Cour de discipline budgétaire et financière
Arrêt du 19 février 1992, Association FRANTERM (recherche et application de
terminologie française)
N° 94-259
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LA COUR,
Vu la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 modifiée tendant à sanctionner les fautes
de gestion commises à l'égard de l'Etat et de diverses collectivités, et portant création d'une
Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la communication en date du 17 février 1989, enregistrée au Parquet de la Cour le
même jour, par laquelle le Président de la Deuxième chambre de la Cour des comptes
l'informe de la décision prise par ladite Cour, dans sa séance du 14 décembre 1988, de déférer
à la Cour de discipline budgétaire et financière les irrégularités relevées dans la gestion de
l'association FRANTERM (recherche et applications de terminologie française) ;
Vu le réquisitoire en date du 10 mars 1989 par lequel le Procureur général de la
République a transmis le dossier à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 29
mars 1989 désignant comme rapporteur M. HERNANDEZ, conseiller référendaire à la Cour
des comptes ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées par le Procureur
général de la République le 23 octobre 1989 à MM. X, Z et Y, les informant de l'ouverture
d'une instruction et les avisant qu'ils étaient autorisés à se faire assister soit par un mandataire,
soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu les avis émis le 1er juillet 1991 par le Ministre délégué chargé du budget et le 22
juillet 1991 par le Premier Ministre ;
Vu la décision du Procureur général de la République en date du 23 juillet 1991
renvoyant MM. X, Y et Z devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les avis émis le 29 octobre 1991 par la Commission administrative paritaire du
ministère de la défense compétente à l'égard des administrateurs civils et le 5 novembre 1991
par la commission administrative paritaire interministérielle instituée par le statut particulier
des administrateurs civils ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées en date du 13 décembre 1991
adressées par le président de la Cour de discipline budgétaire et financière respectivement à
MM. Y, X et Z les avisant qu'ils pouvaient dans un délai de quinze jours prendre connaissance
du dossier de l'affaire soit par eux-mêmes, soit par mandataire, soit par le ministère d'un
avocat, ou d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Vu les mémoires en défense déposés le 7 février 1992 par MM. X et Y ;
Vu les accusés de réception des lettres recommandées adressées le 9 janvier 1992 à
MM. Y, X et Z, les citant à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier et notamment les procès-verbaux
d'audition et le rapport d'instruction établi par M. HERNANDEZ ;
Entendu M. HERNANDEZ en son rapport ;
Entendu le Procureur général de la République en ses conclusions ;
Entendu respectivement MM. X, Y et Z en leurs explications ;
Entendu le Procureur général de la République en ses réquisitions ;
Entendu MM. X, Y et Z en leurs observations, les intéressés ayant eu la parole les
derniers ;
Sur la compétence de la Cour
Considérant qu'à l'époque des faits, M. X était commissaire général de la langue
française, M. Y, administrateur civil, était son directeur de cabinet et M. Z, administrateur des
PTT, était affecté au commissariat général au titre de l'obligation dite de "mobilité" à laquelle
sont assujettis les membres de son corps ; que M. Y était également secrétaire général de
l'association FRANTERM (recherche et applications de terminologie française) et M. Z ,
directeur de ladite association placée sous la tutelle du commissariat général, régulièrement
subventionnée par l'Etat et soumise en conséquence au contrôle de la Cour des comptes aux
termes de l'article 1er (alinéa 6) de la loi du 22 juin 1967 modifiée et de l'article 38 du décret
du 11 février 1985 ; qu'à ces divers titres MM. X, Y et Z sont justiciables de la Cour de
discipline budgétaire et financière en application de l'article 1er de la loi du 25 septembre
1948 modifiée ;
Au fond
Considérant que l'association FRANTERM était depuis sa création, tant par le choix
de ses dirigeants et de son personnel que par son financement et sa subordination au
commissariat général de la langue française ou aux organismes qui l'ont précédé, un
démembrement de ces administrations ; qu'à l'occasion d'une recomposition du conseil
d'administration de l'association rendue nécessaire par de nombreuses démissions, M. Y a été
nommé secrétaire général de FRANTERM lors d'une réunion du conseil le 14 mars 1985 ;
que M. Z a été nommé directeur par ce même conseil le 15 janvier 1985 et confirmé dans ces
fonctions le 14 mars ; que l'association est restée officiellement sans président jusqu'au 6 mars
1986 ;
Considérant que M. Z, qui jouissait d'une grande autonomie dans la gestion de
FRANTERM, disposait d'une procuration sur l'un des comptes bancaires de l'association ; que
de février à octobre 1985, par chèques à son ordre, retraits en espèces, prélèvements sur la
caisse de l'association et achats de devises, il a prélevé au total 289 718,82 F ; que si ces
sommes ont servi partiellement à couvrir des dépenses de l'association parfois avancées par
M. Z, une importante partie a été prélevée à des fins personnelles ;
Considérant que ces prélèvements ont été découverts fortuitement, alors que M. Z était
en mission aux Etats-Unis et au Canada ; que MM. Y et X ont alors été alertés et des mesures
prises pour sauvegarder les intérêts de l'association ;
Considérant qu'au retour de M. Z des entretiens ont eu lieu entre celui-ci et MM. X et
Y ; qu'à la suite de ces entrevues, M. Z a signé une reconnaissance de dette datée du 24
octobre 1985 par laquelle il reconnaissait devoir à l'association 144 000 F, remboursables à
raison de 12 000 F par mois, "représentant l'écart entre les avances qu'(il avait) engagées pour
le compte de l'association soit 85 321 F et les retraits effectués sur le compte de FRANTERM
(226 275 F) et portés sur (son) compte bancaire personnel, augmenté de 3 046 F représentant
une majoration pour différé de paiement" ; que les sommes ainsi réputées "engagées pour le
compte de l'association" comportaient une indemnité promise par M. X à M. Z lors de son
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affectation au commissariat général, le surplus étant essentiellement constitué de frais de
mission, de déplacement et de représentation ;
Considérant que d'autres décomptes de la dette de M. Z ont été établis par la suite, l'un
en janvier 1986 par le nouveau directeur de l'association, à l'occasion d'une enquête confiée à
un inspecteur général des PTT, s'établissant à 155 298,92 F, l'autre en 1988 lors de la
dissolution de FRANTERM d'un montant de 232 729,94 F ; que la comptabilité de
l'association fait, par ailleurs, mention d'une créance sur M. Z s'élevant à 164 209,92 F à
l'époque de la signature de sa reconnaissance de dette ;
Considérant que les pièces justificatives des dépenses de l'association et, parmi elles,
notamment celles qui pouvaient justifier les frais de mission, de déplacement et de
représentation de M. Z ont été perdues au cours de la période de liquidation de l'association ;
qu'en conséquence, si l'existence des prélèvements effectués à des fins personnelles par M. Z
a été établie et reconnue par lui, leur montant n'a pas pu être déterminé avec exactitude ; que
toutefois le montant n'a pas pu être déterminé avec exactitude ; que toutefois le montant de la
créance de FRANTERM figurant dans sa comptabilité est celui qui correspond le mieux aux
éléments d'information disponibles ;
Considérant que les faits incriminés se sont produits postérieurement au 17 février
1984 et ne sont donc pas couverts par la prescription de cinq ans instituée par l'article 30 de la
loi du 25 septembre 1948 modifiée ;
Sur les responsabilités
S'agissant de M. Z :
Considérant qu'en prélevant à des fins personnelles des fonds appartenant à
FRANTERM, il a enfreint les règles d'exécution des dépenses de l'association et tombe ainsi
sous le coup des sanctions prévues par l'article 5 de la loi du 25 septembre 1948 ;
Considérant toutefois qu'après avoir omis d'honorer la deuxième des échéances de sa
reconnaissance de dette, il a dû quitter Télédiffusion de France où il avait été détaché après
l'expiration de son affectation au commissariat général de la langue française de son
affectation au commissariat général de la langue française et a été contraint en mars 1986 de
démissionner de l'administration des PTT ; qu'avant sa démission, il a remboursé le montant
de sa reconnaissance de dette, puis ultérieurement, par un versement complémentaire, soldé sa
dette à l'égard de FRANTERM telle qu'elle figurait dans les comptes de l'association ;
S'agissant de MM. X et Y :
Considérant qu'en arrêtant les principes de la transaction conclue avec M. Z, M. X a
engagé les dépenses de l'association sans en avoir le pouvoir ; qu'en décidant que le conseil
d'administration de FRANTERM n'aurait pas à connaître des prélèvements de M. Z et de la
transaction intervenue, il a enfreint les règles d'exécution des dépenses de l'association ; que
l'arrangement qu'il a conclu avec M. Z comportait des avantages injustifiés pour celui-ci à la
fois par sa nature et par les modalités d'évaluation de la dette de l'intéressé ;
Considérant toutefois que le commissaire général de la langue française n'avait guère
d'expérience des procédures juridiques et budgétaires ; qu'en faisant une confusion entre les
services du commissariat général et l'association et en intervenant directement, au mépris de
ses statuts, dans la gestion de FRANTERM dont il n'était ni membre, ni administrateur, il n'a
pas agi différemment de ses prédécesseurs, sans percevoir l'irrégularité d'une telle pratique ;
qu'il a eu le souci, d'une part, en croyant devoir conserver une certaine confidentialité à
l'affaire, de ne pas dissuader des partenaires extérieurs d'apporter leur concours aux actions
menées par FRANTERM et, d'autre part, d'obtenir la restitution des sommes indûment
prélevées, restitution qu'à son avis, des poursuites à l'encontre de M. Z eussent définitivement
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compromise ; qu'il a, devant la défaillance de M. Z à s'acquitter de la dette qu'il avait
reconnue, saisi son administration d'origine et provoqué les mesures dont celui-ci a fait l'objet
; que c'est en grande partie grâce à cette démarche que la créance de FRANTERM a été
recouvrée ;
Considérant surtout que M. X n'a pas conclu de transaction avec M. Z sans en avoir
auparavant prévenu le cabinet du ministre des PTT, qui a donné son accord, ainsi que le
secrétaire général du gouvernement qui avait autorité sur services du commissariat général de
la langue française ; qu'il s'est entretenu de l'affaire avec ce dernier ; que celui-ci, selon ses
propres indications, ne s'est pas opposé à la transaction projetée et que M. X a pu en conclure
qu'il avait reçu de sa part l'autorisation de la mettre en oeuvre ;
Considérant que M. Y, en qualité de secrétaire général de FRANTERM et en l'absence
de président, disposait de pouvoirs étendus pour gérer et administrer les intérêts de
l'association, la représenter dans tous les actes de la vie civile et pour en ordonnancer les
dépenses en application des articles 18 et 22 de ses statuts ; qu'il n'a pas exercé les pouvoirs
qui lui étaient ainsi reconnus et n'a pas cherché à rendre les dépenses de l'association
conformes à ses statuts qui distinguaient l'ordonnancement et le paiement ; qu'il a laissé M. Z
exercer les fonctions d'ordonnateur et de trésorier alors qu'il n'en avait pas la qualité ; qu'il a
exercé un contrôle insuffisant sur sa gestion ; qu'il a préparé l'arrangement intervenu avec lui ;
Considérant toutefois que la reconnaissance de dette de M. Z a été établie
conformément aux instructions de M. X et sur des bases nécessairement incomplètes en l'état
de la comptabilité de FRANTERM et avant l'établissement de ses comptes annuels ; que le
commissaire général de la langue française avait confié à M. Y des tâches qui, par leur
contenu et leur ampleur, n'avaient pas de rapport direct avec les obligations de gestion que
comportaient ses fonctions statutaires au sein de FRANTERM ; que l'administration de cette
association comme un démembrement du commissariat général et des organismes qui l'ont
précédé, sans considération de ses statuts, était un état de fait admis à tort depuis de
nombreuses années ; qu'en dépit de cette situation, les services administratifs du commissariat
général se sont montrés défaillants dans le contrôle des opérations de FRANTERM qui leur
incombait ; que la formation et l'expérience administrative de M. Z ont pu conduire les
responsables du commissariat général de la langue française à lui conserver leur confiance
jusqu'à la découverte des faits ; que celle-ci étant intervenue, M. Y a pris les mesures
nécessaires pour empêcher tout autre prélèvement sur les fonds de l'association ;
Considérant que, pour l'ensemble de ces motifs, il n'y a pas lieu d'engager la
responsabilité de MM. X et Y au regard des dispositions de la loi du 25 septembre 1948
modifiée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des
circonstances de l'affaire en infligeant à M. Z une amende de 10 000 francs et en prononçant
la relaxe de MM. X et Y ;
ARRETE
Article 1 : MM. X et Y sont relaxés des fins de la poursuite.
Article 2 : M. Z est condamné à une amende de dix mille francs (10 000 F).
Fait et jugé en la Cour de discipline budgétaire et financière. Présents : M.
ARPAILLANGE, Premier président de la Cour des comptes, président ; Mme BAUCHET et
M. FOUQUET, Conseillers d'Etat, M. ISNARD, conseiller maître, membres de la Cour de
discipline budgétaire et financière ; M. HERNANDEZ, conseiller référendaire à la Cour des
comptes, rapporteur.
Le dix neuf février mil neuf cent quatre vingt douze.
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En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce
requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et
officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le Président de la Cour et le Greffier.
Le Président,
Le Greffier,
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