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CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES
DE PROVENCE ALPES COTE D'AZUR
Marseille le 06 avril 2004
Référence à rappeler :
Gref/IC n°973
Lettre recommandée avec AR
n°47037640
Madame la Président,
Par courrier du 19 février 2004, je vous ai adressé, ainsi qu'à vos prédécesseurs et au maire de
Gardanne, le rapport d'observations définitives sur la gestion de l'Association Ouvres sociales de
l'Union des Femmes Françaises - Femmes Solidaires de Gardanne à compter de l'exercice 1998,
arrêté par la chambre lors de sa séance du 11 février 2004.
En application des dispositions de l'article L. 241-11 du code des juridictions financières, je vous
invitais à me transmettre votre réponse écrite dans un délai d'un mois suivant sa réception.
Vous voudrez bien trouver sous ce pli le rapport d'observations définitives, auquel sont jointes les
réponses adressées dans le délai précité. Celui-ci devra être communiqué par vos soins à
l'assemblée délibérante dès sa plus proche réunion ; il fera l'objet d'une inscription à l'ordre du jour
de cette assemblée, sera joint à la convocation adressée à chacun de ses membres et donnera
lieu à un débat.
Je vous serais obligé de bien vouloir aviser le greffe de la chambre de la date de cette réunion, à
partir de laquelle ce rapport deviendra communicable aux tiers.
Je vous prie de croire, Madame la Présidente, à l'expression de ma considération distinguée.
Madame Fanny APOTHELOZ-SELLES
Présidente de l'Association
Ouvres Sociales de l'Union des Femmes Françaises Femmes Solidaires de Gardanne
Villa Joséphine
Avenue Léo Lagrange
13120 GARDANNE
Le président,
Alain PICHON
CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES
DE PROVENCE ALPES COTE D'AZUR
RAPPORT D'OBSERVATIONS DEFINITIVES
SUR LA GESTION DE L'ASSOCIATION
OUVRES SOCIALES DE L'UNION DES FEMMES FRANCAISES-
FEMMES SOLIDAIRES DE GARDANNE
(Département des Bouches du Rhône)
à compter de l'exercice 1998
Rappel de procédure
La chambre a inscrit à son programme l'examen de la gestion de l'association " Ouvres sociales
de l'Union des Femmes Françaises-Femmes solidaires de Gardanne " à partir de l'année 1998.
Ce contrôle a été attribué à M. Chabert, conseiller. Par lettre en date du 16 mai 2003, le président
de la chambre en a informé Madam Eliane DUFOUR
présidente de l'association et Monsieur
Roger MEI, maire de Gardanne
Sur la période examinée trois présidentes se sont succédées : Mme Henriette MICHEL, jusqu'en
2001 ; Mme Eliane DUFOUR, élue lors de l'assemblée générale du 28 mai 2001 et Mme Fanny
APOTHELOZ-SELLES, élue lors de l'assemblée générale du 4 septembre 2003.
Le rapporteur a eu un entretien de fin de contrôle (facultatif au cas présent) le 1er octobre 2003
(téléphoniquement) avec Mme MICHEL, et le 8 octobre 2003 avec Mme DUFOUR et Mme
APOTHELOZ-SELLES, ensemble.
Lors de sa séance du 28 octobre 2003, la chambre, 1ère section, a arrêté ses observations
provisoires portant sur les années 1998 à 2002. Celles-ci ont été transmises dans leur intégralité à
la présidente de l'UFF et au maire de Gardanne. Le maire n'a pas répondu. L'UFF a répondu par
un courrier daté du 6 janvier 2004 et signé de l'actuelle présidente, Mme APOTHELOZ-SELLES,
et co-signé par la présidente précédente, Mme DUFOUR, ainsi que par Mmes CLOUE et CAZIN,
trésorière et secrétaire de l'association.
Sur sa demande, l'association a été entendue par la chambre le 11 février 2004, représentée par
Mmes DUFOUR et CLOUE. Une lettre de Mme MICHEL a été produite à la chambre, indiquant
qu'elle n'avait rien à ajouter à l'entretien téléphonique du 1er octobre 2003, et qu'elle se faisait
représenter par Mme DUFOUR.
Après avoir entendu le rapporteur et pris connaissance des conclusions du commissaire du
Gouvernement, la chambre, 1ère section, a arrêté, le 11 février 2004, le présent rapport
d'observations définitives dans la composition suivante : M. BESOMBES, président de section,
Mme ALABERT, conseillère, et M. CHABERT, conseiller-rapporteur.
Le rapport a été communiqué par lettre du 19 février 2004 aux présidentes successives de
l'association ainsi qu'au maire. Les destinataires disposaient d'un délai d'un mois pour faire
parvenir à la chambre leurs réponses aux observations définitives.
Le maire de Gardanne a fait parvenir à la chambre une réponse n'engageant que sa seule
responsabilité est jointe au présent rapport d'observations définitives.
Ce rapport devra être communiqué par le maire à l'assemblée délibérante, lors de la plus proche
réunion suivant sa réception. Il fera l'objet d'une inscription à l'ordre du jour, sera joint à la
convocation adressée à chacun de ses membres et donnera lieu à un débat.
Ce rapport sera, ensuite, communicable à toute personne qui en ferait la demande en application
des dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.
1. UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC MAL ENCADREE.
1.1. Le contexte.
La commune de Gardanne a ces dernières années entrepris de clarifier, au plan juridique comme
au plan comptable et financier, ses relations avec un certain nombre d'associations auxquelles
elle avait confié des missions d'intérêt général, et cela l'a conduite à reprendre en direct plusieurs
de ces activités.
Dans ce cadre, la commune a décidé de mieux définir la mission confiée à l'Association des
ouvres sociales de l'Union des Femmes Françaises - Femmes solidaires de Gardanne (UFF) pour
assurer la gestion des crèches et haltes-garderies municipales.
Il convient de noter que les subventions municipales ne sont pas la seule source de financement
de cette association : les participations des familles, les financements venant de la Caisse
d'allocations familiales, la participation de l'Etat aux divers emplois aidés, notamment les emplois
jeunes, constituent autant de produits pour l'UFF de Gardanne, sans parler de diverses aides du
Département ou, ponctuellement, de la Région.
Mais la participation de la commune est majoritaire : aux subventions versées vient s'ajouter une
aide matérielle importante sous la forme de la mise à disposition gratuite et de l'entretien des
locaux utilisés par l'association.
Pour autant l'activité de l'association n'est pas unique. Trois secteurs peuvent être distingués :
le secteur petite enfance, objet de la mission confiée par la ville ; il comprend la gestion des
crèches (crèche collective, crèche familiale) et de la halte-garderie ; les activités socioculturelles,
services divers offerts à la " maison de la femme ", cours d'alphabétisation ou de remise à niveau,
soutien scolaire, permanence juridique, bourse aux vêtements, cours d'anglais, ateliers
artistiques, etc...
enfin les activités dites " nouvelles ", regroupées dans le cadre de lieux d'accueil parents-enfants.
Un différend entre la ville et l'association a amené la collectivité à mettre fin à la mission confiée à
l'UFF : le 1er septembre 2003, la ville a ouvert les crèches et la halte garderie reprises en gestion
directe, après avoir réembauché les trois quarts du personnel dans un cadre contractuel, avec le
concours du Centre départemental de gestion.
1.2. La convention liant les parties.
C'est par une convention signée le 29 janvier 1996 que la commune a confié à l'association
Ouvres sociales de l'UFF-Femmes solidaires de Gardanne la gestion des crèches et de la halte-
garderie de la ville.
Cette convention définit l'objet et les moyens de la mission confiée, qui vise les enfants de 3 mois
à 3 ans.
" Article 2 : Missions générales.
La municipalité de Gardanne confie aux Ouvres sociales de l'UFF la gestion des structures
(crèche collective et familiale, halte-garderie).
Les Ouvres sociales de l'UFF assurent l'accueil, la restauration, la garde et veillent au bon
développement psycho-moteur et affectif des enfants confiés aux structures, assurent la gestion,
l'équipement des établissements, doivent assurer l'équilibre financier et le fonctionnement des
différentes structures compte tenu de la participation des familles, la prestation de la CAF et la
participation de la commune, assurent l'instruction et le suivi des dossiers pour l'obtention
d'éventuelles subventions liées au développement de ses activités ".
La commune (titre II) s'engage à mettre les locaux nécessaires à disposition gratuite de l'UFF, et à
les entretenir (maintenance et investissement). La convention précise en outre les conditions de
versement des subventions municipales, les obligations de reddition des comptes de l'UFF (cf.
infra). Elle précise enfin les conditions d'une éventuelle résiliation de la convention, qui implique
une négociation préalable, et la reprise du personnel concerné.
Cette convention a fait l'objet de plusieurs avenants : l'avenant 1 se borne à acter une nouvelle
implantation des locaux mis à disposition, l'avenant 2 institue une Commission permanente Petite
Enfance composée de 3 administrateurs de l'UFF et de 2 conseillers municipaux. Un avenant 3 a
été proposé par la commune, mais n'a pas été signé par l'UFF. Il comportait des modifications
importantes, concernant en particulier la reddition des comptes (cf. infra).
La Chambre observe au passage que cette convention, qui relevait clairement de la délégation de
service public, a été passée, trois ans après la loi " Sapin ", sans que la collectivité en ait respecté
les dispositions, induisant de ce fait un défaut d'encadrement contractuel dont les conséquences
négatives apparaissent aujourd'hui.
1.3. Les comptes de l'UFF.
Le budget de l'UFF atteignait en 2002 près de 1 millions d'euros.
L'évolution de ses résultats montre que le ratio production vendue/subventions s'est dégradé
régulièrement sur la période :
1998 : 0,327 ;
1999 : 0,318 ;
2000 : 0,301 ;
2001 : 0,302 ;
2002 : 0,278.
Pendant que la production vendue augmentait de 4,5 % de 1998 à 2002, les subventions reçues
par l'association augmentaient de 23 %.
UFF : Comptes de résultat simplifiés (Sources : 1998 à 2001, rapports du Commissaire aux
comptes ; 2001 et 2002, états financiers établis par l'expert-comptable).
Pa400801
L'explication est dans le faible retour des " nouvelles activités ", qui demandent en réalité à être
subventionnées pour exister durablement. Tel était d'ailleurs bien le cas, comme cela sera
expliqué plus loin, puisque ces nouvelles activités étaient organisées dans le cadre d'emplois
jeunes financés à 80 % par l'Etat et à 20 % par la commune, mais, s'adressant plutôt à des
publics en grandes difficultés, ne pouvaient apporter à l'association des produits importants.
La Chambre ne peut que souligner qu'il paraît dans ces conditions illogique que sur ces activités
l'UFF ait pu affirmer dégager un " excédent ".
1.4. Les emplois.
Le type des missions remplies par l'UFF, et les conditions matérielles dans lesquelles elle les
remplit (locaux mis à disposition, etc), font que l'essentiel des charges de l'association est
constitué par les charges de personnel.
Elles sont restées stables sur la période, constituant 87,57 % du total des charges en 1998, 87,82
% en 1999, 87,68 % en 2000, 87,3 % en 2001 et 87,2 % en 2002.
L'association a employé, à temps complet ou à temps partiel, 48 personnes en 1998 et 1999, 51
en 2000, et 50 en 2001 et 2002 (source : DADS).
En 2002, ce personnel se répartissait comme suit : personnel administratif, 3 ; personnel
technique, 5 ; personnel médico-social, 28 ; emplois jeunes, 3 ; CES ou CEC, 11. Selon un
tableau des emplois utilisé en interne par l'UFF, 31 de ces agents étaient en CDI, et 4 en CDD
(deux des agents en CDI sont des emplois jeunes, dont le nombre total est donc de 5). A
l'exception des 3 emplois administratifs et des emplois jeunes dédiés aux lieux d'accueil, ce
personnel exerçait son activité dans les crèches ou à la halte garderie.
1.5. L'audit YMC.
Au mois de juillet 2001, le maire de Gardanne a averti l'UFF de son souhait de faire auditer la
gestion des crèches. Jugeant " le travail réalisé positif " et souhaitant " poursuivre dans ce sens ",
affirmant vouloir améliorer ce qui devait l'être pour " être inattaquable lors d'un futur contrôle de la
Chambre régionale des comptes ", et actant l'accord de principe de l'UFF, le maire précisait : "
Cette mission d'expertise conseil qui sera confiée au cabinet YMC pourrait se dérouler courant
septembre ".
Le rapport YMC a été produit à la Chambre. Ses conclusions peuvent être résumées en deux
points. D'une part, le rapport reconnaît le sérieux de l'association. De l'autre, il observe que deux
difficultés paraissent devoir être relevées.
En premier lieu, les demandes de subventions faites à la ville paraissent surestimées : les
comptes de résultat produits par l'UFF montrent que certaines charges qui devraient être réparties
sur les 3 activités sont affectées sur la seule activité " gestion des crèches " (personnel, frais
généraux) ; que certains produits, a contrario, sont imputés globalement dans les comptes
annuels alors qu'ils devraient être répartis ou affectés à l'activité " crèches " ; et que le montant
des disponibilités et placements financiers (2,8 MF au 30 septembre 2001) dépasse largement les
besoins réels, un fonds associatif important ayant été constitué au fil du temps.
En second lieu, la convention liant les parties paraît devoir être précisée, notamment sur le cahier
des charges, le rapport du délégataire, et la définition de " la mission pour l'Association d'assurer
l'équilibre financier et le fonctionnement des différentes structures compte tenu de la participation
des familles, la prestation de la CAF et celle de la Commune ".
A également été produite à la Chambre la réponse faite par l'UFF aux observations contenues
dans l'audit YMC. Toutes les remarques portent sur des détails peu significatifs, sauf une,
essentielle, qui touche aux excédents cumulés par l'association. Selon l'UFF, le fonds associatif
est nécessaire à l'exploitation future de l'association : il faut garantir les droits des salariés, avoir
une réserve en cas de litige avec un salarié ou en cas de retard de versement de la subvention,
ou en cas d'accident avec un enfant, préserver les bénévoles de l'association, et " permettre à
l'association de gérer librement conformément à la liberté d'association ". Et l'UFF note en outre
que l'origine des excédents interdit de considérer qu'ils ne proviennent que de la gestion des
crèches : une part revient à l'activité emploi jeune, et une autre part aux manifestations
rémunératrices organisées par l'association. Pour le reste, l'UFF affirme être " entièrement
d'accord " pour réviser la convention la liant à la collectivité.
2. UNE PRESENTATION COMPTABLE PEU LISIBLE.
2.1. La reddition des comptes.
2.1.1. Reddition de comptes à la commune.
La convention de 1996 contenait des dispositions destinées à permettre le contrôle de la
commune sur l'association :
" Article 13 : Reddition des comptes, présentation des documents financiers.
L'association gestionnaire des crèches, halte-garderie, dont les comptes sont établis pour un
exercice courant du 1er janvier au 31 décembre, devra :
formuler sa demande annuelle de subvention au plus tard le 15 janvier accompagnée d'un budget
prévisionnel détaillé, ainsi que l'arrêté provisoire des comptes de l'exercice précédent.
communiquer à la commune, au plus tard le 30 avril de l'année suivant la date d'arrêt des
comptes, les comptes rendus financiers et moraux approuvés par l'Assemblée générale,
notamment ses bilans et comptes de résultats détaillés du dernier exercice et certifiés conformes
par un commissaire aux comptes ainsi que le compte d'emploi de la subvention attribuée.
D'une manière générale, les Ouvres sociales de l'UFF s'engagent à justifier à tout moment sur
demande de la commune de l'utilisation des subventions reçues.
Elle tiendra sa comptabilité à disposition à cet effet ".
Ce schéma n'a en fait jamais été respecté.
D'une part, afin de permettre à la ville, à sa demande, de préparer son budget avant la fin de
l'année, la demande de subvention était déposée en octobre. Dès lors, demander un arrêté
provisoire des comptes " de l'exercice précédent " n'a plus de sens. L'association fournit donc un
arrêté des comptes au 30 septembre, assorti de prévisions pour le dernier trimestre. Un tel
document garde une valeur indicative, mais sans plus. Comme par ailleurs, l'AG de l'UFF n'a lieu
qu'en mai ou en juin, les éléments détenus par la collectivité au moment de décider du montant de
la subvention à accorder sont insuffisants. L'avenant n°3 (29 juillet 2002), qui n'a pas été signé, se
proposait pourtant d'entériner ces pratiques : la date du 15 janvier y est remplacée par celle du 15
octobre. Et la date du 30 avril disparaît, le texte ne se référant plus qu'à la nécessité de
communiquer " après l'Assemblée générale de l'Association, les comptes rendus financiers et
moraux etc... ".
D'autre part, il apparaît qu'aucun compte d'emploi n'a jamais été produit à la mairie, et que la
mairie n'en a jamais réclamé. On ne peut en effet, et encore moins depuis l'apparition des "
activités nouvelles " en 1998, considérer comme des comptes d'emploi les deux comptes
d'exploitation distincts tels que produits par l'association.
2.1.2. Reddition de comptes à l'Etat sur les emplois jeunes.
La convention type signée en 1998 avec la DDTEFP (cf. infra, 2.3) prévoit, en son article 9
Dispositions générales, que l'employeur devra produire annuellement un bilan de l'exercice de
l'activité (quantitatif et qualitatif), un bilan comptable relatif à l'activité, et un bilan prévisionnel pour
l'année suivante.
L'UFF satisfaisait à cette exigence, mais les documents renseignés, documents types fournis par
la DDTEFP, sont extrêmement succincts, et ne permettent nullement une véritable mesure des
coûts des " nouvelles activités ".
2.2. La comptabilité de l'UFF.
L'UFF produit en fait trois séries de documents comptables distincts :
Les documents comptables certifiés par le commissaire aux comptes constituent un compte
global, qui ne distingue pas de secteurs particuliers dans l'activité de l'association. Ce sont ces
documents qui sont produits à la collectivité, et ils ne lui permettent nullement de suivre l'emploi
des subventions qu'elle accorde à l'UFF. C'est pourtant la seule comptabilité incontestable.
Par ailleurs, l'association produit deux comptabilités d'exploitation séparées (journal, grand livre,
balance), l'une pour la structure UFF, incluant les activités associatives dites traditionnelles (socio-
culturelles), l'autre pour les crèches et la halte garderie, incluant les activités dites nouvelles. Ces
deux comptabilités sont produites, selon l'UFF, dans le souci de répondre à la demande de la
mairie, qui accorde deux subventions distinctes, l'une pour les crèches, l'autre pour l'association
elle-même.
Ces seconds documents ne constituent nullement une comptabilité analytique : c'est ainsi que la
totalité des charges de personnel, quelle que soit l'activité concernée, est imputée sur le compte
des crèches. Cette méthode ne permet pas un éventuel contrôle de la collectivité sur le coût réel
des prestations fournies par l'association.
Interrogée sur ce point, l'UFF a répondu que " les emplois jeunes correspondaient à un besoin de
fonctionnement donc ces charges auraient existé de toutes façons. Il n'y aurait pas eu de recettes,
c'est pourquoi les produits n'ont pas été comptabilisés ".
La Chambre observe qu'ainsi, l'UFF procédait comme si elle avait elle-même supporté au
bénéfice de la collectivité la charge des emplois jeunes, pourtant supportée essentiellement par
l'Etat.
Enfin, en interne, l'association tente de mesurer le poids de chaque activité, par l'utilisation de
clefs de répartition pour le personnel de la structure, et par l'affectation des dépenses à l'activité
concernée. Mais ces mesures, qui ne donnent lieu qu'à des documents de travail internes, ne sont
validées par aucun critère incontestable, concernant notamment l'utilisation des emplois jeunes
pour telle ou telle activité (les emplois jeunes travaillant pour les crèches sont comptabilisés en
charges pour ce secteur, mais pas en recettes) ; et elles ne tiennent pas compte de facteurs
pourtant essentiels comme le fait que toutes les activités sont organisées dans des locaux mis à
disposition gratuite, ou que leur entretien est pris en charge par la commune. On peut en outre
constater qu'elles ont reçu des présentations différentes, en trois comptes (un par activité) ou en
quatre (les trois activités, plus un compte non ventilé pour la structure elle-même) (cf. infra, 2.4).
2.3. Les emplois jeunes.
En 1998, l'UFF, souhaitant profiter des opportunités offertes par les emplois-jeunes pour
développer une activité d'" accueil mère-enfant ", a signé une convention avec la DDTEFP, pour
quatre emplois : 2 emplois à compter de janvier (un " coordonnateur logistique " et un "
coordonnateur petite enfance ") ; 1 emploi à compter de février (un " coordonnateur petite enfance
") ; 1 emploi à compter de mars (un " agent entretien polyvalent "). Ces 4 recrutements ne se sont
finalement réalisés qu'en avril (3) et octobre 1998 (1). Un cinquième emploi-jeune a été
contractualisé en juin 2000 (un " agent d'accompagnement social et familial ").
Dès le départ, le souhait de l'UFF paraît avoir été de pérenniser ces emplois, et d'ailleurs deux
emplois jeunes furent immédiatement recrutés en CDI. Mais les conditions financières de cette
pérennisation n'ont pas été établies.
Ainsi, dans le document renseigné par l'UFF pour la DRTEFP, établissant le bilan du programme "
Nouveaux services emplois jeunes " au 31-12-2000, à la question 59 (page 7 du document) : " A
ce stade du développement de votre activité, la pérennisation, au delà de l'aide de l'Etat, vous
semble-t-elle :
- d'ores et déjà acquise
- possible sous certaines conditions ",
l'UFF répond que la pérennisation est acquise pour deux personnes (" les deux premières en
contrat CDI, passage aux 35 heures "), et possible pour deux autres (" en fonction de possibilités
de financement, subventions ").
La Chambre fait sur ce point plusieurs observations.
2.3.1. Certains emplois jeunes ont été utilisés pour assurer le travail des personnels des crèches.
La Chambre constate que les emplois jeunes ont été en partie utilisés pour assurer le passage
aux 35 heures des personnels des crèches, et donc que l'aide de l'Etat a été apportée aux
activités entrant dans la mission confiée par la collectivité autant qu'aux activités nouvelles créées
par l'association.
La collectivité n'ignorait pas cette réalité, et ce dès 1998, puisque avant même la première loi "
Aubry " (loi n° 98-461 du 13 juin 1998), l'UFF a utilisé les emplois jeunes pour des tâches relevant
de l'activité " crèches ". Ainsi, par courrier en date du 16 mars 1998, l'UFF écrivait ceci au maire
de Gardanne :
" Suite à notre dossier " emplois jeunes " nous vous informons (...) que nous ne sollicitons pas
pour 1998 les 20 % de participation mairie pour subvenir aux charges inhérentes à ces emplois.
En effet, lors de notre demande de subvention municipale concernant les structures petite enfance
en octobre 1997, nous avions prévu pour 98 l'embauche d'un demi poste d'auxiliaire. Par la suite
l'opportunité des emplois jeunes nous a permis de repenser nos prévisions 98. Nous avons
transformé ce demi poste en temps plein " emploi jeune ". La part (salaire et charges à mi-temps)
envisagée initialement et déjà accordée lors des subventions 98 (70 000 F) couvrira pour cette
même année les 20 % des 4 emplois jeunes prévus ".
Qu'il s'agisse donc de renforcer les effectifs des crèches, ou d'assurer le passage aux 35 heures,
il est clair qu'au total au moins deux emplois jeunes ont été utilisés pour la mission confiée à l'UFF
par la ville.
Mais la Chambre observe que le positionnement exact de ces emplois jeunes dans le dispositif
proposé par l'UFF n'apparaissait pas clairement, dans la mesure où les nouvelles activités
rendues possibles par leur intervention touchaient aussi les personnels voués à la mission petite
enfance. Dans la brochure de présentation de l'association (2000), les lieux d'accueil parents-
enfants sont présentés ainsi :
" Le but de cette initiative est de créer un lieu d'échanges entre la mère ou le père et l'enfant, en
s'appuyant sur un personnel qualifié, salarié de nos structures petite enfance : éducatrices,
puéricultrice, psychologue... et le savoir faire des adhérentes de l'UFF ".
Au total, donc, la Chambre note que l'intervention des emplois jeunes s'est faite dans une certaine
confusion, qui ne pouvait être sans conséquences sur le plan financier.
2.3.2. Les autres emplois jeunes ne pouvaient être pérennisés sans subventions supplémentaires.
Il apparaît que l'argument justifiant la constitution d'un fonds associatif confortable par le souci de
la pérennisation des 2 autres emplois est erroné, puisque l'UFF mentionnait clairement à
l'intention de la Direction du travail qu'il y avait besoin de subventions.
La Chambre note sur ce point que l'UFF n'ignorait nullement le problème, comme on le voit par le
rapprochement suivant :
Dans la réponse faite à l'audit YMC, en date du 7 février 2002, l'UFF écrit qu'il est faux de dire que
les emplois jeunes ne doivent pas dégager des excédents : " un emploi jeune par son activité peut
générer des recettes, dans le but de le perpétuer. Ces recettes prouvent la cohérence, l'utilité, la
viabilité de nos projets et le sérieux de nos actions ".
Or, en novembre 2001, l'UFF établissait sa demande annuelle d'aide de l'Etat pour ses emplois
jeunes. Dans le dossier transmis à la DDTEFP (page 13), il est écrit en réponse à la question de
savoir quels éléments permettent de considérer que la montée en puissance de l'activité lui
permettra d'être consolidée : " Des recettes complémentaires, au fil des années, sont venues
consolider en partie les nouvelles activités. D'autres subventions de collectivités seront
nécessaires, étant donné que le public visé ne peut supporter le coût de l'activité ".
2.4. Le " fonds associatif ".
L'objet essentiel du différend entre la commune et l'UFF tient dans la constitution d'un fonds de
roulement que la commune revendique, jugeant qu'il a été constitué par un excédent de
financement de l'activité des crèches, et que l'association, qui le considère comme une réserve
durement constituée, affirme lié en partie aux emplois jeunes.
L'association a produit un tableau retraçant selon elle l'historique de la constitution de ce fonds.
Pa400802
Le résultat atypique de 1998 pour les crèches est dû à une reprise pour provisions suite à l'issue
favorable d'un contentieux porté devant les prud'hommes.
Ce tableau, qui a été élaboré par l'expert comptable de l'association, démontrerait que le fonds ne
s'est réellement enrichi qu'à partir de la création des " nouvelles activités " permises par les
emplois jeunes. Il a été réalisé selon les hypothèses suivantes, précisées par l'expert comptable :
les coûts des salariés ont été répartis en fonction des heures réellement effectuées dans chaque
structure
les différents achats ont été répartis suivant les structures auxquelles ils se rapportaient
les subventions ont été réparties en fonction de leur affectation aux différentes structures
les produits financiers ont été répartis selon la structure détenant le compte.
Si l'affectation des achats ne pose guère de problèmes, et si celle des subventions n'en pose pas
du tout, pour les produits financiers, en revanche, le critère retenu n'a pas grande valeur (sinon
tautologique !) : un compte n'est alimenté qu'en fonction des choix comptables faits en amont.
Mais de toutes façons l'essentiel de la dépense est représenté par les frais de personnel, et c'est
donc bien la ventilation de ces frais qui conditionne la répartition du fonds par activités.
La Chambre a rapproché les résultats affichés sur les années 1998, 1999 et 2000, tels qu'ils
ressortent de quatre présentations :
les résultats par activités figurant à l'annexe au rapport d'audit YMC, constituée à partir des
chiffres produits à l'auditeur par l'UFF (12-11-01) ; les résultats par activité figurant dans le
document réalisé par l'expert-comptable de l'association (07-06-02) ; les charges et produits " non
affectés " dans le document YMC ont été répartis entre les activités, mais les trois activités
demeurent ; les résultats figurant aux deux comptes distincts produits à la Chambre : " Crèches
Halte garderie " et " UFF Femmes " ; le premier regroupe le secteur petite enfance, le secteur
parents-enfants et les charges et produits non affectés, le second les activités traditionnelles, i.e.
le secteur femmes ; le résultat global figurant sur les comptes de résultats certifiés par le
commissaire aux comptes.
La répartition faite par l'expert comptable a été réalisée en juin 2002. On constate donc que sur
les exercices antérieurs, la comptabilité de l'UFF ne répartissait pas un certain nombre de charges
et de produits, et que c'est seulement par une reconstitution a posteriori qu'une répartition
complète a été proposée. Celle-ci, telle qu'elle ressort d'un tableau interne produit à la Chambre
par l'UFF, est d'une très grande précision : tel agent est censé travailler pour les crèches pour 93
% de son temps, tel autre pour 94 %, tels autres pour 43 %, 52 %, 77 % ou 86 %. Mais cette
précision, qui n'a jamais été formalisée d'aucune manière, n'a d'autre valeur que déclarative.
Par le rapprochement entre ces différentes comptabilisations, la Chambre observe que c'est bien
la ventilation des résultats telle qu'elle ressort des choix faits par l'UFF qui permet de nourrir "
l'excédent " des " nouvelles activités ".
CONCLUSION
La gestion des crèches par l'UFF est un très bon exemple des difficultés occasionnées par des
rapports à la fois trop étroits et trop distants entre une collectivité qui confie une mission de
service public à un organisme associatif et l'organisme auquel cette mission est confiée.
Liens trop étroits dans la mesure où la quasi totalité de l'activité associative relève au plan
financier de la contribution publique, et en particulier de la collectivité.
Liens trop lâches dans la mesure où le contrôle exercé par la collectivité, compte tenu de cette
proximité même, s'est révélé tout à fait insuffisant, voire absent.
La qualité de la gestion technique des crèches par l'UFF n'est nullement en cause. Au demeurant,
son appréciation ne relèverait pas des compétences de la Chambre, et les contrôles incombant à
l'Etat n'ont jamais révélé de dysfonctionnement particulier. Mais la Chambre constate que
l'absence de rigueur qui a durant plusieurs années prévalu tant du côté de l'UFF que de celui de la
collectivité de Gardanne conduisaient inéluctablement à des difficultés, dont la période récente a
montré l'ampleur, dès lors que pour quelque raison que ce soit il devenait nécessaire de clarifier
ce qui devait revenir à chacune des parties.
Du côté de la ville, les documents financiers qui lui étaient produits l'étaient selon un calendrier
incompatible avec un contrôle serré des besoins effectifs de l'organisme, puisque la collectivité
disposait seulement d'un bilan prévisionnel de l'année N pour décider de la subvention de l'année
N + 1. En revanche, les bilans et comptes de résultats certifiés par le commissaire aux comptes,
produits au cours de l'année N + 1, étaient suffisamment complets pour qu'elle ne puisse ignorer
la réalité des fonds propres et de la trésorerie de l'association. Le caractère global de ces
documents, l'absence de tout compte d'emploi, n'ont pourtant jamais été relevés par la commune,
qui ne pouvait dès lors distinguer les activités qu'elle avait elle-même confiées à l'UFF de celles
relevant de l'initiative et de la responsabilité purement associatives, et mettant en jeu des
financements étrangers à son contrôle.
Dans ce cadre, toute prétention, pourtant légitime, de la collectivité à vouloir demander à l'UFF la
restitution d'une part, non utilisée, de ses subventions est compromise, et il lui est en tous cas
impossible d'émettre un titre d'un montant incontestable à l'encontre de l'association. Au
demeurant, le fait que plusieurs emplois jeunes aient été utilisés sur l'activité petite enfance
signifiait aussi qu'indirectement, c'est l'Etat qui apportait une aide à l'action communale.
Du côté de l'association, dont la bonne foi ne semble pas devoir être soupçonnée, la Chambre
observe toutefois deux insuffisances d'organisation.
Au plan administratif, la confusion des rôles entre les emplois jeunes et les " professionnels " de
l'organisme, fût-elle pratiquée pour la bonne cause, et fût-ce à la satisfaction générale, ne pouvait
avoir d'autre conséquence que l'impossibilité de distinguer l'affectation réelle des différents
financements.
Au plan comptable, le choix d'imputer la totalité des salaires sur la comptabilité " crèches halte
garderie " et aucun sur la comptabilité " UFF " renforçait évidemment cette impossibilité.
L'absence de critères incontestables pour fixer des clefs de répartition entre les activités, que ce
soit pour les frais de structure ou pour les charges de personnel, était de nature à favoriser
soupçon et contestation.
Au total, l'imprécision qui a prévalu dans la répartition des tâches, l'évidence qu'une partie des
activités nouvelles était assurée par des personnels employés officiellement sur l'activité des
crèches, et la confusion comptable entre les diverses activités, fragilisent singulièrement toute
prétention de l'association à conserver telle part précise d'un fonds de roulement dont elle ne peut
justifier les différentes composantes.
On peut ajouter que l'Etat lui aussi pourrait s'estimer fondé à réclamer la restitution d'une part des
fonds accumulés, sans pouvoir plus que la commune préciser quel montant devrait lui revenir.
Il n'appartient pas à la Chambre de trancher les éventuels litiges nés ou à naître de cette grande
confusion, qu'ils touchent au devenir des personnels, ou à la situation de l'association après la
reprise de la mission petite enfance par la collectivité. Une telle confusion devrait au demeurant
conduire aujourd'hui toutes les parties concernées à tenter ensemble de trouver l'issue la plus
adaptée.
La Chambre observe cependant que la relation entre la commune de Gardanne et l'association
Union des Femmes Françaises - Femmes solidaires de Gardanne est très illustrative des risques
induits par une gestion laissée trop longtemps sans cadre rigoureux et sans contrôle régulier. Elle
prouve combien il est indispensable qu'une collectivité exige, pour chaque subvention importante
versée pour une mission de service public, la production annuelle d'un compte d'emploi précis,
adossé si besoin à une comptabilité analytique rigoureuse et transparente.
Le président de section,
Christian BESOMBES
Le président
Alain PICHON
réponse de l'ordonnateur 1 :
PAO06040401.PDF
réponse de l'ordonnateur 2 :
PAO06040402.pdf