèmes, ni pour le paiement
des dépenses fiscales, ni vis-à-vis des
risques
d’abus.
Mais,
même
en
imaginant des aménagements (par
exemple l’étalement de l’une des deux
années
d’imposition
sur
plusieurs
exercices ou l’exonération partielle de
l’une des deux années), cette solution se
traduirait en tout état de cause par une
hausse de l’imposition des ménages qui
compromettrait
fortement
l’accep-
tabilité
du
nouveau
système
de
recouvrement de l’impôt ;
- soit la dernière année de revenus
est exonérée d’impôt, mais de façon
progressive et en contrepartie d’une
montée en puissance concomitante du
prélèvement à la source. Le problème
posé par la « double imposition » est
résolu sans entraîner de difficultés
s’agissant du paiement des dépenses
fiscales ou des risques d’abus. Mais il en
résulte un système particulièrement
complexe et peu lisible pour les
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
31
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
contribuables, et une surcharge de
travail importante pour l’administra-
tion ;
- soit la dernière année de revenus
est
exonérée
d’impôt
lors
du
basculement sur le prélèvement à la
source. C’est la solution à la fois la plus
acceptable et la plus lisible pour le
contribuable. Elle soulève toutefois des
risques d’abus qui doivent être traités
par un mécanisme spécifique. Surtout,
elle pose, plus que la précédente, un
problème d’impact économique pour les
acteurs qui dépendent des dépenses
fiscales de l’impôt sur le revenu. Afin
d’éviter tout risque de perturbation de
l’activité
économique,
une
com-
pensation financière devra être prévue
et prise en charge, soit par le budget de
l’Etat, soit via une hausse du taux
d’imposition des redevables.
Les alternatives
possibles à une
retenue à la source
de l’impôt sur le
revenu
L’alternative a minima :
engager une promotion
active des nouveaux
services offerts par
l’administration fiscale
Les contribuables qui éprouvent des
difficultés à payer leur impôt disposent
déjà d’une palette de services proposés
par l’administration fiscale pour y
remédier : les délais de paiement et la
modulation des acomptes.
Toutefois, ces moyens sont très
faiblement utilisés. Un progrès sensible
et peu coûteux pourrait être apporté aux
contribuables grâce à une promotion
plus forte et plus proactive de ces
services.
Au-delà des supports traditionnels
(documents d’information fournis avec
la déclaration et l’avis d’imposition,
affiches dans les services de la DGFIP),
l’administration pourrait solliciter d’elle-
même
le
contribuable,
lorsqu’elle
constate une variation forte de son
revenu. Une telle évolution a été
___________________
(1)
Onglet Calculez votre impôt.
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
32
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
engagée depuis 2011 pour les télé-
déclarations.
Mais,
ces
initiatives
devraient être renforcées, par exemple
par une information systématique à
l’accueil ou par téléphone lorsque les
contribuables sollicitent des rensei-
gnements auprès de l’administration ou
par une information plus visible sur la
page d’accueil du compte fiscal en
ligne…
Le compte fiscal en ligne des
particuliers (www.impots.gouv.fr) pro-
pose, depuis la page d’accueil, de
recourir à un calculateur d’impôt en
ligne. Les contribuables ont ainsi
l’opportunité d’évaluer leur impôt
prévisionnel pour l’année à venir
compte tenu de leurs revenus et des
éléments de leur situation personnelle.
Très complet, ce simulateur pourrait
être étoffé pour mieux promouvoir les
services offerts par l’administration :
-
en
présentant
automa-
tiquement le résultat de la simulation
d’impôt sous la forme d’un calendrier
indiquant le montant des prochaines
mensualités ou des prochains tiers
provisionnels. Ce calendrier pourrait
être comparé avec celui des acomptes
payés effectivement par le contribuable ;
-
en proposant un comparateur
en ligne permettant au contribuable
d’évaluer
les
conséquences
d’une
modulation de ses acomptes mensuels
ou de l’adoption d’un échéancier de
délais de paiement ;
-
en proposant un lien direct vers
la page permettant au contribuable de
moduler ses acomptes.
Ces quelques exemples sont fournis
à titre illustratif et montrent que des
progrès significatifs pourraient encore
être apportés aux contribuables à partir
de mesures simples et concrètes, à faible
coût pour l’administration.
L’alternative de second
niveau : adopter
l’imposition contemporaine
des revenus sans la
retenue à la source
Les délais de paiement et les
modulations d’acomptes ne remédient
pas au problème du décalage d’un an qui
existe entre la perception des revenus et
le paiement de l’impôt.
Une étape supplémentaire serait de
basculer l’impôt sur le revenu sur
l’imposition des revenus courants (IRC).
Avec
l’imposition
des
revenus
courants, les acomptes d’impôt payés
chaque mois (ou à chaque tiers
provisionnels) au cours de l’année n
seraient dus au titre des revenus de
l’année
n
(et non pas de l’année
n-1
,
comme aujourd’hui). Une fois l’impôt
final liquidé, en septembre
n+1
, une
régularisation
interviendrait
éven-
tuellement au regard des acomptes
payés au cours de
n
.
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
33
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
L’imposition des revenus courants
présenterait trois avantages importants :
-
comme la retenue à la source,
elle permettrait de supprimer le décalage
d’un an entre la perception des revenus
et le paiement de l’impôt correspondant.
Ainsi, les contribuables subissant une
baisse de revenu au milieu de l’année n
pourraient dès cette date moduler leurs
acomptes mensuels ou provisionnels à
la baisse, puisque ceux-ci seraient
collectés au titre des revenus
n
(et non
plus
n-1
). L’effet serait aussi positif pour
la trésorerie des contribuables qu’une
retenue à la source ;
-
à la différence de la retenue à la
source,
l’imposition
des
revenus
courants n’entraînerait pas les difficultés
liées à l’introduction du tiers payeur :
l’impôt
resterait
payé
par
le
contribuable,
directement
à
l’administration fiscale. Toutes les
difficultés liées au recouvrement de
l’impôt par un tiers payeur : risques sur
la confidentialité des informations des
contribuables, surcharge de travail pour
les entreprises, effet « bas de la feuille de
paye » et altération des négociations
salariales dans l’entreprise… seraient
évitées ;
-
à la différence de la retenue à la
source,
l’imposition
des
revenus
courants ne provoquerait pas de rupture
d’égalité puisque tous les contribuables,
quelle que soit la nature de leurs
revenus, pourraient se voir appliquer un
système d’acomptes au titre des revenus
courants, assorti le cas échéant d’une
régularisation en
n+1
.
Toutefois, l’imposition des revenus
courants partagerait une partie des
inconvénients de la retenue à la source :
-
les
nouvelles
démarches
imposées par la retenue à la source se
retrouveraient
également
dans
l’imposition des revenus courants. En
effet, comme pour le prélèvement à la
source,
l’IRC
reposerait
sur
une
estimation du montant des revenus
courants
;
elle
imposerait
donc
nécessairement une régularisation en
n+1
, une fois le montant définitif des
revenus n et de l’impôt correspondant
connus. En outre, l’IRC, pour apporter
une véritable prise en compte des
variations de la situation personnelle du
contribuable, imposerait une parti-
cipation proactive de celui-ci (qui devrait
faire la démarche d’aller moduler par
anticipation ses acomptes d’impôt sur
internet) ; par contraste, la retenue à la
source offre un ajustement automatique
de
l’impôt,
même
en
l’absence
d’intervention du contribuable (c’est
« l’effet assiette », certes plus limité que
lorsque s’ajoute « l’effet taux ») ;
-
l’IRC
poserait
les
mêmes
difficultés que la retenue à la source
s’agissant de la transition entre l’ancien
et le nouveau système, puisqu’elle
conduirait à supprimer le décalage d’un
an entre les
revenus et l’impôt.
Toutefois, la solution de l’étalement
dans le temps de « l’année blanche »
assortie d’une montée en puissance
progressive du nouveau système aurait
ici plus de sens : l’ancien et le nouveau
système
de
recouvrement
étant
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
34
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
La mise en oeuvre du prélèvement
à la source de l’impôt sur le revenu
pourrait être réalisée sans réforme
préalable de celui-ci : même si un
prélèvement obligatoire retenu à la
source s’accommode mieux d’une
structure
simple,
les
exemples
étrangers montrent qu’il est tout à fait
possible de prélever à la source un
impôt
complexe
et
fortement
personnalisé comme l’impôt sur le
revenu français.
De fait, chacune des questions
opérationnelles posées par la retenue à
la source de l’impôt sur le revenu
trouve des réponses. Il en résulte
toutefois que la mise en oeuvre du
prélèvement à la source de l’impôt sur
le revenu repose sur des choix de
priorités peu compatibles entre elles.
Concernant le calcul de l’impôt
retenu à la source, il est possible
d’envisager une retenue à la source
s’appliquant à peu près à tous les types
de revenus et à toutes les situations
particulières. Mais cela n’est possible
qu’au prix d’un caractère très estimatif
de l’impôt prélevé sur les revenus
courants et de lourdes régularisations
en
n+1
: le principal avantage attendu
de la retenue à la source, une meilleure
synchronisation
de
l’impôt
aux
variations de revenu du contribuable,
serait perdu. Pour remédier à ce défaut,
il faudrait prévoir de larges possibilités
de modulation du taux d’imposition en
cours
d’année
à
l’initiative
du
contribuable : possible, cette solution
se paierait néanmoins au prix de
charges de gestion considérablement
accrues pour l’administration et pour
les entreprises tiers payeurs. Si la
retenue à la source ne devait pas se
faire au prix de coûts de gestion élevés
pour les acteurs chargés de collecter
l’impôt, c’est au caractère universel de
Conclusion de la deuxième partie
identiques, le risque de confusion pour
les contribuables en serait sensiblement
atténué.
Ainsi, l’adoption de l’imposition des
revenus courants représenterait un
choix plus ambitieux. Elle impliquerait
des évolutions plus lourdes que l’option
précédente,
mais
offrirait
en
contrepartie une prise en compte plus
pertinente
des
besoins
des
contribuables.
Questions posées par la retenue à la source
de l’impôt sur le revenu, étendue des choix
possibles et conséquences de chacun
35
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
l’impôt qu’il faudrait renoncer et
envisager une retenue à la source
cédulaire, segmentée par type de
revenu, très éloignée de ce fait de ce
qu’est
l’impôt
sur
le
revenu
aujourd’hui.
S’agissant du recouvrement de
l’impôt prélevé à la source, la prise en
compte des intérêts du contribuable
(possibilités de moduler le taux
d’imposition
en
cours
d’année,
protection de la confidentialité des
données
personnelles,
recours
contentieux…)
engendrerait
des
charges de gestion lourdes pour
l’administration et pour les tiers
payeurs. Dans ces conditions, avec un
impôt complexe comme l’est l’impôt
sur le revenu et un objectif de service
maximum rendu aux usagers, il sera
illusoire d’attendre des économies de
gestion au sein de l’administration.
Enfin, la transition entre l’ancien et
le nouveau système de recouvrement
de l’impôt peut être réalisée par la
technique de « l’année blanche ». Mais
cette voie de sortie présente des
risques
d’abus
et
surtout
de
perturbations de l’activité économique
des acteurs bénéficiant des dépenses
fiscales, tels que les associations
d’utilité publique ou les salariés à
domicile. Il est possible de limiter ce
risque, mais à un coût élevé qui devra
être supporté, soit par les finances
publiques, soit par les seuls redevables
de l’impôt sur le revenu.
Les différents scénarios de retenue
à la source présentent chacun un coût
d’opportunité élevé. Deux options
sont
possibles
pour
remédier
à
moindre coût aux inconvénients du
prélèvement actuel de l’impôt sur le
revenu : l’une, consistant à promouvoir
davantage les services déjà offerts par
l’administration fiscale ; et l’autre, plus
ambitieuse – mais aussi plus coûteuse
– consistant à adopter l’imposition des
revenus courants sans passage à la
retenue à la source.
Conclusion
36
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
Beaucoup
des
arguments
historiquement avancés en faveur du
prélèvement à la source de l’impôt sur
le revenu ont perdu de leur force.
Ainsi,
la
simplification
des
démarches que la retenue à la source
pourrait apporter aux contribuables est
devenue
limitée
depuis
que
la
déclaration préremplie a été généralisée
à la quasi-totalité d’entre eux (en 2006)
et que les moyens de paiement
dématérialisés ont été étendus très
largement
(plus
de
80 %
des
contribuables
étant
désormais
mensualisés, par exemple). De même,
le taux de recouvrement de l’impôt sur
le revenu est désormais à son quasi-
maximum – plus de 99 % à la clôture
de l’exercice. Enfin, la progression des
recoupements informatisés et des
moyens de paiement dématérialisés a
permis à l’administration de réaliser
d’importants gains de productivité
depuis dix ans. Dans ces conditions, les
économies de gestion que la retenue à
la source pourrait apporter sont
devenues faibles.
En
revanche,
certains
des
inconvénients ou des risques posés par
la retenue à la source subsistent.
Le basculement de l’ancien vers le
nouveau système pose une série de
problèmes qui peuvent chacun être
résolus, mais au prix de distorsions
potentielles dans le comportement des
contribuables
ou
des
acteurs
économiques, et surtout de coûts
élevés pour les finances publiques ou
pour les contribuables.
En
régime
de
croisière,
le
prélèvement à la source entraîne une
surcharge de gestion probablement
significative pour les entreprises tiers
payeurs et pour l’administration.
Enfin, le passage à la retenue à la
source
a
des
conséquences
sociologiques et psychologiques qui, si
elles
sont
difficiles
à
évaluer
précisément, n’en sont pas moins
problématiques, s’agissant notamment
de l’altération des relations de travail
dans l’entreprise ou de la dégradation
du consentement à l’impôt.
Au final, à architecture constante
des prélèvements obligatoires et dans
le contexte budgétaire, le prélèvement
à la source de l’impôt sur le revenu a
sans doute perdu une grande partie de
son intérêt. La seule amélioration
significative qu’il pourrait apporter
serait la diffusion plus rapide des
nouvelles
mesures
fiscales
dans
l’économie et la taxation contempo-
raine des revenus, avec elle un
ajustement plus rapide de l’impôt aux
baisses de revenus des contribuables.
Mais, le prélèvement à la source n’est
qu’un des moyens, parmi d’autres,
pour atteindre cet objectif – et il ne
permet de l’atteindre qu’à certaines
conditions spécifiques. Compte tenu
de la structure du paysage socio-fiscal
français, d’autres mesures permet-
traient probablement de se rapprocher
Conclusion
37
Synthèse
du Rapport
CPO -
Février 2012
de cet objectif, plus
simples et
probablement moins coûteux pour les
entreprises ou pour
l’administration :
la promotion des nouveaux services
offerts par l’administration fiscale,
voire l’imposition des revenus courants
sans la retenue à la source.
Ce constat ne doit toutefois pas
conduire à écarter définitivement, et en
toutes circonstances, le recouvrement
de l’impôt par voie de retenue à la
source. Celui-ci reste l’un des moyens
les
plus
efficaces
de
réaliser
l’imposition
contemporaine
des
revenus. La pertinence d’une extension
du prélèvement à la source devrait dès
lors être réexaminée s’il était décidé de
procéder à une réforme profonde de
l’imposition des revenus.