Cour de discipline budgétaire et financière
Arrêt du 28 avril 1987, Association pour la formation professionnelle des adultes
(AFPA)
N° 65-126
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,
LA COUR,
Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes de gestion
commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités et portant création de la Cour de discipline
budgétaire et financière ;
Vu la lettre du 23 juin 1978, enregistrée au Parquet le 26 juin 1978, par laquelle le Ministre du budget
a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités commises dans la gestion de
l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ;
Vu le réquisitoire du procureur général de la République en date du 2 août 1978 transmettant le
dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 12 septembre 1978
désignant comme rapporteur M. WOIMANT, conseiller référendaire à la Cour des comptes ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées par le procureur général de la
République le 26 janvier 1979 à M. X et à M. Y, les informant de l'ouverture d'une instruction et les
avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat ou un
avoué, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu les avis émis, le 8 décembre 1982, par le directeur de l'AFPA, et le 12 octobre 1983, par le
secrétaire d'Etat chargé du Budget ;
Attendu que l'absence de réponse du ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de
l'Emploi, dans le délai de deux mois qui lui avait été imparti, à la demande d'avis formulée le 14
octobre 1982 et rappelée au ministre délégué auprès du ministre des Affaires sociales et de la
solidarité nationale, chargé de l'Emploi, le 18 avril 1983 ne fait pas obstacle, en application de l'article
19 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée, à ce que la Cour de discipline budgétaire et financière
puisse statuer sur la présente affaire ;
Vu les conclusions du procureur général de la République en date du 28 février 1986, renvoyant M. Y
et M. X devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées par le président de la Cour le 3
mars 1987 à MM. Y et X, les avisant qu'ils pouvaient dans un délai de quinze jours prendre
connaissance du dossier de l'affaire, soit par eux-mêmes, soit par un mandataire, soit par le ministère
d'un avocat, d'un avoué ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu le mémoire en défense présenté le 17 avril 1987 par Me JEANMONDO- PELON, avocat à la Cour
d'appel, assistant M. X ainsi que les pièces complémentaires produites à l'appui de ce mémoire ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 18 mars 1987 à M. Y et à M. X
et les invitant à comparaître ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment le rapport établi par le rapporteur
désigné ainsi que les procès-verbaux d'audition,
Entendu M. WOIMANT en son rapport ;
Entendu le Procureur général de la République en ses conclusions ;
Entendu en leurs explications M. Y et M. X, assisté de Me JEANMONDO-PELON, avocat à la Cour ;
Entendu le procureur général de la République en ses réquisitions ;
Entendu en sa plaidoirie Me JEANMONDO-PELON et en leurs observations M. Y et M. X, les
intéressés et le conseil de M. X ayant eu la parole les derniers ;
Considérant que l'Association pour la formation professionnelle des adultes, en tant qu'elle bénéficie
d'un concours financier de l'Etat, est soumise, en application des dispositions de l'article 1er alinéa 6
de la loi n° 67-483 du 22 juin 1967 modifiée, de l'article 33 du décret n° 68-827 du 20 septembre 1968
modifié et de l'article 38 du décret n° 85-199 du 11 février 1985, au contrôle de la Cour des comptes ;
que ses agents sont donc justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière en vertu de
l'article 1er de la loi du 25 septembre 1948 modifiée susvisée ;
Considérant que l'arrêté conjoint des ministres des Affaires sociales et de l'Economie et des finances
du 21 décembre 1967, relatif aux règles de passation des marchés par l'Association nationale pour la
formation professionnelle des adultes et par l'Agence nationale pour l'emploi, prévoit, à son article 1er,
que les marchés conclus par l'AFPA sont passés suivant les règles en vigueur pour les marchés de
l'Etat ;
Considérant que l'article 7 de l'arrêté du ministre de l'Economie et des finances du 1er février 1966
relatif aux modalités d'exercice du contrôle économique et financier de l'Etat sur l'Association
nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main d'oeuvre (ANIFRMO) - devenue,
en application de l'article 1er des statuts du 17 décembre 1965, l'Association pour la formation
professionnelle des adultes - dispose que sont soumis au visa préalable du contrôleur d'Etat auprès
de l'Association, accompagnés de toutes pièces justificatives et notes explicatives, tous les contrats
passés par l'Association et exécutables, totalement ou partiellement, en recettes et en dépenses, sur
son budget lorsqu'ils excèdent un montant fixé par le contrôleur d'Etat ;
Que, par une lettre adressée le 21 décembre 1973 au directeur de l'AFPA, le contrôleur d'Etat a fixé le
seuil prévu par l'arrêté précité à 30 000 francs pour le matériel et 50 000 francs pour les travaux ;
Considérant que le décret n° 67-1014 du 21 novembre 1967 fixant certaines modalités d'application
de l'ordonnance n° 67-578 du 13 juillet 1967 créant une Agence nationale pour l'emploi institue une
commission consultative des marchés commune à cette Agence et à l'Association nationale pour la
formation professionnelle des adultes ;
Qu'en application de l'arrêté interministériel susmentionné du 21 décembre 1967, les seuils prévus par
le code des marchés publics pour la consultation des commissions consultatives des marchés
s'appliquaient à l'AFPA, à savoir 400 000 francs pour les marchés de gré à gré et 1 million de francs
pour les marchés par adjudication ou sur appel d'offres ;
Que si, à la suite de l'intervention du décret n° 72-198 du 13 mars 1972 supprimant les commissions
consultatives fonctionnant dans chaque ministère pour les remplacer par des commissions
spécialisées par type de prestations, les seuils précités pouvaient ne plus être considérés comme
obligatoires, la commission consultative des marchés de l'AFPA subsistait et que cette Association
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pouvait se fixer à elle-même des règles dans ce domaine et notamment en matière de seuils
d'intervention de ladite commission ;
Qu'il résulte de l'audition de M. Y, directeur des équipements de l'Association, que celui-ci avait
demandé que, pour l'AFPA, les seuils de saisine de la commission des marchés ne soient pas
modifiés malgré la réforme ; qu'ainsi ces derniers devaient continuer à s'appliquer pour les marchés
de l'Association ;
En ce qui concerne divers marchés de fournitures
Considérant que pour la commande de trois cuisines destinées aux centres d'Amiens, Creil et
Limoges, les propositions d'achat n'ont été adressées au contrôleur d'Etat que le 18 juillet 1974, soit
dans un délai variant de six à dix semaines après l'ouverture des plis ; que dès le 19 juillet 1974,
commande avait été passée sans attendre la prise de position du contrôleur d'Etat qui refusa son visa
le 9 août 1976 ; que s'agissant de la cuisine de Stains le dossier n'a même été envoyé au contrôleur
d'Etat que le 17 janvier 1975 alors que la commande avait été adressée à l'entreprise dès le 17 juillet
1974 ;
Considérant que onze tours destinés au centre de Senones ont été commandés le 19 mars 1975 et
que ce n'est que sur refus de paiement du comptable en l'absence de visa du contrôleur d'Etat que
celui-ci fut réclamé ;
Considérant que, malgré leur montant, l'acquisition des quatre cuisines précitées, de même que celle
des onze tours destinés au centre de Senones n'ont pas été soumises à la commission consultative
des marchés de l'AFPA ;
Considérant que ces irrégularités constituent une violation des règles applicables en matière de
contrôle financier portant sur l'engagement des dépenses ainsi que des règles relatives à l'exécution
des dépenses au sens des articles 2 et 5 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que si certaines circonstances et en particulier l'urgence et les difficultés inhérentes à des
modifications dans les relations entre l'AFPA et le contrôle d'Etat peuvent expliquer pour partie les
irrégularités commises, elles ne suppriment pas entièrement pour autant la responsabilité de M. Y qui
a pris les décisions d'engagement ;
En ce qui concerne les marchés d'équipement de sections horlogères à Besançon
Considérant qu'il a été décidé en mars 1974 de créer d'urgence de nouvelles sections d'horlogerie au
centre de formation professionnelle de Besançon, à la suite de la défaillance de l'entreprise Lip ;
qu'une structure particulière de décision a été créée à cet effet au sein de l'AFPA et que l'échelon
central du service du matériel, dont le chef était M. X, a été chargé d'organiser directement les achats
d'équipements, outillages et matières d'oeuvre par dérogation à la procédure habituellement suivie
pour l'approvisionnement des centres locaux ; que le service du matériel n'en continuait pas moins à
relever hiérarchiquement du directeur des équipements, M. Y ;
Considérant qu'avait déjà été ouverte le 1er mars 1974, au Centre de formation professionnelle de
Besançon, une autre section d'horlogerie et que l'achat des matériels nécessaires avait alors été
confié au directeur de ce centre ;
Que cette circonstance aurait dû permettre aux responsables de la création de nouvelles sections
d'établir d'utiles comparaisons de prix et d'éviter ainsi de procurer aux fournisseurs des nouvelles
sections des avantages pécuniaires injustifiés résultant de prix excessifs ;
Considérant que les achats destinés aux nouvelles sections d'horlogerie ont été effectués auprès de
quatre entreprises, le Comptoir d'outillage Parmentier (COP) pour 427 160,70 francs, la Société
générale d'outillage de Saint-Etienne (SGOS) pour 365 624,40 francs, le Groupement d'intérêt
économique Fourniture d'outillage aux administrations et collectivités (FOAC) pour 372 178,90 francs
et la Société Conseil et diffusions industrielles et commerciales (CEDICOM) pour 319 730,40 francs ;
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Considérant que les conventions concernant ces acquisitions ont été signées et notifiées aux
différents cocontractants sans avoir été soumises préalablement au visa du contrôleur d'Etat ;
Que l'argument selon lequel l'intervention du contrôleur d'Etat n'aurait pas été nécessaire puisque ces
marchés, étant financés sur des crédits en provenance du fonds national de l'emploi, relevaient des
procédures propres au ministère du Travail, ne peut être retenu dès lors que les conventions étaient
conclues par des agents de l'AFPA et pour le compte de cet organisme ; qu'au demeurant il n'a pas
été fait application de ces procédures, au cours de la même opération de Besançon, pour les marchés
de matières d'oeuvre qui, financés sur les mêmes crédits du fonds national de l'emploi, ont été soumis
au visa du contrôleur d'Etat de l'AFPA, alors même que leur montant était beaucoup plus modeste
que ceux des contrats de matériel ;
Que la procédure mise en oeuvre constitue donc une violation des règles applicables en matière de
contrôle financier au sens de l'article 2 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu'elle a en outre eu
pour effet de soustraire à l'examen du contrôle d'Etat les autres irrégularités qui ont affecté la
réalisation de ces acquisitions ;
Considérant que si les marchés ont été cosignés par les deux directeurs des centres de Besançon et
par M. Y, il appartenait à ce dernier, en tant que directeur de l'Equipement de l'AFPA exerçant ses
fonctions à l'administration centrale de l'association, de soumettre les marchés au visa du contrôle
d'Etat ; qu'il doit donc assumer la responsabilité de l'infraction ;
Considérant que même si M. X avait pris une option par téléphone auprès de l'entreprise COP dès le
2 avril 1974 et si les livraisons de la plus grande partie des matériels ont eu lieu avant la conclusion
des marchés, cette option ne constituait pas sur le plan formel, en l'absence de confirmation écrite, un
engagement dans les conditions prévues par l'instruction sur la comptabilité de l'AFPA ; que dès lors
l'infraction aux dispositions de l'article 4 de la loi du 25 septembre 1948 concernant l'engagement, par
un agent, de dépenses sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation de signature à cet effet,
ne saurait être retenue à l'encontre de M. X ;
Considérant que le choix de l'entreprise COP comme fournisseur des matériels a été agréé sans
qu'aient été consultées toutes les sociétés auprès desquelles le Centre de Besançon avait acheté les
matériels de la première section d'horlogerie, notamment Portescap-France successeur de Reno-
France ; qu'il apparaît ainsi que les acquisitions se sont effectuées sans mise en concurrence
suffisante des fournisseurs ; qu'il incombait normalement à MM. Y et X, dans le cadre de leurs
responsabilités respectives, d'orienter les acquisitions de matériels à partir de critères de prix et de
rapprocher les prix pratiqués par les entreprises consultées de ceux des commandes antérieures,
ainsi qu'il était prescrit dans un document interne à l'AFPA établi par M. X ;
Considérant que la majeure partie des matériels a été livrée le 12 avril 1974 et était en état de
fonctionner le 16 avril 1974 ; que ce n'est qu'à partir de cette date qu'ont été étudiés les moyens de
régulariser, par des marchés conclus a posteriori, les livraisons ainsi réalisées ; qu'ainsi des
commendes dont le montant global approchait 1,5 million de francs ont été passées sans marchés
préalables ;
Que si des marchés ont été conclus avec quatre cocontractants, un seul d'entre eux, COP, a fourni
l'ensemble des matériels, les autres entreprises ayant été désignées sur proposition de COP ; que,
réalisé de manière artificielle, le fractionnement de la facturation entre un certain nombre de
fournisseurs avait pour seul but de rester au dessous du seuil de 400 000 francs et d'éviter ainsi la
consultation de la commission des marchés ;
Considérant que ces diverses irrégularités, en tant qu'elles enfreignent les règles relatives à
l'exécution des dépenses de l'AFPA, tombent sous le coup de l'article 5 de la loi du 25 septembre
1948 modifiée ;
Considérant que M. X, qui a mené l'ensemble des négociations concernant l'acquisition de ces
matériels, a engagé sa responsabilité dans ces opérations, observation étant faite cependant qu'en ce
qui concerne le fractionnement des marchés il prétend avoir été favorable à une convention unique
avec COP ;
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Que M. Y a partagé la responsabilité des infractions constatées, notamment en signant les marchés
de régularisation ;
Que la connaissance qu'ont pu avoir de ces opérations le directeur général de l'AFPA, le chargé de
mission pour l'"affaire Lip" et l'administration de tutelle ne suffisent pas à exonérer de leurs
responsabilités MM. Y et X, dès lors que ces derniers ne peuvent exciper de l'ordre écrit prévu par
l'article 8 de la loi du 25 septembre 1948 modifiée ; qu'à l'égard de M. X, la signature des marchés ne
peut tenir lieu dudit ordre écrit, étant donné que celui-ci suppose un rapport préalable, particulier à
chaque affaire, et que l'intéressé a précisément omis d'établir un rapport de présentation des marchés
en cause, contrairement aux pratiques habituelles de l'AFPA ;
Considérant par ailleurs qu'il résulte tant du rapport établi au mois de novembre 1976 par l'inspecteur
des finances chargé d'étudier ces opérations que des pièces recueillies au cours de l'instruction que
les matériels ont été acquis à des prix qui excédaient largement ceux que l'AFPA avait payés en 1973
lors de l'équipement de la première section d'horlogerie de Besançon ; que pour 196 articles de
référence représentant 86 % de la valeur totale et 37 % des références, le coût hors taxe, si les tarifs
pratiqués avaient été les mêmes que dans le cas de cette section, aurait été, d'après le rapport
précité, de 480 241,82 francs alors que le prix réellement payé a été de 1 018 410,16 francs, laissant
apparaître, pour cette fraction des fournitures, un surcoût de 538 168,34 francs ; que, s'agissant des
matériels fabriqués par une Société suisse, ayant transité par l'importateur exclusif Portescap-France,
et facturés par COP et les trois autres cocontractants, le coût des matériels nécessaires aux nouvelles
sections, calculé aux prix obtenus pour la première section, eût été de 257 484,94 francs, alors que la
dépense effectivement supportée par l'AFPA a été de 688 212 francs ;
Que pour expliquer ces écarts, M. X a invoqué un certain nombre de facteurs de hausse ; qu'une part
modeste de cette augmentation peut s'expliquer par l'évolution des taux de change du franc suisse,
par la hausse de certains articles en francs suisses, par la substitution d'articles due notamment à la
nécessité d'obtenir rapidement une grande quantité de matériels ; qu'en revanche le court délai qui a
séparé les deux séries de livraisons ne peut avoir donné lieu ni à des évolutions économiques
importantes ni à des modifications techniques considérables des matériels proposés ; que de
nombreux exemples analysés lors de l'instruction prouvent que les divers arguments invoqués ne
suffisent pas à justifier les différences de prix constatées entre l'équipement de la première section
d'horlogerie mise en service le 1er mars 1974 et celui des nouvelles sections entrées en
fonctionnement le 16 avril de la même année ;
Considérant que ces différences trouvent, pour l'essentiel, leur explication dans le choix d'un
fournisseur unique auquel ont été sous- traitées en fait les responsabilités propres de l'AFPA dans la
négociation des contrats ; que ledit fournisseur a eu recours à des circuits de commercialisation
complexes comportant de nombreux intermédiaires ; qu'il en résulte notamment que les prix de revient
des matériels achetés par l'entremise de Portescap-France ont été multipliés en cours de
commercialisation, sans adjonction technique nouvelle, par des coefficients compris entre 2,43 et 6,45
selon les articles, ainsi qu'il ressort du rapport de la direction nationale des enquêtes de la direction
générale de la concurrence et des prix, annexé au rapport de l'inspection générale des finances ;
Que ces prix anormalement élevés résultent notamment des nombreuses commissions accordées
aux intermédiaires successifs ;
Que, s'agissant par exemple des produits dont Portescap-France avait l'exclusivité sur le territoire
français, au lieu d'un circuit commercial simple faisant intervenir seulement l'acquéreur (l'AFPA),
l'importateur exclusif (Portescap-France) et le fabricant suisse, il avait été mis en place un circuit
complexe dans lequel l'AFPA s'adressait à COP qui passait commande des matériels à la Société
suisse B..., laquelle devait recourir à une société installée en France Portescap-France pour obtenir
les produits de fabricants eux-mêmes implantés en Suisse ; que ce montage juridique complexe n'a
pas empêché que des relations commerciales aient été directement nouées entre Portescap-France
et COP ainsi qu'en atteste la facturation directe entre ces deux sociétés ; que cependant
l'intermédiaire, la société B..., a perçu une commission représentant 25 % de la commande ;
Que la société Conseil et diffusions industrielles et commerciales (CEDICOM), contrôlée A... et son
épouse, qui bénéficiait en application d'un contrat conclu avec COP le 20 juin 1971 d'un mandat
exclusif pour toutes les ventes de cette dernière société à l'AFPA, rémunéré par une commission
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initiale de 9 % ramenée par la suite à 7 ou 5 %, a reçu, s'agissant des matériels destinés au nouveau
centre de formation d'horlogerie de Besançon, une commission encore plus élevée, portée par lettre
du 2 avril 1974 à 13 %, soit 145 537,47 francs ; qu'à cette commission s'en est ajoutée une autre,
exceptionnelle, de 33 000 francs, allouée à A... par une lettre de COP en date du 10 mai 1974, en
raison de l'intervention de ce dernier pour le bon déroulement dudit marché ; que le montant des
commissions perçues par CEDICOM et A... a représenté 16 % de la valeur hors taxe des matériels
acquis par l'AFPA sans que les intéressés aient apporté une prestation technique ; que ces
commissions ont contribué à augmenter le coût final supporté par l'AFPA ;
Considérant que l'accroissement des prix ainsi supportés par l'AFPA a entraîné un préjudice certain
pour cet organisme ; que certaines des marges et commissions susmentionnées n'ont pas eu pour
contrepartie des prestations techniques et ont donc procuré des avantages injustifiés, d'une
importance exceptionnelle, aux bénéficiaires ; que, même si elles étaient alors ignorées de M. X et de
son supérieur hiérarchique M. Y, ces marges et commissions résultent d'une absence de vigilance de
leur part en ce qui concerne la mise en concurrence des entreprises et l'examen des prix demandés
par les titulaires des marchés, donc d'une méconnaissance des obligations inhérentes à leurs
fonctions ;
Que, notamment, n'ont pas été utilisés les moyens d'investigation dont disposait l'AFPA, par des
comparaisons tant avec les prix pratiqués lors de l'équipement de la première section d'horlogerie -
alors même que M. X, d'après ses propres déclarations avait fait établir entre le 29 et le 31 mars 1974
des fiches mentionnant les prix obtenus pour cette section, concernant une grande partie des
matériels acquis - qu'avec les renseignements recueillis en avril 1974 sur certains prix de vente
directe pratiqués par Portescap-France ; qu'aucune conséquence n'a été tirée des contrôles qui
auraient été effectués lors de la communication par COP de ses prix le 17 avril 1974, avant la
signature des marchés ;
Considérant que les faits ainsi constatés tombent sous le coup de l'article 6 de la loi du 25 septembre
1948 modifiée ;
Que cependant, des circonstances propres à cette affaire, notamment l'urgence due à des difficultés
sociales graves et la priorité donnée par le directeur général de l'AFPA et l'administration de tutelle à
la rapidité d'exécution sur les conditions de prix obtenues peuvent être de nature à atténuer les
responsabilités encourues ;
Considérant qu'en revanche l'urgence ne peut expliquer qu'aucun contrôle a posteriori des conditions
dans lesquelles s'est déroulée cette affaire n'ait permis d'en tirer des conclusions utiles et de renforcer
la vigilance de l'AFPA à l'égard des sociétés en cause, ce qui aurait dû conduire à éviter les
anomalies observées dans l'équipement du centre de formation professionnelle de Stains ;
En ce qui concerne l'équipement du centre de Stains
Considérant que, parmi les six appels d'offres lancés pour l'équipement du centre de Stains, trois l'ont
été par le service du matériel de l'AFPA entre le 10 juillet et le 20 septembre 1974 ; qu'il résulte de
l'instruction que si, dans ces trois cas, M. X affirme avoir consulté sept entreprises, seules trois d'entre
elles, le Comptoir d'outillage Parmentier (COP) et la Société générale d'outillage de Saint-Etienne
(SGOS), qui avaient participé à l'équipement des sections horlogères de Besançon dans les
conditions déjà analysées, et la Société anonyme de fabrication et d'outillage mécanique (SAFOM)
ont formulé des propositions ; que, pour avoir un nombre suffisant de participants, M. X s'est
également adressé au G I E Fournitures d'outillages aux administrations et collectivités (FOAC) et à la
Société Conseil et diffusions industrielles et commerciales (CEDICOM) dont il ne pouvait ignorer les
relations avec COP puisque cette dernière avait proposé, dans l'opération de Besançon, la répartition
des facturations susmentionnée entre elle-même et ces sociétés ;
Qu'au surplus, en l'absence d'une commission d'ouverture des plis, l'examen des offres n'a pu être
effectué selon les règles prévues par le code des marchés et applicables à l'AFPA en vertu de l'arrêté
précité du 21 décembre 1967 ; que ces différentes circonstances ont privé la procédure retenue de
certains caractères substantiels de l'appel d'offres ; que dans ces conditions les marchés peuvent être
regardés comme ayant été en fait conclus de gré à gré ; que dès lors, c'est à tort que ceux passés
avec FOAC et SAFOM dont le montant dépassait 400 000 francs n'ont pas été soumis à la
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commission consultative des marchés, le seuil d'un million de francs au-dessous duquel cette
consultation n'est pas obligatoire n'étant applicable qu'en cas d'appel d'offres ;
Qu'ainsi les règles relatives à l'exécution des dépenses de l'AFPA n'ont pas été respectées en
l'espèce ; que cette infraction, qui tombe sous le coup des dispositions de l'article 5 de la loi du 25
septembre 1948 modifiée susvisée, a été commise par M. X, chargé de mener cette opération pour le
compte de l'AFPA, et M. Y qui a signé les lettres d'appel d'offres ;
Considérant que si des marchés ont été finalement conclus par l'AFPA avec les cinq entreprises
précitées (SGOS, COP, FOAC, CEDICOM et SAFOM) entre lesquelles ces commandes ont été
réparties, la société CEDICOM a servi d'intermédiaire dans l'ensemble des livraisons et perçu des
commissions sur toutes les fournitures destinées à l'Association ; qu'il résulte en effet d'une lettre du
24 juin 1974 adressée par la SGOS à CEDICOM qu'une commission de 15 % a été versée à cette
dernière société, calculée sur l'ensemble des factures établies par SGOS, COP et FOAC, commission
qui a pris la forme d'une minoration de 15 % de la facturation desdits matériels à CEDICOM ; que par
lettre du même jour, la SGOS indiquait à A... dont les liens avec CEDICOM ont été antérieurement
rappelés, qu'il lui serait réglé sur les mêmes fournitures une commission de 5 % ; que par lettre du 19
juillet 1974, la même SGOS s'engageait à payer à A... une commission de 5 % sur le prix des
matériels fournis par la SAFOM, tandis que par lettre du même jour CEDICOM bénéficiait sur ces
matériels d'une commission de 15 % ;
Qu'ainsi les prix facturés à l'AFPA se sont trouvés majorés de 20 %, entraînant pour cet organisme un
préjudice important et procurant aux bénéficiaires des commissions un avantage injustifié au
détriment de l'Association ; que cet avantage a été accordé, pour les motifs précités, en
méconnaissance des obligations qui s'imposaient aux responsables de l'AFPA dès lors que les règles
relatives à l'exécution des dépenses de cet organisme n'avaient pas été respectées ; qu'en
conséquence MM. Y et X tombent également sous le coup des dispositions de l'article 6 de la loi du
25 septembre 1948 modifiée ;
Considérant que les circonstances propres à cette affaire sont de nature à aggraver les
responsabilités encourues puisqu'elles ne revêtaient aucune urgence et que les précédents marchés
contractés pour l'équipement des sections horlogères de Besançon auraient dû inciter MM. Y et X à
une particulière vigilance à l'égard de quatre des fournisseurs en cause ;
Considérant, toutefois, qu'il convient de retenir comme circonstances atténuantes les services que
MM. Y et X ont rendus par ailleurs à l'AFPA ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant M. Y à
une amende de 10 000 francs et M. X à une amende de 10 000 francs ;
ARRETE :
Article 1er : M. Y (Jean) est condamné à une amende de dix mille francs (10 000 F).
Article 2 : M. X (Raymond) est condamné à une amende de dix mille francs (10 000 F).
Article 3 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
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