Monsieur le Président,
Par lettre du 9 août 2002, j'ai porté à votre connaissance, conformément aux dispositions de
l'article L. 241-11 du code des juridictions financières, le rapport d'observations définitives établi
par la chambre régionale des comptes sur la gestion de la SEM balnéaire de Saint-Gilles pour les
exercices 1995 à 2000.
Dans le délai d'un mois, vous avez souhaité, par lettre du 21 août 2002, apporter une réponse
écrite à ces observations.
En conséquence, j'ai l'honneur de vous transmettre, ci-joint, le rapport d'observations définitives,
complété de votre réponse.
Ce rapport est également transmis au maire de Saint-Paul et au président du conseil régional afin
qu'ils en assurent la communication à leur assemblée délibérante, conformément à l'article L. 241-
11 du code des juridictions financières.
En outre, j'appelle votre attention sur le fait que ce rapport deviendra communicable à tout tiers
demandeur après la tenue de la plus proche réunion de l'assemblée délibérante de l'une ou de
l'autre des collectivités précitées. Enfin, je vous informe que copie de ce rapport est transmise au
préfet et au trésorier-payeur général du département, en application de l'article R. 241-23 du code
des juridictions financières.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma considération la plus distinguée.
Jean MOTTES
RAPPORT D'OBSERVATIONS DEFINITIVES
SUR LA GESTION DE LA SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE
DE LA STATION BALNEAIRE DE
SAINT-GILLES
Exercices 1995 à 2000
NOVEMBRE
2002
I. L'organisation de la société
A. Les statuts
La commune de Saint-Paul a décidé, par délibération du 21 juillet 1994, la création d'une société
d'économie mixte afin de lui confier la gestion et l'aménagement de la station balnéaire de Saint-
Gilles-les-Bains. Les statuts de la société ont été établis en décembre 1994 et son immatriculation
au registre du commerce et des sociétés a été réalisée le 17 janvier 1995.
1.- L'objet social
L'objet social défini par les statuts est très large. En effet, la société doit notamment assurer la
promotion et la coordination des activités des services publics et privés concourant au
développement touristique et à l'animation de la station balnéaire de Saint-Gilles-les-Bains et de la
commune de Saint-Paul ;
elle procède également à l'étude et à la réalisation d'opérations
d'aménagement et de tous projets se rapportant au développement économique et touristique de
la station et de la commune.
Cet objet social, territorialement limité à l'origine à la station de Saint-Gilles-les-Bains et à
l'Hermitage, a été élargi au périmètre de la commune en 1999, puis à tout le département de la
Réunion pour permettre l'entrée de la Communauté des communes de l'Ouest (CCO) au capital
de la société, ceci par décision de l'assemblée générale extraordinaire du 19 juin 2000.
2.- Le capital social
Le capital social, fixé initialement à 152 449,02 euros
(1 000 000 F), a été porté, du fait des
difficultés financières rencontrées par la société, à
416 185,82 euros (2 730 000 F), par décision du 30 novembre 2000. Depuis cette date, la
répartition du capital est la suivante :
La part du capital détenu par les collectivités territoriales s'élève à 69,6%, ce qui est conforme à la
réglementation.
3.- La publicité des actes de la société
Si les délibérations du conseil d'administration de la société ont été régulièrement transmises au
représentant de l'Etat, il apparaît toutefois que, contrairement aux dispositions de la loi n° 83-597
du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte, les mises à jour des statuts, les comptes
annuels ainsi que les procès-verbaux d'assemblée générale et de conseil d'administration n'ont
pas été transmis systématiquement au greffe du Tribunal de commerce.
La chambre invite la société à se conformer, à l'avenir, à ses dispositions.
B. Les instances de décision
1.- Les administrateurs
Les statuts ont fixé à douze le nombre de sièges au conseil d'administration dont, notamment,
sept pour la commune, ce qui correspond à la proportion du capital détenu par la collectivité, et un
pour la région. Les administrateurs ne sont pas rémunérés.
La société a eu, sur la période examinée, six présidents dont les pouvoirs n'ont pas été limités par
le conseil d'administration. Le fonctionnement de ce dernier n'appelle pas d'observations
particulières.
La chambre rappelle toutefois qu'en application des dispositions de l'article
L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales, les représentants de la commune de
Saint-Paul au sein du conseil d'administration de la société doivent présenter au conseil municipal
un rapport annuel d'activité.
2.- L'assemblée générale
La première assemblée générale ordinaire s'est réunie le 23 décembre 1996 alors que l'exercice
comptable avait été clôturé le 31 mars 1996. A l'exception de l'année 1997, l'assemblée générale
s'est réunie régulièrement. Les modifications des statuts de la société et la procédure d'alerte ont
fait l'objet, au cours de l'année 1999, de quatre assemblées générales extraordinaires.
II. Les relations juridiques avec la commune de Saint-Paul
Les dispositions des articles L. 1523-2 et suivants du code général des collectivités territoriales
précisent les modalités de mise en ouvre des conventions régissant les rapports entre les
collectivités territoriales et les sociétés d'économie mixte. Pour réaliser des opérations
d'aménagement, les collectivités peuvent avoir recours soit à la concession d'aménagement
prévue à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, soit au mandat prévu à l'article
R. 321-20 du code de l'urbanisme ou, encore, au mandat prévu par la loi n° 85-704 du 12 juillet
1985, dite loi MOP.
Depuis sa création, la société a entretenu plusieurs types de relations juridiques avec la commune
dans le cadre, tout d'abord, de la concession globale d'aménagement du 16 mars 1995, puis de
diverses conventions de mandat pour le nettoyage des plages, pour l'aménagement du front de
mer de Boucan-Canot et, enfin, pour l'aménagement touristique du littoral de l'Hermitage.
L'examen de ces différentes conventions appelle certaines observations de la part de la chambre.
A. La concession globale d'aménagement du 16 mars 1995
Par délibération du conseil municipal du 16 mars 1995, la commune de Saint-Paul a choisi le
cadre de la concession d'aménagement pour confier à la société " les opérations de construction
ou d'aménagement d'équipements d'hébergement, de services ou à caractères touristiques ".
Parmi les projets envisagés on comptait, notamment, l'aménagement de quatre aires de service,
dénommées " rondavelles ". L'annexe de la convention prévoyait également un certain nombre
d'études à réaliser dans un délai maximum de dix mois. Cinq avenants, dont le dernier en date du
31 mai 2000, viendront par la suite préciser les missions de la société.
Le cadre juridique de ces diverses missions est plutôt mal défini. Les différentes actions prévues
relèvent, en effet, de la prestation de service, de la concession, de la convention de mandat, voire
de la délégation de service public ou de l'association. Elles présentent des risques de double
emploi avec la mission générale d'aménagement ainsi qu'avec les missions spécifiques sous
mandat qui seront menées ultérieurement. Notamment, des opérations de promotion, d'animation
et de gestion n'auraient pas dû s'inscrire dans le cadre d'une concession d'aménagement.
La chambre souligne, par ailleurs, que la société concessionnaire doit impérativement tenir sa
comptabilité de manière à faire apparaître distinctement les comptes propres aux opérations
concédées, conformément aux dispositions de l'article 28 de l'annexe à la convention, la
commune étant informée desdites opérations par la transmission régulière des comptes-rendus
financiers annuels (CRACL).
Or, en l'espèce, cette reddition des comptes ne sera réalisée qu'à compter de juin 1998, à la suite
des remarques du commissaire aux comptes.
B. Les conventions de mandat
Parallèlement à la concession globale d'aménagement, la commune et la société ont établi des
conventions de mandat dans le cadre des dispositions de la loi
n° 85-704 du 12 juillet 1985 précitée.
Or, certaines de ces conventions de mandat sont venues recouper des opérations déjà confiées à
la société dans le cadre de la concession globale d'aménagement. Par ailleurs, le cadre juridique
choisi par la commune et la société n'est pas toujours apparu adapté aux opérations envisagées.
1.- Le mandat de nettoyage des plages
Des opérations de nettoyage des plages ont été réalisées dès 1995 avec le concours de
personnels titulaires de contrats " emploi-solidarité " de la commune de Saint-Paul, d'une
association et de trois sociétés, ces dernières ayant été directement rétribuées par la commune
pour un montant supérieur à 0,15 M d'euros. Egalement rémunérée par la commune, à hauteur de
32 050,88 euros,
la SEML aurait, selon ses propres termes, assuré " l'animation et la coordination
de l'ensemble des intervenants concourant à la réalisation de la mission ".
Or, s'agissant de cette dernière, la convention de mandat ne sera passée avec la commune que le
30 juin 1997, pour prendre effet à compter de 1998. La situation juridique de la société n'a donc
été régularisée, au regard de sa mission d'entretien des plages, qu'à compter de 1998.
2.- La convention de mandat pour l'aménagement de Boucan Canot
Par convention de mandat du 22 septembre 1997, la commune de Saint-Paul a confié à la société
la maîtrise d'ouvrage de l'aménagement du front de mer de Boucan Canot, alors même que cette
opération devait être réalisée, conformément à l'avenant n° 1 du 28 novembre 1996, dans le cadre
de la concession globale d'aménagement. Il s'agit de l'opération la plus importante réalisée par la
société sur la période examinée. Son montant total dépasse, en effet, 2,59 M d'euros.
Il apparaît, toutefois, que l'intervention effective de la société a été limitée. La SEML a, en effet,
largement fait appel à une autre société, à laquelle a été confiée, par convention du 5 mars 1998,
une mission d'assistance pour le suivi opérationnel des travaux d'infrastructure et d'aménagement
de Boucan Canot.
Le recours à ce prestataire sera d'ailleurs continu à compter de 1998. Il révèle l'insuffisance des
compétences techniques de la société pour gérer les conventions de maîtrise d'ouvrage qui lui
sont déléguées par la commune. La société indique, d'ailleurs, en ce sens, avoir procédé au
recrutement, à compter du 7 juin 2001, d'un chargé d'opérations ayant précisément pour mission
de " préparer et de suivre les différentes opérations qui (lui) ont été confiées ".
3.- La convention d'aménagement touristique de l'Hermitage
Par convention de mandat en date du 9 novembre 2000, la commune a confié à la société la
maîtrise d'ouvrage de l'aménagement touristique du littoral de l'Hermitage-les-Bains, avec pour
objectif la mise en place d'un éclairage public et le remplacement des plots interdisant l'accès au
domaine public maritime.
Or la société a subdélégué à un tiers cette maîtrise d'ouvrage alors que selon les dispositions de
l'article 3 de la loi précitée du 12 juillet 1985 le mandataire doit personnellement exercé les
attributions qui lui sont confiées par la collectivité. Par ailleurs, le recours à un sous-traitant
confirme, là encore, l'insuffisance des compétences techniques de la société en matière de
maîtrise d'ouvrage.
III. Le fonctionnement de la société
A. la situation du personnel
Sur la période contrôlée, l'essentiel du personnel est constitué par les personnels chargés de la
mise en valeur du littoral et du nettoyage des plages, soit trente-quatre personnes titulaires de "
contrats emplois jeunes " et de " contrats emplois consolidés ". Jusqu'en juin 2001, le personnel
d'encadrement ne comprenait que trois personnes : un directeur, un attaché de direction et un
chargé de l'administration et des finances. Comme précédemment relevé, ce n'est qu'à compter
de juin 2001 que la société a procédé au recrutement d'un cadre technique, responsable des
opérations.
Trois directeurs se sont succédé sur la période 1995 à 2000. Ces mouvements de personnels ont
donné lieu à deux litiges prud'homaux, dont l'un s'est soldé par une condamnation de la société au
paiement d'une indemnité de licenciement substantielle, d'un montant de 102 350,31 euros.
B. la gestion comptable
Les règles comptables relatives aux concessions d'aménagement imposent la tenue d'une
comptabilité spécifique aux opérations de concession et la remise de comptes-rendus annuels au
concédant. Ces prescriptions n'ont pas été respectées par la société pour les deux premiers
exercices.
De même, les avances et participations de la commune n'ont pas été affectées aux
opérations concernées, mais intégrées globalement au budget de la société.
Les prescriptions comptables n'ont été, en réalité, intégralement respectées qu'à compter de
1998.
IV. Les activités de la société
Sur la période 1995-2000, la société a géré pour le compte de la commune de Saint-Paul un
montant d'opérations de l'ordre de 5,6 M d'euros.
Jusqu'en 1998, les activités de la société ont été limitées aux études prévues par la concession
globale d'aménagement et à des actions de marketing. A compter de 1997, toutefois, le nettoyage
et l'entretien des plages ont été progressivement mis en place et étendus à l'ensemble de la
commune de Saint-Paul. Enfin, à compter de l'exercice 1998, la société est intervenue dans la
réalisation d'opérations de maîtrise d'ouvrage et d'aménagement du littoral.
Plus particulièrement, la chambre relève que la construction des " rondavelles ", initialement
prévue à l'article 1er de la concession générale d'aménagement, a connu de nombreuses
difficultés. A la date du contrôle, seules deux " rondavelles " ont en effet été construites, pour un
coût unitaire de 88 277,59 euros
(579 063 F), sur la vingtaine qui avait été prévue.
Par ailleurs, il apparaît que la société a sollicité l'intervention, qualifiée d'" officieuse " aux termes
de la délibération du conseil d'administration du 3 février 1997, d'une autre société d'économie
mixte locale pour assurer la conduite de cette opération. Là encore, le recours à l'assistance d'un
tiers révèle l'insuffisance de compétence technique de la société.
V. La situation financière de la société
La production et la présentation des comptes ont été plus ou moins aléatoires, surtout pour les
deux premiers exercices. Le premier exercice a ainsi couvert la période du 22 décembre 1994 au
31 mars 1996, soit quinze mois. Le deuxième exercice a couvert la période du 1er avril 1996 au
31 décembre 1997, soit vingt et un mois, ceci en raison des difficultés rencontrées par la société
pour établir les comptes. Ces difficultés sont d'ailleurs à l'origine de la modification des statuts
intervenue en décembre 1996.
1.- Les comptes de passif
Le tableau ci-dessous reproduit la variation des capitaux propres pour la période 1995 à 2000. Le
capital social d'origine a été rapidement et entièrement absorbé par les pertes accumulées. Dès le
deuxième exercice, les capitaux propres de la société sont devenus inférieurs à la moitié du
capital social. En conséquence, des mesures destinées à rétablir la situation auraient dû être
prises avant la clôture du 3ème exercice (1998). En fait, elles n'interviendront qu'en l'an 2000.
La situation financière de la société avait, tout d'abord, conduit le commissaire aux comptes à
refuser la certification des comptes aux motifs, notamment, de l'incertitude pesant sur la continuité
de l'exploitation, du désaccord sur les comptes annuels, de la désorganisation administrative et
des incertitudes existant sur les charges et les produits. Ensuite, celui-ci a été conduit à mettre en
ouvre la procédure d'alerte prévue par l'article 230-1 de la loi du 24 juillet 1966 relative aux
sociétés commerciales, l'analyse des comptes faisant apparaître des faits de nature à
compromettre la continuité de l'exploitation. Ces différentes interventions ont finalement conduit à
l'augmentation de capital intervenue en 2000.
La société n'a pas eu recours à l'emprunt sur la période contrôlée. Par contre la dette fournisseur,
qui était devenue très importante dès le second exercice, est en sensible diminution à compter de
l'exercice 2000. La société a notamment remboursé l'avance de démarrage faite par la commune
et ses arriérés de loyers.
En revanche, les provisions pour risques s'élèvent à plus de 150 000 euros du fait des litiges qui
sont en cours avec deux
anciens directeurs de la société.
2.- Les comptes d'actif
Les difficultés résultant du recouvrement de certaines créances ont été résolues, pour partie, à
compter de l'exercice 2000 avec le recouvrement des subventions liées au contrat de station 1997
et avec la clôture des comptes de l'opération d'aménagement de Boucan Canot.
La société a connu des problèmes de trésorerie, notamment en 1998 et 1999. Ces difficultés ont
entraîné l'accumulation de frais financiers liés à la gestion des comptes et aux intérêts moratoires
facturés par les fournisseurs.
En définitive, la chambre constate que l'amélioration, à compter de 2000, de la situation financière
de la société résulte, pour l'essentiel, de l'augmentation du capital social et du versement de la
participation de la commune dans le cadre de la concession d'aménagement.
VI. Conclusion
La chambre relève que les difficultés rencontrées dans la gestion de cette société sont à la fois
dues à des causes internes, liées à l'insuffisance et à l'instabilité de l'encadrement humain, et à
des causes externes liées, pour leur part, au caractère incertain et mal défini des relations
juridiques et financières entretenues avec la collectivité publique.
Pour l'avenir, l'amélioration de la situation de la société passe par une clarification et une
régularisation des rapports avec la commune ainsi que par un renforcement du suivi de celle-ci
sur les activités de la société d'économie mixte.
A cet égard, la chambre rappelle, comme évoqué plus haut,
que l'article 8 de la loi du 7 juillet,
repris à l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales, précise que les organes
délibérants des collectivités territoriales actionnaires se prononcent sur le rapport écrit qui leur est
soumis au moins une fois par an par leurs représentants au conseil d'administration. Or les
représentants de la collectivité au conseil d'administration n'ont pas présenté de rapport et par
conséquent l'assemblée délibérante n'a pas été informée régulièrement de la situation financière
de la société.
Il conviendrait que la commune puisse être désormais en mesure de prendre les dispositions
nécessaires pour que l'assemblée délibérante se prononce au moins une fois par an sur un
rapport écrit de ses représentants au conseil d'administration de la société.
Telles sont les observations définitives que la chambre m'a demandé de vous communiquer.
Réponse de l'ordonnateur :
REO0811021.pdf