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COUR DES COMPTES
__________
LA GESTION
DU SYSTÈME ÉDUCATIF
_______
RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
SUIVI DES RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
INTÉRESSÉES
AVRIL 2003
3
Sommaire
Pages
Délibéré
..........................................................................................................
5
Introduction
...................................................................................................
7
Chapitre I : Les traits caractéristiques de l’ensemble du système
............
9
I – Le cadre général
.........................................................................................
10
II – L’organisation institutionnelle
..................................................................
14
III – L’évolution des effectifs
..........................................................................
20
IV – Le coût du système éducatif
....................................................................
24
V – L’évaluation en matière éducative
............................................................
34
PREMIERE PARTIE : L’ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
......................
41
Chapitre II : Les objectifs et leur mise en oeuvre
.......................................
45
I –
Des objectifs définis par la loi
................................................................
47
II –
Des politiques diversifiées au service des élèves
...................................
58
III –
Des moyens croissants et difficilement maîtrisés
...................................
77
Chapitre III : Pratiques, résultats et limites de l’évaluation
......................
93
I –
Des performances accrues mais sujettes à débat
....................................
94
II –
La portée limitée de l’évaluation
...........................................................
100
Chapitre IV : Les contraintes de la gestion
.................................................
113
I –
Une gestion très complexe de l’offre de formation scolaire
...................
115
II –
La gestion des enseignants, un enjeu majeur
.........................................
129
III –
Une obligation annuelle : réussir la rentrée
............................................
149
Chapitre V : La répartition des compétences
.............................................
167
I –
La mutation lente de l’administration centrale
.......................................
168
II –
Les académies, nouvel espace de cohérence
..........................................
180
III –
Les collectivités territoriales : des compétences inégalement assumées
190
IV –
Le pouvoir limité des établissements
.....................................................
199
DEUXIÈME PARTIE : L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
...................
215
Chapitre VI : Les défis
..................................................................................
219
I –
La mutation vers un enseignement supérieur de masse
..........................
220
II –
Trois nouveaux enjeux à affronter
.........................................................
235
Chapitre VII : L’organisation et le pilotage
................................................
247
I –
Une organisation complexe
....................................................................
248
II –
Un pilotage central faible
.......................................................................
256
III –
Des universités en voie d’émergence
.....................................................
280
4
C
OUR DES COMPTES
Pages
Chapitre VIII – L’efficacité de l’enseignement supérieur
.........................
307
I –
Des objectifs très généraux
....................................................................
308
II –
Des résultats difficiles à mesurer
...........................................................
310
III –
Des réformes des premiers cycles universitaires aux résultats mitigés ..
318
Chapitre IX : L’évaluation
...........................................................................
331
I –
L’absence d’indicateurs de coûts
...........................................................
332
II -
Une évaluation des établissements à développer
...................................
333
III -
L’absence d’évaluation des enseignements et des formations à
l’université
.............................................................................................
337
Conclusion générale
......................................................................................
343
Annexe n° 1 : L’évaluation dans le système éducatif britannique
...................
349
Annexe n° 2 : Comparaisons internationales sur les enseignements scolaire et
supérieur
..........................................................................................................
353
Annexe n° 3 : Liste des thèmes de contrôle de la Cour des comptes et des
chambres régionales des comptes
....................................................................
361
Liste des sigles utilisés
...................................................................................
363
Réponses des administrations concernées
...................................................
367
5
DÉLIBÉRÉ
_____
La Cour des comptes publie, sous la forme d’un fascicule
séparé, un rapport concernant LA GESTION DU SYSTÈME
ÉDUCATIF.
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires
du code des juridictions financières, la Cour des comptes, délibérant
en chambre du conseil, a adopté le présent rapport public.
Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué
au préalable, en totalité ou par extraits, aux administrations
concernées, et après qu’il a été tenu compte, quand il y avait lieu, des
réponses fournies par celles-ci. En application des dispositions
précitées, ces réponses sont publiées ; elles engagent la seule
responsabilité de leurs auteurs.
Etaient
présents :
M.
Logerot,
premier
président,
MM. Menasseyre, Collinet, Delafosse, Gastinel, Fragonard, Cieutat,
présidents de chambre, MM. Brunet, Berger, Mignot, présidents de
chambre maintenus en activité, MM. Mathieu, Chartier, Capdeboscq,
Join-Lambert, Murret-Labarthe, Sallois, Carrez, Giquel, Bady, Bénard,
Billaud, Lagrave, Malingre, Paugam, Babusiaux, Mayaud, Hespel, Houri,
Richard, Devaux, Rossignol, Arnaud, Descheemaeker, Bayle, Adhémar,
Rémond, Mme Boutin, MM. Chabrol, Picq, Ganser, X-H. Martin,
Mme Cornette,
MM. Hernandez,
Cardon,
Thérond,
Mme Froment-
Meurice, MM. Pallot, Briet, Mme Bellon, MM. Gasse, Moreau, Frèches,
Ritz, Duchadeuil, Attali, Moulin, Raynal, Lesouhaitier, Lefas, Gauron,
Lafaure, Boillot, Mme Frandin, MM. Brochier, Auger, Mme Dayries,
MM. Vial, Phéline, Moscovici conseillers maîtres, MM. Gadaud, Fernet,
Lorit, David, Lazar, Audouin, Pascal, conseillers maîtres en service
extraordinaire,
Mme
Bazy-Malaurie,
conseiller
maître,
rapporteur
général.
Etait présente et a participé aux débats, Mme Gisserot, procureur
général de la République, assistée de M. Bertucci, premier avocat général.
M. Bruno Ory-Lavollée, secrétaire général, assurait le secrétariat
de la chambre du conseil.
Fait à la Cour, 19 mars 2003.
7
Introduction
La Cour s’est déjà attachée au cours des dernières années à
rendre compte dans plusieurs publications des contrôles et enquêtes
qu’elle a menés dans le secteur éducatif : en 1990 sur la gestion des
enseignants
du
premier
degré,
en
1994
sur
l’organisation
du
baccalauréat et sur les IUT, en 1995 sur les effets de la décentralisation
dans
l’enseignement
secondaire,
plus
récemment,
en
1999,
sur
l’autonomie budgétaire et comptable des universités et enfin, dans les
rapports consacrés à la fonction publique en 2000 et 2001, sur les
effectifs, le recrutement et la gestion des enseignants du secondaire et du
supérieur. Dans le même temps, les juridictions financières ont poursuivi
des travaux récurrents sur les établissements publics d’enseignement
supérieur et les établissements publics locaux d’enseignement.
L’importance de l’enjeu qu’il représente pour les finances
publiques mais aussi, au-delà, pour la société, et l’ampleur des débats
qu’il suscite ont conduit la Cour à approfondir ses investigations sur
l’ensemble du système éducatif.
En 2000, la Cour et les chambres régionales des comptes se sont
donné un programme de travail pluriannuel permettant d’appréhender
les principaux aspects de la gestion tant de l’enseignement scolaire que
de l’enseignement supérieur. Ce programme, centré sur la formation
initiale, a été borné par les limites des compétences des juridictions
financières : ainsi, les établissements à gestion privée ne sont pas
contrôlés par la Cour et les CRC comme le sont les établissements
publics ; l’enseignement privé n’a été examiné qu’à travers les
procédures contractuelles liant les établissements à l’Etat. Certains
aspects du système éducatif ont été par ailleurs écartés, notamment le
secteur de l’apprentissage et les dispositifs de qualification, en raison de
leurs spécificités. En ce qui concerne l’enseignement secondaire, aucun
contrôle n’a été mené dans les départements et territoires d’Outre-mer,
l’éducation prioritaire n’a fait l’objet que de quelques analyses sur les
sites précédemment retenus dans le cadre des travaux sur la politique de
la ville dont la Cour a rendu compte dans un précédent rapport public
particulier (2002). N’ont pas non plus été examinées de façon
approfondie la gestion des personnels administratifs et techniques en
rectorat et dans les établissements, l’intervention des communes dans
8
C
OUR DES COMPTES
l’enseignement primaire, et, en ce qui concerne l’enseignement supérieur,
la recherche universitaire et les bibliothèques. Sur tous ces sujets, la
Cour poursuit actuellement ses travaux.
Le présent rapport est ainsi le résultat d’une connaissance acquise
antérieurement, mais surtout le fruit de rapports élaborés pendant les
années 1999 à 2002 par 67 magistrats et rapporteurs de la Cour et 48
magistrats des CRC
1
, concernant au total (sur des aspects parfois
différents) 109 établissements d’enseignement supérieur (dont 57
universités), 356 établissements publics locaux d’enseignement (EPLE),
7 conseils régionaux et 15 conseils généraux, l’administration centrale de
l’éducation nationale et d’autres ministères (agriculture et industrie), 21
rectorats et 13 services académiques.
Au terme de ses investigations, la Cour ne prétend aucunement
porter un jugement sur la qualité de l’enseignement, sur son contenu et
ses méthodes, tous ces aspects pédagogiques excédant sa mission et ses
compétences. Elle s’est fixé comme but d’analyser et de comprendre les
modes de fonctionnement d’un système complexe afin de rendre compte
des conditions d’emploi des très importants moyens en personnels et en
crédits qui lui sont affectés. Identifier ses objectifs, appréhender ses
moyens et déterminer si ses résultats sont précisément évalués pour
améliorer sa gestion a ainsi été le guide de la démarche.
Pour rendre compte des résultats de cette démarche, la Cour,
après avoir décrit les principales caractéristiques de notre système
éducatif, a choisi de présenter séparément l’enseignement scolaire et
l’enseignement supérieur, en raison des spécificités d’organisation qui
les distinguent.
1
) Chambres régionales des comptes ayant participé à l’enquête : Alsace, Aquitaine,
Auvergne, Bourgogne, Bretagne, Centre, Franche-Comté, Ile-de-France, Lorraine,
Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Pays de
Loire, Picardie, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes.
9
Chapitre I
Les traits caractéristiques de l’ensemble
du système
10
C
OUR DES COMPTES
I
Le cadre général
L’histoire de l’enseignement en France traduit un profond
attachement au modèle d’une école républicaine, laïque, gratuite et
obligatoire. Si ces principes constituent le socle de l’école, ils ont été
enrichis par la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 qui a
défini le droit à l’éducation.
A
La genèse du système actuel
Le système éducatif actuel résulte d’une sécularisation et d’une
démocratisation progressives de l’école. Alors que l’école était sous
l’ancien
régime
un
domaine
réservé
de
l’Eglise,
la
période
révolutionnaire en confie la responsabilité à l’Etat. En 1791, la
Constituante pose le principe d’une instruction primaire publique. Depuis
1793, l’enseignement est réparti en trois degrés : le primaire, le
secondaire et le supérieur.
Ce cadre étatique connaît des aménagements au cours du dix-
neuvième siècle avec la reconnaissance de la liberté de l’enseignement.
Ce principe de liberté est affirmé par la loi Falloux de 1850 pour
l’enseignement secondaire puis étendu à l’enseignement primaire par la
loi Goblet de 1886 et à l’enseignement technique et professionnel par la
loi Astier de 1919. Renforcé par l’expulsion des congrétations, puis par la
loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, le clivage entre enseignement
public et privé va pourtant s’atténuer à partir de la décennie 1950,
notamment avec la loi Debré de 1959 qui établit des relations
contractuelles entre l’Etat et l’enseignement privé.
L’obligation et la gratuité scolaires dont Victor Duruy et Jules
Ferry sont les promoteurs les plus connus émergent au cours du dix-
neuvième siècle pour être consacrées par la Troisième République.
Depuis 1808, au moins un lycée est créé par académie. La loi Guizot de
1833 prévoit l’ouverture d’une école primaire par commune, d’un cours
primaire supérieur par chef-lieu d’arrondissement et d’une école normale
par préfecture. La loi Goblet de 1886 rend l’enseignement primaire
obligatoire et gratuit. La gratuité est étendue à l’enseignement secondaire
en 1930. Initialement limitée à 11 ans, l’obligation scolaire est portée à 14
ans en 1936. Elle le sera à 16 ans en 1967. La démocratisation de l’école
est enfin illustrée par l’ouverture de l’enseignement secondaire aux jeunes
filles avec la loi Camille Sée de 1880.
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
11
Sécularisation et démocratisation de l’école expliquent la primauté
donnée à l’Etat dans les politiques éducatives. Dès le dix-neuvième
siècle, c’est lui qui définit les programmes d’enseignement applicables
tant à l’école publique que privée. La constitution de 1946 pose le
principe que «
l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïc à
tous les degrés est un devoir de l’Etat
». Cette responsabilité n’a pas été
remise en cause par le processus de décentralisation. En effet, si depuis
1983 les collectivités territoriales contribuent au financement du système
éducatif et prennent part à la gestion locale de l’offre de formation, l’Etat
arrête l’organisation et le contenu des enseignements et décide des
politiques éducatives. Les liens tissés entre l’école et l’Etat expliquent le
caractère ambitieux des objectifs assignés au système éducatif : non
seulement transmettre des connaissances et préparer à l’insertion
professionnelle, mais aussi former de futurs citoyens.
B
La loi d’orientation sur l’éducation de 1989
La loi d’orientation du 10 juillet 1989 se situe dans le droit-fil de la
conception d’un système éducatif ouvert à tous, en affirmant les objectifs
fondamentaux de ce dernier. Aboutissement d’une longue évolution
historique, la loi d’orientation sur l’éducation marque en même temps une
rupture car elle assigne au système éducatif des objectifs de nature
explicite. L’école a désormais non plus une seule obligation de moyen :
scolariser tous les jeunes d’âge scolaire, mais une obligation de résultat :
leur garantir un parcours scolaire réussi. Cette évolution traduit la volonté
collective de lutter contre l’échec scolaire et de renforcer le niveau de
qualification de la population française, en prenant en compte notamment
les besoins de l’économie.
Le droit à l’éducation défini par la loi d’orientation
sur l’éducation de 1989
Les dispositions suivantes de la loi d’orientation sur l’éducation de
1989, reprises dans la partie législative du Code de l’éducation (article
L.111-1), définissent le droit à l’éducation :
«
L’éducation est la première priorité nationale. Le service public
de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des
étudiants. Il contribue à l’égalité des chances.
Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de
développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et
continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa
citoyenneté.
12
C
OUR DES COMPTES
Pour garantir ce droit, la répartition des moyens du service public
de l’éducation tient compte des différences de situation objectives en
matière économique et sociale.
Elle a pour but de renforcer l’encadrement des élèves dans les
écoles
et
établissements
d’enseignement
situés
dans
des
zones
d’environnement social défavorisé et des zones d’habitat dispersé, et de
permettre de façon générale aux élèves en difficulté de bénéficier
d’actions de soutien individualisé.
L’acquisition d’une culture générale et d’une qualification
reconnue est assurée à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale,
culturelle ou géographique.
»
La loi d’orientation de 1989 a conduit le système éducatif à réviser
ses modes d’intervention en direction des élèves et des étudiants.
Désormais, le système éducatif doit s'adapter aux élèves et aux étudiants,
et non pas l'inverse. Cette affirmation marque une inflexion dans la
conception française de l'école. En effet, dans le fonctionnement
antérieur, il revenait aux élèves de s'adapter aux règles de l'institution
éducative et au contenu de ses enseignements. Le système éducatif que
définit la loi d’orientation de 1989 doit, au contraire, donner une
formation appropriée à tous les jeunes, et, pour ce faire, s'adapter à leur
diversité. Cette adaptation requiert une diversification du service rendu et
donc de l'offre de formation, dans la perspective d’un enseignement
adapté au profil et au projet de chaque élève et étudiant. Cette orientation
qualitative vient sinon justifier, du moins expliquer l’investissement
financier croissant de la nation en matière éducative.
Par ailleurs, la loi d’orientation de 1989 dispose que l'objectif du
système éducatif n'est pas seulement d'accueillir tous les élèves mais
également de garantir l'égalité de leurs chances au cours de leur parcours
de formation. Les jeunes étant inégaux du fait de la diversité de leurs
compétences et de leurs milieux, l'institution éducative ne doit pas les
traiter de façon identique, ce qui ne ferait qu'entretenir leurs inégalités.
L'école doit, au contraire, les prendre en charge de façon équitable, en
offrant un service d'éducation plus important à ceux qui en ont le plus
besoin. L'objectif final du système éducatif est, dès lors, de contribuer à
réduire les inégalités sociales.
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
13
C
Un système éducatif en constante évolution
Les objectifs désormais assignés à l'école reflètent des choix de
société dans lesquels s'inscrivent les politiques éducatives mises en œuvre
depuis la loi d'orientation sur l'éducation de 1989, même si certaines
réformes antérieures les ont anticipés. Ainsi, la mise en place du "collège
unique" en 1975 exprime la volonté d’organiser une formation identique
pour tous les élèves durant la plus grande partie de l’obligation scolaire.
La diversification de l'offre de formation, inhérente à l'objectif
d'adaptation du système éducatif aux élèves, s’opère rapidement au milieu
des années 1980, notamment avec l'élévation du niveau des filières
d'enseignement professionnel et la mise en place des baccalauréats
correspondants.
Pour autant, la rupture introduite par la loi d’orientation de 1989
dans la conception de l'école est réelle et les politiques éducatives
engagées depuis lors en montrent le caractère pérenne. En effet, malgré
les fréquentes réformes scolaires, la continuité philosophique des mesures
s'avère forte et dépasse les options des ministres successifs. Du "Nouveau
contrat pour l'école" de 1995 à la récente refonte des programmes de
l'école primaire, en passant par la réforme du collège et du lycée, la
relance de l'éducation prioritaire ou les dispositifs d’aide aux étudiants
des premiers cycles universitaires, l'objectif demeure identique : adapter
le système éducatif, diversifier l'offre de formation et soutenir les élèves
les plus en difficulté.
En postulant que l’école serait d’autant plus efficace qu’elle saurait
répondre aux besoins de chaque élève, la loi d’orientation sur l’éducation
de 1989 a, de façon logique, introduit de nouveaux modes d’intervention
et d’organisation de la politique d’éducation.
Par delà la diversité de ces instruments, leur trait commun est de
privilégier l’échelon local par rapport au niveau central qui jusqu’alors
prévalait.
En plaçant l’élève au « centre du système éducatif », la loi
d’orientation de 1989 lui reconnaît une liberté de choix par rapport à
l’institution. A travers les procédures d’orientation, il lui revient donc,
avec le soutien des enseignants, de choisir son devenir et non plus de se
soumettre au choix de l’institution scolaire.
Ce projet spécifique à chaque élève doit être, bien sûr, éclairé et
soutenu par un travail collectif de l’institution éducative que la loi
d’orientation de 1989 déploie en cercles concentriques. Dans le
déroulement des enseignements, l’accent est dorénavant mis sur la prise
en charge des élèves par des équipes enseignantes. Tant dans
14
C
OUR DES COMPTES
l’enseignement scolaire qu’universitaire, il est désormais demandé
d’appréhender les élèves de façon globale et non plus à travers le seul
prisme d’une discipline enseignée. Le développement de séquences
interdisciplinaires dans les collèges et les lycées ou la mise en œuvre
d’actions
de
tutorat
méthodologique
dans
les
premiers
cycles
universitaires traduisent cette volonté nouvelle de décloisonnement de la
prise en charge des élèves.
Les établissements scolaires doivent aussi élaborer un projet,
document concerté qui définit les orientations pédagogiques, arrête des
objectifs et doit permettre de mesurer les résultats. Cette même exigence
se retrouve dans l’enseignement supérieur, la notion de projet permettant
le développement des relations contractuelles entre les établissements et
la tutelle ministérielle. La loi d’orientation entend également développer
une coordination entre les établissements au sein de bassins de formation,
le but étant l’élaboration et la mise en œuvre de projets communs. Enfin,
à une date plus récente, une démarche de projet a été également
demandée aux services académiques, désormais reconnus comme les
échelons les plus appropriés pour décliner les politiques nationales et les
adapter aux besoins locaux.
La cohérence intellectuelle du nouveau schéma d’organisation et
de répartition des pouvoirs défini par la loi d’orientation de 1989, de
même que la mise en œuvre des textes généraux relatifs à la
déconcentration, ne pouvaient enfin être assurées sans une remise en
cause du rôle de l’échelon ministériel. Alors qu’il avait jusqu’alors pour
rôle de définir et de faire appliquer des normes strictes et identiques pour
l’ensemble du territoire, il doit désormais reconnaître la diversité de ce
dernier.
Tant
en
matière
de
mise
en
œuvre
des
programmes
d’enseignement, d’organisation des enseignements ou d’allocation des
moyens, il doit ainsi réserver aux échelons territoriaux et aux
établissements des marges de souplesse, garantes de l’adaptation de
l’école aux besoins particuliers des élèves.
II
L’organisation institutionnelle
La prédominance du ministère de l’éducation nationale laisse un
rôle, croissant ces dernières années, à d’autres opérateurs, ministères ou
établissements publics et privés. En outre, au sein même du secteur
public, divers échelons interviennent et la gestion de l’offre de formation
est partagée entre Etat et collectivités territoriales.
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
15
A
L’organisation de l’offre de formation
1
La place des différents opérateurs
Au sein du dispositif de formation initiale, le ministère de
l’éducation nationale occupe une position prédominante en raison des
effectifs qu’il accueille mais aussi des responsabilités qu’il exerce pour
fixer le cadre normatif de l’enseignement. Il détient, à ce titre, le
monopole de la définition des contenus pédagogiques de l’enseignement
scolaire et de la collation des grades universitaires, dont le premier est le
baccalauréat. Sauf exception, ce cadre s’impose à l’ensemble des
organismes de formation initiale qui relèvent de l’Etat ou qui, de statut
privé, lui sont liés par diverses procédures.
Pour l’année scolaire 2000-2001, le secteur éducatif placé sous la
tutelle du ministère de l’éducation nationale a scolarisé 14,9 millions
d’élèves et d’étudiants
2
, soit 91 % de la population inscrite dans les
établissements de formation initiale. Un peu moins de deux millions
étaient inscrits dans des établissements de l’enseignement privé,
représentant 13,6 % des élèves du primaire et 20 % des élèves du
secondaire.
La quasi-totalité des établissements privés sont liés à l’Etat par des
contrats qui concernent non les établissements, mais les divisions
(« classes »). Ces contrats induisent un rapprochement marqué avec le
secteur public, en termes de programmes et d’horaires d’enseignement. A
cette similitude pédagogique s’ajoute un grand parallélisme dans le
système de recrutement et de formation des enseignants qui bénéficient
d’un contrat de travail signé par le recteur. Pourtant, l’enseignement privé
présente en gestion deux particularités notables
3
. En premier lieu, la
gestion de l’enseignement est entièrement déconcentrée depuis 1959, ce
qui permet, dans l’enseignement secondaire, de concilier concours
national de recrutement, mouvement académique et libre choix par le chef
d’établissement de son équipe enseignante. En second lieu, la gestion des
moyens d’enseignement est globalisée entre les premier et second degrés
dans le cadre d’une enveloppe académique : des redéployements de
moyens budgétaires sont ainsi possibles entre les deux niveaux
d’enseignement pour accompagner les évolutions des effectifs scolaires.
2
) Y compris les départements d’outre-mer. Les données statistiques présentées dans
la suite du rapport concernent la métropole.
3) Voir : Cour des comptes : La fonction publique de l’Etat – avril 2001 – La gestion
des emplois des personnels enseignants du second degré, p. 231 et sq.
16
C
OUR DES COMPTES
Parallèlement à l’enseignement scolaire placé sous la tutelle du
ministère de l’éducation nationale, l’enseignement agricole, qui relève du
ministère chargé de l’agriculture, a concerné pour l’année scolaire 2000-
2001 175 000 élèves dont 60 % étaient inscrits dans des établissements
privés liés au ministère selon des principes proches de ceux qui
s’appliquent à l’éducation nationale. Les formations générales dispensées
dans ces établissements sont définies par le ministère de l’éducation
nationale. En revanche, le contenu des formations professionnelles est
déterminé par des arrêtés conjoints des ministres chargés de l’éducation
nationale et de l’agriculture, à l’exception des préparations à des diplômes
spécifiquement
agricoles
du
niveau
du
certificat
d’aptitude
professionnelle (CAP), du brevet d’enseignement professionnel (BEP) et
du brevet de technicien supérieur (BTS). Ce partage de compétence ne va
pas sans concurrence. Ainsi les instituts universitaires de technologie
(IUT) assurent-ils certaines formations de la filière agro-alimentaire de
nature analogue à des BTS agricoles.
Les formations en alternance ont, à la même date, accueilli
360 200 apprentis âgés de 16 à 25 ans, dont 331 600 dans les centres de
formation d’apprentis (CFA) sous tutelle du ministère de l’éducation
nationale et 28 600 dans les centres sous tutelle du ministère chargé de
l’agriculture.
Issu
de
l’enseignement
technique,
le
secteur
de
l’apprentissage constitue, à côté du système public d’enseignement, un
système autonome de formation. Créés il y a trente ans, les CFA sont liés
par des conventions à l’Etat et aux collectivités territoriales, aux
chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers ou
organismes privés tels que les fédérations patronales. Pour autant,
l’apprentissage
présente
des
parentés
étroites
avec
les
filières
professionnelles sous tutelle de l’éducation nationale. Les élèves passent
les mêmes examens et les professeurs de CFA sont tenus d’avoir les
mêmes qualifications que leurs homologues de l’enseignement public,
sans être cependant fonctionnaires. Les lycées ont même la possibilité,
depuis 1993, de concurrencer les CFA en ouvrant des sections
d’apprentissage. Dans les faits, ces dernières demeurent faiblement
développées et les deux secteurs d'enseignement se côtoient sans
rechercher de complémentarités.
La grande majorité des étudiants fréquente quant à elle les
universités (1,4 million sur 2,1 millions pour l’année scolaire 2000-2001).
Ce sont toutefois les autres formations qui ont connu la plus forte
expansion. En 2000-2001, 119 000 étudiants étaient inscrits dans les
instituts universitaires de technologie (IUT), 372 000 dans les sections de
techniciens supérieurs (STS) et 393 400 dans les autres formations. Les
classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), sous statut scolaire,
comportaient à la même date 75 500 élèves. Ces structures de formation
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
17
relèvent de l’enseignement public sous tutelle du ministère de l’éducation
nationale, de l’enseignement privé, mais également d’institutions variées
qui ont développé des formations supérieures à vocation professionnelle.
A ce titre peuvent être citées les écoles préparant aux professions de la
santé et du secteur social qui sont placées sous la tutelle du ministère
chargé de la santé et des affaires sociales, les formations du domaine
agro-alimentaire ou vétérinaire relevant du ministère de l’agriculture, ou
les écoles de gestion ou les écoles d’ingénieurs qui relèvent, pour
certaines, des chambres de commerce et de l’industrie.
2
L’organisation des degrés d’enseignement
La scolarité est obligatoire en France de six à seize ans. Elle
couvre ainsi la période de l’enseignement élémentaire qui se déroule en
trois
cycles
(les
apprentissages
premiers,
les
apprentissages
fondamentaux et les approfondissements) et la période du collège qui
accueille tous les élèves depuis la création du « collège unique » en 1975.
Un enseignement spécialisé scolarise des enfants confrontés à des
difficultés particulières.
A partir de la fin de la troisième qui clôt cette période du collège,
l’enseignement général de lycée offre depuis 1995 trois filières et
l’enseignement technologique six grandes filières auxquelles s’ajoutent
des spécialités plus rares. En parallèle, la filière professionnelle de lycée a
été développée jusqu’au baccalauréat professionnel qui, créé en 1985,
comporte 39 spécialités différentes.
Plus encore que l’enseignement scolaire, l’enseignement supérieur
offre à ses étudiants des parcours diversifiés puisqu’il leur permet de
préparer, à ce jour, plus de 6 300 diplômes différents.
Les trois degrés d’enseignement du système éducatif sont chacun
marqués dans le secteur public par des traits spécifiques qui tiennent à des
modalités différentes de gestion des établissements et des personnels,
mais également et peut-être plus profondément à des cultures distinctes,
notamment parmi les enseignants. Le premier degré a, depuis son origine,
été géré à l’échelon local alors que le second degré l’a longtemps été par
l’échelon ministériel. La polyvalence des enseignants du primaire
contraste avec la multiplicité des disciplines dispensées par ceux du
secondaire, ce qui implique des conceptions différentes de la pédagogie et
du métier d’enseignant. Dans l’enseignement supérieur, l’Etat organise le
service public et fixe les droits et obligations des enseignants et
chercheurs. Toutefois les modes de fonctionnement doivent garantir «
le
libre développement scientifique, créateur et critique
» de l’enseignement
et de la recherche et à ce titre, les professeurs jouissent d’une
18
C
OUR DES COMPTES
indépendance à laquelle le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur de
«
principe fondamental reconnu par les lois de la République
»
4
. A
l’université, de très nombreuses décisions, concernant notamment le
contenu des enseignements mais aussi les décisions individuelles les
concernant relèvent donc de procédures où seuls les professeurs peuvent
intervenir.
Ces différences expliquent les difficultés du système éducatif
français à mettre en place une continuité éducative entre ses trois niveaux
de formation. Elles s’ajoutent à la diversité très grande des parcours qui
appelle des choix successifs à l’issue du collège. Pour les jeunes et leur
famille, l’information et l’orientation sont devenues des éléments parmi
les plus importants du déroulement de l’éducation et de la formation.
B
La répartition des pouvoirs
Au sein du système éducatif sous tutelle du ministère de
l’éducation nationale, la décentralisation et l’émergence de politiques
académiques ont conduit à une recomposition des différents niveaux de
gestion du système scolaire.
1
Le rôle des collectivités territoriales
Dans son rapport publié en février 1995 sur
la décentralisation et
l’enseignement du second degré,
la Cour constatait l’imprécision du
partage des compétences entre Etat et collectivités territoriales au sein du
système éducatif.
A compter du 1
er
janvier 1986, les départements et les régions ont
reçu la charge du fonctionnement courant des établissements publics
d’enseignement du second degré ainsi que de l’entretien, de la
construction et de la rénovation des collèges et des lycées, cette
responsabilité incombant aux communes pour l’enseignement du premier
degré. Dans ce cadre, l’Etat a conservé ses prérogatives en matière de
définition des politiques éducatives et de gestion du personnel enseignant.
Ce partage de compétences a entraîné de nombreux dysfonctionnements,
alors relevés par la juridiction : programmation insuffisante des
investissements, apport trop faible de l’Etat pour aider les régions à
définir des schémas prévisionnels des formations, et système de
financement complexe qui a entraîné une confusion des responsabilités.
4) Décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984.
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
19
Depuis lors, sans aller jusqu’à revendiquer un transfert complet de
responsabilité, certaines collectivités souhaitent davantage s’investir dans
le pilotage de l’offre de formation scolaire, voire être plus étroitement
associées aux réflexions sur les politiques éducatives. Alors que les
premiers schémas prévisionnels des formations étaient souvent formels,
les plus récents témoignent d’une réflexion plus aboutie sur les besoins de
qualification liés aux contextes régionaux. Au sein des conseils
départementaux
et
académiques
de
l’éducation
nationale,
les
représentants des collectivités territoriales occupent désormais, dans de
nombreuses académies, une place plus affirmée. Cette implication récente
n’est
toutefois
pas
forcément
le
gage
d’une
clarification
des
responsabilités financières, une certaine confusion étant toujours
perceptible dans cette matière.
Le financement de l’enseignement supérieur est assumé par l’Etat.
Les collectivités peuvent toutefois, si elles le souhaitent, participer aux
investissements ou contribuer au fonctionnement. En matière de
constructions universitaires, elles se sont souvent engagées de manière
importante, parfois à l’initiative de l’Etat, dans le cadre des contrats de
plan Etat-régions. L’extension du maillage territorial de l’enseignement
supérieur au cours des deux dernières décennies a conduit, de fait, les
responsables territoriaux à peser sur les décisions d’implantation des sites
de formation. L’essaimage des antennes universitaires, dites délocalisées,
illustre cette implication dans des opérations d’investissement souvent
coûteuses et d’une pertinence parfois contestable.
2
La déconcentration au sein de l’éducation nationale
Un second trait des deux dernières décennies est l’émergence
progressive des académies en matière de pilotage de l’enseignement
scolaire
au
sein
du
ministère
de
l’éducation
nationale.
Alors
qu’historiquement le rôle des recteurs était limité à l’application des
directives ministérielles et à la vérification de leur mise en œuvre par les
établissements, il consiste désormais à définir une politique académique
adaptée aux besoins locaux des élèves. Alors que l’enseignement agricole
qui, il est vrai, représente en masse les effectifs d’une petite académie,
relève encore aujourd’hui d’un pilotage presque totalement centralisé, le
ministère de l’éducation nationale a déconcentré sur les recteurs la quasi-
totalité des décisions opérationnelles relatives à l’offre de formation. Ont
ainsi été élaborés des projets académiques dont certains aspects font
l’objet de contrats signés avec l’administration centrale du ministère.
Cette démarche témoigne d’une territorialisation des politiques en
direction des élèves, conforme aux objectifs poursuivis par la loi
d’orientation sur l’éducation de 1989.
20
C
OUR DES COMPTES
Cette évolution, non encore aboutie, explique la recomposition en
cours des pouvoirs aux différents échelons de gestion du système
éducatif. Depuis le décret du 1er janvier 1962, de nombreuses
responsabilités des recteurs en matière de gestion de l’enseignement
scolaire peuvent être déléguées aux inspecteurs d’académie : ouverture et
fermeture des classes du premier degré, implantation des postes
correspondants, gestion et contrôle des collèges, politique éducative des
écoles, des collèges et, pour partie, des lycées dont l’essentiel de la
gestion demeure du ressort des rectorats. Cette répartition des
responsabilités connaît cependant, depuis quelques années, des évolutions
contrastées. Dans certaines académies, des responsabilités accrues ont été
données aux inspecteurs d’académie, notamment dans le domaine de la
gestion du second degré, alors que les lycées étaient traditionnellement de
la seule compétence des recteurs. Mais l’évolution la plus fréquente est
inverse et conduit à une certaine recentralisation des pouvoirs
gestionnaires à l’échelon académique.
Ce processus, qui vise à doter les académies de l’ensemble des
moyens nécessaires à la mise en œuvre des politiques, s’accompagne de
l’émergence progressive de niveaux infra départementaux de pilotage du
système scolaire. Au sein des multiples zonages géographiques qui
structurent localement l’enseignement scolaire (secteurs et districts
scolaires
d’affectation
des
élèves,
zones d’inspection, zones
de
remplacement, regroupements pédagogiques intercommunaux, réseaux
d’éducation prioritaire, etc.), les bassins de formation, dont les limites
correspondent généralement aux bassins d’emploi de l’INSEE, occupent
désormais une place importante. Sous des intitulés divers, selon les
académies, ces bassins n’ont pas de statut juridique, sauf par leur mention
dans la loi d’orientation sur l’éducation de 1989 qui préconise
l’association des établissements de leur ressort pour conduire des projets
pédagogiques communs. Dans les faits, ils sont le lieu d’une coordination
entre établissements, notamment au moment de la préparation des
rentrées scolaires et de la définition de l’offre locale de formation. Bien
qu’informels, ces nouveaux échelons d’animation et de concertation
constituent désormais des relais importants des politiques impulsées par
les recteurs.
III
L’évolution des effectifs
Depuis 40 ans, le système éducatif a connu un développement
quantitatif soutenu, lié en grande partie à l’allongement de la durée
moyenne des études. Avec l’essor de la scolarisation en maternelle,
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
21
l’irruption de l’ensemble des jeunes dans l’enseignement secondaire, puis
à partir de 1985, l’entrée massive dans les lycées et dans l’enseignement
supérieur, la population scolaire métropolitaine, qui comptait 10 millions
d’élèves et d’étudiants en 1960, a dépassé les 14,7 millions au milieu des
années 1990.
Ce mouvement de hausse s’est ensuite inversé et de multiples
signes confirment la fin de cette période d’expansion continue, avec un
recul global de près de 350 000 élèves et étudiants entre les rentrées 1995
et 2000.
Cet infléchissement s’explique en premier lieu par la démographie.
Alors que les générations du début des années 1980 comprenaient
chacune environ 800 000 jeunes, celles qui fréquentent aujourd’hui les
écoles, collèges, lycées ou universités comptent seulement de 700 000 à
750 000 jeunes.
La seconde raison tient au tassement de la durée des études.
L’espérance de scolarisation d’un enfant entrant en maternelle s’établit à
19,1 années en 2001, contre 16,7 années en 1982. Après une période de
progression soutenue dans les années 1980 et au début des années 1990,
cette durée moyenne de scolarisation a cessé d’augmenter à la rentrée
1995 et connaît même depuis cette date un léger fléchissement.
Cette évolution d’ensemble de la population scolaire et étudiante
recouvre toutefois des situations nettement différenciées selon les niveaux
d’enseignement.
22
C
OUR DES COMPTES
Evolution des effectifs scolarisés
France métropolitaine, public + privé
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
7000
8000
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
Premier degré
Second degré
Supérieur
Source : ministère de l’éducation nationale
Dans le premier degré, qui comptait 6 280 000 élèves à la rentrée
scolaire 2000, le mouvement de baisse a commencé dans les années 1980.
Durant la dernière décennie (1990-2000), l’enseignement primaire (public
et privé) a ainsi perdu près de 420 000 élèves, sous l’effet de la baisse
démographique, mais également de la réduction des retards scolaires. De
1960 à aujourd’hui, la durée moyenne de scolarisation dans les classes
élémentaires (CP à CM2) a diminué d’une année et 80 % des enfants
rentrent à présent au collège l’année de leur onzième anniversaire, ou
avant, contre seulement 46 % en 1960.
On constate par ailleurs, depuis la fin des années 80, une relative
stabilisation de la scolarisation dans les classes maternelles. Celle-ci est
désormais complète pour les enfants de 3 à 5 ans. Quant à la scolarisation
à deux ans, elle voit son taux stagner, depuis près de vingt ans, à un
niveau proche de 35 % de cette tranche d’âge.
L’évolution des effectifs du premier degré devrait toutefois
s’inverser lors des prochaines rentrées scolaires, du fait de la reprise de la
natalité (775 000 naissances annuelles depuis 1998, contre 700 000 en
1994). Sur la base des taux actuels de scolarisation, la population de 2 à
10 ans à scolariser dans le premier degré pourrait ainsi progresser
d’environ 180 000 élèves entre 2000 et 2010.
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
23
Dans le second degré, après une période de forte progression
(+ 75 % entre 1960 et 1990), les effectifs de collégiens et de lycéens ont
culminé en 1993 (5,6 millions) et diminuent depuis de façon régulière. A
la rentrée 2000, l’enseignement secondaire comptait un peu moins de
5 400 000 élèves, soit un recul de 220 000 élèves en l’espace de sept ans.
Cette évolution résulte de la conjugaison de deux phénomènes :
- le facteur démographique, lié à la sortie des générations nées
entre 1980 et 1982, dont les effectifs dépassaient de plus de 5 %
les générations suivantes ;
- la baisse des taux de scolarisation dans le second degré. En effet,
si presque tous les jeunes (98 %) accèdent à l’enseignement
secondaire, ils y passent moins de temps, du fait de la diminution
des redoublements, de l’amélioration régulière des taux de
réussite aux examens et des sorties plus nombreuses, à l’issue du
collège, vers l’apprentissage ou l’enseignement agricole qui a vu
ses effectifs s’accroître de 132 000 à 175 000 au cours de la
dernière décennie.
Selon les projections d’effectifs d’élèves publiées par le ministère
de l’éducation nationale (horizon 2010-2011), ce mouvement de baisse
devrait se poursuivre. La durée moyenne des études ayant cessé de croître
dans l’enseignement secondaire (la quasi-totalité des élèves suit à présent
un cursus complet de premier cycle et la part des élèves poursuivant en
second cycle ne progresse plus), l’arrivée de générations moins
nombreuses provoquera une baisse relativement continue des effectifs
(- 230 000 élèves) lors des dix prochaines années. La population scolaire
du second degré devrait donc retrouver, à la fin de la décennie, un niveau
équivalent à celui de 1980, avec un peu moins de 5,2 millions de lycéens
et de collégiens.
C’est toutefois l’enseignement supérieur qui a connu l’expansion
quantitative la plus considérable, puisque ses effectifs ont été multipliés
par 7 entre 1960 (310 000 étudiants) et 1995 (2 100 000 étudiants). Cette
croissance a été particulièrement forte au cours des vingt dernières années
du fait de l’accès d’un nombre toujours plus important d’élèves au niveau
du baccalauréat : 34 % d’une génération en 1980 et 70 % à la rentrée
2000. Cette évolution a cependant pris fin en 1996, la baisse
démographique dans le second degré et la fin des progrès de la
scolarisation (la proportion de bacheliers par génération est quasiment
stable depuis 6 ans) étant à l’origine d’un léger recul des effectifs
universitaires.
Après une réduction de 52 000 étudiants en trois ans, l’arrivée dans
l’enseignement supérieur de générations plus nombreuses suscite
24
C
OUR DES COMPTES
aujourd’hui une légère reprise des effectifs (+ 22 000 étudiants) lors des
rentrées universitaires 1999 et 2000. Cette progression devrait néanmoins
rester limitée et les projections actuelles conduisent à prévoir, d’ici 2010,
une stabilité globale de la population étudiante.
IV
Le coût du système éducatif
A
La dépense intérieure d’éducation
La dépense intérieure d’éducation (DIE), qui, en 2000, a atteint
98,3 Md€, constitue un agrégat beaucoup plus large que le seul budget de
l’éducation
nationale, puisqu’elle mesure l’effort
consenti
par la
collectivité nationale pour le fonctionnement et le développement du
système éducatif
5
. Cet effort financier qui s’élève à 7,1 % du produit
intérieur brut, représente, en 2000, une moyenne de 1 660 € par habitant,
soit 6 100 € par élève ou étudiant.
1
Evolution de la dépense intérieure d’éducation (DIE)
Evolution de la part (en %) de la DIE par rapport au PIB
5,8
6
6,2
6,4
6,6
6,8
7
7,2
7,4
1974
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
%
Source : ministère de l’éducation nationale
5) La DIE représente toutes les dépenses effectuées par l’ensemble des agents
économiques, administrations publiques centrales et locales, entreprises et ménages
pour les activités d’éducation en métropole : activités d’enseignement scolaire et
extra-scolaire de tous niveaux, activités visant à organiser le système d’enseignement
(administration générale, orientation, documentation pédagogique et recherche sur
l’éducation), activités destinées à favoriser la fréquentation scolaire
(cantines,
internats, transports, ...) et les dépenses demandées par les institutions (fournitures,
livres, habillement).
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
25
En vingt-cinq ans (1975-2000), la DIE a augmenté de 91 % (en
euros constants), ce qui représente une progression supérieure à celle de
la richesse nationale, le PIB n’ayant augmenté sur la même période que
de 75 %. Cette différence entre les taux de progression est illustrée par
l’évolution du rapport entre la DIE et le PIB, qui passe de 6,3 à 7,1 %.
Cette croissance de la DIE s’explique moins par l’accroissement
du nombre d’élèves (+ 8 % entre 1975 et 2000) que par celui du coût de
chacun d’entre eux. Tous niveaux confondus, la dépense annuelle
moyenne par élève ou étudiant augmente, sur la période 1975-2000, de
82 % en euros constants (+ 2,4 % par an), par suite du poids croissant des
enseignements du second degré et du supérieur, de l’amélioration de
l’encadrement dans le secondaire, et des mesures visant à revaloriser le
statut des enseignants. Les dépenses moyennes par élève du premier et du
second degrés ont crû dans des proportions importantes (respectivement
92 et 72 %), mais la dépense moyenne par étudiant n’a augmenté que de
27 %, la forte hausse des effectifs jusqu’en 1996 ayant absorbé la plus
grande part de l’augmentation des crédits consacrés à l’enseignement
supérieur.
2
La dépense d’éducation par niveau d’enseignement
Outre ces évolutions divergentes, les dépenses par niveau
d’enseignement présentent des écarts significatifs qui s’expliquent par les
différences de taux d’encadrement (taille des classes et nombre d’heures
d’enseignement par élève) et de statut des enseignants (rémunérations et
obligations de service), par les caractéristiques des matériels et
l’importance relative des investissements réalisés selon le niveau ou la
matière des enseignements.
26
C
OUR DES COMPTES
Evolution de la dépense moyenne par élève aux prix 2000
2000
2500
3000
3500
4000
4500
5000
5500
6000
6500
7000
7500
8000
8500
75
77
79
81
83
85
87
89
91
93
95
97
99
2000
en euros
Supérieur
2nd degré
Tous niveaux
1er degré
Source : ministère de l’éducation nationale
La
dépense
d’éducation
du
premier
degré
(enseignement
élémentaire et maternel, enseignement spécial) représente, en 2000,
26,8 Md€. De 1975 à 1995, sa part au sein de la DIE a constamment
régressé de 31,7 à 26,7 %, avant de croître légèrement depuis 1996,
atteignant 27,3 % en 2000. Dans un contexte général de baisse des
effectifs d’élèves et de revalorisation des carrières des enseignants
(création du corps de professeur des écoles), on assiste cependant à une
forte progression la dépense moyenne par élève qui est passée, entre 1975
et 2000, de 2 200 à 4 200 €, soit une augmentation de 92 % en euros
constants.
Le second degré représente, en 2000, 42,8 Md€, soit 43,6 % de la
dépense intérieure d’éducation, proportion restée relativement stable lors
des deux dernières décennies. Entre 1975 et 2000, la dépense moyenne
par élève du second degré a augmenté, en euros constants, de 72 % et
s’élève aujourd’hui à 7 650 €. Dans le premier cycle, la dépense moyenne
(6 740 €) est plus faible que dans le second cycle général et technologique
(8 570 €) du fait de la moins grande proportion de professeurs agrégés en
collège et du caractère général des enseignements, qui entraîne des
dépenses moins élevées de fonctionnement et d’investissement. Dans le
second cycle, la dépense moyenne s’établit à 7 970 € pour le cycle
général, 9 040 € pour le cycle professionnel et 9 960 € pour le cycle
technologique. Cette différence de coût s’explique principalement par un
encadrement plus important dans l’enseignement technologique et
professionnel (avec un nombre d’élèves par classe sensiblement plus
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
27
faible) et par des besoins en matériel plus élevés (notamment pour les
formations techniques).
Quant à la dépense d’éducation supérieure (totalité des activités
liées à la formation initiale), elle s’établit en 2000 à 17 Md€, soit 16,5 %
de la dépense intérieure d’éducation. La forte augmentation enregistrée
entre 1975 et 2000 au profit du supérieur (+ 131 %, contre 91 % pour
l’ensemble de la DIE), doit être rapprochée de celle des effectifs étudiants
sur la même période.
Jusqu’en 1995, la dépense d’éducation supérieure va de pair avec
l’accroissement des effectifs et la dépense moyenne par étudiant est
relativement stable (de l’ordre de 7 000 € au prix 2000). La stabilisation,
puis le recul de la population étudiante, entraînent depuis 1996 une forte
croissance de ce coût moyen qui atteint, en 2000, un montant de 8 220 €.
La dépense par étudiant recouvre cependant une grande variété de
situations, compte tenu de la forte diversité caractérisant les formations de
l’enseignement supérieur. Ainsi, en 2000, une année d’un étudiant dans
une université publique coûte en moyenne 6 460 € à la collectivité
nationale, une année en IUT
6
8 630 € et une année dans une école
d’ingénieur dépendant d’une université 11 550 €. Ces écarts sont liés pour
l’essentiel à des différences d’encadrement, les personnels enseignants et
non-enseignants étant relativement plus nombreux en école d’ingénieur
ou en IUT qu’en université.
3
Financement et structure de la dépense intérieure
d’éducation
Le tableau suivant indique l’évolution de la répartition de la charge
financière selon les agents économiques qui la supportent (avant prise en
compte des transferts) :
6) Les IUT appartiennent aux universités. Toutefois pour les besoins statistiques, ils
sont individualisés de même que les écoles d’ingénieur intégrées aux universités.
28
C
OUR DES COMPTES
Structure du financement initial
(en %)
Financeurs
1975
1985
1995
2000
Etat
70,0
67,3
64,9
64,5
dont Education nationale
61,3
60,6
56,6
57,1
Collectivités territoriales
14,1
15,6
20,0
21
Autres administrations publiques et CAF
0,3
0,8
2,3
1,9
Entreprises
4,9
5,8
5,8
6,1
Ménages
10,7
10,5
7
6,5
Source : « L’état de l’école » édition 2000 – ministre de l’éducation nationale
L’Etat est le principal financeur du système éducatif, puisqu’il
contribue à hauteur de 64,5 % (dont 57,1 % pour le seul ministère de
l’éducation nationale) à la dépense intérieure d’éducation. Ce poids de
l’Etat, qui, depuis 1975, n’a que faiblement diminué, s’explique par sa
part prépondérante dans le financement des rémunérations des personnels,
premier poste de dépense du système éducatif.
La part des collectivités territoriales, qui assurent 21 % du
financement total, s’est sensiblement accrue au cours des vingt dernières
années, à la suite des lois de décentralisation. Au sein des collectivités
territoriales, les communes sont le plus gros financeur : elles ont
notamment la charge des rémunérations des personnels non enseignants
du premier degré, du fonctionnement et de l’investissement des écoles.
Les ménages, avant transfert des bourses d’Etat et des aides des
caisses d’allocation familiale, sont le troisième financeur de la dépense
d’éducation avec 6,5 % du total. Leur part, dont la faiblesse est la
conséquence d’un système qui a choisi la gratuité, a diminué de manière
sensible, puisqu’elle était supérieure de 4 points en 1975 (10,7 % de la
DIE)
7
.
Les entreprises enfin, par le biais du financement de la formation
continue et de la taxe d’apprentissage (respectivement 1,2 % et 0,5 % au
minimum de leur masse salariale) contribuent à hauteur de 6,1 % à la
dépense d’éducation. En 2000, les établissements publics et privés
relevant du ministère de l’éducation nationale ont reçu, au titre de la taxe
d’apprentissage, un total de 780 M€.
7
) Cette diminution doit être mise en relation avec l’accroissement, dans la DIE, de la
part des collectivités territoriales.
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
29
Sur les 98,3 Md€ dépensés en 2000, au titre de la DIE, 80,8 Md€
(soit 82,3 %) l’ont été pour les activités d’enseignement. Les 17,7 %
restants
ont
été
utilisés
pour
les
différentes
activités
annexes
(administration, cantines et internats, médecine scolaire : 10,2 Md€) et
pour les achats de biens et services liés à l’éducation (transports scolaires,
fournitures et livres scolaires, habillement : 5,4 Md€).
Les dépenses de personnel représentent, en 2000, 77 % de la DIE,
contre 71 % en 1975. Cette prépondérance s’explique par la nature même
de l’activité d’enseignement, fortement consommatrice de personnel.
4
Comparaisons internationales
Les comparaisons internationales conduisent à relativiser la
progression de la dépense d’éducation dans notre pays, puisque la France
apparaît dans une position moyenne par rapport aux pays comparables.
Dans l’ensemble, les pays de l’OCDE consacraient en 1998 (dernière
année disponible) 5,5 % de leur richesse nationale (PIB) aux dépenses
d’éducation (hors formation continue). Avec 6,2 % à cette date et selon ce
mode de calcul
8
, la France se situait dans la moyenne supérieure,
nettement au-dessus de l’Italie (4,7 %) ou du Royaume-Uni (4,9 %), mais
en deçà des Etats-Unis et des pays nordiques (Suède, Danemark), où cette
proportion atteint, voire dépasse 7 %.
Les comparaisons de coûts moyens par élève sont par ailleurs
délicates car les dépenses prises en compte ne sont pas toujours
homogènes. S’agissant de l’enseignement élémentaire, la dépense
annuelle par élève apparaît modérée avec 3 700 équivalents dollars,
contre 3 900 pour la moyenne des pays de l’OCDE. Dans le second degré
en revanche, la France présente un coût relativement élevé (6 600
équivalents dollars par an), supérieur de près de 25 % à la moyenne de
l’OCDE (5 290 équivalents dollars). Quant au coût annuel moyen d’un
étudiant français (7 180 équivalents dollars), il se situe à l’inverse
nettement en dessous de la dépense moyenne des pays de l’OCDE
(10 900 dollars).
L’intérêt de ces comparaisons doit cependant ne pas faire oublier
les nombreuses incertitudes méthodologiques dont elles sont affectées :
ainsi, la prise en compte des aides fiscales ou sociales dont bénéficient les
étudiants et leur famille (majoration du quotient familial, allocation de
logement social), majorerait la dépense moyenne par étudiant français de
près de 15 %.
8
) En 1998, la dépense intérieure d’éducation (DIE) représentait 7,2 % du PIB. Pour
les dépenses consacrées aux seules formations initiales, ce ratio s’établissait à 6,2 %.
30
C
OUR DES COMPTES
B
Le poids du ministère de l’éducation nationale
dans le budget de l’Etat
Les dépenses d’éducation à la charge de l’Etat ne sont certes pas
toutes inscrites au budget du ministère de l’éducation nationale. Ce
dernier supporte cependant, à lui seul, plus de 90 % des dépenses de
l’Etat dans ce secteur, ce pourcentage étant en augmentation depuis vingt
ans.
1
L’évolution des masses budgétaires
Les crédits du ministère de l’éducation nationale se sont élevés en
2001 à 59,2 Md€, dont 50,6 Md€ pour les enseignements scolaires et
8,6 Md€ pour les enseignements supérieurs
9
. Premier budget de l’Etat,
représentant le quart du total des crédits civils, le budget de l’éducation
nationale a augmenté, entre 1990 et 2001, de 17,5 Md€ en euros constants
(+ 42 %). Son poids dans le budget général de l’Etat n’a par ailleurs cessé
de croître, passant de 18,4 % en 1990 à 22,7 % en 2001.
Evolution de la part de l'éducation nationale dans le budget
de l'Etat
18
19
20
21
22
23
1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
%
Source : ministère de l’éducation nationale - Cour des comptes
9) Ces deux sections budgétaires ne correspondent cependant pas exactement aux
deux types d’enseignement, puisqu’un certain nombre d’emplois et de coûts de
fonctionnement inhérents à l’enseignement supérieur (dépenses d’administration
générale des échelons centraux, crédits pour les pensions, formations post-
baccalauréat dispensées dans les lycées – sections de techniciens supérieurs et classes
préparatoires aux grandes écoles) relève de la section scolaire.
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
31
2
Le poids croissant des dépenses de personnel
Cette forte progression s’explique par la part prépondérante des
dépenses de rémunération. Regroupant à lui seul plus de la moitié (51 %)
des emplois budgétaires de l’Etat, le ministère de l’éducation nationale
rémunérait au 31 janvier 2000 près de 1,3 million de personnes : 981 700
enseignants du secteur public et du secteur privé sous contrat et 303 300
personnels administratifs, techniques et d’encadrement.
Les dépenses du ministère de l’éducation nationale sont donc
massivement (à plus de 90 %) des dépenses de personnel.
Sur la section scolaire, la part des rémunérations atteint 96 % de
l’ensemble du budget. Quant aux dépenses de fonctionnement courant,
d’intervention et d’investissement, elles représentent, en 2001, un peu
plus de 2 Md€, les lois de décentralisation ayant progressivement
transféré vers les régions et les départements l’essentiel des charges
correspondantes.
Le budget de l’enseignement supérieur, qui a en charge une grande
partie de l’investissement universitaire, présente quant à lui une
répartition sensiblement différente entre les dépenses de personnel (65 %
du budget exécuté) et un ensemble réparti de façon à peu près égale entre
les moyens de fonctionnement des établissements, l’action sociale en
faveur des étudiants et les dépenses en capital (constructions, équipement,
maintenance et sécurité).
La progression, sur la dernière décennie, des crédits consacrés à
l’éducation nationale est directement liée à la croissance des dépenses de
rémunération. Outre l’impact des créations d’emploi, cette croissance est
principalement due aux différentes mesures catégorielles et indemnitaires
qui ont bénéficié aux personnels du ministère et dont le coût budgétaire
s’élève, sur la période 1990-2000, à près de 8 Md€.
3
Le coût des pensions
Le poids et l’accroissement des dépenses de rémunération
d’activité n’est cependant pas le seul facteur de progression rapide des
dépenses de l’Etat. Depuis 1990 en effet, les dépenses de pensions des
agents du ministère ont été multipliées par deux, passant de 5,5 Md€ en
1990 à plus de 12 Md€ en 2001. Cette augmentation est la conséquence
d’un allongement de la durée de prise en charge des pensionnés, d’un
accroissement régulier des flux de départs à la retraite, ainsi que des
32
C
OUR DES COMPTES
améliorations de déroulement de carrière dont ont bénéficié depuis 10 ans
les personnels de l’éducation nationale.
Les évolutions démographiques et le départ de la vie active des
classes d’âge du « baby-boom » vont conduire dans les années à venir à
une véritable explosion du coût des pensions. Les projections effectuées
par les ministères concernés montrent que 40 % des personnels partiront à
la retraite de 2000 à 2010 (320 000 enseignants et 100 000 personnels
non-enseignants) et que les flux de sortie vont progresser régulièrement
pour culminer entre 2006 et 2008 à environ 45 000 départs annuels. Le
coût des pensions connaîtrait, toutes choses égales d’ailleurs, une
évolution exponentielle (de l’ordre de 80 %), pour atteindre en 2010 un
montant d’environ 20 Md€.
4
Un effort financier considérable et continu
La croissance du budget de l’éducation nationale et l’augmentation
de sa part relative au sein du budget de l’Etat témoignent d’un effort
financier qui s’est poursuivi, voire amplifié, bien que la démographie
scolaire soit, depuis plusieurs années, nettement orientée à la baisse. Cette
évolution divergente des moyens budgétaires et des effectifs d’élèves et
d’étudiants, si elle s’explique par la structure budgétaire et par l’évolution
des rémunérations, résulte également d’une politique visant, pour chaque
niveau d’enseignement, à accroître les taux d’encadrement. Mais elle est
aussi, dans des proportions difficiles à apprécier, la conséquence de
l’insuffisante attention portée par le système éducatif à ses coûts.
a)
L’enseignement scolaire
De 1990 à 2000, le budget de l’enseignement scolaire, hors charges
de pension, a ainsi progressé de 23 % en francs constants, alors même que
les
effectifs
scolaires
diminuaient
de
près
de
550 000
élèves
(enseignements primaire et secondaire, public et privé).
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
33
Evolution comparée en base 100 des effectifs scolaires (public et privé) et
du budget de l'enseignement scolaire hors charges de pension
(au prix 2000)
90
95
100
105
110
115
120
125
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
Budget
Effectifs scolaires
Source : ministère de l’éducation nationale – Cour des comptes
Cette évolution doit être rapprochée de la progression, sur la
période 1990-2000, du nombre des enseignants. Dans l’enseignement
public du premier degré, qui a perdu en 10 ans près de 370 000 de ses
élèves (- 6 %), les effectifs d’instituteurs et de professeurs des écoles sont
restés quasiment stables et représentaient, au 31 décembre 2000, 302 000
enseignants devant élèves, contre 300 000 en 1990. Dans le second degré,
le nombre d’enseignants dans les collèges et les lycées publics est passé
de 332 000 en 1990 à 369 500 en 2000, soit une augmentation de plus de
11 % en 10 ans, alors que sur la même période les effectifs de
l’enseignement
secondaire
public
(y
compris
les
classes
post-
baccalauréat) diminuaient de près de 90 000 élèves (- 2 %). Cet écart se
traduit mécaniquement par une diminution du nombre d’élèves par classe
et par une augmentation des taux d’encadrement.
b)
L’enseignement supérieur
De 1990 à 2000, les crédits de l’enseignement supérieur inscrits au
budget du ministère de l’éducation nationale ont augmenté de 63 % en
francs constants (91 % en francs courants), soit cinq fois plus vite que le
budget de l’Etat, hors dette publique. Au cours de cette même période, le
nombre d’étudiants concernés par le périmètre du budget (c’est-à-dire
inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur relevant du
ministère de l’éducation nationale) est passé de 1 206 000 à 1 508 000,
soit une progression de 25 % seulement.
34
C
OUR DES COMPTES
Evolution comparée en base 100 des effectifs étudiants et du
budget de l'enseignement supérieur hors charges de pension (au
prix 2000)
100
110
120
130
140
150
160
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
Budget
Effectifs étudiants
Source : ministère de l’éducation nationale – Cour des comptes
L’évolution des crédits consacrés à l’enseignement supérieur a
profité à toutes les catégories de dépenses et a permis à la fois d’accroître
les subventions de fonctionnement des établissements, d’améliorer les
conditions de vie des étudiants grâce à la revalorisation des aides sociales
et de poursuivre la rénovation du patrimoine universitaire.
Les dépenses de personnel, qui ont progressé en 10 ans de
1,7 Md€, constituent cependant le premier facteur de cette augmentation.
Outre les différentes mesures visant
à revaloriser la situation des
personnels et à améliorer les perspectives de carrière, les effectifs
(enseignants
et
non-enseignants)
rémunérés
sur
le
budget
de
l’enseignement supérieur ont augmenté entre 1990 et 2000 de 32 %
(+ 31 000 personnes). Ces recrutements supplémentaires conjugués à
l’évolution des effectifs étudiants ont conduit, à partir de 1995, à une
sensible
augmentation
des taux
d’encadrement : 18,9 étudiants par
enseignant à la rentrée 2000 pour 22,7 à la rentrée 1995.
Les
établissements d’enseignement supérieur retrouvent
ainsi un niveau
d’encadrement comparable à celui de la période qui a précédé la forte
poussée démographique des années 1980 et 1990.
V
L’évaluation en matière éducative
L'émergence d'une démarche d'évaluation est plus ancienne dans le
système éducatif que dans d'autres secteurs d'intervention publique.
L’évaluation constitue en effet un instrument de pilotage et de régulation
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
35
du système éducatif : à l'échelon national, elle doit offrir une vision
globale des évolutions de ce système ; à l'échelon local, elle doit
permettre aux responsables éducatifs de situer leur action par rapport aux
objectifs et aux résultats nationaux. Les attentes sociales vis-à-vis de
l’école, qui sont allées se renforçant, en posant la question de
l’information sur l’école et de son efficacité, ont aussi poussé au
développement de l’évaluation.
Ce double objectif de régulation et d'information, pourtant inscrit
dans le code de l’éducation comme l’un des outils de pilotage du système
éducatif, n'est, à ce jour, que partiellement atteint.
A
Les difficultés particulières de l’évaluation dans le
domaine de l’éducation
La difficulté de l’évaluation du système éducatif n’est pas liée à un
déficit statistique car le ministère de l’éducation nationale a de longue
date élaboré de multiples bases de données qui retracent les évolutions et
les caractéristiques du système éducatif. L’exploitation de ces bases
donne lieu, chaque année, à la publication et à la diffusion par la direction
de la programmation et du développement (DPD) de nombreux
documents :
Grands chiffres de l’éducation
,
Etat de l’école
,
Géographie
de l’école, Repères et références statistiques
. Ces ouvrages sont
complétés par des études spécialisées qui sont publiées dans le cadre de la
revue
Education et formation
et de la collection des
Notes d’information
.
Malgré leur étendue et leur qualité reconnue, ces travaux ne
répondent que partiellement à la définition que le décret du 18 novembre
1998 donne de l’évaluation des politiques publiques dont l’objet est
d’apprécier «
l’efficacité de cette politique en comparant ses résultats aux
objectifs assignés et aux moyens mis en œuvre.
»
La première difficulté est de cerner les objectifs du système
éducatif. En l’absence d’objectifs clairement hiérarchisés, il est difficile
de savoir si l’école remplit effectivement ses missions. Cette dernière se
voit assigner par la société des objectifs très larges qui constituent plus
des affirmations de valeurs fondamentales ou des ensembles complexes
d’objectifs que des cibles précisément circonscrites : transmettre une
culture sous la forme de connaissances, de méthodes de travail et de
comportements, former à un métier et préparer les jeunes à la vie
citoyenne. Les objectifs quantitatifs sont limités à ceux de la loi
d'orientation sur l'éducation de 1989 qui stipule qu’aucun élève ne doit
quitter le système éducatif sans une qualification reconnue et que quatre
élèves sur cinq doivent parvenir au niveau du baccalauréat, c’est-à-dire
36
C
OUR DES COMPTES
être scolarisés au niveau d’une classe de terminale de lycée. En matière
d’enseignement supérieur, aucun objectif quantitatif n’a été fixé par la loi.
Une autre difficulté de l’évaluation réside dans la difficulté à
appréhender des résultats du système éducatif qui ne dépendent pas des
acteurs de ce dernier. Outre les incertitudes sur le caractère objectif de la
notation des élèves et de la correction des examens mises en lumière par
les travaux de docimologie, les indicateurs relatifs à l'orientation des
élèves ou l'évolution du nombre de diplômes délivrés ne renseignent pas,
par eux-mêmes, sur l'efficacité de l'école. Ainsi, le fait d’atteindre un taux
de 80 % des élèves accédant au niveau du baccalauréat ne peut constituer
en lui-même la preuve d’une amélioration puisqu’il peut résulter de choix
délibérés. De même, les comparaisons dans le temps, tendant à cerner
l’évolution de l’efficacité de l’enseignement à travers les diplômes qu’il
dispense, sont délicates à opérer car la seule observation du nombre et du
niveau de ces diplômes ne peut rendre compte du savoir qui a été validé à
un moment donné.
La docimologie
La docimologie consiste en l’étude statistique des variations des
notes attribuées à un même travail d’élève.
Dès 1936, H. Laugier et D. Weinberg ont mis en lumière les
incertitudes de la notation dans une étude consacrée à la correction des
épreuves écrites du baccalauréat. Cette étude avait pour objet d’apprécier
les écarts de note de cent copies de baccalauréat sélectionnées dans six
disciplines et soumises chacune à six correcteurs. Elle mit en lumière
qu’une grande partie des candidats aurait été soit refusée, soit admise selon
le correcteur des copies. Ainsi, en français, seuls 21 % des candidats
étaient refusés et 9 % reçus par l’ensemble des correcteurs. Les 70 %
restants étaient soit refusés, soit admis. En mathématiques, discipline où la
convergence des notes paraît,
a priori
, plus aisée, 26 % des candidats
étaient pourtant refusés ou admis selon les correcteurs. Tirant les
conséquences statistiques de ces constats, les chercheurs mirent en lumière
que, pour obtenir une note susceptible d’offrir une certaine garantie
d'objectivité, il aurait fallu recourir, pour chaque copie, à 13 correcteurs en
mathématiques, à 78 en composition française et à 127 en philosophie.
Des études ultérieures analysèrent les causes de la fluctuation des
notes. Dans une étude publiée en 1978 et intitulée
Psychologie de
l’évaluation scolaire
, J.P. Caverni et G. Noizet mirent en lumière un
ensemble de facteurs : l’ordre de correction des copies, les représentations
individuelles sur le niveau attendu des élèves, des facteurs d’apparence
physique ou d’origine sociale lors des épreuves orales, voire même des
catégorisations par sexe. Dans leur étude dont un des volets fut de
soumettre à des correcteurs des copies de matières scientifiques en
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
37
inversant les sexes, les correcteurs attribuèrent en moyenne de meilleures
notes aux devoirs attribués fictivement aux garçons.
Ces difficultés expliquent une fréquente confusion dans les
évaluations conduites sur le système éducatif entre les indicateurs de
résultat et les indicateurs d’activité. A titre d’exemple, l’augmentation des
effectifs préscolarisés à l’âge de trois ans, la part d’une classe d’âge
accédant au niveau du baccalauréat, voire même au premier cycle
d’enseignement supérieur, renseignent sur la capacité d’accueil du
système éducatif, mais n’indiquent pas si les politiques qui ont justifié cet
accueil accru ont effectivement permis de mieux former les jeunes. Il en
va de même des indicateurs relatifs au taux d’encadrement pédagogique
des élèves dont l’augmentation est souvent tenue par les gestionnaires et
les usagers du système éducatif comme la garantie d’une efficacité accrue
du service d’enseignement. Les études disponibles sur ce point
démontrent pourtant qu’il n’existe pas de lien avéré entre les
performances des élèves et leur effectif par classe, sauf dans le cas d’une
diminution très forte de ces derniers.
L’identification des responsabilités en cause dans le système
éducatif est enfin malaisée. De multiples facteurs interviennent qui ne
permettent pas d’établir un lien direct entre les performances et la gestion
d’un
établissement
scolaire
ou
d’une
université.
Le
style
de
gouvernement, lié au charisme du chef d’établissement et de son équipe,
de même que la qualité du travail en équipe des enseignants paraissent
décisifs. Or, ces paramètres sont difficiles à appréhender et, de plus,
varient selon le type d’établissement, le profil de leur public ou leur
environnement. De même, les effets d’une réforme pédagogique ne sont
guère isolables de l’ensemble des autres traits du système éducatif.
B
Les limites de l’évaluation du système éducatif
Une véritable évaluation d’une politique publique doit permettre de
vérifier si les résultats obtenus correspondent aux objectifs fixés (mesure
de l’efficacité) et si ces résultats l’ont été au prix d’une mobilisation
optimale des moyens (mesure de l’efficience).
S’agissant de la mesure de l’efficacité, les évaluations conduites
dans le système éducatif n’apportent que rarement la preuve qu’une
politique éducative choisie à un moment donné est meilleure qu’une
autre. Le ministère de l’éducation nationale est certes capable de
démontrer, sur longue période, l’amélioration globale des performances,
38
C
OUR DES COMPTES
que ce soit par la réduction des sorties sans qualification du système
scolaire, l’élévation du niveau des diplômes ou l’élargissement du public
scolaire accédant à des formations supérieures. Les évaluations du
ministère tendent également à montrer que l’école s’est démocratisée sans
que le niveau des élèves se soit globalement détérioré. Toutefois, sauf
rares exceptions, elles ne portent pas sur les nombreuses réformes
pédagogiques qui sont mises en œuvre à rythme rapide, sans souci de les
tester préalablement sur des échantillons, ni même d’en mesurer après
leur généralisation l’impact, positif ou non, sur les résultats des élèves ou
des étudiants.
S’agissant de la mesure de l’efficience, les évaluations conduites
dans le système éducatif restent insuffisantes. Les publications du
ministère permettent certes de décrire le coût global du système éducatif,
d’en déduire les dépenses moyennes par élève ou niveau de formation,
voire de consolider, non sans incertitudes, les financements à l’échelle
d’une académie. Mais elles ne permettent pas de déterminer les dépenses
induites par les réformes et les dispositifs pédagogiques, ni même
d’appréhender les coûts globaux des opérateurs du système éducatif.
Ainsi, le coût de la récente réforme des collèges et des lycées ne peut être
chiffré avec certitude. De même, les dispositifs d’aide aux étudiants des
premiers cycles universitaires, mis en place depuis 1997, ont mobilisé des
moyens qui ne peuvent être appréhendés de façon fiable.
A un niveau plus fin, il n’est pas possible de connaître le coût réel
d’un établissement, qu’il relève des enseignements scolaire ou supérieur.
Les budgets des établissements n’incluent pas les rémunérations alors
qu’elles constituent la plus grande part des dépenses. Il est également
impossible de calculer le coût global d’un niveau de formation ou d’un
enseignement qui y est mis en œuvre. Cette carence se vérifie notamment
dans l’enseignement supérieur qui ne dispose pas de données fiables sur
les dépenses moyennes par étudiant engagées au titre des différentes
filières de formation.
En définitive, il est difficile d’affirmer que les résultats obtenus
dans tel ou tel domaine sont liés aux moyens supplémentaires mis en
œuvre. Au demeurant, la notion même de coût financier est encore trop
souvent étrangère aux préoccupations des responsables du système
éducatif qui privilégient la seule dimension pédagogique par rapport aux
contraintes de gestion budgétaire.
L’absence de toute référence aux coûts et l’impossibilité d’établir
un lien avec les résultats conduisent en outre la Cour à souligner les
difficultés qu'aura le ministère de l’éducation nationale à appliquer les
nouvelles procédures d'élaboration et de suivi du budget de l'Etat, telles
que définies par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de
L
ES TRAITS CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME
39
finances. En établissant un nouveau cadre budgétaire, cette loi dispose
qu’à compter de 2006 les dépenses des ministères devront correspondre à
des programmes et des actions aux objectifs définis et pour lesquels des
indicateurs de résultat devront être prévus puis confrontés aux résultats
constatés au terme de l’exécution budgétaire. L’absence d’objectifs
précis, des incertitudes constantes pour mesurer objectivement les
résultats,
une
culture
pédagogique
trop
souvent
oublieuse
des
considérations financières ne faciliteront pas, à l’évidence, la mise en
œuvre de ces dispositions au sein du ministère de l’éducation nationale.
Il est en l’état actuel particulièrement difficile de se prononcer, de
façon définitive, sur l’efficacité et l’efficience du système éducatif
français et des politiques éducatives qui y sont mises en œuvre. Aussi,
faute que ce système se soit doté d’éléments objectifs d’appréciation, la
Cour a pu chercher à apprécier la cohérence de son fonctionnement et la
maîtrise de sa gestion, mais elle ne peut pas affirmer - ou infirmer - qu’il
améliore ses performances à la mesure de l’accroissement des
financements publics et privés qu’il mobilise.
40
C
OUR DES COMPTES
41
PREMIERE PARTIE :
L’ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
42
C
OUR DES COMPTES
43
Le système scolaire, dont les effectifs d’élèves sont passés entre
1960 et 2000 de 9,5 à 12,1 millions, a connu, au cours des quarante
dernières années, une expansion démographique soutenue, liée à l’essor
de la scolarisation en maternelle, à l’accueil de l’ensemble des jeunes au
niveau du collège, puis, à partir de 1985, à un accès élargi aux lycées.
Plus nombreux, les élèves ont vu leurs origines se diversifier et les
publics scolaires sont, de ce fait, plus hétérogènes qu’auparavant. Ils sont
aujourd’hui accueillis dans 58 300 écoles maternelles et élémentaires et
11 400 collèges et lycées, publics et privés. Dans ces établissements
exercent plus de 874 000 enseignants du premier et du second degrés,
titulaires ou non titulaires
10
.
Au cours de la période récente, la croissance du chômage des
jeunes, les débats sur le niveau des élèves par rapport aux générations
précédentes, les incertitudes sur la valeur des diplômes et sur la capacité
de l’école à préparer l’insertion professionnelle ont suscité l’inquiétude
des familles et ont induit, à l’égard de l’institution, des attentes et des
exigences nouvelles.
Pour relever le défi de ces évolutions, le ministère de l’éducation
nationale a été conduit à formuler explicitement ses missions et ses
priorités. La loi d’orientation sur l’éducation de 1989 fixe ainsi, pour la
première fois dans l’histoire de l’école française, des objectifs de
résultat. Alors que l’école devait, depuis qu’elle est obligatoire, accueillir
l’ensemble des jeunes en âge scolaire, elle doit, aujourd’hui, garantir la
réussite de tous en donnant à chacun la chance d’accéder au niveau de
qualification le plus élevé possible.
Pour atteindre cet objectif et au prix d’une mobilisation accrue de
ses moyens, le système scolaire a multiplié les politiques éducatives et
diversifié les modes de prise en charge des élèves, afin de répondre en
particulier à l’hétérogénéité croissante de leurs besoins. Des filières et
des spécialités ont été créées et prolongées jusqu’au baccalauréat dans
l’enseignement technologique et professionnel. Des actions d’aide aux
élèves ont été mises en place soit dans le cadre de politiques nationales,
soit sous la forme de dispositifs centrés sur les territoires ou les publics
en difficulté.
Par ailleurs, l’organisation et le fonctionnement du système
scolaire ont dû être profondément révisés. Alors que depuis le 19
ème
siècle, celui-ci avait été administré de façon essentiellement centralisée,
10
) Source : ministère de l’éducation nationale, Repères et références statistiques –
2001.
44
C
OUR DES COMPTES
les acteurs académiques et les établissements ont vu s’élargir
progressivement leurs champs de compétences. Dotés de responsabilités
nouvelles, il leur appartient désormais, en liaison avec les collectivités
territoriales, d’adapter l’école à son environnement local comme à la
diversité de ses publics, et de coordonner, à leur niveau, la mise en œuvre
des différentes politiques pédagogiques. Cette pluralité d’acteurs, qui fait
de l’école une organisation administrative à la fois déconcentrée et
décentralisée, tout en restant soumise à des impulsions ministérielles
fortes, contribue à la complexité du système scolaire tant en termes de
modes de gestion que de périmètre des champs de compétences des
différents acteurs.
Quatorze ans après la publication de la loi d’orientation sur
l’éducation de 1989, la Cour a cherché à décrire l’organisation actuelle
et les modalités de gestion du système scolaire, à en apprécier les
réussites, mais également les faiblesses et enfin à rendre compte de
l’utilisation des moyens croissants que lui consacre la collectivité
nationale.
Cette analyse a conduit la juridiction à examiner successivement :
-
la cohérence entre les objectifs, les politiques, les moyens et
les résultats du système scolaire
. Ce diagnostic global vise,
tout d’abord, à confronter les politiques mises en œuvre et les
financements
engagés
pour
atteindre
les
objectifs
de
scolarisation et de réussite scolaire (chapitre I). Il s’attache
également aux performances du système scolaire qui sont
appréciées au regard des objectifs qui lui ont été assignés,
ainsi que de l’efficacité et de la pertinence de la démarche
d’évaluation (chapitre II) ;
-
les rigidités qui marquent le fonctionnement du système
scolaire, tant en termes de gestion que d’organisation
institutionnelle
. Dans ce cadre sont examinées les grandes
procédures administratives qui structurent la gestion du
système scolaire (élaboration de l’offre de formation, gestion
des personnels enseignants, préparation de la rentrée
scolaire) et les contraintes inhérentes à ces procédures, qui
entravent les évolutions nécessaires, et réduisent la portée des
politiques mises en œuvre (chapitre III). Une autre source de
rigidité résulte enfin de la complexité, mais également des
incertitudes qui affectent encore le partage des compétences et
des responsabilités entre les quatre principaux acteurs du
système scolaire : l’administration centrale du ministère, les
services académiques, les collectivités territoriales et les
établissements d’enseignement (chapitre IV).
45
Chapitre II
Les objectifs et leur mise en oeuvre
46
C
OUR DES COMPTES
La loi d’orientation sur l’éducation de 1989 fixe à l’école une
double priorité qui doit guider l’action de chacune de ses composantes :
accueillir tous les jeunes d’âge scolaire, quels que soient leur origine
géographique et leur niveau de formation ; assurer la réussite de tous les
élèves en permettant à chacun d’acquérir une culture générale ainsi
qu’une qualification reconnue.
Le premier de ces objectifs, qui a trait à la scolarisation des élèves,
repose sur la procédure annuelle de la préparation de la rentrée. A l’issue
de cette procédure, chaque jeune doit pouvoir être accueilli dans un
établissement, pour y suivre un enseignement correspondant à son niveau
scolaire. Le deuxième objectif de l’école, plus subjectif et de ce fait plus
difficile à mesurer, est de contribuer à l’égalité des chances en offrant à
chaque élève un parcours de formation qui réponde à ses aspirations et à
ses aptitudes. Les modalités de poursuite de cet objectif sont variables,
voire multiformes. Leur définition suppose qu’au niveau local, les
gestionnaires de l’école soient en mesure de définir et de préciser ce que
signifie la réussite scolaire et sachent mettre en œuvre les actions et les
mesures qui leur apparaissent comme les plus pertinentes. La troisième
mission du système éducatif est d’aider les élèves à construire un projet
d’orientation scolaire et professionnelle. Instrument au service des deux
objectifs précédents, l’orientation doit permettre de concilier une gestion
de masse avec la reconnaissance des ambitions et des besoins individuels
de chaque élève.
La volonté de scolariser tous les élèves en donnant à chacun les
moyens
de
réussir
son
parcours
scolaire
s’est
traduite
par
la
diversification des politiques éducatives et par une plus grande prise en
compte des inégalités sociales et économiques. En milieu rural, le
maintien d’un enseignement de proximité, garantissant un égal accès à la
formation, reste une priorité du système solaire. Le développement et la
diversification des filières professionnelles, qui ont été prolongées
jusqu’au baccalauréat, doivent permettre aux élèves de suivre des
formations adaptées à leurs besoins et d’atteindre un niveau de
qualification qui soit le plus élevé possible. Enfin, des politiques
spécifiques visant des publics particuliers ont également été mises en
œuvre. L’éducation prioritaire permet ainsi de renforcer les moyens
d’enseignement et d’améliorer l’encadrement pédagogique pour ceux qui
en ont le plus besoin. Quant aux divers fonds sociaux, dont la gestion est
confiée aux établissements, ils sont destinés à prévenir les phénomènes
d’exclusion scolaire.
Ces différentes actions, menées conjointement, ont conduit à
mobiliser des moyens financiers et humains croissants. En dépit d’une
démographie scolaire orientée depuis plusieurs années à la baisse, les
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
47
dépenses du système éducatif ne cessent d’augmenter, sans que cette
évolution soit véritablement maîtrisée. L’amélioration continue et
régulière des taux d’encadrement apparaît ainsi moins comme le résultat
d’une politique visant à améliorer les conditions d’accueil des élèves que
comme la conséquence inflationniste des nombreuses rigidités qui pèsent
sur la gestion des moyens d’enseignement. Quant aux différentes
réformes pédagogiques mises en œuvre, elles ne sont pas toujours
accompagnées des moyens budgétaires nécessaires et s’avèrent peu
soucieuses des coûts qu’elles induisent.
I
Des objectifs définis par la loi
A
Assurer la scolarisation de tous les élèves
L’objectif du système éducatif est avant tout d’assurer un
enseignement à tous les jeunes en âge de fréquenter l’école. Avec la prise
en charge de la petite enfance, mais également la prolongation généralisée
des études dans les classes de lycée et au-delà du baccalauréat, cet
objectif ne se limite pas aux seuls enfants soumis à l’obligation scolaire
(de 6 à 16 ans), mais concerne une tranche d’âge beaucoup plus large qui
va aujourd’hui de 2 à 19 ans. Cet objectif est aujourd’hui largement
atteint. Avec des taux de scolarisation qui, dès l’âge de cinq ans, sont
voisins de 100 %, il est pleinement réalisé dans le premier degré. Dans le
second degré, les efforts de démocratisation, entrepris depuis le début des
années 1980, ont eu des résultats tout à fait significatifs et, en 2001, 97 %
des jeunes d’une classe d’âge sont scolarisés jusqu’en classe de troisième,
contre seulement 70 % en 1990. Au total c’est plus de 83 % des enfants
de moins de 18 ans qui fréquentent aujourd’hui un établissement
d’enseignement.
Dès lors et compte tenu du nombre d’enfants à scolariser chaque
année, la double nécessité de mettre un professeur devant chaque classe et
de « réussir la rentrée scolaire » structure largement l’organisation du
ministère. Elle mobilise, autour d’un calendrier rigoureux, les différents
échelons du système éducatif, depuis les services centraux jusqu’aux
établissements publics locaux d’enseignement (EPLE), en passant par les
services académiques. La gestion des personnels et celle des moyens
d’enseignement sont en particulier organisées en fonction de cette
échéance, où tous les postes en établissement devront avoir été pourvus,
quelles que soient les variations d’effectifs d’élèves, les modifications
apportées à la carte des formations, les arrivées ou départs de professeurs
48
C
OUR DES COMPTES
dans l’académie. La préparation de la rentrée scolaire est donc une
procédure lourde, enchaînant une série d’opérations administratives
complexes, et destinée à faire converger, dans chacun des 70 000
établissements et pour chaque niveau d'enseignement, une demande de
formation des élèves et une offre de formation des enseignants.
Pour assurer cette convergence, l’administration de l’éducation
nationale doit prendre en compte simultanément trois séries d’éléments :
-
la demande de formation qui émane des élèves, ce qui suppose
une connaissance précise, pour la rentrée scolaire en
préparation, des effectifs attendus ;
-
les personnels qu’il convient d’affecter pour répondre à cette
demande de formation ;
-
et
enfin
les
moyens
budgétaires
(emplois
et
heures
supplémentaires) qui permettront de constituer, dans chaque
établissement, les services d’enseignement.
La maîtrise d’ensemble de ce processus repose tout d’abord sur
une administration de masse, tant du point de vue des 12 millions
d’écoliers, de collégiens et de lycéens qu’il convient de prendre en
charge, que des quelque 735 000 enseignants du premier et du second
degrés qui exercent dans les établissements scolaires. Il en résulte une
approche plus quantitative que véritablement qualitative, peu compatible
avec une gestion attentive et individualisée des personnels et qui ne fait
pas toujours une place suffisante à la prise en compte des spécificités
locales et à l’adaptation des profils et des compétences aux besoins des
établissements, supposés traduire eux-mêmes les besoins des élèves.
Les rigidités qui enserrent la procédure de préparation de la rentrée
scolaire induisent par ailleurs des désajustements fréquents, qu’il s’agisse
de la répartition et de l’utilisation des moyens d’enseignement ou de
l’affectation des personnels. Les classes ou les disciplines dans l’attente
d’un professeur, les variations imprévues d’effectifs d’élèves qui viennent
contredire les décisions de fermeture d’école ou de classe, les structures
pédagogiques surchargées, sont autant de situations qui se répètent
chaque année et qui donnent le sentiment de l’impréparation et du
manque d’anticipation. Une telle appréhension, qui privilégie cependant
des faits ponctuels par rapport aux enjeux globaux, ne doit pas faire
oublier que le système scolaire est sans doute la seule organisation
administrative confrontée, lors de chaque rentrée scolaire, à une mutation
et à une recomposition aussi fortes de son environnement et de ses
structures.
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
49
1
L’exemple du second degré
Le système scolaire est placé dans un équilibre toujours précaire.
En effet, d’une année sur l’autre, les effectifs d’élèves évoluent, tout
comme leur répartition entre formations, établissements et, à un niveau
plus large, entre académies. Les effectifs enseignants connaissent une
évolution similaire du fait des mutations mais également du fait des
départs à la retraite et de la nécessité de procéder à de nouveaux
recrutements.
La Cour, à travers ses différents travaux, a été amenée à
s’intéresser, de façon plus spécifique, à la gestion de l’enseignement
secondaire. Celle-ci illustre la complexité des opérations qui précèdent la
rentrée, moment privilégié où chaque établissement doit proposer une
offre de formation qui soit quantitativement et qualitativement adaptée à
son public scolaire.
Remplir chaque année l’objectif de scolarisation demande en
premier lieu que l’on connaisse parfaitement le nombre d’élèves à
accueillir dans les différentes structures. Une première étape consiste
donc à prévoir les évolutions de la démographie scolaire. Cet exercice de
prévision
concerne
l’ensemble
des
échelons
de
gestion :
les
établissements fournissent leurs projections d’effectifs aux services
académiques qui les valident et les consolident, les académies présentent
ensuite leurs prévisions à l’administration centrale qui procède
in fine
aux
projections nationales et académiques.
Une seconde étape consiste à adapter l’offre de formation à
l’évolution
des
effectifs
scolaires
en
procédant
à
deux
phases
d’ajustement : celle des moyens budgétaires (c’est-à-dire des postes), puis
celle des personnels. Le processus de préparation de la rentrée repose en
effet sur une distinction fondamentale entre d’un côté les postes,
implantés
en
établissement
et
qui
correspondent
à
un
service
d’enseignement devant les élèves, et d’autre part les enseignants, en tant
que personnes physiques, qui devront être affectés sur ces postes.
La phase d’ajustement des moyens budgétaires, qui consiste à
déléguer aux académies leur dotation annuelle sous forme d’emplois et
d’heures supplémentaires, obéit à une logique descendante. La direction
de l’enseignement scolaire procède, en fonction des prévisions d’effectifs
et des évolutions apportées aux programmes et à la réglementation
pédagogique, et dans la limite des crédits budgétaires disponibles, à la
répartition des moyens d’enseignement entre les académies. Ces moyens,
convertis en heures, sont ensuite répartis au niveau académique entre les
établissements. Ventilées par discipline, ces heures sont finalement
50
C
OUR DES COMPTES
regroupées pour constituer les services d’enseignement, c’est-à-dire les
postes qui serviront de support à l’affectation des enseignants.
Ce n’est qu’une fois ces postes connus qu’intervient, dans un
deuxième temps et selon une procédure cette fois ascendante, la phase
d’ajustement des personnels. Cette seconde phase consiste à pourvoir
d’une part les postes nouvellement créés, suite à une modification de
l’offre de formation (ouvertures de classes, créations de nouvelles options
ou de nouvelles filières, etc.), et d’autre part, les postes laissés vacants
après le départ de leur titulaire. Les établissements font connaître ces
postes aux services académiques qui les pourvoient soit par mutation
interne à l’académie, soit en faisant appel à l’administration centrale
(direction des personnels enseignants) en charge des mutations entre
académies ainsi que de l’affectation des nouveaux enseignants (néo-
titulaires), issus des instituts universitaires de formation des maîtres
(IUFM).
L’ajustement entre d’un côté la ressource en personnel disponible
et de l’autre les besoins d’enseignement (qui se traduisent au niveau des
établissements par des ouvertures de postes) requiert enfin une ultime
boucle de gestion : celle du recrutement de nouveaux professeurs, qui,
soit par le biais des concours, soit par le recours à des enseignants
contractuels, devra normalement permettre de couvrir les besoins qui ne
peuvent être assurés par le seul jeu des mutations.
2
Des risques de déséquilibre inévitables
La préparation de la rentrée scolaire qui consiste schématiquement
à déléguer les moyens d’enseignement, à les convertir en services devant
élèves puis à affecter les enseignants sur les postes ainsi créés, est une
procédure qui doit être renouvelée chaque année, dans un contexte qui a
forcément évolué par rapport à celui de l’année précédente. Son résultat
et son efficacité s’apprécient en outre, non à un niveau statistique et
global, mais de façon immédiate et concrète dans chacun des
établissements scolaires. Les gestionnaires du système éducatif sont donc
soumis à une obligation de réussite d’autant plus impérative que les
attentes souvent fortes des usagers de l’école (parents, enseignants et
élèves) rendent, à leurs yeux, toute erreur inacceptable.
Or dans ce domaine, les facteurs d’incertitude et de rigidité sont
nombreux. Les prévisions d’effectifs d’élèves, qui constituent le socle de
la procédure, ne se vérifient pas systématiquement le jour de la rentrée
scolaire. Les règles de mutation et d’affectation des personnels
enseignants, auxquelles s’ajoutent, dans le second degré, les effets du
cloisonnement
disciplinaire,
viennent
compliquer
le
travail
des
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
51
gestionnaires et ne permettent pas toujours de présenter une offre de
formation qui réponde pleinement aux demandes, parfois fluctuantes et
toujours exigeantes, des élèves et de leurs familles. Quant aux
recrutements nécessaires pour compenser les départs et faire face aux
besoins d’enseignement, ils précèdent en moyenne de deux années
l’affectation en établissement. Dès lors, les réformes pédagogiques qui
n’auraient pas été anticipées à temps, les évolutions inattendues en termes
démographiques (qu’il s’agisse des élèves ou des professeurs), les
incertitudes de l’orientation, voire plus simplement une augmentation
significative des redoublements en fin de 3
ème
, ou encore un fort taux
d’échec à la session du baccalauréat qui précède la rentrée, constituent
autant de désajustements inévitables entre l’offre et la demande
d’enseignement.
Cette convergence entre l’offre et la demande est d’autant plus
délicate à assurer qu’elle doit conjuguer des éléments relevant de niveaux
différents. La demande d’enseignement des élèves obéit en effet à une
logique de proximité et s’analyse au niveau de chaque école, de chaque
collège et de chaque lycée. Elle dépend très largement de la sectorisation
géographique des établissements, de la plus ou moins grande variété
des
formations qu’ils proposent, ainsi que la diversité des pratiques locales en
matière d’orientation. L’offre de formation est quant à elle définie au
niveau ministériel à travers d’une part les moyens budgétaires
correspondant aux emplois inscrits en loi de finances et d’autre part les
moyens en personnels quantifiés dans le cadre de concours nationaux. Il
convient donc de traduire et de décliner cette offre globale dans chaque
académie puis auprès de chaque établissement scolaire afin de répondre à
une demande locale d’enseignement qui est par définition extrêmement
diversifiée.
Cette
réponse
à
une
demande
multiforme
et
géographiquement dispersée par une offre de formation adaptée constitue
un exercice difficile. Elle repose en effet sur deux procédures
administratives distinctes avec d’une part celle qui permet de transformer
les emplois budgétaires en services d’enseignement devant élèves et
d’autre part celle qui, par le jeu des mutations et des recrutements,
conduit à affecter les personnels dans les établissements scolaires.
B
Améliorer les résultats scolaires
L’obligation de moyens que constitue la réussite de la rentrée
scolaire a été complétée par la loi d’orientation sur l’éducation de 1989
qui fixe désormais à l’école une obligation de résultat, en lui demandant
de garantir un enseignement adapté à chaque élève et de contribuer à sa
réussite individuelle. Cette ambition de nature qualitative s’appuie sur
52
C
OUR DES COMPTES
deux exigences complémentaires : définir précisément les objectifs de
l’institution scolaire et donner une initiative accrue aux gestionnaires
locaux de l’école.
1
Les objectifs pédagogiques du système scolaire
Le droit à l’éducation, défini par le chapitre premier de la loi
d’orientation de 1989, repose sur la réalisation de trois objectifs. Le
premier a trait à la préscolarisation, puisque tout enfant doit pouvoir être
accueilli, à l’âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe
enfantine le plus près possible de son domicile. En raison de l’avantage
que constitue une préscolarisation plus précoce, la loi encourage par
ailleurs l’accueil des enfants de deux ans dans les écoles situées dans un
environnement social défavorisé. A l’horizon 2000, la loi d’orientation a
assigné au système scolaire un deuxième objectif : amener 80 % d’une
classe d’âge au niveau du baccalauréat et assurer à tous les élèves une
qualification minimale du niveau du CAP ou du BEP. Enfin le troisième
et dernier objectif reconnaît à chaque élève qui n’a pas atteint, à l’issue de
sa scolarité obligatoire, un niveau de qualification reconnue, la possibilité
de poursuivre des études pour atteindre un tel niveau. Il revient à l’Etat de
prévoir les moyens nécessaires à la prolongation de scolarité qui en
découle. Ces dispositions ont été reprises dans la partie législative du
code de l’éducation publié en 2000, à l’exception de l’objectif relatif à
l’accès au niveau du baccalauréat qui n’a pas été codifié.
Parallèlement aux dispositions inscrites dans la loi d’orientation de
1989, d’autres objectifs, portant sur les contenus éducatifs, ont été définis
par le législateur et intégrés dans le code de l’éducation. La loi du 11
juillet 1975 relative à l’éducation dispose ainsi que la formation scolaire
doit favoriser l’épanouissement de l’enfant, lui permettre d’acquérir une
culture et le préparer à la vie professionnelle et à l’exercice de la
citoyenneté. La loi du 4 août 1994 relative à la langue française précise
que
la
maîtrise
de
cette
dernière
constitue
l’un
des
objectifs
fondamentaux de l’enseignement. La loi quinquennale du 20 décembre
1993 relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle
énonce quant à elle un droit à une formation professionnelle. Enfin la loi
d’orientation du 29 juillet 1998, relative à la lutte contre l’exclusion, fait
de la lutte contre l’illettrisme une priorité nationale.
2
La déclinaison de ces objectifs
Ce cadre législatif présente l’intérêt de définir de façon large les
missions de l’école qui ne peuvent, à l’évidence, être formulées de façon
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
53
restrictive. En effet, si l’objectif global de l’institution est de répondre aux
besoins par définition diversifiés des élèves, l’école ne peut traiter cette
diversité que par une pluralité d’actions. Pourtant, les objectifs assignés
au système scolaire s’avèrent sinon antinomiques, du moins délicats à
conjuguer. Lieu de transmission d’une culture générale, l’école doit
également préparer les élèves à une spécialisation professionnelle. Lieu
de savoir, elle doit aussi permettre aux enfants de développer leur
aptitude à vivre en société, en conciliant des missions d’instruction et
d’éducation.
Ces différents objectifs ne sont pas hiérarchisés, ce qui laisse toute
latitude aux gestionnaires du système scolaire pour définir les priorités
qui leur paraissent les plus pertinentes. Une telle latitude est certes une
source de souplesse et d’adaptation aux besoins et aux contextes locaux.
Elle induit toutefois un brouillage inévitable entre les différentes priorités
affichées et conduit surtout à fortement relativiser la portée des objectifs
fixés au système scolaire.
A titre d’exemple, alors que les besoins annuels du marché de
l’emploi en ouvriers qualifiés et cadres intermédiaires, estimés à 350 000
individus, sont loin d’être satisfaits par le système scolaire, le nombre de
diplômés de l’enseignement supérieur devient lui aussi insuffisant pour
répondre à une demande des entreprises qui ne cesse de croître.
L’évolution du marché de l’emploi crée ainsi, de fait, une concurrence
entre les différentes offres de formation professionnelles et supérieures.
Les départs massifs d’enseignants à la retraite prévus au cours des
prochaines années vont venir amplifier ce problème de concurrence et,
pour le résoudre, placer le système scolaire dans l’obligation de relever
un double défi. Il lui faudra en effet attirer sensiblement plus d’élèves
vers l’enseignement supérieur, et en même temps réduire fortement le
nombre des sorties sans qualification.
La multiplicité des objectifs scolaires n’est pas sans conséquence
financière. En effet, leur formulation additionnelle et concurrente ne
s’accompagne d’aucune indication pour affecter à l’un d’entre eux plus
de moyens qu’à un autre. Ainsi, si la lutte contre les sorties sans
qualification constitue une des priorités scolaires et si sa mise en œuvre
présente nécessairement un coût, rien ne permet d’en déduire, par
exemple, que les moyens à mobiliser à cette fin doivent être plus
importants que ceux requis par la conduite de 80% d’une classe d’âge au
niveau du baccalauréat. Le fait d’assigner à l’école des objectifs non
hiérarchisés peut donc, en l’absence de choix politiques fermes, conduire
à une inadéquation entre les moyens financiers et humains disponibles et
la multiplicité des buts recherchés.
54
C
OUR DES COMPTES
Aujourd’hui, il faut enfin souligner qu’aucun des objectifs fixés
par le législateur n’a été pleinement atteint. Les sorties d’élèves sans
qualification perdurent. Une insuffisante maîtrise de la langue française
touche près de 15 % des enfants accédant au collège. Quant au taux
d’accès aux classes de terminale de lycée, il stagne depuis 1995 aux
environs de 65 %.
3
Les conséquences sur la gestion
En visant une amélioration de la réussite individuelle de chaque
élève, les objectifs du système scolaire ont conduit à réviser les modes
d’intervention du service public d'éducation. Alors que prévalait par le
passé une gestion de masse, les nouveaux objectifs de l'école requièrent
aujourd'hui, compte tenu de la diversité des publics scolaires, une plus
grande adaptation du service d'enseignement aux besoins des élèves. La
prise en compte de cette hétérogénéité ne peut plus être gérée depuis
l’échelon central du système scolaire, mais doit désormais être opérée au
niveau de la classe et de l’établissement, en laissant aux acteurs de terrain
la responsabilité de décliner eux-mêmes les objectifs généraux de l’école.
Dans ce cadre, le code de l’éducation prévoit, en reprenant les
dispositions de la loi d’orientation sur l’éducation de 1989, qu’il revient
aux établissements d’élaborer des projets qui définissent «
les modalités
particulières de mise en œuvre des objectifs et des programmes
nationaux
». De même, les académies se sont engagées dans la définition
de projets académiques qui arrêtent des orientations stratégiques à partir
d’une analyse du contexte social et des besoins de l’économie régionale.
Cette transformation de l’institution n’est pas achevée et une
redéfinition des pouvoirs et des compétences est actuellement en cours.
Ces évolutions, qui visent à donner plus d’initiative et de marge
d’adaptation aux responsables locaux, restent cependant fortement
contraintes par les modes de gestion souvent rigides du système scolaire.
C
L’orientation : un instrument au service des
objectifs de scolarisation et de réussite
Aider les élèves à choisir une orientation adaptée à leurs souhaits
et à leurs aptitudes est un troisième impératif qui s’impose à l’école,
comme le précise la loi d’orientation sur l’éducation de 1989: «
l’élève
élabore son projet d’orientation scolaire et professionnelle avec l’aide de
l’établissement et de la communauté éducative, notamment des
enseignants et des conseillers d’orientation
». L’orientation doit donc
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
55
concilier une gestion de masse du système scolaire avec la reconnaissance
des aspirations individuelles, afin d’aider chaque élève à choisir son
parcours scolaire et son avenir professionnel.
1
Les objectifs et les acteurs de l’orientation scolaire
Même si, à une date très récente, le ministère de l’éducation
nationale a cherché à renforcer sa maîtrise de l’orientation, celle-ci
apparaît comme une politique aux objectifs souvent flous, qui s’appuie
sur une procédure complexe et faiblement encadrée.
Les responsables du système scolaire éprouvent en premier lieu
une réelle difficulté à définir, dans ce domaine, une politique nationale et
il est surprenant de constater qu’aucun objectif quantifié ne détermine la
répartition souhaitable des élèves entre les différentes filières de
formation (générale, technologique et professionnelle). A défaut d’une
politique claire, le ministère multiplie les directives destinées aux
établissements locaux d’enseignement, ce qui ne fait qu’accroître
l’opacité des objectifs et rendre incertaine leur mise en œuvre. Ce
foisonnement réglementaire a abouti, depuis 1996, à la production de 158
circulaires adressées aux collèges et aux lycées.
De leur coté, les académies font preuve d’une maîtrise inégale des
procédures d’orientation. Si ces dernières donnent souvent lieu à la
réalisation de documents statistiques, à des actions de formation en
direction des enseignants ou à la mise en œuvre de partenariats avec les
organisations socioprofessionnelles et les collectivités territoriales, ces
initiatives sont rarement encadrées par des orientations académiques
précises. Peu de recteurs adressent en particulier aux inspecteurs
spécialisés dans l’information et l’orientation des élèves (IEN-IO) une
lettre de mission ou un arrêté annuel, précisant leurs principaux axes de
travail.
Opération de masse, l’orientation est par ailleurs le résultat d’un
processus qui requiert de multiples étapes successives et mobilise de
nombreux acteurs.
Au stade initial de l’information sur les métiers, les débouchés et
les filières d’enseignement, plusieurs réseaux interviennent auprès des
élèves et de leurs familles : l’office national d’information sur
l’enseignement et les professions (ONISEP) et ses antennes régionales, le
centre d’information et de documentation de la jeunesse (CIDJ)
également doté d’un réseau territorial et les centres de documentation et
d’information (CDI) des collèges. Quant aux centres d’information et
56
C
OUR DES COMPTES
d’orientation (CIO), implantés dans les départements, à raison d’environ
un par district scolaire, ils remplissent un rôle d’accueil et de conseil.
Dans les établissements où se prennent, à l’occasion des conseils
de classe, les décisions d’orientation, la procédure repose en grande partie
sur les professeurs principaux. L’activité de ces derniers, chargés des
actions d’orientation ainsi que des contacts avec le monde professionnel,
demeure cependant très inégale et tient plus à leur investissement
personnel qu’à un cadre précis d’obligations liées à l’exercice de cette
fonction. Les conseillers d’orientation psychologues (COP) qui doivent
assurer l’information des familles et le suivi des élèves, participent
normalement aux conseils de classe. Leur présence dans ces instances est
cependant loin d’être régulière et dépend beaucoup de leur disponibilité et
des calendriers des différents établissements dont ils suivent l’activité.
Fonctionnaires recrutés parmi les titulaires de la licence de psychologie,
leur spécialisation ne paraît en outre guère cohérente avec la diversité des
missions qui leur sont assignées. Quant aux enseignants eux-mêmes, ils
prennent part, au sein des conseils de classe, aux décisions d’orientation
qui concernent leurs élèves et perçoivent l’indemnité de suivi et
d’orientation des élèves (ISOE). Les différents contrôles opérés par la
Cour montrent que les bénéficiaires de l’ISOE ne remplissent pas
toujours les fonctions que cette indemnité est censée rémunérer et que son
attribution tend à devenir une rétribution forfaitaire, plus ou moins
détachée de la réalité du service fait.
2
Des résultats incertains
Alors que l’orientation constitue une opération décisive pour le
fonctionnement et les résultats du système scolaire, aucune analyse
globale n’en a été faite depuis 1988. Certes de nombreuses études de la
DPD, du centre d’études et de recherche sur les emplois et les
qualifications (CEREQ) ou de l’institut national d’études du travail et
l’orientation professionnelle (INETOP) traitent des parcours scolaires et
de l’insertion professionnelle des jeunes, mais ces travaux diversifiés
constituent davantage des observations de cohortes d’élèves que de
véritables évaluations.
A l’échelle des académies, l’efficacité de l’orientation n’est
évaluée que de façon ponctuelle et selon des méthodologies diverses qui
empêchent d’en dégager une appréciation générale. A leur niveau, les
chefs du service académique d’information et d’orientation (CSAIO), les
inspecteurs d’académie, les IEN-IO ou encore les chefs d’établissement
d’un même bassin ou district ressentent le besoin de définir de nombreux
indicateurs statistiques : taux de redoublement, orientations par grandes
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
57
voies, développement des sections des filières professionnelles, actions de
réinsertion, etc. Mais ces indicateurs sont hétérogènes, si bien que les
résultats en matière d’orientation demeurent difficiles à interpréter et
rendent aléatoire toute comparaison entre académies.
L’étape majeure de l’orientation, qui se situe aujourd’hui à la fin
de la classe de troisième, illustre les défauts de cette procédure dont
l’efficacité apparaît limitée et les effets insuffisamment évalués.
Si celle-ci rencontre globalement l’adhésion des familles, les taux
d’appel des décisions d’affectation à l’issue du collège varient tout
d’abord sensiblement selon les régions. Ces différences reflètent les
caractéristiques régionales des académies et notamment la composition
socioprofessionnelle de leur population. Alors qu’en 2001, le taux d’appel
atteint 5,4 % à Paris et 3,5 % à Versailles, il n’est que de 0,7 % à Amiens,
0,8 % à Lille et 0,9 % à Reims. Dans ces académies, qui présentent une
population active peu qualifiée ou confrontée à des difficultés sociales,
les familles se montrent comparativement plus soumises aux décisions de
l’institution scolaire.
L’ambiguïté des politiques académiques en matière d’orientation
tient également au fait que les décisions d’affectation apparaissent parfois
moins liées aux intérêts des élèves que conditionnées par les formations
disponibles dans l’académie, et notamment par la volonté de mieux
utiliser les structures existantes dans l’enseignement professionnel et dans
les formations technologiques des lycées. Le taux d’orientation vers les
filières professionnelles varie ainsi, selon les académies, de 18 % à 38 %
des effectifs
11
. Les taux les plus élevés concernent les académies qui
présentent une forte proportion de lycées professionnels (Lille, Amiens,
Besançon, Caen et Reims) et ce constat laisse supposer que la structure de
l’offre de formation conditionne, au moins pour partie, l’orientation des
élèves.
Si le souci d’une utilisation optimale et d’un meilleur remplissage
des différentes structures et filières d’enseignement n’est pas en soi
critiquable, il ne saurait toutefois remplacer l’indispensable réflexion sur
l’adéquation de l’offre, non seulement à la demande des jeunes et des
familles, mais également aux besoins des employeurs et à l’évolution
technologique. L’absence d’une véritable politique d’orientation conduit
ainsi nombre d’académies à ouvrir des formations nouvelles sans pour
autant en fermer d’autres devenues obsolètes par rapport aux besoins de
l’économie. Il en résulte une offre de formation qui est à la fois,
11
) Sur 100 élèves sortant de la classe de 3
ème
en 2000, 59 ont été orientés vers les
lycées généraux et technologiques, 29 vers les lycées professionnels, les autres
rejoignant soit l’apprentissage, soit l’enseignement agricole.
58
C
OUR DES COMPTES
surdimensionnée par rapport à la demande des élèves dans les secteurs
porteurs et inadaptée dans ceux qui ne le sont pas.
Au-delà de la fin du collège, la classe de seconde constitue une
phase ultérieure d’ajustement des choix opérés en classe de troisième.
Elle doit en particulier offrir la possibilité d’une réorientation, notamment
en fonction des options choisies par l’élève durant cette année. Dans cette
perspective, le code de l’éducation prévoit la mise en œuvre de
« passerelles »
qui
permettent,
par
des
structures
pédagogiques
appropriées, le passage d’un type de lycée vers un autre. On ne peut, dans
la pratique, que nourrir des doutes sur l’efficacité de ces mesures : les
classes de première d’adaptation sont le principal dispositif qui permet
ces passages mais leurs effectifs demeurent stagnants et peu d’élèves des
filières professionnelles rejoignent aujourd’hui les classes des lycées
généraux et technologiques.
Les
interrogations
qui
demeurent
quant
à
l’efficacité
de
l’orientation doivent être mises en regard des crédits consacrés à ces
procédures. Les emplois concernés représentent ainsi, sur le chapitre 31-
93, un effectif de 4 360 personnes
12
, auxquels s’ajoutent une centaine
d’IEN-IO, ainsi que les 510 emplois du réseau de l’ONISEP. Ce dernier
bénéficie, en outre, d’une subvention annuelle de 25,5 M€ à laquelle
s’joutent les crédits alloués aux CIO par les adadémies ou les collectivités
territoriales
13
. Enfin les dotations inscrites au budget de l’éducation
nationale, au titre de l’ISOE, s’élèvent, en 2001, à près de 650 M€.
II
Des politiques diversifiées au service des élèves
Pour atteindre les objectifs qui lui ont été fixés, le système scolaire
s’est investi dans des politiques diversifiées au service des élèves qui ont
poursuivi chacune des buts spécifiques. Le maintien du réseau
d’enseignement en milieu rural traduit la volonté d’assurer une offre de
formation de proximité. La coexistence de trois réseaux distincts de
formation professionnelle vise à offrir aux élèves des cursus alternatifs
par rapport aux filières générales des lycées. L’éducation prioritaire et la
mise en place des fonds sociaux reflètent le souci de mieux prendre en
compte les publics scolaires en difficulté.
12
) 572 directeurs de CIO et 3 785 COP
13
) Le fonctionnement des 518 CIO relève actuellement soit du ministère de
l’éducation nationale (pour 281 d’entre eux), soit des conseils généraux (234 CIO),
soit des communes (3 CIO).
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
59
Toutes ces politiques, conduites de front, ont mobilisé des moyens
conséquents dont la maîtrise budgétaire, le suivi administratif et le
bénéfice pour les élèves méritent examen.
A
Le maintien d’un réseau dense en milieu rural
L’histoire de l’école montre le rôle déterminant qu’a joué
l’implantation des établissements en milieu rural dans le développement
de la scolarisation primaire puis secondaire. Depuis la fin du 19
ème
siècle,
la volonté politique d’offrir à tous les élèves une offre de formation
comparable et un égal accès à l’enseignement a été constante. La loi
d’orientation de 1989, qui rappelle solennellement le principe d’égalité
des chances dans son article premier, garantit ainsi à chaque enfant,
quelle que soit son origine géographique, le même droit à l’éducation.
Elle fait notamment des « zones d’habitat dispersé », une des priorités du
service public de l’éducation nationale, en termes de répartition des
moyens et d’encadrement des élèves. Cet aspect de la gestion du système
scolaire a été examiné par la Cour à l’occasion de différentes enquêtes
effectuées notamment dans les académies de Caen, Rennes et Toulouse.
Les enseignements tirés de ces enquêtes ont été complétés, au niveau
national, par les données statistiques fournies par le ministère.
14
Il apparaît en premier lieu que la question de l’école rurale ne se
limite pas à un simple enjeu éducatif. Face aux transformations
démographiques et économiques qui affectent les campagnes, celle-ci est
également et sans doute avant tout un enjeu d’aménagement du territoire,
qui concerne aussi bien l’Etat que les collectivités locales. Dans bien des
cas, le réseau scolaire, en particulier dans le premier degré, apparaît ainsi
comme l’un des derniers maillons de proximité du service public et les
fermetures de classes, ou d’écoles, même si elles sont pédagogiquement
justifiées, sont toujours ressenties par les acteurs locaux comme un
facteur de dévitalisation et de marginalisation des zones rurales
concernées, voire comme une forme de trahison de la République à
l’égard de certains des siens.
14
) Direction de la programmation et du développement et direction de
l’enseignement scolaire.
60
C
OUR DES COMPTES
Le maintien d’un réseau scolaire en milieu rural
15
soulève
également la question de son efficacité et de sa capacité à permettre
l’insertion professionnelle et sociale de ses élèves. La demande d’un
enseignement de qualité n’apparaît pas, de ce point de
vue, toujours
conciliable avec le fait de conserver à tout prix un service de proximité.
Enfin, dans un cadre budgétaire nécessairement contraint, le maintien
d’établissements ruraux accueillant un faible nombre d’élèves implique
un arbitrage plus ou moins implicite avec les autres priorités éducatives,
qu’il s’agisse d’accompagner la hausse des effectifs scolaires en milieu
urbain ou de développer, en faveur des publics défavorisés, une politique
d’éducation prioritaire.
Confrontée à la complexité du débat, à la multiplicité de ses enjeux
et à ses contradictions, l’éducation nationale s’efforce de concilier
l’intérêt général et la réussite des élèves avec les intérêts locaux, en
empruntant la voie du dialogue et de la concertation. En favorisant les
solutions alternatives (mise en réseau des établissements, développement
de l’enseignement à distance), en associant plus étroitement les
collectivités territoriales et les élus à l’élaboration de la carte scolaire et
en s’attachant à une plus grande transparence et à une meilleure
communication dans le processus de décision, le ministère de l’éducation
nationale tend à mener, depuis plusieurs années, une politique
pragmatique, en cherchant à éviter le double écueil de l’abandon et de la
sur-protection des structures rurales.
1
Les écoles rurales
Au sein de ces dernières, les écoles primaires tiennent une place
particulière compte tenu de leur nombre relativement important. En 1999-
2000, près de la moitié des écoles publiques (45 %) sont en effet situées
en zone rurale, soit 23 400 écoles maternelles et élémentaires sur un total
de 52 300. Elles n’accueillent cependant que 24 % des effectifs du
premier degré, ce qui conduit logiquement à des établissements scolaires
de taille modeste : 56 élèves en moyenne contre 140 dans les écoles
situées en zones urbaines. On constate en outre que 58 % des écoles
rurales ne comptent qu’une ou deux classes, alors qu’en milieu urbain les
structures comparables représentent moins de 8 % des écoles. Cette taille
des écoles rurales a pour corollaire des coûts d’enseignement et des taux
15
) La définition du « rural » utilisée ici correspond à celle qui est retenue par
l’INSEE : une commune est considérée comme rurale lorsque sa population
agglomérée au chef-lieu ne dépasse pas 2 000 habitants et qu’elle n’appartient pas à
une aire urbaine, c’est-à-dire à un ensemble multicommunal formé par une ville et sa
banlieue.
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
61
d’encadrement nettement plus élevés qu’en moyenne nationale. Dans les
13 départements métropolitains, où plus de 60 % de la population vit dans
des zones à dominante rurale, le nombre de maîtres pour 100 élèves (ratio
P/E) s’établit à 6,3, taux supérieur d’un point à la moyenne nationale (5,3
à la rentrée scolaire 2000).
Au cours de la dernière décennie, cependant, les surcoûts induits
par la ruralité et mesurés par l’évolution du ratio P/E ont été relativement
bien maîtrisés et de réels efforts ont été entrepris pour rationaliser le
réseau scolaire du premier degré. Dans un contexte où l’espace à
dominante rurale connaît un léger regain démographique et gagne près de
247 000 habitants entre les recensements de 1990 et de 1999 (+ 1,9 %), le
nombre de classes en zones rurales est resté quasiment stable, avec même
une légère diminution (d’environ 300 classes) dans les communes
appartenant au « rural isolé ».
Le faible effectif de certaines écoles a par ailleurs conduit à
développer les regroupements pédagogiques intercommunaux
16
(RPI),
qui permettent, tout en réalisant des économies d’échelle, de constituer
des structures scolaires d’une taille qui soit, sur le plan pédagogique,
suffisamment viable. Entre 1990 et 2001, le nombre de ces RPI a
augmenté de 22 % et, aujourd’hui, près de 45 % des écoles rurales
appartiennent à un regroupement pédagogique, contre seulement 17 % en
1985. Parallèlement, le nombre d’écoles à classe unique (7 321 à la
rentrée 1999 - dernier chiffre connu) a connu une diminution régulière,
avec plus de 2000 fermetures au cours de la décennie 1990-2000.
2
Les collèges ruraux
S’agissant du second degré, les établissements en milieu rural sont,
en proportion, nettement moins nombreux et seul le premier cycle est
véritablement concerné : en dehors du cas spécifique des lycées agricoles,
on ne compte en effet qu’une trentaine de lycées « ruraux » sous tutelle
du ministère de l’éducation nationale.
Les collèges situés en zone rurale sont quant à eux au nombre de
872 à la rentrée scolaire 2001 (soit 18 % des collèges) et accueillent
9,5 % des élèves du premier cycle. A l’instar du primaire, il s’agit
d’établissements de petite taille, avec un effectif moyen de 286 élèves
16
) Il existe deux catégories de RPI :
- les RPI dispersés qui comportent dans plusieurs communes l’implantation d’une
ou plusieurs classes, l’ensemble fonctionnant, sur le plan pédagogique, comme
une seule école ;
- les RPI concentrés où toutes les classes sont regroupées sur un site unique.
62
C
OUR DES COMPTES
contre 515 pour l’ensemble des collèges métropolitains. Les très petits
établissements (avec un effectif inférieur à 100) sont toutefois peu
fréquents (moins de 5 % des collèges), tandis que plus du tiers des
collèges (38 %) dépassent le seuil des 300 élèves. Au cours des quinze
dernières années, le réseau des collèges ruraux se caractérise par une
relative stabilité : les effectifs scolaires (250 000 élèves en 2001-2002)
évoluent peu (- 0,5 % entre 1985 et 2001), et le nombre des
établissements augmente faiblement (+ 1 %).
En termes d’encadrement, les élèves de ces collèges bénéficient
d’une situation sensiblement plus favorable que leurs camarades des
collèges urbains. Si l’on se réfère à l’indicateur E/S
17
(effectif par
structure), le taux d’encadrement des collèges ruraux s’établit à 21,7, soit
en moyenne 1,6 élève de moins que dans les établissements situés en zone
urbaine (23,3). Les collèges ruraux se caractérisent également par des
structures moins chargées et par des taux de remplissage plus faibles : ils
sont occupés en moyenne aux trois quarts (77 %) de leur capacité
d’accueil (nombre théorique d’élèves pouvant être accueillis dans
l’établissement), contre 85 % pour les collèges urbains.
Le faible effectif des collèges ruraux et les effets de structure liés à
la taille de ces établissements induisent assez logiquement une
consommation plus élevée des moyens d’enseignement et leur « H/E »
(nombre d’heures d’enseignement par élève) est supérieur de 20 % à celui
des collèges situés en zone urbaine.
18
En prenant en compte les effectifs
d’élèves scolarisés, le surcoût pédagogique lié à la ruralité (en rapportant
le H/E des collèges ruraux au H/E moyen) représente, en 2001, environ
1 000 postes d’enseignants du second degré.
Outre un coût plus élevé en termes de moyens d’enseignement, la
ruralité pèse également plus lourdement sur les frais de fonctionnement
de ces établissements, en raison à la fois de leur isolement et de leur taille
sensiblement plus réduite. Les collèges ruraux sont tout d’abord plus
consommateurs en personnel non enseignant, puisque l’on compte 32
élèves pour un emploi d’ATOS
19
, contre 43 élèves en moyenne au niveau
national.
Cette
différence
s’explique
principalement
par
le
fort
développement de l’internat et de la demi-pension en zone rurale et donc
17
) L’indicateur E/S traduit le nombre d’élèves dont un enseignant à la charge dans sa
classe à un moment donné, compte tenu des enseignements effectués devant la classe
entière et des enseignements en groupe (travaux dirigés, options).
18
) Le H/E des collèges ruraux calculé ici correspond à la dotation horaire globale des
établissements (ou DHG) rapporté au nombre d’élèves. Il s’établit en 2001 à 1,34
contre 1,27 pour les collèges urbains.
19
) Administratifs, techniciens, ouvriers de service.
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
63
des fonctions d’hébergement et de restauration : 85 % des collégiens qui
fréquentent un collège rural sont internes ou demi-pensionnaires, alors
que ce pourcentage ne dépasse pas 60 % en moyenne nationale. L’analyse
menée à partir des comptes financiers des établissements confirme ce
constat, puisque la dépense moyenne par élève (850 € dans les collèges
ruraux) est supérieure de plus de 25 % par rapport à la moyenne
nationale. Ces charges de fonctionnement doivent toutefois être
relativisées : certes, les collèges ruraux sont plus coûteux que leurs
équivalents en zone urbaine, mais il s’agit là d’une dépense inévitable,
que les fermetures ou les regroupements d’établissements, par la nécessité
de développer les internats ou de multiplier le réseau des transports
scolaires, ne feraient sans doute qu’alourdir.
En ce qui concerne enfin l’efficacité et la qualité pédagogiques des
établissements du milieu rural, il n’existe pas d’étude exhaustive qui
permettrait de conclure de façon définitive sur les chances comparées de
réussite des élèves des collèges ruraux et urbains. En dehors d’un
recrutement social plus modeste au niveau des collèges ruraux, la taille de
ces derniers constitue sans doute leur principal handicap. Cette relative
faiblesse des effectifs contribue certes à de meilleurs taux d’encadrement
et à des classes moins chargées, mais ce facteur n’est plus aujourd’hui
considéré comme ayant une influence déterminante sur les conditions
d’apprentissage des élèves. En revanche, il conduit à une offre de
formation moins diversifiée, notamment en matière de langues vivantes.
Tandis que la totalité des collèges urbains offre au moins trois langues
différentes à leurs élèves, ce n’est le cas que pour 70 % des collèges
ruraux. En outre, il apparaît, en termes de parcours scolaire, que le taux
d’accès de la 6
ème
à la seconde générale, critère habituellement retenu
pour apprécier le fonctionnement pédagogique des collèges, dépend très
largement de la taille des établissements. A cet égard, une récente enquête
des deux inspections générales du ministère dans une académie à
dominante rurale montre que pour les collèges de moins de 250 élèves, le
taux d’accès moyen n’y est que de 37 %, alors qu’il est supérieur à 46 %
pour les collèges dont les effectifs dépassent les 500 élèves.
B
La diversification des voies de réussite
Le système scolaire offre de nombreuses voies de formation. Outre
le choix entre enseignements public et privé et le développement de
l’enseignement spécialisé qui s’adresse à des publics scolaires confrontés
à des handicaps particuliers, les élèves peuvent, à l’issue du collège,
s’orienter vers quatre secteurs de formation : les lycées d’enseignement
général et technologique et les lycées professionnels, les lycées agricoles
64
C
OUR DES COMPTES
et
les
centres
de
formation
d’apprentis.
La
mise
en
œuvre
d’enseignements extrêmement variés tant dans le premier que dans le
second degrés, sous la forme d’options, de projets pluridisciplinaires ou
d’initiations, témoigne également de la diversité des formations proposées
aux élèves.
Les récents travaux du ministère de l’éducation nationale,
notamment le rapport d’activité 2001-2002 du Haut comité éducation-
emploi-économie publié en septembre 2002, établissent une corrélation
entre la diversité de l’offre de formation des académies et la réussite de
leurs élèves. Pourtant cette diversité doit être maîtrisée. Le risque est, en
effet, de développer dans les filières d’enseignement des spécialités
coûteuses
et
inégalement
efficaces.
L’exemple
des
formations
professionnelles est, à cet égard, éclairant autant des réussites que des
limites de la diversité du système scolaire.
1
Les trois réseaux de formation professionnelle
Les formations professionnelles composent un ensemble structuré
en trois réseaux distincts : les lycées professionnels, les lycées agricoles
et les centres de formation d’apprentis. Dans cet ensemble qui regroupe, à
ce jour, 1,2 million d’élèves, le secteur privé occupe une place notable et
22 % des élèves de lycée professionnel fréquentent l’enseignement
secondaire sous contrat. Cette proportion est encore plus forte dans
l'enseignement agricole, qui compte plus de 600 établissements privés sur
un total de 860, ainsi que dans l’apprentissage où environ la moitié des
effectifs
relèvent
d’organismes
privés
(dépendant
de
fédérations
professionnelles, d’entreprises ou d’associations).
a)
La diversité des formations professionnelles
Alors que ces trois réseaux d’enseignement ont pour objectif
commun de préparer leurs élèves à la vie active en les dotant d’une
qualification validée par un CAP, un BEP, un baccalauréat professionnel
ou un BTS, ils coexistent selon un agencement complexe. Il en résulte
une difficulté à avoir une vision globale des formations professionnelles,
tant en ce qui concerne leurs coûts consolidés, leurs résultats
pédagogiques et même leurs effectifs globaux d’élèves. De façon
révélatrice, le ministère de l’éducation nationale n’a commencé à prendre
en compte l’apprentissage dans ses statistiques qu’à partir de 1994.
Auparavant les apprentis étaient considérés comme sortis du système
éducatif.
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
65
Chacun des trois réseaux se situe dans un cadre institutionnel
distinct. Les lycées professionnels sont placés sous la tutelle du ministère
de l’éducation nationale qui les gère de façon analogue aux autres
établissements publics locaux d’enseignement. Les lycées agricoles sont
de la responsabilité du ministère de l’agriculture qui, dans le cadre d’un
schéma prévisionnel national de l’enseignement agricole d’une durée de
cinq ans, assure la programmation de l’offre d’enseignement et la gestion
directe des établissements et des personnels. Les centres de formation
d’apprentis sont créés par convention entre les régions et des organismes
de gestion qui peuvent être des municipalités, des chambres de commerce
et d’industrie, des chambres des métiers, des organismes privés ou des
établissements publics d’enseignement.
b)
La juxtaposition des réseaux de formation professionnelle
Les trois réseaux de formation professionnelle sont juxtaposés dans
un maillage territorial dense. La plupart des lycées agricoles sont
implantés dans des sites géographiquement éloignés les uns des autres, ce
qui explique la part prépondérante des élèves accueillis en internat. Cet
essaimage territorial fait qu’ils accueillent en moyenne des effectifs
d’élèves plus restreints que les établissements de l’éducation nationale.
Au fil des ans, les lycées agricoles se sont spécialisés, ce qui explique
qu’ils recrutent leurs élèves à l’échelle nationale. A l’inverse, les lycées
professionnels et les centres d’apprentissage sont implantés pour répondre
à une demande de proximité. Selon les académies et leur tradition
historique, l’un des deux réseaux peut prédominer. L’académie de Lille se
caractérise par de nombreux lycées professionnels et une faible expansion
de l’apprentissage. A l’inverse, ce dernier est fortement développé dans
les académies de Strasbourg et d’Orléans-Tours.
Les trois réseaux de formation professionnelle ont à gérer des
évolutions contrastées de leurs effectifs scolaires. Le second cycle
professionnel public et privé relevant du ministère de l’éducation
nationale a plus que doublé ses effectifs entre 1960 et 1985, en passant de
383 000 à 806 000 élèves. Depuis lors, il a connu une baisse irrégulière
pour atteindre 667 000 élèves durant l’année scolaire 2000-2001. Cette
décrue a réduit la part de l’enseignement professionnel dans l’ensemble
des effectifs scolarisés en lycées : alors qu’ils en représentaient 40 % en
1985, ils n’en représentent plus que 31% en 2000-2001. Cette
désaffection pour l’enseignement professionnel masque toutefois des
évolutions disparates : une forte montée en puissance des effectifs
préparant un baccalauréat (de 1 300 en 1985, date de sa création à
167 000 en 2000), une progression modérée de ceux préparant un BEP
66
C
OUR DES COMPTES
(de 361 000 à 422 000) et à l’inverse une forte décrue des élèves inscrits
en CAP qui passent de 435 000 à 64 000.
A l’inverse, au cours des dernières années, les effectifs d’élèves de
l’enseignement agricole du second degré se sont accrus : 132 000 inscrits
en 1985, 175 000 en 2000. Il faut relever que la proportion des fils
d’agriculteurs parmi les élèves (19 % en 2000) diminue, sans doute en
raison de l’ouverture du champ professionnel de l’enseignement agricole :
aménagement de l’espace agricole, rural et forestier, gestion de l’eau et de
l’environnement, transformation et commercialisation des produits,
industrie agro-alimentaire, sécurité alimentaire, protection animale et
végétale, etc. Le secteur de l’apprentissage a également vu croître ses
effectifs qui sont passés de 225 400 en 1980 à 360 000 en 2000.
En matière de pédagogie, chacun des trois réseaux se distingue par
des méthodes spécifiques : l’alternance entre formation et activité
rémunérée en entreprise caractérise l’apprentissage ; les lycées agricoles
et les lycées professionnels dispensent des enseignements généraux et
pratiques et organisent des stages professionnels qui sont désormais
rémunérés en classe de terminale. Par ailleurs, près du tiers de l’offre de
formation en lycée agricole relève de l’enseignement général et
technologique.
Enfin,
en
matière
d’offre
de
formation
professionnelle,
l’enseignement agricole intervient dans un domaine spécifique, ce qui
limite les risques de redondance avec les deux autres secteurs de
formation professionnelle. Quelques doublons peuvent toutefois être
relevés dans l’enseignement post-baccalauréat où certaines sections de
technicien supérieur de l’éducation nationale se sont spécialisées dans
l’industrie agro-alimentaire. L’enseignement professionnel et le secteur
de l’apprentissage coexistent selon un partage qui n’est pas toujours non
plus exempt de redondances. Le dispositif de préparation aux CAP de la
filière
professionnelle
est
aujourd’hui
largement
dominé
par
l’apprentissage. Les spécialités de l’hôtellerie-restauration, les métiers de
bouche et certains secteurs du bâtiment en sont des secteurs privilégiés.
En revanche, des effets de concurrence avec l’enseignement professionnel
existent pour la vente, la menuiserie et la coiffure.
2
La revalorisation des lycées professionnels
Depuis une vingtaine d’années, les lycées professionnels, qui
constituent le réseau de formation professionnelle le plus important, ont
été l’objet de réformes successives qui visaient à en faire une voie à part
entière, parallèle aux filières générales et technologiques. Un souci
d’élévation du niveau de qualification des élèves et la recherche d’une
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
67
meilleure articulation avec l’économie ont ainsi orienté les décisions du
ministère de l’éducation nationale.
a)
La promotion de l’enseignement professionnel
Avec
la
création
du
baccalauréat
professionnel
en
1985,
l’enseignement professionnel, jusqu’alors limité aux préparations courtes
aux BEP et CAP, propose désormais aux élèves un diplôme qualifiant de
niveau supérieur (niveau IV). Le baccalauréat professionnel leur ouvre
par ailleurs l’accès à l’enseignement supérieur même si ce flux demeure à
ce jour limité
20
.
L’élévation de la filière professionnelle jusqu’au baccalauréat s’est
accompagnée d’une adaptation des méthodes d’enseignement aux besoins
spécifiques des élèves. La scolarité en lycées professionnels dure quatre
ans, au lieu de trois dans les établissements d’enseignement général et
technologique. L’évaluation des acquis des élèves est effectuée sous la
forme de contrôles terminaux mais également durant toute la durée de
formation.
Ces modalités pédagogiques spécifiques et souvent innovantes ont
été accompagnées par la constitution d’un corps enseignant reconnu et
valorisé dans ses compétences. En témoignent la rénovation des statuts,
du recrutement et de la formation des professeurs de lycée professionnel
(PLP) à partir de 1985 et l’alignement des grilles indiciaires sur celles des
professeurs certifiés en 1992. Ces mesures se sont accompagnées d’un
plan de reconversion des enseignants qui s’est étalé sur une décennie et a
permis une réelle mutation de l’enseignement professionnel.
Un désenclavement de l’enseignement professionnel a été
également
recherché
pour
mieux
l’articuler
avec
l’économie
et
l’environnement local. Les diplômes professionnels sont ainsi élaborés au
sein de commissions professionnelles consultatives qui associent des
employeurs, des salariés, des personnes qualifiées et des représentants de
l’Etat. Des conventions de partenariat et de coopération sont signées avec
les branches professionnelles. A la suite des lois de décentralisation et de
la loi quinquennale de 1993 relative au travail, à l’emploi et à la
formation professionnelle, les régions sont chargées d’élaborer des
schémas de la formation professionnelle des jeunes.
20
) Alors que la quasi-totalité des bacheliers généraux et plus de 77 % des bacheliers
technologiques intègrent l’enseignement supérieur, ce taux n’est que de 17 % pour les
bacheliers professionnels. Parmi ces derniers, les 3/5
èmes
s’inscrivent en STS. Les
bacheliers professionnels représentent 2,8 % des nouveaux étudiants en 2000.
68
C
OUR DES COMPTES
Cette politique de valorisation de l’enseignement professionnel a
été relancée depuis 1998, notamment avec l’officialisation des « lycées
des métiers » et l’alignement des obligations de services des PLP sur
celles des professeurs certifiés intervenu en 2000. S’agissant du contenu
des formations, les CAP ont fait l’objet d’une rénovation effective depuis
la rentrée scolaire 2002. Le but recherché a été de redonner leur place à
ces diplômes qui s’adressent à un large public à la recherche d’une
qualification professionnelle, d’actualiser les programmes de formation
générale qui dataient de 1982 et d’améliorer l’évaluation des dispositifs
de formation.
b)
Le coût de l’enseignement professionnel
Le ministère de l’éducation nationale ne dispose pas de données
qui permettraient de chiffrer de façon précise les dépenses induites par les
politiques en faveur de l’enseignement professionnel. Les informations
disponibles tendent toutefois à montrer que ce dernier est, en proportion,
plus coûteux que les autres filières de lycée.
En prenant en compte le coût moyen de formation par lycéen, un
baccalauréat professionnel coûte 40 % plus cher qu’un baccalauréat
général et 10 à 15 % de plus qu’un baccalauréat technologique. Le
surcoût
des
filières
professionnelles
s’explique
par
l’équipement
technique qu’elles nécessitent et par les effectifs réduits d’élèves lors des
séances pratiques d’enseignement. Il résulte également de la durée plus
longue de formation que dans l’enseignement général et technologique.
La revalorisation de la carrière des PLP et leur plan de
reconversion ont, par ailleurs, représenté un investissement financier
important. De même, l’alignement des grilles indiciaires des PLP sur
celles des certifiés et, plus récemment, la diminution de leurs obligations
de service ont, à la fois, induit des dépenses accrues de rémunération et
une diminution du potentiel d’enseignement qui peut être estimé à 12 %
des moyens disponibles.
Ces besoins en personnel enseignant sont, de plus, difficiles à
satisfaire en raison du faible rendement des concours de recrutement de
PLP. Le ministère de l’éducation nationale est, en effet, confronté à la
concurrence du secteur privé et éprouve d’importantes difficultés à
pourvoir les postes d’enseignement par des professeurs titulaires. Les
académies sont, dès lors, dans l’obligation de rémunérer des agents non
titulaires qui, dans certaines spécialités, représentent une proportion
élevée des enseignants. Le cas des disciplines artisanales doit être
également relevé : en l’absence de diplôme d’enseignement supérieur
permettant de se présenter aux concours de recrutement d’enseignement,
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
69
ces disciplines ne peuvent être dispensées qu’en recourant à des agents
non titulaires.
La baisse des effectifs d’élèves accédant aux lycées professionnels
conduit enfin à maintenir des structures d’enseignement à effectifs
réduits. Comme le montrent les études du ministère, plus de 40 % des
enseignements professionnels sont effectués, à la rentrée 2001, dans des
structures pédagogiques dont la taille est comprise entre 11 et 15 élèves,
contre 19 % dans les lycées généraux et technologiques. Aussi le ratio
H/E s’établit-il à 2,1 en lycée professionnel contre 1,5 en lycée général et
technologique. Même si certaines académies se sont récemment engagées
dans une rationalisation de leur offre de formation professionnelle, le
maintien de structures à faibles effectifs, certes parfois justifié par les
débouchés professionnels qu’elles offrent aux élèves, ne permet donc pas
d’optimiser l’utilisation des moyens d’enseignement.
c)
Des résultats mitigés
Malgré l’investissement dont il a fait l’objet depuis vingt ans,
l’enseignement professionnel connaît des résultats mitigés. Certes, la
mise en place en 1985 du baccalauréat professionnel a permis à des
jeunes d’accéder à un niveau de qualification dont ils étaient jusqu’alors
exclus. Au sein d’une génération obtenant le baccalauréat en 1999, la part
des jeunes issus de l’enseignement professionnel est de 17 %, de 53 %
pour
l’enseignement
général
et
de
30 %
pour
l’enseignement
technologique. Le développement de l’enseignement professionnel
appelle toutefois deux réserves.
Par le jeu de l’orientation scolaire, l’enseignement professionnel
accueille les élèves qui ont des difficultés à suivre un enseignement de
type classique. Or, même si cet enseignement ne peut être tenu pour
responsable de l’échec scolaire, il n’a pas constitué un véritable remède
aux sorties sans qualification. Si leur flux cesse de diminuer depuis 1995,
ce sont encore aujourd’hui 100 000 élèves qui quittent le système scolaire
sans diplôme ou avec le seul diplôme de fin d’études primaires. S’y
ajoutent les 60 000 élèves abandonnant en cours de CAP et de BEP et qui,
de fait, ont au mieux le
brevet des collèges.
Enfin le taux de chômage des jeunes issus de l’enseignement
secondaire n’a cessé d’augmenter jusqu’en 1999 où il concernait 10 %
des jeunes de 20 à 24 ans. De plus, ce taux était particulièrement élevé
par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE (7 %). L’amélioration,
constatée depuis 2000, du taux d’insertion des jeunes diplômés issus de
l’enseignement professionnel constitue toutefois un progrès qui est certes
imputable à l’institution scolaire, mais peut-être plus encore, à l’embellie
70
C
OUR DES COMPTES
économique qui a caractérisé les dernières années mais dont la poursuite
n’est pas assurée.
Il est certes difficile d’identifier les causes qui expliquent les
résultats mitigés des lycées professionnels. Cependant la complexité du
pilotage de l’offre de formation professionnelle tout autant que l’image
négative de la filière constituent des éléments d’explication.
Le pilotage de l’offre de formation dans le secteur professionnel
est difficile, sans doute plus encore que dans l’enseignement général. Il
doit, tout à la fois, répondre à la demande des élèves et de leurs familles
et prendre en compte et anticiper les besoins de qualification de
l’économie, tout en s’inscrivant dans un cadre institutionnel complexe.
Ces différents éléments ne sont pas forcément convergents.
Les contrôles de la Cour opérés dans cinq académies ont montré
que les souhaits spontanés des élèves et de leurs familles ne
correspondent pas nécessairement aux objectifs de l’institution scolaire et
aux besoins de l’économie. A titre d’exemple, l’académie de Lille s’est
engagée
dans
une
réorientation
de
sa
carte
des
formations
professionnelles tendant à privilégier celles du secteur de l’industrie qui
offrent aux jeunes davantage de débouchés que celui des services. Si cette
politique est pertinente au regard des besoins économiques régionaux et
favorable à l’insertion des élèves, elle se heurte aux souhaits de
nombreuses familles et l’académie éprouve des difficultés pour attirer des
élèves en nombre suffisant dans les formations de production industrielle
mises en place.
Par ailleurs, les structures de formation ne peuvent répondre sans
délai aux évolutions rapides des besoins en main d’œuvre. Les difficultés
à anticiper ces besoins, par nature évolutifs et souvent mal évalués par les
milieux économiques eux-mêmes, et le temps de réponse de l’institution
scolaire qui doit adapter ses contenus d’enseignement et former des
personnels compétents pour les mettre en œuvre, constituent à l’évidence
des freins pour les responsables éducatifs en charge de l’enseignement
professionnel.
De
plus,
la
complexité
institutionnelle
de
l’enseignement
professionnel, qui relève de responsabilités multiples, ne facilite pas une
mise en cohérence de l’offre de formation. Les lois de décentralisation
ont eu pour effet de multiplier le nombre d’acteurs de l’Etat et des
collectivités territoriales en charge de l’enseignement et de la formation
professionnels. Si cette situation a présenté l’intérêt de faire prendre
conscience aux uns et aux autres de la complexité des questions
d’éducation, de formation et d’insertion professionnelle, elle a accru les
difficultés à articuler leurs compétences respectives.
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
71
Enfin, alors même que l’objectif poursuivi est, au contraire, de le
valoriser, toute politique en faveur de l’enseignement professionnel
encourt le risque d’en renforcer l’image négative, l’orientation vers ce
secteur de formation étant souvent perçue comme la conséquence d’un
échec scolaire. A titre d’exemple, les « lycées des métiers » qui existent
désormais sous des formes plus ou moins abouties dans la plupart des
académies, regroupent des filières et des formations autour d’un métier ou
d’un ensemble de métiers connexes. Ce nouveau type d’établissement
élargit donc le champ de l’enseignement professionnel à toutes les
formations du secteur technique. Il permet d’optimiser l’utilisation de
moyens pédagogiques coûteux au profit de plusieurs filières dans une
même structure d’enseignement. Il tend également à effacer le clivage
entre spécialités professionnelles et technologiques, ce qui, d’ailleurs,
pourrait conduire à remettre en cause le maintien des deux voies
distinctes de recrutement d’enseignants : le CAPET pour l’enseignement
technologique, le CAPLP pour l’enseignement professionnel. En
contrepartie, le lycée des métiers risque de renforcer la césure entre les
filières du secteur professionnel et l’enseignement général.
C
La prise en compte des publics scolaires en
difficulté
Le premier article du code de l’éducation dispose que «
le droit à
l’éducation est garanti à chacun (…). Pour garantir ce droit, la
répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des
différences de situation objectives, notamment en matière économique et
sociale. Elle a pour but de renforcer l’encadrement des élèves dans les
écoles et établissements d’enseignement situés en zone d’environnement
social défavorisé (…)
. »
Cet objectif majeur du système éducatif a été principalement mis
en œuvre au sein des zones d’éducation prioritaires, les ZEP, qui existent
désormais depuis plus de vingt ans. Cependant, la scolarisation d’un
nombre croissant d’enfants dès l’âge de deux ans a également permis de
contribuer à la résorption des inégalités sociales. En revanche, les fonds
sociaux dont disposent les établissements sont insuffisamment utilisés.
1
Les zones d’éducation prioritaire
Lors de leur création en 1981, les ZEP concernaient 8 % des
écoliers et 10 % des collégiens. A la rentrée 2000, elles rassemblaient,
avec les réseaux d’éducation prioritaire (REP) créés en 1998, 18 % des
écoliers et 21 % des collégiens, soit 1 800 000 élèves (un élève sur cinq).
72
C
OUR DES COMPTES
D’après le « jaune » consacré aux politiques de la ville annexé au projet
de loi de finances pour 2002, le coût budgétaire des moyens
supplémentaires alloués aux ZEP s’est élevé à 516 M€, soit 5 % du
budget de fonctionnement de l’enseignement scolaire. Cette évaluation
repose cependant sur des données peu fiables, ainsi que l’avait souligné la
Cour dans son récent rapport public particulier consacré à la politique de
la ville
21
. De son côté, le ministère de l’éducation nationale estime qu’au
1
er
septembre 1999, compte tenu des heures de « coordination ZEP », les
moyens supplémentaires dont disposaient les collèges équivalaient à près
de 3 600 postes d’enseignants (sur la base d’un service de 18 heures
hebdomadaires).
Les ZEP ont, lors de leur création, souffert des incertitudes qui ont
caractérisé les objectifs assignés aux acteurs de terrain, à mi-chemin entre
le travail social et les missions traditionnelles de l’école. Un
recentrage est cependant intervenu en 1997 ; il a permis de remobiliser
tous les intervenants. La priorité est désormais clairement donnée aux
objectifs pédagogiques et à l’apprentissage des savoirs fondamentaux.
L’investissement croissant dans les actions péri-éducatives des autres
intervenants, collectivités locales et associations notamment, a facilité ce
recentrage.
Depuis 1999, les « contrats de réussite » fixent, dans chaque ZEP
et conformément aux priorités académiques, des objectifs précis et
arrêtent des engagements réciproques en termes de moyens. Cette logique
de projets permet d’associer tous les partenaires, académie, enseignants,
directeurs d’école et chefs d’établissement, conseillers pédagogiques, à la
définition et à la mise en œuvre des actions retenues.
Le dispositif de l’éducation prioritaire a principalement consisté à
renforcer les moyens d’encadrement des élèves : selon le ministère de
l’éducation nationale
22
, l’augmentation du nombre d’enseignants par
élèves, en moyenne de 10 % dans les écoles et 9 % dans les collèges,
n’est cependant pas uniforme sur le territoire. Il n’existe en effet aucune
norme minimale et chaque académie demeure maître de la répartition de
ses moyens sur sa circonscription. Ainsi, certains facteurs, tels que la
ruralité ou la taille de l’établissement, ont plus d’impact sur le taux
d’encadrement des élèves que le classement en ZEP. Les ZEP bénéficient
également de postes supplémentaires d’animateurs, d’aides éducateurs, de
surveillants et de personnels médico-social. L’académie d’Aix-Marseille
a pu, ainsi, doter les établissements concernés de quatre fois plus
d’éducateurs, de 15 à 20 % de personnel ouvrier en plus, de 30 % de
21
) Cour des comptes, La politique de la ville – février 2002.
22
) Source : Revue « Education et formations » n° 61, oct-déc. 2001.
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
73
personnel d’administration et de direction supplémentaires, de trois fois
plus de personnel médico-social et d’insertion.
Des mesures ont également été prises pour inciter les enseignants à
travailler en ZEP et à y rester un certain temps : la stabilité des équipes
pédagogiques est en effet considérée comme un des facteurs de succès
dans les ZEP. Or, comme la Cour l’a constaté à l’occasion de ses
enquêtes, le taux de rotation des enseignants peut être extrêmement
rapide : dans un collège de la région Ile de France, à la rentrée 2001, seuls
12 enseignants sur 40 étaient déjà dans l’établissement l’année
précédente. Les « PEP 4 »
23
, postes permettant de stabiliser pendant cinq
ans les nouveaux recrutés en leur octroyant une bonification de barème
pour les mutations ultérieures, ont été institués pour répondre à cet
objectif. De même, des avantages indemnitaires spécifiques sont
consentis aux enseignants qui exercent en ZEP. Si l’octroi de ces
avantages apparaît justifié dans des établissements où les conditions
d’exercice sont effectivement plus difficiles, leur existence a cependant
constitué un frein certain à la modification de la carte des ZEP.
L’intégration de nouveaux établissements en ZEP se heurte en effet à la
difficulté de déclasser d’autres établissements, les personnels concernés
perdant alors les avantages dont ils bénéficiaient antérieurement. Aussi,
ces
déclassements
sont
demeurés
exceptionnels
et
le
nombre
d’établissements classés en ZEP et en REP n’a cessé d’augmenter.
Le risque de favoriser un certain émiettement des moyens et,
surtout, de ne pas les affecter où ils seraient les plus utiles, n’a donc pas
été totalement évité : les statistiques élaborées par le ministère montrent
que, dans les collèges de ZEP, le nombre moyen d’élèves par classe n’est
finalement inférieur que de 1,7 à la moyenne nationale
24
.
En revanche, les écoles et collèges situés en ZEP ont été
prioritaires lors de la répartition des postes d’aides-éducateurs : les études
menées par le ministère montrent ainsi que les écoles en éducation
prioritaire, scolarisant 17,3 % des élèves, ont accueilli 32 % des aides-
éducateurs. Ce pourcentage s’élève à 37,5 % dans les collèges, qui
scolarisent 20,8 % des élèves.
Dans le cadre d’une conception volontairement très déconcentrée,
la réflexion sur les aspects pédagogiques et didactiques a été très
largement laissée à l’initiative des équipes de terrain. Ce dispositif a
l’avantage de la souplesse. Sa réalisation demeure cependant très
dépendante de la disponibilité des personnes, ce qui fragilise la pérennité
23
) PEP : postes à exigences particulières.
24
) D’après les sources précitées, l’indicateur E/S, nombre moyen d’élèves par
structure, est égal à 22,8 en moyenne nationale et à 21,2 en ZEP.
74
C
OUR DES COMPTES
des actions entreprises. De surcroît, les aspects qualitatifs, relatifs à la
formation des enseignants et au dispositif d’appui pédagogique, ont été
inégalement développés. Les difficultés les plus fréquemment citées par
les intervenants dans les ZEP ne sont pas liées aux moyens mis en œuvre
mais à l’insuffisance de l’accompagnement pédagogique et de la
formation.
De même, les académies demeurent trop souvent dans l’ignorance
des moyens mis en œuvre par les autres structures qui œuvrent en faveur
du même objectif de réduction des inégalités : collectivités locales,
associations, autres services de l’Etat. Ainsi, jusqu’en 1998, les rectorats
n’étaient qu’insuffisamment associés aux actions menées dans le cadre de
la politique de la ville. Encore aujourd’hui, la coordination entre ces
différents intervenants demeure très inégale d’un site à l’autre. Aussi, le
ministère réfléchit-il à la possibilité de mettre en place des « projets
éducatifs locaux » qui permettraient d’assurer une meilleure cohérence
des actions menées par les collectivités locales, dans le cadre des contrats
éducatifs locaux, et par les académies et les établissements, dans le cadre
des ZEP. Déjà, certaines collectivités ont ressenti ce besoin et se sont
orientées vers des collaborations étroites et structurées, comme à Grigny,
dans le cadre du « Grand Projet de Ville ». Cependant, la lisibilité des
structures n’est pas encore totalement assurée, notamment au sein même
de
l’éducation
nationale
se
superposent
encore
plusieurs
dispositifs, telles que les ZEP, les REP et les établissements classés
« sensibles ».
Enfin, il convient de relever qu’il est aujourd’hui très difficile
d’établir un lien entre l’investissement consenti en faveur des ZEP et les
résultats obtenus. Certes, des indicateurs existent, mais ils sont
d’interprétation très délicate. En effet, les études menées par le ministère
montrent que de nombreux éléments exogènes entrent en ligne de compte
et que l’évaluation précise de leur impact est complexe.
La France n’est pas le seul pays à s’interroger sur l’efficacité des
politiques de discrimination positive mises en place dans le domaine
éducatif : la plupart des pays concernés relèvent que, malgré les efforts
entrepris, les écarts constatés dans la réussite des élèves ne diminuent pas
significativement et que les résultats sont difficiles à mettre en
évidence
25
. Une étude menée en 1997 par l’IGEN
26
avait déjà souligné la
complexité des facteurs entrant en ligne de compte dans la réussite
scolaire. Il convient cependant de souligner que les différents intervenants
25
) Colloque international : « La discrimination positive en France et dans le monde »
- mars 2002.
26
) Rapport « Moisan-Simon » - 1997
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
75
qui travaillent dans les académies et les établissements classés ZEP sont
désormais très largement sensibilisés à la nécessité d’évaluer les résultats
des actions menées
27
.
2
La pré-scolarisation à deux ans
L’accueil scolaire dans les écoles des enfants de deux ans dans les
zones
socialement
défavorisées
(incluant
les
zones
d’éducation
prioritaire, mais aussi les zones rurales et de montagne) a été encouragée
dès les années 80. La France est le seul pays qui admette en milieu
scolaire des enfants de cet âge, cet accueil précoce favorisant, d’après les
études menées par le ministère, de meilleurs parcours scolaires.
Cependant, la mise en œuvre de cette politique n’a pas été
complètement maîtrisée. Le taux d’accueil de ces enfants dans les ZEP,
qui est d’environ 40 %, n’est supérieur que de cinq points à la moyenne
nationale, qui s’établit à 35 %. Cet écart, peu discriminant, demeure de
surcroît relativement stable.
Là encore, les taux sont très différents selon les académies et
révèlent des situations paradoxales : ainsi, en Seine-Saint-Denis, le taux
de scolarisation des enfants de deux ans n’est que de 21 % ; dans les
Bouches-du-Rhône,
région
qui
rassemble
également
d’importants
effectifs d’élèves en ZEP, le taux n’est guère plus élevé : 29 %. Au
contraire, l’académie de Lille, dont l’effectif scolaire est en diminution,
scolarise 63 % des enfants de deux ans. La diminution des effectifs
d’élèves dans cette académie a en effet mécaniquement libéré des places
pour ces enfants, leur scolarisation justifiant le maintien des moyens
d’enseignement
antérieurement
alloués
à
l’établissement
ou
au
département. Le niveau le plus élevé, 68 %, est atteint par la Bretagne,
académie dans laquelle la concurrence avec l’enseignement privé s’est
traduite par un effort particulier en faveur d’une scolarisation précoce
dans le public.
Ces constats montrent les limites des efforts de redistribution des
moyens d’enseignement sur le territoire national, et la difficulté manifeste
que rencontre le ministère pour tenir compte, comme le recommande
27
) En présence de données aussi difficiles à appréhender, la Cour n’a pu que prendre
acte de l’impossibilité de procéder dès maintenant à une véritable évaluation des
résultats obtenus par l’éducation prioritaire et se réserve de consacrer prochainement à
ce thème une enquête plus approfondie. Mais il lui apparaît d’ores et déjà que le
problème du renforcement des moyens, au centre de la politique pratiquée depuis une
décennie, n’est sans doute plus la question centrale.
76
C
OUR DES COMPTES
pourtant le code de l’éducation, des différences de situation économique
et sociale.
3
Les fonds sociaux
L’objectif d’égalité des chances et le principe d’un droit à
l’éducation, garanti à chaque élève, ont été inscrits dans la loi
d’orientation de 1989 et ont conduit à développer un certain nombre de
dispositifs destinés à prévenir les phénomènes d’exclusion et à permettre
une meilleure insertion des publics scolaires en difficulté. C’est le cas en
particulier des fonds sociaux, progressivement mis en place au cours de la
dernière décennie et destinés à répondre à des situations difficiles que
peuvent connaître les familles pour assumer les dépenses de vie scolaire.
Ces fonds sont au nombre de trois : le fonds social lycéen créé en 1990, le
fonds social collégien mis en place à la rentrée de septembre 1995 et
enfin le fonds social pour les cantines, créé en 1997 dans le cadre de la loi
d’orientation contre les exclusions. Répartis entre les établissements par
les services académiques, les crédits des fonds sociaux permettent
d’accorder des aides exceptionnelles qui peuvent prendre la forme, soit
d’un concours financier direct, soit de prestations en nature : prise en
charge des frais de restauration ou d’internat, financement des dépenses
relatives aux transports ou aux sorties scolaires, achats de vêtements de
travail, de matériels ou de fournitures scolaires, etc.
La gestion de ces fonds au niveau des établissements scolaires
illustre cependant toute la difficulté de mise en œuvre des politiques de
lutte contre les inégalités scolaires, qui mobilisent des moyens
budgétaires souvent importants au regard d’une efficacité parfois réduite.
Ainsi
les
fonds
sociaux,
dotés
annuellement
d’environ
85 M€,
connaissent une situation récurrente de sous-consommation. A l’occasion
des contrôles d’EPLE
28
, les chambres régionales des comptes ont relevé
l’importance des sommes non utilisées et la constitution dans les comptes
des établissements de reliquats qui, d’année en année, ne cessent
d’augmenter : à titre d’exemple, un collège de l’Est de la France affichait
au 31 décembre 2000 un total de crédits non consommés représentant
cinq fois le montant annuel des aides accordées au titre du fonds social
collégien. L’agrégation au niveau national de l’ensemble de ces reliquats
représentait à l’issue de l’exercice 2000 un total d’environ 90 M€, soit
l’équivalent d’une année de dotations.
28
) Echantillon composé de 205 établissements publics locaux d’enseignement,
répartis dans le ressort de 13 chambres régionales des comptes.
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
77
Au sein des établissements, les procédures d’attribution de ces trois
fonds sociaux sont souvent imprécises et rarement formalisées, sans citer
les cas (environ 5 % des établissements) où la commission interne
chargée de cette attribution n’a jamais été constituée, ou jamais réunie. La
politique d’aide, sur laquelle le conseil d’administration n’est presque
jamais consulté, varie considérablement d’un établissement à l’autre, et le
pourcentage de familles bénéficiaires peut aller, selon les cas, de 1 % à
30 %. Quant à l’obligation d’établir un bilan annuel de l’utilisation des
fonds, elle est loin d’être toujours respectée. Une telle situation démontre
à l’évidence toute la difficulté que rencontrent les établissements pour
sortir de leur strict rôle pédagogique et assumer une fonction sociale qui
dépasse leurs attributions traditionnelles.
III
Des moyens croissants et difficilement
maîtrisés
Première priorité nationale, l’éducation nationale, qui emploie
aujourd’hui un peu plus de 950 000 personnes dans l’enseignement
scolaire, mobilise des moyens budgétaires très importants. Alors que les
effectifs scolaires connaissent depuis dix ans une nette décrue, ces
moyens ne cessent de croître et leur évolution, compte tenu du poids des
dépenses de rémunération, résulte d’effets largement mécaniques.
L’amélioration
régulière,
mais
sans
norme
établie,
des
taux
d’encadrement pédagogique, comme l’absence de connaissance précise
des coûts induits par les diverses politiques éducatives mises en œuvre,
conduisent toutefois à s’interroger sur le caractère inévitable de cette
évolution. Face aux logiques financières et quantitatives qui ont
longtemps prévalu, il semble bien que la réponse aux enjeux actuels du
système scolaire se trouve moins dans un accroissement continu de son
budget que dans une gestion optimisée et sans doute plus rigoureuse de
ses moyens.
A
Des crédits budgétaires en hausse constante
Le budget de l’enseignement scolaire s’est élevé, en loi de finances
2001, à 50,6 Md€, soit le cinquième du total des crédits civils de l’Etat.
Depuis 1990, ce budget a augmenté en euros constants de 38 %
(+ 14 Md€), soit deux fois et demi plus vite que le budget général de
l’Etat, dont la progression, sur la même période, a été nettement plus
modérée (+ 15 %). Dans le même temps, les effectifs scolarisés (public et
privé) ont connu une diminution de 4,5 %, soit une baisse de près de
78
C
OUR DES COMPTES
550 000 élèves (420 000 dans l’enseignement du premier degré et
130 000 dans l’enseignement secondaire).
Cette augmentation des moyens budgétaires peut surprendre. Elle
s’explique en réalité par la part prépondérante des crédits de
rémunération, qui représentent, à eux seuls, près de 95 % des dotations de
la section enseignement scolaire, contre 55 % en moyenne pour
l’ensemble des départements ministériels. Compte tenu de la tendance
naturellement haussière des dépenses de personnel, sous l’effet
notamment du glissement-vieillesse-technicité (GVT) et des différentes
mesures à caractère indemnitaire ou catégoriel, cette spécificité ne fait en
outre que s’accentuer. Entre 1985 et 2000, le poids relatif des
rémunérations est passé de 91 à 96 %, réduisant d’autant le pourcentage
des moyens consacrés à l’intervention et au fonctionnement, ainsi qu’aux
dépenses
en
capital.
Cette
rigidité
structurelle
du
budget
de
l’enseignement scolaire ne laisse que peu de marges de manœuvre et
contraint fortement la capacité d’arbitrage financier. Chaque année, la
majeure partie des moyens supplémentaires accordés en loi de finances,
se trouve ainsi absorbée, soit par les différentes mesures qui visent à
revaloriser la situation des personnels, soit par les créations d’emploi soit
encore par les mesures qui conduisent à compenser la diminution des
obligations de service des enseignants (PEGC à la fin des années 80, PLP
des matières techniques en 2002). A titre d’exemple une progression de
1 % du « point fonction publique », équivaut à une augmentation d’un
demi-milliard d’euros des dépenses de l’enseignement scolaire.
Le poids croissant des dépenses de rémunérations est évidemment
lié à l’importance des effectifs rémunérés. En 2001, les emplois inscrits
au budget de l’enseignement scolaire représentent 56 % du total des
emplois civils de l’Etat. Au nombre de 1 098 000, ils se répartissent entre
954 000 emplois budgétaires (enseignants et non-enseignants) et 131 700
emplois d’enseignants des établissements privés sous contrat, auxquels il
convient d’ajouter 12 300 emplois « non budgétaires » de personnels
rémunérés par leurs établissements d’affectation.
Entre 1990 et 2001, dans un contexte marqué par l’évolution à la
baisse de la démographie scolaire, 31 000 emplois supplémentaires ont
été créés au profit de l’enseignement scolaire, ce qui constitue une
progression de près de 4 % en 10 ans. Parallèlement, les établissements
d’enseignement privé ont vu augmenter d’environ 12 000 (soit une
augmentation de 10 %) le nombre des autorisations de recrutement de
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
79
personnels enseignants
29
. Cette politique de création d’emplois, qui a
bénéficié pour l’essentiel aux établissements du second degré (+ 9 % en
dix ans), ainsi qu’aux personnels des filières administratives et techniques
(+ 5 %), a principalement visé le renforcement de l’encadrement
pédagogique et administratif des élèves dans les établissements, la
poursuite de la lutte contre les inégalités scolaires et sociales, notamment
par la relance de la politique d’éducation prioritaire, et la résorption, par
l’attribution de moyens supplémentaires, des écarts de dotations entre les
académies.
L’augmentation des effectifs budgétaires ne constitue toutefois
qu’un des facteurs de l’évolution des crédits consacrés à l’enseignement
scolaire. La croissance, sur la dernière décennie, des dépenses de
rémunération résulte en effet, en grande partie, des mesures statutaires et
indemnitaires qui ont été prises en faveur des personnels du ministère de
l’éducation nationale, dont le coût budgétaire total peut être estimé sur
dix ans à près de 6 milliards d’euros. Les mesures résultent du plan de
revalorisation de la fonction enseignante de 1990 (plan Jospin) et du
protocole d’accord sur la refonte de la grille de la fonction publique de
1991 (protocole Durafour). Des mesures complémentaires ont été prises
en 1994 dans le cadre du « plan Lang », puis en 1996 dans le cadre du
« plan Bayrou ». En outre, l’intégration des instituteurs dans le corps des
professeurs des écoles a concerné, entre 1990 et 2001, plus de 190 000
personnes.
Le
rythme
actuel
d’intégration
devrait
normalement
s’accélérer (avec des contingents annuels de l’ordre de 20 000
transformations d’emplois) afin d’unifier d’ici 2007 les deux corps
d’enseignants du premier degré. Sur la période 1990-2007, l’impact
budgétaire sur les rémunérations d’activité de l’intégration d’environ
320 000 instituteurs est actuellement évalué à un milliard et demi d’euros.
29
Pour retracer l’évolution effective des emplois inscrits à la section scolaire, il est
nécessaire de prendre en compte les modifications de périmètre qui ont pu intervenir :
transfert d’emplois vers la section enseignement supérieur (cas des enseignants en
IUFM) ou encore des transformations d’emplois budgétaires en crédits de
rémunération (cas des maîtres d’internat et surveillants d’externat). S’agissant de
l’enseignement privé, il convient en outre de souligner que le décompte effectué par le
ministère repose non sur des emplois budgétaires proprement dits, mais sur les
effectifs réellement rémunérés, en fonction dans les établissements.
80
C
OUR DES COMPTES
Les instituteurs et les professeurs des écoles
Afin de revaloriser la situation des maîtres du premier degré,
classés dans un corps de catégorie B, le décret n° 90-680 du 1
er
août 1990
a créé le corps des professeurs des écoles, corps de catégorie A bénéficiant
d’un échelonnement indiciaire nettement plus favorable. Le recrutement a
par ailleurs été profondément remanié. Les concours, du niveau minimum
de la licence, sont désormais académiques et les écoles normales ont été
remplacées par les instituts universitaires de formation des maîtres
(IUFM).
L’intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des
écoles s’effectue soit par concours interne (environ 15 % des intégrations)
soit par la voie de la liste d’aptitude (85 %). L’extinction du corps des
instituteurs est actuellement prévue à l’horizon de 2007. Au 1
er
janvier
2001, les instituteurs représentaient encore 47 % de l’effectif des
enseignants du premier degré.
B
L’augmentation des taux d’encadrement
pédagogique
L’augmentation du nombre des enseignants rémunérés sur le
budget de l’enseignement scolaire, conjuguée à la diminution des effectifs
d’élèves a permis, par un accroissement mécanique des moyens
d’enseignement,
le
développement
de
politiques
éducatives
discriminantes ainsi que la mise en œuvre des principes énoncés dans la
loi d’orientation de 1989. Les moyens supplémentaires ainsi dégagés ont
en particulier contribué à une meilleure prise en charge des publics
scolaires en difficulté, au maintien du réseau rural, à l’amélioration des
conditions d’enseignement dans les zones sensibles ainsi qu’à la
diversification des parcours pédagogiques dans le second degré. Ils se
sont surtout traduits, à tous les niveaux d’enseignement, par un
renforcement des taux d’encadrement et par une réduction sensible de la
taille des classes.
Cette évolution correspond en outre à une mesure que les parents
comme les enseignants appellent régulièrement de leurs vœux. Elle
constitue une revendication permanente des acteurs du système scolaire,
qui considèrent que son fonctionnement ne peut se réduire à
l’arithmétique simpliste qui calque l’évolution des moyens sur celle des
effectifs. Au cours des trente dernières années, l’effectif moyen des
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
81
classes ou des divisions
30
a ainsi diminué de quatre à cinq élèves dans le
premier degré, et d’un peu plus de deux élèves dans l’ensemble du second
degré.
S’agissant
plus
précisément
de
la
dernière
décennie,
l’enseignement primaire public (élémentaire et préélémentaire) a vu ses
effectifs diminuer de plus de 330 000 élèves (- 6 %), alors que, sur la
même période, le nombre des enseignants a augmenté d’environ 3 000
personnes (en effectifs rémunérés). Il en résulte, pour l’ensemble du
primaire, un sensible allégement des classes dont l’effectif moyen est
passé de 24,1 élèves en 1990 à 23 en 2000. Cette tendance est toutefois
nettement plus marquée dans l’enseignement préélémentaire, où les
classes comptent aujourd’hui 2,2 élèves de moins qu’en 1990 (25,5 élèves
à la rentrée 2000, contre 27,9 dix ans auparavant).
En termes de moyens, cette évolution se traduit par un
accroissement du ratio P/E, qui mesure, dans le premier degré, le nombre
de postes d’enseignants pour 100 élèves. En dix ans, cet indicateur est
passé 4,98 à 5,31. Le surcoût correspondant (en supposant que le P/E ait
été maintenu à son niveau de 1990) représente un total d’environ 16 000
emplois budgétaires. Il s’explique essentiellement par une gestion des
moyens, qui, tout en accompagnant les hausses d’effectifs et en apportant
des
moyens
supplémentaires
aux
académies
confrontées
à
un
environnement social difficile, a cherché à limiter au maximum les
retraits d’emplois dans les départements affectés par la baisse
démographique, et ce afin d’éviter des bouleversements trop importants
dans le potentiel d’enseignement et la structure scolaire des départements
concernés.
En ce qui concerne le second degré public, l’allégement des
structures
est
particulièrement
sensible
dans
le
second
cycle
professionnel, avec une diminution, sur dix ans, de 23,1 à 19,8 du nombre
moyen d’élèves par division. L’évolution est également significative dans
le second cycle général et technologique, où l’effectif moyen est passé de
31 à 28,5. Au collège, en revanche, la taille des divisions connaît une
relative stabilité : 24 élèves en moyenne en 2000, contre 24,3 en 1990.
30
) La division, souvent appelée classe dans le langage courant, est la structure
pédagogique dans laquelle est inscrit tout élève du second degré. Quel que soit son
niveau de formation (6
ème
, 5
ème
, etc.), un élève est inscrit dans une division et une
seule par le chef d’établissement. Une division regroupe des élèves qui suivent en
commun les principaux enseignements, généralement les matières d’enseignement
général obligatoire (tronc commun). Un groupe désigne un sous-ensemble d’élèves
d’une division qui suivent un enseignement ayant donné lieu à dédoublement.
82
C
OUR DES COMPTES
La réduction de la taille des classes dans l’enseignement
secondaire ne mesure cependant qu’imparfaitement l’amélioration des
conditions d’encadrement. En effet, outre la diminution de l’effectif
moyen par division, les collégiens, et plus encore les lycéens se voient
proposer un plus grand nombre d’enseignements optionnels ou en petits
groupes : dans les lycées d’enseignement général et technologique, le
pourcentage d’heures assurées en groupe et non devant la classe entière
dépasse ainsi 45 % et approche 55 % dans les lycées professionnels. Il en
résulte une baisse importante du nombre d’élèves par enseignant : à la
rentrée 2002, ce ratio s’établit à 12,6 contre 13,9 en 1990, soit en dix ans
une variation de l’ordre de 10 % des taux d’encadrement.
Une telle évolution a évidemment un impact direct sur les moyens
d’enseignement et sur leur consommation, comme l’illustre le tableau ci-
après :
Evolution 1997-2001 du nombre d’heures d’enseignement par élève
31
(H/E)
Type d’établissement
H/E
1997
H/E
2001
Evolution
1997/2001
Collège
1,227
1,254
2,2 %
Lycée d’enseignement général et techno.
1,425
1,503
5,5 %
Lycée professionnel
1,988
2,093
5,3 %
Total
1,375
1,418
3,1 %
Source : ministère de l’éducation nationale – DPD
Tous niveaux confondus (de la 6
ème
aux classes de BTS), le
nombre d’heures enseignées rapporté au nombre d’élèves (indicateur
H/E) a augmenté sur les cinq dernières années de 3 %. Cette progression
est encore plus sensible dans le second cycle avec un accroissement du
H/E de près de 6 % au cours de la même période. Outre le développement
d’enseignements devant des groupes d’élèves à faible effectif, la
complexité des organisations pédagogiques du lycée s’oppose en effet à
une réduction du nombre des divisions proportionnellement à la baisse
que connaissent les effectifs scolaires. Cette absence d’adéquation entre
les structures d’enseignement et le nombre des élèves induit une
augmentation mécanique de l’encadrement pédagogique.
31
) Il s’agit ici des heures d’enseignement devant élèves stricto sensu, déduction faite
des heures hors enseignement : heures de 1
ère
chaire, de laboratoire, de cabinet, de
coordination, etc.
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
83
A contrario,
il convient de relever, au niveau du collège, la faible
progression du H/E (+ 2 % entre 1997 et 2001) et ce en dépit des moyens
d’enseignement consacrés, dans le premier cycle, au développement de
l’éducation prioritaire. Il faut voir, dans ce constat, la conséquence directe
de la politique menée en faveur des lycées, où le retrait des moyens est
resté très inférieur à ce qu’aurait permis une démographie scolaire
globalement négative. Le maintien, en second cycle, d’une offre de
formation souvent surdimensionnée a ainsi été financé au détriment du
collège qui n’a connu, depuis dix ans, qu’une amélioration limitée de ses
taux d’encadrement pédagogique. Alors que toutes les analyses
soulignent le faible encadrement en collège et les difficultés d’insertion
de l’ensemble des élèves dans un enseignement classique de type second
degré, le premier cycle ne paraît pas avoir constitué la priorité des
différentes politiques ministérielles, comme le montre son ratio H/E,
inférieur de 17 % à celui du lycée et de près de 40 % à celui du lycée
professionnel.
Les indicateurs d’encadrement des élèves du second degré
Pour apprécier les conditions d’accueil des élèves du second degré,
la taille des structures pédagogiques et l’utilisation des moyens
d’enseignement,
le
ministère
de
l’éducation
nationale
utilise
principalement trois types d’indicateurs : E/D, E/S et H/E.
Le premier et le plus simple de ces ratios est le E/D ou taille
moyenne d’une division (ou classe). A la rentrée scolaire 2001, le nombre
moyen d’élèves par division est de 24 dans le second degré public. Cet
indicateur, calculé par niveau de formation, recouvre de fortes différences
puisqu’il varie de 13,2 en SEGPA (sections générales d’enseignement
adapté) à 33,3 en classes préparatoires aux grandes écoles. Le E/D s’établit
à 24 en collège et à 28,5 dans le second cycle général et technologique. Il
descend en lycée professionnel à 20 élèves par division.
La taille des divisions ne reflète cependant que très imparfaitement
les conditions réelles dans lesquelles sont organisés les enseignements. En
effet, les élèves ne les suivent pas toujours en division entière mais
souvent en groupe à effectif réduit. C’est le cas généralement des matières
qui donnent lieu à des dédoublements et dont les enseignements sont
organisés en travaux pratiques, travaux dirigés, ateliers mais également
des langues vivantes ou des options. Toutes formations confondues, plus
du tiers des heures d’enseignement (34,6 %) sont ainsi assurées en groupes
et non devant la division entière.
Afin de mieux rendre compte de l’organisation pédagogique des
établissements, le ministère utilise comme ratio le nombre moyen d’élèves
dont un enseignant à la charge dans sa classe à un moment donné. Ce
nombre d’élèves par structure (E/S) est déterminé en prenant en compte
tous les enseignements suivis part les élèves, qu’ils soient dispensés en
84
C
OUR DES COMPTES
groupe ou en division. Globalement, le E/S est égal à 21 élèves (rentrée
2001). C’est dans le second cycle professionnel, ou plus de la moitié des
enseignements s’effectue en groupe, que cet indicateur est le plus faible
(15,6 élèves en moyenne). En collège et en lycée général et technologique,
les E/S sont très proches (respectivement 22,6 et 22,8), alors même que les
E/D sont très différents (24 et 28,5). Cela signifie que si au lycée les
classes sont en moyenne plus chargées qu’au collège, les enseignements
optionnels, devant des groupes à faible effectif, y sont en revanche plus
développés.
Le nombre d’élèves par structure implique selon son niveau une
consommation plus ou moins forte des moyens d’enseignement. C’est
cette consommation que mesure le nombre d’heures par élèves ou H/E. Le
coût moyen d’un élève du second degré s’établit ainsi à 1,4 heure par
semaine, avec toutefois d’importantes disparités selon les niveaux
d’enseignement. Un collégien « consomme » ainsi 1,25 heure et un lycéen
(second cycle général et technologique) 1,5 heure, alors que le coût d’un
élève du second cycle professionnel atteint 2,1 heures. Le H/E constitue
une donnée centrale pour la gestion des moyens d’enseignement. Utilisé
aussi bien par l’administration centrale du ministère que les académies, il
sert en effet d’indicateur de référence pour effectuer, en fonction des
prévisions d’effectifs, la répartition des dotations en emplois et en heures
supplémentaires.
Dans le premier et le second degré, l’amélioration continue des
taux d’encadrement apparaît, depuis plusieurs années, comme une
tendance lourde du système scolaire. Cette évolution, qui exige des
moyens croissants d’enseignement, ne montre en outre aucun signe
d’infléchissement ou de stabilisation. Dans ces conditions, il est
extrêmement difficile de tirer parti, sur le plan budgétaire, de l’évolution
actuelle de la démographie scolaire. Les exigences de diminution
d’effectifs, portées aussi bien par les parents d’élèves que par les
enseignants, s’opposent fréquemment aux tentatives de resserrement des
structures pédagogiques, quand il s’agit de fermer les classes, de
supprimer des postes d’enseignants, ou de réduire, proportionnellement à
la baisse des effectifs, le niveau des moyens d’enseignement.
Dans ce domaine, la logique qui prévaut à tous les échelons du
système tend à considérer que les emplois dégagés par la baisse
démographique doivent promouvoir les améliorations qualitatives, qui
n’auraient été que trop longtemps retardées, et servir prioritairement à
alléger la taille des classes. Or rien aujourd’hui ne permet d’affirmer
qu’une telle logique favorise l’efficacité de l’enseignement et la réussite
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
85
des élèves. Les recherches actuellement disponibles
32
sur cette question
concluent, au contraire, à l’absence d’effets significatifs et mesurables
d’une politique de réduction de la taille des classes, sauf pour des publics
en grande difficulté scolaire et à condition d’aller vers des structures
ayant nettement moins de 20 élèves. Comme l’indique le récent avis de
mars 2001 du Haut conseil de l’évaluation de l’école (HCEE), l’effet de
cette politique
« est observé presqu’uniquement dans les petites classes
de l’enseignement primaire, il ne semble se produire que si l’on procède
à une forte réduction de la taille des classes et n’est vraiment visible que
pour les enfants des familles défavorisées ».
A l’inverse, les conclusions du HCEE soulignent «
qu’une
politique touchant d’autres niveaux de scolarité ou une politique à visée
plus générale n’ont pas, d’après les recherches disponibles, d’effets
positifs, ce qui invalide la pratique de réduction de la taille des classes
« au fil de l’eau » ou délibérée, telle qu’elle a été réalisée ces dernières
années en mettant à profit la baisse démographique »
. L’absence de
résultats prouvés d’une telle politique pose, compte tenu de son coût
élevé, la question de son efficience, par rapport à d’autres mesures
éducatives. Dans le cadre d’un budget nécessairement limité, la
diminution du nombre d’élèves par classe se fait notamment au détriment
d’autres mesures sans doute plus pertinentes et peut être plus prioritaires,
telles que l’aide individualisée aux élèves ou encore les actions en
direction des personnels enseignants (formation, animation des équipes
pédagogiques, évaluation, etc.) : «
cela incite à n’envisager cette
politique de réduction de la taille des classes que de façon très sélective
et après s’être posé la question de savoir si les sommes qui y seraient
consacrées ne peuvent pas être mieux utilisées autrement
». (conclusion
de l’avis du HCEE).
C
La mise en œuvre des réformes pédagogiques
Le caractère automatique de la croissance des dépenses de
personnel et l’impact financier qui résulte de l’augmentation continue des
taux d’encadrement se conjuguent et ne laissent finalement que de faibles
marges de manœuvre pour le développement des diverses politiques
éducatives, rendues pourtant nécessaires par l’évolution constante des
savoirs, des compétences mais également des attentes de la société vis à
vis de l’Ecole. L’éducation nationale n’a pas pour autant renoncé à
afficher des objectifs pédagogiques toujours ambitieux, comme en
32
) En particulier le rapport de janvier 2001 de l’institut de recherche de l’économie
de l’éducation (IREDU) de l’université de Bourgogne.
86
C
OUR DES COMPTES
témoigne, au cours des dernières années, la succession, voire parfois
l’empilement des réformes qui ont été engagées à tous les niveaux
d’enseignement (réforme des collèges en 1996 puis réforme des lycées en
1999, plan pour l’école en 2000). L’accumulation de ces différents
objectifs ne s’accompagne cependant pas toujours d’une véritable
évaluation des moyens qui devraient permettre de les atteindre.
1
Des moyens inadaptés aux ambitions
Certes ces réformes n’ont pas l’ampleur de celles des années 1970
et 1980, avec notamment la création du collège unique ou celle des
baccalauréats professionnels. Orientées essentiellement vers la prise en
charge individualisée et l’accompagnement des élèves, leur incidence, en
termes de moyens d’enseignement ou de crédits pédagogiques, ne peut
pourtant être négligée. Or, dans bien des cas, les moyens financiers ne
sont pas au rendez-vous des réformes annoncées, dont les calendriers,
pour des raisons d’affichage politique, s’affranchissent volontiers de la
logique budgétaire. Cette absence d’adéquation entre les ressources
réellement disponibles et le contenu des décisions pédagogiques conduit
le plus souvent à les différer ou à en étaler, dans le temps, l’application.
Elle constitue également une contrainte forte pour les gestionnaires
locaux (responsables académiques et chefs d’établissement), qui sont
implicitement invités à arbitrer entre les multiples priorités ministérielles,
dont ils savent, compte tenu des moyens qui leurs sont délégués, qu’ils ne
pourront en assurer simultanément la mise en œuvre.
La difficulté de programmer des réformes qui soient en cohérence
avec les moyens dont dispose effectivement le système scolaire peut être
illustrée par le développement de l’enseignement linguistique à l’école
primaire. Cette politique, mise en œuvre à partir de 1998 dans les classes
de CM2, puis de façon progressive dans les classes de CM1, a été
confirmée par le « Plan pour l’école » de juin 2000, avec comme objectif
de généraliser d’ici 2005, dans l’ensemble des classes du premier degré,
l’apprentissage d’une langue étrangère. En attendant que les enseignants,
qui à terme ont vocation à prendre en charge ce type d’enseignement,
reçoivent une formation adaptée, le ministère de l’éducation nationale fait
actuellement appel à des intervenants extérieurs (étudiants étrangers,
personnes bilingues, locuteurs natifs vivant en France, etc.) recrutés
localement et rémunérés sur le chapitre des dépenses pédagogiques du
premier degré.
En 2000, une première enveloppe de 3,3 M€ a été réservée sur ce
chapitre pour permettre la rémunération de ces intervenants. Compte tenu
de l’objectif qui était alors d’offrir un enseignement de langues vivantes à
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
87
l’ensemble des classes de CM2, cette enveloppe s’est avérée inférieure de
près de 25 % à l’ensemble des besoins évalués par les inspections
académiques. Au titre de l’année scolaire 2001, qui comportait, à la
rentrée de septembre, l’extension du dispositif aux élèves de CM1, les
besoins s’élevaient à 14,5 M€. Avec 9,7 M€, l’enveloppe budgétaire
effectivement allouée ne représentait que 64 % de cette dotation
théorique. En 2002, avec la généralisation à toutes les classes de CM1 et
l’extension à partir de septembre aux CE2, l’écart entre les moyens
apportés et les objectifs affichés se creuse un peu plus, puisque
l’enveloppe consacrée à la poursuite du plan ne représente que 50 % des
besoins, chiffrés à 31 M€. Sur un chapitre destiné à prendre en charge la
totalité des dépenses pédagogiques du primaire
33
et dont la dotation
globale ne dépasse pas 50 M€, l’essentiel des crédits est donc mobilisé
pour ces rémunérations au détriment des autres activités et notamment
des projets d’écoles, dont les financements sont de plus en plus
difficilement assurés.
Le développement de l’éducation artistique souffre du même
décalage entre les objectifs ministériels et les moyens réellement mis en
œuvre. Ce plan, dont l’objectif est de faire bénéficier chaque élève d’au
moins deux classes à projets artistiques et culturels (PAC) au cours de son
cursus dans le premier degré, prévoit à terme la mise en place de 60 000
classes dites « à PAC ». En 2001, des moyens budgétaires, à hauteur de
10,8 M€, ont été alloués pour permettre de lancer la première étape de ce
plan, avec le financement de 20 000 classes dans les écoles publiques et
privées. Cet effort n’a cependant pas été poursuivi en 2002, puisque
seulement 2,9 M€ ont été prévus en loi de finances pour les
enseignements artistiques, alors que la poursuite du plan reposait sur
l’ouverture de 40 000 classes à PAC, soit un coût budgétaire de 24 M€.
2
Des crédits dont l’utilisation n’est pas suivie
Dans
le
second
degré,
l’articulation
entre
les
réformes
pédagogiques et les moyens d’enseignement est rendue encore plus
délicate du fait de l’autonomie budgétaire et comptable des EPLE. Les
crédits budgétaires destinés aux actions pédagogiques de l’enseignement
secondaire
34
, qui représentaient en 2001 un total de 220 M€, transitent en
33)
Bibliothèques
scolaires,
développement
des
enseignements
scientifiques
(opération « La main à la pâte »), éducation musicale, actions intégrées dans les
projets d’école.
34) Ces crédits sont principalement inscrits sur les chapitres 36-71 « Dépenses
pédagogiques et subventions de fonctionnement » et 56-37 « Dépenses pédagogiques
et technologies nouvelles : premier équipement en matériel ».
88
C
OUR DES COMPTES
effet dans les comptes financiers des lycées et des collèges, où ils sont
réputés être intégralement consommés. Or ces crédits ne sont pas
systématiquement utilisés et viennent, pour une part importante, grossir
les réserves financières des établissements. A l’arrêté comptable du
31 décembre 2000, ces réserves s’élevaient à plus de 300 M€, dont près
de 110 M€ correspondaient aux reliquats inemployés des crédits
pédagogiques.
Malgré ses efforts récents, notamment avec le développement
d’une application informatique permettant de consolider les informations
issues des comptes financiers des quelque 8 000 EPLE, le ministère de
l’éducation nationale est encore loin de disposer de données fiables et
surtout actualisées sur les moyens qui sont réellement disponibles dans
les réserves des établissements. Dans ces conditions, il est extrêmement
difficile de chiffrer avec précision les crédits nécessaires au financement
d’une réforme pédagogique, exercice qui devrait en toute rigueur résulter
de la comparaison entre le coût global de la mesure envisagée et les
moyens qui peuvent être effectivement mobilisés dans les comptes des
EPLE. A titre d’exemple, 38 M€ ont été prévus au budget 2002 pour le
renouvellement des manuels scolaires des classes de quatrième, alors que
le coût total de cette mesure est évalué à près de 60 M€. La réussite de
l’opération fait l’hypothèse de l’existence, dans les budgets des
établissements, d’un solde disponible d’au moins 22 M€, sur leur ligne
« manuels scolaires ».
3
L’insertion des technologies de l’information et de la
communication à l’école
En 1986, la mise en œuvre du plan
« Informatique pour tous »
s’était traduite par l’installation des premiers ordinateurs dans les classes.
L’équipement des écoles et des EPLE s’est poursuivi tout au long des
années 1990, mais de façon dispersée. En 1997, les pouvoirs publics
décident d’accélérer le passage de la société française à l’ère des
nouvelles technologies : le ministère de l’éducation nationale s’inscrit
dans le plan d’action gouvernementale pour la société de l’information
(PAGSI) et, tirant les leçons du plan « informatique pour tous », met
l’accent non seulement sur l’équipement des établissements scolaires
mais également sur les logiciels pédagogiques et la formation des
enseignants. Au sein du ministère, la direction de la technologie est
chargée de concevoir et de mettre en œuvre une politique de
développement des technologies de l’information et de la communication
dans l’enseignement, les TICE. Un peu plus de 52 M€ ont été consacrés à
cette politique sectorielle en 2001.
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
89
Cet effort financier ne répond cependant que partiellement aux
besoins des établissements (écoles, collèges et lycées) qui restent
dépendants, pour leur équipement, des collectivités territoriales. Ces
dernières, dans le cadre de leurs compétences légales, financent en effet
l’acquisition des matériels mais aussi la mise en réseau des établissements
et leur raccordement à l’internet. Dans ce domaine, les situations,
notamment dans le primaire, sont très inégales et malgré un système de
prêt à taux particulièrement avantageux, toutes les communes n’ont pas
encore procédé à l’équipement de leurs écoles. On dénombre ainsi
environ 25 élèves en moyenne par ordinateur dans le premier degré, alors
que ce ratio est de 14,5 dans les collèges, de 6,4 dans les LEGT et de 4,8
dans les LP. Une fois le premier équipement réalisé, se pose de surcroît le
problème de son renouvellement, d’autant que la technologie dans ce
domaine évolue rapidement et que les logiciels éducatifs requièrent des
capacités de traitement des données de plus en plus étendues.
Pour sa part, le ministère a arrêté des objectifs ambitieux,
consistant, contrairement au choix fait par la majorité des pays de la
communauté européenne, non pas à enseigner l’informatique comme une
discipline spécifique, mais à l’intégrer dans les autres enseignements.
L’ordinateur est présenté comme un nouvel outil à la disposition des
enseignants, succédant au tableau noir d’autrefois. Il s’agit, d’une part, de
familiariser tous les élèves à ces techniques, souvent accessibles, en
raison de leur coût, aux seules familles aisées, et d’autre part, de les
utiliser pour lutter contre l’échec scolaire en expérimentant de nouvelles
méthodes pédagogiques, jugées plus aptes à capter l’attention des élèves
en difficulté. Les académies ont été chargées de mettre en œuvre cette
politique, en arrêtant des plans académiques triennaux qui ont permis de
mobiliser les services et les établissements en faveur du développement
des TICE.
Deux problèmes majeurs se sont cependant posés très rapidement
dans les établissements et ont freiné la mise en œuvre de ces objectifs
ambitieux. D’une part, la formation des enseignants est demeurée limitée
à un petit nombre d’entre eux, particulièrement motivés par cet outil et
désireux d’en exploiter toutes les possibilités. Malgré des plans de
formation axés sur les TICE dans toutes les académies, les quelques
études réalisées montrent que leur usage demeure encore peu fréquent.
D’autre
part,
l’augmentation
du
parc
d’ordinateurs
dans
les
établissements et le développement des réseaux qui les relient a
rapidement posé le problème de la maintenance de ces installations et de
l’assistance aux utilisateurs.
Ces deux questions demeurent actuellement très mal résolues : les
solutions trouvées localement par les chefs d’établissement sont fragiles,
90
C
OUR DES COMPTES
ce qui constitue le principal obstacle au développement de l’usage des
TICE. Dans la plupart des académies, les chefs d’établissement n’ont pas
reçu de moyens, ni en techniciens, ni en crédits, et font appel aux
compétences d’un enseignant volontaire, souvent bénévole. Quelques
académies commencent à mettre en œuvre des plates-formes d’appels
téléphoniques mais les techniciens susceptibles d’intervenir dans les
établissements sur des architectures matérielles et logicielles parfois
complexes et souvent disparates sont peu nombreux. Certaines académies
ont d’ailleurs choisi d’inciter les établissements à faire appel à des
sociétés locales de services informatiques : les chefs d’établissements
interrogés par la Cour ont fréquemment constaté, à cette occasion, que les
coûts d’intervention, comme les délais, avaient, de ce fait, diminué.
La création en 2001 du brevet informatique et internet, le B2i, n’a
pas contribué à clarifier la situation. Initialement, le ministère avait
souhaité que les TICE ne fassent pas l’objet d’un nouvel enseignement,
mais soient utilisées dans toutes les matières. A cet égard, l’instauration
du B2i peut surprendre. Pour lever cette apparente contradiction, le
ministère a décidé que ce « brevet » était en réalité une attestation de
compétences, ces dernières
devant être évaluées dans toutes les matières,
à l’école primaire comme dans le second degré. Les enquêtes menées par
la Cour dans les collèges ont montré que ces conditions ne sont que
rarement respectées : lorsqu’il est délivré, le B2i est souvent attribué à
l’issue d’un examen, organisé dans le cadre du seul cours de technologie,
et sans lien avec les enseignements délivrés dans les autres matières ou à
l’école primaire.
Compte tenu de tous ces éléments, une appréciation des moyens
mis en œuvre par le ministère dans le développement des TICE et une
évaluation des résultats obtenus devraient s’imposer. Sur ces deux points,
il n’existe cependant aucune étude. En ce qui concerne tout d’abord le
budget consacré aux TICE, le ministère, comme les académies, ne
peuvent identifier que les crédits qui sont spécifiquement affectés à ces
actions, et isolés sur des lignes budgétaires particulières. Ils ne sont en
mesure d’apprécier, par exemple, ni la part des crédits pédagogiques
consacrés à l’achat de logiciels, ni les coûts de télécommunication mis à
la charge des établissements. Il n’est pas non plus possible d’évaluer les
crédits que leur consacrent les collectivités territoriales. Enfin, en ce qui
concerne les résultats de cette politique, la direction de la technologie du
ministère a renoncé, contrairement à ses ambitions initiales, à mener une
étude systématique. Il n’est donc actuellement pas possible de connaître
l’impact, dans les établissements et auprès des élèves, des efforts
d’investissements et de formation consentis, notamment depuis 1998,
dans le domaine des TICE.
L
ES OBJECTIFS ET LEUR MISE EN ŒUVRE
91
__________
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
_________
La loi d’orientation sur l’éducation de 1989 a assigné à l’école la
double mission d’accueillir tous les élèves d’âge scolaire et de leur offrir
un parcours scolaire réussi. Articuler ces deux objectifs s’est avéré
d’autant moins aisé que chacun d’eux est complexe à mettre en œuvre.
La scolarisation obligatoire a poussé le système scolaire à accueillir
ses élèves sur des parcours de plus en plus longs et de plus en plus
diversifiés. Il en est résulté une complexité qui rend plus difficiles les
ajustements nécessaires à chaque rentrée pour assurer le fonctionnement
de l’école.
Offrir un parcours réussi est un objectif global qui ne peut résulter
que d’actions multiples et susceptibles de répondre aux besoins tout aussi
multiples des élèves. La notion même de réussite scolaire est difficile à
définir. Selon les lieux où ils s’appliquent, les modèles de réussite scolaire
diffèrent car ils dépendent, certes, de la structure de l’offre de formation,
mais aussi d’éléments externes à l’éducation nationale, tels que la
composition sociale de la population scolaire ou le contexte économique.
Diversifier les parcours de formation, accroître l’encadrement
pédagogique des élèves, maintenir un réseau de proximité, donner des
chances égales de réussite scolaire aux jeunes en aidant davantage ceux
qui en ont le plus besoin, enfin élargir la palette des disciplines sont autant
de voies développées au cours des dernières décennies pour atteindre les
objectifs fixés à l’école.
Toutes ces politiques témoignent, dans leur diversité, du souci
d’améliorer la prise en charge des élèves. Par ailleurs, elles ont mobilisé
des moyens financiers et humains croissants. Outre la question de la
compatibilité de cet investissement avec les limites des ressources
publiques, se pose celle de la possibilité de poursuivre, de façon
simultanée, des politiques aussi diverses.
La comparaison des coûts entre les cycles de formation et les
diverses politiques fait apparaître une répartition des investissements
financiers qui est plus subie qu’elle ne résulte d’une politique délibérée. Il
n’est pas assuré que les crédits aient été toujours alloués de façon
suffisamment orientée vers les publics scolaires qui en ont le plus besoin.
Les incertitudes sur l’efficacité des moyens engagés dans l’éducation
prioritaire doivent conduire les responsables ministériels à se demander si
un investissement plus sélectif, et donc plus concentré sur quelques cibles,
92
C
OUR DES COMPTES
n’aurait pas mieux contribué à réduire les difficultés croissantes de
certains publics scolaires.
Aussi est-il nécessaire d’abord de compléter l’objectif d’accès au
niveau IV par des orientations nationales définies et révisées régulièrement
en fonction des besoins d’insertion et de l’accès dans les différentes voies
de l’enseignement supérieur. De tels indicateurs aideraient les académies
et les établissements dans les procédures d’orientation entre les différentes
voies générales, technologiques et professionnelles et à l’intérieur de
chacune d’elles. Ces objectifs doivent s’inscrire dans une programmation
explicite des priorités, coordonnée avec les disponibilités budgétaires. Il
convient enfin de reconnaître aux différents échelons de responsabilité du
système scolaire la possibilité d’adapter ces objectifs aux situations
particulières auxquelles ils sont confrontés, sous réserve qu’eux-mêmes
soient capables, dans le respect du cadre national, de définir leurs propres
priorités et de répartir en conséquence les moyens qu’ils entendent y
consacrer.
93
Chapitre III
Pratiques, résultats et limites
de l’évaluation
94
C
OUR DES COMPTES
Comparativement à la plupart des autres ministères, l’éducation
nationale a éprouvé très tôt le besoin d’évaluer ses performances dans le
système scolaire, les prémices de cette démarche se situant dans les
années 1960-1970. Comme l’a depuis précisé la loi d’orientation sur
l’éducation de 1989, l’évaluation de l’école poursuit deux buts : faire
progresser le système scolaire et rendre compte à la Nation de ses
résultats. Ces deux objectifs sont, à ce jour, inégalement atteints.
Pour rendre compte de ses performances, le ministère s’est doté de
structures diversifiées d’évaluation. Outre leurs travaux dans leurs
champs respectifs de compétences, l'inspection générale de l'éducation
nationale (IGEN) et l’inspection générale de l'administration de
l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) entreprennent depuis
1998 des évaluations conjointes des académies. La direction de la
programmation et du développement (DPD) réalise des évaluations sur de
multiples aspects du système scolaire, en tirant notamment parti de
l’important appareil statistique dont elle assure la gestion. Ses travaux
font l’objet d’une large diffusion et leurs qualité et probité scientifiques
sont reconnues, y compris à l’échelle internationale. La DPD participe
également aux comparaisons entre systèmes éducatifs qui sont organisées
par l’OCDE et par la Commission européenne. Enfin un haut conseil de
l’évaluation de l’école (HCEE), indépendant des services ministériels, a
été installé en 2000. Sa mission est d’examiner les évaluations conduites
dans le système éducatif, de rendre des avis sur les recherches existantes
et d’en détecter les lacunes éventuelles.
Pour diversifiée et même foisonnante qu’elle soit, l’évaluation ne
constitue pourtant pas encore un outil susceptible de participer de manière
significative aux progrès de l’école. Elle présente encore des lacunes et ne
s’inscrit pas dans une démarche coordonnée d’analyse. Elle reste surtout
trop peu utilisée dans les décisions ministérielles et insuffisamment
intégrée dans la gestion du système scolaire.
I
Des performances accrues mais sujettes à débat
Les travaux d’évaluation du ministère de l’éducation nationale,
publiés chaque année dans
L’Etat de l’école et Géographie de l’école
montrent qu’en l’espace de deux décennies, le système scolaire a
amélioré ses performances. Il a su, en effet, accueillir des élèves plus
nombreux et plus hétérogènes, pendant un temps de scolarisation plus
long et pour des objectifs de formation plus élevés.
P
RATIQUES
,
RÉSULTATS ET LIMITES DE L
ÉVALUATION
95
Les objectifs quantitatifs qui avaient été fixés par la loi
d’orientation sur l’éducation de 1989, ne sont pourtant pas atteints :
l’accès au niveau du baccalauréat stagne en deçà de 80 % d’une classe
d’âge et les sorties sans qualification n’ont pas été supprimées, loin s’en
faut. Par ailleurs, les inégalités territoriales persistent et témoignent des
difficultés rencontrées par l’école pour donner à tous les jeunes les
mêmes chances de réussite. Enfin les comparaisons internationales
publiées par l’OCDE et la Commission européenne montrent que le
système scolaire français a connu des évolutions qui se retrouvent dans
l’ensemble des pays comparables, sans pour autant toujours le placer
parmi les plus performants.
A
L’accès au baccalauréat
En matière de préparation au baccalauréat, la performance du
système scolaire s’apprécie de deux façons : l’une porte sur l’accès aux
classes de terminale de lycée (niveau IV), l’autre sur l’obtention du
baccalauréat. Dans les deux cas, l’école a fortement progressé, même si
elle connaît, à ce jour, un palier qu’elle a du mal à dépasser.
1
L’accès aux classes de terminale
La part d'une génération qui accède au niveau des classes de
terminale de lycée (niveau IV) est passée de 34 % à 69,5 % entre 1980 et
2000. Ce taux recouvre tous les types d'enseignement, y compris
l'enseignement
agricole
et
l’apprentissage.
S’agissant
des
seules
formations de l'éducation nationale, ces taux se situent respectivement à
33 % et 63,4 %.
Malgré la progression constatée, le taux d'accès au niveau IV de
formation reste inférieur à celui de quatre élèves sur cinq d’une même
classe d’âge qu'avait fixé la loi d'orientation de 1989. Celui des garçons
est inférieur de dix points à celui des filles. Le taux varie enfin selon les
académies. Près de treize points séparent l’académie de Rennes (73 %) et
celle d’Amiens (60,6 %). Toutes les académies, en outre, n’ont pas évolué
de la même manière. Ainsi Montpellier figurait parmi les mieux placées
en 1975 (34 %), alors que cette académie se situe actuellement en dessous
du taux moyen (64,6 %). Strasbourg n’a pas réussi à compenser sa
faiblesse initiale et figure toujours en queue de classement (61,6 %). Ce
faible taux reflète toutefois une spécificité régionale car de nombreux
élèves alsaciens quittent tôt le système scolaire et bénéficient d’une
insertion professionnelle plus facile que dans d’autres académies.
96
C
OUR DES COMPTES
Une analyse complémentaire des disparités académiques permet de
mesurer l’accès au niveau IV en termes de valeur ajoutée, c’est-à-dire en
comparant le taux constaté d’une académie à celui qu’elle atteindrait si
les enfants de ses différentes catégories sociales se comportaient de la
même façon qu’au niveau national. Il apparaît alors que les académies à
forte valeur ajoutée sont celles de Rennes, Limoges, Lille et Nancy-Metz.
A l’inverse, certaines académies méridionales ainsi que celle de
Strasbourg restent en deçà des valeurs attendues.
En matière de comparaisons internationales, le rapport publié en
mai 2000 par la Commission européenne sur la
Qualité des systèmes
scolaires européens
présente un indicateur sur l'achèvement des cursus
secondaires supérieurs, ce niveau de formation correspondant à la fin de
la scolarité dans les lycées français. Le taux moyen d'achèvement des
cursus se situe à 71,2 % d'une génération mais il recouvre de fortes
disparités nationales. Un premier groupe de pays présente des taux
supérieurs à 80 % : la République Tchèque, la Pologne, la Slovénie, la
Slovaquie, la Finlande et la Suède. La France se situe dans un groupe
moyen compris entre 70 et 80 % où figurent également l'Allemagne, la
Grèce, le Danemark, la Belgique et les Pays-Bas. Dans la catégorie
inférieure apparaissent le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie et le Portugal,
ce dernier présentant le taux le plus faible (50 %).
Des données complémentaires, présentées par l’OCDE dans son
ouvrage
Regards sur l'éducation
, portent sur la part de la population qui a
au moins atteint le deuxième cycle du secondaire en 1999 et distinguent
deux tranches d'âge : les 25-34 ans et les 55-64 ans.
Pourcentage de la population ayant atteint le niveau du lycée
Parmi les 55-64 ans
Parmi les 25-34 ans
Espagne
13%
55%
Italie
21%
55%
France
42%
76%
Royaume-Uni
53%
66%
Japon
60%
93%
Canada
62%
87%
Danemark
70%
87%
Allemagne
73%
85%
Etats-Unis
81%
88%
Source : OCDE, Regards sur l’éducation
P
RATIQUES
,
RÉSULTATS ET LIMITES DE L
ÉVALUATION
97
Ces statistiques montrent que la France a longtemps souffert d’un
retard qui se matérialise par un faible pourcentage d'accès au lycée des
générations de 55-64 ans (42 %). Depuis, l'effort de scolarisation dans les
lycées français est indéniable puisque 76 % des générations de 25-34 ans
y ont accédé, soit un quasi doublement par rapport aux générations
antérieures.
2
L’obtention du baccalauréat
La proportion des bacheliers parmi les générations françaises de
25 ans et plus est passée de 12,8 % en 1975 à 26,9 % en 1997. Au sein
d'une même classe d’âge, elle était inférieure à 25 % en 1980. En 2000,
elle
atteint
61,7 %.
Cette
évolution
reflète
notamment
une
démocratisation du lycée amorcée de longue date : sur 100 enfants
d'ouvriers, 10 obtenaient le baccalauréat dans les générations des années
1950, 20 dans celles nées entre 1964 et 1968, 45 dans celles nées entre
1974 et 1977. Depuis 1985 cette évolution s’est accompagnée d’une
modification de la répartition des bacheliers entre les différentes filières,
la forte progression résultant surtout de la croissance des séries
technologiques et de l’essor du baccalauréat professionnel. A l’inverse,
on assiste en proportion à une diminution du nombre de bacheliers
généraux, tout particulièrement pour les élèves de la série littéraire.
Selon les académies, la probabilité d’obtenir un baccalauréat
varie fortement. En prenant en compte les sessions du baccalauréat en
1996, 1997 et 1998, un écart de près de quinze points sépare les
académies de Créteil, Nice et Montpellier et celles de Rennes et de
Limoges.
Une fois le baccalauréat obtenu, les jeunes qui se présentent sur le
marché de l’emploi ont plus de chances de trouver rapidement un emploi
que ceux qui détiennent des diplômes de niveau inférieur. En 2000, si un
peu moins de 15 % des bacheliers étaient au chômage, ce taux était de
20 % pour les titulaires de CAP et de BEP et de 40% pour les sortants du
système scolaire sans diplôme.
B
Les sorties sans qualification
En 1980, 200 000 élèves quittaient le
système scolaire sans
diplôme ou avec le seul diplôme de fin d’études primaires. Ils sont
100 000 aujourd’hui. Cet effectif stagne depuis 1995 et montre les
difficultés qu’éprouve l’institution scolaire à réduire les sorties sans
qualification. De plus, des disparités notables subsistent entre les
98
C
OUR DES COMPTES
académies : plus de huit points séparent l’académie de Nantes (3,7 % de
sorties sans qualification en 2001) de celle d’Amiens (11,8 %).
Si l’on rapproche ces disparités géographiques de celles
constatées en matière d’accès au niveau des classes de terminale, on peut
mettre en évidence deux groupes opposés d’académies. Un premier
ensemble est constitué par celles de Rennes, Nantes, Limoges et Toulouse
où le pourcentage de sortie sans qualification est faible (moins de 5 %) et
où plus de 70 % des jeunes sortent du secondaire au niveau du
baccalauréat. A l’inverse, Caen, Strasbourg, Reims, Rouen ou encore
Amiens restent éloignées des objectifs de la loi d’orientation car l’accès
au niveau IV y est faible (entre 61 et 62 %) et le pourcentage de sorties
sans qualification y avoisine ou dépasse les 10 %.
Comme le montrent les études du ministère, c’est à l’issue du
collège que se dessinent les différences régionales, avec des politiques
académiques qui, en matière d’orientation, sont loin d’être homogènes.
Les académies de la région parisienne et du Sud-Est orientent
massivement leurs élèves vers la seconde générale et technologique, ce
qui ne garantit pas nécessairement un meilleur taux d’accès au
baccalauréat. Les académies de Lille ou de Reims privilégient, en
revanche, la filière des lycées professionnels. Enfin les académies de
Strasbourg et d’Orléans-Tours se caractérisent par l’importance des flux
d’élèves vers l’apprentissage.
A l’échelle internationale, tous les pays européens éprouvent des
difficultés à résorber les sorties sans qualification, le taux français, pour
préoccupant qu’il soit, étant voisin de ceux des pays comparables. La
Commission européenne a conduit en 1997 une enquête visant à calculer
dans les pays de l'Union et d'Europe centrale le pourcentage, au sein de la
population des 18-24 ans, des jeunes qui n’ont accompli qu’un cycle
d'enseignement secondaire inférieur (niveau des collèges français). Alors
que la moyenne se situe à 22,5 %, de très fortes disparités caractérisent
les pays. Les taux atteignent 30,2 % en Italie et 31,4 % au Royaume Uni.
Les taux les plus faibles se retrouvent en Allemagne (13,2 %), en France
(13 %), en Autriche (11,5 %) et dans les pays scandinaves (9,6 % en
Suède).
C
Les performances des élèves
Le ministère de l’éducation nationale publie, chaque année, un
indicateur portant sur les acquis des élèves en français et mathématiques à
l'entrée en CE2 et en sixième. S'agissant de l'édition 2001, les élèves de
CE2 ont répondu correctement à 72 % des questions de français et 67,1 %
P
RATIQUES
,
RÉSULTATS ET LIMITES DE L
ÉVALUATION
99
de mathématiques, ceux de sixième à 68,5 % des questions de français et
64,6 % de mathématiques. Ces taux globaux recouvrent des scores
disparates, puisque ceux des 10 % des élèves les plus forts sont deux fois
supérieurs à ceux des 10 % les plus faibles. Ces disparités résultent de
deux facteurs principaux dont l'impact s'accroît au cours de la scolarité :
l'âge et l'origine sociale des élèves.
On constate une dispersion géographique des résultats des élèves
qui demeure assez stable au cours de la décennie 1990-2000. Les
académies de Limoges, Rennes, Bordeaux ou Toulouse se situent
régulièrement quatre voire cinq points au-dessus de la moyenne nationale,
tandis
que
celles
de
Lille,
d’Amiens
ou
de
Rouen
figurent
systématiquement sept à huit points au-dessous. Si, dans ces dernières, le
poids des difficultés sociales peut éclairer les faibles performances de
leurs élèves, celles de Rennes ou de Limoges restent inexpliquées, en
l’absence d’analyses plus poussées du ministère. La mesure de la valeur
ajoutée (comparaison entre les scores réalisés et les scores attendus
compte tenu de la structure sociale de l’académie) révèle toutefois que ces
différences de performances ne se déduisent pas directement de
l’environnement socioculturel.
Les travaux conduits par le ministère pour comparer dans le temps
les performances montrent, pour leur part, que l'efficacité de l'école est
surtout perceptible sur une période longue. Indépendamment de toute
appréciation sur le niveau scolaire moyen, les inégalités de connaissances
entre les élèves se sont réduites au fil des décennies. Il est néanmoins
difficile d'identifier, dans cette réduction des inégalités entre élèves, les
apports respectifs du système scolaire et de la société prise dans son
entier. Une autre question porte sur la nature des connaissances
comparées dans le temps, l'école dispensant le savoir que la société attend
d'elle à un moment donné de son évolution. Enfin la réduction des écarts
de performances des élèves n’est pas parvenue à résorber l’illettrisme.
Les travaux conduits par le ministère en 2000 montrent ainsi que 14,9 %
des élèves éprouvent des difficultés en lecture à l’entrée en classe de
sixième ainsi que 9,6 % des jeunes parvenus en fin de scolarité de
collège. Ces résultats recoupent ceux d’une enquête réalisée en 2001 par
le ministère de la défense dans le cadre des journées d’appel de
préparation à la défense auprès de 60 000 jeunes de 18 ans. 11,6 %
d’entre eux ont des difficultés de lecture, ce taux moyen recouvrant une
différence importante entre sexes (8,6 % des filles et 13,9 % des garçons).
6,5 % sont confrontés à des difficultés qui peuvent être qualifiées de
graves et 2,4 % à des difficultés très graves car ils ne maîtrisent que très
mal les mécanismes élémentaires de la lecture.
100
C
OUR DES COMPTES
S’agissant enfin des comparaisons internationales, le ministère de
l’éducation nationale a publié en 2001 une synthèse sur l'évaluation
internationale en mathématiques et en sciences des élèves de cinquième et
de quatrième, conduite dans 50 pays de l'OCDE. Ce document montre
qu'au regard de la moyenne, les élèves français sont en bonne position en
mathématiques mais en position défavorable en sciences. Les pays ayant
le mieux réussi procédaient à des évaluations des élèves plutôt à partir de
projets ou d'exercices pratiques que d'exercices de contrôle tels qu'utilisés
en France. Une moindre motivation des élèves français pour les sciences
que pour les mathématiques pourrait, par ailleurs, expliquer les
différences de performances entre les deux disciplines. La question du
temps d'étude ne semble pas influer sur les performances puisque les
élèves des pays qui réussissent le mieux en sciences ne passent pas
forcément plus de temps à les étudier.
II
La portée limitée de l’évaluation
Evaluer l’efficacité de l’école est une entreprise ardue à laquelle le
ministère de l’éducation nationale s’est attaché en développant des études
très diversifiées et en exploitant de multiples indicateurs d’activité et de
résultat. Pourtant, de façon paradoxale, ce foisonnement masque des
lacunes qui limitent encore l’intégration de l’évaluation dans le pilotage
et la gestion du système scolaire.
Alors que l’évaluation devrait normalement permettre de mettre en
relation les objectifs de l’école, les moyens mobilisés et les résultats
constatés, la dimension financière demeure extérieure à la démarche du
ministère. Dans le secteur de la pédagogie où les travaux paraissent
pourtant plus aboutis, ceux relatifs aux enseignants et à la mesure de
l’efficacité des réformes pédagogiques restent lacunaires et peu
coordonnés. Enfin l’évaluation n’a qu’un impact marginal sur le
fonctionnement du système scolaire, cette démarche étant encore perçue
par les différents acteurs comme éloignée de leurs préoccupations
opérationnelles.
A
Les lacunes de l’évaluation dans le domaine
financier
Dans sa démarche d’évaluation, le ministère éprouve de grandes
difficultés à identifier des relations entre les résultats et les moyens
dépensés dans le système scolaire. Pour délicat que soit cet exercice, il
P
RATIQUES
,
RÉSULTATS ET LIMITES DE L
ÉVALUATION
101
n’est demeure pas moins impératif en raison des ressources que la
collectivité nationale consacre à l’école.
1
L’absence de relations claires entre moyens et résultats
Si le ministère dispose de données sur les dépenses moyennes par
élève, il ne parvient pas à les corréler aux résultats scolaires. L’analyse
des disparités entre académies, mais également les comparaisons avec les
systèmes scolaires étrangers, illustrent cette difficulté.
a)
Les disparités académiques
Les dépenses du ministère de l’éducation nationale, rapportées au
nombre d’élèves du premier et du second degrés, présentent des disparités
importantes entre académies. En 1998, le Limousin (4 329 €) et la Corse
(4 390 €) présentent ainsi des coûts unitaires supérieurs de plus d’un quart
à la moyenne nationale (3 475 €). A l’inverse, ces coûts sont inférieurs de
près de 5 % dans les académies de Nantes, Lille et Amiens. Mesurées
dans le temps, les disparités constatées ne connaissent pas d’évolution
notable car elles tiennent à des effets de structures. Les académies rurales
(Limoges, Clermont-Ferrand, Corse, Toulouse) se caractérisent par la
faible taille de leurs établissements et par des taux d’encadrement plus
forts, ce qui explique le niveau plus élevé de leurs dépenses moyennes par
élève. La diversité des coûts résulte également de la composition du corps
enseignant, avec un plus grand nombre de personnels jeunes et non-
titulaires dans les académies du Nord. En Bretagne et dans les Pays de la
Loire, les coûts moindres s’expliquent notamment par le poids de
l’enseignement
privé
sous
contrat
qui
présente,
par
rapport
à
l’enseignement public, des effectifs plus importants d’enseignants non
titulaires.
S’agissant
des
dépenses
engagées
par
les
collectivités
territoriales
35
, on observe des disparités analogues, sans toutefois que ces
dernières viennent corriger ou atténuer celles constatées au titre de la
contribution du ministère. Depuis les lois de décentralisation, les
départements participent au financement du fonctionnement et de
l’investissement des collèges. En 1998, d’après les données ministérielles,
le montant de cette participation a représenté 770 € par collégien. Cette
moyenne recouvre toutefois des écarts importants avec des financements
qui peuvent aller de plus de 1 000 € dans certains départements à moins
de 600 € dans d’autres. La contribution financière des régions à la
35
) Source : ministère de l’éducation nationale (DPD) - données 1998.
102
C
OUR DES COMPTES
construction et au financement des lycées (820 € en moyenne par lycéen
au niveau national) présente également de fortes variations, avec des
écarts du simple au double, y compris dans des régions limitrophes.
L’intérêt de ces données serait accru si elles pouvaient être mises
en regard des résultats scolaires des élèves. Toute tentative de cette nature
se heurte cependant à une grande complexité qu’aucune analyse du
ministère ne permet aujourd’hui d’éclairer, y compris les évaluations des
académies amorcées depuis 1998 par les deux inspections générales. Si,
par exemple, les académies de Limoges et de Clermont-Ferrand
présentent, à la fois, des coûts moyens par élève plus élevés et des
performances scolaires supérieures à la moyenne nationale au début du
collège, tel n’est pas le cas des académies de Rennes ou de Nantes dont
les élèves réalisent également des scores élevés, tout en mobilisant des
moyens financiers inférieurs à la moyenne nationale.
b)
Les comparaisons internationales
En
matière
de
comparaisons
internationales,
les
données
financières sont également délicates à corréler aux performances des
différents systèmes scolaires, leur intérêt essentiel étant toutefois de
mettre en lumière les caractéristiques de l’école française. L'une d'elles,
que la France partage avec l'Allemagne et les Pays-Bas, est un
investissement financier inégalement réparti entre le premier et le second
degrés.
Dépense annuelle moyenne par élève des enseignements public et privé
en équivalent-dollars en valeur 1998
Enseignement élémentaire
Enseignement secondaire
Espagne
3 200
Espagne
4 270
Royaume Uni
3 250
Royaume-Uni
5 230
Allemagne
3 500
Moyenne OCDE
5 270
France
3 700
Pays-Bas
5 300
Pays-Bas
3 800
Japon
5 890
Moyenne OCDE
3 850
Allemagne
6 210
Japon
5 100
Italie
6 460
Italie
5 600
France
6 600
Etats-Unis
6 050
Danemark
7 200
Danemark
6 700
Etats-Unis
7 260
Source : OCDE, cité dans l’Etat de l’école édition 2001
P
RATIQUES
,
RÉSULTATS ET LIMITES DE L
ÉVALUATION
103
Si les dépenses consacrées à l’enseignement primaire français sont
légèrement inférieures à la moyenne des pays de l’OCDE, celles relatives
au second degré se situent au-delà de cette moyenne. Ces éléments
financiers doivent toutefois être mis en perspective avec la durée de
scolarité particulièrement longue des élèves français. A l'âge de cinq ans,
l'espérance de scolarisation d'un élève français est de 16,5 ans, contre
14,7 ans au Royaume Uni, 15,3 ans aux Etats-Unis et au Canada, 15,8 ans
en Italie et 16,4 ans aux Pays-Bas. Cette espérance de scolarisation est
cependant dépassée par celles de l'Espagne (16,8 ans), de l'Allemagne
(17,1 ans) et du Danemark (17,7 ans).
Malgré leur intérêt, les données de l'OCDE, reprises dans l'édition
2001 de
L'Etat de l'école
, ne permettent pas d'en inférer un jugement sur
le caractère économe ou non du système scolaire français, sauf à
souligner que, selon toute vraisemblance, ce dernier s'avère plus coûteux
que celui du Royaume-Uni qui dépense moins par élève sur une durée
plus courte, et moins coûteux que le Danemark qui, à l'inverse, dépense
plus par élève sur une durée plus longue.
Si l’on rapproche ces diverses données des dernières comparaisons
internationales conduites en 2001 sur les performances des élèves en
mathématiques et en sciences, leur lien ne paraît guère évident, les
systèmes scolaires les plus coûteux n’étant pas forcément les plus
performants. Avec une dépense globale d’éducation deux fois moindre
qu’en France, les élèves de la République Tchèque ont, par exemple,
mieux réussi les épreuves que leurs homologues français. Une telle
comparaison est toutefois contestable. En effet, les coûts induits par un
système scolaire ne concernent pas tous les actions spécifiquement
destinées à accroître la qualité de l’enseignement. Le maillage territorial
des établissements, la structuration des parcours de formation, la durée de
scolarisation, le niveau de rémunération des enseignants constituent
autant de facteurs qui peuvent expliquer des coûts fortement contrastés
entre pays mais qui n’ont pas forcément un impact sur les performances
des élèves. Malgré les incertitudes liées à ces constats statistiques,
d’importants progrès restent-ils à faire, en France comme ailleurs, pour
lever l’opacité des liens entre performances et moyens alloués à l’école.
2
L’absence de suivi analytique des activités d’enseignement
Les évaluations conduites dans le système scolaire ne sont pas
conçues comme des outils au service de l’optimisation des moyens. A
titre d’exemple, l'
Etat de l'école
présente, comme son titre l’indique,
l’activité, les dépenses moyennes par élève et les résultats du système
scolaire et de ses différents niveaux de formation. Il ne vise donc pas à
104
C
OUR DES COMPTES
procéder à une évaluation précise des réformes pédagogiques ou des
dispositifs d’aide aux élèves au regard des moyens qu'ils mobilisent. Les
évaluations des réformes pédagogiques, quand elles existent, ne prennent
que rarement en compte la dimension financière.
Cet état de fait peut certes s'expliquer par les difficultés qu'il y a à
corréler des résultats aux moyens mais également à identifier les moyens
mobilisés par ces activités. En effet, le système scolaire n’a pas développé
d’outil de comptabilité analytique qui permettrait de calculer le coût réel
d’une réforme pédagogique ou d’un dispositif éducatif, les seules données
disponibles étant, dans le meilleur des cas, des estimations ou des
chiffrages théoriques.
La seule exception est le produit ADAGIO destiné aux
établissements (aide à la démarche analytique de gestion informatisée et
optimisée) dont le champ d’application recouvre les activités des
établissements. Cette application présente des tables de rémunération
établies par grade et par métier, y compris pour les enseignants, mais
n’est pas encore utilisée pour analyser les dépenses d’enseignement. Un
tel usage aboutirait, d’ailleurs, à des informations lacunaires sur ces
dernières, du fait que les dépenses de rémunération des enseignants ne
sont pas incluses dans un budget consolidé des établissements.
B
Les insuffisances de l’évaluation dans le domaine
pédagogique
Dans le domaine pédagogique où le ministère s’est investi de
longue date, les évaluations souffrent encore de certaines lacunes. Les
évaluations
qui
portent
sur
les
enseignants
et
leurs
pratiques
pédagogiques restent insuffisantes. Alors qu’elles devraient mesurer
l’impact des réformes pédagogiques sur les performances des élèves,
rares sont les évaluations qui s’attachent à une telle analyse. Enfin, de
façon plus générale, les évaluations relatives aux performances des élèves
restent insuffisamment coordonnées.
1
Les lacunes de l’évaluation des enseignants
Les enseignants sont, au premier chef, les responsables de
l'efficacité du système scolaire. Ils ne font pourtant l'objet, à proprement
parler, d'aucune évaluation.
Du côté de la DPD, les travaux relatifs aux enseignants portent,
d'une part, sur leurs attentes et les représentations qu'ils se font de leur
métier, notamment au début de leur carrière, d'autre part, sur leurs
P
RATIQUES
,
RÉSULTATS ET LIMITES DE L
ÉVALUATION
105
pratiques pédagogiques. Ces études se limitent bien souvent à mettre en
lumière une extrême diversité de ces dernières, qui est certes un signe de
créativité mais qui n'est peut-être pas sans lien avec les disparités des
performances des élèves. Il est regrettable que ces travaux ne soient pas
davantage l’occasion d’identifier les pratiques les plus efficaces qui
pourraient être utilement appliquées à d’autres établissements.
Par ailleurs, l'inspection individuelle des enseignants paraît plus
commandée par les obligations statutaires régissant l’avancement que par
une volonté de mesurer les compétences. Dans le second degré, hormis
les recommandations ponctuelles des groupes disciplinaires d’inspecteurs,
les critères d’appréciation des qualités professionnelles des enseignants
ne sont pas explicités par l’IGEN. Les travaux engagés en 1996 pour
harmoniser les grilles de notation n’ont pas non plus abouti à
l’élaboration d’un référentiel commun aux inspections individuelles
36
.
Des initiatives récentes doivent être toutefois signalées à l’échelon
des services déconcentrés, comme la Cour a pu le constater lors du
contrôle des corps d’inspection dans cinq académies (Créteil, Clermont-
Ferrand, Lyon, Nantes et Strasbourg). Les missions traditionnelles
d’inspection individuelle des inspecteurs territoriaux (inspecteurs de
l’éducation nationale pour le premier degré, inspecteurs pédagogiques
régionaux ou de l’enseignement technique pour le second degré) évoluent
alors vers une analyse du fonctionnement des équipes enseignantes et
prennent notamment en compte des critères tels que l’animation
pédagogique ou la participation à la gestion de l’offre scolaire.
Si ces nouvelles missions sont venues alourdir les charges de
travail des inspecteurs, ce dont témoigne une baisse sensible du rythme
des inspections, elles ont été l’occasion de donner aux procédures
d’inspection une dimension plus évaluative. C’est, par exemple, le cas de
l’académie de Créteil où les inspecteurs doivent tenir compte de
l’organisation pédagogique globale de l’établissement dans l’appréciation
des enseignants. Mais de telles démarches d’évaluation sont encore en
nombre limité et se situent dans un cadre méthodologique encore
balbutiant.
2
L’évaluation des réformes pédagogiques
Une première catégorie d’évaluations a pour objectif de mesurer
auprès d'un échantillon d’établissements les effets d'une réforme encore à
l'état de projet et d'éclairer les décideurs sur l'intérêt de l’étendre à tous
36
Le HCEE a rendu un avis sur l’évaluation des enseignants et de leurs pratiques
pédagogiques en février 2003.
106
C
OUR DES COMPTES
les établissements. Avant de généraliser la réforme des collèges, le
ministère décida d'effectuer en 1994-1995 une expérimentation préalable
sur un échantillon de collèges qui s’étaient portés volontaires. Ce travail
consista notamment à mesurer l'impact de ces mesures sur les
performances des élèves de sixième. En janvier 1997, le ministère a
prolongé ces travaux dans les classes de cinquième. Des évaluations sont
également intervenues avant la relance de l'éducation prioritaire en 2000.
Elles montrèrent qu'en moyenne les élèves ont de moins bons résultats en
ZEP que hors ZEP au niveau du CE2 mais que l’écart des performances
diminue en classe de sixième. Si ces deux réformes se sont fondées sur
des évaluations préalables, cette précaution pourtant indispensable n'est
pas systématique et n’a notamment pas été prise pour la réforme des
lycées.
Un second type d'évaluation prend la forme de bilans des réformes,
une fois celles-ci appliquées à l'échelle nationale. Les réformes des
collèges et des lycées respectivement engagées en 1996 et en 1999 ont
ainsi fait l'objet d'évaluations. Ces travaux sont toutefois lacunaires car ils
ne font que rarement référence aux effets des réformes sur les
performances des élèves alors même qu’elles ont été conçues pour les
améliorer. De plus, ils ne comportent quasiment jamais de données sur les
coûts financiers. De tels travaux présentent donc un intérêt limité car ils
se réduisent à un bilan de l’application des directives nationales, sans en
tirer de conclusions ni sur leur efficacité pédagogique, ni sur la pertinence
des surcoûts qu’elles ont induits.
3
Des évaluations insuffisamment
coordonnées
Le ministère s’est doté de nombreux instruments d’évaluation pour
évaluer les élèves et les établissements d’enseignement : évaluations
diagnostiques des connaissances des élèves de début d’année scolaire
37
,
suivis de cohortes d’élèves au cours et après leur cursus de formation,
37) Depuis 1989, le ministère met à la disposition des enseignants des outils
d’évaluation diagnostique en début de CE2 et de classe de 6
ème
. Depuis la rentrée
2002 sont également concernés le cours préparatoire et la classe de 5
ème
. En revanche,
les évaluations ont été abandonnées à l’entrée en classe de seconde. L’objectif est
d’aider les enseignants à détecter les lacunes de leurs élèves au moment de la rentrée
scolaire.
P
RATIQUES
,
RÉSULTATS ET LIMITES DE L
ÉVALUATION
107
mesure de la valeur ajoutée des lycées
38
. Ce dispositif étoffé souffre
pourtant d’une grande parcellisation. Alors que les différentes méthodes
d’évaluation pourraient être combinées pour appréhender de façon
globale et ordonnée les performances scolaires, elles demeurent trop
souvent mises en œuvre de façon isolée.
Il est ainsi regrettable que le ministère n’ait pas encore procédé à
des comparaisons pour un même élève entre son insertion dans la vie
active, ses résultats aux évaluations diagnostiques et ses résultats aux
examens, alors qu’une telle étude, pourtant techniquement possible,
pourrait éclairer les processus d'orientation scolaire. De même, la mesure
de la valeur ajoutée des lycées qui porte sur la réussite au baccalauréat est
calculée indépendamment du niveau de connaissances des élèves qui
accèdent en classe de seconde. En l’absence de référence au niveau initial
des lycéens, l’analyse de l’apport pédagogique des établissements s’en
trouve dès lors limitée.
Enfin les tests des évaluations diagnostiques sont définis
indépendamment du contenu des examens, à la différence de certains
pays tels que les Pays-Bas. En l’état, les performances des élèves en
classe de 6
ème
ne peuvent pas être comparées avec celles qui sont validées
par le brevet de fin de collège qui, au demeurant, n’a pas le statut
d’examen national. L’abandon en 2002 des évaluations diagnostiques à
l’entrée de la classe de seconde empêche toute comparaison avec les
résultats qu’obtiennent les élèves au baccalauréat. Autrement dit, en
l’absence d’utilisation conjuguée de ses différents outils d’évaluation, le
ministère de l’éducation nationale n’a pas véritablement les moyens
d’apprécier la plus value qu’il apporte aux élèves au cours de leur cursus
de formation, ni d’identifier clairement les facteurs qui concourent à
l’efficacité de l’école.
38) Cette méthode vise, à partir d’indicateurs de performances à mesurer la valeur
ajoutée des lycées à partir d’indicateurs qui portent sur la préparation et la réussite au
baccalauréat (IPES, indicateurs de performances des établissements scolaires). Les
facteurs extérieurs à la réussite scolaire, liés à l’origine sociale et à l’âge des élèves,
sont neutralisés afin de ne faire apparaître ce qui est dû à l’action propre du lycée. En
confrontant les valeurs des indicateurs attendus du lycée, c’est-à-dire les résultats
qu’il enregistrerait si ses élèves obtenaient, à partir de la même scolarité, les mêmes
résultats que les élèves des autres lycées de même âge et de même origine sociale, aux
résultats qu’il obtient effectivement, le ministère peut ainsi apprécier la valeur ajoutée
ou les contre-performances de l’établissement en cause.
108
C
OUR DES COMPTES
C
L’usage restreint des évaluations
De façon générale, la démarche d’évaluation n’est pas encore
suffisamment intégrée dans le pilotage et la gestion du système scolaire.
A l’échelon central, l’utilisation de l’évaluation par les décideurs
ministériels reste limitée. Les travaux d'évaluation de l'IGEN et de
l'IGAENR donnent certes lieu à des rapports au ministre qui, au terme
d'observations
critiques,
se
concluent
par
des
recommandations.
L'efficacité de ces interventions paraît toutefois relative puisque le
rapport général de l'IGAENR de l'exercice 2000 souligne qu'entre 1995 et
1999 seules 20% de ces recommandations ont reçu une exploitation
effective.
Les travaux de la DPD sont, pour leur part, largement diffusés
mais ils sont ressentis comme éloignés des préoccupations immédiates
des responsables du système scolaire. Ils ne sont pourtant pas sans effets,
mais ces derniers sont le plus souvent indirects et différés, hormis
lorsque, comme ce fut le cas en 2000 lors de la relance de l’éducation
prioritaire, les décisions découlent directement de travaux d’évaluation.
La difficulté est, il est vrai, de concilier le temps nécessaire à la
conception, à la mise en œuvre et à l’exploitation d’une évaluation avec
l’urgence des actions à mener en fonction des priorités successives des
responsables ministériels.
A l’échelle des établissements, notamment du second degré,
l’usage des évaluations diagnostiques des élèves est peu répandu parmi
les enseignants. L’évaluation de la valeur ajoutée des lycées suscite un
intérêt croissant des chefs d’établissement mais ces derniers en regrettent
la lourdeur et la complexité de mise en œuvre. Enfin, les évaluations
conjointes que les deux inspections générales conduisent sur le
fonctionnement pédagogique et administratif des académies sont trop
récentes pour qu’on puisse mesurer leur impact sur le pilotage rectoral.
La question se pose néanmoins de leur portée opérationnelle. Cette
réflexion sur les conséquences en gestion des évaluations des académies
n’est encore qu’esquissée au sein du ministère alors qu’elle devrait
constituer un préalable indispensable à la mise en œuvre des procédures
budgétaires fixées par la loi organique relative aux lois de finances d’août
2001.
Aussi, à tous les niveaux de responsabilité, peut-on relever une
relative indépendance entre la gestion du système scolaire et la démarche
d’évaluation. Il est vrai que cette dernière ne s’est guère attachée à des
sujets plus directement axés sur les préoccupations immédiates des
gestionnaires de l’école, c’est-à-dire les procédures et l’organisation du
P
RATIQUES
,
RÉSULTATS ET LIMITES DE L
ÉVALUATION
109
système scolaire. En effet, hormis les travaux de l’IGAENR qui sont
davantage orientés vers l’audit des structures administratives que vers
leur évaluation proprement dite, rares sont encore les analyses relatives à
l’impact du mode d’administration du système scolaire sur les
performances des élèves.
A ce titre, les évaluations conduites sur la valeur ajoutée des lycées
n’identifient pas clairement l’effet du mode de direction des chefs
d’établissement ou du travail collectif des enseignants sur la réussite des
élèves. Pourtant, comme le montrent les analyses du ministère sur
l’éducation prioritaire, il semble bien que la nature et la qualité du
pilotage administratif d’un établissement et d’un projet pédagogique
soient loin d’être neutres. A cet égard, l’évaluation de l’école se heurte
aux difficultés qu’éprouve le ministère de l’éducation nationale à
surmonter son clivage, encore trop marqué, entre filières pédagogique et
administrative.
110
C
OUR DES COMPTES
__________
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
_________
L’école forme des élèves pendant un temps plus long et pour des
niveaux de formation plus élevés que par le passé. Mais les sorties sans
qualification subsistent, l’illettrisme n’est pas jugulé, l’accès au niveau du
baccalauréat reste inférieur à ce qui était souhaité, enfin la lutte contre les
inégalités devant l’école se heurtent aux performances contrastées des
académies et des établissements.
Les réponses apportées par les travaux d’évaluation du système
scolaire restent encore limitées. Ces travaux ne permettent pas d’établir
une relation entre les moyens et les résultats de l’école. Malgré la richesse
et la variété des données statistiques qu’ils utilisent, ils ne parviennent pas
encore à identifier les facteurs à l’œuvre dans le processus d’amélioration
de la formation des élèves. Enfin leur utilisation à des fins de décision reste
insuffisante.
Les programmes de recherche qu’a récemment lancés le ministère
devraient contribuer à apporter des réponses sur certains points,
notamment sur l’origine des disparités de performances entre académies et
leurs évolutions sur ce qu’on appelle « l’effet établissement » ou encore sur
l’impact des politiques et de la gestion des académies sur les résultats.
Mais il reste au ministère à conduire plusieurs démarches.
L’expérimentation préalable des réformes devrait être généralisée et, après
mise en œuvre, des bilans de ces réformes systématiquement établis,
prenant en compte leur impact sur les performances des élèves. Les
établissements doivent être incités à utiliser les indicateurs IPES en tirant
parti de leur simplification et en diffusant des éléments de comparaison.
Des échanges plus systématiques sur les pratiques pédagogiques méritent
d’être organisés. Compte tenu des moyens mis à la disposition du système
scolaire, il est impératif d’inclure des critères de coût dans les évaluations
des structures d’enseignement et des politiques pédagogiques.
Le renforcement de la coopération entre les deux inspections
générales, qu’un rapport au ministre envisageait même en 1993 de
fusionner, devrait contribuer à réduire le clivage encore trop marqué entre
les gestions pédagogique et administrative du système scolaire.
P
RATIQUES
,
RÉSULTATS ET LIMITES DE L
ÉVALUATION
111
Enfin le ministère doit se doter d’instruments qui mesurent la valeur
ajoutée qu’apporte l’école à ses élèves au cours de leur parcours de
formation. La révision du statut du brevet des collèges et la remise en place
d’évaluations à l’entrée du lycée sont des voies possibles pour forger de
tels outils.
112
C
OUR DES COMPTES
113
Chapitre IV
Les contraintes de la gestion
114
C
OUR DES COMPTES
En plaçant l’élève au centre du système éducatif et en faisant de la
réussite scolaire son objectif premier, la loi d’orientation de 1989 a
conduit à multiplier les modes de prise en charge et les parcours de
formation, dans le souci d’adapter l’école à des publics de plus en plus
diversifiés.
Cette politique ambitieuse se heurte cependant aux nombreuses
contraintes qui enserrent la gestion du système et expliquent que la
réalisation des objectifs de la loi d’orientation mobilise des moyens
budgétaires et humains sans cesse croissants. Qu’il s’agisse de la
délégation de moyens d’enseignement aux établissements, de la gestion
des personnels enseignants ou encore de la préparation de la rentrée
scolaire, le poids des rigidités et la complexité des procédures entravent
les évolutions et interdisent une réelle maîtrise des coûts.
L’offre de formation scolaire doit ainsi concilier des logiques
souvent contradictoires : entre les attentes des différents partenaires de
l’école (familles et enseignants), entre les besoins horaires par discipline
et le potentiel d’enseignants disponibles, entre les capacités d’accueil de
chaque filière, la satisfaction des besoins de l’économie et les décisions
effectives d’orientation. Dans un contexte marqué par les phénomènes de
concurrence entre établissements, les modifications qui peuvent être
apportées aux structures pédagogiques résultent plus d’une approche
empirique et d’initiatives éclatées, à seule fin parfois d’accroître
l’attraction exercée sur les élèves, qu’elles ne procèdent d’une démarche
maîtrisée
garantissant
la
rationalisation
de
l’offre
scolaire
et
l’optimisation des moyens d’enseignement.
La gestion des enseignants offre pour sa part une marge de
manœuvre de plus en plus étroite pour répondre, dans des conditions
satisfaisantes, aux besoins des établissements, comme en témoigne par
exemple la difficulté persistante à assurer les remplacements. Le
ministère a souvent renoncé, en effet, à utiliser pleinement les
dispositions réglementaires qui lui auraient permis de maîtriser les
affectations et le déroulement des carrières pour mieux répondre aux
besoins du service de l’enseignement. La rénovation du métier
d’enseignant paraît dorénavant indispensable ; elle est à peine esquissée.
Enfin la gestion du système éducatif est largement contrainte par le
rendez-vous annuel de la rentrée, dont la préparation mobilise l’ensemble
des acteurs institutionnels. L’obligation de mettre un professeur dans
chaque classe doit en outre être réalisée dans chacun des quelque 60 600
établissements scolaires publics du premier et du second degrés.
Atteindre cet objectif suppose, compte tenu de la rigidité et de la
complexité
des
procédures
administratives,
mais
également
des
incertitudes liées aux prévisions d’effectifs, que le système conserve, dans
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
115
la gestion des postes d’enseignement comme dans celle des personnels,
des moyens d’adaptation importants, qui se traduisent, au plan budgétaire,
par des solutions souvent coûteuses.
I
Une gestion très complexe de l’offre de
formation scolaire
L’offre de formation scolaire résulte de l’implantation, sur le
territoire académique, des structures pédagogiques (établissements et
classes), ainsi que des enseignements qui y sont dispensés. Dans le
premier degré, cette offre de formation est régie par des considérations
démographiques et par la nécessité d’accueillir l’ensemble des élèves.
Sous la dénomination de « carte scolaire », elle se traduit essentiellement
en termes d’ouverture et de fermeture de classes. Dans le second degré,
caractérisé par la diversité des filières et des options, l’offre scolaire ou
« carte des formations » est en revanche issue d’un processus beaucoup
plus complexe, qui s’inscrit en outre, depuis les lois de décentralisation de
1983, dans le cadre d’un système de compétences partagées entre l’Etat et
les collectivités locales
39
.
A
La carte scolaire du premier degré
L’offre de formation ou « carte scolaire » du premier degré
40
relève de la responsabilité des inspecteurs d’académie, directeurs des
services départementaux de l’éducation nationale (IA-DSDEN). Son
élaboration est étroitement liée à la gestion et à la répartition des moyens
d’enseignement, puisque, compte tenu de l’organisation pédagogique de
l’enseignement
primaire,
il
existe
une
corrélation
directe
entre
l’implantation des emplois, l’affectation des maîtres et l’ouverture ou la
fermeture des classes. Si les procédures de révision de la carte scolaire du
premier degré sont techniquement moins complexes que celles qui
conduisent à faire évoluer l’offre de formation du second degré, elles
39) Si l’Etat conserve la responsabilité des orientations pédagogiques et du contenu
des enseignements, les collectivités locales ont des attributions étendues en matière
d’équipement et de fonctionnement des établissements, ainsi qu’en matière de
planification scolaire : il leur revient notamment de définir, à moyen terme, les
besoins quantitatifs et qualitatifs de formation (loi n ° 83-663 du 22 juillet 1983).
40) La gestion de la carte scolaire du premier degré a été examinée par la Cour dans le
cadre d’une enquête consacrée à la gestion des enseignants du primaire et conduite
dans cinq inspections académiques.
116
C
OUR DES COMPTES
suscitent en revanche une mobilisation nettement plus forte des acteurs de
terrain (parents, enseignants, élus locaux, etc.).
1
Les procédures de révision annuelle de la carte scolaire
La révision de la carte scolaire, qui constitue l’une des tâches
essentielles des inspections académiques et qui suscite régulièrement de
vives tensions locales, s’ordonne autour d’un calendrier relativement figé
et commence dès le mois d’octobre de l’année précédente, avec les
travaux sur les prévisions d’effectifs. Ces travaux s’appuient très
largement sur les estimations fournies par les directeurs d’écoles, qui
possèdent souvent une très
bonne connaissance de l’environnement local.
La construction de nouveaux logements, l’existence de structures
d’accueil de jeunes enfants ou encore l’arrivée d’une entreprise sont
autant d’éléments qui viennent modifier les effectifs scolaires attendus. Il
revient également aux directeurs d’écoles de prendre contact avec les
établissements préélémentaires pour quantifier les inscriptions prévisibles
en cours préparatoire. C’est à partir de ces prévisions que les inspecteurs
de l’éducation nationale (IEN), chargés des circonscriptions primaires,
élaborent, sous l’autorité de l’IA-DSDEN et le plus souvent en liaison
avec les responsables municipaux, les premières ébauches de la carte
scolaire.
Ce n’est toutefois qu’en janvier que commence la véritable
négociation, quand les autorités académiques (recteurs et inspecteurs
d’académie) reçoivent de l’administration centrale la notification des
emplois qui leur seront effectivement alloués pour la rentrée scolaire en
préparation. Une fois connue l’enveloppe des moyens, l’inspecteur
d’académie et les IEN de circonscription organisent avec les représentants
des personnels enseignants une série de réunions de travail informelles,
afin d’examiner les modifications qui devront être apportées à la carte
scolaire. Ces réunions sont destinées à préparer le comité technique
paritaire départemental (CTPD), consulté vers le mois de février, sur les
mesures envisagées. Enfin le comité départemental de l’éducation
national (CDEN)
41
, réuni au mois de mars-avril sous la présidence du
préfet, examine le projet définitif de carte scolaire. Dans les faits, compte
tenu de la date tardive de sa consultation, le CDEN apparaît le plus
souvent
comme
un
organisme
d’information
et
une
chambre
41) Ce comité créé par la loi du 22 juillet 1983 et dont les attributions ont été définies
par le décret du 21 avril 1985 est réuni deux fois par an. Composé de trente membres
représentant à parité les collectivités territoriales, les personnels enseignants et les
usagers (parents d’élèves, associations éducatives), le CDEN a une compétence
consultative en ce qui concerne le service public départemental de l’enseignement.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
117
d'enregistrement, sans réelle faculté de remise en cause des décisions
prises en amont.
Ces décisions sont ensuite communiquées aux maires et aux
directeurs d’écoles concernés et c’est à cette période, qui correspond au
début du printemps, que les réactions commencent à se manifester. Selon
l’importance et le poids politique des acteurs scolaires, le ministère est
parfois amené à modifier la répartition initiale des moyens, que ce soit
sous la pression des élus locaux, des syndicats d’enseignants, attentifs aux
droits acquis des personnels, ou encore des parents, qui, souvent informés
en fin de procédure du résultat des négociations auxquelles ils n’ont pas
participé, n’ont plus que l’espace public pour contester, parfois de façon
spectaculaire, les mesures qui ont été arrêtées.
2
Les critères d’ouverture et de fermeture de classes
Pour procéder aux ouvertures ou aux fermetures de classes, les
inspections académiques utilisent en général des seuils d’effectifs, qui
peuvent
être
modulés
en
fonction
du
niveau
(élémentaire
ou
préélémentaire), de la situation de l’école (établissement en ZEP ou non)
ou encore des caractéristiques sociales des publics scolaires accueillis.
Des seuils différents peuvent également être appliqués selon qu’il s’agit
de retirer ou d’attribuer un poste d’enseignant : à titre d’exemple, un
effectif supérieur à 28 élèves entraînera une décision d’ouverture, alors
qu’à l’inverse le seuil de suppression sera fixé à 26 élèves par classe
42
.
Alors que la notion de seuil n’existe pas au niveau national et qu’aucune
norme réglementaire ne détermine un effectif moyen par classe
43
, les
barèmes départementaux, bien qu’institués dans un souci de transparence,
sont souvent considérés par les acteurs locaux comme des références
intangibles, devant nécessairement déclencher l’attribution d’un poste
supplémentaire dès que le seuil est dépassé, ne serait-ce que d’un élève.
En revanche, l’application de ces mêmes barèmes est vécue comme une
injustice lorsqu’il s’agit, pour quelques élèves de moins, de fermer une
classe. Entre, d’un côté, l’administration académique, accusée de faire
42) Autrement dit, si le nombre moyen d’élèves par classe, dans l’école concernée, est
inférieur à 26 élèves, une fois la fermeture intervenue.
43) Au niveau du ministère, les attributions ou les retraits d’emploi, en fonction des
évolutions de la démographie scolaire, se font en traduisant ces évolutions en nombre
de postes : par tranche de 20 élèves pour les créations et par tranche de 25 pour les
suppressions pour la rentrée 2000. Ces ratios peuvent en outre varier d’une rentrée
scolaire à l’autre en fonction des objectifs ministériels, en passant de 25 à 40, voire
même à 60 le seuil de suppression de classe, lorsqu’on souhaite par exemple limiter
les retraits et atténuer les effets induits par la baisse des effectifs.
118
C
OUR DES COMPTES
preuve d’une approche technocratique et comptable et de méconnaître la
réalité du terrain, et, de l’autre, des partenaires (parents d’élèves et
enseignants) qui s’arc-boutent sur une exigence de diminution du nombre
d’élèves par classe, la situation devient rapidement conflictuelle.
L’existence des seuils d’effectifs, souvent contestés et parfois mal
compris, même lorsqu’ils ont fait l’objet d’une négociation préalable avec
l’ensemble des partenaires concernés, nécessite, à l’évidence, une
approche plus qualitative. Dans la plupart des départements, lors de la
préparation de la carte scolaire, les inspecteurs d’académie s’autorisent
désormais une marge d’appréciation, tenant compte des considérations
locales. L’évolution prévisible des effectifs sur le long terme (afin
d’éviter les mesures successives de fermeture puis d’ouverture), le
contexte social ou les difficultés économiques, les suppressions de classes
intervenues récemment dans l’école concernée, ou encore la parité de
l’encadrement pédagogique avec les établissements privés voisins sont
autant de paramètres à prendre en compte dans les décisions de retrait ou
d’attribution de postes.
La mise en œuvre de ces différents critères, si elle répond à la
nécessité de sortir d’une logique purement quantitative, contribue
néanmoins à une relative opacité des décisions et n’évite pas, loin s’en
faut, les tensions et les affrontements.
3
La communication avec les acteurs de la carte scolaire
Dans ce contexte, seule une communication étroite avec tous les
intervenants locaux peut éventuellement désamorcer les conflits qui
apparaissent à l’annonce des mesures de carte scolaire. Des instances de
concertation existent (commissions consultatives ou conseils) mais les
informations échangées dans ce cadre ne touchent qu’un petit nombre des
partenaires impliqués. Il importe donc de saisir toutes les occasions pour
montrer la logique et la cohérence des mesures proposées auprès des élus,
des familles et des enseignants, mais également auprès des médias.
Dans l’élaboration de la carte scolaire, les marges de manœuvre
des responsables départementaux de l’éducation nationale restent
néanmoins réduites. Les revendications systématiques en matière
d’augmentation des taux d’encadrement et de réduction du nombre
d’élèves par classe, la mobilisation toujours vive des acteurs locaux et les
interventions fréquentes des élus, la nécessité de consacrer des moyens
croissants au dispositif de l’éducation prioritaire (notamment à l’occasion
de la révision de la carte des ZEP à la rentrée 1999), ou encore
l’augmentation des postes consacrés au remplacement ou des décharges
de service des directeurs d’écoles, sont autant de facteurs de rigidité dans
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
119
la gestion des emplois du premier degré. A ces contraintes locales
s’ajoutent les annonces parfois hâtives qui peuvent être faites au niveau
national, comme le « zéro-défaut » en matière de remplacement ou la
généralisation de l’apprentissage des langues vivantes, et qui font naître
des attentes souvent impossibles à satisfaire. Dans ces conditions, les
décisions ne peuvent que relever de l’empirisme et du savoir-faire des
inspecteurs d’académie contraints d’arbitrer, dans des délais toujours très
courts, entre les priorités pédagogiques et les exigences des différents
partenaires.
En
dépit
d’une
amélioration
sensible
des
moyens
d’enseignement, il ne faut donc pas s’étonner que les mesures de carte
scolaire (fermeture de classe ou refus d’ouvrir une classe supplémentaire)
continuent
à
engendrer
l’incompréhension
et
l’insatisfaction
des
partenaires de l’école.
B
La carte des formations du second degré
Si elle ne se traduit pas de façon directe et immédiate par des
mesures de fermeture de classes ou d’écoles, l’élaboration de la carte des
formations du second degré constitue, pour les responsables académiques,
un exercice tout aussi délicat. Située à la conjonction de logiques
distinctes et souvent concurrentes, elle doit à la fois répondre à
l’hétérogénéité des publics scolaires, aux impératifs d’aménagement du
territoire, aux orientations éventuellement arrêtées par la collectivité
régionale et à la nécessité de réguler les flux d’élèves, en adéquation avec
les besoins de formation exprimés par les partenaires professionnels et
économiques. Ces différents objectifs doivent par ailleurs être poursuivis
en évitant une excessive dispersion des moyens d’enseignement et en
limitant les phénomènes de concurrence entre les établissements, pour qui
la carte des formations reste avant tout un élément d’attractivité, voire de
sélectivité. Les contrôles menés par la Cour dans cinq académies
métropolitaines ont montré que les tentatives de rationalisation et de
pilotage de l’offre scolaire se heurtent ainsi à de multiples contraintes,
parmi lesquelles la gestion des personnels enseignants n’est certainement
pas la moindre. Les effets sur les structures d’enseignement de ce pilotage
académique sont en outre peu perceptibles et témoignent des nombreuses
rigidités inhérentes à l’organisation pédagogique des établissements.
1
Un processus complexe et inégalement maîtrisé
L’évolution de l’offre de formation et les modifications apportées à
la structure pédagogique des établissements relèvent d’un processus
complexe qui s’inscrit dans le cadre général de la préparation de la
120
C
OUR DES COMPTES
rentrée. Ce processus relève par ailleurs de deux approches qui, même si
elles apparaissent souvent confondues dans la succession des opérations
préalables à la rentrée scolaire, n’en restent pas moins distinctes.
La première, qui s’appuie sur des éléments essentiellement
quantitatifs (évolution de la démographie scolaire, volume des moyens
délégués à l’académie, etc.), vise à scolariser les élèves dans des
conditions optimales en termes de répartition géographique, de taille des
structures et d’encadrement pédagogique. Cette logique « quantitative »
prévaut essentiellement au collège, où les enseignements restent très
généraux et où la question de l’offre de formation, en termes de diversité,
ne se pose pas véritablement.
Pour le lycée en revanche, le pilotage de l’offre scolaire obéit à une
approche de nature plus qualitative qui consiste, de façon idéale, à bâtir
un dispositif de formation qui, par sa pertinence et son contenu,
corresponde à la fois aux souhaits des élèves et de leurs familles, aux
impératifs pédagogiques de l’orientation, aux besoins économiques à
moyen terme de la région et aux débouchés du marché de l’emploi local.
Dans cette deuxième approche, deux cartes se dessinent au niveau des
services académiques : la carte des options et des langues vivantes qui
concerne essentiellement le lycée d’enseignement général, mais surtout la
carte des formations professionnelles et technologiques qui, compte tenu
de la spécificité de ces enseignements, mais également des équipements
qu’ils nécessitent, tient une place tout à fait prépondérante dans le
processus d’élaboration de l’offre de formation.
L’approche quantitative, fondée sur la répartition des moyens
d’enseignement en fonction des effectifs scolaires attendus, conditionne
cependant directement le déroulement et la réussite matérielle de la
rentrée. Elle occupe de ce fait une place prépondérante dans la gestion de
l’offre de formation, au détriment d’une approche plus qualitative, qui fait
l’objet d’un traitement encore largement empirique de la part des
académies.
a)
Une approche essentiellement quantitative
Les travaux de révision de la carte des formations sont
généralement
confiés,
au
sein
des
rectorats
et
des
inspections
académiques, aux divisions de l’organisation scolaire (DOS), qui jouent,
dans ce processus, un rôle tout à fait central, puisqu’elles sont chargées de
déterminer la structure pédagogique des établissements et de mettre en
place les moyens d’enseignement correspondants. Ces travaux, qui
dépassent rarement l’horizon technique de la rentrée scolaire en
préparation, s’appuient sur les prévisions d’effectifs réalisées par les
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
121
établissements et s’inscrivent le plus souvent dans le cadre d’un dialogue
entre les responsables académiques et chaque chef d’établissement, avec
toutes les insuffisances qu’une telle démarche peut engendrer. Ce mode
de fonctionnement reposant sur la négociation individuelle et favorisant
« les
fortes
personnalités »
apparaît
en
particulier
difficilement
compatible avec une vision stratégique et globale de l’offre de formation.
Cette approche essentiellement gestionnaire et comptable de l’offre
de formation, fondée sur l’attribution et la répartition des heures
d’enseignement, peut certes permettre, par la contrainte des moyens, de
réguler l’offre de formation, en jouant par exemple sur les seuils
d’effectifs, sur le financement des enseignements optionnels, ou encore
sur le remplissage des capacités d’accueil. Mais cet outil de régulation,
inégalement mis en œuvre selon les académies, atteint rapidement ses
limites. Trop grossier pour aboutir à une offre de formation équilibrée et
adaptée, il se heurte en particulier à l’autonomie pédagogique des
établissements qui, sous réserve de rester dans l’enveloppe de moyens qui
leur a été attribuée et de respecter les horaires réglementaires dans les
formations dispensées, sont libres de concevoir une organisation
différente en ce qui concerne le nombre et le contenu des options ou
encore la taille des divisions.
b)
Une prise en compte réduite des aspects qualitatifs
Une approche véritablement qualitative de l’offre de formation doit
combiner la répartition équilibrée des enseignements sur l’ensemble du
territoire académique avec la complémentarité des filières et des options,
notamment entre établissements voisins, tout en garantissant aux élèves la
continuité des parcours scolaires ainsi que la possibilité d’une insertion
rapide dans la vie professionnelle. Cette approche repose sur un certain
nombre d’étapes essentielles :
-
l’envoi de lettres de cadrage aux établissements, qui doivent
disposer, pour définir leur carte des formations, d’orientations
précises de la part des services académiques ;
-
une instruction de ces demandes à partir de la situation de
l’académie (flux d’élèves à scolariser, capacités d’accueil
existantes, débouchés sur le marché de l’emploi, etc.) ;
-
une phase de concertation avec les différents partenaires
extérieurs (collectivité régionale, branches professionnelles,
etc.), mais également avec les établissements eux-mêmes ;
122
C
OUR DES COMPTES
-
un arbitrage final en fonction des objectifs académiques et des
coûts induits par les modifications apportées à la carte des
formations.
Dans les académies contrôlées par la Cour, ces différentes étapes
sont mises en œuvre de façon très inégale et très progressive, même si
quelques améliorations récentes de cette fonction de pilotage méritent
d’être
relevées.
Les
lettres
de
cadrage,
adressées
aux
chefs
d’établissements pour les guider dans l’élaboration de leur offre de
formation, comportent rarement des directives précises et restent trop
générales pour aborder les spécificités de chaque type d’enseignement.
Les demandes formulées par les établissements sont ensuite examinées
selon des procédures qui relèvent souvent plus d’une approche intuitive
que d’une analyse vraiment exhaustive de la situation académique (vœux
exprimés par les élèves, offres déjà existantes, possibilités d’insertion
professionnelle, potentiel enseignant disponible, perspective pluriannuelle
des besoins de formation, etc.). La consultation de la collectivité
régionale est par ailleurs loin d’être systématique et celle-ci n’est pas
toujours associée à l’élaboration de la carte des formations, même lorsque
cette dernière a une incidence directe sur les investissements à financer et
les équipements à mettre en place dans les établissements.
c)
Le découpage géographique de l’offre de formation
L’offre de formation scolaire obéit par ailleurs à une logique de
proximité et s’inscrit dans un zonage administratif précis, redéfini par le
décret du 13 janvier 1980. Le territoire de chaque académie est ainsi
divisé en districts pour les lycées et en secteurs pour les collèges. Ces
différents
découpages
correspondent aux zones de
desserte
des
établissements et servent de cadre à l’affectation des élèves ; ils doivent
en outre offrir une variété d’enseignement suffisante pour permettre un
bon fonctionnement de l’orientation.
Dans les académies socialement contrastées et géographiquement
resserrées, la sectorisation au sens large (secteurs des collèges et districts
des lycées) renforce l’attitude sélective des familles et les effets de
concurrence entre établissements. Souvent lourde de conséquences en
termes de parcours et de réussite scolaire, elle fait l’objet de multiples
stratégies de contournement, qu’il s’agisse du choix élitiste des langues
rares, des pratiques de fausse domiciliation ou de la constitution de
classes de niveau. L’offre de formation n’est plus alors un simple outil
pédagogique au service de l’orientation et de l’insertion des élèves, mais
devient un enjeu de mixité sociale ou, à l’inverse, de ségrégation scolaire.
Les académies, à travers la délimitation des secteurs et la gestion des
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
123
dérogations, ont dans ce domaine une responsabilité importante, puisqu’il
leur revient de préserver un minimum de cohésion sociale et de garantir
les principes républicains d’équité et d’égalité des chances.
Répondant pour l’essentiel à un objectif de régulation des flux
d’élèves, les secteurs et les districts ne constituent pas, à proprement
parler, le lieu où se définit la politique éducative locale. L’élaboration
d’une offre de formation concertée dans un cadre géographique de
proximité apparaît ainsi comme un phénomène récent, lié à l’émergence
d’un zonage spécifique et différent : le bassin de formation.
d)
L’émergence des bassins de formation
Parmi les différentes mesures adoptées par les académies pour
améliorer le pilotage et la gestion de l’offre scolaire, la création des
bassins de formation constitue sans doute l’avancée la plus significative.
Bien qu’instaurés par la loi d’orientation de 1989
44
, les bassins n’ont
cependant été mis en œuvre que depuis peu et encore avec des objectifs
qui diffèrent sensiblement d’une académie à l’autre. Structures de
concertation, dont le périmètre recouvre le plus souvent la carte des
bassins d’emploi de l’INSEE, leur finalité est d’échapper aux logiques de
concurrence entre les établissements et d’assurer la complémentarité de
l’offre scolaire, en permettant à chaque élève d’effectuer, dans le cadre du
bassin, un parcours complet de formation. Dans les cinq académies
contrôlées par la Cour, les bassins de formation mis en place constituent
progressivement un lieu d’échanges et de réflexion sur les pratiques
pédagogiques. En revanche, ils offrent très peu d’exemples d’une
recherche de cohérence et d’une véritable coordination de l’offre de
formation. Le cadre institutionnel des bassins reste par ailleurs fragile et
leur
fonctionnement,
articulé
autour
de
la
concertation,
repose
essentiellement sur la bonne volonté des acteurs. Dans ces conditions, les
bassins de formation se réduisent le plus souvent à un espace de débats
entre chefs d’établissement et équipes pédagogiques. A ce jour, ils ne sont
donc pas encore des lieux d’arbitrage et de prise de décisions, permettant
d’aboutir à des propositions concertées en matière d’offre de formation.
44) L’article L. 421-7 du code de l’éducation prévoit que « les établissements peuvent
s’associer pour la mise en œuvre de projets communs dans le cadre d’un bassin de
formation ».
124
C
OUR DES COMPTES
e)
L’articulation avec la carte des formations de l’enseignement privé
Outre
la
recherche
d’une
nécessaire
complémentarité
géographique, les académies, dans la gestion de l’offre de formation,
doivent également s’employer à limiter les risques de concurrence avec
l’enseignement privé sous contrat. Pour assurer cette concertation, le
décret du 13 novembre 1985 a institué une commission académique qui
est réunie annuellement pour examiner les évolutions apportées à la
structure pédagogique des établissements privés, ainsi que les demandes
de moyens correspondantes. Cette commission émet en particulier un avis
sur l’opportunité des ouvertures de classes sollicitées, en fonction
notamment des effectifs scolaires attendus et de l’existence, dans
l’enseignement public, de formations équivalentes. Contrairement à ce
que prévoient les textes, les contrôles opérés par la Cour ont montré que
cette commission n’était pas systématiquement mise en place et que son
rôle, lorsqu’elle existe, apparaissait rapidement limité.
La complémentarité de l’offre de formation, entre public et privé,
dépend en réalité très largement de modalités informelles de concertation
et de l’existence d’un dialogue plus ou moins approfondi entre les
responsables académiques et les représentants de l’enseignement privé, et
plus particulièrement avec les responsables diocésains. Ce dialogue, qui
s’appuie généralement sur des groupes de travail mixtes chargés d’étudier
les demandes des établissements, existe dans la plupart des académies. Il
n’empêche cependant pas toujours les rapports de force et les conflits
d’intérêts, notamment dans les académies où le poids de l’enseignement
privé est important. La gestion par les services académiques de l’offre
scolaire du privé ne peut alors s’exercer qu’à travers la contrainte des
moyens, l’évolution des structures pédagogiques devant rester dans la
limite de la dotation budgétaire
45
attribuée par le ministère. Mais, à
l’intérieur de cette limite, les établissements de l’enseignement privé
restant maîtres de leurs orientations pédagogiques. La marge de
manœuvre des académies demeure, dans les faits, relativement réduite et
ne leur permet pas d’éviter les offres concurrentes, et encore moins
d’imposer une carte des formations.
45) Dans les classes sous contrat (contrat simple ou contrat d’association), l’Etat
prend
en
charge
la
rémunération
des
personnels
enseignants. Les crédits
correspondants, déterminés chaque année par la loi de finances, sont répartis entre les
académies dans le cadre de la préparation de la rentrée scolaire. Cette répartition
donne lieu à des attributions ou des retraits de moyens, exprimés conformément à la
loi « Debré » en contrats d’enseignement (nombre d’heures d’enseignement
nécessaires au fonctionnement d’une classe).
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
125
2
L’effort de rationalisation de la carte des options et des
langues vivantes
Du fait de la diversité des matières proposées et enseignées, la
carte des langues vivantes et des options constitue une des spécificités de
l’enseignement général du second cycle et illustre les contraintes et les
limites du pilotage académique de l’offre scolaire. La carte des options et
des langues vivantes repose tout d’abord sur une organisation
pédagogique complexe, où les enseignements s’effectuent rarement en
classe entière mais le plus souvent devant des groupes qui peuvent
résulter soit d’un dédoublement de la classe, soit d’un regroupement
d’élèves issus de divisions, de filières, voire de niveaux différents. Les
systèmes d’informations actuels ne permettent pas de rendre compte de
cette organisation et les services académiques n’ont en réalité qu’une
connaissance très approximative des effectifs réels d’élèves.
Ces données, bien qu’incomplètes, fournissent toutefois une idée
de la faiblesse des effectifs dans certaines matières et mettent en évidence
la nécessité de mieux connaître dans un premier temps et de rationaliser
ensuite la carte des langues et des options. Au niveau national, les
statistiques ministérielles recensent ainsi une dizaine de disciplines
enseignées devant un effectif moyen de moins de 12 élèves : il s’agit
principalement du russe, de l’arabe, des langues régionales ainsi que de la
plupart des troisièmes langues vivantes commencées au lycée. Outre le
souci d’une gestion plus économe des moyens d’enseignement, les
académies sont en effet confrontées à une offre de formation qui a été
progressivement détournée de son objectif pédagogique initial pour
devenir un outil de sélection des élèves, dans un contexte parfois très
marqué de concurrence entre les établissements.
Une des principales mesures mises en œuvre consiste à faire
disparaître les groupes à faibles effectifs (comptant par exemple moins de
huit élèves), soit par des fermetures autoritaires, éventuellement
précédées d’avertissements, soit en ne finançant plus les enseignements
correspondants dans le cadre de la dotation horaire allouée à
l’établissement. A titre d’exemple, l’académie de Paris a mis en place
depuis la rentrée 2000 un dispositif d’alerte pour les enseignements à
faible effectif (moins de 10 élèves). Au titre de l’année scolaire 2002-
2001, cette politique de resserrement de l’offre linguistique a conduit en
collège à 11 fermetures et 47 avertissements et en lycée à 13 fermetures et
21 avertissements, notamment en russe et en allemand. L’efficacité et la
pertinence de telles mesures paraissent cependant limitées. Le principal
obstacle est bien évidemment celui de la ressource disciplinaire, tout
effort de rationalisation étant
illusoire s’il conduit à placer des
enseignants
en
sous-service
ou
à
augmenter
les
surnombres
126
C
OUR DES COMPTES
disciplinaires
46
. Par ailleurs, le maintien d’un enseignement, même s’il
compte peu d’élèves, peut permettre d’éviter des détournements de la
carte scolaire, en retenant les élèves dans des établissements jugés peu
attractifs : dans des académies socialement très contrastées (Paris, Lille),
la fermeture d’une option ou d’une langue vivante ne fait ainsi que
renforcer l’effet « ghetto » de certains établissements. A l’inverse,
l’existence d’un enseignement de russe ou d’italien, outre le fait de rendre
sans objet les demandes de dérogation liées à la pratique d’une langue
rare, permet de conserver, dans les collèges difficiles, les élèves issus des
classes moyennes ou favorisées.
Elément sensible de l’offre de formation scolaire, la carte des
langues et des options doit faire l’objet d’un pilotage spécifique. Ce
travail, qualifié de « remise à plat », a été amorcé depuis peu dans les
académies visitées par la Cour. Essentiellement axé, pour l’instant, sur
l’enseignement linguistique, il vise à assurer une plus grande cohérence
de l’offre académique et poursuit plusieurs objectifs complémentaires, à
travers notamment : la continuité des parcours école – collège (afin de
garantir la poursuite en 6
ème
de la langue commencée à l’école primaire) ;
la diversification des enseignements, notamment dans les zones rurales ;
et enfin la rationalisation et la mutualisation de l’offre, afin de limiter les
effets de concurrence entre les établissements.
Pour autant, les effets de cette politique restent limités et la marge
de manœuvre dont disposent les académies apparaît relativement faible.
Confrontée à un grand nombre d’établissements dispersés en zone rurale,
l’académie de Toulouse présente ainsi un nombre élevé d’enseignements
linguistiques regroupant moins de 10 élèves
47
. A Lille également, où
l’académie a pourtant entrepris de rationaliser sa carte des langues
vivantes, les effectifs, dans de nombreuses disciplines, n’excèdent pas 10
élèves : c’est le cas notamment, en lycée, de l’espagnol ou du russe,
première langue vivante (LV1). Afin de limiter la dispersion de l’offre de
formation, les académies s’appuient de plus en plus sur les bassins de
formation. Ces derniers sont cependant des institutions trop récentes pour
permettre aujourd’hui une réelle complémentarité entre établissements.
Outre les difficultés réelles de gestion des emplois du temps liées aux
regroupements d’élèves sur un même site, les établissements restent
fortement attachés à leur autonomie et à la maîtrise de leur offre de
46) Personnel en sureffectif par rapport aux besoins d’enseignement de leur
discipline.
47
) Pour l’ensemble des langues vivantes ou optionnelles, le pourcentage d’heures
devant des groupes d’élèves de moins de dix élèves est nettement supérieur à la
moyenne nationale. En italien (LV1), près de 70 % des heures sont ainsi assurées
devant des effectifs inférieurs à dix élèves, contre 30 % au niveau national.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
127
formation. Placés souvent dans une relation de rivalité, ils tiennent en
particulier à conserver un éventail aussi large que possible, afin de
garantir l’attractivité de leurs formations. Les efforts de rationalisation
des académies se heurtent par ailleurs aux multiples contradictions d’un
exercice souvent délicat : la nécessité de garantir la plus grande équité
possible sur l’ensemble du territoire ; la volonté ministérielle de
diversifier l’enseignement des langues étrangères tout en veillant, au plan
local, à limiter les phénomènes de concurrence et de sélection sociale ; le
souci d’éviter la fragilisation des établissements les moins renommés
constituent
autant
d’objectifs
difficilement
compatibles
avec
l’optimisation des structures et la réduction des coûts d’enseignement.
3
L’évolution des structures pédagogiques
Les académies, dans leurs efforts pour modifier et rationaliser leur
offre de formation, se trouvent confrontées à la rigidité intrinsèque de
l’organisation
pédagogique
des
établissements.
Cette
rigidité
se
caractérise par des évolutions souvent contraires, notamment dans le
second cycle, entre d’une part les effectifs d’élèves et d’autre part les
structures
d’enseignement.
Elle
constitue
un
facteur
important
d’augmentation du coût du système scolaire.
Dans toutes les académies contrôlées par la Cour, la diminution du
nombre des élèves, au niveau du lycée d’enseignement général et
technologique, n’a pas entraîné une suppression proportionnelle du
nombre des divisions (ou classes). Dans l’une de ces académies, seules
six divisions de lycées ont ainsi été supprimées entre 1997 et 2000, alors
que si l’on avait suivi l’évolution démographique du second cycle
(disparition en quatre ans d’environ 1 700 élèves), c’est près de 45 classes
qui auraient dû être fermées. Dans une autre, on relève la création de
18 divisions supplémentaires, alors que sur la même période c’est près de
700 élèves de moins qui fréquentent le second cycle général et
technologique. Ce désajustement entre les effectifs et les structures s’est
traduit, au niveau national, par une augmentation sensible des taux
d’encadrement
48
, mais également par une surconsommation des moyens
d’enseignement : le nombre d’heures enseignées rapporté au nombre
d’élèves (ratio H/E) est ainsi passé entre 1997 et 2001 de 1,42 à 1,5, soit
un accroissement de près de 6 % en cinq ans.
Cette situation trouve en partie son origine dans les contraintes
inhérentes à la diversité des enseignements et au système des options, qui
ne permettent pas toujours d’assurer une bonne adéquation entre les
48) 28,5 élèves par division de lycée à la rentrée
2001 contre 29,5 à la rentrée 1995.
128
C
OUR DES COMPTES
variations d’effectifs et l’évolution du nombre des divisions. Elle tient
également aux obstacles que rencontrent les services académiques pour
optimiser et, le cas échéant, resserrer les structures pédagogiques. Le
souci de ne pas favoriser, par des fermetures de classes, les phénomènes
de migration vers l’enseignement privé, la prise en compte pour certains
établissements
d’un
environnement
social
défavorable
à
travers
l’attribution de moyens supplémentaires ou encore les difficultés à
anticiper les décisions d’orientation de fin de troisième et à ajuster en
conséquence le nombre et la taille des divisions sont autant de motifs qui
s’opposent aux tentatives de rationalisation de l’offre scolaire. A titre
d’exemple, l’académie de Paris, malgré ses efforts récents pour ajuster les
structures pédagogiques à la démographie scolaire, présentait, lors du
contrôle de la Cour en 2001, des capacités d’accueil en lycée (c’est-à-dire
le
nombre
théorique
d’élèves
financés
à
travers
la
dotation
d’enseignement) supérieures de 10 % aux effectifs d’élèves, soit un écart
d’environ 3 300 élèves. La gestion des personnels enseignants constitue
également un obstacle important et toute politique visant à modifier
l’offre de formation, par son impact direct sur le nombre de postes
implantés dans les établissements et sur la situation des personnels qui les
occupent, se heurte à la réactivité souvent forte des enseignants : toutes
les enquêtes menées par la Cour dans les académies ont montré que les
« mesures de carte scolaire », qui correspondent à la mutation d’un
enseignant consécutive à la suppression de son poste, sont généralement
prises une ou plusieurs années après la constatation effective de leur
nécessité.
Cette difficile adéquation entre l’évolution des effectifs et celle des
structures est encore plus marquée dans l’enseignement professionnel, où
le taux d’encadrement pédagogique est passé, entre 1995 et 2001, de 21,8
à 19,8 (soit en moyenne deux élèves de moins par division). C’est au
niveau du CAP que la distorsion est souvent la plus forte, et il est fréquent
de voir, sur les quatre dernières années, des diminutions des taux
d’encadrement de quatre à cinq élèves par division. Dans la plupart des
académies, il faut en particulier souligner le maintien, voire le
renforcement, des capacités d’accueil
49
, et ce en dépit d’une baisse
significative du nombre des élèves, de l’ordre de 10 à 15 % entre 1998 et
2001. Dans l’une d’elles, la Cour a constaté, sur cette période de quatre
ans, la création de 18 nouvelles divisions, malgré un recul de 1 770 élèves
(- 12 % des effectifs de lycée professionnel). Il en est résulté une
diminution de 21,9 à 18,7 du nombre d’élèves par division. Cette
situation conduit actuellement à une surcapacité manifeste par rapport aux
49) Nombre théorique d’élèves financé à travers l’attribution de la dotation horaire
d’enseignement.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
129
besoins, avec un pourcentage de places vacantes qui atteint fréquemment
les 20 % et peut dépasser les 50 %, pour les spécialités industrielles,
notamment pour les BEP de la filière du bâtiment. Elle se traduit
également par des organisations pédagogiques de plus en plus coûteuses :
le H/E de l’enseignement professionnel est supérieur de 40 % à celui du
lycée général et technologique et de plus de 60 % à celui du collège. Il
connaît par ailleurs une progression qui est loin d’être négligeable. Dans
les académies de Toulouse ou encore de Paris, cet indicateur du coût
moyen par élève a ainsi progressé de près de 10 % entre 1998 et 2001.
A l’instar du second cycle général, ces désajustements s’expliquent
par la complexité des enseignements : une diminution du nombre d’élèves
permet sans difficulté de fusionner deux classes de 5
ème
, mais une
variation équivalente des effectifs ne peut évidemment conduire à réunir
une section secrétariat et une section mécanique. Ils traduisent également
l’inadéquation de l’offre de formation avec la demande des familles
comme avec les besoins des professionnels. Les académies dont le
territoire régional est étendu sont ensuite confrontées à la nécessité de
garantir une offre de formation de proximité (notamment au niveau V :
BEP et CAP) et un égal accès à la qualification, en maintenant, pour des
publics scolaires souvent peu mobiles, des structures d’enseignement
surdimensionnées. A titre d’exemple l’académie de Toulouse, avec en
moyenne 11 % de places vacantes dans ses formations profesionnelles à
la rentrée 2000, présentait, dans les départements ruraux (Aveyron,
Ariège ou Gers) et au niveau V de formation, des taux nettement plus
élevés, voisins de 20 %. Enfin, dans un contexte où l’enseignement
professionnel connaît une nette désaffection de la part des élèves, les
autorités académiques cherchent à enrayer cette évolution par une offre
de formation aussi large et aussi diversifiée que possible. Cette politique
volontariste, mais peu économe en moyens d’enseignement, est
cependant rarement associée à une réflexion en profondeur afin de
rechercher en amont (information des familles, décisions d’orientation
des conseils de classe, etc.) et aval (validation des formations auprès des
professionnels, possibilités d’insertion, etc.) les leviers sur lesquels il
conviendrait d’agir en priorité.
II
La gestion des enseignants, un enjeu majeur
La gestion des 735 000 enseignants des premier et second degrés
publics constitue un des enjeux majeurs du système éducatif. En avril
2001, la Cour, dans son rapport consacré à la fonction publique de l’Etat,
avait déjà rendu publiques les conclusions de plusieurs enquêtes menées
130
C
OUR DES COMPTES
auprès de l’administration et de plusieurs académies sur la gestion des
enseignants du seul second degré. Ces observations ont été actualisées et
complétées par les enquêtes menées sur la gestion des enseignants du
premier degré.
La gestion des enseignants poursuit évidemment un objectif
essentiel, consistant à assurer la présence d’enseignants sur tout le
territoire national, devant chaque classe, et, dans le second degré, dans
chaque discipline. Elle est cependant, comme dans toute la fonction
publique, contrainte par la nécessité de respecter les statuts qui régissent
les différents corps de fonctionnaires enseignants. Si cette gestion est
assurée selon des modalités relativement différentes dans le premier et le
second degrés, elle soulève cependant dans les deux cas des
problématiques similaires qui toutes se ramènent à la nécessité de
concilier au mieux, selon un équilibre toujours fragile, la bonne gestion
des moyens budgétaires et le respect des dispositions statutaires
applicables aux enseignants, tout en s’assurant
in fine
que les décisions
prises sont bien conformes à l’intérêt des élèves. C’est cet équilibre qui se
trouve imparfaitement réalisé, le renforcement, notamment sous la
pression des organisations représentatives, des mesures prises en faveur
des enseignants tendant parfois à l’emporter tant sur le souci de la
maîtrise des coûts que sur la prise en compte des aspirations des élèves.
A
Les principales modalités de gestion des
enseignants
Les grands principes sur lesquels repose la gestion des enseignants
ne sont pas,
a priori
, différents de ceux qui existent dans l’ensemble de la
fonction publique. Cependant, le système éducatif est confronté à des
contraintes particulières dont l’ampleur s’explique en partie par le
renoncement progressif du ministère et des académies à faire prévaloir
avec constance l’intérêt du service sur les revendications des différentes
catégories d’agents : la coexistence de multiples statuts qui, pour la
plupart, ont été révisés sans contrepartie dans le sens d’un diminution du
nombre d’heures de cours imposés aux enseignants, l’exceptionnelle
rigidité qui résulte d’un cloisonnement disciplinaire généralisé dans les
collèges et étendu dans les lycées professionnels, l’occasion manquée,
enfin, en 1998, d’assouplir les règles de mutation pour tenir compte de la
diversité des postes et des profils, constituent autant d’éléments de
contrainte dont la Cour a pu évaluer l’impact lors de ses contrôles.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
131
1
Des statuts éclatés et très contraignants
Comme tous les fonctionnaires, les enseignants du premier comme
du second degrés sont régis par différents statuts qui déterminent
notamment les modalités de leur nomination, de leur avancement, de leur
cessation d’activité, et définissent la nature et le contenu de leurs
obligations de service ainsi que leur régime disciplinaire.
D’autres textes viennent compléter ce dispositif, régissant le temps
partiel, les heures supplémentaires, la formation ou les décharges de
service qui permettent aux enseignants d’exercer leurs responsabilités
syndicales ou de participer à des travaux d’intérêt commun, soit au niveau
de l’académie, soit dans leur établissement.
Les statuts des professeurs agrégés et certifiés font l’objet de deux
décrets qui datent de 1972 et ont donc plus de trente ans. Pour la plupart,
les textes réglementaires qui définissent les conditions d’exercice de leurs
fonctions sont même plus anciens, puisqu’ils résultent de différents
décrets pris en 1950. Ils constituent désormais un corpus de règles
complexes, qui ne tiennent qu’imparfaitement compte des changements
importants qui ont affecté l’enseignement secondaire depuis la loi
d’orientation de 1989.
La multiplicité des statuts particuliers est également une source de
complexité. Certes, il est justifié que le statut applicable aux professeurs
des écoles ne soit pas identique à celui des professeurs du second degré
ou à celui des professeurs de l’enseignement professionnel. Cependant, la
diversité des statuts va au-delà de la simple nécessité de tenir compte des
particularités propres à chaque catégorie. Ainsi, onze catégories
différentes d’enseignants sont susceptibles d’intervenir dans les lycées et
les collèges. Leurs obligations respectives, notamment en matière de
durée du service hebdomadaire, ne sont pas toutes identiques, allant de
quinze à vingt heures par semaine. Certains enseignants, notamment dans
les classes préparatoires aux grandes écoles, se voient, de plus, appliquer
des règles de pondération qui réduisent leur service d’enseignement à huit
heures par semaine.
Ces textes statutaires, par nature de portée très générale, ne sont
pas non plus conçus pour tenir compte des situations qui seraient
justifiées par des considérations locales, telles que les caractéristiques
particulières d’un poste ou d’un établissement. Les textes relatifs aux
règles d’affectation ne prennent en considération, à l’exception de
certains postes spécifiques dont le nombre demeure très limité, ni la
nature du poste, ni celle de l’établissement scolaire. L’importance
désormais accordée au travail transdisciplinaire justifierait pourtant que
132
C
OUR DES COMPTES
soit reconnue la complémentarité des savoir-faire au sein de ce qu’il est
justement convenu d’appeler « l’équipe éducative ».
Les règles statutaires applicables aux enseignants ont, dans de
nombreux cas, été révisées dans un sens qui ne fait qu’accroître les
contraintes qui pèsent sur la gestion, sans que ces modifications aient
toujours été justifiées par une amélioration du service rendu à la
collectivité.
Ainsi
en
est-il
de
la
diminution
des
obligations
réglementaires de service : le service hebdomadaire des professeurs de
lycée professionnel (PLP) enseignant des matières théoriques est passé de
21 heures à 18 heures en 1990, celui des PLP enseignant des matières
pratiques diminuant pour sa part à plusieurs reprises, de 26 heures en
1989
à
18
heures
actuellement.
Le
service
des
professeurs
d’enseignement général des collèges (PEGC) a été également réduit, de
21 heures à 18 heures par semaine. Enfin, le service des enseignants des
disciplines artistiques, quel que soit leur statut, a été diminué de deux
heures par semaine à compter de la rentrée 2001.
De même, le nombre d’heures supplémentaires qu’un chef
d’établissement peut imposer à un enseignant d’effectuer pour compléter
un emploi du temps a été réduit de moitié en 2000, passant de deux
heures à une heure par semaine.
Dans certains cas, les contraintes tiennent non plus aux réformes
statutaires, mais au renoncement progressif de l’administration à faire
appliquer des dispositions qui, pourtant, résultent de la réglementation. Il
en est ainsi des demandes de temps partiel, de détachement et de
disponibilité, des congés formation ou des postes à pourvoir dans
l’enseignement supérieur. Ces départs, qui ne devraient être autorisés
qu’en considération des besoins dans la zone géographique et la
discipline considérées, sont en réalité quasi systématiquement autorisés.
Le ministère a également renoncé à faire appliquer le décret 50-581 du
25 mai 1950 qui autorise le recteur à affecter un enseignant sur un poste
correspondant à une discipline voisine de la sienne. Enfin, dans certaines
académies examinées récemment par l’IGAENR, il apparaît que le
nombre de postes en zone de remplacement est maintenu à un niveau
supérieur aux besoins pour ne pas contraindre les enseignants concernés à
occuper un poste plus éloigné, notamment en zone rurale.
Ces différents éléments sont à l’origine de ce que les académies
appellent « le rendement décroissant des emplois » : à un emploi
budgétaire d’enseignant du second degré ouvert en loi de finances
correspond
en
effet
un
nombre
toujours
plus
faible
d’heures
d’enseignement assurées devant élèves. Les académies que la Cour a
contrôlées sont généralement en mesure de quantifier très précisément ces
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
133
déperditions, qui représentent, dans les grandes académies, plusieurs
centaines d’heures de travail en moins tous les ans.
2
La monovalence et le cloisonnement disciplinaire
La révision des statuts a également conduit à la généralisation de la
monovalence (enseignement d’une seule discipline) particulièrement dans
les collèges. Auparavant, les PEGC, qui étaient souvent d’anciens
instituteurs, enseignaient généralement dans deux disciplines différentes,
lettres et histoire-géographie, lettres et langue vivante, mathématiques et
sciences
physiques…
Cette
polyvalence
donnait
aux
chefs
d’établissement une souplesse appréciable dans la confection des emplois
du temps, notamment dans les petits collèges des zones rurales qui a
disparu avec l’extinction du corps des PEGC.
La disparition de la polyvalence correspond certes, dans ce cas, à
une élévation du niveau de formation des enseignants. Elle ne peut
cependant se traduire que par un accroissement du nombre d’enseignants
qui effectuent un service hebdomadaire inférieur à leur obligation
statutaire. Bien qu’il n’existe pas d’outils statistiques permettant de
recenser ces « sous-services », la Cour a pu constater, au cours de ses
enquêtes dans les établissements et à l’occasion de l’examen des états de
service
des
enseignants,
que
cette
situation
n’était
pas
exceptionnelle. Certes, la réglementation autorise l’administration à
affecter l’enseignant concerné sur deux, voire trois établissements, en vue
de compléter son service. Or, cette disposition n’est pas toujours
appliquée, en particulier hors des zones urbaines.
La Cour avait déjà souligné, dans le rapport public sur la fonction
publique de l’Etat publié en avril 2001, les conséquences négatives de la
généralisation de la monovalence disciplinaire, notamment dans les
collèges. Le ministère de l’éducation nationale, dans sa réponse, avait
indiqué qu’il avait conscience de ce risque et indiqué qu’il comptait
mener « une action incitative afin que les enseignants optent pour un
complément de service dans une autre discipline plutôt que dans un autre
établissement. » Les enquêtes menées par la Cour en 2001 et 2002 dans
plus de 150 établissements n’ont pas permis de constater une quelconque
évolution de la situation.
Aux rigidités résultant de la monovalence s’ajoute, mais seulement
dans le second degré, l’extrême diversité des disciplines enseignées, plus
de 350 au total. Dans l’enseignement professionnel notamment, la variété
des disciplines est telle que certaines ne comprennent qu’un nombre très
faible
d’enseignants :
ainsi,
en
2000,
35
des
88
disciplines
d’enseignement technologique existantes comptent
moins de dix
134
C
OUR DES COMPTES
enseignants titulaires sur l’ensemble du territoire national. Cette situation
est sans doute justifiée par la variété des enseignements proposés. Dans
certains cas cependant, les responsables académiques estiment que cette
nomenclature pourrait être simplifiée.
3
Des règles de mutation excessivement rigides
Par le jeu des mutations, l’administration s’assure de la
correspondance entre les besoins des établissements et la disponibilité des
enseignants. Pour ces derniers, les mutations constituent souvent un
moyen de se rapprocher peu à peu de leur région de prédilection.
Au sein de l’éducation nationale, les mutations s’effectuent quasi
exclusivement sur la base du volontariat : les enseignants qui souhaitent
changer d’affectation déposent une demande en ce sens auprès de leur
administration. Un enseignant est en effet réputé « titulaire de son
poste », ce qui interdit de modifier son affectation, sauf en cas de
suppression de ce poste (fermeture de classe ou d’option). Dans le
premier degré, le faible taux de mutation interdépartemental (environ
2 %) rend difficiles les nécessaires rééquilibrages entre départements,
ainsi que l’application des directives relatives aux ZEP et aux enseignants
débutants ou en situation difficile. Dans le second degré, les demandes de
mutation sont importantes en début de carrière, les jeunes enseignants
étant majoritairement affectés dans des académies réputées difficiles. En
revanche, une fois atteint l’objectif géographique recherché, la mobilité
est beaucoup plus faible.
Dès lors, il devient quasiment impossible d’assurer un bon
ajustement des effectifs d’élèves et d’enseignants, cet équilibre devant
notamment être recherché, en collège et en lycée, dans chacune des 350
disciplines enseignées. Ces rigidités expliquent en partie les déséquilibres
géographiques et disciplinaires qui ont été constatés par la Cour dans
certaines académies qui continuent de procéder à des recrutements de
personnels contractuels alors que tous les enseignants titulaires ne sont
pas affectés dans un établissement, ou bien qui disposent d’enseignants
non affectés dans certaines disciplines et de besoins non satisfaits dans
d’autres.
Dans le premier comme dans le second degrés, les mutations sont
régies, d’un commun accord entre l’administration et les organisations
représentatives, sur la base des règles définies par le « barème ». Ce
dernier résulte de l’addition de points, dont le nombre correspond
essentiellement à la situation personnelle des intéressés (ancienneté de
service et
dans le poste occupé, situation familiale) ainsi qu’à certaines
modalités d’exercice de la profession (enseignement en zone d’éducation
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
135
prioritaire par exemple). Il s’agit de garantir à tous les enseignants d’un
même corps, quelles que soient leurs académies et leurs disciplines, une
égalité dans le traitement de leur demande. Bien qu’elle soit devenue
systématique,
l’application
du
barème
n’est
pas
une
obligation
réglementaire. Cette pratique, qui revient à considérer
a priori
que tous
les enseignants se valent et que tous les postes sont identiques, semble
certes interdire tout arbitraire, mais elle freine également les efforts pour
concevoir une gestion plus fine et plus qualitative des personnels.
Jusqu’en 1999, toutes les demandes de mutation des enseignants
du second degré étaient traitées par les services de l’administration
centrale, lors d’un « mouvement » annuel, et examinées en commission
administrative paritaire nationale. Dans le cadre de la préparation de la
rentrée 1999, ces opérations ont été déconcentrées et confiées aux
académies. Toutes les affectations, à l’exception de celles des professeurs
des classes préparatoires aux grandes écoles, sont désormais de la
compétence du recteur. Pour rassurer les personnels et leurs organisations
représentatives, qui craignaient que les dispositions très complexes du
barème soient diversement appliquées suivant les régions, le ministère
s’est engagé, dans la « charte de la déconcentration », à ne pas les
modifier au cours des trois années suivantes. La déconcentration du
mouvement a donc eu une portée limitée, seule la procédure ayant été
réformée et non les dispositions qu’elle met en oeuvre.
Le bilan de cette déconcentration du mouvement a été récemment
dressé par l’IGAENR. Le transfert dans les services académiques des
opérations d’affectation s’est déroulé sans heurts, grâce à la forte
mobilisation
des
gestionnaires
locaux
et
à
un
réel
effort
de
communication en direction des enseignants. Cette réforme a permis de
resserrer le calendrier des opérations et d’augmenter ainsi le nombre de
postes effectivement pourvus le jour de la rentrée. Elle n’a cependant pas
été mise à profit pour desserrer les contraintes résultant des règles
actuelles d’affectation, et en faire baisser le coût.
La création des postes à exigences particulières (PEP) avait pour
ambition d’introduire des possibilités de gestion individualisée des
affectations dans un nombre limité des cas, postes en ZEP, en SEGPA ou
en EREA
50
notamment. La détermination du nombre de postes ouverts et
de leur nature relève de la compétence des recteurs. Cette souplesse n’a
cependant été que faiblement utilisée : moins de 5 000 PEP étaient offerts
en 2001 dans l’ensemble des académies de France métropolitaine et
50) ZEP : zone d’éducation prioritaire ; SEGPA : section d’enseignement général et
professionnel adapté ; EREA : établissement régional d’enseignement adapté.
136
C
OUR DES COMPTES
d’outre-mer. De surcroît, le nombre de postes pourvus est en forte
diminution. Il s’établit, en 2001, à seulement 41 % des postes offerts.
4
Le caractère mécanique de la notation
Comme tous les agents publics, les enseignants sont notés et la
rapidité de leur avancement, comme leur éventuelle promotion, dépend
du niveau de leur note. Les différences dans les rythmes d’avancement
sont importantes : sur une carrière de professeur de classe normale, l’écart
entre les durées d’accession au dernier échelon peut être supérieur à dix
ans, ce qui se traduit en définitive par d’importants écarts de
rémunération. La note totale est constituée d’une note administrative, sur
quarante points, qui est attribuée par le recteur sur proposition du chef
d’établissement et d’une note pédagogique, sur soixante points, délivrée
par l’inspecteur pédagogique.
En
pratique
cependant,
la
note
administrative
n’est
pas
déterminante : les écarts constatés entre les notes les plus élevées et les
notes les plus basses sont faibles et la péréquation nationale qui est
effectuée
a posteriori
pour réduire les disparités académiques accentue ce
resserrement. Les appréciations portées par les chefs d’établissement sur
la façon de servir de leurs anciens collègues sont par ailleurs peu
détaillées et rarement discriminantes.
Quant à la note pédagogique, son niveau de départ est fonction du
rang de classement obtenu lors du concours de recrutement. Cette note est
ensuite modulée à l’occasion de chaque inspection pédagogique mais
celles-ci sont, dans certaines disciplines, très espacées dans le temps,
parfois de plus de dix années. Aussi, la note pédagogique fait-elle l’objet,
lors de l’établissement du tableau d’avancement pour le passage à la hors
classe, d’un correctif automatique consistant à la porter à la moyenne des
notes de l’échelon dès que le délai écoulé depuis la dernière inspection est
supérieur à cinq ans. Les organisations syndicales sont en effet attachées
à ce que le passage des enseignants à la hors classe soit lié à l’ancienneté.
Cependant, contrairement aux notes administratives, l’amplitude des
notes pédagogiques est relativement importante et joue sur la rapidité de
l’avancement des enseignants.
La progression des notes demeure pour sa part fortement liée à
l’ancienneté. Les études réalisées par le ministère montrent que les écarts
de départ se perpétuent tout au long de la carrière des enseignants :
l’avancement, qui est effectué en respectant l’ordre des notes, reflète bien
plus,
de facto
, le rang de classement initial que la façon de servir, telle
qu’elle devrait être appréciée tout au long de la carrière.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
137
Les promotions, qui s’effectuent normalement au choix, tiennent
compte de la note obtenue, mais aussi de l’échelon atteint et du temps
passé dans ce dernier échelon. L’ancienneté est ainsi fortement valorisée,
qu’il s’agisse du passage au grade de « professeur hors classe » ou, pour
les professeurs certifiés, de l’inscription sur la liste d’aptitude aux
fonctions de professeur agrégé. En 1989, des dispositions avaient été
prises pour permettre aux recteurs, et à l’administration centrale en ce qui
concerne les agrégés, de procéder à des promotions dites « hors barème »,
plus conformes au principe du « choix », dans la limite de 20 % pour les
agrégés et de 8 % pour les autres corps d’enseignants. Mais en 1997, ces
proportions ont été ramenées à 5 % pour l’ensemble des enseignants du
second degré, tenant ainsi compte de l’opposition des organisations
syndicales à tout abandon du critère de l’ancienneté, même pour
l’inscription sur la liste d’aptitude aux fonctions de professeur agrégé qui,
par définition, devrait faire une large place aux qualités professionnelles
des intéressés. Il apparaît que, pour les enseignants non agrégés, qui sont
gérés par les recteurs, les pourcentages effectifs d’enseignants promus
« hors barème », c’est-à-dire au choix plus qu’à l’ancienneté, sont encore
plus faibles, puisqu’ils s’établissent en 2002 à 2 % pour les professeurs
certifiés, 1 % pour les professeurs d’éducation physique et sportive et 1 %
pour les professeurs de lycées professionnels. En revanche, le
pourcentage de 5 % pour les professeurs agrégés, dont la carrière
demeure gérée par le ministère, serait atteint.
Récemment, une bonification de barème a été accordée aux
enseignants affectés dans des établissements considérés comme difficiles.
L’introduction de critères liés aux conditions d’exercice rencontrées au
cours de la carrière demeure néanmoins très timide, rendant difficile toute
gestion qualitative des enseignants.
Il apparaît donc que les promotions sont accordées en priorité aux
enseignants les mieux classés lors de leur concours de recrutement et
bénéficiant de la plus grande ancienneté. Ce système ne permet pas
d’accélérer la carrière de ceux qui consacrent d’importants efforts à leur
discipline, à la réussite de leurs élèves et à la vie de leur établissement.
Aussi, la reconnaissance de leurs mérites consiste-t-elle souvent,
paradoxalement, à les éloigner des élèves, en leur confiant des fonctions
d’inspection ou d’encadrement pédagogique de leurs collègues.
L’accumulation de ces différents éléments, rigidités statutaires et
diminution des obligations de service, renforcement constant du
cloisonnement disciplinaire, application systématique du barème dans le
traitement des demandes de mutation et poids prépondérant de
l’ancienneté dans l’avancement, montre à quel point la réalisation de
l’objectif d’une gestion qualitative des personnels, tenant compte des
138
C
OUR DES COMPTES
besoins diversifiés des établissements et des élèves, demeure encore
lointaine.
B
L’adaptation aux besoins du service
Le caractère rigide des règles décrites précédemment a pour
principale conséquence de rendre plus difficile la recherche d’une
adéquation satisfaisante entre les besoins des établissements et les
effectifs disponibles. Le problème récurrent du remplacement des
enseignants absents illustre cette situation, qui se traduit par l’embauche
d’un nombre toujours élevé d’enseignants non titulaires, contractuels ou
vacataires.
1
Le remplacement des enseignants absents dans le second
degré
Enoncé en 1998, le principe « pas de classe sans enseignant
51
»
continue de connaître des difficultés d’application dans le second degré.
A la suite d’un rapport estimant à 8 ou 9 % dans les collèges et à 12 %
dans les lycées l’amputation du temps de présence des enseignants, le
ministère a pris en 1999 des mesures pour diminuer le nombre d’absences
ayant une cause administrative (réunions des commissions paritaires
pendant les heures de cours des représentants syndicaux par exemple). De
même, la réflexion engagée a permis d’aboutir à des mesures visant à
pourvoir dans de meilleurs délais au remplacement des absences : le
décret 99-823 du 17 septembre 1999 organise l’affectation par zones
géographiques des personnels chargés du remplacement et leur
rattachement administratif à des établissements. Ce texte précise
«
qu’entre deux remplacements, les personnels enseignants peuvent être
chargés d’assurer des activités de nature pédagogique dans leur
établissement
».
Les académies ont organisé le remplacement des enseignants du
second degré en distinguant entre les absences de moins ou de plus de
quinze jours. S’agissant des premières, les chefs d’établissement ont
compétence pour pourvoir au remplacement des heures de cours non
assurées, en faisant notamment appel aux autres enseignants de
l’établissement ou d’établissements voisins auxquels ils demandent
d’effectuer des heures supplémentaires. S’agissant des absences plus
51
) Rapport remis par le recteur Bloch à la demande du ministre de l’éducation
nationale.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
139
longues, ils peuvent s’adresser au rectorat pour demander l’affectation
d’un remplaçant.
L’application de ces dispositions n’a cependant pas permis de
répondre de façon plus satisfaisante aux demandes de suppléances,
notamment lorsque les absences sont de courte durée : d’une part, ces
dernières ne sont pas toujours prévisibles et se renouvellent parfois de
semaine en semaine ; d’autre part, elles sont souvent portées tardivement
à la connaissance du chef d’établissement qui ne dispose alors plus du
temps nécessaire pour y remédier. Les instructions données par le
ministère en 1999 pour mieux anticiper les absences dues à l’exercice du
droit syndical ou à la formation continue n’ont pas été appliquées de
façon durable. Enfin, les chefs d’établissement se heurtent fréquemment
au refus des enseignants de l’établissement d’effectuer les heures
supplémentaires que réclamerait la prise en charge des élèves.
Le taux de remplacement des absences de plus de quinze jours
dépend pour sa part de la disponibilité des enseignants affectés en zone de
remplacement, qui est elle-même contrainte à plusieurs titres : d’une part,
le fractionnement des disciplines dans le second degré rend plus difficile,
et parfois même impossible, le calibrage des effectifs qu’il convient
d’affecter en zone de remplacement ; d’autre part, le rattachement des
remplaçants à un établissement donné conduit en pratique à leur confier
des tâches qui, bien qu’elles soient théoriquement de nature provisoire,
limitent
de facto
leur disponibilité pour répondre rapidement à une
demande de remplacement. D’autres facteurs jouent, et notamment
l’inégale répartition des effectifs de remplaçants sur le territoire, ainsi que
la baisse tendancielle de ces effectifs. Cette diminution tient tout d’abord
à la volonté, affirmée en 1998 à l’occasion de la déconcentration du
mouvement dans les académies, de nommer un plus grand nombre
d’enseignants titulaires sur des postes dits « définitifs ». Elle tient
également à l’augmentation des départs en retraite : le nombre de
remplaçants constitue en fait un solde, qui résulte des opérations
d’affectation, et non pas, comme le démontrent les travaux récents de
l’IGAENR, un objectif en soi.
Fondamentalement,
les
absences
demeurent
insuffisamment
connues : leur dénombrement n’est pas réalisé de façon systématique par
les établissements et leurs causes ne sont pas non plus toujours recensées,
surtout lorsqu’elles sont de très courte durée et n’ont pas d’incidences sur
la paye. Les académies rencontrent donc de réelles difficultés pour
évaluer de façon prévisionnelle leurs besoins en personnel de suppléance,
même si le ministère a récemment développé des outils statistiques qui
devraient permettre de mieux maîtriser ces données.
140
C
OUR DES COMPTES
2
Le nombre toujours élevé d’enseignants non titulaires dans le
second degré
Pour pourvoir tous les postes implantés dans les établissements
scolaires à la rentrée et répondre également en cours d’année aux besoins
ponctuels de suppléance, les académies ont toujours eu recours à des
enseignants non titulaires : maîtres auxiliaires, contractuels ou vacataires.
Ces agents viennent compléter les effectifs d’enseignants titulaires
affectés en zone de remplacement. Le recrutement de ces personnels n’a
cependant pas été toujours suffisamment maîtrisé et les situations de
précarité se sont multipliées, sans qu’il soit pour autant certain que les
enseignants titulaires aient été employés au mieux des besoins.
Depuis 1996, une grande partie des maîtres auxiliaires ont obtenu
la garantie d’être chaque année réemployés dans les établissements. En
contrepartie, le ministère a décidé de ne pas procéder à de nouveaux
recrutements de maîtres auxiliaires, mesure qui n’a cependant pas pu être
appliquée : la diversité des disciplines enseignées dans le second degré et
la dispersion géographique des 7 500 établissements publics rendent
inévitable l’embauche d’agents non titulaires susceptibles d’occuper les
postes laissés vacants par les enseignants titulaires. Très rapidement, des
dérogations ont été accordées aux académies. Le système d’autorisation
préalable a finalement été abrogé à la rentrée 2002.
Le nombre d’agents non titulaires ne cesse ainsi d’augmenter
depuis 1998 en dépit des plans de titularisation et les prévisions
budgétaires sont régulièrement dépassées, imposant de prendre des
mesures en cours d’année par décret de virement ou, comme en 2002, par
décret d’avance pour couvrir l’insuffisance des crédits.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
141
Evolution des effectifs susceptibles d’effectuer des remplacements
En équivalents temps plein
1999-2000
2000-2001
2001-2002
Titulaires sur zone de remplacement
36 646
36 048
Nc
Agents non titulaires
23 770
25 296
26 602
Dont maîtres auxiliaires
16 417
12 918
8 976
Dont contractuels
7 353
12 378
17 626
Source :
ministère de l’éducation nationale
Pour répondre aux demandes de suppléance, les académies et les
chefs d’établissement ont recruté un plus grand nombre de contractuels et
de vacataires. En réaction à cette dérive et désireux d’inciter les
académies à mieux utiliser les personnels dont elles disposent déjà, le
ministère a développé un système minutieux de suivi des moyens de
remplacement. Des indicateurs ont été élaborés en concertation avec les
académies pour contrôler tout à la fois l’utilisation du potentiel de
remplaçants titulaires et le recours aux agents non titulaires. Les résultats,
en période de rentrée scolaire, sont analysés quotidiennement.
Ces analyses ont permis tout d’abord de mieux cerner les moyens
réellement disponibles pour le remplacement, en tenant notamment
compte des enseignants qui, bien qu’affectés en zone de remplacement,
sont en réalité requis par le recteur pour d’autres tâches ou se trouvent
dans l’incapacité provisoire d’enseigner. Elles ont également permis
d’établir des comparaisons entre les académies, notamment sur
l’utilisation plus ou moins optimale des personnels titulaires. Si la
situation des académies dans lesquelles coexistent des sureffectifs de
titulaires et des recrutements de non titulaires sont désormais bien
identifiées, il n’a pas toujours été mis un terme à ces situations
paradoxales et coûteuses.
Ainsi, dans l’académie de Nancy-Metz la Cour avait constaté que,
au cours de l’année scolaire 1998-1999, 20 maîtres auxiliaires avaient été
recrutés en mathématiques et 13 en sciences physiques alors que, dans ces
mêmes disciplines, on dénombrait respectivement 35 et 37 enseignants
titulaires (en équivalent temps plein) en surnombre.
C
Les conditions d’exercice du métier d’enseignant
Près de 65 % des jeunes obtiennent aujourd’hui le baccalauréat,
alors qu’ils n’étaient que 25 % en 1980. En vingt ans, le métier
d’enseignant s’est donc considérablement transformé, intégrant, au-delà
142
C
OUR DES COMPTES
de la transmission des savoirs fondamentaux, une dimension éducative
nouvelle. S’adressant désormais à des élèves issus de milieux familiaux
culturellement très diversifiés, les enseignants sont parfois décontenancés
par des conditions d’exercice de leur profession auxquelles leur formation
ne les a pas préparés.
Ce constat communément partagé n’a pourtant pas encore conduit
à l’adoption de mesures particulières destinées à remédier à ces
difficultés. Le système éducatif semble, dans ce domaine, rencontrer de
réels obstacles pour redéfinir les modes d’intervention des enseignants,
des inspecteurs pédagogiques et des chefs d’établissement. Les enquêtes
menées par la Cour montrent d’ailleurs que le ministère ne dispose
d’aucun moyen particulier pour communiquer avec les enseignants et
tenter de faire connaître et partager ses objectifs par ceux qui, au premier
chef, sont chargés chaque jour, dans leur classe, de les mettre en œuvre.
1
L’adaptation du métier à la massification de l’enseignement
En matière de formation initiale, un rapport consacré aux
conditions de travail et de vie des enseignants de lycée
52
, remis au
ministre en 1999, avait proposé de professionnaliser le recrutement et la
formation des enseignants, considérant que la prise en compte de la seule
dimension disciplinaire ne pouvait suffire et qu’il fallait ouvrir la
formation à la maîtrise de la didactique et de la pédagogie. Un certain
nombre de propositions concrètes étaient alors formulées,
auxquelles il
n’a cependant pas été donné suite.
La formation initiale des enseignants : les IUFM
Les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ont été
créés dans le cadre de la loi de 1989. Ils ont pris la place de cinq types de
structures de formation.
Le comité national d’évaluation des établissements publics à
caractère scientifique, culturel et professionnel (CNE)
a publié en
janvier 2001 un rapport intitulé « les instituts universitaires de formation
des maîtres au tournant de leur première décennie », résultat de
l’évaluation menée entre 1996 et 2000 de vingt-deux IUFM (sur les vingt-
neuf existant alors).
Plusieurs des conclusions et des recommandations du CNE ont
retenu l’attention de la Cour, soit qu’elles corroborent des constatations
52) Mission confiée au recteur Bancel par le ministre de l’éducation, de la recherche
et de la technologie en octobre 1998.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
143
faites lors des contrôles de la gestion d’IUFM, soit qu’elles répondent à
des interrogations soulevées à l’occasion des contrôles, mais auxquelles la
Cour ne pouvait pas répondre, dès lors qu’elles concernaient le champ
pédagogique.
Le CNE constate ainsi que, en 2000, les IUFM sont parvenus à un
degré inégal de cohésion et, qu’en dépit des intentions initiales, le
cloisonnement entre premier et second degré persiste. Le poids des
héritages a généré une complexité de fonctionnement et de structuration
nuisible à la lisibilité des IUFM.
IUFM et universités ont pu se trouver en position de concurrence
pour la préparation aux concours du CAPES ; après des conflits locaux
parfois virulents, la situation est relativement apaisée entre IUFM et
universités de rattachement ; pour autant, on ne peut toujours pas parler,
sauf dans des cas encore très rares, de véritable collaboration, et encore
moins de mise en œuvre d’une politique commune de formation des
maîtres et de recherche en éducation.
Les IUFM se dotent progressivement des moyens de leur ambition
universitaire. Les effectifs d'enseignants-chercheurs, bien qu’encore
faibles, sont en progression continue. C’est dans le domaine de la
recherche que
les IUFM ont pris les initiatives les plus marquantes, bien
qu’elles soient peu reconnues et desservies par un éclatement disciplinaire
qui interdit l’émergence d’une recherche de pointe ; la recherche appliquée
met encore insuffisamment à profit la proximité entre acteurs de terrain et
théoriciens de la recherche en éducation.
Une très grande partie du rapport est consacrée à la formation
dispensée par les IUFM à tous les futurs professeurs.
La première conclusion que le CNE tire de ses travaux sur ce sujet
est que, dans un contexte souvent difficile, soumis à de multiples
contraintes
et
à
des
pressions
contradictoires,
les
IUFM
ont
incontestablement contribué à améliorer la qualité de la formation des
maîtres en France.
Les chefs d’établissement et les inspecteurs rencontrés par le CNE
portent un jugement positif sur les jeunes professeurs qui sortent des
IUFM et notamment sur leur capacité d’adaptation. Cette appréciation va à
l’encontre de l’opinion souvent émise
par les professeurs stagiaires ou les
professeurs débutants de ne pas être –ou de ne pas avoir été- suffisamment
préparés à exercer leur métier. A ce sujet, le CNE tient à souligner que
seul un dialogue approfondi avec les groupes d’étudiants permet
d’apprécier la portée réelle des propos tenus et la convergence des points
de vue exprimés.
Le CNE ne liste à ce sujet pas moins de 16 recommandations, dont
neuf concernent très directement le ministère. Elles touchent aux
constatations opérées lors de l’évaluation des IUFM sur le contenu des
concours de recrutement et sur la carte des formations. Elles concernent
144
C
OUR DES COMPTES
aussi l’année de stage, au cours de laquelle le CNE considère que les
impératifs pédagogiques ne sont pas assez pris en compte, ainsi que
l’insuffisance du nombre des maîtres-formateurs du premier degré.
Les autres s’adressent aux IUFM. Elles concernent :
- les pratiques de la formation, qui devraient être plus adaptées aux
publics qu’ils accueillent et donc plus proches de celles qui ont cours dans
la formation des adultes ;
- l’alternance, qui doit impérativement atteindre ses objectifs, ce
qui suppose une continuité entre l’établissement scolaire et l’IUFM, et qui
appelle une plus grande association des formateurs de terrain, maîtres
formateurs du premier degré et conseillers pédagogiques du second degré,
et qui doit permettre à l’enseignant en formation d’apprendre à s’intégrer
dans un projet collectif ;
- la démarche engagée d’évaluation des formations, qui doit être
poursuivie et étendue y compris en associant les stagiaires eux-mêmes ou
les anciens stagiaires ;
- la nécessité permanente d’ouverture, en réponse au risque
d’autarcie, dont le CNE considère qu’il est le plus grand danger qui
menace les IUFM ; la collaboration avec les universités, l’intégration de la
dimension culturelle, la sensibilisation à la culture scientifique, aux
réalités du monde économique et social sont les voies incontournables de
cette ouverture.
La formation des maîtres a fait l’objet, après la publication du
rapport du CNE,
d’un programme de rénovation, annoncé en février
2001
qui énonce deux objectifs : renforcer la formation initiale et
améliorer la préparation au métier.
Par ailleurs devraient être mises en
place des séquences courtes de formation lors des deux premières années
d’exercice.
La formation continue, pour sa part, demeure conçue comme une
offre faite aux enseignants, dont la nécessité est laissée à leur appréciation
individuelle. Le suivi régulier de diverses formations n’entre pas en ligne
de compte dans le déroulement de la carrière.
Pour faire face à des conditions de travail plus éprouvantes,
demandant de grandes facultés d’adaptation et une énergie sans faille, les
enseignants sont désormais incités à travailler de plus en plus
fréquemment en équipe, souvent selon des approches pluridisciplinaires
dont l’insertion dans les programmes semble désormais acquise. Cette
émergence du travail collectif rencontre cependant encore des résistances,
tant au nom de la liberté pédagogique à laquelle les enseignants sont
attachés,
qu’en
raison
des
heures
de
travail
supplémentaires
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
145
qu’impliquent l’organisation et la tenue des réunions de concertation. Les
enquêtes menées par la Cour dans les établissements ont montré
qu’actuellement cet effort est pris en considération de façon très inégale
par les chefs d’établissement, généralement en attribuant forfaitairement
aux intéressés une ou plusieurs heures supplémentaires.
La rénovation du métier d’enseignant est inévitablement associée à
la question de leur carrière et à l’introduction progressive d’une gestion
plus qualitative des personnels. Les académies ont certes toutes créé des
directions des ressources humaines. Leur action se limite cependant
encore souvent à la prise en charge des enseignants qui rencontrent des
difficultés importantes dans leurs classes. Dans ce domaine, les efforts
des académies sont limités par la prééminence accordée au barème qui
demeure, en l’absence d’autres critères communément admis, l’unique
référentiel des décisions d’affectations.
2
Une redéfinition nécessaire des interventions des inspecteurs
pédagogiques
La mise en place d’une gestion plus dynamique des effectifs
suppose que les services académiques puissent s’appuyer sur les
inspections pédagogiques pour connaître et évaluer individuellement les
enseignants. Les corps d’inspection, que ce soit dans le premier ou le
second degré, souffrent cependant de la faiblesse de leurs effectifs,
compte tenu des missions administratives de plus en plus nombreuses qui
leur sont par ailleurs confiées. Dans ce domaine, les investigations
menées par la Cour auprès de cinq académies révèlent des situations
géographiques et disciplinaires très inégales.
Au nombre de 3 350, dont 2 620 exercent effectivement des
missions d’inspection, les inspecteurs ne parviennent pas à respecter
l’objectif d’une inspection tous les quatre ans des 735 000 enseignants du
premier et du second degré public et des 139 000
53
maîtres de
l’enseignement privé dont ils ont la charge. En moyenne, un inspecteur de
l’éducation nationale (premier degré) suit entre 150 et 300 professeurs
des écoles et un inspecteur pédagogique régional (second degré) entre
460 et 1600 enseignants.
Cette situation se traduit par un allongement sensible de la durée
s’écoulant entre deux inspections : dans le premier degré, elle peut être
supérieure à six ans pour les professeurs des écoles de certains
départements et dépasser dix neuf ans pour les maîtres de l’enseignement
53) Année scolaire 1999-2000, premier et second degrés, y compris les maîtres
contractuels. Source : DPD – Repères et références statistiques.
146
C
OUR DES COMPTES
privé. Dans le second degré, il n’existe à ce jour aucune statistique
nationale permettant de connaître le délai moyen s’écoulant entre deux
inspections. De façon empirique, il est estimé à environ cinq ans pour les
professeurs agrégés et sept ans pour les autres enseignants. En réalité, la
situation est très variable suivant les académies et les disciplines. La
répartition géographique des postes d’inspecteur n’épouse en effet que
très imparfaitement celle des effectifs d’enseignants et la durée s’écoulant
entre deux inspections peut dépasser dix ou quinze ans. Dans l’académie
de Créteil par exemple, près de 15% des enseignants du second degré
n’ont pas été inspectés depuis plus de dix ans. La situation est identique
dans l’académie de Nantes. Dans certaines disciplines, il suffit que
l’unique
inspecteur
pédagogique
régional
soit
momentanément
indisponible pour que les inspections soient suspendues.
Dans le second degré, il apparaît ainsi que la relation entre un
enseignant et son inspecteur connaît un caractère épisodique, peu
compatible avec une évaluation méthodique des qualités pédagogiques et
de l’implication professionnelle de l’intéressé. Pour tenter de remédier à
cette situation, les académies font désormais fréquemment appel à des
enseignants faisant fonction d’inspecteur, ou leur prêtant main forte à
temps partiel. Dans certaines régions, le nombre de « faisant fonction »
est particulièrement élevé, atteignant plus de 20 % des effectifs
d’inspecteurs. Malgré cet apport, le nombre d’inspections individuelles
demeure insuffisant. Les inspecteurs sont de plus en plus fréquemment
sollicités par les recteurs pour animer des groupes de réflexion, suivre la
mise en place des réformes pédagogiques, évaluer les établissements et
accompagner les enseignants en début de carrière.
Le travail des inspecteurs pédagogiques dans le second degré est
également caractérisé par l’absence de critères communs d’évaluation des
enseignants. Dans quelques académies, une réflexion est en cours sur la
rédaction de protocoles d’inspections, notamment dans le premier degré.
Il n’est cependant pas envisagé de rendre leur application obligatoire, le
principe demeurant celui de la liberté de l’inspecteur. La question de
l’homogénéité des pratiques d’inspection, notamment entre disciplines
différentes, demeure donc entière.
Les travaux conduits par la Cour sur les corps d’inspection
pédagogique dans les premier et second degrés ont également montré que
les promotions des inspecteurs, à l’exception du passage à la hors classe,
sont déconnectées de toute procédure de notation. Bien que le statut
général de la fonction publique prévoie que tout fonctionnaire est noté,
les inspecteurs s’y refusent et le ministère a effectivement renoncé, depuis
le début des années 1990, à leur attribuer une note administrative. Ce
n’est donc qu’à l’occasion de leur titularisation et de l’accès à la hors
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
147
classe qu’une évaluation de leur façon de servir est réalisée. Un groupe de
travail sur le suivi et l’évaluation des corps d’inspection a bien été réuni
au ministère dans le courant de l’année 2001, mais il s’est séparé sans
rendre de conclusions en raison du refus qu’opposent certains inspecteurs
à toute évaluation de leur travail.
3
La difficile émergence du sentiment d’appartenance à une
collectivité éducative
La plus grande fréquence du travail en équipe pourrait se traduire
par un renforcement du sentiment d’appartenance à la collectivité que
constitue l’établissement. Pourtant, comme le remarquait le rapport
précité remis par le recteur Bancel, «
aujourd’hui, l’établissement n’est
pas véritablement un lieu d’identification professionnelle pour les
enseignants
», ce qui expliquerait notamment la faible importance
souvent accordée à la rédaction du projet d’établissement, considéré
comme périphérique à leur activité professionnelle.
a)
Les limites de la mission d’animation pédagogique confiée aux
chefs d’établissement
Les directeurs d’écoles et chefs d’établissement jouent un rôle
désormais considéré comme essentiel dans la réussite de leurs élèves.
Dans le second degré notamment, un effort de revalorisation de leur
fonction a été récemment mené, en concertation avec la principale
organisation syndicale représentative des personnels de direction. Il a
abouti à un protocole d’accord, signé en novembre 2000, préalable à la
rénovation de leur statut intervenue en 2002. Le protocole précise
notamment que les chefs d’établissement doivent « impulser et conduire
une politique pédagogique et éducative d’établissement au service de la
réussite des élèves » et «
animer et gérer l’ensemble des ressources
humaines
». Aucune compétence pédagogique ne leur a cependant été
reconnue, leur action dans ce domaine devant seulement «
s’inscrire dans
une collaboration avec les corps d’inspection
».
Toutes les conséquences de cette reconnaissance n’ont d’ailleurs
pas encore été tirées, notamment dans les textes qui régissent les relations
entre les chefs d’établissement et les enseignants. Il convient par exemple
de souligner que les statuts applicables aux enseignants du second degré
ne font aucune référence explicite à l’existence du chef d’établissement,
illustrant une situation qui ne correspond plus, manifestement, à la réalité.
De même, comme cela a été indiqué précédemment, leur intervention
148
C
OUR DES COMPTES
dans
la
notation
des
enseignants
n’est
qu’exceptionnellement
discriminante.
La création des travaux personnels encadrés en classe de seconde,
la mise en place des itinéraires de découverte au collège ou le
développement du brevet informatique et internet, le B2i, vont cependant
dans le sens d’un décloisonnement des disciplines qui donne une place
importante au chef d’établissement, tant pour impulser que pour
coordonner l’application de ces réformes. De même, leur influence
s’accroît sous la pression des conditions d’exercice plus difficiles qui
caractérisent certains établissements et qui justifient souvent une forte
coordination de tous les membres de l’équipe pédagogique ainsi que
l’élaboration, sous la direction du chef d’établissement, d’un véritable
projet d’établissement.
L’action des chefs d’établissement dans le domaine de la
coordination et de l’animation repose essentiellement sur leur propre
force de conviction et leurs capacités personnelles de management des
équipes. Les organisations syndicales représentant les personnels
enseignants demeurent en effet fondamentalement attachées au principe
selon lequel le chef d’établissement n’a aucun pouvoir d’évaluation
pédagogique du travail des enseignants.
b)
L’absence de toute démarche de communication spécifique en
direction des enseignants
Le ministère de l’éducation nationale n’a pas créé d’outils de
communication interne lui permettant de s’adresser aux différentes
catégories de personnels, et en particulier aux enseignants, pour expliquer
et faire partager ses objectifs. Aucune démarche institutionnelle à moyen
terme n’a par exemple été arrêtée pour associer les enseignants à la
connaissance et à l’appropriation des orientations nationales. Des actions
de communication sont certes régulièrement menées sur des thèmes
généraux, tels que la violence en milieu scolaire, mais ces campagnes
demeurent isolées. Le seul support de diffusion des orientations
pédagogiques retenues par le ministère demeure le bulletin officiel,
généralement disponible dans tous les établissements, mais qui s’adresse
plus à l’encadrement administratif qu’aux enseignants eux-mêmes.
De façon exceptionnelle, en 1998, le ministère a consenti un
important effort de communication pour informer les enseignants du
second degré des nouvelles modalités d’affectation, consécutives à la
déconcentration des procédures de mutation. Plusieurs documents, ainsi
que des sites internet, ont été spécifiquement conçus à cette occasion. Les
études menées
a posteriori
ont montré le bon accueil que les enseignants
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
149
leur ont réservé. Cet effort est cependant demeuré sans suite, aucune autre
action de communication interne n’ayant été entreprise depuis cette date.
Le ministère avait également pris la décision, en mai 1998, d’éditer
un magazine d’information, dénommé « 21
ième
siècle », à l’intention de
tous ses agents. Seuls sept numéros ont été publiés jusqu’en avril 2000,
date à laquelle il a été mis fin à cette expérience novatrice. Une étude
menée auprès des personnels avait certes souligné les limites de cette
publication, tenant notamment au caractère trop généraliste de son propos
alors qu’elle s’adressait à un lectorat très vaste, composé de nombreux
corps de métiers aux attentes diversifiées. Toutefois, le ministère aurait
pu ne pas abandonner
de facto
tout effort dans ce domaine stratégique.
Les académies ne consacrent pas non plus d’importants moyens à
la communication interne qui n'est pas considérée comme une nécessité.
Il existe certes, dans certaines académies, des publications destinées au
personnel, mais aucune évaluation de leur impact n’est disponible. Les
enquêtes menées par la Cour ont d’ailleurs montré que les académies
n’ont généralement pas constitué un budget particulier pour financer de
façon permanente des actions de communication en direction des
personnels dont elles assurent pourtant la quasi totalité de la gestion.
L'utilisation des nouvelles technologies, et notamment de l’internet, a
ouvert des perspectives nouvelles qui permettent de toucher à moindre
coût un nombre plus important d’agents. Les projets existants sont
cependant encore très embryonnaires.
Seules les organisations syndicales, qui disposent de moyens
permanents pour communiquer directement avec leurs adhérents, sont
aujourd’hui en mesure de diffuser systématiquement des informations
précises aux agents sur l’évolution de leur carrière et les réformes
pédagogiques en cours.
III
Une obligation annuelle :
réussir la rentrée
L’objectif de réussite de la rentrée consiste, en début d’année
scolaire, à mettre un professeur dans chaque salle de cours. Pour y
parvenir, les différents niveaux d’administration du ministère mettent en
œuvre une série de procédures administratives complexes dont l’objectif
ultime est de faire converger, dans chaque établissement, l’offre de
formation apportée par les enseignants qui y seront affectés avec la
demande de formation qui émane des élèves à scolariser. Prévoir les
effectifs scolaires et dimensionner les besoins de recrutement, définir puis
déléguer les moyens budgétaires qui serviront à constituer les postes
150
C
OUR DES COMPTES
d’enseignement, pourvoir enfin ces postes par l’affectation des personnels
dans le cadre des opérations annuelles de mutation, constituent les
grandes étapes de cette « mécanique » de la rentrée, dont l’organisation
structure largement le fonctionnement du système scolaire. Le ministère
ne parvient cependant à atteindre son objectif qu’au prix de moyens sans
cesse croissants, dont l’augmentation se heurte désormais aux difficultés
qu’il rencontre pour recruter de nouveaux enseignants.
A
La préparation de la rentrée
La réussite de ce processus qui, pour l’essentiel, se déroule entre
les mois de décembre et juin qui précèdent la rentrée, repose sur un
équilibre toujours fragile, et toute erreur d’anticipation est susceptible de
compromettre tout ou partie de la procédure. L’adéquation entre l’offre et
la demande de formation se trouve ainsi entachée d’imperfections qui
résultent notamment des incertitudes statistiques liées aux prévisions
d’effectifs et au calibrage des concours de recrutement, aux rigidités
inhérentes à la gestion statutaire des personnels et à l’organisation
pédagogique des établissements.
Les projections portant sur les effectifs d’élèves peuvent être
contredites par la réalité de la rentrée scolaire. Si les outils prévisionnels
paraissent efficaces au niveau national, voire au niveau académique, des
écarts significatifs peuvent en revanche intervenir au niveau des
établissements, étant donné les aléas que connaissent les effectifs
scolaires entre deux rentrées scolaires (déménagements, réorientations,
départs vers l’enseignement privé, sorties définitives du système scolaire,
etc.).
Les prévisions relatives aux effectifs d’enseignants à recruter sont
encore plus sujettes à erreur statistique, puisque le nombre de places
offertes aux concours s’appuie sur des projections établies en moyenne
deux années avant la première affectation devant élèves, compte tenu de
la durée de la formation en IUFM. Durant cette période, des éléments non
maîtrisables peuvent venir compromettre les prévisions, même les plus
rigoureuses : l’évolution inattendue de la démographie scolaire, les
comportements individuels des enseignants, tel le choix d’une cessation
progressive d’activité ou celui d’un départ en congé de fin d’activité, ou
encore les modifications de programmes qui induisent des besoins
nouveaux ou différents d’enseignement. A titre d’exemple, ajouter aux
horaires de la classe de 6
ème
une heure de mathématique crée un besoin de
1 500 professeurs supplémentaires dans la discipline concernée.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
151
De plus, si le système est globalement agencé en fonction des
publics scolaires à accueillir, il peut être également orienté par des
considérations relatives aux personnels, comme par exemple le fait de
maintenir un poste afin d’éviter la mutation de son titulaire, ou encore le
souci de préserver une discipline d’enseignement, même lorsque celle-ci
connaît une relative désaffection des élèves.
Enfin, la convergence entre demande et offre de formation est
limitée, dans le second degré, par le cloisonnement disciplinaire déjà
évoqué, qui nécessite d’anticiper la demande d’enseignement dans près
de 350 spécialités différentes, correspondant chacune à un concours
national distinct.
La nécessité de préserver les grands équilibres, tout en s’efforçant
de tenir compte des facteurs d’erreur ou de rigidité, suppose que le
système conserve des marges de souplesse. Le recours à des personnels
contractuels (maîtres auxiliaires, professeurs contractuels et vacataires)
est un des moyens utilisés pour ajuster les besoins recensés dans les
établissements aux effectifs enseignants disponibles. En 2001, le
ministère a ainsi fait appel à près de 27 000 personnels non titulaires, soit
environ 7 % des enseignants du second degré en poste devant élèves.
Les académies disposent par ailleurs d’un volant de gestion d’un
peu plus de 36 000 enseignants titulaires, qui, à défaut d’être affectés sur
un poste définitif en établissement, sont nommés sur une aire
géographique de remplacement. Chaque académie, selon son étendue,
comporte ainsi un nombre variable de « zones de remplacement »,
généralement compris entre douze et vingt. Un enseignant « titulaire sur
zone de remplacement » (TZR) peut être amené à intervenir dans sa zone,
ou dans une zone mitoyenne, mais pas au-delà. Cette disposition a
évidemment pour objet d’éviter de trop longs trajets aux enseignants
concernés, chaque académie comptant en moyenne trois à cinq
départements.
Les TZR peuvent non seulement, comme cela a déjà été évoqué,
effectuer des suppléances (c’est-à-dire des remplacements temporaires),
mais également être affectés sur des postes devenus vacants en cours
d’année ou demeurés sans titulaire à l’issue du mouvement annuel de
mutation. L’adéquation entre le potentiel des TZR et les besoins effectifs
de suppléance et de remplacement est difficile à apprécier : elle varie en
effet,
dans
chaque
académie,
en
fonction
des
caractéristiques
démographiques du corps enseignant (féminisation, pyramide des âges,
etc.) et des spécificités disciplinaires. Les statistiques nationales élaborées
152
C
OUR DES COMPTES
par le ministère mettent cependant en évidence la faible « rentabilité »
54
de ce dispositif, qui, toutes disciplines confondues, ne dépasse pas 50 %.
Sont en effet également affectés en zone de remplacement des
enseignants qui se trouvent en situation de sureffectif dans leur discipline.
Le ministère estime que près de 2 600 enseignants, en équivalent temps
plein, sont dans cette situation. Le nombre de TZR ne dépend donc pas
seulement des besoins de suppléance et de remplacement ; il correspond
également à un ajustement insatisfaisant des décisions d’affectation, ces
dernières ne tenant pas suffisamment compte de la carte des besoins dans
l’académie. La Cour a ainsi constaté à plusieurs reprises, au cours de ses
contrôles, que les académies recrutent des professeurs contractuels ou
vacataires dans des disciplines où elles disposent pourtant d’enseignants
titulaires en sureffectif. Ces derniers étant affectés dans une autre zone
géographique, ils ne sont pas disponibles pour répondre aux besoins
exprimés.
B
De la loi de finances à la salle de classe : la
transformation des emplois budgétaires en service
d’enseignement devant les élèves
Dans le second degré, une des principales difficultés que
rencontrent les gestionnaires du système éducatif dans la préparation de la
rentrée scolaire tient à la succession des opérations qui conduisent à
transformer les emplois budgétaires, ouverts en loi de finances, en postes
implantés dans les établissements. Dans une publication récente d’avril
2001
55
, la Cour a analysé l’ensemble de ce processus et montré qu’il
s’agit d’une mécanique inflationniste, qui n’assure pas une rigoureuse
adéquation entre les effectifs réellement rémunérés et les emplois qui
figurent au budget de l’enseignement scolaire. En effet, à chacune des
étapes de ce cheminement complexe, de multiples désajustements
interviennent et creusent progressivement les écarts entre les moyens
budgétaires, les postes sur lesquels sont affectés les enseignants et enfin
les personnels disponibles.
Bien que les emplois autorisés en loi de finances soient répartis par
corps et par grade, l’administration centrale délègue en réalité des
54) Cette rentabilité est calculée à partir du ratio entre d’une part le nombre de
journées de suppléance et de remplacement assurées en cours d’année et d’autre part
le nombre de journées de suppléance et de remplacement réalisables par l’ensemble
des TZR.
55) Cour des comptes, La fonction publique de l’Etat - tome 2 - avril 2001 p. 231 et
sq.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
153
emplois indifférenciés, sous forme d’équivalent temps plein (ETP),
correspondant à un service moyen d’enseignement de 18 heures
hebdomadaires. Le calcul des dotations académiques s’opère en outre en
deux temps : le rééquilibrage géographique des dotations existantes, puis
l’attribution de moyens nouveaux, liés aux variations des effectifs
d’élèves et aux évolutions de l’offre d’enseignement. Ce modèle de
répartition présente, en dépit d’un certain nombre d’aménagements
récents, deux imperfections majeures. Tout d’abord, les écarts entre
académies sur-dotées et sous-dotées ne sont que très faiblement réduits et
la modestie des redéploiements effectués conduit à avantager les
académies excédentaires en moyens d’enseignement. Ensuite, si tous les
besoins
supplémentaires
sont
intégralement
couverts,
les
retraits
d’emplois sont limités par l’application, aux éventuelles baisses
d’effectifs, d’un coefficient pondérateur qui peut aller de 30 à 40 %. Il
résulte de cette mécanique inflationniste que des moyens supplémentaires
doivent être sans cesse apportés à l’enseignement du second degré, dont
le taux d’encadrement pédagogique se trouve, d’année en année,
inévitablement augmenté.
Au niveau académique, les emplois qui ont été délégués subissent
de nouvelles transformations. Ils sont, dans un premier temps, convertis
en heures d’enseignement, ce qui nécessite de calculer le nombre moyen
d’heures susceptibles d’être assurées par un emploi donné (ou « taux de
rendement académique des emplois »). A défaut de directives précises de
la part de l’administration centrale, le calcul de ce taux de conversion
diffère sensiblement d’une académie à l’autre. Ces dernières, qui ne font
pas toujours preuve de toute la rigueur méthodologique voulue, sont
souvent amenées à distribuer plus d’heures qu’elles en reçoivent en
réalité et à dépasser ainsi les limites de l’autorisation budgétaire.
L’avant-dernière étape de cette procédure consiste à affecter aux
établissements les moyens horaires ainsi constitués sous la forme d’une
dotation globale horaire (DGH). Là encore, la Cour a constaté entre les
académies, voire, pour les collèges, entre les inspections académiques
d’une même académie, la coexistence de pratiques différentes. Une
première méthode consiste à déléguer les moyens sur la base d’une
structure pédagogique (nombre de classes ou de divisions par niveau)
déterminée par les services académiques, en fonction des effectifs
attendus et d’une norme divisionnaire (nombre maximum d’élève par
niveau). La seconde méthode repose non pas sur le financement d’une
organisation pédagogique donnée
56
, mais sur l’application d’un ratio,
appelé « H/E », correspondant à un nombre d’heures d’enseignement par
élève. Cette seconde méthode, qui consiste à faire varier la DGH de façon
56) Tant d’heures pour une classe de première ES de 24 élèves par exemple.
154
C
OUR DES COMPTES
quasi-linéaire en fonction du nombre d’élèves, est en général retenue pour
les collèges où le mode d’enseignement permet une assez bonne
corrélation entre les effectifs scolaires et la structure de l’établissement.
Elle s’avère en revanche moins adaptée en second cycle, où, étant donnée
l’importance des enseignements optionnels, les contraintes de structure
sont plus fortes et l’organisation pédagogique moins fluide. Le choix de
l’un ou l’autre de ces deux modes de répartition peut conduire à faire
varier sensiblement le montant global de la DGH, la répartition « à la
structure »
étant
en
règle
générale
plus
coûteuse
en
moyens
d’enseignement que la répartition « au H/E ».
Quel que soit le mode de calcul retenu, une dotation horaire ne fait
pas un enseignement devant élèves. C’est pourquoi l’ultime étape de ce
processus de transformation consiste, pour les établissements, à traduire,
dans une organisation disciplinaire, les moyens d’enseignement qui leur
ont été délégués. C’est seulement à ce stade que sont constitués les postes
qui serviront de support à l’affectation des enseignants. Le rapprochement
entre, d’une part, les besoins d’enseignement (financés à travers
l’attribution de la DGH) et, d’autre part, l’apport constitué par les postes
déjà implantés dans l’établissement (calculé sur la base des obligations de
service des occupants) conduit à mettre en évidence des écarts plus ou
moins importants. Ces écarts peuvent faire apparaître des besoins
nouveaux, qui devront être couverts soit par l’attribution d’heures
supplémentaires, soit, si cela est nécessaire, par la création d’un poste
définitif. Ils peuvent également mettre en évidence des moyens
excédentaires qu’il conviendra de résorber, ce qui se traduira, le cas
échéant, par une ou plusieurs suppressions de postes. Le ou les titulaires
concernés seront alors touchés par ce qu’il est convenu d’appeler une
« mesure de carte scolaire »
57
. A titre d’exemple, l’académie de Lille en
réalise environ 150 chaque année.
Un tel processus de conversion est évidemment loin de garantir le
strict respect de l’autorisation budgétaire initiale et aboutit en pratique à
distendre le lien entre les emplois figurant au budget de l’Etat et les
postes sur lesquels sont effectivement nommés les enseignants. Etant
données les marges de manœuvre que s’accorde chacun des échelons et
compte tenu de la priorité donnée à la réussite de la rentrée, les académies
sont en particulier amenées à créer artificiellement des supports
d’affectation et à offrir des postes à des enseignants dont le nombre
excède, dans certaines disciplines ou sur certaines zones géographiques,
non seulement leurs besoins réels, mais également leurs moyens
57) Mutation d’office d’un professeur, suite à une modification de l’offre de
formation de l’établissement, entraînant la suppression de son service d’enseignement.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
155
budgétaires. Lors d’une précédente enquête, publiée en avril 2001
58
, la
Cour avait constaté que globalement, les académies avaient dépassé de
5 771 emplois (1,4 %) les moyens délégués par le ministère. Dans quatre
des 26 académies métropolitaines, ces dépassements représentaient plus
de 4 % des emplois qui leur étaient respectivement délégués. Si la mise
en place au niveau national d’une réserve a permis de corriger
partiellement cet écart, 2 600 surnombres ont toutefois été recensés par
rapport
aux
emplois
budgétaires inscrits
sur
le
chapitre 31-93
(rémunération des personnels enseignants du second degré).
La gestion des emplois du premier degré
Si dans le second degré, il est nécessaire de recourir à cette
transformation
d’emplois
budgétaires
indifférenciés
en
services
d’enseignement dans une discipline donnée, la gestion des moyens du
premier degré apparaît nettement moins complexe, puisqu’à chaque
emploi d’instituteur ou de professeur des écoles correspond normalement
une classe.
Cette gestion s’effectue en deux temps : la première étape, pilotée
par l’administration centrale, consiste à déléguer aux académies les
emplois ouverts en loi de finances ; la seconde étape correspond à
l’établissement par les inspections académiques de la carte scolaire du
premier degré, c’est-à-dire à la répartition, sur le terrain, des moyens
alloués.
La répartition, par le ministère, des emplois du premier degré
s’appuie principalement sur deux éléments : l’évolution de la démographie
scolaire et la réduction des inégalités de dotation entre académies. La prise
en compte des flux démographiques permet de calculer un nombre de
postes à retirer ou à attribuer et s’effectue de façon différenciée selon que
les effectifs d’élèves sont à la hausse ou à la baisse : attribution d’un
emploi par tranche de 20 élèves supplémentaires, et suppression d’un
emploi par tranche de 25 élèves, dans le cas d’une évolution négative
(données de la rentrée scolaire 2000). La réduction des écarts de dotation
consiste ensuite à comparer la situation de l’académie par rapport à un
taux d’encadrement de référence ou P/E (nombre de postes d’enseignants
pour 100 élèves), ce qui permet de mettre en évidence un éventuel
excédent ou déficit d’emplois. Le résultat de ces deux opérations conduit à
déterminer, par académie, le nombre d’emplois à retirer ou à attribuer.
Cette dotation académique, une fois connue, est ensuite répartie par le
recteur entre les différents départements, qui relèvent de son autorité.
58
) Cour des comptes, La fonction publique de l’Etat - tome 2 - avril 2001, p. 231 et
sq.
156
C
OUR DES COMPTES
La seconde étape de ce processus de répartition des emplois
s’effectue donc au niveau départemental, et il revient à chaque inspecteur
d’académie d’élaborer la carte scolaire du premier degré, c’est-à-dire
d’implanter géographiquement les emplois qui lui ont été délégués, en
procédant si nécessaire à des ouvertures et des fermetures de classe.
C
L’articulation avec le mouvement des personnels
enseignants
Cette phase d’ajustement des moyens budgétaires, qui, dans le
second degré, conduit les établissements à déterminer eux-mêmes leurs
besoins d’enseignement, n’est toutefois que la première étape du travail
de préparation de la rentrée. Celui-ci doit ensuite s’articuler avec la
gestion des personnels : des enseignants devront être nommés sur les
postes nouvellement créés ou devenus vacants et
ceux qui ont été touchés
par une mesure de carte scolaire devront retrouver une nouvelle
affectation. L’ensemble de ces mutations s’effectue à l’occasion du
mouvement annuel des personnels enseignants, procédure qui permet de
confronter les postes à pourvoir dans les établissements avec les candidats
ayant formulé une demande de mutation.
Jusqu’à la rentrée 1999, cette opération était entièrement
centralisée, ce qui conduisait à faire transiter au niveau du ministère
environ 100 000 demandes annuelles, alors même que plus de la moitié
des
mutations
prononcées
correspondaient
à
des
changements
d’affectation au sein d’une même académie. En outre, la rigidité du
calendrier, qui imposait aux académies de faire remonter les « postes
ouverts au mouvement » très tôt dans l’année, conduisait à laisser vacants
de nombreux postes, libérés tardivement par leurs titulaires, et à opérer
des ajustements qui pouvaient parfois durer jusqu’à la semaine de rentrée
des élèves.
Comme on l’a déjà indiqué, cette situation a conduit le ministère,
sur la base du décret du 13 octobre 1998
59
, à déconcentrer au niveau des
académies, une partie des procédures de mutation. Le mouvement à
gestion déconcentrée s’effectue désormais en deux temps. Une phase dite
« inter-académique », toujours pilotée par l’administration centrale, traite
des mutations entre académies (environ 25 000 candidatures par an) ainsi
que de la nomination dans les académies des enseignants nouvellement
recrutés (les « néo-titulaires »). A l’issue de cette première phase, qui se
59) Décret n° 98-915 portant déconcentration en matière de gestion des personnels
enseignants,
d’information,
d’orientation
et
d’éducation
de
l’enseignement
secondaire.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
157
termine en avril, débute le mouvement « intra-académique », qui est
désormais de la compétence des recteurs et doit être normalement achevé
à la fin du mois de juin. Lors de cette seconde étape, les rectorats
examinent les demandes des personnels déjà en poste dans l’académie, en
même temps que celles des enseignants affectés à l’issue de la phase
inter-académique,
et
prononcent
les
affectations,
soit
dans
les
établissements scolaires, soit sur des zones de remplacement.
La gestion du mouvement obéit à des logiques souvent
contradictoires puisqu’il s’agit à la fois de prendre en compte les besoins
des académies en leur apportant la ressource en personnel nécessaire,
d’affecter les enseignants au mieux de leurs souhaits mais également au
mieux des intérêts de l’institution scolaire, et enfin de répondre aux
exigences d’égalité géographique et sociale du service public de
l’éducation nationale.
Une première difficulté tient à la forte mobilité des personnels
enseignants, indissociable des conditions d’affectation des nouveaux
titulaires qui, n’ayant pas encore acquis un nombre de points suffisants au
barème, sont majoritairement nommés dans des académies considérées
comme difficiles ou peu attractives. L’analyse du mouvement annuel met
ainsi en évidence un déséquilibre important, avec quatre académies
60
qui
alimentent à elles seules plus de la moitié des flux migratoires, au profit
des régions méridionales ou de l’Ouest. Ces mutations qui concentrent les
départs dans un très petit nombre d’académies nécessitent d’affecter
massivement dans ces dernières les nouveaux titulaires issus des concours
de recrutement. Au mouvement 2001, 43 % d’entre eux ont ainsi été
affectés à Lille, Versailles ou Créteil, alors que les quatre académies les
plus méridionales (Aix-Marseille, Nice, Montpellier et Toulouse) en ont
accueilli moins de 10 %. On aboutit ainsi à un phénomène, non maîtrisé,
de « noria », auto-entretenu par le barème et où les jeunes professeurs
remplacent les plus anciens, avant de demander eux-mêmes, dès qu’ils en
ont la possibilité, leur mutation pour l’académie où ils entendent se
stabiliser pour la suite de leur carrière
61
.
60) Lille, Créteil, Versailles et Amiens
61) Les études réalisées par le ministère sur le mouvement des enseignants du second
degré montrent la relative jeunesse des populations concernées par la mobilité inter-
académique : entrant dans la carrière à l’âge moyen de 27 ans, les enseignants
demandent à quitter l’académie de leur première affectation à partir de 33 ans. Ils
obtiennent satisfaction autour de 35 ans et rejoignent alors définitivement l’académie,
puis à partir de 40 ans l’établissement dans lequel ils souhaitent se stabiliser pour le
reste de leur carrière. Au total, les aspirations territoriales et professionnelles des
enseignants sont satisfaites en moyenne dix ans après leur accès dans la fonction
publique.
158
C
OUR DES COMPTES
Préalablement au traitement de ces demandes de mutation,
l’administration centrale doit « calibrer » le mouvement, c’est-à-dire
arrêter, pour chaque académie et dans chaque discipline, le nombre de
postes offerts. Ces postes doivent permettre de faire face aux besoins
exprimés par les académies et de compenser les départs d’enseignants
(mutations et départs en retraite essentiellement). Ce travail de calibrage
est un exercice délicat puisqu’il conditionne le bon déroulement du
mouvement. Au niveau national en effet, les mutations doivent
in fine
être
effectuées à solde nul, une sortie dans une académie correspondant
nécessairement à une entrée dans une autre et le seul apport en personnel
est constitué par le flux des nouveaux titulaires issus des concours de
recrutement. L’ensemble des soldes académiques (différence des entrées
sur sorties) doit donc correspondre arithmétiquement au volume annuel
des recrutements. Si cette condition n’est pas réalisée, le mouvement est
déséquilibré, ce qui provoque soit un flux de départ supérieur aux arrivées
(cas des académies du nord et de l’est de la France), soit un nombre
d’arrivants excessif par rapport aux besoins de l’académie. Dans ce
dernier cas, la logique voudrait que l’académie concernée diminue le
nombre de ses enseignants non titulaires. La garantie de réemploi
accordée aux maîtres auxiliaires depuis 1996 n’a cependant pas permis de
mettre en œuvre des décisions de ce type, ce qui a contribué à
l’accroissement des coûts du système éducatif.
La gestion du mouvement est donc, au niveau du ministère comme
des académies, un exercice redoutablement complexe dans lequel les
aléas sont nombreux, notamment en matière de prévision des effectifs
d’élèves. Cependant, la Cour a constaté que le ministère n’avait pas mis
en œuvre tous les moyens nécessaires pour améliorer cette procédure et
réduire les facteurs d’incertitude : les efforts réalisés pour fiabiliser les
systèmes d’information, développer des outils de gestion prévisionnelle,
évaluer de façon plus rigoureuse les besoins d’enseignement et renforcer
la concertation avec les services académiques sont encore insuffisants.
La gestion déconcentrée des enseignants du premier degré
Par tradition historique, et contrairement au second degré, la
gestion des instituteurs et des professeurs des écoles a toujours été
déconcentrée et relève, pour l’essentiel, de l’inspecteur d’académie, qui
exerce le pouvoir de nomination, de titularisation et celui de prononcer les
mutations. Le recteur conserve cependant le pouvoir de prononcer la
première nomination.
Après recrutement et formation en IUFM, les enseignants du
premier degré sont en effet nommés dans un poste de l’un des
départements de l’académie, où ils ont vocation normale à servir et qu’ils
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
159
ne peuvent quitter qu’en étant remplacés par un mouvement « d’entrants »
dans le département. Il en résulte que l’essentiel des mutations s’effectue
dans
un
cadre
« intradépartemental »
et
que
les
mutations
interdépartementales restent, en nombre, relativement marginales.
Les mutations intradépartementales sont du ressort des inspecteurs
d’académie et se font, à quelques exceptions près, sur la base exclusive
d’un barème fondé sur l’ancienneté.
Les mutations interdépartementales, organisées par l’administration
centrale, s’effectuent soit par la voie de permutations, soit par la voie de
mutations nationales. La phase des permutations, qui fait l’objet d’une
procédure informatisée, s’analyse comme un échange nombre pour
nombre entre deux départements. Celle des mutations, également
informatisée, intervient dès que les inspections académiques connaissent
leur surnombre ou leur déficit d’enseignants, en fonction du volume
d’emplois qui leur a été délégué. Elle a pour but de rééquilibrer les
effectifs entre départements excédentaires et départements déficitaires. Le
traitement des mutations / permutations, qui concerne entre 1 et 2
% des
personnels enseignants du premier degré, est effectué en février mars de
chaque année.
Ces deux phases sont complétées par une troisième : celle du
mouvement complémentaire (ou des mutations « manuelles »), organisé
par entente directe entre les inspections académiques concernées. Cette
dernière phase d’ajustement a pour objet de résorber les éventuels
excédents de personnels qui subsistent dans certains départements à l’issue
du mouvement national et muter ces derniers dans les départements où
existent encore des postes vacants. Les candidats doivent obtenir, pour ce
faire, « l’exeat » de leur département d’origine, puis recueillir « l’ineat »
du département où ils souhaitent être accueillis.
D
La politique de recrutement
C’est à ce stade qu’intervient la politique de recrutement dont
dépend l’ajustement final entre la demande d’enseignement, qui émane
des académies, et l’offre d’enseignement, quantifiée dans le cadre de
concours nationaux. En théorie, la maîtrise en amont du recrutement et la
qualité des études prévisionnelles devraient permettre de faire concorder
les besoins en personnel des académies et le flux annuel des nouveaux
enseignants
62
.
Les impondérables de la rentrée, le caractère toujours incertain des
prévisions et l’obligation de mettre un professeur devant chaque classe
62
) Cour des comptes, La fonction publique de l’Etat - tome 1 décembre 1999, p. 118
et sq.
160
C
OUR DES COMPTES
viennent cependant contredire cette équation et nécessitent d’introduire
des facteurs d’ajustement ou de souplesse. Pour y parvenir, les
gestionnaires du système éducatif n’ont à leur disposition que deux
solutions. La première consiste à « surcalibrer » les concours en
procédant à des recrutements momentanément excédentaires par rapport
aux besoins. Cette solution, qui a prévalu au début des années 1990, s’est
traduite
par
d’importants
surnombres
budgétaires
63
et
par
une
augmentation des enseignants en sureffectif dans certaines disciplines.
Une telle situation ne pouvant perdurer, le ministère a été amené, à partir
de 1995, à
réduire fortement le nombre de places aux concours (les
postes offerts aux CAPES externes ont ainsi diminué de 30 % entre 1995
et 2000), désormais calibrés de façon plus rigoureuse. Dans ce deuxième
cas de figure, il est alors nécessaire, pour faire face aux aléas de la rentrée
et couvrir l’intégralité des besoins académiques, de recourir à des
recrutements de personnels non titulaires, ou, s’agissant du premier degré,
de faire appel, dans des conditions qui ne sont pas toujours satisfaisantes,
aux candidats figurant sur les listes complémentaires.
1
Les recrutements d’enseignants non titulaires dans le second
degré
Dans le second degré, où l’adéquation entre offre et demande
d’enseignement
doit
être
réalisée
discipline
par
discipline,
les
désajustements apparaissent inévitables. De plus, les lauréats des
concours de recrutement sont en nombre très insuffisant pour répondre
aux besoins des académies : en 2001, ces besoins correspondaient à un
effectif de près de 42 000 personnes, alors que les concours n’avaient
permis de recruter que 17 700 futurs enseignants. Ces derniers étant
recrutés sur la base des emplois vacants, cet écart d’environ 24 000 postes
correspond en partie au décalage qui s’est progressivement instauré entre
les structures pédagogiques implantées dans les établissements du second
degré et le stock des emplois budgétaires.
A ce désajustement, qui trouve son origine dans le processus décrit
plus haut de conversion des emplois en postes d’enseignement, s’ajoutent
d’autres facteurs plus conjoncturels, liés cette fois à la fiabilité des
prévisions démographiques, au faible rendement de certains concours,
aux phénomènes « d’évaporation estivale » (départs vers l’enseignement
supérieur, mises en disponibilité, etc.), ou encore aux décisions tardives
qui viennent générer, de façon souvent imprévue, des besoins
supplémentaires
d’enseignement
(par
exemple
la
réduction
des
63) Personnels surnuméraires eu égard aux emplois budgétaires réellement
disponibles.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
161
obligations de service des professeurs de lycées professionnels ou la
modification des horaires dans une discipline). Pour répondre à la
demande d’enseignement non couverte par le solde des mutations inter-
académiques, les rectorats disposent des heures d’enseignement dues par
les stagiaires des IUFM. Ils ont également recours, comme cela a été
évoqué précédemment, à des personnels non titulaires : maîtres
auxiliaires, professeurs contractuels et enseignants vacataires.
Les maîtres auxiliaires bénéficient, dans le cadre des politiques
visant à résorber l’emploi précaire, d’un certain nombre de mesures
destinées à faciliter leur intégration dans les corps d’enseignants
titulaires : concours internes, concours réservés (ou dispositif « Perben »),
examens professionnels. Compte tenu des flux annuels d’intégration
(avec en moyenne 4 500 titularisations par an entre 1997 et 2001), la
population des maîtres auxiliaires est en constante diminution : 8 900
ETP en 2001-2002, contre 24 800 ETP en 1997-1998.
Ne pouvant plus recruter de maîtres auxiliaires, les académies
recourent désormais aux professeurs contractuels
64
. Leur effectif, en
équivalent temps plein, est passé de 2 200 unités en 1997 à près de 17 600
en 2001. Au total, les académies ont embauché 3 150 enseignants non
titulaires en 1999, 5 600 en 2000 et 7 000 en 2001. Comparé aux
admissions par la voie du concours externe, entre 14 000 et 18 000
environ selon les années, le recours aux enseignants non titulaires est loin
d’être marginal.
2
Le recours aux listes complémentaires dans le premier degré
Dans le premier degré, la programmation des recrutements pour la
rentrée scolaire de l’année « n+2 » a lieu au cours du dernier trimestre de
l’année « n ». Ce travail de prévision, coordonné par le recteur, s’effectue
au niveau de chaque inspection académique qui définit ses besoins
propres (en fonction des sorties définitives et des créations d’emplois) et
propose le nombre de places à offrir dans le cadre des différents
concours
65
. Ce système, simple dans son principe, n’exclut pas les
erreurs d’anticipation, puisque les recrutements sont fixés avec presque
64) Personnels souscrivant pour la durée de l’année scolaire (ou pour une durée de
trois ans dans les disciplines professionnelles et technologiques) un contrat
renouvelable par reconduction expresse.
65) Le concours externe ouvert aux titulaires d’une licence (préparant en 1ère année
d’IUFM ou à l’université), le concours interne des instituteurs et le second concours
interne, ouvert aux agents publics (licenciés ayant 3 années d’ancienneté ou personnel
de niveau bac +2 admis au cycle préparatoire).
162
C
OUR DES COMPTES
deux années d’avance. A cet égard, le processus d’intégration des
instituteurs dans le corps des professeurs des écoles a introduit une réelle
incertitude, notamment pendant les premières années de la réforme du
corps, puisqu'il était difficile de prévoir si un instituteur qui pouvait partir
en retraite dès l’âge de 55 ans souhaiterait ou non profiter de son nouveau
statut pour travailler jusqu’à 65 ans
66
. Une autre difficulté réside dans la
méthode d’évaluation des besoins de recrutement, qui ne tient compte que
des vacances de poste constatées avant la rentrée scolaire et ignore celles
qui, bien que prévisibles, interviennent ultérieurement.
Afin de pourvoir les postes restés vacants, ou ceux dont la vacance
se déclare en cours d’année, les académies font appel aux candidats
figurant sur les listes complémentaires. Ce mode de recrutement conduit
tout d’abord à mettre devant les élèves des enseignants non formés qui
assument provisoirement la responsabilité d’une classe et ne rejoignent
l’IUFM que l’année suivante. De plus, cette procédure a pour effet
d’amplifier les déficits (les maîtres ainsi recrutés en année n vont se
former en IUFM en année n+1, rendant à nouveau leurs postes
disponibles) et d’accroître mécaniquement le nombre de postes vacants.
Cette spirale inflationniste, si elle n’est pas maîtrisée, conduit à grossir
inexorablement
les
recrutements
sur
listes
complémentaires,
qui
représentent déjà plus de la moitié des recrutements sur liste principale :
alors qu’en 1997, 800 enseignants étaient recrutés au moyen des listes
complémentaires, soit 8,7 % des 9 200 candidats admis sur liste
principale, ils étaient 6 309 en 2001, soit 56,1 % des 11 250 admissions
normales. Un tel système, qui privilégie une vision à court terme au
détriment d’une programmation pluriannuelle des emplois, ne peut à
l’évidence perdurer. Une utilisation plus rigoureuse des moyens de
remplacement qui, dans le premier degré, représentent aujourd’hui près
de 10 % des emplois d’enseignants en charge d’une classe, devrait
permettre d’y remédier au moins partiellement, ne serait ce qu’en limitant
le nombre de ceux qui assurent d’autres fonctions et sont de ce fait
indisponibles pour assurer des remplacements.
3
Les enjeux du recrutement pour les dix prochaines années
La question du recrutement, qu’il s’agisse des enseignants
titulaires ou des personnels contractuels, va prendre dans les prochaines
années une acuité particulière. Les projections démographiques établies
par le ministère de l’éducation nationale montrent en effet que, d’ici
2010, plus de 40 % des enseignants auront quitté le système scolaire
66
Les derniers constats faits à ce propos montrent que majoritairement les
instituteurs devenus professeurs des écoles partent en retraite à 55-56 ans.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
163
(premier et second degrés des secteurs publics et privés). Cette situation
s’explique essentiellement par la forte augmentation des départs en
retraite
67
, avec un flux annuel qui, pour l’ensemble des corps
enseignants, devrait culminer en 2006 – 2007 à 35 000 départs, contre
seulement 22 000 en 2001 (soit un accroissement de plus de 60 %). Pour
compenser ces départs, il est donc nécessaire de dimensionner en
conséquence le volume des recrutements. Entre les sessions 2000 et 2002,
le nombre de places offertes aux concours externes a ainsi progressé de
20 % dans le premier degré et de 30 % dans le second degré.
Dans le premier degré, l’augmentation du nombre des départs est
déjà largement engagée et les sorties les plus importantes sont prévues
entre 2004 et 2005
68
. S’agissant en revanche du second degré, le rythme
des départs devrait s’accélérer à partir de 2006, avec plus de 21 000
sorties annuelles sur les dernières années de la décennie. Ces besoins
croissants en nouveaux enseignants risquent, compte tenu du vivier
potentiel, de conduire à une insuffisance de candidats, qui se traduira
sinon par une pénurie du recrutement, du moins par une baisse sensible de
sa qualité. Les prévisions d’effectifs concernant l’enseignement supérieur
montrent en effet que le nombre des étudiants inscrits dans les filières
générales de l’université devrait rester quasiment stable sur la décennie
2001-2010. En outre, le départ en retraite des générations du « baby-
boom », qui ne pourra être compensé du fait de l’arrivée sur le marché du
travail de générations moins nombreuses, induira une réelle pénurie de
main d’œuvre et placera l’éducation nationale en situation de forte
concurrence
vis-à-vis
des
autres
secteurs
professionnels.
Dans
l’hypothèse d’une conjoncture économique favorable et du maintien, pour
les cadres et les diplômés, d’une situation proche du plein emploi, les
difficultés de recrutement pourraient devenir réelles dans les prochaines
années.
Une étude sur l’évolution prévisible du vivier de candidats aux
fonction d’enseignants a été récemment demandée par le ministère aux
inspections générales afin de mieux évaluer les besoins de recrutements
des prochaines années, en fonction des départs à la retraite. Cette étude,
bien que tardive au regard de l’urgence de ce problème et des délais
inhérents au recrutement, répond néanmoins à un besoin absolu pour
mettre en œuvre une véritable gestion prévisionnelle des emplois.
67) Ces départs sont directement liés à l’importance des recrutements effectués à la
fin des années soixante et au début des années soixante-dix, afin d’assurer la
scolarisation en masse au niveau du collège.
68) Le nombre de postes offerts au concours externes de recrutement de professeurs
des écoles était de 10 075 en 2000, 11 000 en 2001 et 12 000 en 2002. Ce chiffre
devrait être porté à 14 500 entre 2003 et 2005.
164
C
OUR DES COMPTES
__________
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
_________
L’évolution des structures d’enseignement se heurte aux attentes et
intérêts
contradictoires
des
différentes
parties
prenantes.
La
rationalisation des cartes de formation s’effectue à petits pas, même dans
les académies où elle est perçue comme une priorité et donne lieu à des
démarches volontaristes. Il apparaît, dans ce domaine, que les bassins de
formation sont le niveau le plus approprié pour organiser la concertation
entre établissements et avec l’ensemble des membres de la communauté
éducative. Les reconnaître comme lieu de mise en cohérence et comme
outil au service d’une gestion économe des deniers publics, est donc
souhaitable, y compris en zone urbaine.
Quant à la gestion des enseignants, elle est entravée par des
rigidités qui ne sont pas toutes la conséquence directe des garanties
accordées par le statut de la fonction publique. Certaines de ces
contraintes
sont
même
parfois
acceptées
et
entretenues
par
les
gestionnaires, comme le montrent l’usage qui est fait du barème national
ou l’application du principe de monovalence. Des critères d’affectation
devraient être définis qui ne soient pas la stricte application de ce barème.
L’amélioration de la gestion des dispositifs de remplacement, notamment
par la réorganisation des zones de remplacement, est une priorité. Il n’est
pas sûr du reste que les enseignants ne soient pas intéressés par d’autres
changements qui assureraient la reconnaissance et la valorisation de leurs
compétences. C’est sans doute le cas de leur évaluation, dès lors qu’elle se
ferait sur la base d’un référentiel clair. Toutes ces évolutions exigent une
politique de communication du ministère qui fait encore défaut et qui est
trop souvent laissée à l’initiative des organisations syndicales.
Quels que soient les modes de fonctionnement retenus, la gestion est
enfin contrainte par l’obligation d’assurer un jour donné l’ensemble du
service d’enseignement pour une année. La complexité intrinsèque de ce
rendez-vous de la rentrée contribue à en faire le processus structurant du
système scolaire mais également le plus lourd. Il contribue aussi à en faire
le révélateur des difficultés d’ajustement de la ressource d’enseignement
aux structures de formation. Il faudra donc parvenir à mieux identifier les
facteurs de ces désajustements, notamment ceux qui interviennent au cours
des procédures de transformation des emplois budgétaires en postes
d’enseignants, et à calibrer plus précisément les besoins liés au
remplacement, ce qui implique au préalable de disposer de données
statistiques fiables sur les enseignants absents.
L
ES CONTRAINTES DE LA GESTION
165
L’évolution prévisionnelle des viviers d’enseignants fait cependant
qu’il existe un risque de ne pouvoir garantir, à terme, le maintien du
réseau et la diversité des formations du second degré. Pour inquiétante
qu’elle puisse être, cette perspective rend plus nécessaire encore l’étude de
toutes les hypothèses qui permettront de maintenir un enseignement de
qualité, qu’il s’agisse de la définition des métiers, des règles de gestion des
enseignants, de la répartition géographique des affectations ou des
conditions de recrutement et de formation.
166
C
OUR DES COMPTES
167
Chapitre V
La répartition des compétences
168
C
OUR DES COMPTES
Pour mettre en œuvre les objectifs définis par la loi d’orientation
sur l’éducation de 1989, le système éducatif a été conduit à revoir en
profondeur les modes d’administration de l’école. En retenant comme
objectif la réussite de tous les élèves, la loi d’orientation rendait en
particulier nécessaire une responsabilisation accrue des échelons locaux
et
intermédiaires
de
l’institution
scolaire :
rectorats,
inspections
académiques et établissements.
Cet impératif explique les évolutions importantes de la répartition
des pouvoirs entre les différents niveaux gestionnaires. L’autonomie
donnée aux établissements d’enseignement, le rôle stratégique confié aux
académies pour la définition et la gestion des politiques éducatives, enfin
l’intervention plus active des collectivités territoriales dans le domaine
éducatif, sont autant d’éléments qui sont venus mettre en cause le
fonctionnement traditionnel du système scolaire jusqu’alors dirigé, sans
beaucoup de médiations ni contrepoids, depuis l’administration centrale.
Cette dernière a dû, dès lors, assumer une forte territorialisation de l’école
et commencer à se recentrer sur des fonctions de pilotage, d’orientation et
d’évaluation des politiques nationales. Le système scolaire est ainsi géré
selon un agencement complexe de compétences partagées. Encore
marqué par sa longue tradition de centralisation, notamment dans le
second degré, son administration est de plus en plus déconcentrée, et
même décentralisée pour certains aspects de sa gestion.
Cette recomposition des pouvoirs au sein du système scolaire n’est
pas achevée, ce qui témoigne d’une réflexion encore non aboutie sur la
définition de l’échelon optimum de gestion de l’école. Pourtant des
éléments de diagnostic peuvent être formulés. La délimitation plus ou
moins précise des champs de compétences des différents échelons de
responsabilité, leurs modalités de concertation et l’articulation de leurs
actions constituent des éléments sur lesquels la Cour a fondé son analyse
de la cohérence du dispositif et des marges de manœuvre dont disposent
ces acteurs du système.
I
La mutation lente de l’administration centrale
Au cours de la décennie écoulée, le ministère de l’éducation
nationale a cherché à moderniser le fonctionnement de son administration
centrale. Cette démarche était nécessaire à un double titre.
D’une part, le ministère a dû tirer les conséquences de la loi
d’orientation sur l’éducation de 1989 qui impliquait une réflexion sur le
niveau optimal de gestion du système scolaire. D’autre part, les directives
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
169
gouvernementales liées à la réforme de l’Etat devaient être mises en
œuvre par l’éducation nationale comme par l’ensemble des ministères. La
loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale
de la République et son décret d’application du 1
er
juillet 1992 ont fait de
la déconcentration la règle générale de l’organisation de l’Etat. A cette
fin, il a été demandé aux administrations centrales de se recentrer sur un
rôle de conception, d’animation, d’orientation et d’évaluation. En 1998
ont été instaurés des programmes pluriannuels de modernisation (PPM)
dont l’objectif est de déterminer, pour une période de trois à cinq ans, les
orientations stratégiques de chaque ministère. La circulaire du 8 janvier
2001, relative aux directives nationales d’orientation (DNO) a précisé que
celles-ci ont vocation à constituer l’instrument de pilotage des politiques
ministérielles, en privilégiant notamment le recours aux procédures
contractuelles avec les services déconcentrés.
Pour répondre à ce nouveau cadre d’intervention, l’administration
centrale de l’éducation nationale a multiplié les démarches de
modernisation en poursuivant des objectifs complémentaires : réorganiser
sa structure, déconcentrer sa gestion, donner plus de responsabilités aux
rectorats, notamment en globalisant leurs dotations financières et en
initiant une démarche contractuelle et, enfin, se doter d’instruments
d’évaluation et de contrôle de gestion. Toutes ces démarches font, qu’à
bien des égards, le ministère de l’éducation nationale fait figure de
pionnier dans la démarche de modernisation entreprise par l’Etat.
Pourtant ces initiatives ne sont pas encore parvenues à instituer un mode
de pilotage suffisamment clair ni pleinement cohérent.
A
Le cadre d’intervention de l’administration
centrale
Pour assumer ses fonctions de pilotage, l’administration centrale a
dû revoir son cadre d’intervention à l’égard des services déconcentrés. La
réorganisation des services ministériels et l’amorce d’une démarche de
contractualisation avec les académies illustrent cette évolution qui, à ce
jour, ne paraît pas encore aboutie.
1
La réorganisation de l'administration centrale
La première réponse apportée par le ministère de l'éducation
nationale à la nécessité de se recentrer sur des missions de pilotage, a
consisté à réformer ses structures centrales. Une réorganisation de
l’organigramme ministériel est intervenue en décembre 1997, à la suite
d’évolutions antérieures de moindre envergure. Le nombre de directions
170
C
OUR DES COMPTES
est alors passé de treize à onze. Alors qu’ils étaient gérés par des
structures distinctes, les personnels enseignants, du premier degré jusqu’à
l’enseignement supérieur, sont désormais suivis par une seule direction
des personnels enseignants (DPE). De même, le domaine pédagogique et
la gestion des moyens d’enseignement, jusqu’alors répartis entre une
direction des écoles et une direction des lycées et collèges, ont été
fusionnés au sein de la direction de l’enseignement scolaire (DESCO).
Les effectifs budgétaires des services administratifs centraux ont,
par ailleurs, diminué de 12 % entre 1997 et 2001. Cette évolution s’est
accompagnée d’un renforcement des services déconcentrés et des
établissements dont les effectifs ont respectivement cru de 3 % et de
1,6 % entre les mêmes dates, du fait de redéploiements d’agents
d'administration centrale mais également de créations d'emplois. La
baisse des effectifs des services centraux prolonge, en réalité, une
tendance antérieure. Entre 1985 et 2001, ces effectifs ont diminué de
31,1 %, dont 16,5 % entre 1985 et 1993. Au total, souvent présenté
comme un organisme administratif hypertrophié, le ministère de
l’éducation nationale est sans doute l’un de ceux qui ont accompli le plus
gros effort de resserrement de leurs effectifs.
Ces évolutions quantitatives connaissent toutefois des limites. Un
recentrage du ministère sur des missions de pilotage aurait dû entraîner
une diminution corrélative des opérations de gestion. Pourtant, comme a
pu le constater la Cour lors de son contrôle de la gestion des personnels
administratifs du ministère, l’examen des tâches des agents des deux
grandes directions centrales en charge des personnels (personnels
enseignants - personnels administratifs, techniques et d’encadrement)
montre qu’elles restent absorbées par des tâches de gestion au détriment
de la réflexion et de l’expertise qui ne représentent que le quart de leur
activité.
L’administration centrale connaît, en outre, des difficultés pour
gérer ses personnels de conception, notamment d’encadrement supérieur.
Si les agents de catégorie A représentent désormais 42,3 % des effectifs,
les postes offerts par le ministère de l’éducation nationale à la sortie de
l’école nationale d’administration (ENA) ne sont pas intégralement
pourvus
chaque
année.
Les
administrateurs
civils
sont
quasi-
exclusivement issus du concours interne ou de nominations au tour
extérieur, ce qui témoigne du manque d’attractivité du ministère pour les
administrateurs plus jeunes issus du concours externe de l’ENA. Par
ailleurs, les administrateurs civils affectés au ministère n’y restent guère.
La moitié des administrateurs affectés pour la première fois en
administration centrale entre 1991 et 1994 ont depuis quitté le ministère
de l’éducation nationale. En 1998, l’administration centrale gérait 180
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
171
administrateurs civils. En 2001, il n’en reste que 160. Parmi ces derniers,
peu ont bénéficié d’une expérience en dehors de la sphère éducative.
Conscient de ces difficultés, le ministère tente aujourd’hui de
renforcer la qualification de ses agents. A cette fin, la tendance à la
réduction des effectifs centraux a été interrompue dans le budget 2001,
avec la création de 30 emplois destinés à renforcer les capacités
d’expertise et d’études des services centraux dans les secteurs de
l’informatique, de la prévision et de l’évaluation. Le ministère compte
enfin mettre à profit les départs massifs en retraite des prochaines années
(40 % de départs dans les dix prochaines années) pour accélérer
l’adaptation des effectifs aux besoins nouveaux, au rythme d’une
quarantaine d’emplois requalifiés par an.
2
La contractualisation avec les académies
Tirant
les
conséquences
de
la
décentralisation
et
de
la
déconcentration de la gestion du système scolaire, le ministère de
l’éducation nationale s’est engagé, depuis 1998, dans une démarche de
contractualisation avec ses services déconcentrés. Il s’agit de reconnaître
les académies comme des échelons stratégiques à même de mettre en
œuvre les politiques ministérielles et de les adapter aux spécificités
locales, mais aussi d’aider ces dernières à définir des objectifs
pluriannuels tant en termes d’accueil et de réussite scolaire que de
niveaux de qualification atteints par les élèves.
Dans une première étape, les académies ont été invitées à élaborer
des « projets académiques » précisant leurs orientations stratégiques de
développement à partir d’un diagnostic de leurs forces et de leurs
faiblesses. Cette phase de travail intervenue en 1998 a été vécue par les
services d'administration centrale et les académies comme un moment
privilégié de dialogue, de décloisonnement entre les structures du
ministère et de mise en commun d'analyses fondées sur des indicateurs
statistiques partagés.
Au terme de la rédaction de ces projets, les services centraux ont
demandé aux académies de leur proposer des « contrats académiques ».
Ces derniers devaient reprendre, sous la forme d'"actions", les aspects des
projets académiques qui nécessitaient un engagement des directions
ministérielles. Ces propositions de contrat ont fait l'objet d'examens
itératifs qui occasionnèrent des retards par rapport au calendrier
initialement prévu. Alors que tous les contrats académiques auraient dû
être signés en décembre 1999, seuls huit contrats l’étaient en mai 2001.
En février 2002, une seconde série de contrats a été signée. A ce jour,
172
C
OUR DES COMPTES
seule la moitié des académies a conclu un contrat avec l’administration
centrale.
Le contenu des contrats illustre une démarche complexe dont
l’efficacité opérationnelle est encore difficile à apprécier. Tels que conçus
par le ministère, ces contrats n’ont pas vocation à intégrer l’ensemble des
relations entre l’administration centrale et les services académiques qui
s’établissent lors de la préparation de la rentrée scolaire et de la
répartition entre académies des moyens humains et financiers. A ce titre,
les dotations en emplois d’enseignants ou en crédits de fonctionnement
liés aux réformes pédagogiques n’entrent pas dans le champ de la
contractualisation car toutes les académies sont concernées. A l’inverse,
les contrats portent sur des actions jugées essentielles pour l’académie et
visent à formaliser les engagements de l'administration centrale pour
accompagner ses actions particulières. La nature de ces engagements est
diverse : conseils et aides techniques, actions de formation, attribution de
moyens ponctuels sous la forme de crédits ou d’emplois.
Pourtant la ligne de partage que le ministère a souhaité établir entre
les actions contractualisées et les procédures d'intérêt national paraît
ténue. La plupart des contrats comportent des engagements financiers
pour le développement des technologies de l'information et de la
communication dans l'enseignement (TICE). Cette politique ne paraît
pourtant pas présenter de spécificité académique puisqu’animée à
l'échelon national, elle donne lieu à une allocation de crédits à l'ensemble
des académies. De même, des moyens relatifs à la généralisation des
langues vivantes dans l'enseignement primaire sont inscrits dans de
nombreux contrats académiques alors que cette mesure constitue une
priorité du ministère.
Ces incertitudes d’articulation mettent en lumière les difficultés de
l'exercice
contractuel
engagé
dans
le
système
scolaire.
Si
la
contractualisation est présentée par le ministère de l’éducation nationale
comme la première étape d’un pilotage stratégique qui a permis d'affirmer
une diversité des enjeux académiques et contribué à une prise de
conscience par les services centraux des inégalités territoriales, on ne peut
que constater le caractère encore limité de cette démarche.
B
L’exercice des missions de pilotage
L’administration centrale s’est efforcée d’adapter son organisation
pour se recentrer sur des missions de pilotage mais l’exercice effectif de
ces dernières connaît encore des limites. A ce titre, la Cour s’est attachée
à analyser les modalités d’élaboration, de l’application et du suivi des
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
173
politiques mises en œuvre par le ministère de l’éducation nationale dans
le domaine de la pédagogie. Son objectif n’a pas été de porter un
jugement sur la pertinence et l’efficacité de ces politiques, le domaine
spécifique de la pédagogie ne relevant pas de son champ de compétences.
Il a été d’apprécier le degré de maîtrise par les services ministériels de ce
volet important du fonctionnement du système scolaire puisque les
réformes pédagogiques conditionnent l’organisation des enseignements et
donc l’utilisation des moyens budgétaires correspondants.
Cette analyse montre que l’administration centrale éprouve encore
des difficultés à définir et surtout à programmer ses politiques
pédagogiques. En aval, elle rencontre également des difficultés à mesurer
leurs résultats en raison d’un contrôle de gestion encore déficient.
1
La définition des politiques pédagogiques
L’élaboration des politiques pédagogiques constitue une opération
déterminante pour le fonctionnement et l’efficacité du système scolaire
car elle consiste à arrêter le contenu et l’organisation des enseignements
dispensés sur l’ensemble du territoire. Si cette procédure a été récemment
clarifiée, elle demeure complexe, faiblement articulée avec la gestion
budgétaire et son efficacité n’est pas clairement mesurée.
a)
L’élaboration des politiques pédagogiques
Les contenus d’enseignement étaient traditionnellement définis par
l’inspection
générale
de
l’éducation
nationale
(IGEN).
La
loi
d’orientation sur l’éducation de 1989 a transféré cette mission au conseil
national des programmes (CNP) et aux services pédagogiques de la
direction chargée de l’enseignement scolaire.
Le CNP est une instance consultative composée de 22 membres. Il
fixe, sous la forme d’une lettre de cadrage, les grandes orientations de
travail des groupes d’expert (enseignants, inspecteurs, universitaires) qui,
placés auprès de la direction de l’enseignement scolaire, ont pour mission
de rédiger les projets de programme. La direction assure, quant à elle, le
suivi logistique de ces groupes et organise la consultation informelle des
différents
partenaires
(associations
professionnelles,
syndicats
d’enseignants, maisons d’édition) et des enseignants de la discipline et du
niveau scolaire concernés. Elle informe également l’IGEN de l’état
d’avancement des travaux. Une fois rédigé, le projet de programme entre
dans une phase de consultations institutionnelles : avis du CNP, vote du
conseil supérieur de l’éducation nationale (CSE). Une fois validé, le
projet est soumis au visa du ministre et publié sous la forme d’un arrêté
174
C
OUR DES COMPTES
au Journal officiel et au Bulletin officiel de l’éducation nationale.
Parallèlement à cette publication, des documents d’accompagnement sont
mis à la disposition des enseignants.
Les académies ne prennent pas part en tant que telles aux
procédures d'élaboration des programmes, si ce n'est à travers les
consultations informelles ou à titre individuel lorsqu'un des membres des
groupes d'experts est un recteur. Or, tant au regard des principes de la
déconcentration que par un souci d’efficacité, il semblerait légitime que
les services académiques soient systématiquement associés à l'élaboration
de la réglementation pédagogique qu'ils ont à mettre en œuvre.
b)
La portée des normes pédagogiques nationales
L'examen des textes publiés ou diffusés par le ministère de
l’éducation nationale pour définir les politiques pédagogiques nationales
révèle une production abondante dont la portée normative est délicate à
qualifier.
Le statut réglementaire des programmes d’enseignement rend leur
application obligatoire. En revanche, en raison du principe de liberté
pédagogique, les modalités de mise en œuvre des programmes et leur
adaptation à la diversité des élèves relèvent de la responsabilité des
enseignants.
Pour
respecter
cette
responsabilité,
les
programmes
suggèrent des pratiques pédagogiques mais ne les imposent pas. La
prudence
du
ministère
à
ne
pas
prédéterminer
les
modalités
d’enseignement contribue à expliquer l’extrême variété des pratiques des
enseignants.
Le ministère publie, en outre, des circulaires de préparation de
rentrée qui s’adressent aux services déconcentrés et aux établissements.
Ces textes mêlent des recommandations pédagogiques et des directives
sur les modalités d’organisation des enseignements, dans le dessein de ne
pas séparer les aspects gestionnaires et pédagogiques et de souligner que
l’organisation des formations constitue un moyen au service des objectifs
de formation. Pour autant, ils ne donnent pas de consigne technique
précise aux responsables académiques chargés de mettre en œuvre les
politiques pédagogiques. Hormis pour les lycées professionnels pour
lesquels des normes d'effectifs d'élèves par division d’enseignement ont
été définies en 2000, il n'existe pas d'indication équivalente pour les
autres types et niveaux d'enseignement, alors même que la taille des
divisions
conditionne
les
besoins
des
académies
en
moyens
d'enseignement.
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
175
c)
L’articulation entre réformes pédagogiques et moyens
d'enseignement
En raison de l'ampleur et de la complexité du système scolaire,
toute réforme pédagogique qui augmente les horaires d'enseignement,
entraîne des surcoûts budgétaires considérables et induit un besoin
d’enseignement qui ne peut être couvert que de façon différée puisque le
ministère doit recruter des enseignants qui, en raison de leur formation en
IUFM, ne pourront pas être opérationnels avant deux ans.
Le système scolaire n'a certes pas connu, au cours des dernières
années, de réforme d'envergure. Aucune n'a visé à modifier l'organisation
des structures scolaires, comme cela avait été le cas avec l'instauration du
collège unique en 1975, la création des baccalauréats professionnels en
1985 et la réforme des lycées engagée à compter de 1992 (mise en place
d’enseignements modulaires et optionnels, refonte des filières et des
baccalauréats).
Les
réformes
récentes
constituent
davantage
des
aménagements ou des recompositions d’enseignements à l’intérieur des
structures de formation existantes. Toutefois leur superposition, sans
qu’aient toujours été dégagés les moyens de leur mise en œuvre ni
évalués leurs effets, a parfois plus contribué à perturber qu’à améliorer la
gestion du service éducatif.
Les réformes pédagogiques récentes
La
réforme des collèges
a été engagée à compter de 1996. Le
"Nouveau contrat pour l’école" du ministère Bayrou a arrêté plusieurs
mesures visant à assouplir les horaires pour mettre en place des
enseignements de soutien, des études dirigées au bénéfice d'effectifs
réduits d'élèves et des cours d'instruction civique. La
réforme des lycées
d'enseignement général et technologique et des lycées professionnels
qui est intervenue depuis l'année 1999-2000, a visé des objectifs proches
de ceux de la réforme des collèges : introduction de l'aide individualisée
des élèves en classe de seconde générale et technologique, mise en place
des "travaux personnels encadrés" en classes de première et de terminale
des filières d'enseignement général et introduction d'un enseignement
d'éducation civique, juridique et sociale à tous les niveaux du lycée.
Ces réformes se sont prolongées à une date plus récente, tant dans
l'enseignement primaire qu’en collège et en lycée. Un "
plan pour l'école
"
a été présenté en juin 2000. Son axe principal est la
maîtrise de la langue
nationale
, ce qui s'est traduit par une diminution d'une heure
d'enseignement grammatical au profit d'un contact plus fort avec des
textes. Cette évolution s'est accompagnée d'un plan de développement des
bibliothèques et des centres de documentation des écoles primaires. Un
repérage des difficultés de lecture et d'expression a été mis en place à la
rentrée scolaire 2001-2002, au début de la grande section de maternelle et
176
C
OUR DES COMPTES
du cours préparatoire. Enfin des dispositifs de "remédiation" ont été
introduits en grande section de maternelle, au cours préparatoire et au CE2
pour détecter les difficultés d'apprentissage des élèves. Un second axe du
plan pour l'enseignement primaire a concerné le
développement de
l'enseignement des langues vivantes
. Il vise à donner un enseignement
linguistique à tous les élèves, de la grande section de maternelle jusqu'au
CM2. Cette réforme s'appuie sur la mise en œuvre antérieure d'une
initiation à une langue étrangère, à ce jour, quasi généralisée en CM2 et
fortement développée en CM1. L'objectif est qu'en 2005, tous les élèves
accédant au collège apprennent deux langues vivantes, dont l'une débutée
à l'école primaire. Un troisième axe, annoncé en avril 2001, est le
développement des langues régionales
qui devrait à terme déboucher sur
l'introduction d'enseignements bilingues dans les langues suivantes :
basque, breton, corse, catalan, créole, occitan, alsacien et mosellan. Ces
enseignements seront assurés par des professeurs des écoles spécialement
recrutés pour leurs compétences linguistiques, la première session de
concours se déroulant en 2002. Enfin un plan de cinq ans de
développement de l'éducation artistique à l'école
a été arrêté en
novembre 2000. Il prévoit notamment la mise en place de 20 000 classes
"à projet artistique et culturel" auxquelles seront associés des artistes et
des professionnels de la culture.
Le
collège
a également connu des évolutions pédagogiques
récentes, annoncées en avril 2001. Dans les classes de sixième, l'arrivée
des nouveaux élèves doit faire l'objet de
procédures d'accueil
individualisé
. Les collèges connaîtront pour cinq ans un plan analogue à
celui retenu pour les écoles en matière de
développement des arts et de
la culture
. Depuis la rentrée scolaire 2001-2002, ce plan est amorcé en
classe de sixième, en particulier dans les collèges situés en éducation
prioritaire et en zones rurales. En collège sont également mis en place des
"
itinéraires de découvertes
" qui visent, à partir d'un travail en équipe des
enseignants, à développer des projets d'élèves sélectionnés parmi quatre
pôles : la nature et le corps humain, les arts et l'humanité, les langues et les
civilisations, l'initiation à la création et aux techniques. Des
ateliers
artistiques facultatifs
sont mis en place en classes de cinquième et de
quatrième. Leurs horaires hebdomadaires se situent entre deux et trois
heures d'enseignement. La classe de troisième est également aménagée
pour permettre aux élèves de choisir leur
orientation future
. 15% des
horaires seront consacrés, à compter de la rentrée scolaire 2002, à des
enseignements choisis par l'élève en plus des enseignements communs, à
raison de deux domaines représentant chacun deux heures d'enseignement
hebdomadaire. Les domaines suivants seront proposés : langues et cultures
de l'Antiquité, langues et cultures du monde, arts, sciences expérimentales,
technologie, découverte professionnelle.
S'agissant des
lycées d'enseignement général et technologique
,
des mesures récentes sont venues prolonger la réforme antérieure des
enseignements : introduction d'heures de vie de classe et d'ateliers
artistiques dans les classes de première et de terminale, aménagement des
cours de langues vivantes dont la gestion des moyens d'enseignement est
assouplie afin que les équipes pédagogiques puissent moduler les durées
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
177
d'enseignement en fonction du projet de l'établissement et des difficultés
des élèves, création d'un enseignement complémentaire de quatre heures
en éducation physique et sportive. Les
lycées professionnels
connaissent
des évolutions parallèles : dédoublement de certains enseignements tout en
restant dans un maximum de 35 heures hebdomadaires par élève, mise en
place de "projets pluridisciplinaires à caractère professionnel" et de temps
de concertation entre enseignants (12 heures annuelles en BEP, 10 en
baccalauréat professionnel), généralisation de l'aide individualisée des
élèves de seconde en mathématiques et en français, mise en place de
classes à projet artistique et culturel, développement de langues vivantes
facultatives,
développement
de
sections
européennes
en
lycée
professionnel.
Ces réformes ont des coûts moindres que celles qui avaient
profondément modifié, il y a vingt ou trente ans, l’architecture du système
scolaire.
Celles
qui
visent
une
diversification
des
méthodes
d'enseignement sans apporter de modification horaire, peuvent être mises
en œuvre à moyens d'enseignement constants. D'autres entraînent des
coûts non négligeables et, qui plus est, difficilement quantifiables par les
gestionnaires en charge des moyens d'enseignement.
Les projets de réformes pédagogiques font l’objet de chiffrages qui
démontrent fréquemment qu’elles ne peuvent pas être intégralement
financées au regard des moyens disponibles. Ce fut le cas de la réforme
des collèges dont la mise en œuvre a dû être étalée sur deux années
scolaires pour être appliquée au cycle central des collèges. Dans d'autres
cas, les réformes peuvent être financées pour leur première année
d'application et les académies doivent en assurer le financement les
années suivantes dans le cadre de leurs enveloppes budgétaires.
Comme toute réforme, les évolutions pédagogiques impliquent la
mise en œuvre de moyens qui ne peuvent pas toujours être
immédiatement dégagés. Le décalage entre l’annonce d’une mesure et
son financement effectif par les services ministériels contraint alors les
académies à recourir à des solutions provisoires et d’une gestion peu
satisfaisante. C'est notamment le cas du développement des langues
régionales dans l'enseignement primaire annoncé en avril 2001. La mise
en œuvre de cette mesure sera progressive et une première session de
concours de recrutement d'enseignants bilingues se déroule en 2002. Dans
l'attente de la formation de ces enseignants, les académies n'auront d'autre
possibilité que de recourir à des recrutements d'agents non titulaires.
Enfin la nature des réformes pédagogiques récentes limite les
possibilités d'en prévoir les coûts à l’échelon ministériel. Nombre d’entre
elles, introduites pour individualiser la prise en charge des élèves, ne
178
C
OUR DES COMPTES
permettent une gestion précise ni des moyens d'enseignement, ni des
recrutements d'enseignants.
D’une part, ces réformes reposent fréquemment sur des horaires
modulables, les établissements ayant toute latitude pour déterminer le
nombre d’heures qu’ils jugent utiles d’y consacrer. Certes cette possibilité
de modulation horaire est limitée puisqu’elle joue sur environ 5 % des
enseignements mais, rapportée à l’échelle du territoire, elle représente des
moyens d’enseignement considérables dont les services ministériels ont
par définition du mal à prévoir l’ampleur effective. D’autre part, les
politiques pédagogiques
récentes
visent à
mettre
en
place des
enseignements interdisciplinaires qui peuvent être confiés par les
établissements à des enseignants de diverses spécialités. Il est donc
difficile de prévoir les besoins de recrutement d’enseignants qu’elles
nécessitent dans chaque discipline. Tel est le cas de l'instruction civique.
Au regard de la latitude qu'a, par exemple, un lycée d’attribuer cet
enseignement à un professeur d'histoire-géographie, de philosophie ou de
français, il est difficile de prévoir les recrutements nécessaires. Ce n’est
qu’après la mise en œuvre de cet enseignement que le ministère peut, à
partir de ses systèmes d’information, connaître quels ont été les
enseignants concernés.
Autrement dit, les orientations récentes données aux politiques
éducatives réduisent la maîtrise que peuvent exercer les services
ministériels sur les coûts prévisionnels. Elles mettent surtout en lumière
une contradiction majeure entre des politiques pédagogiques qui
privilégient l'organisation locale des enseignements et une gestion
nationale des moyens d'enseignement et des recrutements d'enseignants.
2
Le contrôle de gestion
Le décret du 1
er
juillet 1992 portant charte de la déconcentration
assigne aux directions d'administration centrale des fonctions de contrôle
et d'évaluation à l'égard des services déconcentrés. La circulaire
interministérielle du 21 juin 2001 prévoit, pour sa part, que le contrôle de
gestion devra être généralisé dans les services de l’Etat d’ici 2003. En
conclusion d’un rapport demandé par le ministère, l’IGAENR estime
qu'"
au ministère de l'éducation nationale les pratiques abouties de
contrôle de gestion sont peu répandues aussi bien en administration
centrale que dans les services déconcentrés
".
Par rapport à bien d’autres ministères, l’éducation nationale s’est
pourtant très tôt préoccupée du contrôle de gestion. Dès les années 1980
fut mis en œuvre un contrôle national des emplois destiné à vérifier
l'adéquation entre les moyens délégués aux académies et les crédits
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
179
consommés au titre des rémunérations. La direction chargée des affaires
financières, devenue en 1987 "direction des affaires financières et du
contrôle de gestion", a demandé la même année aux recteurs de se doter
d’instruments de contrôle de gestion.
Ces exemples démontrent la permanence des préoccupations des
gestionnaires du système scolaire dans le domaine du contrôle de gestion
mais cette constance est également le signe de difficultés tout aussi
pérennes à traduire ces préoccupations dans la réalité. La circulaire du 21
juin 2001 demandait aux ministères de constituer un réseau de contrôleurs
de gestion à leurs échelons central et déconcentrés. Le ministère de
l'éducation nationale a devancé ces dispositions puisque trente emplois de
contrôleur de gestion ont été créés au budget 2001 et affectés aux
académies. L'historique de cette mesure traduit une certaine confusion
administrative. Si aujourd'hui les emplois concernés sont présentés par
l'administration centrale comme ceux de contrôleurs de gestion, tel n'était
pas les objectifs initiaux du ministère. En effet, ces emplois devaient
permettre, à l'origine, le recrutement de consultants auprès des recteurs
pour les conseiller en matière de rationalisation des méthodes et de
développement d’outils de pilotage. Avec la publication de la circulaire,
ces fonctions ont été infléchies vers le contrôle de gestion sans que pour
autant le ministère les ait précisément définies. En effet, les recteurs ont
demandé à leurs consultants de s'investir dans des tâches diversifiées mais
qui ne relevaient pas forcément du contrôle de gestion. Alors que le
ministère souhaite aujourd'hui mobiliser ces agents dans le cadre d'un
réseau de contrôleurs de gestion, certains recteurs semblent peu enclins à
les voir s'investir dans cette voie où les compétences des agents concernés
ne leur permettent pas forcément de s’investir.
Le faible développement du contrôle de gestion dans le système
scolaire résulte certes de la difficulté qu'il y a à rapprocher les moyens et
les résultats mais il trahit surtout une réflexion encore insuffisamment
aboutie sur les enjeux d’une telle démarche. En effet, si le ministère de
l’éducation nationale a longtemps fait figure de pionnier en matière de
modernisation administrative, il paraît connaître, à ce jour, d’importantes
difficultés à aller plus avant. Aussi de fortes interrogations se posent-elles
sur sa capacité à se conformer aux nouvelles dispositions en vigueur tant
en matière de pilotage des services déconcentrés que de procédure
budgétaire.
La circulaire du 8 janvier 2001, relative aux directives nationales
d’orientation (DNO) invite «
les administrations centrales à tirer
pleinement les conséquences de la politique de déconcentration dans les
relations qu’elles entretiennent avec les services déconcentrés
». Les
DNO ont donc pour finalité de formaliser ces relations et en faisant
180
C
OUR DES COMPTES
clairement la part entre ce qui doit être laissé à la responsabilité de ces
derniers et ce qui relève du pilotage central. Elles doivent rassembler, si
possible dans un document unique, les priorités de chaque ministère et
avoir une pérennité suffisante pour permettre aux services d’inscrire leur
action dans la durée. La Cour ne peut que souligner la distance
considérable entre la définition des DNO et les directives que donne le
ministère aux responsables de ses services déconcentrés.
II
Les académies, nouvel espace de cohérence
Initialement les textes fondateurs du 19
ème
siècle (loi du 14 juin et
décret du 22 août 1854) assignaient aux responsables académiques la
mission première, non pas d’exercer une fonction de pilotage de
l’enseignement scolaire, mais d’en assurer le contrôle moral et politique.
Dans cette conception centralisée de l’éducation nationale, le rôle des
recteurs étaient «
d’exécuter scrupuleusement tous les ordres du
ministre
» et d’en surveiller la stricte application. Avec la croissance de la
démographie
scolaire,
les
autorités
académiques
se
sont
vues
progressivement confier des responsabilités de gestion dépassant leurs
missions traditionnelles de surveillance et d’inspection. Cette évolution
s’est prolongée avec la loi d’orientation sur l’éducation de 1989 qui a
défini un objectif d’adaptation de l’école aux besoins diversifiés des
élèves et des territoires.
Le renforcement récent du rôle des académies dans le pilotage du
système scolaire constitue une évolution majeure de la gestion de
l’éducation nationale. Mais deux contraintes freinent cette évolution : les
limites actuelles de la déconcentration des responsabilités de l’échelon
ministériel vers les services déconcentrés et les incertitudes qui
demeurent sur l’organisation optimale de ces derniers. Aussi la
transformation engagée est-elle loin de son aboutissement comme en
témoigne l’inégale maturité des académies qui sont encore largement
mobilisées par la gestion des moyens d’enseignement et les procédures de
préparation de la rentrée scolaire, au détriment de l’exercice de missions
de pilotage.
A
Le développement du rôle des académies
L’exercice par les autorités académiques d’un pouvoir effectif
n’allait pas de soi. Il heurtait tout d’abord une tradition de gestion
jusqu'alors davantage orientée vers l'application de directives nationales
que vers la définition de politiques spécifiques, adaptées aux enjeux de
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
181
chaque académie. Il supposait surtout que soient réunies plusieurs
conditions : la capacité à définir des orientations stratégiques en
concertation étroite avec les partenaires de l’école, l’animation des
politiques pédagogiques dans les établissements, enfin l’appropriation
d’outils d’évaluation et de contrôle de gestion pour mesurer les effets et
les coûts des politiques impulsées. Comme a pu le constater la Cour lors
d’un contrôle portant sur l’offre de formation scolaire dans cinq
académies (Caen, Lille, Paris, Rennes, Toulouse), ces conditions ne sont
encore que rarement réunies.
1
L’architecture des services déconcentrés de l’éducation
nationale
On compte, à ce jour, 30 académies et 100 inspections
académiques. Les trois académies les plus récentes – Guyane, Martinique
et Guadeloupe - résultent de la scission de l’académie des Antilles-
Guyane en décembre 1996, suite aux difficultés sociales qu’avait connues
le département de la Guyane. Comme les régions dont elles épousent la
plupart du temps les limites géographiques, les académies correspondent
à
un
nombre
variable
de
départements,
érigés
en
inspections
académiques : de huit pour l’académie de Toulouse à deux dans celles de
Lille, Nice ou encore Strasbourg.
Fruit d’une longue histoire, ce maillage territorial s’accompagne
d’une répartition complexe des compétences entre services déconcentrés.
Les frontières entre les rectorats et les inspections académiques
présentent, en effet, des lignes mouvantes, liées, d’une part, à des
délégations de responsabilité à géométrie complexe, et d’autre part, à une
réflexion non encore achevée sur le niveau optimal de gestion de
l’enseignement scolaire.
Historiquement les inspecteurs d’académie détiennent directement
du ministre de l’éducation nationale la responsabilité de l’organisation de
l’enseignement primaire. Le recteur peut également, depuis le décret du
16 janvier 1962, leur déléguer sa signature pour les décisions concernant
l’organisation et le fonctionnement des établissements scolaires de leur
ressort, l’éducation des élèves et la vie scolaire. Les compétences propres
des inspecteurs d’académie ont par ailleurs été étendues :
-
aux ouvertures et aux fermetures de classes et d’écoles dans le
premier
degré,
ainsi
qu’à
l’implantation
des
emplois
d’instituteurs et de professeurs des écoles, mis à leur
disposition (décret du 11 juillet 1979) ;
182
C
OUR DES COMPTES
-
à l’organisation, au fonctionnement et au contrôle financier
des collèges de leur département, ainsi qu’à la répartition,
entre ces mêmes collèges, des moyens en emplois de direction,
d’éducation,
de
documentation,
d’enseignement
et
de
surveillance (arrêté du 30 juillet 1987).
En définitive, l’inspecteur académique, directeur des services
départementaux de l’éducation nationale, met en œuvre, sous l’autorité du
recteur, la politique éducative des écoles, des collèges et, pour partie,
celle des lycées. Pour autant, cette répartition des compétences est
théorique et ne se vérifie pas dans de nombreuses inspections
académiques. Les évolutions en cours sur la clarification des relations
entre les échelons académiques et départementaux induisent, en effet, une
recomposition des champs de compétence entre les services déconcentrés.
A titre d’exemple, l’académie de Rennes connaît une concentration à
l’échelon académique de la gestion du remplacement jusqu’alors assurée
par les inspections académiques. Certains rectorats ont centralisé, à leur
niveau, les opérations de suivi comptable et financier. En revanche,
d’autres académies paraissent poursuivre une évolution opposée, régie par
un principe de subsidiarité qui entend renforcer le champ d’intervention
des inspections académiques. Dans l’académie de Versailles, les
inspecteurs d’académie ont en charge la totalité de la gestion du second
degré, y compris la préparation de la rentrée scolaire dans les lycées.
Les modifications apportées à la répartition des pouvoirs risquent
de développer une forme de concurrence entre les échelons académiques
et départementaux. A titre d’exemple, la récente décision du ministère
d’allouer les moyens d’enseignement du premier degré, non plus aux
inspecteurs d’académie, mais aux recteurs, revient à reconnaître à ces
derniers une responsabilité dans l’organisation de l’enseignement
primaire, alors qu’il s’agit d’un domaine de compétence historique des
inspecteurs d’académie. De manière analogue, le développement récent
d’une concertation entre les établissements d’un même bassin de
formation pour l’agencement de la carte des formations du second degré
pourrait, à terme, interférer avec les responsabilités qu’exercent les
inspections académiques sur les collèges.
Toutes ces évolutions traduisent des réflexions incertaines et des
orientations encore hésitantes pour définir un échelon optimal de pilotage
et de gestion du système scolaire. Malgré l'intérêt de telles démarches, qui
témoignent d’une volonté de modernisation de l’intervention territoriale
du ministère de l’éducation nationale, la situation actuelle résulte de
pratiques inabouties et qui n’ont pas pris en compte l’ampleur des
transformations possibles et nécessaires.
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
183
2
La définition des politiques académiques
Si les évolutions du système scolaire ont conduit à affirmer le rôle
et la place des services déconcentrés, l’exercice de ces responsabilités
nouvelles implique l’expression d’une politique académique forte,
capable à la fois de formuler des objectifs précis et d’identifier les actions
à mettre en œuvre pour les atteindre.
Le phénomène est récent et largement lié à la démarche de
contractualisation initiée par le ministère à compter de la rentrée scolaire
1998. Dans le cadre de cette démarche, toutes les académies se sont
engagées, plus ou moins spontanément, dans l’élaboration d’un projet
académique et ont été amenées à dresser, souvent pour la première fois,
un bilan des forces et des faiblesses du système scolaire local.
Rares
sont
encore
les
projets
académiques
véritablement
opérationnels. La qualité très inégale de ces documents, qui prennent trop
souvent la forme de catalogues de mesures éparses, témoigne de la
difficulté de l’exercice, que ce soit dans la hiérarchisation des priorités ou
la définition précise des résultats attendus. La réponse à la demande
sociale, l’adéquation des formations à l’environnement économique, la
régulation des flux d’orientation des élèves, l’accès équitable de ces
derniers à l’offre de formation et la maîtrise des moyens d’enseignement
constituent, il est vrai, des objectifs difficiles à concilier, sinon
contradictoires.
Une concertation étroite avec les partenaires de l’école paraissait, à
cet égard, indispensable. Or, dans les cinq académies contrôlées, cette
concertation, pourtant prévue par les textes, n’a été que timidement mise
en œuvre. Les projets académiques ont été le plus souvent élaborés sans y
associer les collectivités territoriales.
Ce bilan critique mérite toutefois d’être nuancé car plusieurs
initiatives récentes des académies contrôlées par la Cour démontrent une
volonté d’associer davantage les partenaires locaux aux décisions des
services déconcentrés de l’éducation nationale. La participation des
représentants des collectivités territoriales aux travaux académiques
s’intensifie dans le cadre de réunions informelles, notamment à l’échelle
des bassins de formation. Il est encore trop tôt pour porter une
appréciation sur ces expériences mais on peut considérer que de telles
initiatives méritent d’être poursuivies.
184
C
OUR DES COMPTES
3
L’animation des politiques académiques
Les politiques académiques n’ont de portée que si elles font
évoluer la gestion des établissements scolaires, ce qui requiert, de la part
des services académiques, une capacité d’impulsion et d’animation. Dans
les cinq rectorats visités par la Cour, des efforts récents ont été entrepris
pour conforter cette capacité.
Les
orientations
académiques
sont
désormais
fréquemment
explicitées par des circulaires rectorales, comme par exemple dans
l’académie de Lille. Ces directives s’adressent aux chefs d’établissement
dans le cadre de la préparation des rentrées scolaires. Dans d’autres
académies, elles prennent la forme de « lettres de cadrage » qui
recommandent notamment une utilisation plus rigoureuse des moyens
d’enseignement, définissent des effectifs minimaux d’élèves par structure
pédagogique ou incitent les établissements à se concerter pour assurer la
complémentarité de leur offre de formation. Dans l’académie de
Toulouse, ces lettres comprennent, outre le rappel des grandes
orientations académiques, un ensemble de données très complètes sur la
situation économique et scolaire (effectifs, places vacantes et taux
d’encadrement par spécialité, résultats aux examens, états des lieux des
différents secteurs professionnels, synthèses régionales sur l’emploi).
La mobilisation des personnels d’inspection – inspecteurs de
l’éducation nationale dans le premier degré et inspecteurs pédagogiques
régionaux dans le second degré – constitue une autre forme d’animation
des politiques académiques. Davantage que par le passé, et en sus de leurs
attributions traditionnelles d’inspection, les inspecteurs sont chargés par
les recteurs de se rendre dans les établissements pour inciter ces derniers
à s’engager dans des innovations pédagogiques ou des projets conformes
aux orientations académiques. Ils en assurent ensuite le suivi, en mesurent
les succès et les difficultés et constituent, à ce titre, des relais importants
pour donner corps aux politiques définies à l’échelon académique.
Ces différentes formes d’animation traduisent un renforcement du
pouvoir des responsables académiques pour affirmer et promouvoir des
politiques dans le domaine pédagogique. Pourtant, dans les académies
qu’elle a contrôlées, la Cour a pu constater que ce pouvoir ne s’exerce
encore que sur des aspects limités de l’action éducative. Alors que de
véritables politiques académiques devraient prendre en compte les
multiples dimensions du système scolaire, l’attention des responsables
académiques se limite, la plupart du temps, à la carte des formations en
langues étrangères, à celle des enseignements optionnels des lycées ou à
l’évolution des structures d’enseignement professionnel. Ces aspects sont
certes sensibles, en raison des risques de redondance de ces formations
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
185
entre établissements et d’inadéquation avec les besoins économiques
régionaux, mais ils pourraient utilement être enrichis par d’autres
dimensions de la gestion du système scolaire. Rares sont, par exemple, les
projets
académiques
qui
formulent
des
objectifs
en
matière
d’enseignement primaire ou de transition entre l’école et le collège. De
même, les réflexions sur les flux souhaitables d’orientation des élèves
entre les diverses filières des lycées demeurent embryonnaires.
4
Les outils
du pilotage académique
Evaluer l’efficacité des politiques académiques constitue sans
aucun doute un exercice difficile. Pour être efficaces, ces politiques
doivent évidemment retenir des objectifs pertinents mais leur impact
dépend tout autant des comportements d’adhésion ou au contraire de
contournement des élèves et des familles, ce qui rend délicate
l’identification des responsabilités en cause.
Malgré les difficultés inhérentes à l’exercice, celui-ci demeure
indispensable. La Cour a constaté que ce souci de l’évaluation était
encore loin de constituer une priorité de l’action académique et que, pas
plus qu’à l’échelon central, les coûts ne constituaient aux échelons
déconcentrés un des critères de pilotage des politiques académiques.
Les académies se préoccupent rarement de chiffrer et de quantifier
les conséquences de leurs décisions relatives à l’offre de formation
scolaire et à son évolution d’une année sur l’autre. Il est également rare
qu’elles cherchent à mesurer les coûts induits par les orientations à long
terme de la politique académique : coût lié à la ruralité et à la faible taille
des établissements, volonté de conforter et de développer la voie
professionnelle dans un contexte de stagnation des effectifs, maintien de
formations présentant une faible attractivité mais porteuses en termes de
débouchés, contraintes liées à la gestion des personnels enseignants et
conduisant à des capacités d’accueil sur-dimensionnées au regard des
effectifs scolarisés, etc. Or réaliser des progrès dans la voie d’une
rationalisation de l’offre de formation ne peut faire l’économie de ces
éléments.
Un autre volet de l’évaluation concerne l’impact des politiques
académiques sur les performances et l’insertion des élèves, mais
également sur les flux scolaires entre les différents réseaux de formation :
enseignements public et privé, voies professionnelle et générale. Si, dans
ce domaine, les académies ne sont pas dépourvues d’outils statistiques -
notamment à travers les multiples enquêtes annuelles de la DPD -, elles
ne paraissent guère les utiliser dans leurs démarches de pilotage
académique.
186
C
OUR DES COMPTES
Pour autant, la culture de l’évaluation paraît aujourd’hui
progressivement se diffuser dans les académies. Dotées de services
statistiques, elles ressentent désormais le besoin de disposer d’outils
d’évaluation et de contrôle de gestion. De nombreuses initiatives récentes
témoignent de cette préoccupation, telle celle de l’académie de Caen qui a
créé en son sein une « cellule d’étude et de pilotage académique »
chargée de mesurer la réalisation des objectifs de la politique académique
et de mener les études permettant d’éclairer les décisions à prendre en
matière d’offre scolaire : demandes des élèves, remplissage des sections
et des filières, débouchés économiques.
B
Les limites de la déconcentration
Depuis plus de dix ans, l’axe principal de la réforme de l’Etat
repose sur le développement de la déconcentration et sur la volonté de
rapprocher la prise de décision du lieu de son exécution. Ce principe
inscrit dans le décret du 1
er
juillet 1992
69
et régulièrement réaffirmé et
détaillé par différentes circulaires interministérielles, doit normalement
conférer aux autorités déconcentrées une véritable autonomie de décision,
ainsi qu’une plus grande maîtrise dans le choix de leurs objectifs et la
gestion de leurs moyens. Compte tenu de l’ampleur de ses missions et de
l’étendue de ses attributions, le ministère de l’éducation nationale figure à
ce jour, contrairement à une opinion fréquemment répandue, parmi les
départements ministériels les moins centralisés.
Pourtant cette déconcentration apparaît souvent comme un
« trompe l’œil ». Le transfert vers l’échelon rectoral des tâches
administratives répond ainsi moins à la volonté de conforter l’autorité
académique qu’au souci de désencombrer d’un certain nombre de
dossiers les services parisiens. Les mesures de déconcentration sont par
ailleurs souvent entravées par le comportement encore très dirigiste des
services ministériels qui, dans de nombreux domaines, cherchent à
prédéterminer l’action des académies et l’utilisation que ces dernières
font de leurs moyens. Enfin, si la masse des crédits déconcentrés au
niveau des rectorats et des inspections académiques est tout à fait
significative, le cloisonnement budgétaire et le poids des charges
obligatoires et des dépenses incontournables limitent les marges de
manœuvre et la capacité des recteurs et des inspecteurs d’académie à
affirmer leur propre politique.
69) Décret d’application de la loi d’orientation du 6 février 1992 relative à
l’administration territoriale de la République.
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
187
1
La déconcentration des tâches administratives
La déconcentration des tâches administratives vers les services
académiques a été engagée au début des années soixante sur la base du
décret du 16 janvier 1962 qui confie aux recteurs des compétences
étendues en matière d’implantation des établissements, d’organisation
pédagogique ou encore d’examens et concours. Ce mouvement de
déconcentration s’est poursuivi au cours des décennies suivantes et a
concerné successivement l’implantation des emplois d’instituteurs (1979),
l’organisation de la carte scolaire du second degré (1980), la gestion des
collèges au niveau des inspecteurs d’académie (1987) et le traitement du
contentieux de première instance (1987). C’est toutefois dans le domaine
de la gestion des personnels que la politique de déconcentration du
ministère s’est développée de la façon la plus visible. Ce processus a été
initié par le décret-cadre du 21 août 1985 relatif aux opérations de gestion
du personnel de l’éducation nationale. Depuis quinze ans de larges
compétences ont ainsi été déléguées au niveau des rectorats, dont en
octobre 1998 les procédures de mutation et d’affectation des enseignants
du second degré dans le cadre du « mouvement déconcentré ».
Les responsabilités progressivement accordées aux services
académiques auraient dû s’accompagner d’une réflexion sur les moyens à
leur allouer pour les assumer. Cette dernière n’a pas toujours été conduite
et la déconcentration apparaît souvent plus comme un transfert de
complexité à gérer que de compétences à exercer.
A ce titre, la mise en place du mouvement déconcentré des
enseignants du second degré, qui vise à donner aux académies une plus
grande souplesse dans la gestion des affectations, tout en favorisant une
meilleure adéquation entre le profil des postes et les aptitudes requises
pour les occuper, n’a pas encore eu, sur le terrain, les effets escomptés. Le
maintien des règles d’affectation liées au précédent mouvement à gestion
centralisée et la prééminence du barème n’ont pas permis de faire évoluer
les principes d’affectation des personnels enseignants, qui ne répondent
aujourd’hui que très imparfaitement aux besoins des établissements.
2
La déconcentration de la gestion financière
Parallèlement à la déconcentration de nombreuses procédures
administratives, une démarche similaire a été conduite en matière de
gestion financière. A ce jour, les services académiques ont la
responsabilité de la gestion d’une masse tout à fait significative de crédits
mais cette responsabilité financière s’avère assez factice.
188
C
OUR DES COMPTES
En ce qui concerne les dépenses engagées et mandatées au niveau
local, les services académiques sont responsables, directement ou via les
EPLE, du suivi de près de 10 Md€, soit plus de 20 % du budget de
l’enseignement scolaire. Ils exécutent par ailleurs, sur délégations de
crédits de paiements, 90 % des dépenses du ministère. Le taux de
déconcentration financière de l’éducation nationale apparaît ainsi tout à
fait significatif, puisqu’il atteint 86 % pour les crédits de fonctionnement
(titre III hors personnel) et 93 % pour les crédits d’intervention (titre IV),
contre respectivement 47 % et 27 % en moyenne pour l’ensemble des
départements ministériels.
Cette déconcentration apparente ne doit pourtant pas faire illusion
puisque près de 70 % des crédits délégués concernent les dotations des
établissements privés sous contrat, sur lesquels ni l’administration
centrale, ni les rectorats n’ont de marge de manœuvre. Le véritable champ
de la déconcentration, à l’intérieur duquel les académies peuvent exercer
leur responsabilité de gestion, se réduit ainsi à un peu moins de 3 Md€.
Or, on constate que sur ce total plus des deux tiers des crédits
correspondent à des dépenses à caractère obligatoire ou réglementaire,
principalement au titre des rémunérations ou des frais de déplacement, ce
qui réduit d’autant la marge de manœuvre des académies. Les moyens
dont les académies conservent réellement la maîtrise se limitent donc, sur
l’ensemble des chapitres budgétaires déconcentrés, à environ 0,75 Md€.
Ce montant doit être par ailleurs relativisé en raison de l’importance des
crédits délégués aux établissements scolaires, qui représentent 80 % des
moyens déconcentrés au niveau des rectorats et des inspections
académiques. Une fois la répartition effectuée entre établissements, et
malgré un « fléchage » qui tend à reproduire les directives reçues de
l’administration, les services académiques perdent en effet la maîtrise de
ces dotations et ne cherchent que rarement à en suivre l’utilisation.
Si le véritable champ de la déconcentration est très limité, il est
également contraint par le comportement encore largement directif et
normatif des services ministériels chargés de piloter les services
académiques. Ce comportement est d’abord lié à la structure même de
l’administration centrale et aux modes de relation que cette dernière
entretient avec les échelons déconcentrés. Cinq directions et au moins
vingt bureaux différents se partagent ainsi la gestion et la répartition des
moyens délégués aux académies. Chacun de ces bureaux, qui s’estime
« propriétaire » de son enveloppe budgétaire, entend en particulier, à
l’intérieur de son champ de compétence, préserver sa capacité
d’impulsion et d’orientation et mettre en œuvre ses propres priorités. Ce
type de gestion se caractérise notamment, en termes de délégations de
moyens, par l’existence d’enveloppes ou de dotations dites « fléchées »,
dont la destination est prédéterminée. Ce fléchage, qui sur certains
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
189
chapitres peut représenter jusqu’à 30 % des dotations permet à l’échelon
ministériel de pratiquer un mode de gestion encore très centralisé, en
fixant les moyens que les académies doivent consacrer à telle ou telle
mesure particulière et en les contraignant à inscrire leurs actions dans un
cadre et un volume budgétaire déterminé.
En aval de la délégation des crédits, les bureaux ministériels
exercent par ailleurs, sur les moyens qu’ils attribuent, un contrôle souvent
tatillon sous forme d’enquête de gestion ou de comptes-rendus
d’utilisation des crédits. Essentiellement tourné vers la régularité
financière et le suivi budgétaire, ces contrôles ne portent cependant que
rarement sur l’évaluation des résultats, l’utilisation optimale des moyens
et l’efficacité de la gestion académique.
3
La globalisation des moyens budgétaires
Corollaire de la démarche de déconcentration, la globalisation des
crédits dont les principes ont été posés dés 1989 par la circulaire relative
au renouveau du service public (dite circulaire Rocard), vise à donner aux
services académiques une plus grande maîtrise et une plus grande
autonomie dans l’utilisation de leurs moyens financiers. Reposant sur un
assouplissement des règles budgétaires et sur la fongibilité des crédits, la
globalisation permet ainsi une meilleure adéquation entre les moyens
alloués et les priorités de l’action académique.
Malgré les expériences faites par le ministère de l’éducation
nationale, cette globalisation est restée dans les faits très en deçà des
ambitions affichées, et son périmètre est sans doute insuffisant pour
permettre aujourd’hui aux académies d’opérer de réels choix de gestion.
Initiés en 1990 au niveau interministériel, les centres de responsabilité
n’ont été mis en œuvre qu’en 1996 et encore dans une conception très
éloignée de leur forme originelle qui reposait sur la constitution d’un
budget global de fonctionnement. Prévus pour une durée de trois ans, ils
n’ont pas survécu à la deuxième année de leur existence. Les contrats de
services expérimentés à partir de 1997 dans les rectorats de Reims et de
Strasbourg et qui tentaient, en aménageant des possibilités de transferts et
d’ajustements entre chapitres budgétaires, de préfigurer le principe d’un
budget académique, n’ont pas connu un meilleur destin. Sur le plan
réglementaire, les contrats de service ont coïncidé avec la mise en place,
dans les régions, des contrôleurs financiers locaux, qui ont remis en cause
les décisions de transferts en cours de gestion. Mais le principal obstacle
est venu des directions centrales du ministère qui n’ont pas toujours joué
le jeu de la globalisation, soit en maintenant le fléchage de certains
190
C
OUR DES COMPTES
crédits, soit en s’opposant pour des raisons techniques ou financières aux
mesures d’économie ou de transfert proposées par les académies.
La réalité de la globalisation reste aujourd’hui assez modeste.
S’agissant des crédits pédagogiques, le processus de globalisation est
tardif, puisqu’il n’a été initié qu’à partir de la gestion 1999. Si la
procédure mise en œuvre offre une plus grande souplesse de gestion en
donnant la faculté aux responsables rectoraux de procéder eux-mêmes,
pour le premier degré, à la répartition des crédits entre les inspections
académiques, il ne s’agit pas à proprement parler d’une véritable
globalisation, puisque les dotations restent individualisées au niveau des
chapitres, voire des articles budgétaires, sans réelle possibilité de transfert
ou de redéploiement. S’agissant des moyens de fonctionnement des
services académiques, ils sont regroupés depuis 1991 sur un unique
chapitre budgétaire. Ces moyens globalisés représentent cependant moins
de 2 % du total des crédits délégués aux académies. En outre, plus de
30 % de cette enveloppe correspond à des crédits dont l’affectation est
décidée par l’administration centrale (charges de loyer, renouvellement
des équipements lourds, etc.), sur lesquels les académies n’ont aucune
maîtrise. Le champ trop restreint de cette enveloppe globalisée, qui exclut
notamment les dépenses à caractère pédagogique, ainsi que les tensions
budgétaires sur ce type de crédits, interdisent, dans les faits, toute
tentative sérieuse de programmation des dépenses en fonction des
priorités locales.
III
Les collectivités territoriales : des
compétences inégalement assumées
La loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 a instauré en matière
d’enseignement un partage de compétences entre l’Etat et les collectivités
territoriales. De nouvelles attributions ont été confiées à ces dernières
dans trois domaines essentiels : en matière de planification scolaire, avec
l’élaboration par la région d’un schéma prévisionnel des formations ; en
matière d’investissement et de fonctionnement des établissements
scolaires, avec le transfert aux départements et aux régions de la
responsabilité des collèges et des lycées, les communes conservant les
mêmes responsabilités pour l’enseignement primaire ; enfin en matière
d’activités péri-scolaires, avec l’octroi aux collectivités territoriales de
pouvoirs étendus dans ce secteur.
Les collectivités territoriales ne se sont investies que de façon très
inégale dans les nouveaux champs d’intervention qui leur étaient ouverts.
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
191
Elles ont rarement engagé une véritable réflexion stratégique sur la
politique éducative à mener au niveau local et sont peu intervenues dans
le domaine de la planification des formations. Elles ont bien assuré leurs
responsabilités en matière d’investissement et de fonctionnement des
établissements scolaires, en y consacrant des moyens financiers accrus.
Enfin elles ont résolument investi le champ péri-éducatif, en développant
des politiques innovantes et en montrant qu’elles pouvaient devenir des
acteurs à part entière du système éducatif.
A
La planification de l’offre de formation
Aux termes de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, la région établit
et transmet au représentant de l’Etat dans la région, après accord des
départements, un schéma prévisionnel des formations. Ce document a
pour conséquence une programmation des investissements par les
collectivités concernées et l’engagement de l’Etat de mettre en face des
formations ouvertes les moyens humains et pédagogiques nécessaires à
leur bon fonctionnement.
Le
rôle
de
partenaire
des
collectivités
territoriales
dans
l’élaboration, à côté de l’Etat, de l’offre de formation au niveau régional,
n’a cependant pas été pleinement assumé, à quelques exceptions près,
jusqu’à une date récente. Les schémas actuels se caractérisent trop
souvent par leur manque de vision globale et le caractère ponctuel des
mesures proposées.
Dans son rapport particulier de 1995 consacré à la décentralisation
et à l’enseignement du second degré, la Cour relevait déjà l’insuffisance
de la planification de l’offre de formation. La concertation avec les
départements était en outre restée très formelle, ceux-ci n’ayant souvent
été consultés qu’après l’élaboration des schémas.
Sept ans plus tard, le constat global est plus nuancé. Toutes les
régions sont aujourd’hui dotées de schémas prévisionnels. La troisième
génération de ces derniers, mise en œuvre à partir de 1995, est beaucoup
plus complète que les précédentes sur le contenu des formations à
développer. Toutefois les objectifs des schémas restent encore vagues et
les mesures d’application sont rarement précisées. Au sein de cet
ensemble, les schémas régionaux des formations du Nord-Pas-de-Calais
et de Rhône-Alpes se distinguent par le souci de décliner, à partir de
grandes orientations en matière éducative, des propositions concrètes.
192
C
OUR DES COMPTES
1
Des schémas prévisionnels enrichis par les mesures portant
sur la formation professionnelle
La loi quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à
l’emploi et à la formation professionnelle a institué un plan régional de
développement des formations professionnelles, élaboré par la région en
concertation avec l’Etat, dont l’objet est de couvrir toutes les filières de
formation préparant l’accès des jeunes à l’emploi.
La vocation de ce plan régional est donc différente de celle du
schéma prévisionnel. En effet, le plan régional n’englobe pas l’ensemble
de la formation initiale, mais seulement la formation initiale préparant à
un diplôme de formation professionnelle. A l’inverse, le plan régional
concerne l’ensemble des actions d’apprentissage et d’insertion, ce qui
n’est pas le cas du schéma prévisionnel des formations.
Dans la pratique, on observe toutefois un recoupement fréquent des
deux exercices, du fait qu’une partie de leur contenu est commun. On
relève également un enrichissement progressif du contenu des schémas
prévisionnels par un volet sur la formation professionnelle, souvent
beaucoup plus conséquent qu’auparavant. Dans le cas de l’Aquitaine, le
plan régional de développement des formations professionnelles s’est
ainsi substitué, à partir de 1995, au schéma prévisionnel des formations,
en reprenant tous ses éléments et en les complétant par des mesures
relatives aux baccalauréats professionnels. En Ile-de-France, le schéma
prévisionnel des formations a intégré dès 1994 la politique menée par la
région en matière de formation professionnelle, dont il a fait un de ses
principaux axes d’action.
2
Un manque de vision stratégique
La plupart des schémas prévisionnels se caractérisent par une
absence de vision synthétique et, de ce fait, par un manque de stratégie
globale par rapport à l’ensemble de l’appareil de formation. Le premier
cycle du second degré n’y est quasiment pas abordé. Les documents
restent souvent succincts sur les formations générales dispensées dans les
lycées, en dépit de la compétence que les régions détiennent sur ces
établissements.
Par ailleurs, les orientations de l’Etat en matière de politique
éducative ne sont la plupart du temps pas prises en compte. Cette lacune
résulte des défaillances des collectivités territoriales mais également de
l’Etat, dans la mesure où celui-ci ne les tient que très exceptionnellement
informées des mesures qu’il prend en matière pédagogique (mise en place
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
193
des travaux personnels encadrés au lycée et des sciences naturelles au
collège, par exemple).
Il en résulte que les schémas prévisionnels constituent souvent un
assemblage composite d’objectifs de portée générale et de mesures
ponctuelles. De nombreux schémas font ainsi figurer parmi leurs priorités
l’amélioration de la formation générale ou le renforcement de l’égalité
des chances (Bretagne), sans toutefois décliner ces différents objectifs de
façon précise et les situer dans le contexte régional. A l’inverse, on
trouve, s’agissant des enseignements professionnels et technologiques,
des mesures de détail portant sur l’ouverture de certaines formations
(Aquitaine), sans que ces ouvertures soient réellement conçues comme
faisant partie d’un plan d’ensemble pour renforcer le lien entre l’appareil
de formation et les entreprises. Parfois pourtant, les schémas régionaux
parviennent à articuler des objectifs de portée générale avec des actions
concrètes, comme c’est le cas dans le Nord-Pas-de-Calais.
D’inégale précision dans leur contenu, les schémas prévisionnels
sont également mal articulés avec la démarche des autres intervenants du
système éducatif, et tout particulièrement avec celle des départements.
Certes la procédure de consultation des différents partenaires au moment
de l’élaboration des schémas prévisionnels a fait d’importants progrès
depuis 1985. La concertation des régions avec les départements, d’abord,
s’est
progressivement
améliorée :
si
beaucoup
de
départements
regrettaient encore en 1995 d’avoir été saisis de façon trop tardive, tel n’a
globalement pas été le cas lors de l’élaboration de la vague des schémas
prévisionnels de l’année 2000. Les départements se sont montrés plus
vigilants pour donner leur accord sur le contenu et la programmation de
l’offre de formation. Enfin l’implication des partenaires dans les schémas
s’est parfois poursuivie, au-delà de leur adoption par la région, tout au
long de leur mise en œuvre, comme ce fut le cas en Bretagne. Il reste que
le point faible des schémas prévisionnels des formations porte sur les
collèges, ce qui se traduit par une forte autonomie de la démarche
régionale par rapport à la démarche départementale et contribue à
affaiblir l’exercice de planification confié à la région.
Enfin, au-delà de la qualité très inégale des schémas, c’est la
question de leur efficacité globale qui se pose. Leur évaluation reste
généralement insuffisante : elle n’est pas toujours prévue à l’origine et,
lorsqu’elle est effectuée, elle manque de rigueur méthodologique et de
précision dans ses conclusions.
194
C
OUR DES COMPTES
B
La programmation des investissements
La loi du 22 juillet 1983 charge les régions et les départements
d’établir des programmes prévisionnels d’investissement (PPI) relatifs
aux établissements placés sous leur responsabilité. Au vu des pratiques
observées, plusieurs critiques peuvent être formulées à l’égard de ces
programmes. Il convient toutefois d’ajouter que l’état des bâtiments
scolaires transférés aux collectivités territoriales les a amenées à se
concentrer en priorité sur les travaux les plus urgents, au détriment de
considérations de plus long terme.
1
Une programmation de qualité variable
Rares sont les collectivités territoriales qui disposent d’un
inventaire complet de l’état des bâtiments scolaires qui leur ont été
transférés, accompagné d’une valorisation des locaux, d’une prise en
compte des travaux déjà effectués et d’une estimation des travaux de
réhabilitation nécessaires. Cette ignorance dans laquelle elles sont encore
de l’état de leur patrimoine scolaire, tient en partie aux modalités dans
lesquelles s’est opérée la décentralisation.
En effet, le transfert des bâtiments aux collectivités a fait l’objet de
procès-verbaux en général succincts, ne détaillant ni l’état physique et
sanitaire des bâtiments, ni les travaux nécessaires à leur remise en état.
Cet état de fait ne peut toutefois justifier que la quasi-totalité des
collectivités territoriales n’ait commencé que
très
récemment
à
entreprendre des audits détaillés sur l’état du patrimoine scolaire.
Ne pouvant s’appuyer sur un état des lieux complet, la
programmation des investissements par les collectivités territoriales ne
débouchait en outre que rarement, jusqu’à une date récente, sur un
document
synthétique
programmant
les
différents
chantiers
à
entreprendre. Dans plusieurs régions ou départements (Midi-Pyrénées,
région des Pays-de-Loire), ce programme s’apparentait à un budget
annuel d’investissement détaillé jusqu’en 1999, date à laquelle un réel
effort a été entrepris pour aboutir à une programmation réaliste des
besoins.
Malgré ces efforts récents, la plupart des opérations prévues dans
les programmes prévisionnels d’investissements restent mal évaluées, ce
qui entraîne fréquemment des dépassements importants de coûts, des
abandons ou des reports de projet. De telles défaillances reviennent alors
à retirer à l’exercice de la programmation l’essentiel de son intérêt et de
sa portée.
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
195
2
L’articulation avec les politiques éducatives
Les programmes prévisionnels constituent encore trop souvent un
recensement des travaux les plus urgents, en priorité en matière de
sécurité et d’hygiène des locaux.
Pourtant
certains
exemples
montrent
que
les
collectivités
territoriales sont capables d’utiliser les compétences qui leur sont
dévolues en matière de programmation et surtout de financement des
investissements pour conduire des actions dans le domaine de la politique
éducative. Ainsi certaines d’entre elles ont invoqué leur rôle de financeur
des bâtiments pour obtenir de l’Etat l’ouverture de telle ou telle filière
professionnelle (Aquitaine). D’autres également ont pleinement utilisé les
possibilités ouvertes par la loi Falloux et la loi Astier pour favoriser le
développement de l’enseignement privé (Bretagne). D’autres enfin, très
rares, ont su faire de leur programme prévisionnel un véritable instrument
de mise en œuvre du schéma régional des formations. C’est le cas par
exemple du Nord-Pas-de-Calais dont le programme prévisionnel
d’investissements est marqué par de véritables orientations en matière
éducative : taille limitée des établissements, priorité accordée aux
secteurs en difficulté, etc.
C
La répartition des crédits d’équipement et de
fonctionnement
Les collectivités territoriales financent désormais la totalité du
fonctionnement matériel des établissements du premier et du second
degrés, tant en équipement qu’en fonctionnement, à l’exception des
crédits de premier équipement, dont la définition mériterait au demeurant
d’être précisée, comme l’ont notamment montré les contrôles de la Cour
dans le domaine informatique.
1
La répartition des crédits d’équipement
La répartition des crédits d’équipement appelle des critiques
proches
de
celles
qui
peuvent
être
formulées
en
matière
de
programmation
des
investissements.
D’une
part,
les
dépenses
d’équipement ne s’inscrivent presque jamais dans le cadre d’une
programmation. D’une part, les matériels achetés par les collectivités
territoriales et mis à la disposition des établissements d’enseignement ne
font souvent l’objet d’aucun inventaire. Enfin, le suivi de ces dépenses
demeure largement insuffisant.
196
C
OUR DES COMPTES
Par ailleurs, l’attribution de ces crédits reste très contrainte par les
exigences de la sécurité des élèves et des bâtiments (mise en conformité
des équipements professionnels avec le code du travail, installation
d’équipements de sécurité destinés à lutter contre le vol...). Pour légitimes
qu’elles soient, ces préoccupations ont prévalu sur la mise en œuvre, par
les collectivités territoriales, de politiques plus orientées vers les contenus
pédagogiques. Aussi les dotations d’équipement ont-elles été la plupart
du temps calculées par addition d’un montant fixe par établissement et
d’un montant variable dépendant du nombre d’élèves. L’attribution des
subventions d’équipement s’est rarement accompagnée d’orientations
visant à fixer aux établissements des priorités dans l’utilisation de ces
crédits.
Une évolution se fait toutefois sentir depuis 1998 avec un effort
très volontariste de la plupart des collectivités en faveur de l’équipement
informatique des établissements et de l’introduction des nouvelles
technologies à l’école. A cette occasion, des lignes directrices basées sur
des considérations pédagogiques ont été fixées pour l’affectation d’une
partie des crédits d’équipement.
2
La répartition des crédits de fonctionnement
La
dotation
globale
de
fonctionnement
est
la
principale
composante
des
subventions
de
fonctionnement
versées
aux
établissements par les collectivités territoriales. Le mode de calcul de
cette dotation fait intervenir plusieurs critères objectifs (le nombre
d’élèves, les surfaces, la nature de l’enseignement) et les combine à un
système de barème et à une pondération variable selon les collectivités
territoriales. En revanche, le montant des réserves des établissements et la
consommation des crédits de l’année précédente sont rarement pris en
compte au moment du versement de la subvention.
Le caractère sommaire de ce mode de calcul a amené la plupart des
collectivités territoriales à compléter cette dotation globale par des
dotations spécifiques afin de prendre en compte certaines charges
particulières : entretien des locaux, petit équipement, installations
sportives, grosses réparations, matériel de restauration, etc.
Ces dotations spécifiques soulèvent plusieurs critiques. Les
charges particulières qu’elles prennent en compte pourraient la plupart du
temps être intégrées dans le calcul de la dotation globale. Elles
s’apparentent davantage à une aide récurrente destinée à couvrir des
besoins permanents, qu’à un financement de dépenses exceptionnelles ou
à un soutien à des projets structurants. Enfin, la multiplicité des dotations
nuit à la clarté du dispositif d’attribution des crédits de fonctionnement.
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
197
Ce faisant, c’est l’ensemble des crédits de fonctionnement qui se
trouvent répartis selon une logique purement arithmétique. Lors de leur
attribution, ni les axes du schéma prévisionnel des formations ni le projet
pédagogique des établissements ne sont pris en compte. Aucune
orientation en matière éducative n’est, en règle générale, donnée aux
établissements. Seules des considérations d’équité viennent, parfois,
moduler l’attribution des crédits de fonctionnement entre les différents
établissements (situation en zone sensible pour l’Ile-de-France, retard de
la dotation par élève par rapport à la moyenne départementale dans le
Cher).
L’exemple de la Bretagne montre toutefois que les collectivités
territoriales peuvent réussir, par le biais de leur concours financier, à
mettre en place les instruments de pilotage d’une politique éducative. La
Bretagne a ainsi mis en œuvre, depuis 1999, parallèlement au schéma
prévisionnel, des contrats régionaux de développement des lycées.
Elaborés sur la base d’un projet précis et conclus pour quatre ans, ces
contrats constituent un engagement global et pluriannuel de la région
pour soutenir le développement de ces établissements. Ils concernent
l’ensemble de leurs activités et leur garantissent les moyens nécessaires
dans le domaine des travaux, des équipements et des projets éducatifs.
D
L’investissement dans le champ péri-éducatif
La loi du 22 juillet 1983 précise que les collectivités territoriales
peuvent organiser dans les établissements scolaires des activités
éducatives, sportives et culturelles complémentaires et facultatives, dès
lors qu’elles ne se substituent pas à l’Etat, ni ne portent atteinte aux
activités d’enseignement et de formation qui relèvent de sa compétence.
Les
collectivités
territoriales
ont
pleinement
utilisé
ces
dispositions. Partant de l’organisation d’activités sportives et culturelles
qui ont connu un très fort développement, le champ d’action de ces
interventions s’est étendu peu à peu à la mise en œuvre de politiques qui
concernent aujourd’hui des pans importants de la politique éducative.
1
La mise en œuvre de politiques sociales
Le soutien financier de la scolarité des élèves, et tout
particulièrement des élèves les plus défavorisés, ne fait pas partie des
activités péri-éducatives
stricto sensu
. Pourtant les politiques sociales en
faveur des élèves constituent un domaine d’intervention privilégié des
collectivités territoriales en matière d’éducation.
198
C
OUR DES COMPTES
La plupart des régions ont mis en place une aide aux élèves pour
l’acquisition des manuels scolaires et l’achat du premier équipement en
lycée professionnel. Cette aide s’adresse parfois aux seuls élèves
défavorisés (Picardie, Poitou-Charentes). Dans d’autres régions, elle a été
progressivement étendue à l’ensemble des élèves, quelle que soit leur
situation sociale : c’est notamment le cas en Ile-de-France pour les élèves
de seconde depuis 2001. Enfin, certaines, comme Rhône-Alpes, ont
attribué cette aide à tous les élèves dès sa mise en place. Plus récemment
le département des Landes s’est lancé dans l’octroi d’un ordinateur
portable à chaque élève de troisième mais cette initiative reste encore
isolée. Dans le même sens, beaucoup de départements ont instauré des
bourses pour les élèves défavorisés (Cher, Nièvre) qui complètent celles
versées par l’Etat et sont parfois calculées selon le même barème.
2
L’intervention dans les politiques éducatives
Au fil des ans, les collectivités territoriales ont développé leurs
propres actions en matière éducative qui font souvent plus que compléter
les initiatives mises en œuvre par l’Etat. Ainsi de nombreuses
collectivités ont développé des actions de soutien à l’apprentissage des
langues, en contribuant à l’installation de laboratoires de langues ou à la
mise en place de projets pédagogiques par les établissements. Au-delà, on
doit mentionner le cas particulier des langues régionales, dans la mesure
où il s’agit non d’un accompagnement par les collectivités territoriales
d’une politique nationale mais d’une initiative pédagogique propre à
celles-ci.
Par ailleurs, la plupart des collectivités territoriales ont mis en
place depuis quelques années des plans de développement des
technologies
de
l’information
et
de
la
communication
dans
l’enseignement (TICE). A cette fin, elles accordent des aides à
l’équipement et à la mise en réseau des établissements scolaires ainsi que
des crédits de fonctionnement supplémentaires. Dans certains cas, par le
biais des TICE, les collectivités territoriales ont effectué une incursion
significative dans le domaine pédagogique. Il en est ainsi du Nord-Pas-
de-Calais, où la région a établi à l’intention des établissements un
référentiel pour l’apprentissage de l’autonomie des élèves et la recherche
de documentation.
3
Les actions en faveur de l’orientation et de la réussite scolaire
En
complément
des
participations
des
départements
au
financement des centres d’information et d’orientation (CIO), presque
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
199
toutes les collectivités territoriales ont développé leurs propres actions
d’information sur les études et les métiers, soit en participant à des
manifestations du type « Carrefour des métiers » (Ile-de-France), soit
enfin en éditant des brochures d’information. Certaines sont toutefois
allées plus loin (Rhône-Alpes) en soutenant les actions des établissements
scolaires destinées à aider les jeunes à élaborer un projet professionnel.
Mais c’est dans le domaine des actions de lutte contre l’échec
scolaire, encore peu défriché par les collectivités territoriales, que la
distinction entre les secteurs péri-éducatif et éducatif paraît avoir perdu sa
pertinence. Plusieurs collectivités (Val-de-Marne, Nièvre) ont ainsi mis
en place des mesures pour lutter contre l’exclusion et l’échec scolaire, en
partenariat avec lle ministère de léducation nationale : soutien de classes-
relais
par
une
dotation
complémentaire
de
fonctionnement
et
d’investissement ; création d’un dispositif « SOS rentrée » afin d’aider les
jeunes sans affectation scolaire au moment de la rentrée.
Mais l’exemple le plus caractéristique est le programme « Permis
de réussir » institué par la région Rhône-Alpes en 1991. L’objectif de ce
programme, qui s’insère dans la mise en œuvre du schéma prévisionnel
des formations, est en effet d’améliorer la réussite des élèves grâce à des
actions de soutien scolaire, d’aide au travail personnel, d’information sur
l’orientation professionnelle et d’animation de la vie culturelle des
établissements. La région intervient en finançant les projets pédagogiques
présentés par les établissements en dehors du temps scolaire. Ce critère
est d’ailleurs souvent le seul qui permette de distinguer les actions
soutenues par le programme des celles menées par les établissements
grâce aux dotations de l’Etat.
Ainsi, les collectivités territoriales se sont, au fil des ans, fortement
investies dans des actions variées dont nombre participent directement
des enjeux éducatifs. De telles initiatives, pour originales ou novatrices
qu’elles soient, conduisent dès lors à poser la question de la frontière de
plus en plus floue entre le domaine péri-éducatif, géré par les collectivités
territoriales, et le secteur éducatif de la responsabilité de l’Etat.
IV
Le pouvoir limité des établissements
Contrairement aux écoles, les collèges et les lycées ont été érigés
en établissements publics et sont devenus des établissements publics
200
C
OUR DES COMPTES
locaux d’enseignement (EPLE) en 1983
70
. Ces derniers bénéficient donc,
à ce titre, de la personnalité morale et d’une certaine autonomie de
décision qui a été renforcée par la loi du 25 janvier 1985, tant sur le plan
administratif que sur le plan pédagogique. En témoigne la rédaction de la
loi d’orientation de 1989, qui leur confie notamment la responsabilité
d’adapter la formation qu’ils délivrent, «
dans son contenu et ses
méthodes, aux évolutions économiques sociales et culturelles
»
71
.
Dans la réalité, le fonctionnement des EPLE reste contraint par
toute une série de procédures et de pratiques qui limitent leur marge de
manœuvre et réduisent d’autant l’étendue de leur « autonomie ». Bien
plus, les EPLE se trouvent placés au cœur des contradictions potentielles
du
système
éducatif :
entre
leur
insertion
dans
une
hiérarchie
administrative représentée par le recteur ou l’inspecteur d’académie et
leur autonomie d’établissement public ; entre les objectifs poursuivis par
les différents intervenants, collectivités territoriales, Etat, parents
d’élèves ; enfin entre l’organisation du service d’enseignement et la
gestion des personnels. Interlocuteurs quotidiens des élèves et de leurs
familles, chargés
in fine
de délivrer le service d’enseignement, les EPLE
sont le point nécessaire de la résolution de ces différentes contradictions.
Tel qu’il est actuellement défini, le rôle des chefs d’établissement
est bien l’expression de tous ces paradoxes : disposant de prérogatives
limitées, ceux-ci doivent néanmoins assurer la réconciliation des deux
filières hiérarchiques traditionnelles, la filière administrative, passant par
les recteurs et aboutissant aux chefs d’établissement et la filière
pédagogique, reposant sur les inspections et aboutissant aux enseignants
eux-mêmes.
A
Les conditions de fonctionnement des EPLE
Pour
leur
fonctionnement
administratif
et
financier,
les
établissements du second degré sont soumis à une triple tutelle : celle du
recteur, celle du préfet, et celle de leur collectivité territoriale de
rattachement. Les multiples actes de gestion, indispensables à la vie des
établissements, doivent ainsi recevoir, pour être exécutoire, l’approbation
des ces trois autorités. Ces actes ne sont exécutoires que quinze jours
après leur transmission aux trois autorités de tutelle qui ont chacune la
70) Loi du 22 juillet 1983, complément à la loi du 7 janvier 1983 relative à la
répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et
l’Etat.
71) Article L. 121-1 du code de l’éducation.
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
201
possibilité soit de demander une seconde délibération, soit de déposer un
recours assorti, le cas échéant, d’une demande de sursis à exécution.
1
Une gestion lourde et complexe
L’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale
et de la recherche (IGAENR) avait déjà attiré l’attention des autorités
ministérielles en 1997 sur cette situation et préconisé, à cette occasion, un
certain nombre de mesures d’allégement du contrôle budgétaire et du
contrôle des actes administratifs. La réflexion envisagée par le ministère
sur ce sujet n’a cependant jamais eu lieu. Cette complexité administrative
apparaît d’autant moins justifiée que les différentes tutelles n’exercent
que très rarement leur pouvoir de censure : la chambre régionale des
comptes de Midi-Pyrénées n’a trouvé, sur toute la période 1992 à 1998,
pour une soixantaine d’établissements, aucune demande de seconde
délibération, ni aucun déféré avec demande de sursis, quant à la chambre
régionale des comptes de Haute-Normandie, elle n’a décelé, sur la
période 1997-2000, pour 21 établissements contrôlés, que trois décisions
ayant fait l’objet d’un recours de la part des services académiques, dont
deux en matière budgétaire.
Les modalités d’exécution du budget contribuent également à la
lourdeur de la gestion des EPLE. Ainsi les multiples décisions
budgétaires modificatives, liées le plus souvent à l’attribution par le
rectorat d’enveloppes de crédits de quelques centaines d’euros, comme
les mouvements réguliers de compte à compte effectués en cours de
gestion, doivent être soumises, au coup par coup, à la triple approbation
des tutelles.
La lourdeur excessive des procédures est d’autant plus paradoxale
que les EPLE ne disposent que de moyens réduits, tant en crédits (leur
budget propre varie de 230 000 € pour un petit collège à 1,5 M€ dans un
gros lycée), qu’en agents administratifs, ce qui ne fait que creuser l’écart
entre les exigences législatives et réglementaires et les enjeux de gestion
de ces établissements
72
. Leurs marges de manœuvre sont en outre
limitées, dans la mesure où les collectivités territoriales pratiquent
fréquemment l’intervention directe, pour assurer leurs tâches, que ce soit
en matière de travaux ou en matière d’équipement. Les crédits
correspondants à ces différentes opérations ne figurent donc pas dans le
budget de l’établissement et il arrive souvent que ce dernier ne soit même
72
) Les rémunérations des enseignants et des personnels administratifs ne sont pas
inscrites au budget des établissements.
202
C
OUR DES COMPTES
pas associé aux choix techniques et financiers de sa collectivité
territoriale de rattachement.
2
Les conséquences sur la gestion
Dans ces conditions, ni les chefs d’établissement, ni
a fortiori
les
conseils d’administration, ne peuvent avoir une vue d’ensemble de leurs
moyens de fonctionnement. A cela s’ajoute la complexité du régime
juridique des biens dont ils disposent. L’incertitude quant au régime des
biens acquis en cofinancement par les établissements et les collectivités
territoriales, le suivi souvent imprécis de la comptabilité patrimoniale, le
flou juridique en matière de désaffectation des biens meubles qui en
compromet l’aliénation, sont autant de freins à une gestion rationnelle des
moyens des établissements et à une connaissance précise des coûts de
cette gestion.
Le développement de l’informatique, dans le domaine de la gestion
comme dans celui de la pédagogie, illustre les difficultés administratives
auxquelles sont confrontés les EPLE. Ce développement repose en effet
sur des financements multiples et rarement coordonnés et aucune règle ne
fixe précisément les compétences des services académiques, des
collectivités et des établissements eux-mêmes en matière de maintenance
et surtout de renouvellement des équipements. Dans ce domaine, les
établissements apparaissent souvent démunis, d’autant que, mis à part les
grands lycées dotés de sections technologiques, ils disposent rarement des
personnels spécialisés nécessaires au suivi d’un parc informatique qui
peut être considérable. Cette confusion n’incite guère à la rigueur
comptable et administrative, comme en témoigne l’exemple d’un lycée où
figuraient à l’inventaire 375 ordinateurs, alors qu’il en existait 404, dont
263 destinés au rebut.
La souplesse comptable, que confère aux EPLE leur statut
d’établissement public est pourtant un outil efficace que les rectorats
savent mettre à profit pour gérer de nombreux fonds académiques. Les
lycées, plus que les collèges, servent ainsi « d’établissement support »
pour la rémunération d’un certain nombre de personnels : emplois-jeunes,
contrats emploi solidarité et contrats emploi consolidé. Ils sont également
utilisés, dans des conditions beaucoup plus contestables, pour assurer la
gestion de certaines structures académiques. Les crédits destinés aux
centres académiques de formation continue (CAFOC) étaient par exemple
fréquemment « mis en pension » dans un ou plusieurs établissements, afin
de s’affranchir des principes de l’annualité budgétaire. Si cette pratique a
aujourd’hui disparu, suite aux remontrances répétées de la Cour, d’autres
dispositifs subsistent. Ainsi, dans une académie de l’Est, la gestion
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
203
financière du dispositif de validation des acquis professionnels, et
notamment la rémunération des agents contractuels en charge de cette
mission, ont été récemment confiées à un lycée d’enseignement général et
technologique. Alors que le budget propre de cet établissement dépassait
à peine 1 M€, ses fonctions d’établissement support le conduisent à
présent à gérer un budget annuel de plus de 5 M€.
La gestion de ces différentes ressources, qui permettent de
constituer des trésoreries souvent abondantes que les établissements
concernés peuvent faire fructifier à leur profit, ne peut être à l’évidence
considérée comme un emploi satisfaisant des fonds publics. Elle conduit
en particulier à accroître le niveau déjà élevé des réserves financières qui
s’accumulent dans les comptes des EPLE. Au 1
er
janvier 2001, ces
réserves, représentant les reliquats disponibles sur crédits d’Etat,
atteignait un total de 320 M€, soit environ 20 % des dotations budgétaires
correspondantes.
B
L’autonomie pédagogique des EPLE
Les structures d’enseignement (divisions et groupes d’élève),
l’organisation du temps et de la vie scolaire, les actions de formation
complémentaire, l’ouverture de l’EPLE sur son environnement, ainsi que
toutes
les
activités
éducatives
facultatives
sont
du
ressort
de
l’établissement. Dans l’exercice de cette autonomie pédagogique, celui-ci
n’a qu’un seul interlocuteur : les services académiques qui interviennent
soit au titre du contrôle hiérarchique, dès lors que le chef d’établissement
agit en tant que représentant de l’Etat, soit au titre de la tutelle, dès lors
qu’il agit en tant que président du conseil d’administration.
Cette autonomie repose sur des moyens, constitués par une
dotation en heures d’enseignement ou dotation globale horaire (DGH), et
s’exprime à travers le projet d’établissement, qui devrait assurer la
cohérence des objectifs poursuivis et des actions mises en œuvre.
1
Les projets d’établissement
En dépit de son caractère obligatoire, inscrit dans la loi de 1989,
tous les EPLE ne disposent pas, à ce jour, d’un projet d’établissement.
Lors d’une enquête qui a porté sur 160 établissements dans huit
académies, la Cour et les CRC ont ainsi constaté qu’un nombre non
négligeable d’établissements n’avait jamais élaboré de projet ou bien,
l’ayant fait une première fois, n’avait pas renouvelé l’exercice. En Haute-
Normandie, sur les 21 établissements de l’échantillon, 15 seulement
204
C
OUR DES COMPTES
disposaient d’un tel projet, à l’élaboration duquel les parents d’élèves
n’avaient été associés que dans un cas sur quatre.
Les constats faits par l’IGAENR dans son rapport général de 1998
et rappelés en 1999 ne peuvent qu’être confirmés par la Cour en 2002.
Les projets examinés restent largement formels et constituent plus des
exercices obligés que la recherche d’une véritable adaptation de
l’établissement à une situation et à un public donnés. Les conditions
d’élaboration du projet sont rarement satisfaisantes et sont le plus souvent
l’affaire
d’une
minorité
d’acteurs,
voire
parfois
du
seul
chef
d’établissement. Quant à son contenu, il se résume souvent à une série
d’actions disparates, fruit d’initiatives individuelles louables mais
juxtaposées, dont le suivi n’est au demeurant pas assuré. Ce travail enfin
est souvent méconnu, voire tout simplement ignoré par les enseignants en
poste dans l’établissement.
Le « manque d’enthousiasme » des établissements, pour reprendre
la formule de l’IGAENR, s’explique en partie par la difficulté que
ressentent les chefs d’établissement pour mobiliser les ressources
nécessaires à l’exécution de leur projet, qu’il s’agisse des personnes en
place ou des moyens financiers disponibles. Par ailleurs et compte tenu de
l’emprise qu’exercent les services académiques sur le contenu et
l’élaboration de l’offre de formation, les ambitions pédagogiques des
projets sont souvent modestes et se limitent principalement au domaine
de la vie scolaire.
2
La fixation des structures pédagogiques
Dans
le
partage
des
responsabilités,
issu
des
lois
de
décentralisation, les autorités académiques sont compétentes pour arrêter
les « structures pédagogiques », c’est-à-dire le contenu et les modalités
des enseignements dispensés dans les EPLE. Ces structures dépendent
des prévisions d’effectifs, qui déterminent le nombre de divisions par
niveau, ainsi que des évolutions apportées à la carte des formations des
établissements à travers l’ouverture ou la fermeture d’options ou de
filières.
Leur
fixation
fait
l’objet
d’un
dialogue
annuel
entre
établissements et les services académiques, qui porte essentiellement sur
le maintien ou la suppression des enseignements optionnels ou
linguistiques, l’ouverture de sections européennes ou sportives et
l’évolution, dans l’enseignement professionnel, des filières et des
capacités d’accueil.
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
205
a)
Une application inégale des « normes »
Pour encadrer ce dialogue et rationaliser l’offre de formation des
établissements, les enquêtes de la Cour et des chambres régionales des
comptes ont montré que les académies utilisaient principalement deux
méthodes. La première consiste à fixer, pour les options et les langues,
des seuils d’ouverture ou de fermeture. Ces seuils, qui varient
généralement entre 8 et 12 élèves, sont cependant appliqués avec
souplesse et connaissent de nombreuses exceptions, liées le plus souvent
au contexte social et scolaire des établissements concernés. Dans toutes
les académies, les décisions de fermeture sont par ailleurs précédées
"d’avertissements" et n’interviennent qu’après une période plus ou moins
longue d’observation de l’évolution des effectifs. La seconde méthode
repose, comme cela a déjà été souligné, sur l’existence de structures de
concertation, dans le cadre des bassins de formation pour l’enseignement
général,
ou
des
filières
pour
l’enseignement
professionnel
ou
technologique. Si ce mode de coordination se développe progressivement
en zone rurale, il reste encore très faible en ville, où les établissements se
situent ouvertement en compétition les uns par rapport aux autres.
b)
La diversification de l’offre d’enseignement
La capacité de pilotage de l’offre de formation par les services
académiques reste ainsi limitée, moins par l’autonomie pédagogique des
établissements que par les multiples facteurs qui viennent freiner les
évolutions : caractéristiques des publics scolaires accueillis, disponibilités
des enseignants et difficulté de reconversion dans l’enseignement
professionnel, demandes des familles et des élèves, besoins exprimés par
les entreprises locales, etc. La progression relative depuis plusieurs
années des moyens d’enseignement, qui se traduit par l’augmentation du
ratio H/E, et un cadrage rectoral souvent peu contraignant permettant
aujourd’hui une sensible diversification de l’offre de formation, ainsi que
le maintien de situations largement dérogatoires par rapport aux règles
strictes qu’affichent souvent les académies. A titre d’exemple, dans l’un
des lycées visités par la Cour, le choix possible pour un élève était de 39
combinaisons d’options en seconde, 58 en première et 64 en terminale.
Les options linguistiques en particulier ont fortement évolué et la chute
des demandes, notamment pour l’allemand en première langue vivante,
ne s’est pas toujours traduite par des fermetures proportionnelles au recul
des effectifs. Il en est de même pour les langues rares dont
l’enseignement continue à être dispensé, le plus souvent devant un
effectif d’élèves des plus restreint. Enfin l’offre d’une troisième langue
vivante a partout progressé. Les classes européennes et les sections
206
C
OUR DES COMPTES
sportives ont également connu un fort développement et la gamme des
options technologiques et culturelles est aujourd’hui très large. La
conséquence est une progression sensible des enseignements devant des
très petits groupes d’élèves. Dans une académie méridionale, les moyens
consacrés à l’enseignement des langues devant des effectifs inférieurs à
cinq élèves représentaient ainsi, en 2001, 400 postes d’enseignants, en
équivalent temps plein.
Une séquence de préparation de la rentrée en académie
Juin de l’année n-1 :
évolution de la carte des formations et
transmission par les établissements des modifications qualitatives qu’ils
souhaitent apporter à leurs structures pédagogiques (ouvertures ou
fermetures de sections ou d’options, modifications des capacités d’accueil
dans l’enseignement professionnel).
Août à septembre n-1 :
instruction des demandes par les services
académiques, en liaison avec la région et les différents partenaires
professionnels (opportunité et complémentarité des ouvertures envisagées,
coûts des formations, adéquation avec le marché de l’emploi, travaux à
réaliser, etc.).
Octobre n-1 :
à partir du constat de la rentrée n-1, établissement
des projections d’effectifs pour la rentrée en préparation, en fonction des
taux de passage des années précédentes.
Novembre n-1 :
après confrontation de ces prévisions avec celles
des établissements, les services académiques arrêtent, en liaison avec les
chefs d’établissements, les structures pédagogiques qui en découlent
(nombre de divisions et effectif d’élèves par division).
Janvier n :
examen en comité technique paritaire académique
(CTPA) des modifications apportées à la carte des formations et répartition
des moyens d’enseignement par grande catégorie d’établissement : lycée,
lycée professionnel et collège (répartition « grande masse »). Répartition
des moyens « collège » entre les inspections académiques. Transmission à
l’administration centrale des possibilités d’entrée dans l’académie par
discipline.
Février n :
à l’issue du CTPA, calcul puis notification aux
établissements de leur dotation globale horaire (DGH). Les établissements
ont jusqu’à la fin du mois de février pour ventiler ces moyens
d’enseignement et faire remonter au rectorat leur TRM (tableau de
répartition des moyens). Rencontres individuelles avec les chefs
d’établissement et ajustements éventuels des DGH. Saisie des demandes
de mutation par les enseignants.
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
207
Mars n :
examen par les services académiques des mesures de
création ou de suppression de postes définitifs proposées par les
établissements Traitement des décharges et des compléments de service
qui peuvent être échangés entre établissements. CTPA sur les mesures de
carte scolaire. Information des personnels « en mesure de carte ».
Remontée à l’administration centrale des vœux des enseignants pour ceux
qui souhaitent participer au mouvement inter-académique. Affichage des
postes vacants.
Avril mai n :
création et implantation des postes provisoires
(regroupement d’heures d’enseignement non couvertes par les personnes
affectées à titre définitif dans l’établissement). Ces postes provisoires sont
pourvus soit par l’affectation à l’année (AFA) de titulaires remplaçants,
soit par le recrutement d’enseignants contractuels. Résultat du mouvement
inter-académique et début du mouvement intra-académique.
Juin juillet n :
modification des DGH et mise à jour des TRM en
fonction de l’affectation définitive des élèves et des résultats des examens.
Réunion des commissions administratives paritaires académiques (CAPA)
et fin du mouvement intra-académique. Affectation
des stagiaires IUFM.
Août septembre n :
ajustements de rentrée au niveau des
personnels et notamment des enseignants contractuels.
3
L’allocation des moyens d’enseignement
Les structures pédagogiques arrêtées en concertation avec les
services académiques ont un caractère largement théorique et le chef
d’établissement est libre, après débat au sein du conseil d’administration,
de proposer une organisation différente des enseignements, qu’il s’agisse
de la taille des divisions, du dédoublement de certains cours, de la
composition des groupes, du nombre des options proposées, etc. Cette
organisation
doit
toutefois
rester
dans
la
limite
des
moyens
d’enseignement délégués à l’établissement à travers sa dotation globale
horaire (DGH) et doit respecter les horaires réglementaires. L’autonomie
des établissements est donc avant tout conditionnée par les méthodes et
les modalités d’attribution de cette dotation. Sa répartition s’effectue,
comme on l’a vu, soit selon le calcul à la structure (c’est-à-dire, en
fonction du nombre de divisons à mettre en place en fonction des effectifs
d’élèves), soit sur la base du H/E (nombres d’heures d’enseignement par
élèves). Il n’existe pas de modèle déterminant et certaines académies vont
même jusqu’à panacher les deux méthodes avec comme objectif de
s’approcher au plus près des besoins réels des établissements.
208
C
OUR DES COMPTES
a)
La diversité des méthodes
Quel que soit le modèle de calcul utilisé, l’emprise des services
académiques peut s’exprimer de manière plus ou moins forte, à travers
différentes modalités d’attribution. La DGH initiale peut ainsi être affinée
en fonction des caractéristiques des établissements qui peuvent recevoir,
selon leur situation, des moyens d’enseignement supplémentaires :
renforcement des dotations horaires pour les collèges en ZEP, attribution
d’un volume d’heures pour le financement de certaines options ou de
certains projets.
A contrario,
le pouvoir de négociation des établissements
varie fortement d’une académie ou d’un département à l’autre. Les
arguments le plus souvent avancés pour demander un supplément de
DGH sont la fiabilité des prévisions d’effectifs, l’origine sociale des
élèves qui exige un meilleur encadrement pédagogique ou encore les
contraintes des travaux en groupes ou en ateliers.
Dans l’attribution de la DGH, certaines académies font le choix de
donner le maximum d’autonomie aux établissements en allouant, une fois
pour toutes en début d’année, en fonction de critères objectifs et dans une
transparence complète, les moyens en heures dont elles disposent.
L’académie de Grenoble s’attache ainsi à expliquer ses modes de calcul
aux chefs d’établissement ; celle de Bordeaux leur communique un
ensemble d’éléments comparatifs leur permettant de se situer les uns par
rapport aux autres. A l’inverse, d’autres académies conservent une partie
des heures pour les distribuer, en plus de la dotation de base, en fonction
de négociations ou de projets, et parfois tout au long de l’année. Telle
inspection d’académie a ainsi gardé des moyens d’ajustement qui lui ont
permis de doter les collèges en cours d’année pour les heures de
concertation nécessaires à la préparation des itinéraires de découverte ;
l’académie de Lille organise, quant à elle, des « appels d’offres
globalisés » pour financer les projets élaborés par les établissements.
b)
L’appréciation des marges de manœuvre
Si l’essentiel de la DGH est consacré aux heures obligatoires
d’enseignement, les établissements du second degré disposent cependant
de réelles marges de manœuvre que la Cour évalue à environ 5 % de leur
dotation horaire. Ces marges d’ajustement résultent tout d’abord du calcul
de la DGH elle-même par les services académiques et notamment du
financement, plus ou moins généreux, des enseignements optionnels.
Elles reposent également sur l’utilisation par l’établissement de ses
moyens
d’enseignement
et
sur
les
choix
effectués
en
matière
d’organisation
pédagogique.
Bien
qu’il
existe
des
normes
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
209
divisionnaires
73
, utilisées pour déterminer la structure type des collèges
ou des lycées, ces seuils, qui n’ont pas un caractère obligatoire, ne
s’imposent pas aux établissements qui peuvent les dépasser ou au
contraire rester très en deçà. Les regroupements d’élèves par niveau ou
par filière dans certaines matières (en langues vivantes, grec, latin, EPS
ou arts plastiques), ou encore le maintien devant la classe entière d’un
enseignement qui devrait être normalement dédoublé, permettent ainsi de
réaliser des économies d’heures qui pourront, le cas échéant, servir à
financer une option pour un faible effectif d’élèves.
Les établissements peuvent également obtenir des compléments de
ressources auprès de partenaires extérieurs. Si les collectivités territoriales
interviennent rarement dans l’organisation pédagogique des EPLE, il
arrive qu’elles contribuent au financement des heures d’études dirigées,
quand les horaires sont contraints par l’organisation du ramassage
scolaire. Les administrations de l’Etat, notamment dans le domaine
culturel, peuvent également prendre en charge certains enseignements
optionnels. La capacité à dégager des marges de manœuvre plus ou moins
importantes dépend enfin très largement de la taille des établissements et
un grand lycée urbain aura nécessairement une plus grande souplesse
d’organisation qu’un petit collège rural qui ne compte que deux divisions
par niveau. Cette capacité est par ailleurs accrue dans les établissements
qui bénéficient de dotations spécifiques (cas des ZEP par exemple) ou qui
présentent une très grande variété d’enseignements.
L’utilisation qui est faite de ces marges de manœuvre, variables
d’un établissement à l’autre, privilégie principalement trois domaines : le
soutien aux élèves en difficulté, l’aide à l’orientation et l’élargissement de
l’offre de formation. Certains EPLE, notamment dans les grands centres
urbains, cherchent, pour des raisons d’attractivité, à multiplier les
enseignements optionnels en utilisant les heures qu’ils dégagent sur leur
DGH. Ces pratiques se font généralement avec l’accord tacite de
l’académie, mais aussi parfois contre son gré. Enfin ces moyens
permettent,
dans
certains
cas,
d’accorder
une
rémunération
complémentaire à des enseignants très impliqués dans la vie de leur
établissement : gestionnaire du réseau informatique, responsable des
laboratoires ou organisateur des échanges internationaux.
Ces marges de manœuvre, qui sont en fait plus ou moins
reconnues, et donc plus ou moins institutionnalisées dans les académies,
mériteraient sans doute d’être clarifiées. L’une des voies d’amélioration
consisterait, comme le préconisait un rapport remis au ministre il y a déjà
plusieurs années à contractualiser systématiquement les missions et les
73) Effectif maximum d’élèves par division
210
C
OUR DES COMPTES
moyens des établissements en leur laissant une marge d’initiative
exprimée en pourcentage de la DGH.
C
Le rôle du chef d’établissement
Il revient aux chefs d’établissement de négocier et d’exploiter
l’ensemble de ces marges de manœuvre. Cette mission appelle de leur
part des compétences particulières qui doivent être d’autant plus
développées que l’autonomie réelle des établissements est faible. Ils sont
ainsi les responsables d’un équilibre dont ils ne maîtrisent guère les
composantes, entre les volontés de pilotage académique et les demandes
formulées par les membres de cette communauté éducative dont les
établissements qu’ils dirigent sont le lieu d’expression.
Les chefs d’établissement sont à la fois les représentants de l’Etat,
disposant à ce titre de pouvoirs propres sur les personnels et de manière
générale sur le bon déroulement des enseignements, et les présidents du
conseil d’administration d’un établissement public. Mais la contradiction
fondamentale que subit l’exercice de leur mission réside dans le fait que,
chargés de faire vivre des établissements où se joue la réussite des élèves,
ils ne se voient reconnaître, en matière pédagogique, aucune autorité
hiérarchique sur des enseignants qui ne sont pas nommés par eux et dont
ils ne gèrent pas les carrières. Cette situation n’est pas celle des
établissements
privés,
le
directeur,
nommé
par
le
conseil
d’administration, dispose de pouvoirs importants sur les personnels de
son établissement. Ce n’est pas celle non plus des établissements
agricoles, dont le conseil est présidé par une personnalité extérieure et qui
dispose d’une grande autonomie de gestion grâce à ses ressources
financières propres.
1
La rénovation du statut
Issus en très grande majorité des corps enseignants, les chefs
d’établissement exercent cependant principalement des fonctions de
gestionnaires. Si la mission qui leur est dévolue inclut nécessairement un
rôle pédagogique, celui-ci n’est pas défini par des textes réglementaires.
Les situations, d’un établissement à l’autre, sont donc très contrastées.
Elles
dépendent
des
circonstances
locales
mais
également
des
conceptions, elles-mêmes très diverses, que les chefs d’établissement se
font de leur mission. Enfin la plupart des enseignants sont très réticents à
l’égard de toute forme d’implication de ceux-ci dans le domaine de la
pédagogie.
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
211
Le corps des personnels de direction, créé en 1988 à la suite des
lois de décentralisation, principalement pour en marquer l’indépendance à
l’égard des autres tutelles nouvellement créées à cette occasion, traverse
au demeurant une situation difficile. Celle-ci se matérialise par des
vacances de postes nombreuses (4,4 % du nombre d’emplois ouverts) et
par de sérieuses difficultés de recrutement, qui sont dues moins aux
conditions matérielles de l’exercice de la fonction, qu’aux nombreuses
incertitudes sur le contenu même de cette fonction. Témoignage de la
difficulté rencontrée par le ministère à apporter des solutions à ce
problème identifié depuis longtemps, le travail de réflexion et de
négociation entrepris en 1997 n’a abouti qu’au début de l’année 2002, par
la publication à la fois d’un nouveau statut et d’un « référentiel », qui
décrit, pour la première fois, les missions, les compétences et les
domaines d’activité des chefs d’établissement.
Cet important travail de clarification est destiné à améliorer
l’ensemble de la gestion des personnels de direction ainsi que leur
recrutement, pour attirer des personnes à la fois plus jeunes, compétentes
et motivées. Le recrutement reste cependant très peu ouvert aux
personnels des filières administratives, alors que la mission de «
conduire
une politique pédagogique et éducative d’établissement au service de la
réussite des élèves
» demeure avant tout centrée sur des compétences
d’encadrement et sur des aptitudes de gestionnaire. L’ouverture du corps
à des personnels administratifs, au-delà des viviers traditionnels des
personnels enseignants, d’éducation ou d’orientation et de quelques
directeurs relevant de l’enseignement primaire, ne peut ainsi se faire que
par la voie du détachement et dans la limite de 5 % des effectifs du corps.
Le nouveau statut des chefs d’établissement contient, il est vrai,
quelques
innovations
intéressantes.
Il
s’agit
en
particulier
de
l’introduction, certes progressive, d’une obligation de mobilité (au-delà
de neuf ans dans un même poste), de la mise en œuvre d’une procédure
explicite d’évaluation sur la base d’une lettre de mission adressée par le
recteur et enfin d’une déconcentration progressive, vers les services
académiques, de la gestion individuelle des chefs d’établissement.
2
Un cadre d’exercice encore flou
On
peut
toutefois
regretter
que
les
missions
des
chefs
d’établissement ne soient définies que par un « référentiel » sans valeur
juridique. En outre, la timidité de certaines de ces avancées ne peut
qu’être soulignée, alors qu’elles concernent directement la position
particulière des chefs d’établissement entre responsabilité académique et
responsabilité d’établissement. L’existence d’une lettre de mission,
212
C
OUR DES COMPTES
élaborée sur la base d’un diagnostic établi de manière contradictoire avec
les services académiques, devrait certes clarifier la position des chefs
d’établissement par rapport aux recteurs. Cet exercice qui, selon le
ministère de l’éducation nationale, doit constituer un « guide pour
l’action » du nouveau proviseur ou du nouveau principal, vient cependant
se superposer au projet d’établissement, dont les objectifs sont plus
globaux et dont l’élaboration relève de la responsabilité du conseil
d’administration. Par ailleurs et en parallèle, certaines académies, comme
celle
de
Poitiers,
conduisent
actuellement
des
expériences
de
contractualisation entre le rectorat et les EPLE. Si ces différentes
procédures visent à un meilleur pilotage des établissements, elles restent
cependant largement déconnectées de l’attribution annuelle des dotations,
qui
conditionnent
directement
la
capacité
d’action
des
chefs
d’établissements. Il n’est pas sûr, dans ces conditions, qu’elles
contribuent à clarifier la gestion des établissements et il faut craindre que
la définition des objectifs et des moyens correspondants n’y trouve pas
toujours son compte.
S’agissant des relations entre chefs d’établissement et enseignants,
celles-ci n’ont été que partiellement traitées dans le référentiel définissant
le rôle et les missions des chefs d’établissement. Celui-ci a en effet défini
les attentes de l’administration à l’égard des personnels de direction, mais
n’a pas précisé les moyens mis à la disposition du chef d’établissement
pour lui permettre de réconcilier, à son niveau, les filières pédagogique et
administrative. Le projet d’instituer un « conseil pédagogique » afin de
débattre et de proposer les grandes orientations pédagogiques de
l’établissement devrait certes permettre d’associer plus étroitement les
personnels enseignants à la vie de l’établissement, mais la responsabilité
précise d’une telle instance n’est pas encore définie. Il n’est pas sûr qu’à
elle seule, elle puisse résoudre les écarts qui se font jour entre des
personnels enseignants soucieux de préserver leur propre autonomie et
des chefs d’établissement qui se sentent responsables des résultats de leur
établissement. Dans ce domaine, les expériences les plus intéressantes
sont aujourd’hui le fruit d’une collaboration étroite entre les personnels
d’inspection et les chefs d’établissement. Ces expériences permettent une
gestion des équipes éducatives, à la fois plus collective et plus
respectueuse des compétences des uns et des autres.
Selon le document de présentation du protocole d’accord relatif
aux personnels de direction, les établissements sont «
le centre de gravité
du système éducatif
(…)
c’est dans les établissements que se joue la
réussite des élèves, que se traduisent les réformes et les changements, que
naissent les initiatives innovantes, que travaillent ensemble tous les
membres de la communauté éducative
». On ne peut mieux exprimer
l’ambition que portent les établissements d’enseignement du second
L
A RÉPARTITION DES COMPÉTENCES
213
degré. Pour atteindre cet objectif, force est de constater que des progrès
importants restent à faire en matière d’organisation, de répartition des
compétences et des responsabilités et d’attribution de moyens.
__________
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
_________
L’introduction d’une dimension qualitative dans la gestion du
système scolaire, qu’il s’agisse des préoccupations d’adaptation à des
besoins nouveaux ou de rapidité de réaction, implique qu’à chaque
niveau, les marges de manœuvre existantes soient réellement utilisées.
Cette obligation a d’ores et déjà entraîné une transformation profonde
des modes d’organisation et d’administration de l’école. Malgré des
évolutions significatives, l’imbrication, et donc la confusion, des
responsabilités entre échelons concentrés, déconcentrés et décentralisés,
voire cogérés, reste importante. Le système scolaire demeure également
très parcellisé et toute stratégie d’ensemble ou toute réforme globale se
heurte à l’atomisation des secteurs de base que sont les établissements et
les structures d’enseignement.
Les relations du ministère avec les services académiques
demeurent ambiguës car elles marquent une hésitation entre les
interventions directes de la centrale et la reconnaissance de la liberté
d’action des échelons déconcentrés. La contractualisation n’est pas
encore le cadre où se déclinent les objectifs nationaux, où se
hiérarchisent les objectifs locaux et où se définissent les moyens pour y
parvenir. Alors que cette démarche doit s’accompagner d’un dialogue
entre les services académiques et leurs partenaires locaux, ce dernier
reste encore très limité.
Les académies ressentent désormais le besoin de formuler une
stratégie et d’élaborer des projets. Cette initiative récente est
inégalement développée selon les rectorats. Elle doit être soutenue, car
elle est la condition de leur affirmation comme lieu de la cohérence d’un
système dont les objectifs restent certes définis par la collectivité
nationale mais où les particularités locales sont prises en compte et où
les acteurs locaux, collectivités territoriales, établissements, enseignants,
familles jouent un rôle essentiel.
L’autonomie des établissements d’enseignement est limitée par les
contraintes administratives que les services déconcentrés font peser sur
eux. Elle n’est pas liée à une responsabilité précise en termes d’objectifs,
de moyens et encore moins de résultats. Le rôle des chefs d’établissement,
qui devraient surmonter le clivage entre les filières pédagogique et
administrative, n’est pas encore suffisamment affirmé, ni perçu comme
décisif dans le fonctionnement des équipes éducatives.
214
C
OUR DES COMPTES
Enfin, alors que les lois de décentralisation ont fait des
collectivités territoriales des partenaires de l’école, les responsables
locaux n’assument pas pleinement ce rôle pour trois raisons principales.
L’importance des missions qui leur ont été transférées les a conduit à se
concentrer sur les tâches les plus urgentes, essentiellement l’entretien du
parc immobilier. En matière de planification scolaire et d’organisation
pédagogique, l’Etat assume un rôle majeur qui est un frein à l’exercice
par
les
collectivités
de
leurs
compétences,
notamment
dans
l’enseignement
professionnel.
Enfin
les
collectivités
territoriales
manquent d’expérience, sinon d’expertise, dans le domaine de la
formation, à la différence du secteur péri-éducatif où elles disposent de
plus de légitimité et de savoir-faire. L’éventail des choix qui leur sont
ouverts demeure large entre un rôle de simple financeur et une fonction
plus ambitieuse d’acteur des politiques éducatives.
Quelques pistes paraissent pouvoir être explorées afin de
poursuivre les évolutions engagées et de les fonder sur les principes de
transparence, de concertation et de responsabilité des différents acteurs.
Si elles concernent au premier chef le second degré, elles s’appliquent
également au premier degré, en dépit du handicap que constitue le fait
que l’école primaire ne soit pas dotée de la personnalité morale.
Ainsi une certaine formalisation des engagements réciproques
entre services académiques et collectivités territoriales d’une part,
établissements de l’autre, contribuerait à fixer les objectifs au sein de
l’académie et à en assurer la cohérence. Une simplification de
l’organisation et un allégement des procédures de la tutelle des
établissements conforterait cette démarche. Poursuivre la clarification
engagée
sur
les
fonctions
de
chef
d’établissement,
développer
l’évaluation de ces dernières et redéfinir en contrepartie le rôle des
enseignants dans le fonctionnement des établissements, constituent à
l’évidence autant d’impératifs.
Enfin, de façon plus globale, rechercher le bon équilibre entre les
compétences des multiples acteurs du système scolaire est une démarche
impérative mais d’autant plus complexe qu’elle s’applique à des données
fortement interdépendantes. Toute décision dans ce domaine suppose
donc qu’aient été prévus et que soient assumés ses effets sur l’ensemble
des composantes et des procédures qui structurent la gestion de l’école,
tout particulièrement en ce qui concerne l’organisation de l’offre de
formation, la définition des contenus des enseignements et les modalités
de gestion des personnels enseignants.
215
DEUXIEME PARTIE :
L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
216
C
OUR DES COMPTES
217
Ces vingt dernières années ont été marquées par un accroissement
très
rapide
des
effectifs
étudiants
de
l’enseignement
supérieur.
L’ensemble des acteurs du système a fait face à cette expansion, non sans
difficultés mais sans crise majeure. L’Etat a assumé ses responsabilités
traditionnelles à l’égard du service public d’enseignement supérieur. Les
universités ont affirmé leur autonomie consacrée par la loi de 1968 puis
par la loi de 1984 qui en a précisé le cadre statutaire et les modalités de
mise en œuvre. Dans une moindre mesure, les collectivités locales ont
également été partie prenante de ces évolutions.
Cette mutation vers un enseignement de masse a nécessité
d’importantes
transformations,
notamment
dans
la
gestion
des
universités. Elle a également exigé de la part du ministère de l’éducation
nationale la mise en place de procédures à même de maîtriser les
évolutions.
Pour
autant,
les
grands
principes
fondateurs
de
l’enseignement supérieur français sont restés inchangés : système dual
qui repose sur la coexistence d’écoles sélectives et d’universités ouvertes
à tous les étudiants, diplômes nationaux délivrés par les universités.
Au cours de la prochaine décennie, l’enseignement supérieur
devrait connaître une phase de stabilisation de ses effectifs. Ce répit
démographique
n’introduira
pourtant
en
rien
à
une
période
d’immobilisme, tant apparaissent des problèmes nouveaux engageant des
enjeux majeurs : comment réguler un système d’enseignement de plus en
plus diversifié où les flux d’étudiants risquent d’être de plus en plus
volatils entre filières de formation ? Comment faire face aux départs
massifs à la retraite des enseignants-chercheurs ? La reconnaissance
internationale des formations et des établissements n’est-elle pas
contrainte par les particularités de l’organisation et du fonctionnement
de l’enseignement supérieur français ? Quelles évolutions exige alors
l’instauration d’un système européen d’enseignement supérieur ? Autant
d’interrogations à ce jour débattues qui témoignent du regard critique
que certains universitaires portent eux-mêmes sur leur institution.
La Cour est convaincue de l’acuité de ces questions, dont ont
témoigné les contrôles qu’elle a opérés dans le cadre de cette enquête sur
les modes d’intervention du ministère de l’éducation nationale et sur la
gestion de nombreux établissements de formation supérieure, placés sous
sa tutelle ou sous celle d’autres ministères (à l’exclusion des écoles
d’application ou des écoles dépendant du ministère de la défense). Dans
le cadre de ses compétences, elle a cherché à apprécier dans quelle
mesure l’enseignement supérieur et ses structures de formation pourront
répondre aux exigences renforcées d'efficacité qui découlent tant des
218
C
OUR DES COMPTES
moyens importants alloués par la collectivité nationale que de la
compétition accrue entre établissements à l’échelle internationale.
Ceci a conduit la juridiction à analyser :
-
les défis nouveaux auxquels est confronté l’enseignement
supérieur après l’arrêt de la croissance des effectifs étudiants
qui a mobilisé des efforts considérables pendant plus d’une
décennie ;
-
l’organisation et les modalités de pilotage du système,
notamment dans sa partie universitaire qui accueille, de loin,
le
plus grand nombre d’étudiants ;
-
la mesure de l’activité et des résultats des formations
supérieures et les réponses qui ont pu être données pour
améliorer une efficacité controversée des premiers cycles des
études universitaires ;
-
l’emprise de l’évaluation dans la gestion du système.
219
Chapitre VI
Les défis
220
C
OUR DES COMPTES
Le système français d’enseignement supérieur a été soumis au
cours de la fin du siècle écoulé au défi d’une pression démographique
sans précédent. Cette pression s’étant aujourd’hui relachée, il devra
désormais relever trois nouveaux défis qui, s’ils ne sont pas suffisamment
anticipés, pourraient remettre en cause son fonctionnement, voire
compromettre l’exercice de ses missions.
I
La mutation vers un enseignement supérieur
de masse
A
La croissance des effectifs
Alors que la population française a été multipliée par 1,5 depuis
1900, les effectifs étudiants l’ont été par 50. L’essentiel de cette évolution
se concentre toutefois sur les quarante dernières années. Alors que les
effectifs étudiants dépassent à peine les 300 000 en 1960, ils sont vingt
ans plus tard près de 1,2 million à fréquenter les établissements
d’enseignement
supérieur.
Les
préoccupations
économiques
et
démocratiques qui sous-tendent les réformes des années 1960 ont été
confortées dans les années 1980 notamment par l’ambition affichée
d’amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. Avec
l’afflux de nouveaux bacheliers de plus en plus nombreux (63 % d’une
génération en 2000, contre seulement 24 % en 1975), l’expansion
démographique se poursuit et même s’accélère au début des années 1990
(les effectifs gagnent alors plus de 100 000 étudiants d’une rentrée à la
suivante), atteignant un maximum en 1995-1996, avec 2 141 000
étudiants.
Cette période de forte croissance a cependant pris fin en 1993,
année où s’amorcent une stabilisation puis, à partir de la rentrée 1996,
une diminution des effectifs. Cette tendance à la baisse, qui s’est
poursuivie en 1997 et 1998, est liée à la fois au recul démographique, au
ralentissement des progrès de la scolarisation, au palier atteint en matière
de scolarisation dans l’enseignement secondaire et enfin à une diminution
sensible de la proportion de bacheliers poursuivant leurs études (89,3 %
en 1995 et 81,3 % en 2001). Ce phénomène semble toutefois s’inverser
ou du moins s’infléchir, puisqu’on relève, depuis la rentrée 2000, une
légère hausse des effectifs, à raison de cinq à dix mille étudiants
supplémentaires par an.
L
ES DÉFIS
221
1
Des évolutions diversifiées selon les filières
Les différentes filières de l’enseignement supérieur n’ont pas
toutes été affectées, de façon identique, par le repli observé depuis le
milieu des années 1990.
L’université, qui accueille près de 60 % des étudiants (hors IUT), a
connu une évolution comparable à celle du supérieur dans son ensemble
jusqu’à la rentrée 1995, où le nombre d’inscrits a atteint un maximum
proche de 1,4 million. Cette croissance a concerné principalement les
premier et deuxième cycles des disciplines générales. Elle résultait à la
fois de la préférence manifestée par les bacheliers généraux pour ce type
d’études longues et de l’amélioration sensible des taux d’accès en licence,
la création des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM)
ayant en particulier entraîné un afflux important d’étudiants dans ces
formations.
L’année 1996 marque la fin de cette croissance, avec, sur les cinq
dernières années, un recul net des effectifs (- 54 000 étudiants dans les
universités). Ce recul s’explique à la fois par la diminution du nombre de
bacheliers généraux et technologiques et par le moindre engouement de
ces derniers pour les études universitaires : le taux d’accueil des
bacheliers (toutes séries confondues) à l’université a ainsi diminué de
près de 10 points entre 1995 et 2000, passant de 49,4 à 39,7 %.
Les filières courtes (IUT, STS et écoles paramédicales et sociales
conduisant à un diplôme de niveau III), avec 21 % des étudiants, ont en
revanche maintenu leur progression. Le nombre d’inscrits est passé de
343 000 en 1990 à 441 000 en 2000, soit en dix ans une augmentation de
29 %, contre 23 % pour l’ensemble des formations supérieures.
La filière
grandes écoles
(grandes écoles d’ingénieurs et de
commerce, écoles normales supérieures et classes préparatoires) accueille
quant à elle un peu moins de 10 % des effectifs de l’enseignement
supérieur (156 000 en 1990 et 201 000 en 2000). Les classes préparatoires
(CPGE) ont connu une forte augmentation qui s’est poursuivie jusqu’en
1997, où elles comptaient près de 79 000 étudiants. Depuis cette date,
l’évolution des effectifs est orientée à la baisse (76 500 inscrits à la
rentrée 2000). S’agissant des formations d’ingénieurs, publiques et
privées (y compris les écoles dépendant des universités), celles-ci
bénéficient, depuis le début des années 1990 d’un développement
continu
74
et ont vu leurs effectifs passer de 57 000 à 89 000 (+ 55 % sur
dix ans). Quant aux écoles de commerce et de gestion (64 000 étudiants à
74) Le plan université 2000 comportait un objectif de doublement du nombre des
ingénieurs diplômés.
222
C
OUR DES COMPTES
la rentrée 2000), après quelques années de baisse, elles sont à nouveau
entrées, depuis 1997, dans une phase de croissance rapide.
2
Une relative démocratisation des formations supérieures
Ce phénomène de massification s’est accompagné d’une relative
démocratisation de l’enseignement supérieur et le fort développement des
scolarités secondaires, intervenu entre 1985 et 1995, a progressivement
réduit les inégalités sociales. Si l’écart reste important, puisque
aujourd’hui 77 % des enfants de cadres accèdent à l’enseignement
supérieur, contre seulement 35 % des enfants d’ouvriers, on constate
cependant que les chances d’entrée à l’université se sont davantage
élevées pour les couches populaires que pour les couches favorisées de la
population. Entre 1985 et 2000, les possibilités de suivre des études
supérieures, parmi les jeunes de 20 et 21 ans, ont ainsi été multipliées par
3,6 pour les enfants d’ouvriers, pour 2,2 en moyenne et 1,6 pour les
enfants de cadres
75
.
Accès à l'enseignement supérieur des jeunes de 20/21 ans
selon leur origine sociale, de 1984 à 2000
0
10
20
30
40
50
60
70
80
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
en pourcentage
Cadres et professions intermédiaires
Ensemble
Ouvriers
Source : ministère de l’éducation nationale
Cependant la composition de la population étudiante en termes
d’origine sociale reste marquée par de fortes disparités et les catégories
les plus favorisées demeurent largement sur-représentées au détriment des
catégories plus
modestes. Quelle que soit la filière considérée, à
75
Chefs d’entreprise, cadres du privé et de la fonction publique, ingénieurs,
professeurs et professions libérales.
L
ES DÉFIS
223
l’exception des sections de techniciens supérieurs (STS), près du tiers des
étudiants ont des parents cadres supérieurs ou exerçant une profession
libérale, proportion nettement supérieure à celle constatée auprès de
l’ensemble des jeunes. Le phénomène est encore plus marqué dans les
classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et dans les disciplines de
santé, où respectivement 50 % et 44 % des étudiants sont issus de cette
catégorie sociale. En revanche les filières technologiques courtes (IUT et
STS) recrutent davantage parmi les enfants d’ouvriers et d’employés,
puisque ceux-ci représentent respectivement 34 % des inscrits en IUT et
42 % de l’effectif des STS.
B
La croissance des moyens
Accompagnant l’évolution des effectifs étudiants, les moyens
consacrés à l’enseignement supérieur ont connu une forte progression qui
s’est notamment traduite, sur les dix dernières années, par un
accroissement, en euros constants, de près de 40 % de la dépense
d’éducation supérieure. L’effort de l’Etat, c’est-à-dire l’ensemble des
crédits inscrits dans les fascicules budgétaires des différents ministères,
représentait, en 2001, plus de 11 Md€. Les trois quarts de ces crédits
relèvent du seul budget de l’enseignement supérieur. Au cours de la
décennie 1990-2000, ce dernier a augmenté, toujours en euros constants,
de 65 %.
1
La dépense d’éducation supérieure
La dépense intérieure d’éducation supérieure (DIEsup), qui mesure
l’effort de la collectivité nationale, est constituée par l’ensemble des
financements, publics ou privés, consacrés au fonctionnement et au
développement
du
système
d’enseignement
supérieur
en
France
métropolitaine. Elle atteint, en 2000, 17 Md€ et représente 1,2 % de la
richesse nationale (PIB) et 17,3 % du total de la dépense intérieure
d’éducation (DIE).
La dépense intérieure d’éducation supérieure
(DIEsup) est un
sous-compte de la dépense intérieure d’éducation (DIE). Elle est construite
en additionnant quatre types de flux
financier :
- les dépenses pour les activités d’enseignement post-secondaire.
Ces activités rassemblent toutes les formations de type scolaire de niveau
supérieur au baccalauréat. Il s’agit des formations dispensées dans les
établissements du second degré (pour les STS et les CPGE), dans les
universités (y compris les instituts universitaires de technologie), dans les
224
C
OUR DES COMPTES
établissements privés à financement public prédominant, dans les
établissements gérés par les organismes consulaires (principalement les
écoles supérieures de commerce relevant des chambres de commerce et
d’industrie) ainsi que dans les centres de formation interne relevant des
administrations publiques et privées ;
-
les
dépenses
pour
les
activités
de
type
extra-scolaire :
enseignement à distance, formation continue interne aux entreprises et aux
administrations, etc.
- les dépenses pour les activités annexes, soit l’administration
générale et les activités destinées à favoriser ou accompagner la
fréquentation des établissements d’enseignement supérieur (restauration et
hébergement, médecine universitaire, etc.),
- les dépenses des activités dites « autres », soit celles consacrées à
l’achat de livres ou matériels nécessités par la fréquentation des
établissements, ainsi que les rémunérations des personnels d’éducation en
formation.
La dépense d’éducation intérieure pour le supérieur
est obtenue
en retirant à la DIEsup tout ce qui ne concerne pas les activités de
formation initiale, soit les activités de « formation continue » et de
« formation extra-scolaire ». C’est cette DIE pour le supérieur qui sert
notamment à calculer la dépense moyenne par étudiant.
D’après « Le compte de l’éducation » - ministère de l’éducation nationale
A prix constants, la DIEsup croît entre 1990 et 2000 de 42 %, alors
que sur la même période la DIE globale n’augmente que de 30 %.
Compte tenu de la démographie étudiante, la dépense moyenne par
étudiant connaît en revanche une évolution plus modérée (+ 16 % en
euros constants). De 1990 à 1994, le rythme soutenu de la croissance de
la dépense d’éducation supérieure a accompagné le fort accroissement des
effectifs (6,2 % en moyenne annuelle) et la dépense annuelle par étudiant
a augmenté faiblement (7 070 à 7 200 € en cinq ans). Le ralentissement
observé entre 1994 et 1996, puis la diminution des effectifs à partir de
1997, conduisent ensuite à une progression sensible de la dépense
moyenne par étudiant, qui s’élève, en 2000, à plus de 8 200 €.
Les comparaisons internationales réalisées par l’OCDE montrent
que le coût moyen d’un étudiant français, apprécié de manière cumulée
sur la durée totale de ses études, s’établissait ainsi en 1998
76
à 33 800
76) Dernière année actuellement disponible pour les statistiques internationales
publiées par l’OCDE.
L
ES DÉFIS
225
équivalents dollars. Ce coût est sensiblement inférieur à la moyenne
OCDE (35 100) et nettement en dessous du coût moyen d’un étudiant
allemand (46 100) ou hollandais (42 000).
Le financement initial de la dépense d’éducation supérieure
77
est
assuré par l’Etat à hauteur de 79 %. Le ministère de l’éducation nationale
constitue par ailleurs le principal financeur du système d’enseignement
supérieur, puisqu’il assure à lui seul près de 70 % de la dépense totale.
Les ménages viennent en seconde position et contribuent pour 8,3 % à la
dépense d’éducation supérieure. En revanche, alors que les collectivités
locales participent à hauteur de 21 % au financement de la dépense
intérieure de l’ensemble du système éducatif, cette part n’est que de
6,3 % pour le système d’éducation supérieure.
Structure du financement initial de la dépense d'éducation supérieure
en 2000
Entreprises
5%
Autres
administrations
2%
Ménages
8%
Collectivités
territoriales
6%
Autres ministères
9%
Ministère de
l'éducation nationale
70%
Source : ministère de l’éducation nationale
Sur les 17 Md€ dépensés en 2000, 14,3 Md€ (soit 84,5 %) l’ont été
pour des activités de formation. Les 15,5 % restants sont utilisés à hauteur
de 1,34 Md€ pour les activités annexes (administration générale,
restauration, hébergement, etc.) et à hauteur de 1,3 Md€ pour l’achat des
livres et des matériels nécessaires aux étudiants, ainsi que pour la
rémunération des personnels en formation.
77) Avant prise en compte des transferts entre les agents économiques, c’est-à-dire
essentiellement les bourses universitaires versées aux étudiants et à leurs familles.
226
C
OUR DES COMPTES
2
Le budget de l’enseignement supérieur
Même si le ministère de l’éducation nationale reste le principal
financeur du système d’enseignement supérieur, un nombre important de
formations relèvent d’autres ministères, comme par exemple les écoles
des secteurs agronomiques ou vétérinaires, ou encore les écoles
d’architecture. Depuis 1998
78
, l’ensemble des moyens budgétaires
consacrés au formations post-baccalauréat figurent dans un document
unique : le budget coordonné de l’enseignement supérieur (BCES). Le
champ du BCES correspond aux formations publiques ou privées (si ces
dernières bénéficient de fonds d’Etat), qu’il s’agisse de formation initiale,
de formation professionnelle continue, ou de formation spécialisée, y
compris les écoles de formation des agents de l’Etat. Le BCES inclut
également les sections de techniciens supérieurs et les classes
préparatoires aux grandes écoles (STS et CPGE).
En 2001, le total des crédits recensés sur le budget de l’Etat en
faveur de l’enseignement supérieur s’est élevé à 11,3 Md€, ce qui
représente 4 % du budget de l’Etat. Près de 90 % de ces crédits relèvent
du seul ministère de l’éducation nationale, soit au titre du budget de
l’enseignement scolaire, pour les STS et les CPGE (16 % des moyens du
BCES), soit au titre du budget de l’enseignement supérieur (73 % des
moyens du BCES), qui assure donc, dans ce domaine, l’essentiel des
financements publics.
De 1990 à 2001, la part du budget de l’enseignement supérieur
relevant du ministère de l’éducation nationale est ainsi passée de 4,2 à
8,6 Md€, soit un doublement des moyens, ce qui se traduit, à euros
constants, par une augmentation de 65 %. Au cours de la même période,
l’ensemble des effectifs étudiants n’a progressé que de 25 %. Rapportés
au budget de l’Etat, l’évolution est également sensible, puisque la part
relative des crédits du budget de l’enseignement supérieur est passée de
2,2 % en 1990 à 3,3 % en 2001.
78) L’article 113 de la loi de finances pour 1998 dispose que « les ressources et les
moyens alloués par l’Etat aux formations supérieures sont retracés dans un état
récapitulatif annexé au projet de loi de finances et dénommé budget coordonné de
l’enseignement supérieur ».
L
ES DÉFIS
227
Le champ du budget de l’enseignement supérieur
Le ministère chargé de l’enseignement supérieur exerce sa tutelle
sur
186
établissements
d’enseignement
supérieur
ayant
statut
d’établissements publics et tous dotés de l’autonomie comptable et
financière.
Sur ces 186 établissements, 118 sont des établissements publics à
caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) relevant de la loi
du 26 janvier 1984. Il s’agit soit d’universités, au nombre de 82, soit des
instituts nationaux polytechniques (3), soit d’écoles extérieures aux
universités (INSA, écoles centrales et universités technologiques), soit
encore de grands établissements (Collège de France, Ecoles normales
supérieures, Conservatoire national des arts et métiers, Ecole centrale de
Paris, etc.), ces deux dernières catégories regroupant une trentaine
d’établissements.
La tutelle du ministère s’étend également sur 68 établissements
publics administratifs (EPA) : écoles nationales supérieures d’ingénieurs,
instituts d’études politiques de province, IUFM, etc. Ces établissements
sont très variés et relèvent de régimes juridiques différents. Ils peuvent être
soit complètement autonomes, soit rattachés, pour leur gestion, à un
EPSCP.
Par
ailleurs,
le
ministère
apporte
un
soutien
financier
à
l’enseignement supérieur privé : instituts catholiques, écoles d’ingénieurs
ou de commerce.
Enfin relève du budget de l’enseignement supérieur un certain
nombre d’établissements tels que l’institut national de la recherche
pédagogique, le muséum national d’histoire naturelle,
ou encore le centre
national et les 28 centres régionaux des œuvres universitaires scolaires,
dont la mission est de favoriser et d’améliorer les conditions de vie et de
travail des étudiants.
Cette évolution des moyens résulte tout d’abord de l’accroissement
des
effectifs budgétaires
, avec 42 300 emplois supplémentaires créés
entre 1990 et 2001 (+ 41 %). Les personnels enseignants (enseignants-
chercheurs,
hospitalo-universitaires,
personnels
du
second
degré,
personnels contractuels) connaissent l’évolution la plus significative,
puisque le nombre des emplois correspondants inscrits au budget est
passé de 55 380 en 1990 à 80 140 en 2001 (+ 45 %). Les effectifs
budgétaires des non-enseignants (filières administratives et techniques,
personnels des bibliothèques et des œuvres universitaires et scolaires)
s’établissent en 2001 à 56 100, contre un peu moins de 43 000 en 1990
(soit + 30 %). Ces créations d’emplois, conjuguées avec la stabilisation
228
C
OUR DES COMPTES
que connaissent, depuis la rentrée universitaire 1996, les effectifs
étudiants, ont permis d’augmenter de façon sensible l’encadrement
pédagogique et administratif dans les établissements d’enseignement
supérieur.
Taux d’encadrement en enseignants et non enseignants
Années
1989
1991
1993
1995
1997
1999
2000
Taux d’encadrement
enseignant
20,83
22,45
22,15
22,67
20,85
19,38
19,03
Taux d’encadrement
IATOS
27,89
31,40
32,78
33,83
30,93
29,20
28,74
Source : ministère de l’éducation nationale
Les taux correspondants (ratios entre le nombre d’étudiants et le
nombre d’emplois en personnel enseignants et non-enseignants), après
s’être fortement dégradés entre 1985 et 1995, du fait d’une démographie
étudiante en forte croissance, connaissent à présent une évolution
nettement plus favorable, même s’ils demeurent inférieurs à ceux
constatés en moyenne dans les pays de l’OCDE (voir annexe n° 2). On est
ainsi passé d’un emploi d’enseignant pour 22,7 étudiants et d’un emploi
IATOS
79
pour 33,8 étudiants en 1995-1996 à respectivement 19 et 28,7 à
la rentrée universitaire 2000.
L’évolution du budget de l’enseignement supérieur se caractérise
également par le poids grandissant des crédits consacrés à
l’action
sociale
. En euros constants, le montant des dotations correspondantes est
passé de 0,7 Md€ en 1990 à 1,6 Md€ en 2001. Les crédits d’action sociale
ont ainsi été multipliés par deux et leur part relative atteint à présent 19 %
du budget contre seulement 15 % dix ans auparavant. Ces crédits sont
constitués, à hauteur de 80 %, par les aides directes, c’est-à-dire les
bourses et les secours d’études versés aux étudiants.
Les aides aux étudiants
Les aides sociales dont bénéficient les étudiants, soit au titre de
politiques spécifiques, soit au titre de la protection sociale, forment un
ensemble très composite de prestations dont le financement public
constitue le seul dénominateur commun. Les chiffres présentés ci-après
sont ceux de l’année 2000, afin d’en permettre l’agrégation.
79) Ingénieurs, administratifs, techniciens et ouvriers de service
L
ES DÉFIS
229
Les crédits de
bourses
inscrits au budget du ministère de
l’éducation nationale ont été multipliés par 2,5 durant la dernière décennie.
Ils atteignent 1,20 Md€ en 2000. Le système des bourses a été diversifié :
aux bourses sur critères sociaux traditionnelles ont été ajoutées les
allocations d’études, destinées aux étudiants non boursiers en situation de
précarité ; des bourses sont en outre octroyées sur critères universitaires :
bourses de troisième cycle, bourses d’agrégation, bourses de service
public, bourses de mérite. D’autres ministères participent à l’aide sociale
aux étudiants, notamment par l’allocation de bourses, pour un montant de
152,85 M€ en 2000.
Le ministère de l’éducation nationale finance en outre les
interventions des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaire
(
CROUS
), principalement en matière d’hébergement et de restauration, à
hauteur de 275 M€.
Les
aides au logement
correspondent à deux prestations légales
bénéficiant notamment aux étudiants à hauteur de 780 M€ pour
l’allocation de logement social (ALS) et de 780 M€ pour l’allocation
personnalisée de logement (APL), cette dernière étant financée à parts
égales par l’Etat et par le fonds national des prestations familiales.
Plusieurs
aides fiscales
concernent les étudiants. La poursuite
d’études ouvre droit à une réduction d’impôt pour frais de scolarité dont le
coût s’établit à 162,97 M€. La majoration du quotient familial jusqu’à
25 ans est également liée à la poursuite d’études (sinon l’âge limite du
rattachement au foyer fiscal est 21 ans). Il existe également une majoration
du quotient familial pour enfant majeur et des déductions pour pensions
alimentaires qui peuvent concerner des étudiants. Le coût de la majoration
de quotient familial concernant les étudiants est estimée à 1 Md€.
En matière de
protection sociale
, le déficit du régime de sécurité
sociale étudiant est pris en charge par le régime général qui finance ainsi le
solde
constaté entre les cotisations versées par les étudiants et les
prestations qui leur sont versées, soit 370 M€ en 2000. Enfin, les
prestations familiales peuvent concerner des enfants étudiants dès lors
qu’ils ont moins de 21 ans. Elles peuvent être estimées à 1,83 Md€.
Les
collectivités locales
contribuent au financement de certaines
mesures, mais leur volume n’est pas connu. Les fonds d’aide à la vie
étudiante (FAVE) dans les
universités
contribuent à des actions
collectives, mais aussi à des aides individuelles d’urgence.
Le volume total des aides versées aux étudiants est donc difficile à
déterminer avec précision, faute d’individualisation de cette catégorie de
population dans certains dispositifs, notamment d’aides à la famille. Il
peut, sous ces réserves, être estimé à 6,4 Md€ pour l’année 2000.
230
C
OUR DES COMPTES
Les
dépenses
d’investissement
ont
également
connu
une
progression soutenue au cours de la dernière décennie (+ 70 % en euros
constants). Cette progression s’inscrit dans le cadre des efforts de
rénovation et d’extension du patrimoine universitaire entrepris depuis une
dizaine d’années. Le plan Université 2000, dont l’objectif était de pallier
le déficit en locaux universitaires, dans un contexte de forte croissance
des effectifs étudiants, a permis ainsi la construction, entre 1991 et 1999,
d’environ 3 500 000 m² d’implantations nouvelles. Le plan « Université
du troisième millénaire » (U3M) qui lui a succédé, s’inscrit quant à lui
dans un contexte démographique différent et privilégie une approche plus
qualitative :
renouvellement
des
équipements,
modernisation
des
infrastructures, mise en sécurité des établissements, amélioration des
conditions de travail des étudiants, etc.
Le budget de l’enseignement supérieur comporte enfin l’ensemble
des dotations que le ministère de l’éducation nationale verse aux
établissements dont il assure la tutelle. Ces dernières représentent, en
2001, un total de 1,5 Md€. Elles sont constituées, à hauteur de deux tiers,
par les
subventions de fonctionnement
liées aux activités d’enseignement
et aux fonctions logistiques et administratives. A ces dotations s’ajoutent
les crédits d’équipement destinés à la recherche universitaire (18 % des
dotations), les crédits de maintenance et de mise en sécurité (13 %) et
enfin de façon plus marginale les financements destinés au premier
équipement des établissements (3 %). La répartition de ces différents
moyens s’effectue soit dans le cadre de la politique contractuelle
80
entre
les établissements et l’administration centrale, soit en fonction d’un
modèle dont les critères visent à mesurer les besoins théoriques en
emplois et en crédits de fonctionnement : le système SANREMO
(système analytique de répartition des moyens).
L’analyse de la situation financière et comptable de l’ensemble des
établissements universitaires montre que ces différents financements
représentent en moyenne 51 % de leurs ressources. En ajoutant à ces
financements les subventions en provenance d’autres ministères ou des
collectivités territoriales, la part des ressources publiques dans les
comptes des établissements atteint 63 %, ce qui correspond à un ratio
d’autonomie financière
81
de 37 %. Les établissements d’enseignement
supérieur apparaissent ainsi fortement dépendants du financement d’Etat.
En outre, ce constat ne prend en compte que les seuls crédits budgétaires
qui transitent dans les comptes des établissements. Si l’on intègre les
80) Les dotations contractuelles recouvrent la quasi-totalité des subventions de
maintenance et d’équipement et environ 15 % des subventions de fonctionnement,
elles s’élevaient, en 2000, à un peu plus de 0,5 Md€.
81) Rapport des ressources propres sur les ressources totales
L
ES DÉFIS
231
rémunérations des personnels enseignants et non enseignants qui figurent
au budget de l’enseignement supérieur, l’Etat assure en réalité prés de
83 % de l’ensemble des moyens mis à disposition des établissements.
C
La multiplication des sites d’enseignement
supérieur
L’organisation
territoriale
de
l’enseignement
supérieur
se
caractérise par une très grande dispersion de l’offre de formation, puisque
l’on compte, hors Ile-de-France, plus de 570 implantations différentes.
Ces sites
82
peuvent être classés en fonction de la nature des formations
(universitaires ou non universitaires) qui y sont offertes.
Les sites d’enseignement supérieur universitaire (161 au total)
correspondent :
-
soit au siège d’une ou plusieurs universités. Ce sont d’une part
les métropoles universitaires académiques et d’autre part les
sites sièges d’universités créées ultérieurement ;
-
soit aux antennes universitaires qui correspondent à la
localisation, hors du site siège de l’université de rattachement,
d’une ou plusieurs formations ;
-
soit aux implantations des départements d’IUT ;
-
soit enfin aux sites où l’IUFM, qui a succédé à l’ancienne
école
normale
d’instituteurs,
est
la
seule
formation
universitaire.
Les plus importants de ces sites sont composés de plusieurs
universités qui restent souvent marquées par les conflits et les rivalités qui
ont présidé à leur naissance et qui les ont amenées à développer des offres
de formation peu coordonnées, voire concurrentes. Les difficultés
d’extension immobilière liées à la rareté des espaces fonciers disponibles
et l’éclatement des locaux entre de multiples implantations sont d’autres
traits qui renforcent le cloisonnement de ces pôles universitaires.
Quant aux sites d’enseignement supérieur non universitaires, au
nombre d’environ 410, il s’agit principalement des sections de
techniciens supérieurs et des classes préparatoires aux grandes écoles, qui
relèvent des établissements scolaires du second degré.
82) Un site d’enseignement supérieur est une unité géographique (commune ou
agglomération au sens de l’INSEE), où est offerte une formation supérieure, quelque
soit l’établissement (lycée, école, université, …) ou la nature de la formation.
232
C
OUR DES COMPTES
La multiplication des implantations, amorcée depuis les années
1970 avec notamment le développement des IUT, a permis d’améliorer
très nettement l’accessibilité géographique aux formations universitaires.
Aucun point du territoire métropolitain n’est désormais à plus de 150 km
d’une ville siège d’une université et cette distance est encore réduite si
l’on tient compte de l’existence des antennes délocalisées. Les sites
universitaires créés pour rééquilibrer l’offre de formation en dehors des
métropoles académiques, accueillent aujourd’hui près de 17 % de la
population étudiante de province. La création des universités nouvelles
dans le cadre du plan Université 2000 (U2000) a complété ce dispositif et
désormais la quasi-totalité des unités urbaines de plus de 100 000
habitants est le siège d’une université.
En dépit de ce maillage souvent très dense, la population étudiante
reste toutefois largement concentrée. L’Ile-de-France et les grandes
métropoles académiques regroupent ainsi près de 80 % des effectifs
universitaires (respectivements 26 % et 52 %), quant aux formations
situées en dehors des sièges d’université, elles accueillent moins de 10 %
des étudiants.
Les phénomènes de concentration restent cependant nettement
différenciées selon les types de formation. S’agissant des IUT, la
politique menée dans le cadre du plan U2000, puis poursuivie dans le
contrat de plan suivant, a fortement privilégié le développement des
instituts universitaires dans les villes moyennes. En dehors des sièges
d’universités, on dénombre aujourd’hui 82 sites d’implantations d’IUT,
représentant 28 % des effectifs provinciaux inscrits dans cette filière. Les
STS se sont développées parallèlement aux IUT, mais selon un maillage
beaucoup plus diffus qui concerne toutes les villes moyennes et parfois
même des villes de taille beaucoup plus modeste.
Les formations d’ingénieurs sont principalement implantées dans
les régions à vocation industrielle traditionnelle (Lorraine, Franche-
Comté), les régions spécialisées dans les industries de pointe (Midi-
Pyrénées,
Rhône-Alpes)
ou
dans
celles
qui
ont
bénéficié
de
délocalisations (Bretagne, Poitou-Charente). Il convient également de
souligner la très forte concentration des formations non universitaires
d’ingénieurs en Ile-de-France (34 % des effectifs). Le système des écoles
d’ingénieurs reste néanmoins peu structuré : 70 % des établissements
comptent moins de 300 étudiants, avec des flux annuels inférieurs à 100.
Les initiatives des collectivités locales ont largement contribué à cet
éparpillement, pour assurer les formations de cadres dont les entreprises
régionales pouvaient avoir besoin mais également pour éviter l’exode
vers les grandes métropoles universitaires. La multiplication des
établissements de petite taille rend ces formations souvent peu
L
ES DÉFIS
233
identifiables, tant pour les étudiants, que pour les milieux professionnels.
Leur étroitesse constitue en outre un frein à l’ouverture internationale, au
développement de la recherche, et induit des surcoûts financiers inutiles.
Un exemple de création de site d’enseignement supérieur
Un département a pris une part active à la création d’une école
supérieure dans le domaine de l’électronique. L’objectif était de
développer un potentiel de formation technique au chef lieu du
département susceptible de répondre aux besoins des entreprises locales.
Le financement a été partagé avec la région, la communauté de communes
et la chambre de commerce de l’industrie.
Les locaux ont été conçus pour accueillir 450 étudiants et des
équipes de recherche. Sept ans après l’ouverture de l’école supérieure, cet
effectif n’a jamais été atteint (maximum de 336 étudiants en 2000).
Alors que l’école avait été créée pour répondre aux besoins de
qualification des entreprises locales, seuls deux des 28 premiers diplômés
de l’école ont trouvé un emploi dans le département.
Quant aux antennes universitaires, c’est-à-dire les formations
délocalisées en dehors des sièges d’université, elles constituent un
ensemble très hétérogène. Leur fréquentation est en outre très inégale et
varie de moins de 20 à plus de 3 000 étudiants.
Cet essaimage des structures d’enseignement supérieur sur
l’ensemble du territoire national n’a pas toujours procédé d’une démarche
rationnelle et le maillage actuel résulte plus d’une accumulation de
décisions successives que d’un développement véritablement coordonné
des formations. Le découpage des universités, à la suite de la loi de 1968,
a par ailleurs obéi à des critères disciplinaires ou politiques, qui ont
conduit, sur un même site, à la création d’établissements jaloux de leur
indépendance, et ayant accumulé des formations parfois similaires et
souvent concurrentes.
D
La question des antennes délocalisées
Dans un contexte marqué par l’implication financière croissante
des collectivités locales et où la création d’une structure d’enseignement
supérieur apparaît comme un moyen de développement économique, mais
également comme un élément de notoriété locale, les universités n’ont
pas toujours été en mesure de résister à la pression des élus locaux. La
234
C
OUR DES COMPTES
stabilisation, voire le recul des effectifs étudiants, leur forte mobilité et la
nécessaire ouverture des établissements sur l’espace européen posent
aujourd’hui la question de l’existence et du devenir de nombreuses
structures, implantées dans des villes de dimension moyenne et qui, faute
d’atteindre la taille critique, apparaissent aujourd’hui fragilisées.
Cette situation est illustrée par le développement qu’ont connu,
durant la dernière décennie, les antennes universitaires délocalisées.
Répondant en partie à la nécessité de faire face à l’accueil massif des
étudiants, ce développement n’a pas été régi par un souci suffisant de la
pertinence des implantations, au regard des besoins de formations,
comme de la démographie universitaire. Bien que le seuil minimal pour
l’ouverture de ces structures ait été fixé à 1000 étudiants potentiels lors
du comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT) du
3 octobre 1991, cette norme est loin d’avoir été respectée dans la grande
majorité des sites. En 1993-1994, sur les 51 antennes alors existantes,
seules onze présentaient des effectifs égaux ou supérieurs à 1 000
étudiants. En 1996-1997, sur 53 antennes hors IUT, seules sept
dépassaient ce seuil alors que quinze d’entre elles comportaient un
effectif compris entre 34 et 200 étudiants. Ce sous-effectif n’a pas été
surmonté depuis lors et, à ce jour, de nombreuses implantations
connaissent des baisses continues de leurs effectifs, particulièrement dans
les formations universitaires longues : si les sites délocalisés accueillent
plus du quart des étudiants préparant un DUT, ils accueillent moins de
4 % des inscrits dans ces formations longues, essentiellement dans les
premiers cycles.
Les antennes universitaires présentent donc rarement des cursus
complets de formation et se caractérisent fréquemment par l’absence de
second ou de troisième cycles, ce qui oblige les étudiants qui entendent
poursuivre leurs études à gagner les sièges universitaires. En outre, la
complémentarité géographique des enseignements dispensés dans ce type
de structures n’est pas toujours assurée, avec dans certaines zones la
juxtaposition
de
formations
identiques
ou
comparables.
Cette
juxtaposition contribue à la désaffection des étudiants lorsque les
formations proposées sont en concurrence avec celles qui sont dispensées
au siège de l’université voisine. Enfin, les antennes délocalisées ne
bénéficient pas toujours d’un environnement favorable, qu’il s’agisse de
l’accès aux ressources documentaires, de la recherche universitaire ou
encore de la satisfaction des besoins de la vie étudiante (restauration,
hébergement, moyens de transport vers des campus parfois situés en
périphérie des agglomérations).
Le fonctionnement de ces antennes entraîne, par ailleurs, des coûts
de structure importants, comparés à ceux des composantes centrales des
L
ES DÉFIS
235
universités. Ce surcoût global est encore accru par une utilisation
extensive
des
espaces,
résultant
de
constructions
souvent
disproportionnées par rapport aux effectifs accueillis. En ce qui concerne
la gestion des personnels, les antennes délocalisées disposent de moyens
en retrait par rapport aux universités de rattachement, ce qui se traduit par
un faible encadrement administratif et par des solutions peu satisfaisantes
s’agissant
des
personnels
enseignants.
Pour
surmonter
le
sous-
encadrement, des politiques diversifiées ont été mises en œuvre par le
recours à un personnel précaire et à des agents des collectivités locales ou
du milieu associatif. Ces politiques, qui s’avèrent essentiellement
palliatives, ne peuvent à l’évidence constituer des solutions durables pour
répondre aux besoins d’accueil et de suivi des étudiants. Il convient
également de souligner les difficultés que rencontrent les universités pour
attirer les enseignants dans ces structures, compte tenu de leur manque
d’attrait, de leur éloignement des métropoles régionales et de la faiblesse
des structures de recherche qu’elles abritent. Afin d’inciter les
enseignants à venir néanmoins y exercer, la plupart des universités ont
mis en place des systèmes coûteux et de plus irréguliers de
« surrémunérations »,
sous
forme
d’heures
complémentaires
d’enseignement, en réalité fictives, venant compenser le temps perdu et
les frais occasionnés dans les déplacements.
Le développement des antennes délocalisées a favorisé l’accession
aux études universitaires de populations nouvelles en permettant un
recrutement de proximité et en diversifiant l’origine socio-économique
des étudiants. Ce développement, malgré ses aspects positifs, a cependant
conduit à une dissémination des sites d’enseignement supérieur qui
apparaît aujourd’hui préjudiciable, tant du point de vue pédagogique que
du point de vue financier. Les difficultés que rencontrent certaines de ces
structures sont la manifestation d’une saturation de l’offre de formation.
Dans un contexte nouveau de stabilité des effectifs, la politique de
délocalisation de l’enseignement supérieur semble aujourd’hui avoir
atteint ses limites.
II
Trois nouveaux enjeux à affronter
La période de massification est désormais achevée et la pression
démographique à laquelle les structures de formation ont dû répondre
depuis une vingtaine d’années, ne constituera plus, dans les années à
venir, l’enjeu majeur de l’adaptation du système d’enseignement
supérieur. En revanche, les contraintes démographiques vont encore peser
sur le système de formation. D’abord, dans un contexte de stabilisation
236
C
OUR DES COMPTES
des effectifs d’étudiants, des évolutions fortement contrastées devraient
affecter leur répartition sur le territoire mais aussi entre filières de
formation, certaines ayant à faire face à des phénomènes d’engouement,
d’autres de désaffection. Par ailleurs, les effectifs d’enseignants-
chercheurs connaîtront, à court terme, des départs massifs à la retraite,
certaines disciplines risquant même de se retrouver en difficulté. Enfin la
mise en place d’un système européen de formation supérieure, organisé
selon une architecture différente de celle de la France, oblige à
d’importantes révisions des cursus.
A
La stabilisation des effectifs
Les prévisions à dix ans réalisées par le ministère de l’éducation
nationale montrent que la légère croissance des effectifs, enregistrée en
2000, devrait se poursuivre jusqu’en 2004, à raison d’environ 5 000
nouveaux étudiants par an. Au-delà, la baisse du nombre de bacheliers,
estimée à - 5 % sur les dix prochaines années, devrait conduire à une
moindre progression des flux annuels d’entrée dans l’enseignement
supérieur.
Les
quatre
principales
filières
(formations
longues
universitaires, IUT, STS et CPGE) devraient compter, selon les différents
scénarios retenus, entre 7 000 et 30 000 étudiants supplémentaires à
l’horizon 2010. On est cependant très en deçà de l’expansion
démographique du début des années 1990.
S’agissant de la répartition des étudiants entre filières, les travaux
du ministère de l’éducation nationale prévoient un fléchissement de
l’accès aux premiers cycles universitaires au profit d’une croissance
accélérée des inscriptions dans les filières sélectives des IUT, des STS et
des CPGE. La diminution des premiers cycles pourrait être toutefois
compensée par un accès renforcé aux second et troisième cycles des
étudiants
issus
des
filières
professionnalisantes.
Les
évolutions
contrastées de l’accès aux diverses filières risquent de conduire à une
concurrence croissante entre les structures de formation.
1
La concurrence entre formations
Les prévisions d’effectifs étudiants du ministère de l’éducation
nationale prolongent, tout en les accentuant, les tendances actuelles de
l’enseignement supérieur où des effets de concurrence sont d’ores et déjà
perceptibles.
Le fléchissement de l’accès aux premiers cycles universitaires se
fait au profit des filières courtes orientées vers une préparation
L
ES DÉFIS
237
professionnelle. Au sein même des universités, d’importantes évolutions
des flux d’inscriptions peuvent être également relevées. Entre 1997 et
2000, seule la filière économique connaît une progression. A l’afflux des
inscriptions dans le secteur de l’éducation physique et sportive (filière
STAPS) s’oppose une forte diminution des inscriptions dans les
disciplines scientifiques. Les effectifs inscrits en sciences humaines
décroissent également.
Ces évolutions contrastées reflètent un comportement nouveau des
étudiants, sans doute plus pragmatiques que par le passé. Soucieux d’un
accès rapide à un métier préparé dans les filières courtes, ils délaissent les
cursus universitaires traditionnels. Y compris dans ces derniers, ils
privilégient les filières dont les débouchés professionnels leur paraissent
mieux assurés, ce qui explique, par exemple, leur préférence pour les
formations en économie au détriment de celles en sciences humaines.
Dans un contexte de stabilisation globale des effectifs, les
évolutions des flux étudiants entre filières de formation sont massives et
rapides. Au cours de ses contrôles, la Cour a ainsi constaté qu’une
université de l’Est a, en l’espace de trois années, perdu 10% de ses
effectifs. Elle a également relevé deux universités de taille moyenne qui,
au cours des dernières rentrées, ont perdu plus de 1000 étudiants dans
leurs filières littéraires.
De fait, les redéploiements d’effectifs étudiants entre les structures
de formation suscitent une concurrence entre les établissements. La
proximité territoriale des STS et d’IUT qui offrent souvent des formations
techniques analogues sinon identiques, fait que certains sites connaissent
d’ores et déjà des difficultés pour attirer des étudiants en nombre
suffisant. C’est notamment le cas des implantations situées en dehors des
zones à forte concentration urbaine ou des antennes délocalisées, jugées
peu attractives par les étudiants.
Aussi les évolutions en cours de la répartition des étudiants
mettent-elles
en
lumière
les
limites
du
maillage
territorial
de
l’enseignement supérieur qui n’a pas toujours été suffisamment maîtrisé
au moment de sa constitution. Créés en 1966, les IUT devaient
originellement remplacer les STS. Les deux types de formation ont été
maintenus, donnant lieu à des implantations concurrentes. De même,
comme on l’a déjà montré, les décisions de création d’antennes
universitaires délocalisées n’ont pas toujours été inspirées par le souci
d’accueillir des effectifs viables.
238
C
OUR DES COMPTES
2
Des réactions encore limitées
Les évolutions rapides de la répartition des étudiants posent aux
gestionnaires de l’enseignement supérieur la question d’une adaptation
permanente de leur offre de formation. L’exercice est, il est vrai, délicat,
car ils doivent réguler la répartition des étudiants, ce qui n’est pas aisé en
raison du principe de libre inscription dans les formations d’enseignement
supérieur, hormis dans le cas des formations soumises à une sélection
préalable. Ils doivent également accompagner les évolutions des effectifs
d’étudiants en redéployant les moyens d’enseignement entre filières et en
modifiant la structure des formations pour fermer celles qui sont
délaissées par les étudiants. Le cas des universités est éclairant des
difficultés de mise en œuvre d’une telle politique.
D’une
année
sur
l’autre,
rares
sont
les
universités
qui
accompagnent
l’évolution
de
leurs effectifs
d’étudiants
par
des
changements d’affectation des enseignants-chercheurs et des transferts de
postes entre filières.
Les révisions qui concernent la nature et le nombre des diplômes,
sont tout aussi rares, voire inexistantes. Sur un échantillon de dix-huit
universités, la Cour a constaté que seules trois d’entre elles ont procédé
entre les rentrées 1997 et 2000 à des suppressions de diplômes, au
demeurant dans des proportions modestes puisque l’université à cet égard
la plus active n’a fermé que trois formations. La plupart des universités
pratiquent même une politique inflationniste : tout en ouvrant de
nouvelles formations, elles ne ferment pas pour autant les formations
désertées. Parmi l’échantillon d’universités étudié par la Cour, un
établissement francilien a ainsi été habilité pour 25 diplômes nationaux et
a créé 77 diplômes universitaires entre 1997 et 2000 alors même que ses
effectifs d’étudiants ont baissé de 3 %. Y compris pour des diplômes qui
concernent des secteurs scientifiques obsolètes ou dont les effectifs n’ont
jamais dépassé dix inscrits, les formations sont généralement maintenues.
Enjeu décisif pour certains établissements dont les perspectives de
développement sinon la pérennité sont incertaines, les évolutions des flux
d’étudiants constituent tout autant un enjeu national. La difficulté des
redéploiements d’emplois d’enseignants entre filières ainsi que la réaction
de fuite en avant de nombreuses universités qui ouvrent de nouvelles
formations pour attirer des étudiants, induisent des coûts qui ne sont pas
nécessairement justifiés par une amélioration du service rendu.
L
ES DÉFIS
239
B
Le renouvellement des corps enseignants
Les travaux menés depuis 1998 par le ministère de l’éducation
nationale
montrent
que
le
corps
professoral
des
établissements
d’enseignement
supérieur
public
devra
être
renouvelé
dans
des
proportions importantes. Cette évolution, qui offre au ministère une
opportunité pour conduire une réflexion sur les besoins de recrutement de
l’enseignement supérieur, comporterait un grave risque d’inadaptation de
l’offre à la demande de formation si elle n’était pas anticipée.
Les projections ministérielles publiées en juin 2002 montrent que,
d’ici 2011, 49,3 % des professeurs d’université partiront à la retraite, soit
une moyenne de 860 départs par an. Certaines disciplines seront
particulièrement concernées avec, par exemple, 61,1 % de départs en
lettres, 56,3 % en odontologie ou 52,3 % en sciences.
Pour faire face à ces départs, des recrutements devront être opérés
parmi les maîtres de conférences. Sans doute, ce corps, plus jeune que
celui des professeurs d’université, connaîtra-t-il des départs à la retraite
moins importants, estimés à 25,8 % des effectifs ; mais les prélèvements
qui y seront opérés pour assurer le renouvellement du corps des
professeurs devront nécessairement être compensés par de nouveaux
recrutements. La question réside donc dans la capacité de l’enseignement
supérieur à constituer un vivier suffisant de futurs maîtres de conférence,
titulaires d’un doctorat.
Les besoins de recrutement sont massifs comme l’ont montré les
projections du ministère publiées en 1998. Ces travaux soulignaient que,
toutes choses égales par ailleurs, les départs à la retraite devraient induire
un besoin de plus de 20 000 recrutements d’ici 2010. Le besoin annuel de
renouvellement des corps d’enseignants-chercheurs, alors estimé à 1 348
pour l’année 2000 et à 2 135 pour l’année 2008, devrait donc s’accroître
au cours de la décennie. Certes l’enseignement supérieur assure
actuellement la formation d’un nombre suffisant de titulaires de doctorats
pour répondre globalement à ce besoin : 9 500 doctorats ont été délivrés
en 1999. Il n’est pourtant pas assuré que ce vivier soit à même de
répondre aux besoins de certaines spécialités, notamment dans les
secteurs scientifiques et médicaux. Des disciplines telles que la chimie et
l’odontologie risquent également d’être confrontées à une pénurie de
candidats aux fonctions d’enseignants-chercheurs.
Par
ailleurs,
les
départs
prévus
d’enseignants-chercheurs
constituent un risque pour le fonctionnement des établissements car ils
affectent l’exercice de leurs missions tant dans l’enseignement que dans
la recherche scientifique. Face à un tel risque, une alternative s’ouvre au
240
C
OUR DES COMPTES
ministère de l’éducation nationale, qui n’a encore fait l’objet que de
réflexions préliminaires.
La première option envisagée par le ministère serait d’opérer une
anticipation simultanée des besoins de recrutement dans l’enseignement
et la recherche. D’ores et déjà, des scénarios ont été élaborés. Leur
objectif est de tirer parti des départs d’enseignants-chercheurs pour
renforcer la recherche dans des secteurs jugés prioritaires, notamment
dans les sciences et technologies de l’information et de la communication
ou les sciences du vivant et de l’environnement. Cette option fait l’objet
de débats avec le ministère des finances car, selon les esquisses
disponibles, ce lissage ne pourra pas être opéré à nombre d’emplois
budgétaires
constant.
Il
nécessiterait
la
création
d’emplois
supplémentaires, en raison de dynamiques de départs qui varient selon les
disciplines.
Une option alternative consisterait à dissocier les besoins de
recrutement de l’enseignement de ceux de la recherche, ce qui
nécessiterait une révision du statut actuel des enseignants-chercheurs.
Cette perspective, qui pourrait conférer davantage de souplesse aux
futures politiques de recrutement, n’a pas encore fait l’objet de véritables
réflexions au sein du ministère de l’éducation nationale.
En tout état de cause et quels que soient les scénarios retenus, ils
ne pourront être approfondis que s’ils s’appuient sur des outils de gestion
prévisionnelle performants qui font aujourd’hui défaut (voir chapitre VII).
C
L’émergence de l’espace européen d’enseignement
supérieur
La rencontre des ministres européens de l’enseignement supérieur
à la Sorbonne en 1998 a jeté les bases d’un espace européen
d’enseignement supérieur. L’objectif poursuivi était de mettre en
cohérence les cursus de formation des différents pays afin d’accroître la
mobilité des étudiants, de développer les échanges scientifiques et de
faciliter la reconnaissance des diplômes.
A l’évidence, un tel chantier constitue une chance pour
l’enseignement supérieur français. La dimension de plus en plus
internationale de la recherche scientifique, la nécessaire émulation entre
établissements et enseignants par delà les frontières et la valorisation des
diplômes sur le marché européen constituent autant de données
déterminantes pour l’évolution de l’enseignement supérieur, que les
responsables français ne peuvent négliger. La mise en œuvre d’un espace
européen d’enseignement supérieur nécessite toutefois de modifier
L
ES DÉFIS
241
profondément l’architecture du système français de formation. En effet,
les principes sur lesquels celui-ci est bâti, sont éloignés de ceux qui ont
été fixés à l’échelle européenne.
Les responsables français ont très vite pris la mesure de ces enjeux
puisque, dès l’année 1999, ont été lancées des initiatives qui ont abouti à
la publication du décret du 8 avril 2002 portant application au système
français de la construction de l’espace européen de l’enseignement
supérieur. La réforme engagée présente toutefois de nombreuses
ambiguïtés.
1
Les particularités des cursus français
Le cursus de formation supérieure arrêté à l’échelon européen a
prévu une formation en deux cycles : un premier de trois années, un
second de deux années. L’enseignement supérieur français présente une
organisation différente car les deux premiers cycles universitaires durent
chacun deux années et s’étendent donc non sur cinq mais sur quatre
années : d’une part, deux années de niveau DEUG, d’autre part, une
année de licence et une année de maîtrise. Adopter l’organisation du
cursus européen, à la fois, nécessite de mettre en cause le DEUG et ses
homologues ainsi que la maîtrise et oblige à créer une cinquième année
de second cycle.
Par ailleurs, dans le système européen, les diplômes correspondent
à des quotités de formation qui sont comptabilisées en crédits
capitalisables et transférables, sous le sigle ECTS. Ces derniers valorisent
un parcours de formation qui peut être très différencié : enseignements
traditionnels, travail individuel, stages, etc. Les diplômes sont obtenus au
terme de « parcours de formation » dont le contenu peut varier d’un
établissement à l’autre et dont les dominantes sont précisées par des
mentions. Ce nouveau mode de formation remet en cause l’organisation
des cursus français sur deux points.
D’une part, si les études universitaires françaises sont depuis 1997
organisées en semestres durant les années de DEUG, l’année universitaire
reste une référence centrale pour l’enseignement supérieur. Elle permet
notamment des procédures de capitalisation et de compensation des notes
en fin d’année universitaire. Ces procédures auxquelles les étudiants et
leurs syndicats sont très attachés, diffèrent radicalement des parcours de
formation prévus à l’échelle européenne. La conciliation de ces deux
conceptions est délicate, même si elle n’en apparaît pas moins comme un
impératif si l’on veut garantir la mobilité des étudiants et la
reconnaissance des diplômes.
242
C
OUR DES COMPTES
D’autre part, les diplômes français sont cloisonnés par disciplines.
Les textes réglementaires définissent des contenus d’enseignement précis
la
pluridisciplinarité
n’a
qu’une
place
restreinte.
Une
telle
spécialisation va à l’encontre de la conception européenne des parcours
de formation. S’adapter à cette conception remet donc en question la
définition réglementaire des diplômes, voire la notion même de diplôme
national telle qu’elle prévaut traditionnellement en France.
En
définitive,
adopter
les
conceptions
et
les
principes
d’organisation de l’espace européen d’enseignement supérieur oblige à
d’importantes révisions qui concernent certes les universités, mais
également l’ensemble des filières de formation supérieure.
2
L’adaptation au système européen
En avril 2002, le ministère de l’éducation nationale a publié un
ensemble de textes pour adapter l’enseignement supérieur au modèle
européen. Ces derniers, d’une grande complexité, témoignent des
difficultés de l’exercice mais également des hésitations du ministère.
Aussi les réformes engagées laissent-elles subsister de nombreuses
ambiguïtés et leur mise en œuvre risque d’introduire le plus grand
désordre dans le déroulement des études universitaires.
a)
Mise en place du premier cycle européen
Le ministère de l’éducation nationale a créé un premier cycle de
trois années conforme au dispositif européen. Il a toutefois décidé de
maintenir le DEUG car, à ses yeux, le niveau bac + 2 conserve une
pertinence d’un double point de vue : à la fois, il offre aux étudiants la
possibilité de réorienter leurs études et leur ouvre, au terme d’une
formation courte, la perspective soit d’une insertion professionnelle, soit
d’un accès aux concours qui recrutent à ce niveau.
La pérennité du DEUG n’est pourtant pas assurée pour deux
raisons. D’une part, il ne constituera plus la fin d’un cycle puisque le
système européen porte à trois années la durée du premier cycle. D’autre
part, le faible contenu professionnel du DEUG actuel pourrait réduire
encore sa légitimité et sa valeur sur le marché de l’emploi.
Par ailleurs, l’organisation européenne en parcours de formation ne
se substitue pas, mais se superpose au dispositif actuel de la licence.
Comme le précise la réglementation, «
les parcours de formation doivent
poursuivre les objectifs définis par les diplômes existants, mais peuvent
en viser de nouveaux, soit au niveau de la licence, soit au niveau
L
ES DÉFIS
243
intermédiaire
». Les contenus d’enseignement définis par les textes
relatifs aux diplômes nationaux sont donc maintenus pour toutes les
formations relevant du dispositif traditionnel de la licence. Les modalités
de contrôle des connaissances définies en 1997 subsisteront également
pour la plupart des diplômes de licence. Celles qui s’appliqueront aux
nouveaux parcours de formation sont laissées à l’initiative des
établissements. La décision de faire coexister le dispositif de la licence
française et celui des parcours de formation laisse présager des difficultés
de fonctionnement et d’organisation des études dont la complexité risque
de devenir très malaisée à gérer.
b)
Mise en place du second cycle européen
Les nouveaux textes du ministère de l’éducation nationale ne
modifient pas le déroulement des études au-delà de la licence. La seule
nouveauté est l’introduction de parcours de formation analogues à ceux
ouverts dans le premier cycle.
Se pose toutefois le problème de la validation de la qualification
des étudiants de cinquième année à travers la vocation du master dont les
avatars traduisent à la fois une certaine réticence interne à réformer le
système des formations supérieures et les compromis auxquels le
ministère a de ce fait été contraint.
En 1999 avait été créé un grade de mastaire pour identifier, sous un
même intitulé, le niveau de qualification correspondant à la cinquième
année après le baccalauréat. Ce niveau d’études avait, en effet, donné lieu
à des dénominations diverses selon les universités et à des diplômes, tout
aussi divers, délivrés par les écoles d’ingénieurs ou de commerce, ce qui
en brouillait l’image, notamment à l’échelon international. Le mastaire
permettait donc d’assimiler les qualifications obtenues dans toutes les
structures délivrant une formation à bac+5. Vis-à-vis de l’étranger, il
offrait, en outre, une garantie de qualification de haut niveau tout en
facilitant la reconnaissance des diplômes.
Diplômes, titres et grades
Le
diplôme
sanctionne le déroulement des études dans un
établissement ou dans un domaine de formation spécifique. Les
diplômes
nationaux
sont protégés par une réglementation particulière qui fixe les
règles communes de poursuite des études et les conditions d’obtention. Le
respect des règles fixées est assuré par une procédure d’habilitation. Un
diplôme national confère les mêmes droits à tous ses titulaires, quel que
soit l’établissement qui l’a délivré. Les établissements universitaires
peuvent organiser en outre, sous leur responsabilité, des formations qui
244
C
OUR DES COMPTES
conduisent dans ce cas à des
diplômes universitaires
(DU). Les autres
établissements d’enseignement peuvent demander en contrepartie d’un
certain nombre d’obligations d’ordre pédagogique, à être reconnus par
l’Etat et ainsi à pouvoir délivrer des
diplômes visés
par l’Etat.
Le
titre
est conféré au titulaire de certains diplômes ; ses conditions
d’obtention sont protégées au titre du diplôme national qui le confère ou
par une procédure particulière dans le cas du titre d’ingénieur.
Le
grade
correspond à certains titres et diplômes : en l’occurrence,
le baccalauréat, la licence, le master et le doctorat. Ils correspondent
désormais aux principaux niveaux de référence de l’Espace européen de
l’enseignement supérieur.
Les
textes
parus
en
2002
conservent
l’avantage
d’une
dénomination unique, désormais orthographiée master, mais transforment
ce grade en diplôme national. Autrement dit, le master n’identifie plus, de
façon générique, un niveau de formation, ce qui était le cas du précédent
mastaire, mais valide un contenu de formation dont le programme fait
l’objet d’une procédure d’habilitation par le ministère de l’éducation
nationale. Ceci revient donc à exclure du champ du master les formations
qui ne font pas l’objet d’une telle procédure, autrement dit la plupart des
formations en cinq ans dispensées en dehors des universités. Pour éviter
cette éviction, des modalités d’habilitation complexes ont été mises en
place pour les diplômes qui ne sont pas délivrés par les universités,
notamment les diplômes d’ingénieurs et les diplômes des écoles de
commerce et des chambres de commerce et d’industrie. Mais on peut
émettre quelques doutes sur la pertinence et l’efficacité de ces nouvelles
procédures, dès lors que ces écoles bénéficieront d’un rayonnement plus
assuré en se reliant à des réseaux à l’étranger où elles obtiendront des
labels et des accréditations plus sûres que le bénéfice qu’elles pourraient
attendre du nouveau master.
A la différence d’un pays comme l’Italie qui s’est sans délai
conformé au dispositif européen d’enseignement supérieur, la France a
opté pour une adaptation progressive de son système de formation, sans
toutefois s’assigner d’échéance puisque le système antérieur peut
persister sans limitation de durée. Il résulte de cette indécision une
juxtaposition de dispositifs qui risque de constituer un frein à la mobilité
des étudiants, voire même de nuire au crédit international de
l’enseignement supérieur français. En outre, il est à craindre que seules
certaines universités, et donc certains étudiants, soient à même de tirer
profit des nouveaux dispositifs de formation. Enfin, des incertitudes
pèsent sur l’avenir des antennes délocalisées, qui, pour nombre d’entre
L
ES DÉFIS
245
elles, ne présentent que des premiers cycles non de trois mais de deux ans
(DEUG). Dès lors, ces structures vont se retrouver devant l’alternative de
devoir à terme disparaître ou d’adjoindre à leurs cursus une troisième
année d’études qui ne fera qu’accroître la dispersion de l’offre de
formation.
Ainsi,
en
entendant
maintenir
ses
pratiques
antérieures
parallèlement aux nouveaux cursus plutôt que de s’engager résolument
dans la mise en œuvre d’un modèle européen auquel il ne peut, en tout
état de cause, se soustraire, l’enseignement supérieur français se met en
danger à la fois de compromettre la maîtrise interne de son
fonctionnement et de réduire son rayonnement au plan international.
__________
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
_________
Quinze années d’efforts financiers soutenus ont permis à un
nombre de plus en plus important d’élèves de poursuivre leurs études, à
l’université ou dans d’autres formations supérieures. Mais la nécessité de
répondre très rapidement à une demande accrue a eu pour conséquence
de privilégier les opportunités plus que les choix raisonnés en termes
d’offre de formation. Ajoutées aux conflits qui avaient présidé à la
constitution d’universités séparées sur les sites universitaires lors des
deux décennies précédentes, ces initiatives ont conduit à une grande
dispersion territoriale, à laquelle aucune forme d’enseignement supérieur
n’a échappé. Dans le même temps, les formations se sont diversifiées, le
nombre de filières a augmenté très rapidement, les enseignements se sont
professionnalisés.
Or, à peine atteint un palier lié à la stabilisation des effectifs,
l’enseignement supérieur doit envisager une nouvelle adaptation. La
stagnation globale de ses effectifs correspond à des évolutions erratiques
selon les sites ou les filières. La perspective du départ en retraite de
nombreux enseignants introduit un aléa de plus dans la gestion de
l’enseignement supérieur. L’obligation d’entrée dans le concert européen
bouscule une organisation traditionnelle.
Les formations courtes, les universités prestigieuses et la plupart
des grandes écoles, d’une façon générale les établissements qui
s’identifient à un projet, ont jusqu’à présent tiré leur épingle du jeu. Les
premières victimes pourraient bien être certains petits sites universitaires
construits à partir de délocalisations de formations de niveau DEUG, qui
cumulent tous les handicaps et sont particulièrement fragilisés dans cette
triple perspective : faible capacité d’attrait sur les étudiants et les
enseignants, difficulté d’adaptation à l’allongement du premier cycle
246
C
OUR DES COMPTES
universitaire et à la dévalorisation de fait du DEUG. Mais les grandes
structures de formation pourraient tout autant en être déstabilisées, si
elles ne démontrent pas une capacité d’anticipation et de réorganisation
de leurs enseignements.
L’anticipation devient une obligation à laquelle l’enseignement
supérieur n’a jusqu’ici pas su répondre. La gestion prévisionnelle des
enseignants en est l’illustration la plus claire. Par ailleurs, des
redéploiements de personnel et de crédits doivent être effectués tant entre
établissements qu’entre leurs composantes. C’est à l’Etat, compte tenu de
son rôle de financeur et de pilote d’ensemble du dispositif, qu’il revient
d’assumer et de faire prévaloir dans les établissements ces démarches de
prospective et de gestion prévisionnelle.
Le ministère devrait aussi, et en premier lieu, indiquer l’objectif à
atteindre en matière de déroulement des études supérieures, en précisant
l’échéance de la mise en œuvre du « L/M/D » (licence, master, doctorat,
c’est-à-dire d’un déroulement des études en trois, cinq et huit ans) et en
affichant clairement l’avenir de certains diplômes qui ne sont plus le
terme des différentes phases de cette nouvelle séquence, au premier rang
desquels le DEUG. Car, si elle remet en cause l’organisation et le
déroulement des formations, la mise en place du schéma européen est
aussi un levier de modernisation et, surtout, la condition de la
compétitivité de notre enseignement supérieur.
247
Chapitre VII
L’organisation et le pilotage
248
C
OUR DES COMPTES
Que l’on considère son organisation, ses structures ou encore ses
procédures, le système français d’enseignement supérieur se caractérise
par une réelle complexité. En termes d’organisation des formations, cette
complexité est encore accentuée par les efforts réalisés pour adapter les
parcours et donner le maximum de chances à tous de mener à bien une
formation supérieure. L’administration centrale a quelque peine à imposer
des règles et des normes clarifiant les pratiques et lui permettant
d’assumer les fonctions très importantes qui lui sont dévolues par les
textes. Les universités ont, quant à elles, grandi, mais ont eu du mal à
s’affirmer en tant qu’établissements maîtres de leur projet.
I
Une organisation complexe
Traditionnellement composé d’établissements universitaires et
d’écoles, plus récemment marqué par une diversification rapide des
filières publiques, en particulier de celles à vocation professionnelle,
notre
système
d’enseignement
supérieur
s’avère
particulièrement
complexe.
A
Un système qui reste « dual »
Si les universités occupent une part encore prépondérante dans le
système d’enseignement supérieur, coexistent en France, depuis plus de
deux siècles, deux grandes catégories d’institutions de formation
supérieure
aux
modes
de
recrutement,
d’organisation
et
de
fonctionnement profondément différents : les universités et les « écoles ».
1
Un partage de territoire traditionnel en cours d’évolution
Le partage de territoire entre les écoles et les universités repose
principalement sur la distinction entre, d’un coté, des filières sélectives et
professionnelles dont la finalité, depuis la fin du dix-huitième siècle, est
de former les cadres de l’Etat et des entreprises et, de l’autre, des
formations plus académiques, ouvertes sans sélection préalable à tous les
bacheliers et débouchant, pour les meilleurs d’entre eux, sur l’exercice de
professions intellectuelles ou libérales.
Cette distinction toutefois n’est plus aussi nette et précise que par
le passé et aujourd’hui se dessinent des lignes de partage beaucoup plus
floues entre les différentes formations de l’enseignement supérieur.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
249
Ainsi, si des systèmes de sélection ont toujours existé à l’entrée des
écoles, les universités ont aujourd’hui de plus en plus recours à ce mode
de recrutement : c’est le cas réglementairement pour les IUT, pour les
licences professionnelles et pour les études de médecine, mais c’est aussi
le cas dans les écoles d’ingénieurs rattachées aux universités, ainsi que
dans les instituts universitaires professionnalisés (IUP). En outre, la
quasi-totalité des formations de troisième cycle universitaire accueille les
étudiants après sélection. Aujourd’hui, un nouvel entrant sur quatre à
l’université est ainsi inscrit dans une filière sélective.
La distinction entre les formations professionnelles et les
formations générales ou académiques devient par ailleurs de moins en
moins pertinente. Initialement les écoles d’ingénieurs et de commerce,
créées à partir du 19
ème
siècle à l’initiative de quelques entrepreneurs,
n’entretenaient aucun lien avec les facultés et l’université laissait
entièrement aux professions le soin de former les futurs cadres de
l’industrie et du commerce
Depuis une trentaine d’années, cette situation a sensiblement
évolué. Nombre d’écoles d’ingénieurs ont rejoint le giron de l’université,
qui forme à présent un tiers des futurs ingénieurs. Les « écoles de
commerce » restent, il est vrai, extérieures au monde universitaire, mais
certaines filières d’économie orientées vers la gestion, comme par
exemple
les
instituts
d’administration
des
entreprises,
se
sont
progressivement développées au sein même des universités. D’autres
formations sont également gérées concurremment par les universités et
par d’autres institutions publiques : c’est le cas de plus en plus souvent
des études donnant accès aux différents métiers du travail social, mais
c’est aussi le cas de nombre de formations du domaine agricole et agro-
alimentaire. Enfin si l’université a laissé en dehors de son champ un
certain
nombre
d’écoles
professionnelles,
telles
que
les
écoles
d’architecture, il est difficile de déterminer
précisément les raisons
objectives qui s’opposent à une intégration de ces établissements,
d’autant que certaines filières universitaires tendent à s’en rapprocher.
250
C
OUR DES COMPTES
Les filières de l’enseignement supérieur
A la sortie du lycée, une palette de filières d’enseignement
supérieur s’offre théoriquement à chaque bachelier. Elles répondent
chacune à des objectifs différents et ont des modes de recrutement
spécifiques.
Les
formations supérieures courtes à finalité professionnelle
sont offertes dans les lycées en sections de techniciens supérieurs (STS) et
dans les universités, soit pour la préparation du diplôme d’études
universitaires scientifiques et techniques (DEUST), soit pour celle du
diplôme
universitaire
de
technologie
(DUT),
dans
les
instituts
universitaires de technologie qui leur sont rattachés. Des formations
supérieures
courtes
sont
également
proposées
dans
le
domaine
paramédical dans les écoles relevant du ministère de la Santé.
Les
formations supérieures longues spécialisées ou généralistes
sont offertes soit à l’université, soit dans les écoles.
L’enseignement universitaire s’étend du baccalauréat au doctorat et
est organisé en trois cycles. Le
premier cycle
est une formation en deux
ans débouchant sur le diplôme d’études universitaires générales (DEUG).
D’une durée de deux ans après le DEUG, le
deuxième cycle
est
sanctionné par la licence, puis par la maîtrise. Il existe des maîtrises à
finalité professionnelle : MST (sciences et techniques), MSG (sciences de
gestion) et MIAGE (informatique appliqué à la gestion).
Depuis 1991, il existe par ailleurs une filière professionnalisée
longue appelée
IUP
(institut universitaire professionnalisé). Les étudiants
y entrent en fin de première année de DEUG et obtiennent à l’issue de
trois ans la maîtrise d’IUP et pour certains le titre d’ingénieur-maître.
Le
troisième cycle
permet de se spécialiser et de se former à la
recherche. Il débouche soit sur le DESS (diplôme d’études supérieures
spécialisées à vocation professionnelle et assortie d'un stage en entreprise),
soit le DEA (diplôme d’études approfondies préparant au doctorat en trois
ou quatre ans). Un nouveau diplôme de troisième cycle, le DRT (diplôme
de recherche technologique) vient
compléter la palette des formations de
3
ème
cycle.
Les études de
santé
(médecine, pharmacie, odontologie) sont
également organisées en trois cycles, mais dont la durée varie selon les
disciplines. Enfin les étudiants souhaitant se diriger vers les carrières de
l’enseignement peuvent après l’obtention de leur licence solliciter leur
admission en IUFM (institut universitaire de formation des maîtres).
Les écoles scientifiques, commerciales ou littéraires
constituent
l’autre voie de l’enseignement supérieur long. Elles sélectionnent leurs
élèves par concours, sur titres ou sur dossier. Les écoles en cinq ans
recrutent au niveau du baccalauréat. Les écoles en trois ans recrutent à la
sortie des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ou de certaines
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
251
formations de niveau bac+2 (DEUG, DUT, BTS, etc.) mais aussi de
certaines licences ou maîtrises.
2
Des formations « de prestige » extérieures à l’université
Les formations de prestige restent cependant en grande majorité à
l’extérieur de l’université. Ceci ne signifie pas que ces formations ne
relèvent pas du secteur public. Nombre de formations d’ingénieurs sont
délivrées dans des écoles dépendant soit du ministère de l’éducation
nationale
soit
d’autres
ministères,
notamment
du
ministère
de
l’agriculture, soit des chambres de commerce et d’industrie. Les écoles
normales supérieures sont un autre exemple de la capacité du secteur
public à former les élites dans des circuits n’appartenant pas à
l’université, paradoxe d’autant plus surprenant qu’il s’agit de former des
cadres de l’enseignement et de la recherche… universitaires.
Au demeurant, c’est le système public et notamment le système
scolaire qui prépare aux concours de recrutement pour toutes ces écoles.
Les classes préparatoires aux grandes écoles ont longtemps été les seules
voies d’accès à ces écoles, qu’elles soient qualifiées de « grandes » ou
moins prestigieuses ; aujourd’hui les voies dites parallèles de recrutement
concernent un étudiant sur quatre des écoles d’ingénieurs, et ceux-ci
proviennent en quasi-totalité du premier cycle universitaire.
L’acceptation de ce système est générale. S’il est difficile
d’affirmer que les écoles ne recrutent que les meilleurs élèves, il est
possible d’affirmer sans se tromper qu’un grand nombre d’entre eux
choisissent ces types de formation ; l’excellence d’un établissement
scolaire se mesure en effet au nombre d’élèves admis dans les « prépas ».
Le fait que l’accès à ces écoles soit en général payant
83
, avec des tarifs
assez
élevés,
renforce
le
paradoxe
d’un
système
soucieux
de
démocratisation, mais maintenant des circuits privilégiés.
Le développement parallèle, voire accéléré de ces formations
extérieures à l’université soulève en fait toute une série de questions.
Aux écoles, il pose le problème de la reconnaissance internationale
pour celles d’entre elles qui offrent des formations de très haut niveau. La
nature et le niveau des qualifications acquises dans ces établissements,
83) Les droits d’inscription des écoles d’ingénieurs des CCI varient de 3 050 € à
4 570 €, ceux de l’école centrale des arts et manufactures à statut public sont
semblables à ceux d’une université : 379 € ; ceux des écoles de commerce dépendant
de la CCI se situent généralement aux alentours de 5 000 €, 6 000 € pour l’une d’entre
elles.
252
C
OUR DES COMPTES
dont les statuts sont souvent divers, ne correspondent en particulier à
aucun diplôme ou titre universitaire, ce qui rend difficile leur
identification par les universités étrangères. La formation d’ingénieurs
généralistes en cinq ans, au titre protégé, est ainsi une spécialité française
sans équivalent dans d’autres pays.
Aux universités, ce développement des formations extérieures pose
tout d’abord le problème de leur recrutement dans les deux premiers
cycles, puisque de nombreux « bons élèves » leur échappent. Il soulève
également la question de leur champ de compétence. Leur investissement
actuel dans le domaine des formations professionnelles se heurte en
particulier à la concurrence toujours forte des écoles, même si un grand
nombre de filières de troisième cycle (DEA et DESS) restent des cursus
d’excellence et drainent, à ce titre, des étudiants formés sans exclusive
dans tous les établissements, parfois en collaboration entre école et
université.
B
La diversité croissante des formations supérieures
Outre son organisation à dominante duale, qui nuit en partie à sa
lisibilité,
notre
système
d’enseignement
supérieur
se
caractérise
également par la diversité croissante des formations et des filières.
L’élévation du niveau général des connaissances et l’évolution du taux
d’accès au baccalauréat ont en effet conduit un nombre toujours plus
important de jeunes vers les formations de l’enseignement supérieur. Face
à cet afflux massif, qui s’est traduit en vingt ans par le doublement du
nombre
des
étudiants,
le
système
universitaire,
qui
dispensait
essentiellement un savoir académique ouvert sur les métiers de
l’enseignement et de la recherche, a été amené à faire évoluer et à
diversifier son offre de formation, tant en termes de contenu que
d’implantation géographique.
1
La professionnalisation des cursus
Afin de répondre au prolongement des études et aux besoins de
l’économie, les universités françaises se sont notamment engagées depuis
plusieurs années dans la voie d’une plus grande professionnalisation de
leurs formations. En 2000, 46 % des étudiants (universités et écoles)
étaient inscrits dans des formations professionnalisées, contre 54 % dans
des formations académiques. Dans les seules universités
stricto sensu
, ces
deux chiffres s’élèvent respectivement à 34 % et 66 %. En incluant les
disciplines de santé (médecine et odontologie), c’est désormais plus d’un
étudiant sur trois qui suit un cursus universitaire à caractère professionnel.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
253
La
création
de
nouvelles
écoles
d’ingénieurs,
d’instituts
universitaires
de
technologies
(IUT)
ou
d’instituts
universitaires
professionnalisés (IUP) et plus récemment des licences professionnelles a
ainsi conduit à modifier en profondeur le système universitaire.
Les
IUT
constituent
la
plus
ancienne
des
formations
professionnelles universitaires, puisqu’ils ont été crées par un décret du
7 janvier 1966 afin de répondre aux exigences du développement
économique et social, étroitement liées aux progrès techniques. En
développement constant depuis dix ans, l’effectif total de la filière
84
s’élevait en 2000 à 119 300 étudiants répartis dans 179 implantations
différentes.
Hors IUT, les universités ont mis en place un certain nombre de
formations professionnalisées à tous les niveaux d’enseignement :
-
au niveau III les diplômes d’études universitaires en sciences
et techniques (DEUST) ;
-
au niveau II les maîtrises de sciences et techniques (MST), les
maîtrises de sciences de gestion (MSG), les maîtrises de
méthodes informatiques appliquées à la gestion (MIAGE), les
diplômes des instituts universitaires professionnalisés (IUP) et
en 2000 les licences professionnelles ;
-
au niveau I, les diplômes d’études supérieures spécialisés
(DESS) et plus récemment les diplômes de recherche
technologique (DRT).
Dans un contexte de diminution des effectifs universitaires, ces
filières professionnalisées connaissent un succès croissant, avec un
effectif total, à la rentrée 2000, de 112 000 étudiants, contre 75 000 cinq
ans auparavant (soit une augmentation de 49 %).
Parmi ces différentes formations, ce sont les IUP qui ont connu la
progression la plus forte (+ 62 % en cinq ans). Accueillant prés de 38 000
étudiants, ils représentent plus du tiers des effectifs inscrits dans les
formations professionnelles de l’université (hors IUT).
S’agissant des DESS, qui restent, en termes d’effectifs, la
principale formation professionnelle dispensée par l’université, ils
constituent désormais la voie majoritaire de poursuite d’études en
troisième cycle. A la rentrée 2000, ces formations comptaient ainsi près
de 50 000 inscrits, contre seulement 35 000 pour les diplômes d’études
approfondies (DEA).
84) En intégrant les diplômes post-DUT et les diplômes nationaux de
technologie
spécialisée (DNTS).
254
C
OUR DES COMPTES
Quant aux MST, MSG et MIAGE (17 000 étudiants en 2000), elles
connaissent une relative stagnation qui s’explique essentiellement par
l’intégration de ces maîtrises dans les cursus des IUP. En complément de
ce dispositif, la licence professionnelle, définie en concertation avec les
entreprises, répond à l’objectif de terminer la rénovation de la filière
professionnelle par un niveau à bac+3. Conçue comme un diplôme de
sortie d’études pour la plupart des étudiants qui y sont inscrits, elle se
justifie par l’émergence de nouveaux domaines de qualification et de
nouveaux emplois, à un niveau intermédiaire entre techniciens supérieurs
et ingénieurs ou cadres.
Parallèlement aux formations professionnalisées, dispensées dans
le cadre d’un cursus universitaire classique (licence, maîtrise, DESS), les
universités comptent aujourd’hui près de 90 formations d’ingénieurs
accueillant plus de 27 000 étudiants. Ces écoles « universitaires »
regroupent des unités de formation et de recherche (UFR), ainsi que des
écoles ou des instituts internes aux universités. Représentant 31 % de
l’effectif total des élèves-ingénieurs (public et privé), elles ont vu leurs
effectifs augmenter de près de 75 % entre 1990 et 2000, contre 55 % pour
l’ensemble des formations d’ingénieurs
85
.
Il
convient
de
souligner
cet
effort
particulier
de
professionnalisation des formations universitaires, même si cette
évolution soulève nécessairement un certain de nombre de questions,
voire
de
difficultés.
En
premier
lieu,
la
professionnalisation
s’accompagne d’une consommation accrue en postes et en heures
d’enseignement : le coût moyen d’un étudiant inscrit dans une filière
générale est de 6 460 €, contre 8 630 € pour un étudiant d’IUT et
11 600 €
pour
un
étudiant
inscrit
dans
une
école
d’ingénieur
universitaire
86
.
Les filières professionnelles, compte tenu de la forte demande
étudiante, sont ensuite systématiquement sélectives : or les critères de
sélection sont localisés à l’extrême, opaques et non harmonisés, ce qui ne
garantit nullement leur pertinence. De plus, la portée pédagogique de la
85) Les autres écoles du ministère de l’éducation nationale (écoles centrales, instituts
nationaux des sciences appliquées, écoles nationales d’ingénieurs, etc.) ont un nombre
d’inscrits à peu près équivalent (25 000 étudiants en 2000) avec toutefois une
croissance plus modeste (+ 40 % sur la décennie 1990-2000). Au total c’est presque
six sur dix des futurs ingénieurs qui sont actuellement formés dans l’une des écoles
relevant de l’éducation nationale.
86
) A titre de comparaison, le coût d’un étudiant dans les classes supérieures des
lycées est estimé en 2000, par le ministère, à 10 230 € pour un élève de STS et à
12 620 € pour un élève de CPGE.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
255
professionnalisation doit être ramenée à sa juste proportion. La part des
enseignants émanant des milieux professionnels est inférieure à 15 %
dans l’ensemble des IUT et l’objectif à atteindre pour les écoles
d’ingénieurs est actuellement de 25 % : le monde de l’entreprise est donc
faiblement représenté dans les formations professionnalisées malgré
l’insertion des stages dans les cursus, ce qui constitue une des différences
les plus marquantes avec les grandes écoles.
Enfin, dans ce processus où les initiatives sont foisonnantes et ne
procèdent
ni
d’une
programmation
d’ensemble,
ni
d’analyses
prospectives, on ne peut exclure
a priori
ni les effets de mode, ni les
erreurs d’anticipation des débouchés, alors même que des évaluations
précises sont aujourd’hui difficiles à réaliser en raison du manque de
recul. L’adaptation du système d’enseignement supérieur ne
peut, dans
ce domaine, suivre la seule conjoncture, car les évolutions des métiers
sont trop rapides pour qu’il soit possible de tirer des conclusions à long
terme de constats instantanés. A supposer qu’ils soient connus, la prise en
compte des souhaits immédiats des entreprises ne saurait en outre
constituer
un
élément
exclusif
du
pilotage
de
l’enseignement
universitaire, dont la vocation est de préparer à l’ensemble de la vie active
et non au seul premier emploi.
2
Une faible lisibilité des formations
A la multiplication des formations liées à la professionnalisation,
s’ajoute l’ouverture de plus en plus large de l’éventail d’autres formations
universitaires. Cette diversité tient en premier lieu à l’émergence de
champs disciplinaires nouveaux tels que les formations STAPS (sciences
et techniques des activités physiques et sportives) ou AES (administration
économique et sociale). Parallèlement, la création des DEUST a répondu
à la nécessité d’accueillir à l’université un flux croissant de bacheliers
technologiques ou professionnels. La diversification et la spécialisation
des cursus ont enfin pour corollaire un accroissement sans précédent de
l’offre de formation : plus de 10 000 formations différentes sont
aujourd'hui habilitées dans les universités, sans compter les quelque 610
départements d’IUT.
Cette diversité est sans doute souhaitable, dans la mesure où elle
permet d’offrir des parcours de formation continus et adaptés aux
souhaits individuels, comme aux besoins de la société. Elle rend
cependant le système universitaire peu lisible. Dans le domaine des
filières professionnalisantes, l’articulation entre les IUP, les maîtrises
spécialisées (MST, MIAGE, etc.) et les licences professionnelles, ainsi
que les finalités et les débouchés de ces différentes formations ne sont pas
256
C
OUR DES COMPTES
simples à comprendre. Les diplômes d’établissements, qui correspondent
à des formations spécialisées, propres à chaque université, se multiplient
et viennent se superposer aux diplômes nationaux, parfois même les
concurrencer,
comme
c’est
le
cas
pour
certains
magistères.
L’aménagement de passerelles entre les différents niveaux de formation,
ainsi que la coexistence de diplômes universitaires classiques et de
diplômes qualifiant permettant une sortie vers le monde professionnel
(mais n’empêchant pas les poursuites d’études au niveau supérieur)
conduisent enfin à des parcours de plus en plus complexes et favorisent
les cursus atypiques. Dans ce contexte, l’information et l’orientation
préalable des étudiants deviennent des enjeux essentiels, qui ne sont, pour
l’instant, que très insuffisamment pris en compte par les établissements.
II
Un pilotage central faible
L’Etat garantit en France un droit collectif à l’enseignement
supérieur qui s’est traduit par l’organisation d’un grand service public.
Exerçant son emprise sur 95 % de l’offre de formation existante, il fixe
les règles de délivrance des diplômes, finance à titre principal le dispositif
d’enseignement supérieur et définit les modes d’organisation des
établissements publics. Par ailleurs, il a érigé ces établissements en
personnes morales autonomes dont il assure la tutelle. Il détermine le
montant des dotations globales qu’il leur alloue et répartit entre eux les
crédits d’investissement ; il définit les règles d’emploi de leurs personnels
et gère les corps de fonctionnaires.
Pour concilier l’exigence de qualité du service, la maîtrise des
financements publics et le respect des principes d’autonomie des
établissements, de liberté de l’enseignement et d’indépendance des
enseignants, des règles et des procédures ont été élaborées, qui auraient
permettre
à
l’administration
centrale
de
mieux
piloter
les
établissements universitaires. De nombreuses carences entravent toutefois
l’exercice de cette fonction.
A
La définition de l’offre de formation
Le monopole, exercé par l’Etat, de la collation des grades et des
titres universitaires est une des caractéristiques majeures du système
universitaire français. L’existence de diplômes nationaux qui confèrent
les mêmes droits à leurs titulaires, quel que soit l’établissement qui a
dispensé la formation et contrôlé ses résultats, est tout aussi spécifique de
notre
organisation
nationale.
En
vertu
de
ces
deux
principes
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
257
complémentaires, seuls les établissements habilités par le ministre de
l’éducation sont autorisés à délivrer les diplômes qui confèrent les titres et
grades dont la liste est établie par décret. Pour chacun de ces diplômes
nationaux, un arrêté fixe le cadre permettant aux établissements de
prétendre à l’habilitation.
L’administration centrale dispose ainsi en principe d’un outil de
maîtrise de l’offre de formation des établissements, les diplômes
d’établissement, délivrés sans habilitation et dont la liberté d’organisation
est totale, n’ayant pas le même attrait pour les étudiants.
1
La « carte des formations »
Le code de l’éducation fait obligation aux pouvoirs publics
d’arrêter une « carte des formations » et d’assurer « la cohésion du
service public de l’enseignement supérieur dans le cadre de la
planification nationale ou régionale ». La référence à la planification est
aujourd’hui sans portée : les contrats de plan Etat-région ne prétendent
pas être une « planification » régionale et la planification nationale
n’existe plus. Les « plans » successifs, Université 2000 et U3M, ne sont
que
des
documents
de
programmation
des
investissements
des
établissements
publics.
En
outre,
le
même
code
fait
de
la
contractualisation un des outils de la mise en œuvre de la carte des
formations mais celle-ci n’a été élaborée que de façon empirique et
graduelle, au fur et à mesure des vagues de contrats quadriennaux et de la
mise en œuvre de la procédure d’habilitation. Il n’existe pas, en
particulier, d’indicateurs quantitatifs ou qualitatifs permettant d’ouvrir (et
éventuellement de maintenir) des établissements ou des formations.
A la connaissance de la Cour, une seule initiative, de portée locale,
a été prise pour constituer une véritable « carte » des formations : il s’agit
du travail réalisé sur les formations aux langues dans la région du sud-
ouest (hors langues régionales). Il a permis de fonder des décisions
difficiles (des refus de créations et quelques propositions de fermetures),
mais certaines d’entre elles ont été très vite remises en cause.
Le schéma des services collectifs, élaboré en application de la loi
sur l’aménagement et le développement
durable du territoire, n’est quant
à lui qu’un document d’orientation, sans contenu normatif. S’il affirme
son refus du laissez-faire, il n’est qu’une réflexion d’ordre spatial. Il
raisonne très globalement sur l’offre universitaire, mais n’aborde pas les
questions relatives aux types de formations et aux contenus disciplinaires.
258
C
OUR DES COMPTES
Ainsi, les formations dispensées par l’enseignement supérieur ne
se situent ni dans un cadre général visant à une cohérence d’ensemble, ni
dans une vision ordonnée de leurs évolutions.
2
L’habilitation des formations
La procédure d’habilitation permet d’attester que les maquettes de
formation des universités sont conformes aux dispositions réglementaires
fixées pour les diplômes et d’autoriser en conséquence les établissements
à les mettre en œuvre et à délivrer les diplômes correspondants.
L’enrichissement des dossiers d’habilitation depuis quelques années
manifeste un évident souci du ministère de l’éducation nationale de
rationaliser l’offre de formation, ou en tout cas, ses évolutions, en
insistant sur la cohérence interne de l’offre des établissements et de leur
environnement et plus récemment encore sur l’efficacité des formations.
La procédure est très lourde :
plus de 2000 dossiers sont présentés
chaque
année
(2800 en
2001)
dont
l’examen
ne
peut
qu’exceptionnellement être approfondi. Cette procédure, conduite à
l’échelon central, relève d’experts pédagogiques, sans intervention du
niveau académique, alors que l’offre régionale devient un critère de
décision et que les recteurs sont appelés à intervenir pour l’élaboration
des schémas des formations post-baccalauréat dans chaque académie. La
procédure ne comporte aucune vérification des données. Elle ne repose
sur aucune politique traduite en critères explicites en dehors des
prescriptions réglementaires. Elle n’est complétée par aucun contrôle du
respect des prescriptions ou des recommandations énoncées lors de
l’octroi de l’habilitation.
Les procédures d’habilitation
L’habilitation concerne la plupart des diplômes universitaires.
L’examen des dossiers suit une procédure qui repose en grande partie sur
l’expertise de très nombreux universitaires, chargés de missions
pédagogiques et conseillers d’établissement, mais aussi experts nommés
spécialement. Administration et experts confrontent leurs analyses au sein
du
CEPPE
(comité
d’expertise
des
projets
pédagogiques
des
établissements) qui prépare les délibérations du CNESER (conseil national
de l’enseignement supérieur et de la recherche). Les habilitations sont
données par le ministre pour quatre ans sur avis de ce comité.
Les commissions intervenant
en matière d’habilitation des
diplômes à bac +4 des IUP (instituts universitaires professionnalisés) et
des licences professionnelles sont spécifiques à ces diplômes.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
259
Les diplômes d’ingénieur relèvent de la compétence de la CTI
(commission du titre d’ingénieur), créée en 1934 en même temps que le
titre « d’ingénieur diplômé », seul titre protégé. La CTI, composée en
grande majorité de professionnels, donne les habilitations aux écoles
privées et donne un avis au ministre pour les écoles publiques, y compris
les écoles rattachées à une université. La CTI a décidé récemment de
soumettre à renouvellement tous les six ans les habilitations qu’elle donne.
Depuis 2001 existe une commission d’évaluation des formations et
diplômes de gestion, qui n’est compétente que pour les formations non
universitaires. Elle est chargée de donner un avis pour l’octroi par l’Etat
du visa prévu pour les écoles techniques privées et consulaires. Le
renouvellement est prévu tous les six ans.
Les textes organisant le master prévoient que des procédures
particulières peuvent être organisées pour les universités et les
établissements publics, les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce
relevant quant à elles de dispositifs propres.
Les IUT sont pour leur part habilités à délivrer des DUT pour
autant que l’ouverture du département a été autorisée par le ministre après
avis de la commission pédagogique de la spécialité.
Il n’y a pas de procédure d’habilitation périodique des diplômes de
médecine.
Les sections de technicien supérieur (STS) préparent à un examen
national, le brevet de technicien supérieur (BTS). Ces sections sont
ouvertes par décision du recteur sur la base des projets des établissements,
après avis du conseil régional et du comité technique paritaire académique
et du conseil académique de l’éducation nationale. Les classes
préparatoires aux grandes écoles (CPGE) sont créées par le ministre.
L’ouverture des STS et CPGE des lycées agricoles est décidée par le
ministre de l’agriculture, sur proposition des directeurs régionaux et après
avis du conseil national de l’enseignement agricole.
Les résultats auxquels la procédure d’habilitation aboutit en
démontrent aussi la portée limitée. Près de 10 000 formations (y compris
celles qui relèvent de procédures dérogatoires) ont été habilitées. Leur
nombre s’accroît d’environ 8,5 à 9 % chaque année. Certes, en 2000,
32 % des dossiers de création ont été écartés, le taux de refus des DESS,
qui représentent la majorité des demandes, atteignant 36 %. Pour ces
nouveaux diplômes, inspirés par le souci des établissements d’offrir des
formations à bac +5, les motifs de refus semblent indiquer que les
universités « tentent leur chance » sans procéder à un examen préalable
rigoureux de la pertinence de leur demande. La sélectivité est beaucoup
moins grande pour les autres diplômes, notamment de premier cycle (une
260
C
OUR DES COMPTES
demande sur quatre est écartée). Quant aux renouvellements, 99 % des
demandes donnent lieu à une réponse favorable.
Ces constats conduisent à s’interroger sur la procédure elle-même,
dont la lourdeur ne paraît pas en rapport avec les résultats. En effet,
l’efficacité du système d’habilitation des formations universitaires au
regard de ses enjeux est faible : il ne garantit pas plus la qualité des
contenus des enseignements qu’il n’est un instrument de maîtrise de
l’offre de formation ou des moyens qu’elle exige.
Les contrôles effectués ont montré que les universités, une fois
acquise l’habilitation d’un diplôme donné, ne respectent pas les minima
prévus par les maquettes réglementaires : ainsi, pour une maîtrise
d’anglais, la Cour a constaté qu’au lieu des 350 heures qu’elle aurait dû
comporter au minimum, l’enseignement donné se limitait à 190 heures ;
pour un DEUG sciences de la vie, la durée des enseignements assurés
était de 20 % inférieur à la maquette. La répartition entre les divers modes
de formation (cours magistraux, travaux pratiques, travaux dirigés), eux
aussi précisés par la réglementation, n’est pas davantage respectée.
L’habilitation ne permet pas non plus de maîtriser l’évolution des
moyens nécessaires au système d’enseignement supérieur. Certes, le
nouveau mode de répartition des dotations financières entre les
universités ne prend plus en compte le nombre des formations dispensées
(à l’exception, pour l’essentiel, des licences professionnelles), mais toute
formation
supplémentaire
suscite
un
besoin
accru
de
présence
d’enseignants, soit au titre des enseignements, soit au titre de leur
organisation, de leur suivi et du contrôle des connaissances. Il est peu
probable que les établissements puissent faire face à ces évolutions avec
des ressources constantes. La dispersion de l’offre de formation entre des
établissements nombreux a le même effet, surtout lorsqu’elle dégrade le
rapport entre l’effectif des enseignés et les moyens de formation mis en
place. Or, le ministère n’a aucun moyen de connaître l’impact que ses
décisions auront sur la situation financière des universités ou sur la
gestion des emplois dont il est pourtant responsable au premier chef.
L’augmentation rapide du nombre de formations habilitées dans le
contexte de baisse des effectifs d’étudiants ne paraît pas correspondre à
l’objectif de rationalisation affiché par le ministère. Selon ce dernier,
cette augmentation serait justifiée par la volonté d’accroître le nombre de
formations professionnalisées, qui ne peut pas avoir pour conséquence la
fermeture des filières généralistes, mais doit au contraire leur donner une
aisance en termes d’encadrement et donc se traduire par une meilleure
qualité. Mais l’habilitation ne peut pas être un instrument de régulation de
l’offre de formation car elle n’a pas été conçue pour cela. Soit il s’agit
d’en faire un moyen d’assurer le respect des textes réglementaires sur les
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
261
diplômes nationaux, objectif qui s’accommode d’une inflation de
réponses favorables, ce qui est aujourd’hui le cas ; soit il s’agit d’en faire
un élément d’une politique de l’offre universitaire, ce qui suppose une
approche globale et une recherche de cohérence des formations à
l’intérieur
des
établissements
et
entre
eux,
autrement
dit
des
préoccupations sans lien avec les dispositions réglementaires qui
régissent l’habilitation.
Enfin, la mise en œuvre de l’espace européen d’enseignement
supérieur conduit à poser la question de la place de l’habilitation dans le
nouveau système. Elle est en effet destinée par la loi à garantir le
caractère national des diplômes. La réglementation de 1997 a imposé des
contenus précis pour chacun d’entre eux au moins dans les deux premiers
cycles. Or le principe retenu au niveau européen de diplômes
sanctionnant des parcours de formation diversifiés suppose que les
établissements respectent les finalités des cursus plus que des contenus
précis. Exiger que les domaines de formation fassent l’objet d’une
habilitation appelle donc une redéfinition des bases sur lesquelles elle
peut être octroyée.
L’arrêté du 23 avril 2002 relatif à la licence stipule que les
demandes doivent préciser : «
les objectifs de formation, l’organisation
du
parcours
en
crédits
européens
et
l’articulation
des
unités
d’enseignement entre elles, leurs contenus, leurs modalités pédagogiques,
les volumes de formation correspondant aux enseignements et à
l’encadrement pédagogique, les passerelles prévues, les modalités de
validation du parcours, le cas échéant les conditions spéciales
d’admission
». D’autres informations sont requises, concernant par
exemple «
les démarches innovantes
». Le texte précise enfin que,
«
s’agissant des renouvellements, la demande explicite les résultats
obtenus, les réalisations pédagogiques et les taux de réussite observés
».
Toutefois la procédure d’habilitation n’est efficace que si elle
assure, de manière pérenne, la qualité des dispositifs de formation. Aussi,
face à la très grande diversité des parcours, à leur caractère
nécessairement évolutif, il est absolument nécessaire de préciser, au-delà
de ces critères, ce qu’est un domaine de formation
87
, de fixer le contenu
et la portée de l’habilitation, ainsi que ses conditions de mise en œuvre -
et donc de retrait - et sa périodicité. Il est tout aussi indispensable d’en
démultiplier les effets et donc de développer l’évaluation a posteriori,
notamment, à l’intérieur des établissements, celle des formations
délivrées par les équipes pédagogiques.
87) Aux termes du texte actuel, les domaines sont définis par les conseils
d’administration ; ils recouvrent «
plusieurs disciplines et leur champ d’application
».
262
C
OUR DES COMPTES
B
Les relations avec les universités
L’exercice de la tutelle sur les établissements publics, au premier
rang desquels s’inscrivent les universités, est du ressort direct de
l’administration centrale du ministère de l’éducation nationale. La
première obligation de ce dernier est de répartir crédits et emplois entre
établissements ; objet de nombreuses critiques traditionnelles, le mode de
répartition donne lieu à de fréquentes adaptations. Au-delà de cette
fonction de redistribution, l’administration a souhaité exercer sa tutelle
dans des conditions plus satisfaisantes, qui lui permettent de concilier ses
visées stratégiques et celles des établissements. Mentionnée dès la loi de
1984 comme un mode possible d’organisation des relations entre
établissements et ministère, la contractualisation a été révisée en 1998
avec pour ambition d’initier une rénovation profonde des rapports de
tutelle ; cependant elle n’occupe encore qu’une place restreinte dans la
vie des établissements.
1
La répartition des moyens
Le fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur
repose, d’une part, sur les différentes subventions attribuées par l’Etat et
par les collectivités locales et, d’autre part, sur les emplois en personnels
enseignants et non-enseignants qui sont mis à leur disposition sur le
budget de l’enseignement supérieur.
Dans ces différents financements, la part du ministère de
l’éducation nationale reste prépondérante. Ce dernier en effet, outre la
répartition des emplois budgétaires, assure plus de la moitié des
ressources
qui
transitent
dans
les
comptes
des
établissements,
essentiellement
à
travers
le
versement
de
la
subvention
de
fonctionnement
88
. Les mécanismes par lesquels le ministère opère cette
répartition et la fait respecter sont donc des outils de pilotage efficaces,
pour autant que l’administration veuille leur faire effectivement jouer ce
rôle. La portée du système de répartition se trouve cependant doublement
affaiblie : par le défaut de pertinence du modèle dont il procède et par
l’utilisation que les décideurs font de ses résultats
89
88) Chapitre 36-11 du budget de l’enseignement supérieur.
89
) Chapitre 36-11 du budget de l’enseignement supérieur.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
263
a)
Les principes du système
Les moyens de fonctionnement des établissements d’enseignement
supérieur, qui représentent en loi de finances 2001 un peu plus d’un
milliard d’euros, sont répartis suivant deux principes : 85 % des moyens
délégués correspondent à une dotation sur critères, la dotation globale de
fonctionnement, et les 15 % restants sont attribués soit dans le cadre de
subventions spécifiques, créées pour répondre à des besoins précis et
ponctuels, soit dans le cadre d’enveloppes contractuelles qui sont la
traduction budgétaire des contrats de développement quadriennaux,
élaborés dans le cadre de la politique de contractualisation menée depuis
le début des années 1990.
Pour répartir les emplois prévus en loi de finances ainsi que la
dotation globale de fonctionnement (DGF), le ministère utilise, depuis
1994, un outil mathématique, particulièrement complexe et sophistiqué,
dénommé SANREMO (système analytique de répartition des moyens).
Conçu comme un outil d’aide à la décision, ce modèle a pour but de
mesurer les besoins théoriques en personnels et en crédits de
fonctionnement des établissements. Actuellement appliqué à 231
établissements
ou
composantes
d’établissements
90
,
le
système
SANREMO a une double utilité : il sert tout d’abord au ministère à
évaluer globalement les besoins et permet donc de justifier les demandes
de moyens supplémentaires lors de la préparation du budget ; il constitue
ensuite la référence pour l’attribution des emplois et des crédits.
Le modèle SANREMO permet en effet d’apprécier les besoins des
établissements en moyens d’enseignement mais également en crédits de
fonctionnement et en personnels non enseignants. Il repose, pour ce faire,
sur
trois
paramètres :
le
nombre
d’étudiants
qui
fréquentent
l’établissement, l’encadrement en personnel administratif et technique et
enfin la surface des locaux consacrés à l’enseignement.
Les effectifs d’étudiants constituent la "variable-clé" du modèle,
puisque ce paramètre sert à déterminer la charge d’enseignement, c’est-à-
dire le volume d’heures de formation à dispenser, compte tenu des
étudiants
inscrits
dans
les
différentes
filières.
Cette
charge
d’enseignement est établie sur la base du ratio heures/étudiants, ou H/E,
calculé à partir des maquettes pédagogiques qui précisent, pour chaque
type de formation, les horaires à assurer et la ventilation de ces horaires
entre les différentes modalités d’enseignement (cours, travaux dirigés et
travaux pratiques).
90) 82 universités, 7 instituts d’études politiques, 103 IUT et 39 écoles d’ingénieurs.
264
C
OUR DES COMPTES
La méthode de calcul du modèle SANREMO
La dotation d’un établissement en moyens d’enseignement et en
crédits de fonctionnement est calculée à partir de quatre éléments : le
besoin en heures d’enseignement, le coût du fonctionnement pédagogique,
le coût du fonctionnement logistique et enfin la compensation du sur ou du
sous-encadrement
en
personnel
IATOS
(ingénieurs,
administratifs,
techniciens et ouvriers de service). De la somme de ces quatre éléments est
ensuite retranché le montant total des droits d’inscription perçus.
Le besoin en heures d’enseignement :
la charge théorique
d’enseignement est obtenue en multipliant le nombre d’étudiants inscrits
dans chaque famille de formation par les H/E de référence. Cette charge
d’enseignement est ensuite comparée avec le potentiel enseignant dont
dispose l’établissement (le service de chaque enseignant-chercheur est
valorisé à 192 heures de travaux dirigés –HTD-, celui des enseignants du
second degré est comptabilisé pour 384 HTD annuelles). Cette
comparaison permet de déduire les besoins pédagogiques qui restent à
couvrir. Le déficit éventuel sera compensé, soit par des emplois
supplémentaires d’enseignants-chercheurs, soit par l’attribution d’un
volume d’heures complémentaires.
Le
fonctionnement
pédagogique :
la
charge
théorique
d’enseignement, produit des effectifs étudiants par les H/E, sert également
à déterminer le coût du fonctionnement pédagogique. Celui-ci est calculé
en multipliant les heures d’enseignement à assurer par un taux forfaitaire
de 80 F pour les disciples tertiaires (lettres, droit, économie, etc.) et de 140
F pour les disciplines secondaires, c’est-à-dire scientifiques et techniques
(chiffres de 2001).
Les besoins en personnels IATOS :
le besoin théorique des
établissements est déterminé à partir d’une analyse fonctionnelle des
tâches confiées à cette catégorie de personnel. Huit grandes fonctions
organisationnelles ont été retenues, avec pour chacune un ratio associé qui
reflète au mieux le
niveau d’activité : nombre d’étudiants pour la fonction
scolarité, nombre des thèses publiées pour l’aide à la recherche, montant
annuel des dépenses pour les services financiers, … La compensation est
égale à la différence entre la dotation théorique et les effectifs présents. Si
l’établissement est déficitaire, le taux appliqué est de 75 000 F par emploi
manquant, à l’inverse si l’établissement est excédentaire sa dotation de
fonctionnement sera minorée de 30 000 F par emploi.
Le fonctionnement
logistique :
à ces différents éléments vient
s’ajouter enfin le coût de la logistique immobilière, par le biais d’une
dotation calculée sur la base de 100 F par m².
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
265
Crée en 1994 pour remplacer le système GARACES
91
, abandonné
en raison de sa lourdeur et de ses effets inflationnistes, SANREMO
souffre de multiples imperfections. En dépit de son apparente rigueur
méthodologique et bien que conçu pour répondre aux exigences d’équité
qu’implique tout système de répartition, le modèle ne rend que très
imparfaitement compte de la situation et des besoins réels des
établissements.
La rigidité du système limite ensuite fortement les possibilités de
redéploiement. Les différentes corrections introduites dans le modèle, la
modification constante de ses ratios, et le postulat implicite de continuité
des dotations ne permettent aucune réelle redistribution des moyens entre
établissements sur-dotés et sous-dotés. Malgré le tassement que connaît la
démographie étudiante, le système SANREMO fait apparaître des besoins
toujours plus élevés que ce soit en termes de personnels (enseignants ou
non enseignants) ou de crédits de fonctionnement. Aussi ces éléments
conduisent-ils à s’interroger sur la pertinence du mode de calcul comme
sur l’objectivité des procédures qui président à l’affectation des moyens
et des emplois.
b)
Les limites techniques du modèle
L’efficacité et la précision du modèle SANREMO reposent avant
tout sur la fiabilité des coefficients et des données qui alimentent le
système. Or ces différents termes reflètent mal la réalité des
établissements et ne sont pas toujours déterminés avec une suffisante
rigueur.
Le nombre d’étudiants, qui constitue la donnée fondamentale du
modèle, intègre ainsi un important effet retard, puisque ce sont les
effectifs de l’année n-1 qui servent à calculer la dotation de l’année n+1.
Le décalage correspondant, qui retarde la prise en compte des évolutions
démographiques, est favorable à la plupart des universités qui connaissent
une baisse de leurs inscriptions et conduit de ce fait à une surévaluation
de leurs besoins. En revanche ce mécanisme pénalise fortement les
universités dont les effectifs augmentent, notamment les universités
nouvelles ou en développement.
En outre le recensement des étudiants pris en compte n’est pas
exempt d’incertitudes. Ce chiffre repose en effet non sur les inscriptions
pédagogiques, qui reflètent la participation effective aux enseignements,
mais sur les inscriptions administratives. Les inscriptions de précaution
91
) Groupe d’analyse et de recherche sur les activités et les coûts dans l’enseignement
supérieur.
266
C
OUR DES COMPTES
ou de commodité, les doubles cursus ou encore le cas des élèves de
classes préparatoires, qui, inscrits pour obtenir des équivalences de
diplômes, ne participent à aucun cours, sont autant d’éléments qui
viennent gonfler artificiellement le nombre des étudiants et accroître
fictivement les besoins d’enseignement. Dans une université parisienne
récemment
contrôlée
par
la
Cour,
cet
écart
entre
inscriptions
administratives et pédagogiques dépasse les 25 %, ce qui permet à
l’établissement en question de recevoir une dotation très supérieure à la
réalité des charges supportées.
Les autres données du modèle présentent également de nombreux
points faibles. Les coefficients H/E, aujourd’hui au nombre d’une
trentaine constituent un ensemble complexe qui ne reflète pas toujours les
charges effectives d’enseignement. Ces coefficients présentent en
particulier une forte dispersion (de 6,3 à 40 heures par étudiant) alors que
les H/E constatés dans les établissements sont beaucoup plus homogènes.
Cette distorsion se traduit généralement par des taux souvent trop bas
dans les premiers cycles avec des amphithéâtres « bondés » et des TD
surchargés et a
contrario
par des offres de formation parfois luxueuses
dans les cycles supérieurs.
Cette méthode de calcul méconnaît par ailleurs les effets de
structure et défavorise les petites composantes qui ont souvent peu
d’inscrits par filière mais qui doivent cependant assurer une charge
pédagogique incompressible. Cet effet de seuil frappe l’ensemble des
universités de taille moyenne et notamment les universités littéraires qui
présentent en général des groupes d’étudiants plus réduits, ainsi qu’une
offre de formation plus diversifiée.
Les H/E enfin ont été régulièrement modifiés et remaniés au cours
des dernières années. Si ces modifications correspondent à la recherche
d’une plus grande rationalité, elles contribuent également à l’instabilité
du modèle SANREMO et induisent des variations importantes dans le
calcul de la charge pédagogique des établissements et des dotations qui en
découlent. Ces aménagements successifs, qui pris isolément peuvent
avoir une certaine pertinence, compromettent la fiabilité d’ensemble du
système, dont l’architecture complexe a été rendue encore plus opaque du
fait des changements fréquents de ses paramètres.
L’examen des autres variables du modèle met en lumière des biais
assez comparables. S’agissant de la dotation pédagogique, celle-ci est
calculée à partir de la charge d’enseignement affectée de deux
coefficients différents selon les secteurs de formation. Cette distinction
très globale, appliquée de façon uniforme pour toutes les formations d’un
même secteur, est contestable. Le dispositif retenu revient à considérer
qu’un étudiant de premier cycle « coûte » autant qu’un agrégatif. De ce
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
267
point de vue, SANREMO repose sur une péréquation implicite entre les
formations les plus consommatrices en moyens pédagogiques et celles qui
sont les plus économes. La même critique peut être formulée en ce qui
concerne la dotation de fonctionnement logistique : alors que les surfaces
consacrées à l’enseignement sont extrêmement diverses (amphithéâtres,
salles de TP, etc.), elles sont uniformément financées au mètre carré. Ce
critère n’intègre en outre aucun élément qualitatif de bonne gestion des
locaux et incite au contraire les établissements à accroître leurs surfaces
pour disposer de davantage de crédits.
c)
La gestion et la répartition des moyens
L’objectif initial de SANREMO était de mettre en place un
système de répartition garantissant une allocation optimale des dotations
et reposant sur un principe de redistribution des moyens, qui devait
notamment permettre, par comparaison entre dotation réelle et dotation
théorique, de réduire de façon sensible les écarts constatés. La rigidité du
modèle, son instabilité chronique et l’absence de lisibilité dans les
procédures d’attribution ont finalement conduit à l’abandon de ses
ambitions premières et aboutissent le plus souvent à la consolidation des
situations acquises.
L’attribution des moyens aux établissements comporte tout
d’abord un certain nombre de mécanismes correctifs permettant à la fois
d’éviter les ruptures trop brutales dans les financements et d’accorder une
priorité aux dotations des petits établissements. C’est le cas de la règle du
plancher qui lisse les dotations d’une année sur l’autre (en garantissant au
moins 97 % de la dotation de l’année précédente) et assure une certaine
continuité des moyens. Légitime dans la phase transitoire correspondant à
la mise en place du modèle, cette règle n’a plus aujourd’hui aucune
justification et entraîne une série d’effets pervers. Elle induit ainsi une
très grande inertie des masses financières et rend quasi-impossible la
réduction des écarts entre les établissements.
Le rattrapage des situations les plus déficitaires est de ce fait
exclusivement supporté par l’Etat, puisque seules les mesures nouvelles
en loi de finances permettent d’infléchir la répartition des financements.
Une seconde disposition importante corrige les effets de taille, en
partant du principe qu’en dessous d’un certain volume horaire
(actuellement fixé à 120 000 heures d’enseignement) les coûts fixes et les
dépenses structurelles ne peuvent être proportionnels aux effectifs. Cette
correction conduit à majorer la charge d’enseignement de l’université et à
abonder en conséquence la dotation en heures complémentaires. Non
contestable dans l’absolu, ce dispositif ne relève cependant d’aucune
268
C
OUR DES COMPTES
analyse
approfondie
et
conduit
à
une
sur-dotation
des
petits
établissements. A effectifs équivalents, il donne en outre une prime
financière aux établissements autonomes par rapport aux composantes
d’universités et favorise la multiplication des petites structures.
Outre ces mécanismes visant à protéger les universités d’une
application trop mécanique du modèle SANREMO, et qui contribuent à
son caractère inflationniste, il convient de relever que le système s’ajuste
toujours à la hausse mais jamais à la baisse. Ainsi, si les situations de
sous-encadrement
se
traduisent
par
l’attribution
d’une
dotation
complémentaire, voire par des créations d’emplois, à l’inverse, il n’existe
aucun retrait de moyens en cas de sur-encadrement. En d’autres termes,
un déficit en emplois d’enseignants est systématiquement compensé mais
un excèdent ne donne lieu ni à des reprises d’emplois, ni à des
ajustements à la baisse de la dotation globale de fonctionnement.
d)
Les conséquences pratiques
En dehors de ces différents aménagements visant à atténuer ses
effets et à limiter la portée des redéploiements, la mise en œuvre de ce
nouveau modèle ne paraît pas avoir modifié de manière significative les
modalités concrètes de répartition des crédits et des emplois. SANREMO,
outil d’aide à la décision, conduit en effet à un calcul théorique et
largement indicatif et non à l’attribution effective d’une subvention. Entre
les résultats du modèle et les subventions réellement allouées apparaissent
des différences, parfois importantes, qui compromettent en partie la
transparence et la lisibilité des procédures. Cette situation constitue la
principale limite du système dont les résultats peuvent être remis en cause
par des éléments d’opportunité externes à sa logique quantitative ; elle se
caractérise notamment par l’absence de lien immédiat entre l’évolution
des moyens et celles des effectifs et par la persistance d’écarts importants
entre les établissements.
La comparaison entre la dotation globale de fonctionnement (DGF)
et le montant théorique qui découle de l’application stricte des critères
SANREMO montre ainsi que, selon leur typologie, les établissements ont
tendance à être plus ou moins bien dotés. Ce taux de couverture global, de
l’ordre de 95 % en moyenne, masque ainsi des différences importantes
entre d’une part les universités (avec un taux de 97 %) et d’autre part les
IUT et les écoles d’ingénieurs dont les taux de couverture ne dépassent
pas 90 %. Dans un contexte où le total des moyens réellement attribués
reste inférieur aux besoins théoriques calculés, le « rationnement » ne
s’effectue
manifestement
pas
à
l’identique
selon
les
types
d’établissements. L’analyse détaillée de ce ratio révèle ensuite une forte
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
269
dispersion par rapport à la moyenne, avec certaines universités où le taux
de couverture atteint 140 % et d’autres où il n’excède pas les 80 %. Des
écarts substantiels demeurent donc entre les établissements et certains cas
extrêmes s’apparentent à des quasi-rentes de situations.
En ce qui concerne l’évolution de la DGF, la corrélation avec les
effectifs étudiants (qui sont pourtant la variable de base du modèle) est
loin d’être démontrée. Au plan global, les montants versés au titre de la
dotation de fonctionnement ont augmenté, sur les cinq dernières années,
de 9 %, alors que sur la même période les effectifs pris en compte
fléchissaient de 3 %. En pratique, l’évolution de la DGF amplifie les
évolutions démographiques en cas d’accroissement des effectifs et les
atténue en cas de contraction : elle constitue, dans tous les cas, un
mécanisme favorable aux établissements.
Les mêmes constats peuvent être faits s’agissant de l’encadrement
en personnels enseignants. Aucun redéploiement d’emplois n’ayant été
opéré depuis 1992, les situations de sur-dotation ne sont que très
imparfaitement résorbées. Par ailleurs aucune corrélation franche n’est
vraiment observée entre l’évolution du nombre des étudiants et les
attributions d’emplois aux établissements.
L’ensemble de ces éléments montre à l’évidence que l’usage que
les décideurs font du système SANREMO ne répond pas aux principes
d’une
juste
distribution
des
moyens
entre
les
établissements
d’enseignement supérieur.
2
La contractualisation
La loi de 1984 a prévu que les établissements pouvaient conclure
avec le ministère des contrats pluriannuels portant sur les « activités de
formation, de recherche et de documentation, dans le cadre de la carte des
formations
supérieures »
et
prévoyant
les
moyens
et
emplois
correspondant à leurs obligations. La loi précise que les établissements
doivent
rendre
compte
périodiquement
de
l’exécution
de
leurs
engagements ; c’est à cette occasion qu’a été créé le comité national
d’évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel
et professionnel (CNE). Si les activités de recherche ont bénéficié très
rapidement de cette procédure, les autres champs de la contractualisation
se sont développés de façon quelque peu chaotique, jusqu’en 1998, année
où les objectifs en ont été précisément définis, ce qui a permis de relancer
le processus en le rendant de fait obligatoire.
Les objectifs définis dans la loi de 1984 ne sont cependant pas
réellement atteints. La contractualisation a incontestablement permis un
270
C
OUR DES COMPTES
dialogue renforcé entre administration centrale et établissements et une
meilleure synergie entre ces derniers. Elle a aussi conduit à initier une
rupture avec la politique de guichet traditionnelle, sans toutefois pallier la
césure majeure entre le mode de traitement de la recherche et celui des
autres volets de la vie des établissements.
En pratique, la contractualisation avec les établissements reste
d’une portée limitée. Pour les contrats de la vague 1998-2001, les crédits
contractualisés représentaient environ 450 M€, dont 207 M€ au titre de la
recherche, 127 M€ au titre du patrimoine et 114 M€ au titre de
l’enseignement supérieur. Ainsi, la direction de l’enseignement supérieur,
pilote du système, n’assure qu’une part minoritaire de son financement.
Certes, le ministère considère que ces crédits donnent aux établissements
« des marges de manœuvre très appréciables ». Mais les crédits
contractuels qu’il alloue ne représentent chaque année qu’environ 15 %
des crédits de la dotation annuelle globale de fonctionnement dont la
direction de l’enseignement supérieur assure également la gestion ; plus
de 80 % des crédits alloués par la direction de la recherche, en revanche,
sont contractualisés. La contractualisation ne tient pas non plus compte
des situations relatives des établissements, y compris dans le domaine
financier, ni de la qualité de leur gestion. Les emplois sont en outre exclus
de la contractualisation. Le ministère ne dispose donc pas d’un instrument
lui permettant de maîtriser globalement le contenu des projets ou la
localisation de l’offre de formation des établissements.
Conscient de ces limites, le ministère tente de faire de la
contractualisation un instrument de structuration de l’offre
de formation.
Désormais,
« les établissements doivent présenter une architecture-cible
de leur offre de formation par grands secteurs, en faisant apparaître les
restructurations ou les évolutions prévues et les effectifs attendus en
formation initiale et continue ».
Les orientations nouvelles de la politique
contractuelle pourraient effectivement permettre de restituer à la
contractualisation un rôle central de pilotage de l’offre de formation en en
faisant le lieu et le moment du dialogue entre le ministère de l’éducation
nationale
et
les
établissements
d’enseignement
supérieur.
Les
établissements de deux sites, celui de Strasbourg et celui de Lille, ont
accepté ces nouveaux contenus de négociation : l’expérience devra être
évaluée pour en connaître l’impact réel. Il conviendra en particulier d’être
attentif aux relations entre contractualisation et habilitations. L’une
résulte en effet d’une procédure négociée, les autres, en principe, de
l’application de la réglementation : le maintien de la cohérence de ces
deux démarches n’est pas aisé.
L’évolution vers des contrats d’objectifs et de moyens ne paraît pas
encore affichée comme une priorité. La vertu des contrats passés entre les
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
271
universités et le ministère est plutôt de nature pédagogique : son vrai
succès serait de conduire les établissements à se projeter dans le moyen
terme, à définir des projets globaux, tant en matière de recherche que de
formation. Bien que quelques pionniers commencent à s’engager dans
cette voie, la situation actuelle est encore éloignée de cet objectif. De ce
point de vue, la périodicité quadriennale des contrats, plus courte que
celle des contrats de plan Etat-région et de la plupart des contrats
habituels dans la sphère publique, peut être un handicap. Si le contrat doit
devenir l’accompagnement des stratégies et des projets d’établissement,
alors même que les évolutions de l’offre de formation ne peuvent qu’être
lentes, cette durée devrait être réexaminée en liaison avec les autres
éléments qui rythment la vie des établissements, notamment l’élection des
présidents.
La logique propre des universités et leur mode de fonctionnement
accroissent probablement les difficultés intrinsèques à l’exercice de
contractualisation qui suppose que les objectifs des établissements soient
clairement affichés et que les moyens correspondants puissent être
définis. Il reste que la contractualisation constitue vraisemblablement
l’outil le plus intéressant dont puisse user l’administration si elle entend
peser sur les évolutions des établissements. C’est au demeurant ce qu’a
compris le ministère de l’agriculture qui souhaite réorienter l’activité de
ses propres écoles. D’emblée, ce ministère se situe dans une perspective
de
contrats
globaux,
articulés
avec
les
projets
stratégiques
de
l’établissement en matière de formation et de recherche. Le déroulement
de ce processus méritera d’être suivi avec la plus grande attention.
C
La gestion des enseignants-chercheurs
La gestion des enseignants qui exercent dans l’enseignement
supérieur participe des équilibres subtils qui permettent de concilier
liberté de l’enseignement, autonomie des établissements et pilotage par le
ministère.
Administration
centrale,
établissements
et
instances
universitaires se partagent en effet les diverses phases de la gestion du
corps des enseignants-chercheurs et des autres personnels affectés à des
tâches d’enseignement dans les établissements. De manière simple, il est
possible de dire que la première gère les emplois, les seconds gèrent les
postes et les troisièmes gèrent les personnes.
La Cour a déjà fait connaître ses observations à ce propos dans sa
récente publication de janvier 2001
92
sur la gestion des enseignants-
92) Cour des comptes, La fonction publique de l’Etat – tome 2 –avril 2001 – p. 192 et
sq.
272
C
OUR DES COMPTES
chercheurs. Elle notait que les processus de la gestion des corps
d’enseignants n’assuraient pas à l’administration centrale les conditions
d’un pilotage efficace de cette fonction. En particulier, le ministère n’a
pas la maîtrise de l’utilisation des emplois dans les établissements et la
gestion s’opère sans grande visibilité, ce qui handicape considérablement
la gestion prévisionnelle.
1
L’utilisation des emplois
Le ministère ne maîtrise pas l’utilisation des emplois dans les
établissements. Chaque établissement est en effet libre d’utiliser comme il
l’entend sa dotation en emplois et en crédits. Ainsi l’ouverture d’un
emploi de titulaire ne signifie aucunement que le recrutement sera
effectif. Le recrutement sur les postes déclarés vacants n’aboutit en effet
pas toujours, pour des raisons diverses dont les établissements sont
totalement maîtres. Bien qu’en légère régression ces dernières années, le
nombre de postes ouverts mais non pourvus est important : 15,8 % en
2001. Les résultats sont très divers selon les corps et surtout selon les
disciplines : 6,8 % seulement de postes non pourvus pour les maîtres de
conférence, 21 % environ pour les professeurs des disciplines littéraires et
scientifiques, mais 53 % pour les professeurs des disciplines juridiques et
économiques.
Choix délibéré ou conséquence de l’absence de candidats, les
établissements utilisent une partie des emplois non pourvus pour
rémunérer des ATER
93
(alors que ceux-ci sont désormais rémunérés sur
crédits à partir d’un chapitre particulier) et des enseignants invités.
D’autres emplois servent de gage pour des heures supplémentaires.
Restent en outre chaque année environ 500 emplois (569 en 2001) non
utilisés. Le ministère explique ce solde par la lenteur des procédures de
recrutement au niveau local. Cependant, malgré les rappels de
l’administration centrale, certains postes sont délibérément laissés vacants
et ne sont pas déclarés comme tels par les établissements. Il s’agit soit de
permettre le retour sur son emploi d’un enseignant détaché ou placé en
mobilité, soit de bloquer un poste en attendant que son titulaire
« pressenti »
remplisse
les
conditions
de
candidature.
Chaque
établissement, chaque discipline recourt en outre à des enseignants
vacataires rémunérés sur heures complémentaires, dans des proportions
très variables
94
.
93) Attaché temporaire d’enseignement et de recherche.
94) Ils ont d’ailleurs obligation de le faire selon les disciplines et dans certaines
proportions, afin de faire participer des professionnels extérieurs à l’enseignement.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
273
Les établissements, mais aussi les disciplines, ont ainsi des
effectifs d’enseignants composés de manière très diverse. Ainsi, au sein
des sciences juridiques et économiques, les sciences de gestion
connaissent la proportion d’enseignants du second degré la plus élevée :
ils représentent près de la moitié des titulaires.
2
Une gestion prévisionnelle particulièrement difficile
Les premiers travaux de gestion prévisionnelle des effectifs
d’enseignants-chercheurs n’ont été initiés qu’au début de la décennie
1990. Plusieurs causes peuvent expliquer ce souci tardif. L’augmentation
massive
des
effectifs
d’étudiants
constituait
une
problématique
suffisamment forte pour que les demandes de créations d’emplois et de
recrutements d’enseignants-chercheurs soient admises sans qu’il ait été
besoin de quantifier finement les évolutions futures des corps
enseignants.
En
outre,
l’autonomie
conférée
aux
établissements
d’enseignement supérieur a conduit les services ministériels à s’exonérer
d’un pilotage fin en matière de politique de recrutement, le postulat étant
celui d’une adéquation locale entre la demande et l’offre d’enseignement.
L’utilisation
souvent
inflationniste
des
heures
complémentaires
d’enseignement ainsi que le recours à des recrutements locaux
permettaient d’assurer un ajustement à l’échelle des établissements.
Trois évolutions constatées ces dernières années ont obligé à
mettre en place des outils d’aide à la décision en matière de recrutement
des enseignants-chercheurs : l’amplitude, modulée selon les disciplines,
les niveaux de formation et les établissements, de la décroissance des
effectifs d’étudiants ; les perspectives de départs à la retraite des
enseignants-chercheurs qui ont conduit à poser la question de l’adaptation
quantitative et qualitative des viviers de futurs enseignants aux flux de
recrutement ; enfin, la recherche d’une maîtrise accrue des dépenses de
personnel.
D’ores et déjà, la Cour a, dans son rapport sur la fonction publique
publié en janvier 2001
95
, rendu compte à la fois des progrès indéniables
réalisés par le ministère de l’éducation nationale en matière de gestion
prévisionnelle et de l’urgence d’un approfondissement de cette démarche,
notamment en matière de traitement des informations. En effet, les
services ministériels ne disposent pas d’une information complète et sûre
sur les liens entre emplois, postes et personnes. Le rapprochement des
différents fichiers disponibles relatifs aux emplois et aux personnels
révèle un écart entre les effectifs recensés selon les diverses sources qui
95) Cour des comptes, La fonction publique - tome 2 – avril 2001, pages 200 à 202.
274
C
OUR DES COMPTES
atteignait en 2001 près de 3 000 personnes physiques. Dans ces
conditions, le ministère ne peut qu’avoir des difficultés à mettre en place
une gestion prévisionnelle, difficultés encore aggravées par d’autres
lacunes.
Ainsi chaque établissement organise son offre de formation comme
il l’entend. Or le ministère ne dispose pas des éléments qui lui
permettraient
de
déterminer
le
volume
adéquat
de
recrutement
d’enseignants par discipline en tenant compte des évolutions prévues de
la demande de formation des étudiants. En effet, il ne connaît pas de
manière précise la répartition des enseignements disciplinaires par niveau
de formation, les volumes horaires dispensés par discipline et la taille des
groupes d’étudiants. En particulier, les services ministériels sont
contraints de raisonner à partir des maquettes pédagogiques - c’est-à-dire
des arrêtés précisant les volumes horaires d’enseignement par niveau et
formation - établies lors des habilitations de formations. Ces documents
portent sur des planchers horaires. Une telle base de travail ne correspond
que rarement à la réalité. Ainsi la Cour a-t-elle pu constater, sur un
échantillon de dix-huit universités, de très grandes disparités de la durée
des enseignements dispensés par les établissements pour une même
formation : huit fois plus d’heures pour la maîtrise d’anglais d’une
université à l’autre, 2,4 fois plus en licence de droit ou encore 50 %
d’heures en plus en DEUG de droit entre deux établissements.
Enfin, le travail de comparaison entre offre d’enseignement et
besoins en personnel, constitutif de la gestion prévisionnelle, s’avère
difficile, en l’absence de concordance entre les nomenclatures des
disciplines dispensées par les enseignants et celles des disciplines suivies
par les étudiants. La répartition des étudiants par discipline d’inscription
est effectuée selon une nomenclature particulièrement fine qui regroupe
plus de 6 000 codes de diplômes, tandis que les nomenclatures
disciplinaires des enseignants sont différentes et en nombre plus restreint.
D
La gestion des crédits d’investissement
L’analyse par la Cour des dépenses d’investissement, notamment à
l’occasion de ses travaux annuels sur l’exécution des lois de finances, a
mis en évidence les difficultés importantes que rencontre le ministère de
l’éducation nationale dans la gestion des opérations immobilières. Ces
difficultés, qui se traduisent par une sous-consommation massive des
crédits
correspondants,
s’expliquent
en
partie
par
des
raisons
conjoncturelles. Outre la reprise économique du secteur du BTP, et la
hausse consécutive des prix, qui ont réduit l’intérêt des entreprises pour
les marchés publics de travaux et induit une moins grande disponibilité
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
275
des opérateurs, les dernières années ont en effet été marquées par une
modification en profondeur du dispositif de programmation immobilière,
avec notamment le démarrage du plan « Université du 3
ème
millénaire »
(U3M) et le lancement d’une nouvelle génération de contrats de plan
Etat-régions (CPER). A ces facteurs s’ajoutent cependant des éléments
propres à la gestion du ministère, qui tiennent à la fois à la complexité
administrative et technique des opérations, à la lourdeur des procédures
d’expertise et d’agrément, ou encore à l’insuffisante finalisation de
certains projets, le tout caractérisant une maîtrise d’ouvrage largement
défaillante.
1
La programmation de l’immobilier universitaire
Entre 1991 et 1999, l’Etat et les collectivités locales ont financé à
parité, à hauteur de 6 Md€, le plan « Université 2000 » (U2000), qui a
conduit à la construction de 3,5 millions de m² de locaux universitaires
permettant de pallier les principales carences en capacité d’accueil des
étudiants. La nécessité de consacrer l’essentiel des moyens à la création
de surfaces nouvelles n’a pas permis de prendre en compte les autres
aspects de l’immobilier universitaire, en particulier la maintenance et la
mise aux normes du patrimoine existant. Parallèlement à « Université
2000 », un plan de mise en sécurité des établissements a donc été élaboré,
puis mis en œuvre à partir de 1996. Les crédits correspondants, inscrits au
budget de l’enseignement supérieur entre 1995 et 1999, se sont élevés à
plus de 500 M€
96
.
Le plan « université du 3
ème
millénaire » (U3M) se veut plus global
que les plans précédents et s’inscrit dans une démarche d’ensemble : celle
du schéma des services collectifs de l’enseignement supérieur
97
.
Contrastant avec le plan U2000, orienté vers l’accueil d’une population
étudiante toujours plus nombreuse, U3M se situe dans un contexte
différent de stabilité des effectifs et vise à répondre à des besoins plus
qualitatifs
que
quantitatifs.
Ses
principaux
objectifs
concernent
l’amélioration des conditions de vie et de travail des étudiants
(bibliothèques,
logement
et
restauration),
le
développement
des
96) Dont 150 millions consacrés aux seules opérations de désamiantage du campus de
Jussieu.
97) Les schémas des services collectifs ont été prévus par la loi d’orientation du
25 juin 1999 sur l’aménagement et le développement durable du territoire
(LOADDT). Ils doivent tracer, pour les vingt années à venir, les grandes perspectives
d’aménagement du territoire dans neuf grands secteurs considérés comme
déterminants : l’enseignement supérieur, la culture, la santé, l’information et la
communication, l’énergie, les transports des marchandises et des personnes et le sport.
276
C
OUR DES COMPTES
équipements de recherche universitaire, ainsi que les travaux de mise en
sécurité et de réhabilitation du patrimoine existant. Les financements
prévus sur la période 2000-2006 s’élèvent à plus de 7,5 Md€ et
s’inscrivent, à hauteur de 6,5 Md€, dans le cadre des contrats de plan
Etat-régions (CPER)
98
. Le milliard d’euros restant concerne des
opérations qui relèvent du seul effort de l’Etat : poursuite du plan de mise
en sécurité, achèvement du désamiantage du campus de Jussieu,
rénovation du Muséum national d’histoire naturelle, etc.
2
Un pilotage insuffisamment maîtrisé des opérations
d’investissement
La réalisation des opérations d’investissement fait intervenir à la
fois l’administration centrale du ministère, les services préfectoraux et
académiques et enfin les établissements eux-mêmes. La complexité de
cette organisation
et de ses circuits internes est à l’origine de nombreux
dysfonctionnements et ne permet pas un pilotage véritablement efficace
de l’immobilier universitaire.
En premier lieu, les services ministériels ne disposent pas d’un
système d’information suffisamment complet et adapté pour assurer le
recensement et le suivi du patrimoine existant. Ainsi, faute de données
exhaustives et actualisées, l’administration centrale n’a pas été en mesure
d’effectuer une évaluation précise des besoins des établissements au
terme d’U2000 et préalablement au lancement d’U3M. En outre, si
certains services techniques de rectorats disposent d’une bonne
information sur leur parc immobilier universitaire, cette situation est loin
d’être générale à l’ensemble des académies.
Les conditions de mise en œuvre du plan U3M et l’articulation de
ce dernier avec les CPER ont par ailleurs conduit à une relative
marginalisation du rôle et de la place de l’Etat. Bien que censés s’inscrire
dans le cadre général du schéma des services collectifs de l’enseignement
supérieur, la définition et le contenu d’U3M ont été, pour l’essentiel,
élaborés au niveau régional et le plus souvent de façon concomitante avec
la négociation des contrats de plan. Pour cette raison, les opérations
programmées au titre des CPER présentent, selon les régions, une
cohérence variable avec les objectifs initiaux d’U3M. Au plan financier,
les engagements apparaissent très inégaux d’une région à l’autre et
résultent davantage des arbitrages globaux et des priorités définies pour
98) La part de l’Etat dans les CPER s’élève à 2,8 Md€, dont 2,2 Md€ pour le seul
ministère chargé de l’enseignement supérieur.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
277
l’action régionale prise dans son ensemble, que des nécessités propres à
l’enseignement supérieur.
Il apparaît en particulier que si toutes les régions ont souhaité
s’investir dans le domaine de la recherche, ainsi que dans la réalisation de
nouvelles constructions, le logement étudiant et les opérations de
réhabilitation ont en revanche nettement moins mobilisé les financeurs :
l’objectif fixé en matière de vie étudiante, soit le quart des financements
inscrits aux CPER, n’est atteint qu’en Corse ; les collectivités locales
n’ont pas manifesté la volonté de s’investir dans le logement des étudiants
et la restauration.
La programmation des opérations, fortement influencée par les
choix politiques locaux, n’a pas non plus évité un relatif émiettement des
investissements, correspondant plus à des préoccupations ponctuelles
qu’à une approche véritablement régionale des questions immobilières.
3
Des compétences d’expertise à conforter
Le choix d’inscrire l’essentiel de la programmation d’U3M dans le
cadre rigide des CPER a le plus souvent conduit, pour des raisons
d’affichage, à retenir et à sélectionner des opérations insuffisamment
définies sur le plan scientifique et pédagogique, incomplètement étudiées
sur le plan technique et mal calibrées sous l’aspect financier. Un grand
nombre d’opérations se trouvent ainsi bloquées dès leur démarrage en
raison notamment de difficultés foncières : terrain non disponible, statut
juridique de la propriété mal analysé, coût d’acquisition sous-évalué, etc.
Reposant sur un dossier d’expertise préparé par l’établissement
puis validé par les services constructeurs des rectorats, la procédure
d’agrément définie par le ministère n’apparaît pas de nature à corriger
efficacement ces dysfonctionnements. En effet, les services académiques
ne possèdent pas toujours les moyens humains nécessaires et les
qualifications requises pour procéder à ces expertises et exercer la
maîtrise d’ouvrage. Quant à l’administration centrale, elle est démunie de
compétences
techniques,
lesquelles
font
également
défaut
aux
établissements, en règle générale peu dotés en personnels ingénieurs et
architectes. Cette situation conduit les services ministériels à agréer,
souvent de façon formelle, des dossiers de faible qualité et sur lesquels
toutes les réserves préalables (identification des différents partenaires
financiers, questions foncières, etc.) n’ont pas encore été levées.
L’ensemble de ces difficultés explique en grande partie le
démarrage souvent tardif du plan U3M et de manière plus générale, la
longueur des délais, de l’ordre de quatre à cinq ans, voire plus,
278
C
OUR DES COMPTES
nécessaires pour faire aboutir les opérations d’investissement
99
. A ces
défaillances, il faut ajouter les contraintes de passation des marchés
publics, contraintes aggravées avec l’augmentation des coûts de la
construction qui induit une multiplication des appels d’offre infructueux
et conduit à revoir à la baisse le dimensionnement des opérations. La
lenteur parfois difficilement explicable des décisions administratives n’est
pas non plus étrangère à l’allongement des calendriers et dans certaines
académies, des délais de quatre à sept mois sont parfois nécessaires pour
la seule attribution des délégations de signature des préfets aux recteurs.
4
Un rythme de consommation des crédits nettement dégradé
L’insuffisante
finalisation
de
nombreux
projets,
dont
les
financements sont mis en place alors même que les conditions
élémentaires pour la réalisation des opérations (disponibilité du terrain,
bouclage du plan de financement) ne sont pas réunies, conduit à une sous-
utilisation des moyens budgétaires. Sur les chapitres concernés
100
, le taux
de consommation des crédits est passé en cinq ans (1997 à 2001) de 74 à
41 % et le reliquat des crédits non-consommés atteint, à la fin de
l’exercice 2001, plus de 300 M€, pour une dotation en loi de finances
initiale de 270 M€. L’analyse des données de la comptabilité spéciale des
investissements complète ce constat et montre que l’utilisation des
autorisations de programme (AP) ne cesse de se dégrader : le stock des
AP affectées mais non encore engagées a doublé entre 1999 et 2001
passant de 125 à 250 M€. Quant au rythme effectif d’exécution des
travaux, il conduit, sur les AP engagées, à des volumes de restes à payer
en augmentation constante : 335 M€ en 2001, contre 275 M€ en 2000 et
235 M€ en 1999.
Face à l’aggravation du phénomène, le ministère a procédé en
2001, dans chaque académie, à une analyse détaillée de la gestion des
investissements. Il ressort de cette étude que l’existence de reports de
crédits toujours plus importants résulte également du traitement
administratif des opérations. Les procédures de mise en place et
d’utilisation des autorisations de programme comportent en effet de
99) La Cour a pu ainsi relever une opération de 2,8 M€ datant de 1989 et en cours de
clôture en 2002.
100) Chapitre 56-10 pour les constructions à maîtrise d’ouvrage Etat et chapitre 66-73
pour les constructions à maîtrise d’ouvrage déléguée.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
279
multiples étapes
101
(individualisation des AP déléguées, subdélégation
aux recteurs, affectation, engagement, etc.) qui impliquent une série de
navettes entre les services de la préfecture de région, le rectorat et le
contrôleur financier déconcentré. Ces différentes phases induisent des
délais excessifs et parfois injustifiables et contribuent, en retardant la
mise en œuvre des travaux, à la sous consommation des crédits
budgétaires constatée par la Cour
102
. Elles rendent par ailleurs le
déroulement des opérations souvent incompatibles avec les règles établies
pour obtenir le bénéfice des financements européens.
Enfin, il convient de relever que la chaîne comptable de traitement
des opérations d'investissement, depuis les bureaux ministériels jusqu’aux
utilisateurs finals, fait intervenir plusieurs logiciels de suivi budgétaire,
ayant chacun leur propre mode d’identification. Cette situation a pour
effet de rendre quasiment impossible la reconstitution historique d’une
opération d’investissement. Dans ces conditions, il n’est pas exclu que
l’absence de rapprochement comptable entre les informations détenues
par les différents échelons gestionnaires aboutissent
in fine
au non-
recouvrement des contributions externes attendues, soit en provenance
des collectivités locales, soit en provenance de l’Union européenne.
La sous consommation actuelle des crédits affectés à l’immobilier
universitaire démontre, à l’évidence, la faible capacité des différents
intervenants à conduire les programmes d’investissement et à mobiliser
les importants financements qui sont mis à leur disposition. A défaut d’un
redressement rapide de la situation actuelle (amélioration des capacités
d’expertise, simplification et accélération du traitement administratif,
suivi plus rigoureux de l’utilisation des crédits budgétaire), c’est
l’ensemble du plan U3M qui pourrait, à terme, se trouver compromis.
101) Les investissements déconcentrés font l’objet d’une délégation par le ministre
aux préfets de région. Ces derniers individualisent par opérations les AP qui leur ont
été déléguées et, après visa du TPG de région, subdélèguent aux ordonnateurs
secondaires concernés les AP nécessaires. Sous le contrôle du contrôleur financier
déconcentré, les ordonnateurs secondaires prononcent ensuite l’affectation des AP et
procèdent à l’engagement comptable puis juridique.
102) En 2001, 78 % des autorisations de programme et 41 % des crédits de paiement
ouverts sur les chapitres des constructions universitaires étaient utilisés en fin
d’année.
280
C
OUR DES COMPTES
III
Des universités en voie d’émergence
Les
universités
ont
reçu
leur
personnalité
juridique
d’établissements autonomes en 1968. En 1984, elles ont été dotées d’un
nouveau
statut
qui
a
précisé
leur
cadre
d’organisation
et
de
fonctionnement. Depuis cette date, les 82 universités qui accueillent les
deux tiers des étudiants tentent de s’affirmer et de forger les outils de leur
autonomie. Il leur reste pourtant encore un long chemin pour accéder à
une pleine maîtrise de leurs missions et de leur gestion.
A
Les instruments du gouvernement des universités
L’autonomie
des
universités
n’a
de
réalité
que
si
ces
établissements sont à même d’affirmer leur identité, de se doter d’un
gouvernement solide et de définir une stratégie de développement traduite
par une véritable politique financière. Dans son rapport public de 1999
consacré à la gestion budgétaire, financière et comptable des universités,
la Cour avait souligné que ces conditions n’étaient encore que rarement
réunies dans les universités jusqu’alors contrôlées par les juridictions
financières.
Quatre années après ce constat, il est possible de prendre la mesure
des progrès accomplis. Le gouvernement des universités s’est souvent
renforcé. Des améliorations ont permis de formaliser les procédures
administratives et de corriger nombre d’irrégularités d’ordre budgétaire et
financier. Pourtant il reste aux universités à renforcer l’autorité de leurs
instances centrales, à développer leurs compétences administratives et
techniques et à se doter d’instruments de pilotage pour donner corps aux
politiques qu’elles poursuivent.
Le gouvernement des universités
Le gouvernement des universités est organisé sous une forme
démocratique. Le pouvoir exécutif est assuré par un président élu pour
cinq ans par les trois conseils. Ce dernier dispose d’un bureau et d’un
secrétariat général qui dirige les services administratifs. Cette structure
dirigeante est chargée de préparer et de décider des questions soumises à
l’approbation des trois conseils qui constituent les organes délibérants des
universités :
- le conseil d’administration, présidé par le président de
l’université, qui connaît de toutes les missions dévolues à l’université et
peut déléguer certaines de ses attributions au président de l’université. Il
est composé de trente à soixante membres (40 à 45 % de représentants des
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
281
enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs, 20 à 30 % de
personnalités extérieures, 20 à 25 % de représentants d’étudiants, 10 à
15 % de représentants des personnels administratifs, techniques, ouvriers
et de service) ;
- le conseil scientifique qui propose au conseil d’administration les
orientations
des
politiques
pédagogiques
et
de
recherche
de
l’établissement. Il comprend vingt à quarante membres (60 à 80 % de
représentants du personnel dont la moitié de professeurs et personnes
habilitées à diriger des recherches, 7,5 à 12,5 % de représentants des
étudiants de troisième cycle, 10 à 30 % de personnalités extérieures qui
peuvent être des enseignants-chercheurs ou des chercheurs d’autres
établissements)
;
- le conseil des études et de la vie universitaire qui dispose d’un
pouvoir de proposition et d’instruction des demandes et projets concernant
la formation (initiale et continue) et la vie étudiante. Il comprend vingt à
quarante membres -75 à 80 % de représentants des enseignants-
chercheurs, des enseignants et des étudiants, 10 à 15 % de représentants
des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service, 10 à 15 %
de personnalités extérieures).
Chacun des deux derniers conseils est présidé par un vice-président.
Le renouvellement des membres a lieu tous les quatre ans, sauf pour les
représentants des étudiants, élus tous les deux ans.
1
Le renforcement de la fonction présidentielle
Du fait de leur histoire, les universités ont longtemps privilégié les
éléments qui les composent au détriment de leurs instances centrales
lorsqu’il s’agissait de concevoir et mettre en œuvre leurs politiques. Les
universités françaises, qui ont seulement trente cinq ans d’existence pour
les plus anciennes, sont, en effet, l’assemblage de structures dénommées
composantes. Celles-ci sont de tailles disparates et bénéficient de statuts
divers : unités de formation et de recherche (UFR), instituts et écoles
rattachés. Elles sont soit de création très récente, soit les héritières d’un
passé parfois prestigieux, antérieur à la création des universités dont elles
font partie. L’usage du terme ancien de faculté y subsiste d’ailleurs
parfois, en dehors de toute référence juridique.
L’organisation institutionnelle du gouvernement des universités
rend, par ailleurs, malaisée l’affirmation d’une politique unitaire
d’établissement.
La
polysynodie
instaurée
en
1968
appelle
une
coordination entre un conseil d’administration, un conseil scientifique et
un conseil des études et de la vie universitaire. Chacune de ces instances
émane d’élections organisées à des dates différentes. La capacité de
gouvernement du président de l’université peut, dès lors, se mesurer à sa
282
C
OUR DES COMPTES
capacité à définir une stratégie pour l’établissement et à obtenir
l’approbation et la coopération des trois conseils. Elle suppose que soient
constituées des équipes structurées et susceptibles d’affirmer au niveau
central une légitimité propre à dépasser les individualismes, voire les
rivalités des composantes.
a)
Des tendances centrifuges encore importantes
Nombre d’universités ont longtemps fonctionné sous une forme
confédérative, sans politique globale d’établissement à même de faire
contrepoids aux forces centrifuges des UFR. Les composantes, telles que
les UFR médicales et les IUT qui disposent d’une autonomie interne
accordée par la loi de 1984, sont souvent restées distantes des services
centraux. Les laboratoires de recherche bénéficient également d’une forte
autonomie. En raison de leurs liens avec les grands établissements de
recherche, nombre d’entre eux échappent en partie à l’emprise
universitaire, tant sur le plan de leurs ressources en personnel que de leurs
moyens financiers.
Dans quelques cas encore, le président de l’université est perçu
comme devant être et rester le chef hiérarchique des seuls services
centraux. Le cas extrême est celui d’une université méridionale où les
doyens de trois composantes, ayant tous reçu délégation du président,
détiennent la réalité du pouvoir, la fonction du président se limitant à un
rôle d’arbitrage.
Aussi le partage des tâches entre les organes centraux et les
composantes donne-t-il lieu à des solutions très variées.
Souvent la concentration des responsabilités au sein des services
centraux répond à une volonté de faire contrepoids à une autonomie trop
forte des UFR. Permettant d’asseoir les pouvoirs de la présidence, elle
présente
cependant
le
risque
d’une
excessive
centralisation
administrative. Ainsi, dans une importante université parisienne, une
organisation administrative très centralisée conduit à un engorgement
permanent des services financiers centraux, submergés par la gestion
quotidienne.
La déconcentration est une forme alternative d’organisation qui
préserve le rôle des services centraux tout en dotant les composantes de
responsabilités propres. Le mouvement de déconcentration concerne
surtout les services de gestion de la scolarité et de gestion financière. En
revanche, en matière de gestion des personnels, la création de services
dans les UFR est peu fréquente. Une telle réorganisation n’est, en effet,
réalisable qu’accompagnée par un transfert des agents, souvent difficile à
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
283
opérer. Le coût important en personnel induit par la déconcentration des
tâches explique pourquoi certaines universités ont visé des économies
d’échelle en regroupant les structures administratives des UFR de petite
taille.
En tout état de cause, les diverses configurations des pouvoirs
administratifs au sein des universités ne sauraient, par elles-mêmes,
permettre l’exercice de réelles fonctions de pilotage qui requièrent la
définition d’objectifs, le suivi des moyens et l’évaluation des résultats. A
cet
égard,
trop
d’universités,
engagées
dans
un
processus
de
déconcentration ou, à l’inverse, de concentration des tâches, croient de ce
seul fait développer une telle fonction, dont elles continuent en réalité à se
priver.
b)
L’affirmation de la fonction présidentielle
Désormais, nombre de présidents d’université ont antérieurement
exercé des responsabilités à la tête des conseils ou des fonctions de
direction au sein des composantes. Aussi la fonction présidentielle
apparaît-elle aujourd’hui plus proche de celle d’un dirigeant que de celle,
traditionnelle,
d’un
primus
inter
pares
au
sein
du
conseil
d’administration.
Dans la plupart des cas, le président de l’université n’exerce
personnellement que la seule présidence du conseil d’administration. Un
rôle important est donc dévolu aux vice-présidents des deux autres
conseils. Le président cherche alors à assurer le fonctionnement de son
équipe en désignant à l’avance, parfois de manière officielle, les deux
personnes qui deviendront vice-présidents.
Le bureau dont la composition est arrêtée par le conseil
d’administration, a pour rôle, selon les textes, de conseiller le président.
Si, dans plusieurs cas, le bureau est formé conformément au statut des
universités et joue pleinement ce rôle auprès du président, dans d’autres
établissements, cet organe n’a guère de consistance, soit qu’il ne se
réunisse pas, soit même qu’il n’ait plus été constitué depuis plusieurs
années, voire même plusieurs mandats.
Cette mise en sommeil du bureau se fait au profit de structures plus
restreintes qui émanent du seul président. La quasi-totalité des universités
récemment contrôlées par la Cour disposent, en effet, de véritables
structures de direction qui complètent le rôle du bureau ou en tiennent
lieu. Ces organes, qui ne sont pas prévus par les statuts, constituent alors
le véritable centre du gouvernement de l’université. Il s’agit le plus
284
C
OUR DES COMPTES
souvent d’un comité restreint de direction qui réunit autour du président
le secrétaire général, l’agent comptable et les vice-présidents des conseils.
De fait, certaines universités se sont dégagées d’une partie des
contraintes législatives qui les régissent, pour inventer des modes de
fonctionnement qu’elles considèrent plus adaptés à leurs besoins. La
disparition du bureau, la constitution d’équipes présidentielles font partie
de ces novations. D’autres adaptations sont envisagées par les
responsables d’université afin de faciliter l’élaboration et la mise en
œuvre de leur stratégie. La mise en cohérence de la durée des mandats du
président et des trois conseils ou la révision des pouvoirs accordés à
certaines composantes font partie des réflexions en cours de la conférence
des présidents d’université. Si ces dernières devaient aboutir, elles
pourraient rendre nécessaire une évolution du cadre législatif des
universités.
2
Les carences de la politique budgétaire et de la tenue des
comptes
La gestion financière constitue l’exemple le plus éclairant de la
difficulté des universités à élaborer et à maîtriser les instruments de leur
autonomie. L’insertion consacrée dans le rapport public de 1999 à
l’autonomie des universités dans leur gestion budgétaire, financière et
comptable
avait relevé de nombreuses carences, souvent constitutives
d’irrégularités : retards dans le vote du budget, absence de fiabilité des
prévisions budgétaires, reports massifs de crédits, manquements fréquents
au code des marchés publics, absence de signification du résultat,
défaillance de la comptabilité patrimoniale, etc. Bien que les récents
contrôles des juridictions financières aient permis de constater une
amélioration générale, en partie consécutive aux observations formulées
par la Cour en janvier 2000
103
, d’importants progrès restent encore à
accomplir.
103) Dans son rapport public annuel pour 1999, la Cour avait formulé une série de
recommandations portant notamment sur le renforcement du contrôle budgétaire par
les rectorats, la priorité donnée aux services financiers et comptables dans
l’affectation des personnels administratifs, le développement de la fonction « achats »,
et la mise en œuvre d’un certain nombre de dispositions portant sur la sincérité
budgétaire et comptable des états financiers : prise en compte des amortissements et
des dotations aux provisions, existence d’un budget consolidé, adoption plus rapide
des comptes financiers, etc.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
285
a)
La politique budgétaire des universités
Alors que le budget d’une université devrait traduire ses choix et
fédérer ses projets, il ne constitue pas encore un instrument opérant. Il
n’est que rarement ce qu’il devrait être : le document retraçant l’ensemble
des recettes et des dépenses de l’année à venir, qui permet de définir des
objectifs, de hiérarchiser les priorités et de suivre en exécution
l’utilisation des crédits.
Dans certains cas extrêmes, le budget demeure un document
formel sans influence aucune sur la gestion financière. A la suite du
contrôle par la Cour d’une grande université du nord où des dépassements
de crédits d’un montant de 31 M€ (soit les deux tiers du budget de
l’établissement) avaient été constatés, le ministère de l’éducation
nationale a encore été conduit en 2001 à rappeler aux universités que
l’ordonnateur et le comptable ne pouvaient engager des dépenses sans
que les crédits aient été préalablement ouverts selon les procédures
prévues par la réglementation.
A l’inverse, dans de nombreuses universités, des crédits sont
ouverts en cours d’exécution sous la forme de décisions budgétaires
modificatives qui conduisent à doubler, voire à tripler le montant du
budget initialement voté. La multiplication en cours d’année de telles
décisions ne garantit pas pour autant une meilleure adéquation entre la
prévision et l’exécution budgétaire. Trop souvent, les crédits ouverts
demeurent en effet inutilisés, ce qui démontre l’absence de fiabilité, voire
même de signification, des prévisions budgétaires.
Par ailleurs, les centres de responsabilité, instaurés au sein des
universités par l’arrêté du 28 mai 1994 relatif au budget de gestion des
EPSCP, en restent bien souvent au stade de centres de coûts et de
ressources. Alors qu’ils devraient favoriser le pilotage budgétaire en
facilitant le suivi des objectifs de gestion définis par le budget, ils ne sont
pas même des ébauches d’une véritable comptabilité analytique.
Toutes ces carences contribuent à expliquer l’incapacité de la
plupart des universités à utiliser leur budget comme un instrument
stratégique au service de leur politique d’établissement. Ainsi, dans de
trop nombreux cas, les modalités de répartition des moyens budgétaires
entre composantes s’opèrent sans objectif spécifique. Faute de consensus
autour d’un projet commun qui fonderait l’allocation interne des moyens,
la plupart des universités se bornent à ventiler les crédits entre les UFR
sur la base des critères nationaux que le ministère utilise pour répartir les
dotations entre universités. Si une telle méthode permet, il est vrai,
d’éviter les contestations internes ou d’apaiser d’éventuelles rivalités
entre composantes, elle ne constitue qu’un mode mécanique et sommaire
286
C
OUR DES COMPTES
de calcul des dotations. Elle n’est en rien la traduction d’une analyse des
besoins et d’une réflexion sur les priorités à financer.
Enfin, le plus souvent, les UFR refusent de mutualiser les réserves
financières qu’elles accumulent au fil des ans, en proportion des crédits
non utilisés qui sont reportés d’un exercice sur l’autre, le cas échéant en
faisant fi de la réglementation qui régit une telle procédure. De ce fait,
trop rares sont les universités qui ont réussi à mettre en œuvre une
politique d’utilisation de ces réserves, souvent massives, pour financer
des projets communs et classés selon un ordre de priorité décidé par les
instances centrales. Quelques initiatives peuvent toutefois être citées,
même si elles concernent des montants somme toute limités : en
mutualisant les réserves, une université du Nord-ouest a pu engager un
programme de réhabilitation immobilière, une autre du Sud-Ouest
financer du matériel scientifique mis à la disposition des composantes.
b)
Des comptes sans signification
Les lacunes dans le respect de la réglementation comptable sont
encore
fréquentes :
absence
d’inventaire
des
biens
mobiliers
et
immobiliers distinguant les biens propres de l’établissement et ceux qui
lui sont affectés ou mis à disposition, absence générale, au moins jusqu’à
une date récente, de tout amortissement de leurs immobilisations. Ces
lacunes retirent toute signification aux bilans des universités en les
privant notamment des informations indispensables à la conception et à la
mise en œuvre d’une politique patrimoniale.
Autre exemple d’errements comptables, la diversité, la confusion
et les nombreuses irrégularités qui caractérisent la mise en réserve des
crédits inutilisés en fin d’exercice, conduisent à brouiller la connaissance
de la situation financière des universités. Cas extrême, certaines d’entre
elles ne connaissent même pas le montant des crédits dont elles ont
réellement la disponibilité. En outre, la fiabilité de la comptabilité
d’engagement n’est pas toujours assurée. Dans certains cas, un
déplacement dans le temps des procédures de clôture de l’exercice a
compromis la sincérité même des comptes financiers.
Par ailleurs, rares sont les universités qui disposent d’une véritable
comptabilité analytique. Les quelques outils disponibles restent dans
l’ensemble
insuffisants
pour
constituer
les
bases
de
données
indispensables à une maîtrise des flux financiers. Ainsi, dans la plupart
des universités contrôlées, il n’existe aucune donnée sur les coûts
d’infrastructure. Lorsque ces coûts sont suivis par les services techniques,
il n’est guère possible d’établir des comparaisons pertinentes entre
établissements ou entre types d’immeubles, en raison de l’hétérogénéité
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
287
des indicateurs retenus. Toute tarification des prestations de service, en
particulier dans le domaine de la formation continue, repose alors sur des
bases aléatoires et surtout inexactes.
Un dernier défaut majeur des comptes financiers, dont les
universités ne sont pas responsables, est qu’ils n’intègrent pas les
rémunérations du personnel titulaire et assimilé, rémunéré par le budget
de l’Etat. Cette particularité, qui prive les établissements de la
connaissance de la partie la plus importante de leurs dépenses, s’avère
probablement l’obstacle le plus important à la réflexion prévisionnelle et
stratégique aujourd’hui indispensable aux établissements.
3
Une réglementation inégalement respectée
Si les pratiques gestionnaires sont très diverses d’une université à
l’autre, c’est en partie parce que les réglementations sont très inégalement
respectées. Qu’il s’agisse des statuts, des règles budgétaires ou
comptables
(reports
de
crédits,
suivi
des
ressources
affectées,
comptabilisation des subventions, etc.), des dispositions relatives au
personnel,
de
l’attribution
des
heures
complémentaires
ou
des
dispositions régissant la commande publique, les contrôles effectués par
les juridictions financières apportent de multiples exemples des distances
que prennent souvent les universités par rapport aux règles de droit.
Telle université méridionale présente des statuts qui, bien qu’ayant
été approuvés par l’administration centrale, ne sont pas conformes à la loi
de 1984. Nombre d’autres s’exemptent du respect des seuils relatifs à la
passation
de
marché
public.
Le
versement
irrégulier
d’heures
complémentaires
à
des
enseignants
exerçant
dans
des
antennes
délocalisées est fréquent ; alors que ces rémunérations devraient être
versées aux enseignants pour rétribuer un service d’enseignement, elles le
sont pour les dédommager de leurs trajets.
L’application des règles relatives aux droits d’inscription donne
également lieu à nombre d’irrégularités. Les droits d’inscription, de
scolarité, d’examen, de concours et de diplôme sont fixés par arrêté
ministériel dès lors qu’ils concernent des formations conduisant à des
diplômes nationaux. Malgré de multiples rappels, notamment des
juridictions
administratives
et
financières,
de
très
nombreux
établissements ne respectent pas le caractère facultatif des droits dits
« annexes ». Ces derniers qui correspondent à des prestations de service
complémentaires comme la fourniture de polycopiés et de supports
pédagogiques, sont, en effet, souvent présentés comme obligatoires par
les universités. Les établissements sont ainsi conduits à exiger des
étudiants le règlement de sommes qui, ajoutées aux droits d’inscription,
288
C
OUR DES COMPTES
atteignent des montants non négligeables, pour des services dont la nature
et l’objet ne sont, de plus, pas toujours clairement identifiés.
S’agissant des exonérations de droits, elles sont souvent accordées
en faisant fi de la réglementation. Elles concernent alors des catégories de
bénéficiaires non prévues par les textes, tels les personnels des
établissements et leur famille, alors que les exonérations ne devraient être
consenties, sur la base de critères généraux préalablement définis, qu’en
considération de situations personnelles.
La persistance de toutes ces irrégularités témoigne, de la part des
universités, d’un faible souci de la légalité et du respect des contraintes du
service public.
B
L’administration des universités
La qualité de l’administration des universités a fait longtemps
l’objet de critiques sévères de la part des juridictions financières comme
des organismes d’inspection. Une nette amélioration s’est produite au
cours de ces dernières années. Elle ne paraît pas sans lien avec
l’affermissement des pouvoirs gestionnaires des secrétaires généraux
d’université qui, aux côtés des présidents, s’appuient sur des services
administratifs réorganisés, équipés en matériel informatique et dont
l’action est désormais reconnue décisive pour le bon fonctionnement des
établissements. C’est dans le domaine de l’informatisation et de la gestion
du personnel administratif que les progrès les plus notables ont été
accomplis.
Pourtant les contrôles démontrent que les universités se sont
inégalement investies dans la modernisation de leur gestion, certaines
présentant encore une administration précaire, sinon archaïque. Les
politiques conduites en matière immobilière sont notamment éclairantes
des difficultés qu’éprouvent encore les universités à assumer leurs
responsabilités gestionnaires.
1
L’informatisation des universités
L’informatisation des universités s’est progressivement effectuée à
travers un groupement d’intérêt public qui, créé en 1992, associait les
établissements et l’administration centrale du ministère de l’éducation
national. Ce groupement est devenu en 1997 l’agence de modernisation
des universités (AMUE). Reposant sur les principes d’adhésion volontaire
des établissements et de mutualisation des moyens et des compétences,
l’objectif était de confier à un opérateur unique et externe le
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
289
développement de produits de gestion informatiques pour l’ensemble des
structures d’enseignement supérieur.
La poursuite de cet objectif ne s’est pas faite sans difficultés. Le
contrôle de l’AMUE a ainsi conduit la Cour à critiquer la gestion
défectueuse
de
cette
structure :
graves
déséquilibres
financiers,
surestimation des compétences informatiques disponibles dans les
établissements, absence de mise en concurrence pour certains marchés,
incohérences dans la conduite des opérations aboutissant à d’importants
surcoûts, défaillances comptables et financières.
Mais à ce jour, les universités disposent de produits informatiques
de gestion dans trois grands domaines : la gestion comptable et
budgétaire, la gestion des études et de la scolarité, la rémunération des
personnels. Cet équipement a constitué un important facteur de
modernisation de leur gestion.
L’implantation des logiciels nationaux a rendu indispensable une
réflexion sur l’organisation des universités. Elle les a poussées à revoir et
souvent à resserrer l’arborescence de leurs niveaux de gestion, à définir
des centres de responsabilité et à créer ou à améliorer leurs bases de
données. Elle a également permis d’exprimer des besoins en termes de
formation des gestionnaires, de mise à jour des procédures internes et de
respect de la réglementation. Pour autant, l’insuffisance de personnel
formé aux techniques informatiques, l’absence d’une réflexion préalable
suffisamment approfondie sur l’organisation des services ainsi que la
réticence à mettre en place des modes de gestion inter-universitaire, ont
souvent entravé le processus. Aussi la gestion de la fonction informatique
dans les universités est-elle aujourd’hui très inégalement maîtrisée.
L’existence de produits nationaux, très majoritairement payés par
l’Etat, n’a pas empêché la mise au point, par certaines universités, de
produits propres qui témoignent d’un louable souci de rapidité et
d’efficacité. Il n’est toutefois pas exclu qu’une telle situation conduise à
des dépenses redondantes et à d’inutiles doublons.
A ce jour, les universités ont pris conscience qu’elles devaient
mettre en place des systèmes d’information globaux qui assemblent les
sources de données éparses et permettent ainsi d’élaborer des outils de
pilotage et d’aide à la décision. L’AMUE lance un programme à cette fin,
mais certaines universités explorent déjà par elles-mêmes cette voie. La
question se pose ainsi de choisir entre un maître d’ouvrage central ou des
développements menés de façon dispersée : la maturité acquise par
certaines universités et le respect du principe d’autonomie peut nourrir
une telle interrogation.
290
C
OUR DES COMPTES
2
La gestion du personnel administratif
L’évolution de la gestion du personnel administratif dans les
universités prend progressivement en compte les recommandations
énoncées depuis une quinzaine d’années, en particulier par le comité
national d’évaluation (CNE) et la Cour. Le recensement des fonctions,
l’appréciation des tâches, la définition de politiques relatives aux carrières
individuelles ou la mise en œuvre de programmes de formation
constituent, plus que par le passé, des préoccupations des universités. Les
plus importantes d’entre elles se sont même dotées de directions des
ressources humaines, souvent rattachées au secrétaire général ou placées
sous la responsabilité d’un secrétaire général adjoint.
Pour autant, nombre d’universités en sont restées à une gestion
encore archaïque de leur personnel administratif. Alors que les enjeux à
venir des universités nécessiteront la constitution d’équipes gestionnaires
solides et compétentes qui font encore défaut, un tel manque d’initiative
est à l’évidence critiquable.
a)
L’affectation des personnels
Dans les universités, la quasi-totalité du personnel administratif
relève de corps nationaux de fonctionnaires gérés par le ministère. La
filière de l’administration scolaire et universitaire (ASU) fournit les
contingents des universités au même titre que ceux des EPLE ou des
services rectoraux. La filière ASU ne regroupe cependant pas la totalité
des agents titulaires, certains appartenant à la filière des ingénieurs,
techniciens et administratifs de la recherche et de la formation (ITARF).
Ces
derniers,
en
nombre
minoritaire
dans
les
services
administratifs des universités, sont recrutés pour leurs compétences
techniques et pourvoient les postes dont le profil est défini par les
établissements.
A contrario
, les marges de manœuvre des universités sont réduites
pour les agents de la filière ASU qui sont affectés par les services
rectoraux ou centraux. Ceci ne conduit pas toujours à mettre à la
disposition des universités les spécialistes que requiert le développement
de fonctions nouvelles ou spécialisées, telles l’informatique ou la gestion
et la maintenance immobilières. Y compris en matière comptable et
financière, les agences comptables ou les services financiers souffrent
souvent d’un déficit de compétences.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
291
b)
Un sous-encadrement persistant
Les universités contrôlées par les juridictions financières déclarent
pâtir d’une excessive proportion d’agents d’exécution, d’un déficit en
personnels de catégorie B et d’une insuffisance persistante en cadres de
catégorie A. Les statistiques nationales éclairent ce jugement. En 2000,
sur un effectif total de 20 339 agents ATOS affectés en université, les
personnels de catégorie A ne représentaient que 14,3 % des effectifs, ceux
appartenant à la catégorie B 22,2 % et la catégorie C 63,3 %. Le
pyramidage actuel des postes constitue à l’évidence un handicap pour
mener à bien la modernisation de la gestion. Il limite, de plus, les
possibilités de déconcentrer les actes de gestion du ministère ou des
services rectoraux vers les établissements.
Face à cette situation, certains responsables d’université souhaitent
que les départs en retraite ou les promotions d’agents soient l’occasion
d’une requalification progressive des postes. Encore faut-il que cette
politique s’appuie sur des outils de gestion prévisionnelle des effectifs.
De tels outils n’ont pas encore été développés dans les universités ; les
contrats quadriennaux passés avec le ministère ignorent généralement la
question du recrutement et,
a fortiori,
celle de la gestion prévisionnelle
des personnels administratifs.
Cette orientation envisagée par de grandes universités n’est pas
partagée par des établissements de taille plus réduite qui préfèrent gérer le
sous-encadrement par le biais de la formation. Dans ces conditions, la
formation devient un enjeu majeur, même si elle demeure encore
insuffisamment développée. Toutes les universités ne sont pas encore
dotées d’une structure administrative en charge de la formation du
personnel. Dans des établissements de petite taille, un seul agent à temps
partiel est souvent employé à cette tâche. Selon certaines statistiques,
dont la fiabilité devrait au demeurant être renforcée, chaque agent ne
bénéficierait en moyenne que d’une journée et demie par an de formation.
Cette durée se situe bien en deçà des préconisations de l’accord-cadre sur
la formation continue dans la fonction publique de l’Etat.
3
La gestion immobilière
Les universités disposent d’un patrimoine immobilier de plusieurs
millions de mètres carrés. La conservation en état de fonctionnement et
de sécurité de ce patrimoine, son adaptation aux besoins et son
développement doivent apparaître comme une préoccupation constante,
en raison de leur impact sur la vie et le financement des établissements. A
ce titre, la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 dispose que
292
C
OUR DES COMPTES
les établissements d’enseignement supérieur exercent les droits et
obligations du propriétaire sur les locaux qu’ils ont reçus en affectation
ou qui sont mis à leur disposition par l’Etat. Parallèlement à cette
évolution, l’Etat a, durant la décennie 1990, fait de la mise en sécurité des
locaux universitaires une de ses priorités.
Ces deux éléments ont contribué à faire progresser les universités
dans la mise en place de politiques immobilières plus abouties. Toutefois
la situation est encore déficiente. Si de nombreuses universités
provinciales ont entrepris une gestion plus active, l’administration du parc
immobilier présente encore des carences, voire des défaillances dont
souffrent en particulier la plupart des universités parisiennes.
a)
Un parc immobilier souvent inadapté
Le parc immobilier des universités est hétérogène. Il répond à des
usages aussi diversifiés que l’enseignement, la documentation, la
recherche ou la vie collective des étudiants. Il se compose de locaux
d’âges contrastés, des bâtiments historiques, parfois classés, voisinant
avec des locaux très récents.
Malgré les progrès réalisés lors du plan université 2000, les
surfaces destinées à l’enseignement et à l’accueil des étudiants demeurent
parfois insuffisantes pour répondre à l’ensemble des besoins de la vie
universitaire.
Dans certaines universités parisiennes, l’étroitesse de l’espace
disponible impose aux établissements des plages horaires très amples
allant de 8 heures jusqu’à 22 heures. Ces heures de cours tardives ne sont
pas sans inconvénient pour le transport et la sécurité des étudiants. Dans
le cas des universités confrontées à un environnement difficile, il faut
assurer tous les enseignements dans une plage horaire réduite, soit de 8
heures à 18 heures. Or, bien souvent, les cours les plus fréquentés ne
peuvent pas être dédoublés, faute de salles disponibles.
La surcharge des lieux d’enseignement n’est évidemment pas sans
conséquence sur le taux d’abandon des étudiants en cours d’année. De
plus, la pénurie des surfaces complique la gestion des emplois du temps et
des salles. L’utilisation intense des locaux provoque un vieillissement
accéléré des infrastructures. La maintenance des immeubles et des
installations ne peut être assurée que sur des périodes de courte durée, en
dehors des horaires d’ouverture aux étudiants. L’absence de locaux de
substitution oblige à traiter le moindre incident dans l’urgence.
L’insuffisance de surfaces touche encore plus les bibliothèques
universitaires. La pénurie de logements d’étudiants semble aussi générale,
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
293
même si cette situation est particulièrement critique en Ile-de-France. Les
étudiants du département de Seine-Saint-Denis ne disposent que de 430
lits. Compte tenu d’une durée moyenne de séjour de trois ans, le CROUS
n’est en mesure d’offrir chaque année que 60 à 70 places, alors que les
demandes émanant d’étudiants dont les parents sont exonérés d’impôt sur
le revenu sont de l’ordre de 3 000.
Le parc immobilier des universités est enfin très dispersé. La
pénurie de surface, liée à la croissance des effectifs d’étudiants, a conduit
les établissements à rechercher à tout prix des locaux disponibles, parfois
au mépris de la cohérence d’ensemble et de l’unité de leur
fonctionnement.
En province, l’essaimage géographique est en général moins
important, mais le choix initial d’implantations en centre ville où les
réserves foncières sont inexistantes a rendu nécessaire les extensions en
zone périphérique sans qu’il y ait toujours engagement de la part des
composantes à rassembler leurs locaux. Les antennes délocalisées
contribuent tout autant à la dispersion.
A Paris, la situation est caricaturale : hormis une université
implantée sur un seul site, toutes les autres sont géographiquement
éclatées, le cas extrême concernant une université disséminée entre 19
sites différents. Aussi n’est-il pas rare que les étudiants soient contraints
de parcourir des distances de plusieurs kilomètres pour se rendre d’un
cours à un autre.
b)
Un patrimoine insuffisamment entretenu
Malgré la prise de conscience des questions liées à la sécurité des
immeubles au cours de la décennie 1990, la situation actuelle est loin
d’être satisfaisante.
Un contraste apparaît toutefois entre les universités provinciales et
parisiennes. Alors que nombre des premières ont fait preuve de vigilance,
les secondes ont connu une détérioration progressive de leur niveau de
conformité aux normes de sécurité. Les bâtiments de la Sorbonne
constituent un exemple extrême de telles carences.
La gestion du patrimoine immobilier de la Sorbonne
La Sorbonne est un ensemble immobilier qui occupe 80 000 m².
Les nombreux corps de bâtiments sont desservis par un réseau de galeries
et séparés par des cours intérieures. Une tour d’astronomie domine
l’ensemble. Six établissements d’enseignement et de recherche occupent la
Sorbonne : quatre universités (Paris I, Paris III, Paris IV et Paris V),
294
C
OUR DES COMPTES
l’école pratique des hautes études et l’école des chartes. La société
astronomique de France utilise la tour d’astronomie. Une partie des
services académiques de Paris occupe l’aile nord-ouest. Figurent
également de nombreuses bibliothèques dont il n’existe pas de
recensement exhaustif. La plus importante est la bibliothèque inter-
universitaire (BIU) qui occupe 9 000m².
Les bâtiments de la Sorbonne sont la propriété de la ville de Paris.
La mise à disposition de l’université remonte au Second empire mais il
n’existe plus d’exemplaire de cet acte. Au moment de la disparition de
l’ancienne université de Paris et de son éclatement entre plusieurs
établissements, aucun acte n’est venu entériner la nouvelle répartition, si
ce n’est une convention de 1972 qui précise les modalités de
remboursement des dépenses à la chancellerie. Aussi le fonctionnement de
la Sorbonne souffre-t-il d’une dilution des responsabilités entre les divers
occupants. Cette gestion est si complexe qu’elle dépasse parfois
l’entendement : hormis l’école des chartes et la BIU, aucun utilisateur ne
dispose d’un espace homogène.
S’agissant de leur entretien, les bâtiments de la Sorbonne ont fait
l’objet d’un total abandon par la ville de Paris pendant plus de 50 ans. Un
projet de rachat par l’Etat a été envisagé et remis périodiquement à l’ordre
du jour, puis définitivement abandonné au début des années 1990. De ce
fait, les travaux à réaliser sont tout à fait considérables. Un plan
d’investissement, estimé en 1996 à 13,48 M€, concerne la remise en état
du clos et du couvert et la mise en sécurité. Les travaux sont financés par
la Ville de Paris avec une contribution du ministère de l’éducation
nationale de 1,52 M€. Ces dépenses paraissent limitées par rapport aux
besoins de réhabilitation.
Enfin les bâtiments de la Sorbonne sont soumis à la réglementation
des établissements recevant du public. Or les locaux n’ont fait l’objet
d’aucun examen global de la commission de sécurité entre 1978 et 1992 et
ce, malgré deux incendies survenus en 1990 et 1992. Depuis lors, les
interventions de la commission sont ponctuelles. L’état de la BIU présente
des risques importants. La solidité à froid du bâtiment et la charge au sol
n’ont jamais été vérifiées, alors que les structures métalliques supportent
plus de trois millions d’ouvrages. Les locaux ne sont pas encloisonnés.
Certains sont même dépourvus de réseau de détection de fumées et de
sortie de secours, tel le bâtiment B où, au cœur des réserves de la BIU,
travaillent en permanence huit personnes dans des bureaux aux murs de
bois.
La carence la plus grave est l’absence de réseau d’alarme. Les
exercices d’évacuation sont dès lors très difficiles à organiser. Ils ne
peuvent avoir lieu que par zones, sur intervention humaine, au sifflet ou
bien à la corne de brume. Encore de tels exercices sont-ils contraints par
des comportements individualistes car de très nombreuses zones sont
protégées par des codes d’accès qui obturent les sorties de secours.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
295
Si la Sorbonne se trouve dans une situation extrême, la plupart des
universités ne disposent pas des instruments de base qui leur
permettraient de rationaliser la gestion de leur patrimoine immobilier et,
a
fortiori,
d’assurer une véritable programmation des interventions. Dans
bien des cas, elles ne disposent d’un logiciel de gestion du patrimoine
immobilier que depuis une date récente. C’est souvent au moment de
travaux d’envergure, entrepris, par exemple, lors d’un programme de
mise en sécurité, que les universités ont ressenti le besoin de se doter de
plans fiables de leurs diverses installations.
Enfin les universités ne disposent encore que rarement d’un
diagnostic de l’état du bâti. En dépit des dispositions réglementaires, rares
sont celles qui pratiquent une planification pluriannuelle des chantiers.
Elles dépendent pour la plupart de financements externes qui privilégient
de fait les opérations ponctuelles. Faute d’une réflexion à long terme, la
cohérence des projets n’est que très partiellement assurée à l’occasion des
contrats quadriennaux, des grands plans initiés par l’Etat (plan de mise en
sécurité, plan U 2000, plan U3M) et des contrats de plan Etat-région.
L’Etat porte une part de responsabilité importante dans de telles
carences. La centralisation de la programmation et les modes de gestion
des crédits d’investissement de l’Etat n’apportent pas la transparence et la
continuité dont la gestion immobilière des universités a besoin. Les
opérations s’inscrivent, de plus, dans un cadre juridique encore flou car il
est fréquent que les arrêtés d’affectation ou de remise en dotation
d’immeubles appartenant à l’Etat n’aient jamais été pris au bénéfice des
universités qui pourtant les utilisent.
C
La gestion de l’offre de formation et du service des
enseignants
La gestion de l’offre de formation consiste à confronter une charge
d’enseignement, qui résulte des diplômes proposés et du nombre
d’étudiants accueillis, avec un potentiel d’enseignement constitué à partir
du service statutaire dû par chacun des enseignants affectés dans
l’université ou l’école considérée.
Dans les établissements d’enseignement supérieur, cette gestion est
le plus souvent effectuée au niveau des composantes ou des départements
et les pouvoirs de la présidence et des services centraux apparaissent
limités, que ce soit dans la détermination des charges d’enseignement ou
dans le contrôle exercé sur le service des enseignants, contrôle qui révèle
des pratiques variables, parfois laxistes et dans certains cas irrégulières.
Cette absence de maîtrise de l’offre de formation et du potentiel
296
C
OUR DES COMPTES
d’enseignement, que ne sauraient justifier à eux seuls les principes
d’indépendance scientifique et d’autonomie pédagogique, aboutit à une
grande diversité des pratiques, entre établissements mais également entre
composantes d’un même établissement, et conduit à une dispersion
souvent excessive des moyens d’enseignement.
1
Les dérives de l’offre d’enseignement
L’offre de formation se fonde en premier lieu sur les maquettes
pédagogiques, définies par arrêté ministériel et qui prévoient, pour chaque
diplôme national, le volume minimum des enseignements à assurer (ou
maquette « plancher »). C’est à partir de cette référence que sont élaborés
les projets de formation, qui sont ensuite transmis, pour habilitation, à
l’administration centrale.
Au sein des universités, les procédures qui conduisent à définir et à
proposer une offre d’enseignement font apparaître de nombreuses
lacunes. Elles confirment l’autonomie presque complète des échelons
intermédiaires (section disciplinaire, filière, département, UFR), et
montrent l’insuffisante maîtrise, par les établissements, d’une fonction
pourtant essentielle. Dans ce domaine, les enquêtes de la Cour ont montré
que les demandes formulées par ces derniers (généralement au niveau des
composantes) prospéraient sans obstacle majeur et conduisaient souvent à
une inflation non maîtrisée des charges d’enseignement
104
.
Faute d’une réflexion globale sur la stratégie et le projet de
formation, ces demandes se fondent le plus souvent sur des initiatives
individuelles, inspirées par la volonté d’attirer ou de retenir les publics
étudiants ou de conforter certains champs de recherche. L’absence
d’étude préalable sur les coûts induits par les maquettes proposées est
générale et ce paramètre n’intervient à aucun moment dans les
discussions internes aux établissements ou avec l’administration centrale.
Il
apparaît tout
d’abord
que les maquettes
transmises
à
l’habilitation ne respectent pas toujours les textes officiels (ni en termes
de volume horaire, ni en termes de répartition des enseignements) et
qu’elles sont, en outre, systématiquement supérieures aux maquettes
plancher, telles qu’elles figurent dans les arrêtés concernant chaque
diplôme. Dans certains cas, les dépassements correspondent à un quasi-
doublement des heures d’enseignement. Les maquettes « habilitées »,
comme on l’a déjà indiqué, évoluent ensuite de façon spontanée et
souvent incontrôlée, notamment par l’addition de nouvelles options, sans
104) Volume des horaires d’enseignement nécessaires pour assurer les formations.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
297
pour autant que les instances délibérantes de l’établissement ou son
président en aient toujours connaissance.
Enfin, entre la maquette habilitée et la maquette réellement mise en
œuvre, c’est-à-dire les formations effectivement dispensées au niveau des
composantes, des décalages fréquents apparaissent, qui tiennent aux
modalités concrètes d’enseignement. Il n’existe en effet aucune norme de
référence pour la taille des groupes et des amphithéâtres, qu’il s’agisse
des cours magistraux, des travaux dirigés ou des travaux pratiques et
chaque département ou UFR peut avoir, dans ce domaine, des traditions
ou des pratiques très différentes. Confrontés à cette disparité, il arrive que
les organes centraux des universités tentent de définir des règles
communes, mais ces tentatives sont généralement perçues comme
contraires à l’autonomie disciplinaire et à la nécessaire prise en compte
des spécificités locales. L’existence de modules ou d’enseignements
optionnels, regroupant de faibles effectifs d’étudiants, ou encore le
dédoublement de certains cours peuvent ainsi conduire à alourdir, dans
des proportions souvent importantes, la charge d’enseignement. Les
services centraux, qui, pour chiffrer et calibrer les besoins en moyens
d’enseignement, ne disposent souvent que des données issues des
maquettes habilitées, se trouvent alors confrontés, de la part des
composantes, à des demandes en moyens supplémentaires qu’ils ne
maîtrisent pas toujours.
En l’absence de règles précises qui viendraient encadrer le volume
et le contenu des enseignements, l’offre de formation proposée aux
étudiants présente finalement une grande hétérogénéité, que ce soit sur le
plan de la pédagogie ou sur celui de la consommation des moyens. Pour
un
même
diplôme,
les
taux
d’encadrement
(volume
d’heures
d’enseignement rapporté aux effectifs) peuvent présenter des écarts tout à
fait significatifs. Ainsi, dans deux universités parisiennes voisines, les
taux d’encadrement pour la licence de lettres modernes varient dans un
rapport de un à quatre, avec respectivement 3,3 heures par étudiant dans
l’une et 12,6 dans l’autre. Une telle disparité, si elle démontre une relative
indifférence des établissements au coût des enseignements, traduit avant
tout une grande inégalité entre les étudiants dans la préparation de
diplômes nationaux sensés pourtant sanctionner et valider un même
niveau de connaissance.
2
Des obligations statutaires inégalement observées
Les obligations de service des enseignants servent à déterminer le
potentiel d’enseignement disponible. Elles obéissent à des règles précises,
tant en terme de contenu (enseignement, orientation, coordination
298
C
OUR DES COMPTES
pédagogique, contrôle des connaissances, etc.) que de quantum (nombre
d’heures dues devant les enseignés). Dans ce domaine cependant la
diversité des pratiques est la règle et les textes ne sont pas toujours
respectés, voire même sont enfreints délibérément. Par rapport à
l’ensemble des dispositions en vigueur, les dérives, qu’il s’agisse de la
pratique des « sous-services » ou de l’existence de décharges non-
réglementaires, sont fréquentes et contribuent à une sous-utilisation du
potentiel d’enseignement. En outre, ces situations, bien que régulièrement
relevées par la Cour ou par l’inspection générale de l’administration de
l’éducation nationale et de la recherche, perdurent sans que les
responsables d’établissements manifestent la volonté d’y mettre fin.
Les obligations de service des enseignants chercheurs
Les missions statutaires des enseignants chercheurs (professeurs
des universités et maîtres de conférence) sont fixées par le décret du 6 juin
1984. Celles-ci comprennent notamment l’élaboration et la transmission
des connaissances, le développement de la recherche fondamentale et
appliquée, le conseil et l’orientation des étudiants, les activités de
coopération internationale, l’administration des établissements, ainsi que
la participation
aux jurys d’examen et de concours.
Ces missions comportent en particulier un service d’enseignement
en présence d’étudiants. La durée annuelle de ce service est fixée à
128 heures de cours magistral, ou 192 heures de travaux dirigés, ou 288
heures de travaux pratiques, ou toute autre combinaison équivalente sur la
base des coefficients ainsi dégagés. Les autres activités, liées à la fonction
d’enseignement (encadrement des étudiants, coordination pédagogique,
etc.), relèvent de leurs obligations statutaires, et sont dues par les
enseignants, sans rémunération complémentaire.
Afin de prendre en compte les tâches ou les responsabilités
particulières, qui vont au-delà de leurs strictes obligations de service, les
enseignants
chercheurs
bénéficient
d’un
régime
indemnitaire
correspondant
aux
trois
fonctions
essentielles
qu’ils
exercent :
administration de l’établissement, pédagogie et recherche. Ce régime
comporte
trois
primes
exclusives
l’une
de
l’autre :
la
prime
d’administration et de charges administratives, la prime de responsabilité
pédagogique et la prime d’encadrement doctoral, les deux premières
pouvant être le cas échéant converties sous la forme d’une décharge de
service, conduisant ainsi à alléger les obligations d’enseignement des
intéressés. En dehors des décharges statutaires appliquées aux personnels
occupant des fonctions de responsabilité (président et vice-président
d’université, directeur d’école ou de composante), ces « décharges contre
primes » constituent le seul cas où un enseignant chercheur n’est pas tenu
d’effectuer l’intégralité de son service devant étudiants.
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
299
Enfin le fait d’assurer une charge d’enseignement supplémentaire
donne lieu à une rémunération sous forme d’heures complémentaires.
L’attribution de ces heures est toutefois réservée aux seules activités
d’enseignement en présence d’étudiants et leur mise en paiement ne peut
intervenir qu’à la condition que l’intégralité des obligations de service ait
été préalablement accomplie.
Une première pratique largement répandue consiste en l’attribution
d’équivalences de service, permettant de prendre en compte certaines
activités pédagogiques (hors enseignements proprement dits) ou certaines
tâches administratives. Ces équivalences peuvent se traduire soit par une
réduction du service d’enseignement (ou décharge) qui ne sera pas
effectué dans sa totalité, soit par un dépassement de ce service qui sera
alors
rémunéré
par
l’attribution
d’heures
complémentaires
Elles
concernent des activités aussi diverses que la responsabilité d’une option
ou d’une année, les visites en entreprises, l’organisation d’un voyage
d’études, ou encore la gestion du site « web » de l’université. Hormis les
cas prévus par la réglementation (décharges statutaires et décharges
correspondant à la transformation de certaines primes), de telles
pratiques, qui peuvent être extrêmement hétérogènes d’un établissement à
l’autre, voire d’une composante à l’autre, sont évidemment irrégulières. Il
arrive en outre que pour une fonction donnée, un enseignant cumule
l’attribution de la prime correspondante avec l’octroi d’une décharge de
son service d’enseignement
105
.
Certains établissements pratiquent également des décharges de
service au profit de jeunes enseignants pour leur permettre de consacrer
un temps significatif à leurs travaux de recherche. Les heures accordées
en décharge sont alors compensées par des heures complémentaires
permettant de faire effectuer par d’autres le service correspondant à cette
décharge.
Au-delà des réductions de services ou des modalités particulières
de prise en compte de certaines « tâches supplémentaires », les services
d’enseignement en présence d’étudiants peuvent être diversement
comptabilisés, avec l’application à l’heure de cours effective d’un
« coefficient de majoration », non prévu par les textes : doublement des
105) C’est le cas par exemple dans une université du Sud-Est contrôlée par la Cour,
où le directeur des études d’une composante bénéficiait à la fois de la prime de
responsabilité pédagogique et d’une décharge de service de 160 heures TD.
L’intéressé effectuant par ailleurs la totalité de son service d’enseignement en
présence d’étudiants, cette « décharge » venait en réalité s’ajouter au service déjà
effectué et se trouvait intégralement rémunérée sous forme d’heures complémentaires.
300
C
OUR DES COMPTES
heures de cours magistraux pour la préparation à l’agrégation, attribution
d’une heure majorée (1,2 heure TD) pour les séances de travaux dirigés
devant des groupes de plus de 40 étudiants, etc.
Les déperditions qui affectent le potentiel enseignant peuvent enfin
tenir à l’existence de sous-services plus ou moins institutionnalisés. En
effet, les enseignants chercheurs n’effectuent pas systématiquement un
service complet d’enseignement soit en raison du manque d’étudiants
inscrits, soit parce que l’université est sur-dotée en personnel et que la
charge d’enseignement ne suffit pas à les employer tous. Dans une
université parisienne récemment contrôlée par la Cour, sur 62 états de
service portés à la connaissance de la juridiction, 22 indiquaient ainsi un
sous-service pouvant aller jusqu’à 40 % des obligations statutaires. Dans
cette situation, la réglementation (décret du 6 juin 1984) impose à
l’enseignant concerné
de
compléter son
service
dans un autre
établissement de la même académie. Cette disposition, normalement mise
en œuvre à la demande du président ou du directeur de l’établissement,
n’est en réalité jamais appliquée. Dans les faits, les sous-services
conduisent plus fréquemment à une inflation de l’offre de formation, soit
par la création d’un enseignement supplémentaire correspondant au
complément
de
service
à
assurer,
soit
à
travers
une
« sur-
comptabilisation » des heures de cours : tel enseignement de 30 heures
sera compté pour 40 heures afin d’atteindre les obligations réglementaires
de service de l’intéressé.
3
Une gestion encore défaillante de la fonction enseignement
Le pilotage de l’offre de formation suppose une adéquation
rigoureuse entre d’une part le potentiel disponible (obligations statutaires
des personnels enseignants, diminuées des éventuelles décharges de
service) et d’autre part les charges pédagogiques qui découlent des
formations dispensées. Pour combler le déficit entre les charges et le
potentiel, les établissements doivent généralement faire appel à des
moyens d’enseignement supplémentaires, constitués par la dotation en
heures complémentaires
106
.
Cet ajustement de l’offre de formation exige une connaissance fine
du contenu des formations, ainsi qu’un contrôle vigilant de l’emploi du
temps des enseignants. Il suppose également que l’ouverture des
106) Les heures complémentaires permettent de rémunérer soit les services
d’enseignement effectués par les personnels de l’établissement au-delà de leurs
obligations statutaires, soit les cours assurés par les intervenants extérieurs (vacataires
et contractuels).
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
301
enseignements soit subordonnée à la disponibilité des moyens et fasse
l’objet d’un arbitrage préalable au sein de l’établissement. Ces deux
conditions sont aujourd’hui très inégalement réunies dans les universités.
Les différentes pratiques qui conduisent à sous-utiliser le potentiel
statutaire, comme l’inflation des charges pédagogiques, témoignent d’une
maîtrise encore défaillante de cette fonction enseignement
a)
La gestion du potentiel d’enseignement
Si la gestion administrative du personnel enseignant est souvent
effectuée à l’échelon central de l’établissement par un service du
personnel aux missions traditionnelles (situations statutaires, suivi des
carrières, etc.), la gestion pédagogique et le décompte des services et des
heures d’enseignement sont en revanche du ressort des composantes ou
des départements, avec un retour au niveau central plus ou moins
contrôlé.
L’ajustement du potentiel enseignant à l’offre de formation (en
fonction des effectifs étudiants et de l’organisation des enseignements) est
un travail réalisé de façon empirique, qui revient généralement aux
responsables de département ou de filière. Il s’agit le plus souvent d’une
gestion au fil de l’eau et il est rare que les composantes soient en mesure
d’établir avant le deuxième trimestre un plan prévisionnel des charges
d’enseignement pour l’ensemble de l’année universitaire. Dans ces
conditions, les services centraux de l’établissement, chargés de préparer
le budget et de prévoir les moyens d’enseignement nécessaires, sont
réduits à travailler sur la base de maquettes pédagogiques parfois
anciennes ou à se référer, faute de mieux, à la consommation des moyens
d’enseignement de l’année précédente.
La connaissance du potentiel enseignant disponible pour assurer
les formations souffre des mêmes imprécisions. Les emplois du temps
sont établis au niveau des composantes, où il n’existe pas toujours
d’application informatique de gestion des heures d’enseignement.
L’obligation faite par une récente circulaire interministérielle d’établir,
avant le début de l’année universitaire, un état prévisionnel des services
est rarement respectée et certains présidents doivent parfois attendre
jusqu’au mois d’avril pour pouvoir disposer, en dépit de relances
répétées, des emplois du temps de l’année. Cette difficulté à appréhender
le service des enseignants est encore accentuée lorsque ces derniers
dispensent
leurs
enseignements
dans
plusieurs
départements
ou
composantes différentes. Il est alors impossible, faute d’une gestion
centralisée au niveau de l’université, de disposer d’une information fiable
sur les services réellement effectués. Pour échapper à ce cloisonnement
302
C
OUR DES COMPTES
des UFR, une université parisienne a adopté depuis peu un système de
gestion par discipline, mais il s’agit là d’une expérimentation encore
marginale.
Les nombreuses enquêtes réalisées tant par la Cour que par les
chambres régionales des comptes ont par ailleurs montré qu’il n’existait
pas de contrôle portant sur le service réellement effectué par les
enseignants et sur le respect par ces derniers de leurs obligations
statutaires. Le système repose en effet sur une base purement déclarative,
à travers un état des services, rempli par les intéressés, pour le semestre
ou l’année écoulés. Quelques tentatives de vérification « sur pièces », en
rapprochant le service déclaré de l’emploi du temps de l’enseignant ou
encore du planning d’occupation des salles, ont été effectuées dans
certaines universités, mais ces pratiques demeurent exceptionnelles. Le
plus souvent, les établissements se refusent à exercer un contrôle qu’ils
qualifient de « policier » et susceptible d’être assimilé à une surveillance
vétilleuse et vexatoire de l’activité pédagogique des enseignants.
Parallèlement, le paiement des heures complémentaires s’appuie,
en règle générale, sur un état global récapitulant le total des heures
enseignées et dont on déduit les heures statutaires (192 heures TD). Le
caractère approximatif et parfois incomplet de ces documents ne permet
de s’assurer ni de la réalité des heures effectuées, ni de l’accomplissement
préalable, par les enseignants concernés, de la totalité de leurs obligations
de service.
L’offre de formation, confrontation entre un potentiel et une charge
d’enseignement, apparaît ainsi faiblement pilotée par les échelons
centraux
des
universités
auxquels
est
opposée
l’indépendance
pédagogique de leurs composantes. Ne disposant que de données
partielles et tardives, ces services ont une capacité d’intervention limitée,
qu’il s’agisse de la définition des besoins disciplinaires ou de l’utilisation
des moyens pédagogiques.
b)
L’attribution et la répartition des heures complémentaires
Dans ce contexte, le recours aux heures complémentaires,
destinées à pallier l’éventuel déficit entre les besoins en heures
d’enseignement et les moyens réellement disponibles, apparaît comme un
outil essentiel dans la régulation de l’offre de formation. Cet outil reste
cependant inégalement utilisé par les universités.
Les crédits destinés au paiement des heures complémentaires sont
distribués entre les composantes, et il est rare que cette gestion reste
centralisée au niveau de la présidence et de ses services. L’attribution des
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
303
dotations se fait en outre selon des modalités très différentes. Dans
certaines universités, elle donne lieu à une négociation préalable avec
chacune des composantes, négociation fondée sur leurs demandes
motivées, ainsi que sur une analyse des moyens disponibles et des
charges d’enseignement. La grande majorité des établissements se
contente cependant des données issues du modèle SANREMO, ou
s’appuie sur les consommations de l’année précédente, aménagées en
fonction des besoins exprimés par les UFR, ce qui constitue en général
une prime aux composantes les moins économes.
Le contrôle des consommations effectives par rapport aux
prévisions initiales est par ailleurs souvent inexistant. La plupart du
temps, les heures complémentaires payées sont enregistrées dans la
comptabilité des composantes et les universités ne disposent pas toujours
d’instrument permettant de mesurer
a posteriori
l’utilisation des crédits
correspondants. Les dépassements, lorsqu'ils se produisent, sont en outre
rarement sanctionnés, les composantes ayant toujours la possibilité de
puiser dans leur budget propre de fonctionnement pour maintenir le
niveau de leur offre de formation.
Face à l’explosion des heures complémentaires et compte tenu de
la contrainte budgétaire, des procédures de plus en plus nombreuses se
développent néanmoins pour assurer, au sein des universités, une
meilleure gestion des moyens d’enseignement. L’analyse plus rigoureuse
du potentiel disponible, le contrôle des maquettes habilitées, l’existence
d’un
plafonnement
individuel
des
rémunérations
en
heures
complémentaires
(limitées
par
exemple
à
un
demi-service
d’enseignement), le souci de subordonner l’ouverture ou la création d’une
option
aux
moyens
effectivement
disponibles,
ou
encore
le
développement
de
logiciels
permettant
de
suivre
les
services
d’enseignement, constituent des tentatives qu’il convient de souligner et
qui ont contribué, en règle générale, à une nette diminution de la
consommation en heures complémentaires au cours des dernières années.
304
C
OUR DES COMPTES
__________
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
_________
Alors qu’il est confronté à des défis majeurs, on peut s’interroger
sur la capacité de réaction du système d’enseignement supérieur, au
premier rang duquel figurent les universités.
Le gouvernement de l’ensemble universitaire souffre de faiblesses
structurelles. Dans un univers où règne la liberté de l’enseignement et
l’indépendance des universitaires, l’Etat dispose de pouvoirs importants
en matière de gestion, mais surtout en matière de garantie de l’égalité
des étudiants ainsi que de la qualité des formations. Toutefois, l’usage
qu’il fait de ces pouvoirs ne peut pas être considéré comme satisfaisant.
L’opacité et les conséquences inflationnistes de la méthode de
répartition des moyens condamnent le système actuel.
L’habilitation a
conduit à la multiplication souvent injustifiée des formations sans en
garantir la qualité, contribuant ainsi à remettre en question le caractère
national des diplômes dont elle devait pourtant être le garant. Si la
contractualisation avec les établissements a constitué un incontestable
progrès, ses effets restent marginaux et, au total, la maîtrise du
développement d’un ensemble dont il a la responsabilité échappe en
grande partie à l’Etat.
Face à lui, les universités apparaissent encore, dans de nombreux
cas, tout aussi faibles, en raison notamment des forces centrifuges qui s’y
exercent.
Produit
de
l’histoire
et
de
certaines
des
règles
de
fonctionnement des établissements, le pouvoir est longtemps resté dans
les composantes, parfois même dans les équipes universitaires, au
détriment des structures fédérales.
L’allocation et la gestion des moyens financiers ont encore trop
rarement acquis la place centrale qu’ils devraient avoir dans la vie des
établissements, en particulier pour ce qui touche à la fonction
enseignement. Le suivi du potentiel enseignant, depuis la répartition des
emplois jusqu’à l’exécution des services, relève plus de décisions
ponctuelles, voire individuelles, que d’arbitrages globaux, justifiés par la
cohérence de l’offre de formation et l’utilisation rationnelle des moyens.
La gestion universitaire se caractérise encore trop souvent par l’absence
de maîtrise, sans même parler de contrôle, des fonctions essentielles de la
vie de l’établissement. Enfin, le respect de la réglementation est rarement
assuré et ce dans presque tous les domaines : statuts, gestion, droits
d’inscription, services des enseignants.
Il conviendrait d’aller au bout de la logique introduite par la loi de
1968 et renforcée en 1984 : que les universités exercent la plénitude de
L’
ORGANISATION ET LE PILOTAGE
305
leurs pouvoirs en matière d’enseignement supérieur, sous réserve
qu’elles en assument totalement la responsabilité et soient tenues de
rendre compte de leurs résultats, qu’ils soient pédagogiques ou
financiers.
La
maîtrise
directe
de
leur
personnel
technique
et
administratif ainsi que de la gestion de leur patrimoine immobilier et la
mise
en
œuvre
d’un
budget
global,
incluant
les
dépenses
de
rémunération, permettraient aux universités de s’organiser comme elles
le souhaitent, à partir de principes qu’il appartient à l’Etat de fixer.
Celui-ci doit ainsi redéfinir le cadre général de son action et
préciser la façon dont il entend mettre en œuvre ses fonctions
d’animation, de contrôle et de coordination de l’enseignement supérieur.
L’exercice de contractualisation serait alors revu, dans son contenu et
dans sa durée, pour devenir l’expression des engagements réciproques du
ministère et des établissements et le moyen d’apprécier leur mise en
œuvre. L’habilitation, indispensable si l’on souhaite conserver les
diplômes nationaux, devra aussi être revue dans tous ses aspects, qu’il
s’agisse de son contenu, incluant la définition précise de ce qu’est un
domaine de formation, de sa portée, de sa périodicité ou encore des
conditions de son éventuel retrait.
Les établissements ont cependant, eux aussi, de grands progrès à
faire pour pouvoir exercer l’autonomie qu’ils revendiquent. Le premier
sera de renforcer la fonction présidentielle. Le second sera de consolider
la fonction administrative et financière, en donnant au secrétaire général
et à ses services la place et le rôle qui leur reviennent dans la hiérarchie
de l’établissement. Le troisième sera d’organiser la fonction pédagogique
en rationnalisant l’offre de formation, notamment par une plus grande
sélection vis-à-vis des diplômes et parcours de formation proposés, mais
également en contrôlant plus étroitement l’utilisation des crédits et des
emplois, ainsi que le respect des obligations de service.
Enfin, les lacunes constatées dans la gestion des personnels,
enseignants et non enseignants, ou dans le suivi des investissements, qui
ne sont pas toujours directement imputables aux universités, soulignent la
nécessité de définir précisément les compétences des différents acteurs.
En ce qui concerne en particulier les investissements, il conviendra de
donner les moyens, soit aux services déconcentrés, soit
aux universités,
d’en assurer la maîtrise d’ouvrage, faute de quoi la seule solution serait
de confier cette compétence aux collectivités locales.
306
C
OUR DES COMPTES
307
Chapitre VIII
L’efficacité de l’enseignement supérieur
308
C
OUR DES COMPTES
Les formations supérieures ne peuvent pas être tenues pour seules
responsables des échecs des étudiants et du chômage des diplômés.
Toutefois les moyens que la collectivité met au service de l’enseignement
supérieur exigent que les établissements donnent la possibilité au plus
grand nombre d’acquérir une formation sanctionnée par un diplôme qui
débouche sur un emploi. Il paraît dès lors légitime de chercher à apprécier
l’efficacité de l’enseignement supérieur. Cet exercice est ardu à un double
titre.
En premier lieu, il nécessite de définir les objectifs de
l’enseignement supérieur à l’égard des étudiants qu’il accueille. Il exige
également de disposer de données statistiques fiables sur l’activité et les
résultats du système de formation supérieure. Sur ces différents points, de
nombreuses carences entravent l’analyse.
En second lieu, l’enseignement supérieur a certes, en l’espace de
vingt ans, amélioré ses performances. En témoignent indéniablement la
progression des effectifs, l’augmentation du nombre de diplômes délivrés
ou l’aisance qu’ont, comparativement aux autres, les étudiants à s’insérer
sur le marché de l’emploi. Il faut toutefois dépasser ce constat global car
des contrastes importants affectent les performances des filières et des
établissements. Il convient dès lors d’en identifier les causes et d’agir sur
elles pour améliorer les résultats. A ce titre, les réformes successives qui
ont marqué les premiers cycles universitaires ont exprimé tout à la fois la
préoccupation du ministère devant des résultats considérés comme
défaillants et ses difficultés à trouver des solutions efficaces.
I
Des objectifs très généraux
A la différence de l’enseignement scolaire qui doit scolariser tous
les enfants jusqu’à l’âge de seize ans, l’accès à l’enseignement supérieur
est fondé sur une décision individuelle de poursuite d’études. Ce caractère
facultatif peut expliquer pourquoi aucun taux cible de passage entre les
enseignements scolaire et supérieur n’a été défini. Ce n’est que depuis
peu et de façon informelle, que les responsables du ministère de
l’éducation nationale estiment souhaitable un taux d’accès de 50 % d’une
classe d’âge.
Pourtant l’ouverture de l’enseignement supérieur au public le plus
nombreux est une nécessité car, dans un contexte international où
l’innovation constitue un facteur essentiel de progrès, elle contribue à
élever le niveau de qualification de la population. Dans son livre premier
relatif aux principes généraux de l’éducation, le code de l’éducation
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
309
précise ainsi que cet enseignement doit contribuer à l’élévation du niveau
scientifique, culturel et professionnel de la nation, à la croissance
régionale et nationale et à la réduction des inégalités sociales et
culturelles en assurant un accès aux formes les plus élevées de la culture
et de la recherche.
L’ouverture à un public plus large que par le passé est venue
remettre en cause la mission traditionnelle de l’enseignement supérieur
qui est de former les étudiants à la démarche scientifique pour qu’ils
rejoignent, au terme de leur cursus, l’enseignement ou la recherche. En
accueillant des étudiants plus nombreux mais également plus divers dans
leurs besoins et leurs attentes à l’égard de l’institution éducative,
l’enseignement supérieur n’a certes pas renoncé à sa mission de
préparation à la recherche scientifique mais cet objectif premier été
complété par d’autres relatifs à la professionnalisation et à l’insertion
dans la vie active. En effet, plus que par le passé, les premières années
correspondent à une période de choix des étudiants, selon qu’ils
envisagent de poursuivre leurs études ou qu’une fois leur diplôme obtenu,
ils décident de se présenter sur le marché de l’emploi.
La loi sur l’enseignement supérieur de 1984 a tenu compte de la
mutation des attentes des étudiants en précisant les objectifs de chacun
des cycles universitaires. Ces objectifs doivent toutefois être traduits en
actions concrètes, dont les réformes successives des premiers cycles
universitaires montrent les difficultés de mise en œuvre.
Les objectifs définis par la loi du 26 janvier 1984 sur l’enseignement
supérieur
Le premier cycle universitaire a pour finalités :
- «
de permettre à l’étudiant d’acquérir, d’approfondir et de
diversifier ses connaissances dans des disciplines fondamentales ouvrant
sur un grand secteur d’activité, d’acquérir des méthodes de travail et de
sensibiliser à la recherche ;
- de mettre l’étudiant en mesure d’évaluer ses capacités
d’assimilation des bases scientifiques requises pour chaque niveau et type
de formation et de réunir les éléments d’un choix professionnel ;
- de permettre l’orientation de l’étudiant dans le respect de sa
liberté de choix, en le préparant soit aux formations qu’il se propose de
suivre dans le deuxième cycle, soit à l’entrée dans la vie active après
l’acquisition d’une qualification sanctionnée par un titre ou un diplôme,
ont pour finalité de permettre aux étudiants d’acquérir, d’approfondir et
de diversifier leurs connaissances et leurs méthodes de travail, de réunir
310
C
OUR DES COMPTES
les éléments d’un choix professionnel et de choisir leur orientation au sein
de l’université ou dans la vie active
».
Le second cycle «
regroupe des formations comprenant, à des
degrés divers, formation générale et formation professionnelle. Ces
formations, organisées notamment en vue de la préparation à une
profession ou à un ensemble de professions, permettent aux étudiants de
compléter leurs connaissances, d’approfondir leur culture et les initient à
la recherche scientifique correspondante
».
Le troisième cycle est défini comme «
une formation à la recherche
et par la recherche, qui comporte la réalisation individuelle ou collective
de travaux scientifiques originaux
». Il comprend «
des formations
professionnelles de haut niveau intégrant en permanence les innovations
scientifiques et techniques
».
II
Des résultats difficiles à mesurer
En raison de la pluralité des objectifs fixés à l’enseignement
supérieur, plusieurs critères de jugement doivent être combinés pour
mesurer son efficacité : l’accès à l’enseignement supérieur renseigne sur
sa capacité d’accueil ; le nombre de diplômes délivrés mesure sa capacité
à
doter
les
étudiants
d’une
qualification
reconnue ;
l’insertion
professionnelle des étudiants permet d’apprécier sa capacité à répondre
aux besoins économiques.
Sur ces trois points, l’enseignement supérieur a indéniablement
amélioré ses performances. L’accès à l’enseignement supérieur s’est
fortement accru de même que le nombre de diplômes délivrés. Les
diplômés de l’enseignement supérieur accèdent plus facilement que les
autres à un emploi.
Toutefois, si les études du ministère de l’éducation nationale
mettent en relief ces éléments favorables, des nuances importantes
doivent être apportées. En effet, la réussite globale du système de
formation supérieure recouvre des contrastes marqués entre filières et
établissements.
L’échec
concerne
de
nombreux
étudiants,
tout
particulièrement dans les premiers cycles universitaires, et représente une
déperdition de moyens. Enfin le ministère ne dispose pas encore de toutes
les statistiques qui permettraient d’approfondir l’analyse. Aussi de
nombreuses précautions doivent-elles être prises pour ne pas biaiser
l’interprétation des données disponibles.
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
311
A
L’accès aux formations supérieures
En l’espace de vingt ans, l’enseignement supérieur a su accueillir
un nombre croissant d’étudiants. Il est devenu un enseignement de masse.
Pourtant tous les élèves issus du système scolaire ne bénéficient pas de la
même chance d’y accéder et d’y poursuivre un cursus. Ces disparités
tiennent aux caractéristiques des étudiants mais également à l’action
sélective de l’institution éducative.
La probabilité d’accès à l’enseignement supérieur n’est pas la
même pour tous les bacheliers. Toutes filières supérieures confondues, les
bacheliers généraux prédominent. En 2000, ces derniers constituaient
83 % des entrants à l’université, hors IUT. Dans les IUT, ils en
représentent 67%. En cours de cursus, l’accès en second cycle, hors IUT
et secteur médical, présente de fortes disparités qui sont également liées à
la nature du baccalauréat. Le taux moyen d’accès est de 68 % pour les
bacheliers généraux, de 22,5 % pour les bacheliers technologiques et
seulement de 8,5 % pour les bacheliers professionnels.
Les retards de la scolarité antérieure influent également sur le
parcours des étudiants. Le taux d’accès au deuxième cycle est de 73,6 %
pour un bachelier ayant obtenu son baccalauréat sans retard, de 49,9 % si
ce retard est d’un an et de 29,1 % s’il est supérieur à un an. Si l’on
rapproche ces données des études conduites par la DPD sur les retards
scolaires qui démontrent une forte corrélation avec l’appartenance socio-
professionnelle des parents, il faut en déduire que les facteurs de
discrimination sociale à l’œuvre à l’école manifestent leur influence dans
l’enseignement supérieur et même s’y accentuent.
L’efficacité du
système d’aide sociale
Le code de l’éducation charge le service public de l’éducation de
contribuer à garantir l’égalité des chances. L’article L. 821-1 précise que
«
la collectivité nationale accorde aux étudiants, dans les conditions
déterminées par voie réglementaire, des prestations qui sont dispensées
notamment par des organismes spécialisés […] Elle privilégie l'aide
servie à l'étudiant sous condition de ressources afin de réduire les
inégalités sociales. […]
».
Les aides versées sous conditions de ressources sont toutefois
minoritaires au sein du dispositif d’aide sociale, même si les mesures du
nouveau plan social étudiant vont dans le sens d’un accroissement sensible
du volume des bourses. En effet, il n’existe pas un mais des dispositifs
d’aide sociale aux étudiants, gérés par des acteurs divers, dont les
préoccupations ne sont pas toujours convergentes. Seules les bourses et les
œuvres universitaires sont en effet exclusivement
dédiées au public
312
C
OUR DES COMPTES
étudiant
, les autres prestations relevant de la politique familiale, fiscale,
ou sociale au sens large.
Il en résulte une absence de connaissance précise et synthétique des
masses financières consacrées
au financement de ces dispositifs, des
incohérences dans la réglementation des aides
et une absence de
coordination institutionnelle qui doivent d'autant plus être soulignées que
l'enjeu financier global - de l'ordre de 6,4 Md€
107
- est loin d'être
négligeable.
La principale difficulté à laquelle se heurte aujourd’hui tout projet
de réforme est l’absence d’option claire en matière de
finalités
du
système : s’agit-il d’assurer un rééquilibrage des situations au profit des
familles défavorisées qui ont un potentiel d’investissement limité dans les
études de leurs enfants ou de lier à la qualité d’étudiant le bénéfice d’une
allocation égalitaire supposée garantir une autonomie suffisante ?
En effet, comme il l’a déjà été indiqué, les statistiques du ministère
de l’éducation nationale démontrent, toutes filières de formation
confondues, une surreprésentation des étudiants issus des catégories
sociales les plus favorisées, au détriment de ceux issus de catégories
sociales plus modestes.
Origine sociale et accès à l’enseignement supérieur
dans l’Union européenne
«
Dans l’Union européenne, la participation à l’enseignement
supérieur est d’autant plus importante que le niveau d’études atteint par le
père ou la mère est élevé. Quel que soit le pays considéré, le profil est
similaire :
on
trouve
proportionnellement
plus
de
jeunes
dans
l’enseignement supérieur dans les familles où le chef de ménage a déjà un
diplôme de l’enseignement supérieur et proportionnellement moins de
jeunes dans l’enseignement supérieur dans les familles où le chef de
ménage a un diplôme de l’enseignement primaire ou secondaire inférieur.
C’est en Grèce et en Autriche que la différence est la plus remarquable
»
Regards sur l’éducation, OCDE, 2001
S’il dépend des caractéristiques propres des étudiants, l’accès à
l’enseignement supérieur dépend tout autant des structures de formation.
Par exemple, les taux d’accès au deuxième cycle différent selon les
filières et les établissements. En droit, ils sont de 25,9 % en deux ans, de
107) Voir chap. VI-B-1.
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
313
28,4 % en sciences économiques, de 34,2 % en lettres et sciences
humaines et de 26,4 % en sciences. De tels écarts ne peuvent résulter
d’écarts équivalents dans les valeurs respectives des étudiants mais
signifient que les différentes filières imposent leurs propres schémas de
sélection. Ceci est également vrai à l’échelle des établissements car,
d’une université à l’autre, le taux d’accès en second cycle varie du simple
au triple, traduisant ainsi des pratiques très diverses. Certaines universités
procèdent dès l’entrée en première année à une sélection plus ou moins
manifeste bien qu’illégale, ce qui leur permet d’atteindre un taux élevé de
passage en deuxième année. D’autres opèrent une sélection après l’entrée
et présentent des taux de passage en deuxième année voire en fin de
DEUG, très faibles.
L’impact de tels comportements sélectifs, coûteux pour la
collectivité, est toutefois délicat à quantifier, en l’absence d’études fines
du ministère de l’éducation nationale. Aussi le ratio de l’accès au
deuxième cycle ne peut-il être utilisé sans précaution. En particulier, le
fait de ne pas accéder à ce deuxième cycle n’est pas toujours synonyme
d’échec. Ainsi les diplômés de DEUG qui intègrent des écoles
d’ingénieurs ne peuvent bien sûr être considérés comme ayant échoué
dans leur accès au cycle suivant, pas plus que ceux qui décident de se
présenter sur le marché du travail. Il est dès lors difficile d’interpréter les
disparités d’accès entre filières et établissements qui résultent tout autant
des choix individuels des étudiants que des responsabilités de l’institution
universitaire.
B
La production de diplômes
En 1998, parmi les 730 000 jeunes qui achevaient leur formation
initiale, 286 000, soit près de 40 % sont sortis titulaires d’un diplôme de
l’enseignement supérieur. 148 000, soit plus de la moitié d’entre eux, ont
obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur long. Vingt ans
auparavant, ils n’étaient respectivement que 123 000 et 53 000.
Force est pourtant de constater de très fortes disparités entre
filières. Pour le DEUG, la formation la plus sélective est le droit (taux de
réussite de 73 % quel que soit le nombre d’années pour y parvenir), la
moins sélective, les STAPS (91 %). Pour la licence et la maîtrise, les taux
se situent à 73 % et 72 % en droit alors qu’ils sont en langues de 57 % et
de 33 %. Les écarts entre les universités sont tout aussi importants. Par
exemple, dans les formations en droit, les taux de réussite vont du simple
au triple selon les établissements.
314
C
OUR DES COMPTES
L’amplitude de ces écarts ne s’explique pas par des considérations
socio-économiques car certaines universités proches, voire même
limitrophes, obtiennent des résultats très différents. Elle ne s’explique pas
plus
par
la
taille
des
établissements,
ni
par
leur
caractère
multidisciplinaire ou, au contraire, spécialisé. Aucun élément, en dehors
des caractéristiques pédagogiques et des spécificités d’organisation de
chaque université, ne semble donc expliquer la réussite de certains
établissements, que ni l’ancienneté, ni la réputation, ni le niveau de
dotations en enseignants ou en moyens budgétaires ne distinguent
particulièrement. En l’absence d’études comparatives entre les universités
et d’analyse sur les facteurs de leurs performances contrastées, le
ministère de l’éducation nationale n’est pas à même d’expliquer ces
phénomènes.
Pour éclairer ces derniers, le ministère devrait être en mesure, ce
qui n’est pas le cas, de lever les incertitudes concernant la connaissance et
l’interprétation des performances des établissements. Il n’existe pas
encore d’étude systématique et fiable des taux de réussite aux différents
diplômes. Les études du ministère portant sur les chances de réussite des
étudiants durant leur parcours de formation sont lacunaires et sujettes à
caution. S’il existe des données sur les DEUG, le ministère n’a pas encore
publié de données sur les probabilités qu’ont les bacheliers d’obtenir des
diplômes tels que la licence ou la maîtrise. Le panel de bacheliers 1996
élaboré par la DPD devrait permettre une meilleure connaissance
statistique, mais il n’a que cinq ans de recul, ce qui est trop court pour
analyser les parcours d’étudiants. Par ailleurs, la base de données SISE
qui recense les étudiants par diplôme et les enquêtes annuelles sur les
diplômes
obtenus
souffre
d’incertitudes
sur
les
informations
communiquées par les universités. Des erreurs ont notamment entaché
certaines années l’identification des étudiants. L’amélioration de
l’information est une préoccupation du ministère mais on ne peut pour
l’instant que relever des divergences inexpliquées entre les diverses
sources d’information.
Par ailleurs, la capacité d’une université à doter ses étudiants d’un
diplôme peut être appréciée de différents points de vue. En premier lieu,
la durée d’obtention d’un diplôme peut être plus ou moins longue. Il
existe certes des normes sur lesquelles sont bâtis les cursus des diplômes.
Pour certains d’entre eux, le nombre de réinscriptions est limité par les
textes. Ainsi sont limitées à trois fois les inscriptions annuelles au DEUG,
deux inscriptions supplémentaires pouvant être acceptées sur dérogation
accordée par le président de l’université. Mais, outre le fait que ces
prescriptions sont appliquées avec tolérance, les choix personnels de
certains étudiants peuvent les conduire à étaler leur formation dans le
temps. Si, selon les données du ministère de l’éducation nationale, près de
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
315
80 % des étudiants obtiennent leur DEUG, ce taux résulte d’un calcul qui
ne tient pas compte du facteur temporel, puisqu’il cumule les résultats
d’étudiants ayant obtenu leur diplôme en plus de deux ans, voire jusqu’à
cinq ans pour 6 000 d’entre eux.
En second lieu, le taux de succès au DEUG n’est pas en soi un
ratio pertinent parce qu’il est mesuré par rapport aux étudiants qui se sont
inscrits deux années de suite. En effet, il occulte les étudiants qui ont
abandonné au cours ou à la fin de la première année. L’analyse du
devenir des bacheliers un an après leur entrée dans l’enseignement
supérieur montre, en effet, un phénomène massif de redoublement et
d’abandon. Sur 100 étudiants inscrits, 36 redoublent dans la même filière
ou dans une autre, 21 quittent l’université sans diplôme et 15 se
réorientent vers une autre formation, notamment en IUT et en STS.
Certes les abandons se traduisent dans la plupart des cas par des
réorientations en dehors du système universitaire. Une étude réalisée par
des universitaires sur les élèves d’un établissement de l’ouest qui
n’avaient pas repris leur inscription en DEUG, a montré que seuls 10 %
des effectifs de la cohorte pouvaient être considérés comme en échec réel,
c’est-à-dire qu’ils n’avaient obtenu aucun diplôme, n’étaient pas dans une
autre filière d’enseignement supérieur ou n’avaient pas passé un concours
administratif. Une approche de ce type souligne que le DEUG remplit des
fonctions très diverses, dont une fonction de palier d’orientation qui ne
peut pas être négligée. Il reste que le phénomène d’abandon et de
redoublement en première année de DEUG ne saurait devenir une forme
de substitut coûteux à une défaillance manifeste de la politique
d’orientation des étudiants.
Enfin les données internationales relatives aux résultats des
premiers cycles de formation sont encore éparses et ne permettent pas des
comparaisons fiables. Ainsi dans son rapport «
Improving student
achievement in English higher education
» publié en janvier 2002, le
National Audit Office, homologue de la Cour des comptes française, a-t-il
montré qu’en Angleterre, 77 % des étudiants inscrits pour la première fois
en université en 1998-1999, ont obtenu leur «
first degree
» au terme des
trois années du premier cycle britannique. Ce taux est, selon les
rédacteurs, particulièrement élevé et n’est devancé que par celui du Japon
(90 %). En comparaison, le taux de réussite des étudiants français inscrits
dans un cursus de trois ans qui débouche sur la licence, est médiocre
puisqu’il se situe à environ 55 %, soit moins que les Etats-Unis qui
dépassent les 60 % ou l’Allemagne située à plus de 70 %.
En l’absence d’informations plus précises sur le contenu de ces
statistiques, de telles comparaisons qui mettraient la France en position
défavorable, sont cependant sujettes à débat.
316
C
OUR DES COMPTES
C
L’insertion professionnelle des diplômés
L’efficacité des établissements d’enseignement supérieur peut être
également appréciée en fonction de la capacité qu’ont leurs diplômés à
s’insérer dans le marché du travail. La majorité des diplômés
universitaires sont aujourd'hui embauchés par le secteur privé, alors que,
dans leur grande majorité, ils s’inséraient autrefois dans le secteur public
ou se dirigeaient vers des professions réglementées. Cette évolution
expose donc de façon croissante les diplômés aux aléas du marché du
travail.
L'insertion professionnelle des jeunes diplômés est un processus
complexe qui confronte un parcours de formation, une dynamique
professionnelle individuelle et la situation conjoncturelle de l’offre
d’emploi. La capacité des universités à peser sur ce processus, qui leur est
en grande partie extérieur, ne peut être que limitée. La dialectique
nécessaire entre systèmes éducatif et productif conduit cependant certains
établissements à s’intéresser au sort des étudiants pour les informer sur
les débouchés et adapter leur offre de formation en conséquence.
Toutefois de telles démarches sont encore rares.
1
Une efficacité relative
Un diplômé de l'enseignement supérieur trouve toujours un emploi
plus rapidement qu'un diplômé de l'enseignement secondaire. Six ans
après la fin de leurs études, près de huit diplômés du supérieur sur dix ont
un emploi, alors que cette proportion n’est que de six diplômés sur dix
pour les sortants de l'enseignement secondaire. Comme dans les autres
pays
comparables,
l'enseignement
supérieur
joue
donc
un
rôle
accélérateur dans l'obtention d'un emploi. Il facilite également l’accès à
des fonctions d’encadrement. Cinq ans après la fin de leurs études, les
diplômés de l’enseignement supérieur exercent en moyenne cinq fois plus
souvent que les diplômés du second degré une profession supérieure ou
intermédiaire.
Ces constats globaux recouvrent toutefois des performances
contrastées selon les filières de formation. En 1999, les écoles
d'ingénieurs présentaient, trois ans après la fin des études, un taux de
chômage de 2 %, les écoles de commerce de 3 %, les diplômés de
troisième cycle universitaire de 8 % et les diplômés de deuxième cycle de
10
%.
De
tels
écarts
marquent également
l’accès aux postes
d’encadrement auxquels parviennent 88 % des diplômés des grandes
écoles, plus de 80 % des diplômés des troisièmes cycles, 67 % des
diplômés des licences et maîtrises, plus de 50 % des diplômés des DEUG,
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
317
et 45 % des titulaires de diplômes universitaires de technologie (DUT) ou
de brevets de techniciens supérieurs (BTS). Autrement dit, un emploi
stable et bien rémunéré est aujourd’hui plus particulièrement lié à la
détention d’un diplôme de troisième cycle ou d’une grande école.
La nature disciplinaire des filières est un autre facteur discriminant.
Si les titulaires d’un diplôme scientifique ou technique ont relativement
bien tiré parti de l’amélioration économique des années récentes, il n’en
va guère de même pour les littéraires. Alors qu’en mars 1999, environ
trois diplômés sur quatre occupaient un emploi stable (CDI ou
fonctionnaire), trois ans après la fin de leurs études, à peine un tiers des
diplômés du deuxième cycle en lettres et sciences humaines occupaient
un emploi à durée indéterminée.
2
La faiblesse de l’appareil d’information des universités
Les écoles ne vivent sous leur statut privilégié que parce que leur
efficacité en matière d’insertion professionnelle est avérée. Cette dernière
est mesurable immédiatement et les établissements se mobilisent pour
faciliter l’insertion professionnelle de leurs étudiants et assurer un suivi
de leur parcours professionnel, le plus souvent d’ailleurs à travers les
associations d’anciens élèves.
Sans doute en raison de leur culture, davantage orientée vers la
transmission du savoir, les universités se sont inégalement mobilisées
pour s’informer du devenir professionnel de leurs étudiants. Les services
d’information et d’orientation effectuent certes des études sous la forme
de questionnaires adressés à certaines catégories de diplômés, notamment
issus des filières professionnalisantes. Certaines universités ont même
créé, en collaboration avec des collectivités locales, des organismes
spécialisés dans la recherche sur l’insertion professionnelle. Quelques
observatoires sont particulièrement actifs. Cependant cette préoccupation
est trop récente pour avoir débouché sur des résultats significatifs. De
plus, la diversité des méthodes employées rend difficile la formulation de
conclusions
générales
sur
les
facteurs
concourant
au
devenir
professionnel des étudiants. Les tentatives récentes pour définir des
méthodes d’analyse sur l’insertion professionnelle des étudiants devraient
permettre d’en approfondir la conduite et d’en affermir les résultats.
318
C
OUR DES COMPTES
III
Des réformes des premiers cycles
universitaires aux résultats mitigés
La loi sur l’enseignement supérieur de 1984 a été la première à
formuler les trois objectifs du premier cycle universitaire à ce jour
intégrés dans le code de l’éducation : préparation au second cycle,
orientation et professionnalisation. Le premier objectif s’inscrivait dans la
tradition séculaire de l’université et correspondait à son public habituel.
En revanche, les deux derniers objectifs visaient à prendre en compte les
évolutions alors en cours de l’enseignement supérieur, c’est-à-dire la
massification
et
la
diversification
des
publics
d’étudiants.
Plus
précisément, ils furent conçus pour répondre aux difficultés d’étudiants
qui, n’ayant pas forcément les acquis requis par l’enseignement
universitaire traditionnel, n’étaient pas armés pour poursuivre leurs
études.
Si la formulation de ces trois objectifs repose sur une analyse
pertinente des transformations de l’enseignement supérieur, elle n’a pas
permis de lever les contradictions entre eux. Aussi les mesures à prendre
étaient-elles nécessairement complexes.
Dans ce cadre, le ministère de l’éducation nationale s’est investi
dans deux directions complémentaires. D’une part, une « rénovation
pédagogique », entreprise dès les années 1980, a progressivement revu les
modalités de prise en charge des étudiants au sein des DEUG. D’autre
part et de façon beaucoup plus récente, une réflexion a été conduite sur
l’accès au DEUG et plus largement aux différentes filières de
l’enseignement supérieur, ce qui a requis l’élaboration de politiques
d’orientation dans les schémas « post-baccalauréat ». Ces deux volets de
mesures ont abouti à des résultats mitigés.
A
La rénovation pédagogique des premiers cycles
Sous le vocable de « rénovation pédagogique », le ministère de
l’éducation nationale regroupe un ensemble de mesures relatives aux
modalités de prise en charge des étudiants dans les premiers cycles
d’université. Cette démarche a peu à peu identifié cinq voies qui ont fait
l’objet de réformes successives : amélioration de l’orientation en cours
d’études,
pluridisciplinarité
des
formations,
renforcement
de
l’encadrement notamment par la voie du tutorat, assouplissement des
modalités du contrôle des connaissances, préparation à l’insertion
professionnelle.
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
319
La première réforme, menée dès 1984, n’a pas donné de résultats
tangibles. Les mêmes orientations ont été reprises en 1992, avec une
insistance particulière sur la pluridisciplinarité. En 1996, les « états
généraux de l’université » revenaient sur le sujet. Ils ont abouti en 1997 à
la publication d’arrêtés dont l’application est récente et la pertinence
contestée par les universités.
1
L’organisation des enseignements de DEUG
Les arrêtés publiés en 1997 ont mis en place une organisation
semestrielle des années de DEUG, le but étant de permettre aux étudiants
de se réorienter en fin de premier semestre vers une autre filière, soit de
l’université
qu’ils
fréquentent,
soit
d’un
autre
établissement
d’enseignement supérieur. Hormis le cas, très original, d’une université
qui a bâti ses cours sur un rythme de quatre mois, cette nouvelle
organisation a été respectée par les universités contrôlées par la Cour. Le
revers de cette mesure fut qu’elle a conduit à multiplier les contrôles et
les examens qui, selon les universités, occuperaient désormais entre le
quart et la moitié des périodes d’enseignement qui s’en sont trouvées
amputées d’autant.
Par ailleurs, la réforme de 1997 a accordé une place importante au
régime de contrôle des connaissances et d’acquisition des diplômes.
Capitalisation
et
compensation
intégrale
des
notes,
inscription
conditionnelle possible en deuxième année en cas d’échec partiel, double
session
d’examens
et
fortes
garanties
relatives
aux
modalités
d’appréciation des épreuves (notamment à travers l’anonymat et la
composition des jurys) forment un corpus de règles auquel les
représentants des étudiants sont très attachés mais dont l’application
suscite des interrogations. La nouvelle réglementation des examens a
certes eu un effet bénéfique car elle a induit une harmonisation des
pratiques de notation et réduit le nombre de recours d’étudiants. Toutefois
les universités ne pensent pas qu’elle ait réellement amélioré les résultats
de ces derniers. Quant à la compensation intégrale des notes, elle est très
critiquée puisqu’elle peut permettre à un étudiant d’obtenir un diplôme
sans même avoir atteint la moyenne dans une matière fondamentale de sa
filière.
2
L’orientation des étudiants en cours de DEUG
Dès
le
milieu
des
années
1980,
l’introduction
de
plus
d’interdisciplinarité dans les enseignements et la création de cursus
professionnalisants ont été tenus par les responsables du ministère de
320
C
OUR DES COMPTES
l’éducation nationale pour des facteurs d’amélioration de l’orientation des
étudiants. A cette fin, les DEUG ont fait l’objet d’une refonte des
programmes et des diplômes d’études universitaires scientifiques et
techniques (DEUST) ont été instaurés en 1984. Ces décisions eurent des
effets limités : un tiers seulement des DEUG furent alors rénovés et les
DEUST sont restés marginaux. En 1992, le ministère a rappelé aux
universités la nécessité de s’intéresser à l’orientation de leurs étudiants et
de mettre en place des formations pluridisciplinaires. Ce rappel n’eut
guère plus de succès. S’agissant de la semestralisation mise en place par
la réforme de 1997, le bilan dressé tant par le comité de suivi de la
réforme que par la Cour à l’occasion de son enquête, montre qu’elle a été
très diverse selon les universités.
La réorientation est, en effet, à la fois la procédure la plus
novatrice de la réforme de 1997 mais aussi son échec le plus patent. Une
seule université, sur les dix établissements où l’application de la mesure a
été contrôlée, la juge efficace car le dispositif s’y inscrit dans une
politique de site qui permet de coordonner les filières de droit et d’AES
de cette université avec un IUT de formations tertiaires. Ailleurs les
établissements considèrent que la réorientation bute sur sa date, un
premier semestre ne pouvant, pour des raisons de calendrier, être pris en
considération que par une autre filière de la même université et non par
un autre établissement. La réorientation bute aussi sur les comportements
sélectifs des établissements qui limitent les possibilités de rejoindre leur
formation après un semestre passé en université. Par ailleurs, la
réorientation devrait être d’autant plus facile que les disciplines sont
proches et que les cursus ne font pas une part trop précoce à la
spécialisation disciplinaire. Or, malgré une volonté affichée de favoriser
la pluridisciplinarité, les arrêtés de 1997 ont mis en place une
réglementation très stricte des diplômes nationaux qui, visant à offrir des
garanties de qualité des formations et d’égalité de traitement entre
universités, ont limité les possibilités effectives de réorientation.
Enfin, les réorientations de filières ne garantissent pas toujours une
réussite des étudiants. Rares sont en effet les étudiants qui réussissent à
valider leur première année après une réorientation en fin de premier
semestre : ils seraient environ un sur quatre.
3
Les dispositifs d’aide à la réussite
En première année de DEUG, le problème est de combler l’écart
entre les connaissances acquises dans l’enseignement secondaire et les
connaissances requises par l’enseignement supérieur. Les classes
préparatoires et les IUT ont conservé des méthodes plus proches, voire
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
321
similaires à celles du lycée ; l’écart à gérer est donc moindre que dans les
universités.
Initiés par de nombreuses universités, les dispositifs d’aide à la
réussite ont trouvé leur assise réglementaire en 1992 et ont été généralisés
en 1997. Ils préconisent notamment le travail en petits groupes
d’étudiants. La rénovation des DEUG scientifiques est en partie basée sur
une telle méthode, il est vrai d’autant plus facile à mettre en œuvre
qu’elle concerne un nombre d’étudiants en diminution et qu’il est
absolument nécessaire non seulement de retenir, mais d’attirer dans des
formations qui deviennent surencadrées, en raison de la baisse sensible
des effectifs.
Autre dispositif pédagogique, les unités de découverte et de
méthodologie doivent permettre aux étudiants d’acquérir les méthodes du
travail universitaire. Ces unités sont désormais généralisées mais elles ne
concernent que le premier semestre d’études. Les travaux des étudiants en
leur sein ne sont guère reconnus car ils n’ont qu’un faible coefficient.
Enfin, la création de ces unités rencontre des obstacles dans les
universités, notamment dans les grands établissements pluridisciplinaires
où se posent des problèmes de coordination et d’agencement des emplois
du temps.
Quant au tutorat, il constitue désormais une pratique répandue.
Toutefois les différentes formes qu’il revêt ne font pas encore l’objet
d’une distinction claire : qu’il s’agisse d’accueil, d’accompagnement ou
de soutien des étudiants, l’organisation à mettre en place doit être
différente puisqu’elle ne s’adresse pas aux mêmes publics. Les dispositifs
de soutien destinés aux étudiants en difficulté attirent souvent les bons
éléments et ne concernent donc pas toujours ceux qui en tireraient le plus
profit. Quant à leur organisation, elle reste souvent liée à des initiatives
isolées d’enseignants volontaires.
Les dispositifs préconisés ou rendus obligatoires depuis plus de dix
ans sont appliqués de manière inégale, parfois du fait de leur rigidité,
parfois par insuffisante implication des établissements et des enseignants.
Leur principe n’est pas à remettre en cause. Au demeurant, dans d’autres
pays confrontés à l’insuffisance de la réussite dans l’enseignement
supérieur, les recommandations qui ont été émises pour y répondre
portent sur des mesures similaires. Le National audit office, homologue
de la Cour des comptes en Grande-Bretagne, ayant publié récemment des
rapports sur l’amélioration des résultats de l’enseignement supérieur en
Angleterre, il a paru intéressant à la Cour, sans qu’elle fasse sienne ces
propositions, de citer les recommandations émises à destination des
établissements.
322
C
OUR DES COMPTES
Les recommandations du NAO pour l’amélioration de l’efficacité de
l’enseignement supérieur et de l’enseignement professionnel post-
scolaire en Angleterre
Le National Audit Office a publié en 2001 et 2002 deux rapports
sur les résultats de l’enseignement supérieur en Angleterre, l’un
concernant les collèges de « further education » (enseignement à
dominante professionnelle ouvert dès la fin de l’obligation scolaire à 16
ans), l’autre les institutions de « higher education » (universités).
Le NAO constate que 56 % des plus jeunes et 51 % des plus âgés
achèvent, avec succès, leur cycle d’enseignement dans les collèges, l’écart
constaté étant de 98 à 33 %. Le contrôleur et auditeur général considère
que les résultats demeurent décevants, mais se félicite du fait que le
nombre de collèges ayant un taux de succès inférieur à 50 % a
considérablement baissé.
Les recommandations du NAO pour améliorer les résultats sont les
suivantes :
- donner une information préalable sur les filières, y compris sur les
conditions financières et l’emploi du temps ;
- identifier et soutenir les étudiants les plus fragiles, par exemple en
suivant l’absentéisme ;
- encourager
la qualité pédagogique incluant une information rapide sur
les résultats des étudiants ;
- aider les étudiants à acquérir les techniques de prise de notes et à rédiger
des travaux ;
- garantir la performance en recueillant une information de qualité sur les
motifs d’abandon et en améliorant la pertinence des données.
S’agissant des universités, le NAO constate que les taux de succès
sont restés stables, à 77 %, malgré une augmentation très importante du
nombre d’étudiants, l’écart étant de 98 à 48 %. 90 % des entrants entrent
en deuxième année et trois quarts d’entre eux achèveront leurs études dans
la même institution. 16 % n’obtiendront pas de qualification.
Les recommandations du NAO sont les suivantes :
- aider les étudiants à choisir la bonne filière, avant et après leur sélection ;
- aider les étudiants en fin de parcours à trouver un emploi ;
- identifier les étudiants qui ont besoin d’un soutien pédagogique renforcé,
et concentrer le soutien sur ceux qui présentent le plus de risque d’abandon
ou d’échec ;
- encourager les étudiants à résoudre leurs problèmes en garantissant des
entretiens réguliers avec leur tuteur et en leur permettant de les rencontrer
en-dehors des rendez-vous planifiés ;
- les tuteurs doivent être formés aux méthodes de prise en charge des
étudiants et doivent pouvoir les diriger vers les sources d’information
pertinente pour résoudre leurs problèmes ;
- les institutions doivent capitaliser leurs bonnes pratiques et développer
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
323
des systèmes de récompense pour ceux qui développent des initiatives
pédagogiques et rencontrent le succès.
4
La réforme de 2002
Une série de textes publiés en 2002 est venue confirmer les
orientations des arrêtés de 1997 tout en leur apportant quelques nuances.
L’importance de l’orientation en cours de cursus et des dispositifs de
prise en charge individuelle des étudiants a été réaffirmée. Le tutorat a été
redéfini tant dans ses objectifs que dans ses modalités : il n’est plus
réservé aux seuls étudiants du premier cycle ; il est destiné non seulement
à l’accompagnement mais aussi à l’accueil et au soutien. Sa mise en
œuvre sera désormais de la responsabilité « d’équipes de formation ».
Première novation, ces équipes associeront les enseignants et les
personnels non enseignants, notamment les personnels d’orientation et
d’information. Seconde novation, selon une formule inspirée de ce qui
existe dans de nombreuses écoles, un directeur des études sera nommé
pour assumer une fonction très large : garantir la qualité de l’organisation
pédagogique tant en termes d’accueil, d’information et d’orientation que
d’animation et de coordination pédagogique des équipes de formation.
Si cette nouvelle réglementation clarifie les responsabilités, elle
laisse entière la question de l’organisation des instances et des fonctions
qu’elle a créées. En particulier, la place du directeur des études au sein
d’établissements structurés en composantes et très hiérarchisés, n’est pas
précisée.
La latitude donnée sur ce point aux universités paraît révélatrice
des
limites
de
la
rénovation
pédagogique
des
premiers
cycles
universitaires entreprise, depuis bientôt près de vingt ans, par le ministère
de l’éducation nationale. Les réformes successives ont, en effet, montré
que les dispositifs réglementaires étaient impuissants à promouvoir les
solutions que le ministère avait pourtant jugées efficaces. Le regard des
universités est resté distant, souvent dubitatif, certaines considérant même
que
les
réformes
ont,
sur
certains
aspects,
freiné
l’innovation
pédagogique.
Pour l’heure, alors que l’avenir des DEUG est rendu incertain par
le nouveau système européen d’enseignement supérieur, l’initiative
pédagogique est laissée aux établissements. Si cette orientation nouvelle
est un gage de souplesse et d’adaptation, encore faudra-t-il que les
universités soient à même d’évaluer l’efficacité de leurs initiatives au
regard des moyens qu’elles y consacreront.
324
C
OUR DES COMPTES
B
L’orientation post-baccalauréat
Parallèlement à la rénovation des premiers cycles universitaires, le
ministère de l'éducation nationale a progressivement pris conscience que
la lutte contre l’échec des étudiants devait également s’attacher aux
procédures d’orientation vers l’enseignement supérieur.
Aussi plusieurs d’études ont-elles cherché à identifier les causes
des échecs et des réussites des bacheliers en fonction de leurs
caractéristiques et de leur choix d’orientation dans les filières de
formation. Cette analyse récente a montré que des corrélations statistiques
pouvaient être établies entre les profils des étudiants et leurs résultats
dans les premiers cycles d’enseignement supérieur.
Plus largement, les études ministérielles ont également mis en
lumière que les flux de recrutement des différentes filières de formation
amènent un nombre important d’étudiants à faire le choix de cursus
auxquels ils ne sont pas préparés, constat qui nécessite la définition d’une
politique d’orientation le plus en amont possible de l’accès à
l’enseignement supérieur.
1
Les facteurs explicatifs de l’échec en DEUG
Une étude du ministère de l'éducation nationale publiée en août
2000 a cherché à identifier les facteurs de réussite des étudiants au cours
de leurs premières années d'enseignement supérieur. Cette étude reposait
sur le parcours d'une cohorte de plus de 6 000 bacheliers de la session
1996. Les trois-quarts de ces bacheliers avaient entamé des études
débouchant sur un diplôme de niveau baccalauréat + 2. Deux ans plus
tard, près de la moitié de ceux qui s'étaient inscrits dans l'une des trois
filières BTS, IUT ou DEUG avaient obtenu leur diplôme, mais ce résultat
global recouvrait des situations diverses selon les filières. En effet, 37 %
seulement avaient obtenu leur diplôme de DEUG en deux années alors
que ce pourcentage était de 64 % pour le DUT et de 57 % pour le BTS.
Cette étude a confirmé le poids de deux facteurs relatifs au
parcours antérieur des étudiants : la nature du baccalauréat détenu et les
retards subis en cours de scolarité. Elle a également confirmé
l’importance de la discipline choisie à l'université qui, dans certains cas,
importe tout autant, sinon plus que le parcours scolaire antérieur.
En effet, le taux de réussite en deux ans est ainsi de près de 55 %
dans les DEUG de STAPS et de lettres, soit presque le double du taux
atteint en droit (27 %) ou en AES (29 %). Certes la proportion
relativement forte de bacheliers technologiques à l'entrée en droit et de
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
325
bacheliers en retard à l'entrée en AES peut expliquer la part importante
des redoublements et des abandons dans ces deux filières. Mais le profil
scolaire des bacheliers n'est pas seul en jeu. Le taux de réussite en
sciences humaines est plus élevé que la moyenne, bien qu’il comporte un
fort contingent de bacheliers technologiques ou de bacheliers en retard au
baccalauréat. A l’opposé, plus des deux tiers des entrants en sciences de
la matière sont des bacheliers généraux sans retard scolaire, alors qu’ils
ne sont qu'un tiers à obtenir leur DEUG en deux ans.
L’étude du ministère de l’éducation nationale a enfin mis en
lumière l’importance de la motivation des étudiants à choisir une filière
d’enseignement supérieur. En effet, le taux d’abandon est plus marqué
dans les filières où les étudiants se sont inscrits par défaut. A l’inverse,
pour les bacheliers qui ont fait un choix positif pour leur inscription en
DEUG, le taux de réussite en deux années est de 44 %, et même de 55 %
pour les bacheliers généraux sans retard au baccalauréat. De même, les
taux de succès les plus élevés en seconde année de DEUG sont obtenus
dans des filières où le taux d’inscription par défaut est faible : les STAPS
avec 59,8 % de succès pour 95 % d’étudiants qui avaient choisi cette
filière ; les lettres avec 64,3 % de succès pour 90 % d’étudiants qui
s’étaient inscrits volontairement dans cette filière.
Les bacheliers inscrits en DEUG
«
près de trois nouveaux inscrits en DEUG sur dix s’y retrouvent
sans l’avoir vraiment souhaité : ils avaient déposé au moins un dossier
pour entrer dans une filière sélective lorsqu’ils étaient en terminale, le
plus souvent dans une filière courte. Un étudiant de DEUG sur quatre
avait posé sa candidature dans un IUT ou une STS, ou les deux. Parmi les
bacheliers généraux, les bacheliers S sont les plus nombreux à avoir
postulé ailleurs, mais c’est parmi les bacheliers technologiques que la
proportion est la plus élevée (la moitié)
»
note d’information 02-02 - direction de la programmation et du
développement, ministère de l’éducation nationale
2
La structure de recrutement des filières
Si les études du ministère de l’éducation nationale ont identifié les
facteurs d’échec ou de réussite des étudiants inscrits en DEUG, elles
soulignent également que, selon que les étudiants choisissent une filière
longue d’université ou une formation courte professionnalisante, ils
connaissent également des parcours contrastés. En effet, les DEUG
subissent plus d’échecs que les IUT ou les BTS. Ce constat global
326
C
OUR DES COMPTES
confirme le facteur discriminant du baccalauréat mais souligne tout autant
le caractère inadéquat du recrutement de ces différentes filières.
Attirés par un encadrement pédagogique plus vigilant qu’à
l’université et par la perspective d’une insertion professionnelle plus
aisée, les titulaires d’un baccalauréat général se sont progressivement
orientés vers les filières courtes et notamment vers les IUT. 8 % d’entre
eux optaient en 1980 pour un IUT, plus de 11 % en 1999. Une telle
orientation est d’autant plus attractive qu’elle n’exclut pas la poursuite
d’études car les étudiants concernés peuvent rejoindre ultérieurement les
filières longues d’université. Autrement dit, l’inscription dans une filière
courte, notamment dans un IUT, est utilisée par les bacheliers généraux
comme un passage dérivé : près d’un tiers d’entre eux poursuivent leurs
études après le DUT, la proportion tombant à moins de 15 % pour les
bacheliers technologiques. Aussi, parmi les étudiants entrant en IUT à la
rentrée
universitaire
2000-2001,
les
bacheliers
généraux
sont-ils
prédominants puisqu’ils représentent 66 % des inscrits. Plus de 43 % de
ces bacheliers généraux sont titulaires d’un baccalauréat de la filière S.
L’attrait des filières courtes sur les bacheliers généraux est
renforcé par le comportement sélectif des structures de formation car les
IUT les accueillent plus volontiers que les autres bacheliers qui tendent
donc à être évincés de ces formations qui ont pourtant vocation à les
accueillir. Ainsi, 13,2 % des bacheliers technologiques rejoignaient un
IUT en 1980 contre 9,6 % en 1999. Parmi les étudiants entrant en IUT à
la rentrée universitaire 2000-2001, les bacheliers technologiques ne
représentent que 30 % des effectifs, les bacheliers professionnels à peine
plus de 1 %. Aussi, s’ils sont candidats à l’enseignement supérieur, les
autres bacheliers technologiques et professionnels sont-ils contraints de
rejoindre les formations longues des universités en s’inscrivant en DEUG.
18,7 % des bacheliers technologiques optaient pour cette orientation en
1980 contre 21 % en 1999. De même, sur une période plus courte en
raison de la création récente des baccalauréats professionnels, 5,8 % des
bacheliers professionnels rejoignaient une filière longue d’université en
1995 contre 6,6 % en 2000. En raison de leurs parcours antérieurs, ces
étudiants ne sont pas forcément préparés aux exigences des cursus
universitaire mais sont, là encore, contraints d’y rester s’ils ne
parviennent pas, l’année suivante, à obtenir leur inscription dans une
filière courte.
La Cour avait mis en lumière en 1994 l’inadéquation du
recrutement des IUT par rapport aux élèves issus des filières de
l’enseignement secondaire qui sont censées y préparer. Depuis ce constat,
la situation ne s’est pas améliorée et risque même de s’aggraver. Les
projections du ministère montrent, en effet, que
la déformation de la
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
327
structure de recrutement des cycles longs d’université devrait se
poursuivre : les proportions de bacheliers généraux, technologiques et
professionnels dans ces derniers devraient passer respectivement de 83 %,
13 % et 4 % en 1998 à 77 %, 16 % et 7 % en 2004.
Pour corriger un tel détournement de flux d’inscriptions, les
solutions sont peu nombreuses. Il serait envisageable, comme il l’avait été
suggéré lors de la préparation de la réforme des premiers cycles de 1997,
d’imposer des règles nouvelles aux STS et surtout aux IUT en encadrant
leur faculté de sélectionner leurs étudiants. Pourtant, si de telles mesures
étaient susceptible d’améliorer le sort de certains étudiants, il n’est pas
sûr qu’elles puissent répondre aux difficultés rencontrées par nombre
d’entre eux. Aussi le ministère de l’éducation nationale a-t-il cherché à
assurer une régulation locale de l’orientation des étudiants, sous la
dénomination d’orientation post-baccalauréat.
3
L’orientation post-baccalauréat
L’orientation post-baccalauréat intervient à la fin des études
secondaires. A la différence de l’orientation dans l’enseignement scolaire,
elle ne constitue pas un processus obligatoire puisque ni les élèves, ni les
structures de formation ne sont tenus de se conformer à des directives en
la matière. Le but recherché est alors, par un effort d’information et de
persuasion, de prévenir le plus en amont possible les difficultés que
risquent
de
rencontrer
les
étudiants
au
début
de
leur
cursus
d’enseignement supérieur.
Pour ce faire, les recteurs sont désormais chargés d’élaborer des
« schémas académiques post-baccalauréat ». La finalité est, d’une part, de
formuler des propositions sur l’évolution des formations postérieures au
baccalauréat dont la création et la fermeture dépendent du ministère,
d’autre part, de chercher à corriger les déséquilibres constatés dans les
flux d’accès à l’enseignement supérieur.
L’information des lycéens constitue un premier levier, sous la
forme de dispositifs diversifiés et précoces puisqu’ils interviennent dès
avant la classe de terminale. Les établissements et les étudiants sont de
plus en plus associés à leur élaboration et à leur mise en œuvre. Un
second levier est la régulation du recrutement des étudiants par les
établissements. Encore faut-il que ces derniers en aient la maîtrise, ce qui
n’est, pour l’essentiel, le cas que dans les filières courtes. Dans ce
processus, les recteurs aident les établissements en diffusant des
indicateurs statistiques sur les flux d’étudiants. Les modalités de calcul de
ces
indicateurs
sont,
par
souci
d’homogénéité,
définies
par
l’administration centrale du ministère.
328
C
OUR DES COMPTES
Les politiques qui découlent de cette information statistique sont
variées et leur impact plus ou moins direct. La plupart concernent les STS
qui
relèvent
du
secteur
scolaire
sur
lequel
les
recteurs
ont
traditionnellement davantage de prise que sur l’enseignement supérieur :
elles vont des recommandations énoncées aux proviseurs de lycée afin
d’orienter le recrutement, jusqu’à des injonctions plus précises qui
demandent, comme le fait depuis plusieurs années le rectorat de
Grenoble, une inscription prioritaire des bacheliers technologiques en
STS. D’autres rectorats, tels ceux de Rennes ou de Lille, ont même créé
des STS réservées aux bacheliers professionnels. Les IUT se dérobent,
quant à eux, aux tentatives qui viseraient à infléchir leurs modalités
actuelles de sélection des étudiants. En effet, les recteurs paraissent avoir
su nouer le dialogue avec les présidents d’université, mais pas avec les
directeurs d’IUT qui sont pourtant sous la tutelle de ces derniers.
__________
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
_________
En tendance longue, le système français d’enseignement supérieur
a su relever le défi du nombre et s’est ouvert à toujours plus d’étudiants
auxquels il a offert
des perspectives plus larges pour obtenir des
diplômes et s’insérer sur le marché de l’emploi. De telles évolutions sont
favorables et ont globalement permis de répondre aux besoins de
qualification de la société et de l’économie.
Pourtant la pluralité des objectifs fixés à l’enseignement supérieur
rend
malaisée
l’interprétation
de
ces
résultats.
L’objectif
de
démocratisation n’est encore que partiellement atteint car l’accès à la
formation reste largement marqué par les origines sociales des étudiants.
Il en va de même pour l’objectif de qualification car la probabilité
d’accès à un diplôme diffère fortement selon les filières, les disciplines et
les établissements. De forts contrastes affectent enfin l’insertion
professionnelle des étudiants selon les secteurs de formation. De plus la
persistance d’un faible taux de réussite dans les premières années du
premier cycle universitaire tend à décrédibiliser ces filières et y engendre
de massives déperditions de moyens.
Les responsables de l’enseignement supérieur ont tenté de réduire
ces écarts entre objectifs et résultats mais cette démarche ne s’est pas
faite avec une vision toujours claire de son objet et des effets attendus. La
volonté de réduire l’échec dans les premiers cycles universitaires s’est
traduite par des tâtonnements pour trouver des dispositifs adaptés. Les
réformes se sont succédé au fil des ans pour diversifier les modes de prise
en charge des étudiants sans pour autant qu’elles aient démontré leur
L’
EFFICACITÉ DE L
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
329
efficacité. Appliquées avec lenteur et mises en œuvre de façon incomplète,
elles n’ont pas non plus rencontré une réelle adhésion de la part des
universitaires. Les réflexions sur l’orientation post-baccalauréat n’ont
pas encore porté leur fruits, en raison du caractère récent de cette
démarche mais également des difficultés à maîtriser les flux d’étudiants,
conséquence du principe de non sélection dans l’accès à l’enseignement
supérieur.
A l’avenir, l’enjeu de l’efficacité paraît déterminant. Ceci implique
un important changement de « culture » dans le système d’enseignement
supérieur. Alors que les établissements ont jusqu’alors porté une
attention plus forte au fonctionnement de leurs formations qu’à leurs
résultats proprement dits, ils devront désormais faire de l’analyse de ces
derniers le guide de leur action.
Cette conversion fondamentale de leur orientation constitue un
impératif pour plusieurs raisons. Les étudiants doivent pouvoir choisir en
connaissance de cause les formations et les établissements, ce qui
nécessite que les résultats en soient connus et diffusés. La mesure de
l’efficacité est également un impératif pour les établissements. Le
passage au système européen d’enseignement supérieur risque enfin de
donner une acuité accrue aux questions relatives à l’efficacité des
premiers cycles universitaires et à la lutte contre l’échec des étudiants.
330
C
OUR DES COMPTES
331
Chapitre IX
L’évaluation
332
C
OUR DES COMPTES
Les réformes successives des études ont certes montré que les
universitaires avaient une conscience aiguë de la nécessité de procéder à
des révisions du mode d’exercice de leur mission d’enseignement.
Toutefois les méthodes employées jusqu’à présent se sont avérées
insuffisantes à produire une amélioration notable de la situation. On doit
aussi se demander si tous les moyens ont été mis en œuvre pour atteindre
cet objectif, notamment en ce qui concerne le suivi des réformes ou de
l’exercice des missions des universités, compte tenu de la faible place
accordée à l’évaluation.
Le développement de l’évaluation correspond à deux exigences :
elle est un corollaire indissociable de l’autonomie des établissements et
des modes d’exercice de l’enseignement supérieur ; elle devient en outre,
aujourd’hui, indispensable à la mise en œuvre de l’espace européen
d’enseignement supérieur qui suppose que des comparaisons puissent être
établies sur des bases homogènes et fiables.
La confusion qu’engendrent en France les termes utilisés en
Europe, comme évaluation, habilitation et accréditation, ne fait que
traduire l’insuffisante connaissance des pratiques et des enjeux de
l’évaluation. Elle ne doit pas pourtant constituer un obstacle à la mise en
place d’outils et de méthodes qui permettent de confronter objectifs,
moyens et résultats en vue d’améliorer la qualité et l’efficacité du service
d’enseignement supérieur.
I
L’absence d’indicateurs de coûts
La dépense intérieure d’éducation informe, par grandes masses, sur
les coûts de l’enseignement supérieur mais il n’existe aucun moyen direct
de connaître avec précision les coûts des diverses formations. L’absence
d’outils analytiques suffisamment fins et la médiocre fiabilité des
comptes des universités, qui, de plus, n’intègrent pas les dépenses
relatives aux personnels rémunérés sur le budget de l’Etat, révèlent le peu
d’intérêt manifesté pour la dimension financière de l’enseignement.
Tentative unique de lancer des investigations dans ce domaine,
l’Observatoire des coûts a été supprimé. Cet organisme, créé en 1989
dans le cadre de la politique de contractualisation des établissements
universitaires, avait pour mission de définir des procédures et des outils
d’évaluation des coûts et de réaliser des audits dans les établissements. Il
a pu, pendant ses quelques années de fonctionnement, évaluer les coûts
comparatifs de certaines filières de formation. Ces travaux avaient mis en
L’
ÉVALUATION
333
lumière d’importantes disparités du coût annuel de l’étudiant entre les
établissements pour une même discipline et un diplôme équivalent.
Dans le secteur public, le coût des STS ou des classes préparatoires
aux grandes écoles fait l’objet d’évaluations sur la base d’enquêtes
ponctuelles dont la fiabilité se heurte à l’absence de comptabilité
analytique dans les établissements : les rémunérations des personnels sont
confondues avec les autres rémunérations de l’enseignement secondaire
et les charges de fonctionnement ne sont pas isolées de l’ensemble des
dépenses des lycées au sein desquels ces classes sont implantées.
Les écoles n’échappent pas toutes à une absence de méthode sinon
de curiosité pour le coût des formations supérieures qu’elles délivrent.
Certes la plupart sont capables de déterminer un coût de
la formation
d’un élève, mais les déterminants de ce coût ne sont fixés par aucun
référentiel. Chaque établissement est libre d’additionner des dépenses en
fonction de son statut, de ses activités et de ses choix méthodologiques ce
qui n'en assure aucunement l'homogénéité. Telle école publique
d'ingénieurs énonce un coût, considéré comme statistiquement moyen au
regard de l’éventail des coûts de formation des ingénieurs (environ
11 400 €), mais qui n’inclut qu’une partie des dépenses comptabilisées
dans les associations périphériques multiples avec lesquelles elle forme
un ensemble. Les écoles des chambres de commerce et d’industrie ne
disposent d’aucun référentiel commun : le traitement très divers des
dépenses de recherche, de formation continue et de concours n’autorise
aucune comparaison.
S’il va de soi que les choix en matière de formation ne peuvent
dépendre
uniquement
des
dépenses
qu’elles
occasionnent,
la
connaissance des coûts n’en constitue pas moins un paramètre
indispensable
à
toute
décision,
surtout
lorsqu’elle
emporte
des
financements publics. Les résultats très divers auxquels ont abouti les
quelques travaux menés jusqu’ici, démontrent, de fait, l’impératif qu’il y
a à évaluer la performance des établissements et des formations au regard
des moyens qu’ils mobilisent, impératif auquel il n’est à ce jour guère
répondu.
II
Une évaluation des établissements à
développer
La création du comité national d’évaluation des établissements
publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (CNE) a permis
l’introduction de l’évaluation dans les universités et les autres
334
C
OUR DES COMPTES
établissements publics d’enseignement supérieur. Toutefois la procédure
mise en place par le CNE ne saurait à elle seule satisfaire aux exigences
de l’évaluation des établissements et de leurs activités d’enseignement.
A
Le CNE
Dès 1984, la création du CNE ouvre la voie de l’évaluation de
l’enseignement supérieur. Ses missions et son champ d’investigation sont
très larges puisqu’il lui a été demandé d’évaluer tous les quatre ans tous
les établissements publics relevant de sa compétence. Dans ce cadre, le
CNE
a
largement
investi
les
domaines
du
gouvernement
des
établissements, de leur organisation et de leur gestion, participant ainsi
efficacement à l’affirmation des instances centrales des établissements
confrontés aux tendances centrifuges de leurs composantes. Il consacre
aussi des moyens importants à des domaines jusqu’ici peu explorés
comme la vie étudiante ou les activités internationales. Enfin, depuis
quelques années, il procède à des évaluations transversales de filières qui
permettent des comparaisons critiques mais constructives.
Son action rencontre cependant des limites. Le CNE ne dispose
que de peu de moyens humains pour faire face à l’ampleur de sa tâche : il
est apparu hors d’état d’évaluer toutes les universités tous les quatre ans,
comme l’y obligeait un texte de 1988. Par ailleurs, il a diffusé des guides
pour que les établissements s’auto-évaluent avant l’arrivée de ses experts,
une étape nouvelle doit être franchie avec l’élaboration, en cours, d’une
méthodologie précise sous la forme de référentiels d’évaluation. Il a
certes utilisé des indicateurs de succès lors de l’évaluation des IUFM,
mais il n’en utilise pas de manière générale et systématique. Il n’a pas
non plus élaboré d’indicateurs de coût. Pourtant, des indicateurs normés
qui mettent en relation les objectifs, les moyens et les résultats, sont
indispensables à toute véritable évaluation. Eux seuls permettent d’éviter
la subjectivité des appréciations et d’opérer des comparaisons pertinentes
auxquelles il est, à ce jour, très aléatoire de prétendre procéder, faute de
disposer critères précis et de mettre en œuvre une démarche homogène.
Une façon de renforcer l’impact du CNE
pourrait être qu’à l’instar
de ce qu’il a fait au sujet du gouvernement des établissements, il évalue
les systèmes internes d’évaluation et d’assurance qualité. Ceux-ci
permettent en effet de démultiplier les analyses et seront probablement,
sous une forme ou sous une autre, une exigence primordiale de l’espace
européen de l’enseignement supérieur.
L’
ÉVALUATION
335
B
Les pratiques de l’administration et des
établissements
Les efforts du CNE pour développer la culture de l’évaluation sont
d’autant plus appréciables qu’il est le seul organisme en France à s’être
pleinement investi dans cette perspective.
Au sein même des établissements universitaires, il n’existe que très
rarement une instance spécifique, permanente et distincte des organes de
direction pédagogique ou administrative, qui soit chargée de l’évaluation.
Dans
certains
pays
européens
(Finlande,
Allemagne,
Italie),
la
constitution de telles instances est parfois recommandée par l’Etat,
parfois même prévue par la loi. La production de tableaux de bord
demeure dans les universités françaises embryonnaire et les outils de
gestion y sont, au mieux, récents.
Ces lacunes éclairent les difficultés que rencontre le CNE pour
inciter les établissements à opérer leur auto-évaluation en préalable au
travail de ses experts. Elles expliquent également, en partie, l’absence
d’évaluation par le ministère et les établissements des contrats qu’ils ont
signés. Ces contrats quadriennaux ne font au demeurant qu’une place très
réduite à l’évaluation. Dans le meilleur des cas, ils se contentent
d’exprimer l’intention de créer une structure d’évaluation de la recherche
ou de mettre en place quelques procédures. L’administration n’a pas
encore atteint son objectif de déterminer une série d’indicateurs dits
« partagés » avec les établissements. De plus, ceux qui existent ne sont
pas réellement contraignants et l’absence des autres n’est assortie
d’aucune sanction.
Si, depuis deux ans, le CNE a recentré son action vis-à-vis des
établissements en prenant appui sur les contrats quadriennaux, il ne
prétend cependant pas en réaliser une évaluation détaillée. Les lacunes
des informations émanant tant de l’administration centrale que des
établissements, tout comme l’étroitesse du champ de la contractualisation,
empêchent un tel travail.
D’autres
institutions
peuvent
participer
à
l’évaluation
des
établissements d’enseignement supérieur. Tel est le cas de certains
laboratoires de recherche sur des aspects limités à leur domaine ou de la
direction de la programmation et du développement et de l’inspection
générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.
La première limite toutefois son travail à des analyses statistiques ; la
seconde a une mission d’inspection qui ne lui permet pas de s’investir
pleinement dans le champ de l’évaluation.
336
C
OUR DES COMPTES
Cette diversité d’approches est certes nécessaire à l’évaluation,
puisqu’elle enrichit les points de vue et les informations. Elle requiert
pourtant que le rôle des différents évaluateurs soit identifié et que leurs
travaux soit coordonnés. Les établissements peuvent en effet avoir, à juste
titre, l’impression d’être l’objet de multiples sollicitations sur les mêmes
thèmes dont ils ne maîtrisent aucunement l’objectif et ne connaissent pas
toujours les résultats.
C
L’expérience des écoles
L’expérience des écoles en matière d’évaluation diffère de celle
des universités. L’évaluation des écoles est quasiment immédiate
puisqu’elle s’opère spontanément à travers les résultats de l’insertion
professionnelle des diplômés. Aussi les écoles sont-elles amenées à suivre
ces résultats, la plupart sur une période de trois à cinq ans, les
associations d’anciens élèves se chargeant du suivi de l’insertion à plus
long terme. Par ailleurs, les écoles s’investissent pour la plupart dans un
projet de formation (parfois un projet de recherche) qui correspond à un
seul type de formation, ce qui facilite de fait les démarches d’évaluation,
même si, comme dans les universités, aucun travail évaluatif ne prend en
compte les éléments financiers.
Par ailleurs, la Cour a pu constater à l’occasion de son travail sur
les écoles des chambres de commerce et d’industrie et du contrôle d’un
nombre significatif d’écoles d’ingénieurs dépendant de divers ministères,
qu’il n’y existait pas de système d’évaluation structuré et ce, malgré la
mise en place de deux commissions compétentes dans ce domaine : la
commission du titre d’ingénieur (CTI) et la commission d’évaluation des
formations et des diplômes de gestion. Ces dernières n’assument pas un
véritable suivi des écoles. Si la première s’est récemment efforcée de
préciser ses critères d’évaluation et ses méthodes d’investigation, la
seconde ne prend pas en compte les objectifs, les missions ou le
positionnement sur le marché du travail des écoles de commerce, ni ne
dispose d’un référentiel officiel susceptible de fonder ses appréciations.
L’articulation de ces commissions avec les dispositifs d’évaluation et
d’accréditation existants, qu’il s’agisse des dispositifs d’évaluation
internes aux écoles ou des systèmes d’accréditation nationaux et
internationaux, n’est pas claire. Les CCI elles-mêmes n’ont pas formulé
d’exigence particulière en matière d’évaluation des établissements
qu’elles financent, y compris sur la fiabilité et la comparabilité des
données qui leur sont fournies. A ce titre, en l’absence de corpus de règles
comptables communes, l’appréciation des coûts et leur comparaison entre
écoles sont très difficiles. Enfin la Cour a pu relever des lacunes et des
L’
ÉVALUATION
337
insuffisances dans le suivi de l’insertion professionnelle des anciens
élèves. Celui-ci est déclaratif et ne fait l’objet d’aucun contrôle ni de
recoupement avec les statistiques de l’INSEE ou du CEREQ tant sur les
délais d’embauche que sur les niveaux de rémunération. Les informations
produites par les écoles sont donc très disparates et ne se prêtent pas à des
comparaisons fiables.
Enfin certaines écoles de commerce, en liaison avec d’autres
organismes de formation européens, ont promu un système d’évaluation
externe, concurrent du système américain, sur la base de critères très
divers couvrant autant la stratégie et sa mise en œuvre que la qualité des
programmes de formation et de la recherche ou l’adéquation des moyens
aux missions, etc. Une dizaine d’écoles de commerce ont été accréditées
par ce réseau. En ce qui concerne les écoles d’ingénieurs, plusieurs
d’entre elles ont privilégié les démarches qualité. Mais le nombre
d’établissements entrés dans un processus d’évaluation multiforme et
organisé demeure restreint. Une des raisons avancées est le coût de ces
procédures, consommatrices de moyens d’investigation importants, qui
apparaît disproportionné aux ambitions parfois plus modestes de certains
établissements. Seuls ceux qui veulent acquérir ou faire valoir une
dimension internationale se sont engagés dans des processus dont ils
attendent un label leur assurant une reconnaissance internationale.
III
L’absence d’évaluation des enseignements et
des formations à l’université
L’évaluation de l’enseignement supérieur ne peut se réduire à la
seule procédure de l’évaluation institutionnelle. Cette dernière n’a en
effet pas pour vocation de traiter de chacune des activités des
établissements en fonction de leurs objectifs et de leurs contraintes
propres. Or, en dehors du domaine de la recherche, les autres formes
d’évaluation n’existent pratiquement pas.
A l’évidence, l’évaluation des activités liées à l’enseignement se
heurte à des difficultés qui lui sont propres. Mais la lenteur avec laquelle
elle se répand dans les universités, l’échec patent de la mise en œuvre de
l’obligation d’évaluer les enseignements, pourtant inscrite dans la réforme
de 1997, l’écart qui se creuse de ce point de vue avec les écoles, et même
avec le système scolaire, le faible nombre de travaux théoriques sur le
sujet constituent autant d’indices tendant à montrer que des réticences très
fortes s’opposent à sa mise en œuvre. Ces réticences traduisent, d’une
338
C
OUR DES COMPTES
certaine manière, l’insuffisante valorisation de l’enseignement dans les
universités.
A
Une obligation très inégalement remplie
La rénovation pédagogique initiée en 1992 et consolidée par les
arrêtés d’avril-mai 1997 a fait de l’évaluation des enseignements une
préconisation d’abord, une obligation ensuite
108
. Cette obligation n’a été
que très inégalement remplie.
Le constat dressé tant par la Cour au cours de ses divers travaux,
que par l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale
et de la recherche ou par le haut conseil de l’évaluation de l’école dans le
récent avis formulé sur ce thème, est unanime : des initiatives ont été
prises, des pratiques existent parfois depuis longtemps, mais dans
l’ensemble, le développement de l’évaluation des enseignements est
faible, peut-être même en reflux. Souvent individuelles et parfois peu
connues à l’intérieur même de l’établissement concerné, les initiatives
sont en tout cas rarement généralisées : le rapport pour le haut conseil ne
cite que six de ces initiatives dont deux sont en cours de généralisation.
Sur les vingt universités couvertes par l’enquête de la Cour, à peine un
tiers déclare avoir mis en place cette évaluation, pour l’une d’elles depuis
dix ans, quatre à partir de 1999-2000, et deux admettent ne rien avoir fait.
Quant aux autres, elles font état, en des termes d’une grande prudence, de
résultats très partiels. Encore ces constats laissent-ils entière la question
de la pertinence des méthodes employées et des conséquences qu’en
tirent les établissements.
Les difficultés méthodologiques de l’évaluation des enseignements
sont certaines. Mais à ce jour, les pratiques des uns et des autres n’ont
guère fait l’objet d’échanges et de mutualisation. Quelques cercles ont
bien lancé sur ces sujets des travaux, mais leur diffusion demeure
restreinte et n’est encore prise en charge par aucune institution. La
passivité de l’administration centrale dans ce domaine a relayé les
hésitations du monde universitaire. Organiser les échanges sur ce sujet et
engager collectivement un débat sur les pratiques françaises, y compris
celles des écoles, et sur les pratiques étrangères, constitue désormais une
priorité.
Cette
priorité
se
heurte
à
deux
autres
obstacles.
Une
méconnaissance manifeste d’abord des distinctions à faire entre
108) Arrêté du 9 avril 1997 relatif au diplôme d’études universitaires générales, à la
licence et à la maîtrise.
L’
ÉVALUATION
339
évaluation des formations et évaluation des enseignements : la première
statue sur l’organisation, aux fins d’acquisition d’un diplôme ou d’une
qualification, des prestations pédagogiques ; la seconde traite de la qualité
intrinsèque des enseignements. Une crainte de l’assimilation entre
évaluation des enseignements et évaluation des enseignants ensuite,
surtout quand elle fait appel, comme c’est le cas le plus souvent, à
l’appréciation de ces enseignements par les étudiants.
L’émergence d’une responsabilité accrue des établissements sur
leurs formations rend pourtant indispensable cette évaluation. Elle est
prévue sous des formes très variées, notamment dans le nouvel arrêté de
2002 sur la licence
109
qui dispose, en complément de la procédure
d’octroi des habilitations, que devront être effectuées des évaluations de
la stratégie pédagogique, de chaque domaine de formation et de chacun
des parcours de formation. On peut en espérer la confrontation
permanente des objectifs, des moyens et des résultats, base d’une réelle
évaluation. En revanche, le texte est silencieux sur l’évaluation des
enseignements.
B
La nécessaire valorisation de la mission
d’enseignement des établissements
L’évaluation
des
formations
et
des
enseignements
paraît
indissociable de celle de l’activité d’enseignement des enseignants eux-
mêmes.
Les méthodes d’évaluation de l’activité de recherche sont établies :
ses résultats sont externalisés et elle a inventé ses propres instruments de
mesure, probablement sous la pression de la compétition entre équipes,
notamment au niveau international. C’est ce qui lui a permis de s’imposer
comme critère fondamental de reconnaissance dans les établissements
d’enseignement supérieur, au contraire de l’activité d’enseignement :
malgré quelques dispositions récentes, la recherche est restée le critère de
recrutement et de promotion dans les universités d’enseignants-
chercheurs qui doivent pourtant, aux termes d’une réglementation très
particulière à la France, faire en même temps de l’enseignement, de la
recherche, et participer à la vie de leur établissement.
Le ministère se dit démuni pour fixer les critères de promotion des
enseignants-chercheurs du fait des termes de la loi de 1984 relative à
l’enseignement supérieur qui précise que l’examen des questions
individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et la carrière de ces
109) Arrêté du 23 avril 2002.
340
C
OUR DES COMPTES
personnels relève de leurs seuls représentants. En fonction de cette
interprétation stricte, l’administration centrale se borne à fixer les
procédures
et
à
définir
les
règles
d’organisation des
instances
compétentes. Mais c’est au sein du CNU et, à l’intérieur des
établissements, des commissions de spécialistes que sont fixés les critères
de promotion et décidé l’avancement des enseignants.
Or, un des nombreux paradoxes dans lequels vivent les universités
est que, certes, les emplois leur sont attribués en fonction de leurs besoins
en termes d’enseignement, puisque le critère principal du modèle de
répartition des emplois est le taux d’encadrement, mais que le
déroulement de la carrière s’opère sur des critères qui privilégient la
recherche. Ceci conduit, assez naturellement, à ce que chaque enseignant-
chercheur privilégie ces mêmes critères dans le déroulement de ses
activités. Même le recrutement s’opère sur de tels critères : la
qualification, octroyée par le CNU et préalable indispensable au
recrutement par une université, est prononcée sur la base des travaux des
postulants, c’est-à-dire en fonction de leurs publications qui témoignent
de leur participation à l’accroissement des savoirs disciplinaires.
Pour ce qui concerne les avancements, la création de la « voie
III », réservée à des enseignants-chercheurs qui exercent des fonctions
pédagogiques ou administratives en sus de leurs obligations de service, a
eu comme objectif de prendre en compte les activités autres que de
recherche. Mais elle est restée marginale, faute de pouvoir porter
sur un
nombre significatif de promotions : régulièrement la moitié des
bénéficiaires potentiels y renoncent. La voie « locale », qui accorde un
contingent de promotions aux établissements eux-mêmes, les a laissés
juges des critères de leur choix
et a en fait abouti aux mêmes résultats
que la voie normale, c’est-à-dire à fonder la promotion des enseignants
sur les seuls critères liés à la recherche
Le décret du 16 mai 2001, tout d’abord, maintient la voie III mais
en élargissant le nombre de ses bénéficiaires. Par ailleurs, il redonne à
l’instance nationale la primeur sur la voie locale et ouvre au sein du CNU
une instance nouvelle, transversale par rapport aux sections disciplinaires.
Toutes ces mesures ont pour objet de redonner du poids aux critères
d’évaluation autres que ceux qui régissent la recherche.
Il reste que, si à chaque modification des règles de recrutement ou
de promotion, la revalorisation de la mission d’enseignement est citée
comme un besoin, jusqu’ici rien n’a vraiment réussi à réduire la
prééminence de la recherche dans les critères effectivement utilisés.
Ceux des enseignants-chercheurs qui souhaitent s’investir de façon
forte dans l’enseignement, risquent d’être conduits à sacrifier le
L’
ÉVALUATION
341
déroulement de leur carrière. Plus généralement, la prééminence de la
recherche sur l’enseignement conduit à dévaloriser les activités de prise
en charge des étudiants et à se priver ainsi de compétences pourtant
déterminantes pour assurer le succès des étudiants, surtout durant le
premier cycle.
Obligés de respecter un partage strict entre enseignement et
recherche, les enseignants perdent ainsi la maîtrise de l’organisation de
leur temps en fonction de leurs aspirations et de leurs compétences
et
sont amenés à sacrifier une part pourtant essentielle de leurs activités liée
à leurs responsabilités pédagogiques. A l’instar de ce qui se fait dans les
écoles les plus prestigieuses où les « plans de charges » sont négociés
annuellement, il devrait être possible d’offrir aux enseignants-chercheurs
d’organiser, en toute transparence, leurs multiples activités au long de
leur carrière et non pas au cours de l’année universitaire. Ce fut d’ailleurs
une voie ouverte pendant quelques années par le statut des enseignants-
chercheurs, à laquelle une réforme a mis fin en 1988. Une telle
organisation
faciliterait
au
demeurant
l’organisation
tant
des
enseignements que de la recherche et permettrait de repenser sur de
nouvelles bases la gestion prévisionnelle des enseignants et des
chercheurs.
La prise en compte de l’activité d’enseignement dans le
déroulement de carrière des enseignants-chercheurs rendra indispensable
l’évaluation des enseignants. Pratiquée couramment dans la plupart des
écoles, notamment dans les écoles supérieures de commerce les plus
prestigieuses, elle n’existe pas à l’université.
En tout état de cause, le principe d’indépendance des professeurs,
posé par le Conseil constitutionnel, fait qu’il appartient aux universitaires
de dire sur quels éléments ils entendent faire valoir les compétences et les
qualités particulières des enseignants au cours du déroulement de leur
carrière. Mais à ce principe d’indépendance doit être associée
l’obligation, posée par la loi si nécessaire, de cette évaluation à laquelle il
devrait être admis que les étudiants participent.
Les défis auxquels sont désormais confrontés les établissements
doivent les conduire à accorder une attention plus importante que par le
passé à tous ces processus qui doivent garantir la qualité de
l’enseignement dispensé.
Pourtant la perception des enjeux ainsi que la compréhension des
méthodes de l’évaluation continuent à ne pas être répandues dans le monde
universitaire, alors même que cette démarche paraît être aujourd’hui portée
par le débat sur l’espace européen de l’enseignement supérieur et qu’elle
irrigue les nouvelles dispositions sur l’organisation des enseignements. Il
342
C
OUR DES COMPTES
devient donc impératif que le ministère et les établissements développent
une pédagogie de l’évaluation, précisant pour chaque dispositif ses
objectifs et ses méthodes, et montrant combien son développement
conditionne la qualité et l’efficacité du service public de l’enseignement
supérieur.
__________
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
_________
Pour répondre aux défis auxquels ils sont confrontés et pour faire
face à la croissance et la complexification continue du savoir scientifique,
les établissements doivent porter une attention de plus en plus soutenue
au renouvellement permanent et à la qualité de leurs enseignements. Ils
doivent également apprendre à mieux gérer les ressources que met à leur
disposition la collectivité nationale.
Cette
démarche qui
est
au cœur de
l’exercice
de leur
responsabilité en tant qu’établissements autonomes, nécessite des
regards
complémentaires
qui
puissent
évaluer,
dans
un
cadre
méthodologique précis, les différents éléments constitutifs de cette
qualité : les établissements pris dans leur globalité, l’organisation et la
nature des formations, les enseignements dispensés aux étudiants mais
également les acteurs de la pédagogie, c’est-à-dire les enseignants-
chercheurs dans l’exercice de leur mission d’enseignement.
Les
établissements,
universités
comme
écoles,
doivent
impérativement mettre en œuvre les processus internes leur permettant
d’évaluer l’organisation et la nature des formations et des enseignements
qu’ils dispensent afin d’en garantir la qualité. Ils doivent aussi mettre en
place les modalités comptables qui leur permettent de mesurer les coûts
des formations et d’en tirer des conséquences en termes d’allocation des
moyens budgétaires disponibles.
Cette nécessaire évolution constitue un enjeu décisif qui exigera un
investissement important, tant la perception des finalités de l’évaluation
et d’une gestion plus attentive des deniers publics tardent à se répandre
dans le monde universitaire. Alors que le débat sur l’espace européen
d’enseignement supérieur et les nouvelles dispositions sur l’organisation
des enseignements imposent plus que jamais l’évaluation, il importe de
préciser pour chaque dispositif ses objectifs et ses méthodes. Cette
démarche d’évaluation est enfin une des conditions du succès dans la
compétition internationale à laquelle est soumis notre système.
343
Conclusion générale
Au terme d’une enquête qui aura mobilisé l’ensemble des
juridictions financières, la Cour constate que le système éducatif français
a réussi à relever le double défi que constituaient pour lui l’exigence
d’une amélioration des niveaux de qualification et le développement d’un
enseignement de masse. Mais il n’y est parvenu que dans une relative
ignorance de ses coûts et au prix de la mise en œuvre de procédures dont
la complexité même a contribué à multiplier les contraintes et à diluer les
responsabilités.
Une telle situation ne lui permet pas de répondre de la façon la plus
efficace à la demande aujourd’hui générale d’une adaptation la plus fine
possible aux caractéristiques et aux besoins des élèves et des étudiants.
A l’avenir, l’organisation du système éducatif devra s’adapter aux
exigences actuelles de la gestion publique : préciser ses objectifs, mieux
maîtriser l’emploi de ses moyens, compléter l’évaluation de ses résultats.
Pour répondre aux évolutions démographiques prévues et aux besoins de
la société, le système devra en outre améliorer considérablement sa
capacité d’adaptation et sa rapidité de réaction.
A cet égard, les difficultés à surmonter dans l’enseignement
scolaire diffèrent sensiblement de celles que rencontre l’enseignement
supérieur.
Deux changements significatifs, à réaliser simultanément, peuvent
contribuer à améliorer l’efficacité de l’enseignement supérieur. D’une
part, l’Etat doit assumer plus efficacement son rôle de pilote, à travers des
procédures rénovées dans lesquelles la contractualisation des relations
avec les établissements sera renforcée. D’autre part, l’autonomie des
universités devra être réelle, ce qui implique qu’elles se montrent plus
attentives à la qualité et aux coûts de leur gestion, développent
l’évaluation sous ses divers aspects et s’ouvrent résolument au contexte
européen.
Beaucoup plus complexe est le traitement à appliquer à
l’enseignement scolaire. La recherche d’une indispensable cohérence y
rend inéluctables une clarification et une redéfinition des rôles dévolus à
chacun des acteurs : administration centrale, échelons déconcentrés,
collectivités
décentralisées,
établissements
scolaires.
Mais
cette
344
C
OUR DES COMPTES
redéfinition, quelle que soit sa forme, rencontrera vite ses limites si elle
ne s’accompagne pas d’une claire vision des conséquences que
comporteront ses choix et sans doute d’une expérimentation de leur mise
en œuvre. Tout déplacement des responsabilités entre les acteurs induira
en effet de profonds bouleversements sur l’organisation et la gestion de
l’enseignement scolaire, ainsi que sur l’affectation des moyens dont il
disposera, dans un ensemble où une nécessaire unité d’impulsion et de
régulation devra être préservée.
Certains de ces choix s’esquissent mais aucun n’a encore été
officiellement arrêté. Certaines de ces solutions s’ébauchent mais aucune
n’est encore aboutie. Dans l’espoir de faciliter leur mise en œuvre, la
Cour, au fil des développements du présent rapport, a énoncé quelques
recommandations qu’elle croit devoir rappeler.
1. Pour l’enseignement scolaire
Dans un système qui marie la centralisation, la déconcentration et
la décentralisation territoriale et fonctionnelle, selon des schémas encore
très complexes, il convient de renforcer la programmation et le pilotage :
- Assortir d’orientations nationales les objectifs généraux du code
de l’éducation, régulièrement mises à jour en fonction des besoins
d’insertion et de l’accès à l’enseignement supérieur.
- Elaborer une programmation explicite et en nombre limité des
priorités nationales et définir les moyens qui leur sont affectés.
- Poursuivre les études en cours sur les facteurs explicatifs des
différences de performance entre les académies et les établissements.
- En matière de réformes, procéder,
ex ante
, par expérimentation
en intégrant l’allocation des moyens et faire,
ex post
, des bilans de leur
réalisation en termes à la fois de coût et de performances des élèves .
- Définir des mesures de la valeur ajoutée des cursus de formation
et réintroduire une mesure des résultats en fin de collège.
- Demander aux académies de traduire explicitement les objectifs
nationaux en priorités d’action et d’allocation de moyens, en fonction des
situations locales, et en faire le support de la « contractualisation » avec
l’administration centrale.
Des réformes concernant les modalités de gestion des moyens et
d’exercice de la fonction enseignante sont nécessaires afin d’assurer une
C
ONCLUSION GÉNÉRALE
345
bonne adaptation aux besoins quantitatifs et qualitatifs. Dans ce but, il
faudra :
- Identifier précisément les facteurs de désajustement, liés en
particulier aux modalités d’utilisation des heures et des emplois, qui
creusent progressivement les écarts entre le potentiel d’enseignants
disponibles et les structures pédagogiques mises en place dans les
établissements.
- Mettre en place des outils de mesure des absences et réformer les
modalités de remplacement des enseignants afin de réduire le sous-emploi
manifeste des enseignants affectés en zone de remplacement.
- Inciter les académies à veiller à une meilleure correspondance
entre les affectations d’enseignants titulaires et les besoins des
établissements afin de limiter le recours à des enseignants contractuels.
- Conduire une politique active de communication à destination
des enseignants.
- Se dégager d’une application rigide du barème et favoriser la
« bivalence » disciplinaire en collège.
- Utiliser des mesures d’évaluation des enseignants débouchant sur
la reconnaissance de leurs compétences et, à terme, leur prise en compte
dans les décisions d’affectation et les promotions.
- Redéfinir les métiers des enseignants, leurs conditions d’emploi,
de recrutement et de formation pour attirer en nombre des candidats
répondant à l’évolution et à la diversification des besoins de
l’enseignement.
- Mettre en place les mesures permettant d’associer plus
étroitement les enseignants au fonctionnement des établissements.
Le rôle central reconnu dans les textes aux établissements
scolaires, pour qu’il soit effectif, doit trouver sa traduction dans les règles
et les pratiques de gestion et de direction. A cette fin, il importe de :
- Reconnaître sa pleine portée à l’autonomie des établissements
publics locaux d’enseignement.
- Donner aux bassins de formation un rôle d’arbitrage et de
décision en matière d’offre de formation, y compris en zone urbaine.
- Renforcer les moyens dont disposent les chefs d’établissements
pour assumer leur rôle de gestionnaires.
346
C
OUR DES COMPTES
- Alléger les contraintes administratives, nées de la triple tutelle et
de pratiques financières inadaptées, qui pèsent sur les établissements
publics locaux d’enseignement.
- Affirmer le rôle de cohésion des chefs d’établissement à l’égard
des équipes pédagogiques.
Pour que les académies soient le lieu de cohérence entre les divers
partenaires nationaux, régionaux et locaux, elles doivent disposer d’outils
et de procédures leur permettant d’exercer pleinement leur rôle de
coordination, ce qui oblige à :
- Formaliser et conforter les partenariats avec les collectivités
territoriales pour l’élaboration des schémas de formation et l’évolution
annuelle de l’offre de formation.
- Définir le contenu et la portée des projets d’établissement et
s’engager sur ces bases dans une démarche de type contractuelle avec
tous les établissements.
- Développer le contrôle de gestion au sein des services
académiques.
2. Pour l’enseignement supérieur
L’une des principales faiblesses de l’enseignement supérieur réside
dans l’organisation de son offre de formation, dont les caractéristiques
sont d’être à la fois dispendieuse et peu lisible. Pour assurer son
indispensable rationalisation, les règles et les procédures qui concernent
les diplômes et l’orientation doivent être révisées, notamment à partir des
mesures suivantes :
- Fixer l’échéance de mise en œuvre par toutes les universités du
système européen « L/M/D ».
- Obliger les universités à rationaliser leur offre, en limitant le
nombre d’habilitations dont elles peuvent bénéficier.
- Préciser les objectifs, le contenu, la périodicité et les conditions
de mise en œuvre de l’habilitation.
- Faire une priorité de la politique d’orientation des élèves à la
sortie de l’enseignement secondaire et des nouveaux étudiants.
- Introduire des indicateurs permettant de mesurer et comparer les
résultats des établissements et mettre ces derniers à la disposition du
public.
C
ONCLUSION GÉNÉRALE
347
- Préciser les objectifs poursuivis par les différentes formations
pour faciliter l’information et l’orientation des étudiants dans le maquis
des très nombreuses formations offertes dans l’enseignement supérieur.
Pour exercer la fonction régulatrice qui est la sienne dans le
système public, le ministère doit disposer d’instruments efficaces tout en
dotant les établissements des éléments nécessaires à l’élaboration de leur
stratégie. Dans ce but, il devra :
- Engager des démarches prospectives sur les choix des étudiants,
ainsi que sur le contenu et la localisation des formations, afin de
mettre à
la disposition des établissements les repères indispensables à l’élaboration
des projets d’établissement et d’éviter les coûteuses redondances de
formations.
- Mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois.
- Renforcer les relations contractuelles entre l’Etat et les
établissements en faisant évoluer les contrats d’établissement vers des
contrats d’objectifs et de moyens incluant leur évaluation, et revoir en
conséquence leur durée.
- Reconsidérer le système SAN REMO afin, à partir de critères
mieux adaptés, de le faire servir à une répartition plus équitable des
crédits de l’enseignement supérieur.
- Restaurer une structure d’observation et d’analyse des coûts.
Les établissements d’enseignement supérieur doivent disposer
d’une vraie autonomie, mais, en contrepartie, assumer pleinement leurs
responsabilités.
A cette fin, il faut :
- Accroître l’autonomie des universités par une allocation de leurs
moyens sous la forme d’un budget global incluant la masse salariale.
-
Pour
conforter
cette
autonomie,
donner
à
la
fonction
administrative et financière la place qui lui revient dans la gestion des
universités.
- Renforcer le pouvoir des présidents sur les composantes.
- Confier aux universités la gestion de l’ensemble de leurs
personnels et de leurs investissements.
348
C
OUR DES COMPTES
- Donner aux établissements le pouvoir d’organiser de façon plus
souple, dans un cadre précis et contrôlable, en fonction de leurs besoins
propres et des aspirations et compétences des enseignants-chercheurs, la
répartition des activités de ces derniers entre recherche et enseignement.
- S’assurer que les universités respectent la réglementation qui
encadre leur fonctionnement.
- Veiller à la mise en œuvre des textes relatifs à la rénovation
pédagogique dans les établissements.
- Rendre obligatoires les différentes formes d’évaluation, qu’elles
concernent les établissements, les formations, les enseignements ou le
personnel enseignant, et créer les instances appropriées d’évaluation,
notamment dans les établissements.
- S’intégrer résolument dans les processus européens d’évaluation.
349
Annexe n° 1
L’évaluation dans le système éducatif
britannique
La
méthode
d’évaluation
retenue
en
Grande-Bretagne
se
caractérise par deux traits saillants. En amont, la définition d’objectifs
quantifiés par le gouvernement central permet de confronter les
performances
des
établissements
à
des
références
précises.
L’externalisation de la conception et de la correction des tests nationaux
permettant de jauger le niveau des élèves garantit l’indépendance des
résultats. En aval, la publication et la diffusion large des constats opérés
lors des différentes évaluations permet d’instaurer une politique de
sanction par l’information, particulièrement efficace dans un système où
les parents choisissent librement les établissements scolaires.
Dans le cadre de la stratégie générale d’élévation des niveaux
scolaires (« Raising standards »), le gouvernement britannique, après
avoir recueilli l’avis du conseil national de l’éducation et des objectifs de
la formation, a fixé au système éducatif des objectifs chiffrés devant être
atteints en 2002.
Les conseils d’administration des écoles ont l’obligation, depuis
l’education act 1997, de fixer des objectifs et de publier les résultats aux
tests nationaux des élèves de leur établissement.
I
L’enseignement supérieur
Malgré de récents efforts de rationalisation, destinés à alléger la
charge des évaluations pour les établissements, le nombre d’intervenants
reste singulièrement élevé.
L’évaluation des professeurs et des formations repose pour une
large partie sur des mécanismes internes aux établissements.
L’organisme
de
financement
de
l’enseignement
supérieur
(HEFCE) calcule, depuis 1999, des indicateurs de performance pour
chaque établissement. Ils comprennent :
350
C
OUR DES COMPTES
- des
indicateurs
d’accessibilité
et
de
sélectivité
sociale ;
(identification,
par
discipline,
des
milieux
sociaux
ou
géographiques sous-représentés)
- des indicateurs de poursuite d’études après la première année ;
- des indicateurs de résultats attendus et obtenus
- des indicateurs d’efficacité (rapport entre la durée idéale d’études
et la durée prévue dans l’institution) ;
- des indicateurs de recherche : nombre de titres de docteurs et
nombre d’allocations de recherche financées sur ressources
accordées.
Une fondation indépendante, la HESA, collecte et analyse les
données statistiques. Parmi celles-ci figurent depuis 1999 les statistiques
d’accès à l’emploi.
Une autre agence indépendante, la QAA (quality assurance
agency), conduit des évaluations institutionnelles. Quatre domaines
principaux retiennent son attention :
- la stratégie globale de l’établissement en matière de gestion de la
quanication interne et externe.
Très contestée dans ses modalités, cette évaluation devait être
revue dans le courant de l’année 2002. Elle substituera une mention
qualitative de confiance aux notes chiffrées utilisées auparavant. Elle
retiendra trois aspects fondamentaux :
- les standards académiques ;
- la qualité des services : qualité des enseignants, ressources
documentaires et pédagogiques, soutien aux étudiants ;
- la gestion de la qualité.
La QAA est aussi chargée de l’évaluation des formations, sur six
champs pour lesquels l’institution doit décliner ses objectifs, auxquels le
QAA compare les résultats obtenus.
II
L’enseignement scolaire
Le travail d’évaluation de l’enseignement scolaire repose en
grande partie sur l’office pour les standards d’éducation (OFSTED),
organisme
gouvernemental
non
ministériel.
Ses
fonctions
sont
A
NNEXES
351
l’inspection, l’évaluation, et toute contribution à l’amélioration du niveau
et de la qualité de l’enseignement obligatoire.
L’OFSTED, créé en 1992, prend place dans un dispositif où les
standards d’éducation sont élaborés par une instance interne au ministère
chargé de l’éducation : le SEU (unité des normes et de l’efficacité). Une
des premières réalisations en a été le programme national pour les
mathématiques et la lecture dans le primaire, fixant des normes de
progression des élèves, trimestre par trimestre. Un programme identique
doit être élaboré pour le collège. Dans le même temps, l’autorité pour les
programmes et les qualifications (QCA) a une mission très générale : elle
doit garantir la qualité et la cohérence de la formation des élèves.
L’OFSTED a une mission générale d’information du ministre, tant
sur la qualité de l’enseignement que sur l’efficacité de la gestion des
établissements ou sur certaines politiques. Il publie un rapport annuel.
Les inspections, décidées par l’OFSTED sont réalisées par des
inspecteurs indépendants, sur appel d’offres. Elles concernent les
établissements, y compris privés, comme les autorités locales en charge
de l’éducation et les centres de formation des enseignants du scolaire.
Elles s’effectuent par cycle, les inspections des établissements ayant été
reconnus comme excellents aux divers critères étant allégées lors du cycle
suivant. Celles qui ont donné lieu à une appréciation critique ou négative
font l’objet d’un plan que, très souvent, les LEA ont la charge de mener à
bien avec l’établissement.
Entre deux inspections, les établissements doivent produire des
auto-évaluations au cours desquelles ils doivent confronter leurs résultats
aux objectifs qu’ils se sont obligatoirement donnés (depuis 1998). Des
batteries d’indicateurs leur sont fournies : indicateurs de valeur ajoutée,
grilles comparatives de résultats d’évaluation divers (dit « paquet
d’automne »).
Le ministère peut donner une assistance méthodologique générale
ou une aide financière à la formation des enseignants et des équipes de
direction.
L’OFSTED contribue enfin à la fixation de la liste des « beacon
schools », établissements auxquels on demande de diffuser les bonnes
pratiques pédagogiques qu’ils ont mises en œuvre et qui, dans ce but,
reçoivent un soutien financier particulier.
352
C
OUR DES COMPTES
L’évaluation des enseignants du secondaire
Jusqu’en 1991, l’évaluation des enseignants était régie par un
compromis entre le gouvernement et les syndicats, donnant la possibilité
aux enseignants de choisir l’aspect de leur activité sur lequel ils
souhaitaient être évalués. Un nouveau dispositif est entré en vigueur en
2000 : chaque professeur définit un certain nombre d’objectifs et un suivi
est organisé sur les résultats des élèves tout au long de l’année. Toutes les
écoles doivent se doter d’un suivi des performances, dont l’OFSTED
évalue la qualité. Cette évaluation interne est rapportée au conseil
d’administration par le proviseur, responsable devant celui-ci.
La
progression
dans
l’échelle
principale
des
salaires
des
enseignants des écoles publiques peut être liée aux performances. Les
candidats au franchissement du « seuil », dernier échelon permettant de
bénéficier d’une augmentation définitive de salaire de 2 000 £ par an et
d’accéder à une nouvelle échelle de salaire doivent présenter un dossier
documenté permettant une appréciation globale de leurs performances.
353
Annexe n° 2
Comparaisons internationales sur les
enseignements scolaire et supérieur
Les données statistiques de la présente annexe sont extraites de
l’édition 2001 de Regards sur l’éducation publié par l’OCDE. Validées
par
les
gouvernements,
elles
mettent
en
lumière
les
grandes
caractéristiques du système éducatif français tant en matière de dépenses,
d’accueil que de résultats.
La nomenclature des formations qu’utilise l’OCDE appelle la
précision
suivante :
l’enseignement
pré-primaire
correspond
aux
formations
d’école
maternelle ;
l’enseignement
tertiaire
à
celles
d’enseignement supérieur.
I
Indicateurs de coûts
Les dépenses d’éducation de la France se situent dans la moyenne
des
pays
de
l’OCDE.
L’investissement
financier
est
toutefois
proportionnellement plus marqué dans l’enseignement scolaire que dans
l’enseignement supérieur. Le coût unitaire des étudiants français est deux
fois moindre que celui de la Suède, trois fois moindre que celui des Etats-
Unis.
354
C
OUR DES COMPTES
Dépenses publiques totales d’éducation : dépenses publiques directes au
titre des établissements d’enseignement plus subvention vers le secteur
privé en pourcentage du PIB et des dépenses publiques totales en 1998
Pourcentage du PIB
Pourcentage dépenses publiques
Enseignement
primaire et
secondaire
Enseignement
tertiaire
Enseignement
primaire et
secondaire
Enseignement
tertiaire
Belgique
6,9 %
2,2 %
3,5 %
1,1 %
Canada
8,2 %
3,9 %
3,7 %
1,8 %
France
7,9 %
2 %
4,2 %
1 %
Allemagne
6,3 %
2,3 %
3 %
1,1 %
Italie
7,1 %
1,6 %
3,5 %
0,8 %
Japon
Nc
Nc
2,8 %
0,4 %
Pays-bas
6,8 %
3 %
3,1 %
0,4 %
Espagne
8,1 %
2,2 %
3,3 %
0,9 %
Suède
9,1 %
3,6 %
5,3 %
2,1 %
Royaume-Uni
8,3 %
2,6 %
3,4 %
1,1 %
Etats-Unis
Nc
Nc
3,4 %
1,3 %
Moyenne
pays OCDE
8,7 %
3 %
3,6 %
1,3 %
A
NNEXES
355
Dépenses par élève ou par étudiant : dépenses calculées en dollar
américain au titre des établissements publics et privés (1998)
Enseignement
préprimaire
Enseignement
primaire
Premier cycle
de l’enseigne-
ment
secondaire
(niveau
collège)
Second cycle
de l’enseigne-
ment
secondaire
(niveau lycée)
Enseignement
tertiaire
Belgique
2 726
3 743
Nc
Nc
6 508
Canada
4 535
Nc
Nc
Nc
14 579
France
3 609
3 752
6 133
7 191
7 226
Allemagne
4 648
3 531
4 641
9 519
9 481
Italie
4 731
5 653
6 627
6 340
6 245
Japon
3 123
5 075
5 515
6 257
9 871
Pays-bas
3 630
3 795
5 459
5 120
10 757
Espagne
2 586
3 267
Nc
Nc
5 038
Suède
3 210
5 579
5 567
5 701
13 224
Royaume-
Uni
4 910
6 043
Nc
Nc
9 699
Etats-Unis
6 441
6 043
Nc
Nc
19 802
Moyenne
pays
OCDE
3 585
3 940
5 083
5 916
9 063
II
Indicateurs d’accueil
L’espérance de scolarité est élevée en France comparativement aux
autres pays de l’OCDE. L’encadrement pédagogique est supérieur à la
moyenne dans le second degré, alors qu’il lui est inférieur dans le premier
degré et l’enseignement supérieur.
356
C
OUR DES COMPTES
Taux de scolarisation en 1999
Âge de fin de la scolarisation
obligatoire
Nombre d’années pendant lesquelles
plus de 90% la population est
scolarisée
Belgique
15
12
Canada
16
12
France
16
15
Allemagne
18
12
Italie
14
12
Japon
15
14
Pays-bas
18
14
Espagne
16
12
Suède
16
13
Royaume-Uni
16
12
Etats-Unis
17
10
Moyenne pays
OCDE
16
12
Nombre d’élèves ou d’étudiants par enseignant en 1999 : établissements
publics et privés par niveau d’enseignement en équivalent temps plein
Enseignement
primaire
Enseignement
secondaire
Enseignement
tertiaire
Belgique
13,9
8,8
18,1
Canada
18,7
19,3
Nc
France
19,6
12,8
16,9
Allemagne
21
15,2
12,3
Italie
11,3
10,3
24,8
Japon
21,2
15,4
11,5
Pays-bas
16,6
17,7
12
Espagne
15,4
12,9
16,4
Suède
13,3
14,5
9,5
Royaume-Uni
22,5
14,7
18,5
Etats-Unis
16,3
15,6
14
Moyenne pays OCDE
18
14,6
15,3
A
NNEXES
357
Comme
l’Italie,
l’Allemagne,
les
pays
du
BENELUX
et
l’Autriche, la France donne un libre accès à la plupart de ses filières
d’enseignement supérieur. Les autres pays de l’Union européenne
procèdent à des sélections. En Grèce, la limitation est établie au niveau
national en fonction de contingents définis par filières. En Espagne, au
Portugal, dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni, la sélection est
opérée par les établissements en fonction du nombre de places ou sur la
base de critères nationaux.
Espérance de scolarisation dans l’enseignement tertiaire : nombre estimé
d’années d’études dans les établissements publics et privés
Belgique
2,7
Canada
2,7
France
2,6
Allemagne
2
Italie
2,2
Japon
Nc
Pays-bas
2,3
Espagne
2,8
Suède
2,9
Royaume-Uni
2,6
Etats-Unis
3,6
Moyenne pays OCDE
2,5
358
C
OUR DES COMPTES
Taux d’accès des 15-29 ans dans l’enseignement tertiaire en 1999
Belgique
56 %
Canada
Nc
France
56 %
Allemagne
41 %
Italie
41 %
Japon
70 %
Pays-bas
55 %
Espagne
57 %
Suède
70 %
Royaume-Uni
73 %
Etats-Unis
69 %
Moyenne pays OCDE
60 %
Taux d’accès à l’enseignement tertiaire : somme des taux d’accès
des 15-29 ans dans l’enseignement tertiaire en 1999
Tertiaire type B (formations courtes
à vocation professionnelle)
Tertiaire type A (formations
longues à vocation théorique)
Belgique
26 %
30 %
Canada
Nc
Nc
France
21 %
35 %
Allemagne
13 %
28 %
Italie
1 %
40 %
Japon
33 %
37 %
Pays-bas
1 %
45 %
Espagne
11 %
46 %
Suède
5 %
65 %
Royaume-Uni
28 %
45 %
Etats-Unis
14 %
45 %
Moyenne pays
OCDE
15 %
45 %
A
NNEXES
359
III
Indicateurs de résultats
En termes d’obtention de diplômes, le système éducatif français
présente des taux supérieurs à la moyenne de l’OCDE, tant dans les
enseignements scolaire que supérieur.
Taux de diplômés de fin d’études secondaires en 1999 : pourcentage de
titulaires d’un diplôme de fin d’étude secondaire dans la population
totale ayant l’âge théorique d’obtenir ce diplôme
Belgique
83 %
Canada
Nc
France
85 %
Allemagne
92 %
Italie
73 %
Japon
95 %
Pays-bas
92 %
Espagne
73 %
Suède
74 %
Royaume-Uni
Nc
Etats-Unis
78 %
Moyenne pays OCDE
79 %
360
C
OUR DES COMPTES
Taux d’obtention d’un diplôme de l’enseignement tertiaire : somme des
taux nets à chaque âge d’obtention d’un diplôme dans les établissements
publics et privés
Tertiaire type B
(formations courtes à
vocation
professionnelle)
Tertiaire type A
(formations longues à
vocation théorique)
Doctorat ou
programmes de
recherche équivalents
de haut niveau
Belgique
25,4 %
22,9 %
0,6 %
Canada
12,6 %
34 %
0,8 %
France
17,9 %
31,6 %
1,2 %
Allemagne
11,8 %
16 %
1,8 %
Italie
0,3 %
34,2 %
0,4 %
Japon
29,9 %
31,6 %
0,6 %
Pays-bas
0,9 %
34,7 %
1 %
Espagne
5,4 %
30,3 %
0,5 %
Suède
2,7 %
27,8 %
2,4 %
Royaume-Uni
11,4 %
49,5 %
1,3 %
Etats-Unis
8,6 %
47,5 %
1,3 %
Moyenne pays OCDE
12,2 %
29,7 %
1 %
A
NNEXES
361
Annexe n° 3
Liste des thèmes de contrôle de la Cour
des comptes et des chambres régionales
des comptes
Effectifs et politique de recrutement des enseignants
La gestion déconcentrée des enseignants du second degré
La gestion des heures supplémentaires des enseignants du second degré
La gestion des enseignants du premier degré
Les rémunérations des enseignants
Les pensions des agents du ministère de l’éducation nationale
La formation continue des enseignants
Les corps d’inspection territoriale
La politique d’orientation des élèves
Organisation et gestion des centres d’information et d’orientation
Le pilotage des rectorats par l’administration centrale
Le
rôle des services déconcentrés dans le pilotage du système scolaire
Le pilotage de l’enseignement secondaire agricole par le ministère de
l’agriculture
L’enseignement professionnel
Outils et méthodes de l’évaluation dans l’enseignement scolaire
Le développement des technologies d’information et de
communication appliquées à l’enseignement
La gestion des moyens d’enseignement par les établissements publics
locaux d’enseignement
Les établissements en zone d’éducation prioritaire
La gestion des établissements publics locaux d’enseignement
Organisation et exercice du métier comptable dans les établissements
d’enseignement de l’éducation nationale
362
C
OUR DES COMPTES
Les personnels de direction des établissements publics locaux
d’enseignement
Les personnels administratifs de l’éducation nationale
La politique de communication du ministère de l’éducation nationale
Les relations financières de l’Etat et des collectivités locales en
matière d’enseignement
La gestion des enseignants-chercheurs
L’attribution des moyens de fonctionnement aux établissements
d’enseignement supérieur
La contractualisation entre les EPSCP et le ministère
Les droits d’inscription dans les établissements d’enseignement
supérieur
La gestion budgétaire, financière et comptable et l’autonomie des
universités
Les antennes universitaires délocalisées
L’efficacité interne et externe des universités
Les procédures institutionnelles d’évaluation dans l’enseignement
supérieur
La gestion du patrimoine immobilier des universités
La gestion du potentiel enseignant dans les universités
La programmation U3M et la gestion des crédits d’investissement de
l’enseignement supérieur
Les politiques d’aide sociale aux étudiants
La rénovation des premiers cycles universitaires
Le pilotage de l’enseignement supérieur agricole
par le ministère de
l’agriculture
Les écoles de commerce et d’ingénieurs dépendant des chambres de
commerce et d’industrie
Les écoles des mines
L’évaluation dans le système éducatif britannique
Les interventions des conseils régionaux dans le système éducatif
Les interventions des conseils généraux dans le système éducatif
363
Liste des sigles utilisés
ASU
administration scolaire et universitaire (agents de …)
ATER
attaché temporaire d’enseignement et de recherche
BEP
brevet d’études professionnelles
BTS
brevet de technicien supérieur
CAP
certificat d’aptitude professionnelle
CAPET
certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement
technique
CAPLP2
certificat d’aptitude au professorat de lycée
professionnel de 2
ème
grade
CCI
chambre de commerce et d’industrie
CEL
contrat éducatif local
CEREQ
centre d’étude et de recherche sur les qualifications
CFA
centre de formation des apprentis
CPGE
classe préparatoire aux grandes écoles
CIO
centre d’information et d’orientation
CNE
comité national d’évaluation des EPSCP
CNESER
conseil national de l’enseignement supérieur et de la
recherche
CNU
comité national des universités
COP
conseiller d’orientation psychologue
CPER
contrat de plan Etat-région
CRC
chambre régionale des comptes
CTI
commission du titre d’ingénieur
DEA
diplôme d’études approfondies
DESS
diplôme d’études supérieures spécialisées
DEUG
diplôme d’études universitaires générales
364
C
OUR DES COMPTES
DEUST
diplôme d’études universitaires scientifiques et
techniques
DGH
dotation globale horaire (parfois appelée DHG dotation
horaire globale)
DIE
dépense intérieure d’éducation
DPD
direction de la programmation et du développement
DUT
diplôme universitaire de technologie
ECTS
european credit transfer system : système de crédits
transférables (unité de compte pour les diplômes
universitaires)
EPLE
établissement public local d’enseignement
EPSCP
établissement public à caractère scientifique, culturel et
professionnel
HCEE
haut conseil de l’évaluation de l’école
IA
inspecteur d’académie
IA-DSDEN
inspecteur d’académie, directeur des services
départementaux de l’éducation nationale
IGAENR
inspection générale de l’administration de l’éducation
nationale et de la recherche
IGEN
inspection générale de l’éducation nationale
IUFM
institut universitaire de formation des maîtres
IUT
institut universitaire de technologie
LEGT
lycée d’enseignement général et technologie
LMD
licence/master/doctorat : ou 3/5/8, déroulement des
cursus universitaires européens
LP
lycée professionnel
MA
maître auxiliaire
NBI
nouvelle bonofication indiciaire
PEGC
professeur d’enseignement général en collège
L
ISTE DES SIGLES UTILISÉS
365
PLP
professeur de lycée professionnel
REP
réseau d’éducation prioritaire
SISE
Système d’information sur les étudiants
STS
section de technicien supérieur
TICE
technologie de l’information et de la communication
dans l’enseignement
TZR
titulaire sur zone de remplacement
UFR
unité de formation et de recherche
ZEP
zone d’éducation prioritaire
366
C
OUR DES COMPTES
367
Réponses des administrations
concernées
368
C
OUR DES COMPTES
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
369
Liste des réponses
Ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale
et de la recherche
..........................................................................
371
Ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure
et des libertés locales
.........................................................................
395
Ministre de l’agriculture,
de l’alimentation, de la pêche
et des affaires rurales
.........................................................................
400
Président du conseil régional d’Aquitaine
.........................................
402
Président du conseil régional de Midi-Pyrénées
................................
404
Président du conseil régional de Picardie
..........................................
407
Président du conseil général du Cher
................................................
407
Président du conseil général des Landes
...........................................
408
370
C
OUR DES COMPTES
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
371
REPONSE DU MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L’EDUCATION
NATIONALE ET DE LA RECHERCHE
Le ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la
recherche a examiné avec attention et intérêt le rapport établi par la Cour. Il
s'attachera à répondre aux différentes observations qu'elle a formulées
concernant les enseignements scolaire et supérieur.
Première partie : l’enseignement scolaire
L'analyse de la Cour sur l'enseignement scolaire appelle du ministère
de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche des observations
sur deux aspects : le pilotage du système scolaire
et la gestion des
personnels enseignants.
Le pilotage du système scolaire
La Cour considère que le fonctionnement du système scolaire reste
largement structuré par la procédure de préparation de rentrée scolaire. Elle
observe par ailleurs que l'exercice des fonctions de pilotage par
l'administration centrale connaît encore des limites.
S'il est vrai que les modalités et le contenu du pilotage exercés par les
services centraux sur les académies se sont profondément transformés, il est
non moins évident que cette évolution est encore loin d’être achevée ; on ne
saurait pour autant en inférer que l'exercice des fonctions de pilotage par
l'administration centrale reste limité.
Il est nécessaire que l’administration centrale exerce non seulement
une fonction de "régulation" ou de "facilitation du système scolaire", mais
aussi un pilotage qui ne méconnaisse pas le rôle de pilotage stratégique
également dévolu, avec la décentralisation et la déconcentration, aux
autorités académiques, en liaison avec les collectivités territoriales.
Depuis plusieurs années, les éléments et les outils de ce pilotage se
mettent progressivement en place et induisent des changements culturels
profonds. Ils peuvent cohabiter encore avec des modes de relations plus
traditionnels entre l’administration centrale et les services déconcentrés et
ne sont pas encore parvenus à instituer un mode de pilotage facilement
lisible
ni pleinement
cohérent
et partagé
entre
les
directions
de
l’administration centrale, les académies et les partenaires internes et
externes du système éducatif.
Mais l'essentiel est bien la dynamique selon laquelle se met
progressivement et continûment en place un véritable système de pilotage des
académies par l’administration centrale.
372
C
OUR DES COMPTES
Pour bien comprendre la dynamique en œuvre, il convient de
souligner que ce pilotage est assuré en fonction des objectifs assignés au
système éducatif dans le cadre d’un système déconcentré, à compétences
partagées avec les collectivités territoriales.
La question des objectifs
Il n’est sans doute pas facile de définir simplement les objectifs du
système éducatif. La loi d’orientation permet de distinguer deux grands
ordres d’objectifs.
Le premier est l'objectif d’accueil, de scolarisation qui recouvre :
l'accueil des élèves relevant de la scolarité obligatoire, de 6 à 16 ans
(objectif aujourd’hui largement atteint), la scolarisation précoce (objectif
actuellement atteint intégralement pour les enfants de trois ans, en débat
pour les enfants de deux ans), la prolongation de la scolarité dans les classes
de lycées et au-delà du baccalauréat en vue de l’élévation du niveau général
de formation, l'accueil dans les établissements scolaires des jeunes
handicapés (objectif encore loin d’être atteint), la scolarisation des jeunes
hospitalisés, des jeunes détenus (où de considérables progrès ont été faits,
mais où des progrès encore plus considérables demeurent à accomplir…). Il
s’agit d’un objectif pour lequel les résultats sont faciles à définir et à
mesurer.
Le deuxième est celui de la "réussite" scolaire. Cet objectif est plus
difficile à définir ; il intègre une grande part de subjectivité. Son atteinte peut
être approchée par la mesure des sorties sans qualification, par le
pourcentage d’une classe d’âge atteignant le baccalauréat, ou par le taux
d’insertion professionnelle. Les modalités d’atteinte de ces objectifs sont
variables d’une région à l’autre, en fonction de la structure de l’offre de
formation ou du marché de l’emploi existant dans la région ou des modèles
de "réussite scolaire" culturellement et/ou économiquement valorisés dans
les régions (le modèle de réussite en Alsace n’est pas celui de Midi-Pyrénées
ou de la Bretagne...).
Une troisième série d’objectifs pourrait concerner le niveau atteint
par les élèves, à savoir la mesure des compétences attendues des élèves à
travers les objectifs inscrits dans les programmes de chaque discipline et de
chaque niveau d’enseignement.
Ces deux dernières catégories d'objectifs sont probablement celles où
à la fois la mesure de la "performance" soulève le plus de questions et la
demande sociale se fait de plus en plus forte. Ce qui est attendu de l'école est
en effet non plus seulement la scolarisation et sa durée mais bel et bien un
débouché positif sur un diplôme, une qualification, une insertion, bref une
"réussite" de tous et de chacun.
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
373
Un système très déconcentré, à compétences partagées
Le pilotage des services académiques par l’administration centrale
doit prendre en compte le caractère très déconcentré du système éducatif et
la nécessité de décliner, au niveau de chaque académie, en tenant compte de
son contexte spécifique, de manière "fractale", les objectifs du système
éducatif (accueil, "réussite" scolaire, niveaux de compétences atteints).
C’est cette déclinaison académique des objectifs de la politique
éducative, qui doit se faire en liaison, en accord et en cohérence avec les
collectivités territoriales, qui donne aux autorités académiques le rôle de
pilotage stratégique identifié par la Cour.
Dans une telle perspective, l’administration centrale du ministère
chargé de l’Education nationale connaît une profonde transformation de ses
missions. Elle doit exercer un rôle accru de pilotage pour lequel elle doit
préparer et former ses services et ses personnels. Des modes nouveaux
d’action coexistent avec des formes plus traditionnelles et plus parcellaires
d’intervention de l’administration centrale en direction des académies.
Trois processus structurants concourent à la mise en œuvre d’un
pilotage des services académiques par l’administration centrale : la
préparation de la rentrée, la répartition des moyens entre les académies et la
contractualisation.
Ces trois processus ne doivent pas s’analyser de manière isolée mais
dans leurs interactions. Ils sont destinés à se répondre, à se renforcer
mutuellement pour faire émerger au sein de l’administration centrale et avec
les académies un "modèle" de pilotage national qui préserve le rôle et les
marges de manœuvre nécessaires d’un pilotage stratégique académique.
z
La préparation de la rentrée
La Cour semble considérer la préparation de la rentrée comme une
procédure lourde, exclusivement quantitative, un peu bureaucratique, et qui
s’opposerait à un dispositif souhaitable de pilotage.
Sans doute l’expression peut-elle induire en erreur. La "préparation
de la rentrée" n’est pas une procédure "centrée" sur le moment de la rentrée
scolaire, mais c’est l’organisation maîtrisée du service public de l’éducation
nationale, dans une académie, pendant toute l’année scolaire, et au-delà,
puisque des décisions prises à cette occasion, découlent des effets de
structures à long terme.
S’appuyant sur un bilan détaillé (de l’année scolaire écoulée, de
l’évolution des structures d’enseignement, des flux d’élèves, de l’utilisation
des moyens d’enseignement et de remplacement) préparant les évolutions
futures, reposant sur des outils partagés au sein de l’administration centrale
et avec les académies, ce processus est extrêmement structurant pour tous les
374
C
OUR DES COMPTES
acteurs du ministère et des académies. Il produit de la connaissance partagée
sur l’état du système éducatif de chaque académie et sur son évolution
souhaitable.
Loin de s’opposer au pilotage, le dispositif de préparation de la
rentrée en représente une véritable métonymie. Inscrit dans un rythme annuel
fortement reconnu par l’ensemble de la communauté éducative, et complété
par la démarche de contractualisation, il permet de suivre, année après
année, la mise en œuvre du projet de l’académie ; il entre, grâce aux outils
de contrôle de gestion mis en place dans le premier comme dans le second
degrés, dans un niveau d’analyse et de détail que ne permet pas une
approche stratégique pluriannuelle. Il inspire ainsi, par l’exemple et
l’outillage qu’il apporte aux académies, des démarches de même nature
conduites par les académies en direction des établissements.
z
Les systèmes de répartition des moyens
Les enjeux d’équité et de globalisation qui s’attachent aux systèmes de
répartition des moyens ont fait l’objet, ces dernières années, d’une attention
particulière de la part de la direction de l'enseignement scolaire, de manière
à ce que les systèmes de répartition concourent, par leurs modalités, au
pilotage des académies.
Les critères ont été revus, au terme de travaux de concertation
approfondis avec les acteurs de la communauté éducative, en y associant
étroitement les représentants des collectivités locales. Les nouveaux critères
retenus prennent mieux en compte les spécificités territoriales et sociales des
académies. Avec un léger décalage lié à la fiabilisation des systèmes
d’information, la démarche a été parallèle pour les premier et second degrés,
en veillant à la cohérence des critères et des systèmes de répartition retenus.
Il s’agit de systèmes de répartition transparents, dont les critères
territoriaux et sociaux intègrent les préoccupations d’équité liées aux
objectifs d’accueil et de "réussite" scolaire.
Leur élaboration comme leur mise en œuvre font l’objet d’une
concertation approfondie, au niveau national comme au niveau académique
ou départemental.
Il s’agit, en tout état de cause, de systèmes d’aide à la décision
intégrant les paramètres significatifs des objectifs retenus (ainsi les critères
démographiques, sociaux, territoriaux ou de structures) mais qui ne
sauraient en aucun cas se substituer aux décisions politiques prise par le
ministre. En ce sens ils sont bien conçus pour éclairer et non pour justifier a
posteriori de telles décisions et ne constituent pas un "modèle" de répartition
des moyens.
La politique de globalisation des moyens, très avancée en matière de
moyens en emplois d’enseignement et de remplacement, encore inachevée en
matière de crédits destinés aux académies, traduit la volonté de donner aux
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
375
académies les marges de manœuvre nécessaires à l’exercice du pilotage
stratégique qui leur revient.
Cette politique vise, elle aussi, à substituer progressivement une
démarche de pilotage par les objectifs à un pilotage sectoriel par les moyens.
C’est peu dire qu’elle remet en cause et déstabilise les modes traditionnels
d’intervention des services de l’administration centrale. La mise en place des
systèmes d’information et de contrôle de gestion correspondants à cette
approche, nouvelle pour les crédits, plus ancienne pour les moyens en
personnels, demande du temps.
z
La démarche de contractualisation
La notion de projet académique est au cœur de la démarche de
contractualisation. L’apport essentiel de la démarche de contractualisation
est de tirer les conséquences de la décentralisation et de la déconcentration
et, donc, de faire émerger l’académie comme un niveau stratégique de
pilotage du système éducatif : la production de nombreux documents propres
à chaque académie, en particulier émanant de la direction de la
programmation et du développement, permet à l’administration centrale
comme aux académies elles-mêmes de construire une vision objectivée et
partagée de leur situation.
Le projet académique, dont la responsabilité et l’élaboration ont été
confiées au recteur et à son équipe, installe progressivement une culture
stratégique au sein des équipes de direction académique et fait de l’académie
un acteur de son développement. Même si c’est avec des degrés de maturité
différents (seule la moitié des académies a conclu à ce jour "un contrat"), cet
effet s’observe dans la totalité des académies et l’idée en est maintenant
unanimement admise. En l’incarnant dans des outils, une démarche, une
dynamique, la contractualisation a très certainement accéléré et accompagné
l’accroissement de la responsabilité confiée aux autorités académiques dans
la conduite des politiques éducatives.
La contractualisation ne consiste pas en un mode nouveau
d’allocation des moyens. Elle a pour objectif d’amener chaque académie, en
fonction de sa situation, de son contexte, de ses spécificités à définir ce que
signifient pour elle les objectifs nationaux de politique éducative (accueil,
"réussite" scolaire, niveaux atteints par les élèves) et les moyens d’y
parvenir.
La démarche prend acte de ce qu’il n’existe pas de relation simple et
linéaire entre les moyens budgétaires mis en œuvre et les résultats atteints.
L’esprit de la démarche de contractualisation consiste à renforcer une
culture de pilotage stratégique : définir des objectifs, des indicateurs pour
mesurer les évolutions et les résultats atteints et élaborer un plan d’actions
pour atteindre ces objectifs. Le rôle de pilotage de l’administration centrale
consiste à organiser la démarche, à lui fournir l’outillage nécessaire
376
C
OUR DES COMPTES
(indicateurs généraux d’aide au diagnostic…), à apporter à chaque
académie l’expertise et les analyses de chaque direction dans le domaine
d’action considéré, et à lui proposer les soutiens qui permettront au projet
académique d’être mis en œuvre.
La démarche de contractualisation apporte, de manière encore peu
visible mais profonde, des transformations dans les modes de fonctionnement
de l’administration centrale et dans les relations des directions entre elles et
avec les académies. En invitant les différentes directions à partager une
analyse commune sur chaque académie, éclairée par les avis des
correspondants académiques des inspections générales, en les conduisant à
apporter
une
réponse
commune
et
coordonnée
aux
demandes
d’accompagnement
des
projets
académiques,
la
démarche
de
contractualisation permet aux directions d’enrichir l’approche sectorielle,
qui est naturellement la leur à raison des compétences qui leurs sont
confiées, par une approche territoriale de mise en cohérence de l’ensemble
de la politique éducative. Ces changements, qui sont des changements
culturels profonds, sont lents mais bien amorcés.
Enfin et surtout, la démarche de contractualisation et de projet inscrit
le
pilotage
académique
dans
une
perspective
pluriannuelle.
Cette
pluriannualité s’analyse non pas en termes d’engagements pluriannuels sur
les moyens, mais en termes de continuité des objectifs poursuivis et, année
après année, des résultats atteints.
Ainsi, même si c’est de manière encore modeste, pragmatique, peut-
être fragile, la démarche de contractualisation s’inscrit dans une conception
du pilotage par les objectifs qui paraît bien devoir être la conception du
pilotage à retenir dans un contexte de forte déconcentration.
Quel que soit le sort réservé au formalisme de la procédure (contrats
signés), la contractualisation vise à approfondir et consolider les deux
apports stratégiques essentiels :
- la notion de projet stratégique pour les académies, visant à traduire
sur un territoire les enjeux de la politique éducative nationale ;
- la transformation progressive de l’administration centrale, visant à
lui donner un rôle de pilotage et à décloisonner ses directions.
Appréhendés ensemble, même s’ils sont encore imparfaitement mis en
œuvre, les trois processus mentionnés :
- préparation de la rentrée : dispositif annuel de pilotage à effet de
long terme ;
- répartition
des
moyens
:
équité
entre
les
académies,
responsabilisation des autorités académiques et contrôle de
gestion ;
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
377
- contractualisation : pilotage stratégique pluriannuel, d'ores et déjà
en place dans la moitié des académies,
dessinent l’architecture d’un véritable système de pilotage des académies par
l’administration centrale.
La gestion des enseignants
Les modalités de gestion
La Cour souligne que "[si] les grands principes sur lesquels repose la
gestion des enseignants ne sont pas a priori différents de ceux qui existent
dans l'ensemble de la fonction publique, le système éducatif est confronté à
des craintes particulières dont l'ampleur s'explique en partie par le
renoncement progressif du ministère et des académies à faire prévaloir avec
constance l’intérêt du service sur les revendications des différentes
catégories d’agents.
Ce point de vue, ainsi exprimé, porte une appréciation trop peu
nuancée par rapport à la réalité de la gestion même s’il n’est pas contestable
que l’effort de rigueur engagé dans la gestion des personnels en regard des
besoins des établissements doit être renforcé et amplifié et s'il est impératif
de développer une gestion qualitative et non seulement quantitative des
personnels enseignants.
Le ministère rappelle l’importance de la concertation et du dialogue
social en son sein, la conduite des politiques éducatives nécessitant une
adhésion suffisante des personnels chargés de sa mise en œuvre au sein des
établissements d’enseignement.
Il n’est pas exact cependant que les décisions prises en matière de
gestion de personnel prennent en compte exclusivement les demandes des
personnels ou celles exprimées par leurs organisations syndicales, comme le
montrent les exemples suivants :
- l’examen des candidatures des personnels enseignants à une
affectation dans une académie d’outre mer pour la rentrée scolaire
2003 (février ou septembre selon la zone géographique) s’est fondé
non seulement sur la valeur et l’intérêt des dossiers présentés mais
également sur une répartition équilibrée des départs en fonction de
la situation des différentes académies au regard des besoins en
personnels. Ainsi pour l’académie de la Guadeloupe les départs
autorisés pour les personnels enseignants ont été réduits de moitié
par rapport à ceux de l’année 2002 eu égard aux difficultés
rencontrées pour affecter dans cette académie des personnels
enseignants titulaires ;
378
C
OUR DES COMPTES
- la note de service relative au mouvement des personnels enseignants
du second degré pour la rentrée scolaire 2003 prévoit pour les
recteurs d’académie, dans certaines conditions, la possibilité de
prononcer des affectations définitives en lycée professionnel de
professeurs agrégés et de professeurs certifiés. Une telle mesure, qui
n’est pas en contradiction avec les statuts de ces deux corps, se
justifie eu égard au constat fait que, dans certaines académies, des
professeurs
agrégés
et
certifiés,
notamment
des
disciplines
technologiques sont affectés en zone de remplacement, alors que,
dans le même temps et pour les mêmes disciplines, des postes
demeurent vacants en lycée professionnel ce qui oblige le recteur à
recourir le plus souvent à des professeurs contractuels.
La Cour déplore la rigidité des règles définies par le "barème" qui
fondent les opérations de mutation et d’affectation des personnels
enseignants. Elle mentionne le bilan établi par l’IGAENR sur les trois années
(1999, 2000, et 2001) de mise en œuvre du nouveau dispositif d’affectation
des enseignants du second degré et regrette, s’agissant du mouvement des
personnels enseignants du second degré, "l’occasion manquée" en 1998 lors
de la déconcentration des opérations d’affectation pour le second degré.
Le mouvement des enseignants du second degré comporte une phase
inter académique relevant de la compétence ministérielle terminée à la mi-
avril, suivie d’une phase intra académique de la compétence des recteurs
terminée fin juin. Le rapport de l'IGAENR a notamment montré que ce
nouveau dispositif constitue un élément déterminant pour l’amélioration des
conditions de préparation de la rentrée scolaire dans la mesure où désormais
les recteurs peuvent prendre en compte, pour prononcer les affectations, les
décisions d’implantation des moyens d’enseignement jusqu’à début juin alors
que, dans le cadre précédent du mouvement national, les situations étaient
figées au 1er mars.
Si les barèmes antérieurs ont été reconduits au niveau du mouvement
intra académique, la compétence nouvelle exercée par l’administration
rectorale a contribué à professionnaliser davantage les gestionnaires de
personnel et à les impliquer plus fortement dans une gestion de proximité.
Bien évidemment, le dispositif mis en place en 1998 doit évoluer de
manière à ce que les affectations des enseignants prennent mieux en compte
certains objectifs et notamment :
- favoriser la stabilité des équipes pédagogiques des établissements
difficiles ;
- traiter plus équitablement les nouveaux enseignants ;
- favoriser la diversification des parcours professionnels ;
- lier davantage mobilité professionnelle et promotion.
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
379
En outre pour permettre une meilleure adéquation entre la ressource
en personnel et les besoins des établissements, les recteurs devront disposer
d’une plus grande latitude pour définir les règles du mouvement intra
académique afin de prendre en compte les spécificités de l’académie.
Le ministère entend engager ce chantier de rénovation du mouvement
des personnels enseignants du second degré dans le même temps que celui de
la gestion déconcentrée des carrières.
Le remplacement des enseignants absents dans le second degré
La Cour souligne le problème récurrent du remplacement des
enseignants absents et note que "fondamentalement, les absences demeurent
insuffisamment connues [et que] les académies rencontrent donc de réelles
difficultés pour évaluer de façon prévisionnelle leurs besoins en personnel de
suppléance, même si le ministère a récemment développé des outils
statistiques qui devraient permettre de mieux maîtriser ces données".
Différents séminaires et travaux d’analyse et de contrôle de gestion
ont été menés conjointement par l’administration centrale (directions des
affaires
financières,
de
l'enseignement
scolaire
et
des
personnels
enseignants) et les services déconcentrés dans le cadre de la préparation de
la rentrée scolaire. Ceux-ci ont permis la mise au point d’un ensemble
d’indicateurs de gestion et la définition de "recommandations" en matière de
moyens et de personnels.
La question des remplacements doit être abordée en distinguant ceux
de longue et moyenne durée (pour des absences supérieures à 15 jours) et
ceux de courte durée (pour des absences inférieures à 15 jours).
z
Remplacements de longue ou moyenne durée (absence supérieure à
15 jours)
Plusieurs indicateurs ont été construits pour mieux appréhender ce
phénomène et améliorer l'efficacité du dispositif de remplacement. Ils
mesurent :
- le besoin : nombre de congés supérieurs à 15 jours ;
- le potentiel net : nombre d'enseignants réellement disponibles pour
la suppléance et le remplacement en cours d'année ;
- l'efficacité : nombre de demandes de suppléance satisfaites ;
- le rendement : nombre de journées réalisées par le potentiel.
A partir de ces indicateurs ont été dégagés des préconisations à
l'adresse des académies afin qu'elles soient en mesure de garantir une
gestion rigoureuse de l'affectation des personnels titulaires (en évitant par
exemple de recruter des contractuels alors que des titulaires remplaçants
380
C
OUR DES COMPTES
sont disponibles). Ces préconisations se déclinent en autant de règles de
gestion à l'usage des académies :
- implanter le maximum de postes définitifs, les postes provisoires
constituant un facteur de déperdition de moyens en personnels ;
- adapter la géographie des zones de remplacement, en évitant les
zones de remplacement trop nombreuses, et revoir les effectifs qui y
sont affectés.
- privilégier l'affectation à titre définitif en établissement par rapport
à une affectation sur zone de remplacement, par le blocage des
postes sur zone de remplacement dans le déroulement du mouvement
intra-académique ;
- privilégier systématiquement, dans la phase d'ajustement postérieure
au mouvement intra-académique, l'affectation sur les supports
provisoires vacants de TZR et maîtres auxiliaires garantis d'emploi
par rapport à l'affectation de non-titulaires non garantis dont la
vocation principale est d'assurer les suppléances.
Ce dispositif a permis d'améliorer l'efficacité de la couverture des
besoins de remplacement supérieurs à 15 jours en renforçant la politique
académique en ce domaine.
Dans le cadre de la préparation de la rentrée scolaire 2003 il a été
demandé aux académies de procéder à un examen approfondi de la gestion
du remplacement en vue de redéfinir la géographie des zones de
remplacement ainsi que le volume des moyens qui y sont affectés. Ce chantier
constitue l’un des thèmes principaux des séminaires de gestion actuellement
en cours avec les différentes académies. Ces séminaires sont l’occasion
d’insister sur les règles de gestion à mettre en œuvre et sur les indicateurs de
contrôle. Ils permettent également les échanges de pratiques entre les
académies pour que chacune d’entre elles appréhende mieux les secteurs où
elle peut faire porter ses efforts de gestion.
z
Remplacements de courte durée (absence inférieure à 15 jours)
Leur traitement relève d'une politique d'établissement et donc d'une
dynamique locale qui aboutit à des résultats variables.
Dans ce domaine, les établissements doivent être plus fortement
incités à prendre en compte le remplacement des absences de coutre durée.
En effet, la compétence pour gérer ce type de remplacement est reconnue aux
établissements et des moyens leur sont attribués à cette fin : ils disposent
ainsi de crédits de suppléance leur permettant d'assurer ces remplacements
en interne (heures supplémentaires
effectives ou crédits de vacations).
Une approche plus dynamique de la question passe par un débat
interne à l'établissement dans le cadre de l'élaboration et de la conduite du
projet d'établissement. Chaque établissement devrait pouvoir prendre la
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
381
mesure de la qualité du service rendu, notamment en rapportant le nombre
d'heures assurées sur le nombre d'heures dues aux élèves.
L'administration centrale engage les académies à poursuivre leurs
actions de sensibilisation auprès de chaque établissement afin de progresser
sur cette question. L'amélioration du suivi des consommations en heures
supplémentaires des établissements grâce à la mise en place récente du
module ASIE (Aide à la Saisie des Indemnités en Etablissement) donne
désormais aux académies un instrument efficace de suivi, par les
établissements, des heures supplémentaires qui leur sont déléguées pour
assurer les suppléances de courte durée.
Le nombre d'enseignants non titulaires dans le second degré
La Cour indique que "le recrutement de ces personnels [enseignants
non titulaires] n’a cependant pas été toujours suffisamment maîtrisé et les
situations de précarité se sont multipliées, sans qu’il soit pour autant certain
que les enseignants titulaires aient été employés au mieux des besoins".
Elle considère que cette situation est due à "la diversité des
disciplines enseignées dans le second degré et que la dispersion
géographique des 7 500 établissements publics rend inévitable l’embauche
d’agents non titulaires susceptibles d’occuper les postes laissés vacants par
les enseignants titulaires". Elle observe que "le nombre d’agents non
titulaires ne cesse ainsi d’augmenter depuis 1998 en dépit des plans de
titularisation et que les prévisions budgétaires sont régulièrement dépassées,
imposant de prendre des mesures en cours d’année par décret de virement
ou, comme en 2002, par décret d’avance pour couvrir l’insuffisance des
crédits".
Le nombre d’enseignants non-titulaires, sur les cinq dernières années
scolaires pour lesquelles il est connu, a évolué comme suit :
Année scolaire 1997- 1998 :
28 450
Année scolaire 1998- 1999 :
25 650
Année scolaire 1999- 2000 :
23 630
Année scolaire 2000- 2001 :
25 620
Année scolaire 2001- 2002 :
26 670
Il est exact, qu'en dépit des titularisations opérées, ce nombre reste
élevé. Pour partie, cette situation s'explique par une augmentation du
nombre d'emplois de titulaires vacants sur le chapitre 31-93 (près de 5 000
emplois vacants lors de l'année 2001-2002). Sur l'ensemble des deux
chapitres budgétaires concernés, le dépassement oscille entre 0,5 % et 0,8 %
du total des emplois. C'est une situation à laquelle le ministère s'efforce de
remédier depuis la dernière rentrée scolaire. A cette fin, des travaux ont été
382
C
OUR DES COMPTES
engagés avec les services académiques dans la perspective de parvenir à une
utilisation plus rigoureuse des moyens d'enseignement du second degré et
notamment des moyens de remplacement. Cette démarche repose sur
l'élaboration de cahiers des charges avec les académies en situation de
dépassement, décrivant les mesures à mettre en œuvre pour leur résorption.
Il faut toutefois souligner que le recrutement d’agents contractuels est
indispensable, d'une part, pour garder un minimum de souplesse afin
d'ajuster le plus précisément possible l'offre et la demande d'enseignement
par discipline, et, d'autre part, pour assurer les remplacements de longue ou
de moyenne durée.
Parallèlement, le ministère s'efforce d'introduire un peu de souplesse
dans
la
gestion
des
personnels
titulaires
en
introduisant
des
décloisonnements
entre
établissements
et
entre
disciplines
voisines,
notamment en collège.
La politique de recrutement
La Cour constate que la question du recrutement va prendre dans les
prochaines années une acuité particulière et qu’il convient en conséquence
de mettre en œuvre "une véritable gestion prévisionnelle des emplois".
Le ministère de l’éducation nationale est conscient, de longue date,
des enjeux que représente la forte augmentation des départs en retraite de
professeurs dans les prochaines années. Il a mis en œuvre
plusieurs travaux
d’études sur ce thème. Il a notamment pris l’initiative en 2002, comme le
relève la Cour, de demander à ses deux inspections générales et à
l’inspection
générale
des
finances
une
étude
sur
les
besoins
de
renouvellement des enseignants. Cette étude a validé pour l’essentiel les
prévisions du ministère qui supposeront d’ici dix ans un prélèvement de
l’ordre d’un quart des diplômés de l’enseignement supérieur dans un
contexte de concurrence accrue avec les autres employeurs sur le marché du
travail.
Il y a lieu de relever que le ministère a déjà dû faire face à une
situation comparable en 1990, le nombre de postes ouverts pour
l’enseignement scolaire public ( 23 433) étant proche du tiers des licenciés
(71 325) alors qu’il est de 20 % en 2003 (30 000 pour 135 000 licenciés). Il
est vrai, qu’en 1990, le nombre de candidats par poste pour les concours
externes publics n’était que de 2,5 alors qu’il était de 5,1 pour la session
2002 et qu’il a atteint 7,2 en 1998 et 1999 lorsque le niveau des concours
externes de l’enseignement scolaire public n’était que de 24 350 postes.
Cette relation entre le niveau des concours et les candidats par postes
est en outre inquiétante dès lors qu’on entre dans le détail des disciplines,
notamment dans le secteur technique et professionnel pour lequel les postes
mis au concours ne sont pas toujours pourvus. C’est la raison pour laquelle
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
383
le ministère a lancé une étude approfondie sur les viviers et a
créé en 2002
un dispositif de pré-recrutement pour des disciplines professionnelles.
¡
Deuxième partie : l’enseignement supérieur
Le ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la
recherche partage pleinement les analyses de la Cour quant aux enjeux
majeurs du système national d’enseignement supérieur. Dans un contexte
d’internationalisation rapide de ce système, il s’attache à favoriser aux plans
régional et inter- régional la mise en cohérence des formations et des
structures pour rendre plus lisible et compétitive l’offre française
d’enseignement supérieur. Au plan infra- régional, il s’efforce de faire
évoluer
en
faveur
du
développement
local
un
modèle
dynamique
d’organisation délocalisée aux multiples contraintes, dont la rationalité
n’apparaît pas toujours maîtrisée, mais qui doit devenir un atout régional
fort. Ces deux niveaux d’approche, couplés avec la mise en œuvre des cursus
licence-master-doctorat (LMD), structurent toute l’action du ministère pour
conforter la place dans le monde du système français d’enseignement
supérieur.
L'analyse de la Cour sur l'enseignement supérieur appelle des
observations sur six points : l'offre de formation, la répartition des moyens,
la contractualisation, les capacités du pilotage, la politique immobilière et la
gestion des enseignants-chercheurs.
Les développements qui suivent recouvrent des domaines sur lesquels
le ministère a avancé dans ses réflexions et dans l’adoption de principes qui
demandent aujourd’hui à être mis en œuvre.
D’autres champs posent des problèmes plus délicats. C'est le cas par
exemple des modalités d’exercice par les enseignants- chercheurs de leurs
obligations de service, de la maîtrise directe par les établissements de leurs
emplois, du patrimoine immobilier ou de l’organisation du gouvernement des
universités. Sur ces questions, des évolutions appropriées devront être
élaborées dans le cadre de consultations avec l’ensemble des partenaires
concernés avant que des orientations plus précises ne soient arrêtées.
L'offre de formation
Analysant les mutations du système d'enseignement supérieur, la Cour
souligne les aspects suivants :
-
la
grande
dispersion
territoriale
de
l'offre
de
formation
(multiplication des sites d'enseignement supérieur). "Cet essaimage des
structures […] n’a pas toujours procédé d’une démarche rationnelle et le
384
C
OUR DES COMPTES
maillage actuel résulte plus d’une accumulation de décisions successives que
d’un développement véritablement coordonné des formations" ;
- les redéploiements rapides des étudiants entre filières de formations.
Intervenant dans un contexte de stabilisation globale des effectifs, ils
suscitent une concurrence accrue entre les établissements qui fragilise
certains sites (notamment des antennes universitaires délocalisées) et posent
aux gestionnaires de l’enseignement supérieur la question d’une adaptation
permanente de leur offre de formation ;
- les lacunes des outils de pilotage tels que "la carte" des formations,
prévue par le code de l’Education et qui n'a pas été constituée ; le schéma
des services collectifs n’a pas de contenu normatif et raisonne globalement
sur l’offre universitaire sans aborder les questions relatives aux types de
formations et aux contenus disciplinaires ;
- enfin, la mise en œuvre d’un espace européen d'enseignement
supérieur oblige à d’importantes révisions des cursus. La Cour fait part de
ses interrogations sur la mise en œuvre des réformes engagées par le
ministère pour adapter le système français au modèle européen et sur la
place de la procédure d'habilitation, dont elle souligne les limites.
S'agissant des sites d'enseignement universitaire, on en dénombre
170,
accueillant
des
enseignements
universitaires
généraux,
des
départements d'IUT ou encore des IUFM. Ils se répartissent comme suit : 60
sites sièges d'une ou plusieurs universités ;
80 sites "antennes universitaires" ;
23 sites accueillant un ou
plusieurs départements d'IUT sans autre formation universitaire et 7
implantations d'IUFM isolées.
Les 110 antennes universitaires rassemblent environ 6,2 % des
effectifs d'étudiants.
La multiplication des sites correspond à une politique d'aménagement
du territoire qui a très nettement amélioré l'accès géographique à
l'enseignement supérieur répondant ainsi à une forte demande sociale.
Comme le souligne la Cour, les initiatives des collectivités locales ont
largement contribué à cette dispersion pour assurer la formation des cadres
des entreprises régionales et pour éviter, dans certains cas, la concentration
des étudiants dans les grandes métropoles universitaires ; certains contrats
de plan Etat-Régions (CPER), comme celui de la région Midi-Pyrénées
indiquent explicitement que 30 % des investissements doivent être orientés en
dehors de l'agglomération toulousaine.
Le choix des sites et le développement des antennes ont été initiés par
les établissements eux-mêmes, avec l'accord des collectivités locales et
l'encouragement de l'Etat, pour faciliter le recrutement de populations
étudiantes nouvelles.
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
385
Toutefois, le schéma de services collectifs de l'enseignement
supérieur, qui tient compte de la stabilisation des effectifs d'étudiants,
rappelle que le maillage des sites de formations sur le territoire est
aujourd'hui suffisant et qu'il n'est donc pas nécessaire de créer des
implantations nouvelles. Il préconise également de systématiser la mise en
réseau des implantations délocalisées.
Enfin, dans une note adressée aux établissements en novembre 2002
concernant la mise en œuvre du schéma "Licence- Master- Doctorat" (LMD),
la direction de l'Enseignement supérieur souligne l'importance des critères
de cohérence globale dans la politique d'habilitation qui sera conduite. Elle
insiste plus particulièrement sur la nécessité de vérifier la complémentarité
de l'offre avec celle des autres établissements afin de se placer dans le
contexte européen et mondial.
La question de la carte des formations est un élément majeur du
dispositif, en cours, de réorganisation de la direction de l'enseignement
supérieur (DES).
L’ancienne sous-direction des constructions et du développement
régional quittera prochainement la direction de la programmation et du
développement (DPD) pour rejoindre la DES sous le nom de sous-direction
de la carte et de l’aménagement universitaires, avec des missions ajustées.
Son rôle transversal de pilotage dans l’élaboration d’une véritable
carte des formations de l’enseignement supérieur, incluant les schémas post-
baccalauréat, sera pleinement affirmé. Il lui reviendra aussi de conduire une
vaste analyse sur les antennes délocalisées, leur devenir, et plus largement
sur l’aménagement du territoire universitaire et d’enseignement supérieur.
La suppression du terme "constructions" dans les dénominations de la
sous-direction et de ses bureaux vise également à clarifier les missions (voir
La politique immobilière).
Dans le domaine des formations, d’importants chantiers ont été
ouverts. S’agissant de la mise en œuvre du cursus LMD, le processus initié à
Bologne prévoit une convergence des systèmes européens pour 2010. Ce
délai sera tenu dans le système d’enseignement supérieur français, et il est
prévu que le passage des universités au LMD s’effectue au fur et à mesure du
renouvellement de leurs contrats, éventuellement par anticipation pour
certaines qui le souhaiteraient, notamment sur l’ensemble parisien, voire
francilien.
Cette évolution devrait améliorer à la fois :
- la lisibilité de l’offre de formation : les habilitations devraient
désormais porter sur un ensemble de filières moins multiforme et
plus cohérent ;
386
C
OUR DES COMPTES
- l’évaluation des formations qui s’appuiera sur la qualité scientifique
des équipes en charge des enseignements, expertisée par la nouvelle
mission scientifique, technique et pédagogique (MSTP), et non plus
sur un descriptif fin et peu contrôlable d’une maquette ;
-
l’organisation
des
formations
par
sites
universitaires,
les
établissements d’une même académie étant invités, lors du
démarrage
de
la
procédure
contractuelle,
à
réaliser
une
présentation globale et unique par l’un d’entre eux du schéma
envisagé pour leurs formations.
Cette dernière approche, déjà mise en œuvre pour la vague
contractuelle 2003-2006, a pour objectif de réduire les concurrences et
redondances de formations justement dénoncées par la Cour, et se traduira
par un resserrement sensible des habilitations.
Dans le même esprit, les rapprochements engagés entre universités et
écoles,
ainsi
que
les
regroupements
d’écoles,
continueront
d’être
encouragés, qu’ils interviennent sur des filières du même type (écoles
d’ingénieurs à Marseille) ou complémentaires (Ecole centrale de Lille et
ESC Lille par exemple).
La répartition des moyens
Le système SANREMO est utilisé pour répartir les emplois prévus en
loi de finances ainsi que la majeure partie des moyens de fonctionnement des
établissements d'enseignement supérieur. Il a pour but de mesurer les
besoins théoriques en personnels et en crédits de fonctionnement des
établissements.
La Cour estime que SANREMO (système analytique de répartition des
moyens) ne rend que très imparfaitement compte de la situation et des
besoins réels des établissements". Le modèle souffre de multiples
imperfections et sa rigidité limite fortement les possibilités de redéploiement
et ne permet aucune réelle redistribution entre établissements sur-dotés et
sous-dotés.
Au terme de son analyse, la Cour s’interroge sur la pertinence du
mode de calcul comme sur l’objectivité des procédures qui président à
l’affectation des moyens et des emplois.
Le système de répartition des moyens financiers apportés par l’Etat
au travers de la dotation globale de fonctionnement fera l’objet d’un
réexamen et d’une refonte. L’analyse par la Cour des dysfonctionnements et
les orientations dégagées viennent utilement compléter les éléments de
critique énoncés par divers établissements ou par la conférence des
présidents d'universités (CPU) et les réflexions menées au sein de
l’administration centrale.
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
387
Dès 2003, plusieurs mesures ont visé à remédier, à la marge, aux
effets de plancher et aux inégalités les plus fortes : abandon des enveloppes
budgétaires définies par catégories d’établissements ; principe retenu
d’amener tous les établissements à un ratio DGF/dotation théorique d’au
moins 0,8 ; substitutions de dotations budgétaires par des emplois (d’IATOS
ou d’enseignants).
Bien entendu, ces premiers efforts ne sauraient constituer la réforme
profonde dont SAN REMO a besoin. Seule une étude de plus grande
envergure, conduite avec les instances regroupant les établissements (CPU,
CDEFI…) et l’AMUE, et développant les travaux qui ont pu être menés sur
ce sujet, notamment ceux de la Cour, pourra déboucher sur un système de
répartition plus transparent et plus équitable qui ne nécessitera plus les
multiples ajustements dénoncés aujourd’hui.
La contractualisation
S'agissant du développement de la contractualisation, la Cour
constate que les champs autres que la recherche "se sont développés de
façon quelque peu chaotique, jusqu’en 1998, année où les objectifs en ont été
précisément définis, ce qui a permis de relancer le processus en le rendant de
fait obligatoire". La Cour estime, qu'en pratique, la contractualisation reste
d’une portée limitée et que l'évolution vers des contrats d’objectifs et de
moyens ne paraît pas encore affichée comme une priorité, soulignant que "la
périodicité quadriennale des contrats, plus courte que celle des contrats de
plan Etat-région et de la plupart des contrats habituels dans la sphère
publique, peut être un handicap".
Au préalable, le ministère tient à souligner qu'il n’a jamais imposé
formellement la relation contractuelle aux établissements. Le caractère "de
fait obligatoire" de ce processus, évoqué par la Cour, résulte d’abord des
dynamiques que la démarche contractuelle a impulsées pour l’émergence des
politiques d’établissement et, en conséquence, d’une "gouvernance"
renforcée, mais aussi du souhait des établissements d’obtenir des moyens
financiers complémentaires.
La politique de contractualisation connaît des évolutions importantes.
En premier lieu, au-delà des efforts entrepris pour une approche par site de
l’organisation des formations, évoqués supra, la réorganisation de
l’administration centrale et des calendriers de traitement des dossiers a aussi
pour objectif de supprimer la dissociation entre le volet recherche et le reste
du contrat, dont la Cour souligne les inconvénients. C’est ainsi qu’il a été
obtenu des organismes de recherche, et notamment du CNRS, une
modification des dates d’examen des dossiers des laboratoires universitaires
par leurs instances nationales d’évaluation. Ces dates sont désormais en
cohérence avec le calendrier de contractualisation du ministère, ce qui
devrait permettre une signature unique des contrats, au plus tard au début de
388
C
OUR DES COMPTES
la période contractuelle et non plus d’un an après comme c’est parfois le cas.
Par ailleurs, les attributions de la nouvelle Mission Scientifique, Technique
et Pédagogique (MSTP) seront clairement limitées à l’expertise et à
l’évaluation, effectuées
au profit des directions de l'Enseignement supérieur,
de la Recherche et de la Technologie, qui auront la charge de négocier
ensemble avec les établissements le contenu des contrats et notamment le
volume des financements. Cette nouvelle organisation sera mise en œuvre dès
la vague 2003, pour laquelle les travaux sont engagés.
De ces différentes évolutions, il est attendu une amélioration du lien
entre la politique contractuelle et une politique d’habilitations portant sur
des formations globales et expertisées par la MSTP préalablement aux
discussions contractuelles. Dans ce cadre, une révision de la durée des
contrats, qui pourrait être portée à 5 ou 6 années avec un rendez-vous à mi-
parcours, est envisagée.
Faiblesse
actuelle
de
la
contractualisation,
la
construction
d’indicateurs relatifs à des objectifs mieux définis sera relancée. Déjà, les
efforts entrepris par les établissements en faveur d’une véritable politique
d’information et d’orientation de leurs étudiants, d’un suivi de leur insertion
professionnelle, de la constitution d’observatoires fait l’objet de soutiens
significatifs dans les contrats. La récente loi organique relative aux lois de
finances va désormais constituer un levier supplémentaire pour aller plus
loin dans ce domaine.
Au total, comme le souhaite la Cour, ces évolutions renforcent les
capacités de pilotage de l’Etat fondées sur un dispositif d’évaluation plus fort
et une meilleure maîtrise de la contractualisation.
Les capacités de pilotage
S'agissant des comptes et de la gestion des universités, la Cour
observe leur difficulté à élaborer et à maîtriser les instruments de leur
autonomie, même si les récents contrôles des juridictions financières ont
permis de constater une amélioration générale. Elle souligne des carences
dans la politique budgétaire, des lacunes dans la tenue des comptes et
énumère les domaines dans lesquels la réglementation est inégalement
respectée. S'agissant de la gestion du personnel administratif, la Cour
constate un sous-encadrement persistant (déficit en personnels de catégorie
A et B), qui constitue à l’évidence un handicap pour mener à bien la
modernisation de la gestion.
La nouvelle organisation prévue pour la direction de l’Enseignement
supérieur prend en compte la nécessité du renforcement des capacités de
pilotage de l’Etat évoqué par la Cour. Elle se traduit par la création au sein
de la sous-direction de l’organisation et des moyens d’un bureau de
l’analyse et de la modernisation de la gestion dont les missions sont tournées
à la fois vers l’administration de l’Etat et vers les établissements. Au sein de
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
389
l’administration centrale, ce bureau coordonnera pour la DES la mise en
œuvre de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la définition
d’objectifs et d’indicateurs pertinents, l’organisation du budget en
programmes et en actions. En relation avec l’agence de mutualisation des
universités et des établissements (AMUE), il devra approfondir les réflexions
conduisant à un meilleur exercice par les établissements de leur autonomie,
en particulier par une amélioration et une consolidation de leurs capacités
de gestion. Les difficultés financières récemment mises en avant par quelques
universités révèlent en effet d’abord une insuffisante maîtrise par les
établissements de leur politique budgétaire et de gestion. Les différents
thèmes évoqués par la Cour, qu’il s’agisse des nécessaires progrès en
matière de mutualisation entre composantes, du sens et de la réelle mesure
du volume du fonds de roulement, de la trésorerie ou des réserves, du besoin
d'une comptabilité analytique (non développée encore dans NABUCO, mais
rendue indispensable par la LOLF), relèvent des compétences du nouveau
bureau, qui aura pour tâche d’approfondir les travaux qui ont pu être
engagés.
Pour conforter les établissements dans cette évolution, les mesures de
renforcement
de
l’encadrement
administratif
et
technique
par
un
repyramidage des emplois IATOS de la catégorie C vers la catégorie A
doivent être poursuivies.
En loi de finances initiale pour 2003, tous les emplois IATOS sont
créés en catégories A et B. La transformation de 1 000 emplois de catégorie
C en 700 emplois de catégories A et B a donné lieu à d’importants échanges
entre l’administration centrale et les établissements et à des réflexions fines
au sein des établissements sur leur structure d’emplois. Le projet de loi de
finances pour 2004 devrait permettre de renouveler cette démarche.
La politique immobilière
Si les universités ont progressé dans la mise en place de politiques
immobilières plus abouties, la Cour énumère les carences que présente
l’administration du parc immobilier et dont souffre en particulier la plupart
des universités parisiennes : parc souvent inadapté (hétérogène, parfois
insuffisant, dispersé) et mal entretenu, absence de logiciel de gestion, de
diagnostic de l'état du bâti, dépendance [à l'égard] de financements externes
qui
privilégient de fait les opérations ponctuelles.
Elle souligne la responsabilité importante incombant à l'Etat dans de
telles carences : "la centralisation de la programmation et les modes de
gestion
des
crédits
d’investissement
de
l’Etat
n’apportent
pas
la
transparence et la continuité dont la gestion immobilière des universités a
besoin".
Le ministère estime quelque peu injustifiées les critiques de la Cour
sur les "financements externes qui privilégient de fait les opérations
390
C
OUR DES COMPTES
ponctuelles" et le manque de "continuité dont la gestion immobilière des
universités a besoin" .
En premier lieu, les crédits de maintenance immobilière sont inscrits
dans les contrats quadriennaux au titre d’une politique globale au sein de
laquelle l’individualisation de quelques opérations lourdes est rare.
Quant aux deux plans successifs de mise en sécurité, ils ont fait l’objet
d’une approche négociée et globale avec chacun des établissements, sur la
base d’un plan présenté par celui-ci, étant entendu que l’enveloppe négociée
pouvait ensuite être utilisée par l’établissement en fonction de l’évolution
éventuelle de ses urgences ou priorités. Afin de renforcer la globalité du
second plan, le Parlement a accepté d’inscrire en loi de finances rectificative
pour 2001 la totalité des autorisations de programme (AP) qui auraient dû
être réparties sur les exercices 2002-2006, ce qui a permis une délégation
globale des AP dès le début de l'année 2002.
Par ailleurs, au terme de son analyse des crédits d’investissement de
l'Etat, la Cour met en évidence les difficultés importantes que rencontre le
ministère dans la gestion des opérations immobilières. Elle développe
successivement les points suivants :
- la modification en profondeur du dispositif de programmation
immobilière (avec le lancement d'U3M et de la nouvelle génération
des CPER) et le défaut d'articulation perceptible entre le plan U3M
et les CPER ;
- les lacunes du système d’information dont disposent les services
centraux pour assurer le recensement et le suivi du patrimoine
existant ;
- les compétences insuffisantes de l'administration centrale en matière
d'expertise des dossiers de construction ;
- les incidences de la complexité de l'organisation et des procédures
de gestion des crédits : allongement des délais de réalisation des
opérations
et
quasi-impossibilité
d'obtenir
la
reconstitution
historique d'une opération d'investissement.
- le rythme nettement dégradé de consommation des crédits
d'investissement, traduction des difficultés.
L'évocation par la Cour du défaut d'articulation entre le plan U3M et
les CPER est moins nette que cette affirmation pourrait le laisser penser,
puisque le schéma de services collectifs de l’enseignement supérieur et de la
recherche, dans lequel s’inscrit U3M, se décline régionalement et s’applique
au travers des CPER, comme U2000 a pu le faire en 1994. Il en résulte que
la contradiction évoquée par la Cour n’en est pas réellement une, même si le
fait que la négociation des CPER ait été concomitante avec l’élaboration du
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
391
schéma de services collectifs n’a pas permis que la vison prospective et
centrale précède la programmation déconcentrée et décentralisée.
Sur le second point, le ministère poursuit ses études relatives à
l’élaboration d’un système d’informations opérationnel et pertinent sur le
patrimoine immobilier de l’enseignement supérieur, partagé entre le niveau
central, le niveau académique et celui des établissements. Depuis quelques
années, le "fichier surfaces" utilisé dans SANREMO a été enrichi de données
globales sur l’état du patrimoine, qui fournissent une base à la négociation
contractuelle des crédits de maintenance. Parallèlement, des soutiens ont été
apportés au travers de quelques contrats à des établissements qui
souhaitaient développer des applications informatiques de gestion de leur
patrimoine,
avec
l’ambition
de
parvenir
à
de
véritables
systèmes
d’informations géographiques, en s’appuyant parfois sur les compétences
scientifiques de laboratoires de recherche.
Quant aux compétences de l'administration centrale en matière
d'expertise des dossiers de construction, le ministère rappelle que
l’administration centrale n’exerce aucune mission de maîtrise d’ouvrage
d’opérations immobilières, la maîtrise d'ouvrage ayant fait l’objet dès 1995
d’une large déconcentration. Dernière étape de cette évolution, le CIADT de
décembre 2002 a décidé que l’expertise de toute opération inscrite dans un
CPER relevait des services déconcentrés. La mise en œuvre de cette mesure
sera l’occasion de préciser à nouveau le rôle de chacun des partenaires.
Dans le cadre de la réorganisation prévue de l'administration
centrale, la suppression de la mention des "constructions" dans l'intitulé de
l'actuelle sous-direction des constructions et du développement régional,
transférée de la DPD à la DES, ainsi que de ses bureaux (l’actuel bureau des
constructions devenant celui du financement des politiques immobilières)
vise aussi à clarifier les missions.
S'agissant du traitement administratif et comptable des opérations, il
est logique, du fait de la déconcentration de l’exécution des CPER, que la
"chaîne comptable de traitement des opérations d’investissement" connaisse
une rupture entre les "bureaux ministériels" et les "utilisateurs finaux". Les
opérations immobilières ne sont en effet individualisées qu’au niveau du
préfet de région, le ministère ayant pour rôle d’effectuer des délégations
d’autorisation de programme globales à partir d’une programmation
indicative élaborée par les services déconcentrés.
Il est vrai qu'à l'heure actuelle, il n'existe pas d'instrument centralisé
de suivi des opérations en raison du contexte fortement déconcentré de la
procédure des CPER, pilotée dans chaque région par les SGAR. Le travail de
suivi de l'échelon central repose donc sur les informations fournies par les
recteurs (par le biais des Ingénieurs Régionaux de l'Equipement - IRE placés
auprès d'eux) et par les préfets de région. Pour pallier ce manque, le
ministère travaille à mettre une base de données partagée entre
392
C
OUR DES COMPTES
l'administration centrale, les rectorats et les SGAR, concernant le suivi de
l'avancement et le contenu qualitatif des opérations des CPER.
Enfin, en ce qui concerne le rythme de consommation des crédits, une
étude a été réalisée sur la gestion des crédits de construction 2001 par
région et transmise à tous les ordonnateurs secondaires (préfets et recteurs),
afin d'analyser les causes des importants reports de crédits tant en AP qu'en
CP qui ont caractérisé les deux premières années d'exécution du volet
enseignement supérieur des CPER,.
Au vu des explications que ces derniers ont fournies sur les difficultés
de gestion auxquelles ils étaient confrontés, certaines initiatives ont été
prises pour améliorer la gestion des crédits d'investissements.
Difficultés mises en évidence
Liées à la complexité des circuits financiers, elles peuvent être
identifiées comme suit :
- la mise en place du contrôle financier déconcentré en 1996 a parfois
allongé les délais de traitement des opérations ;
- la nature des pièces justificatives à produire au contrôleur financier
à l'appui des dossiers d'affectation des autorisations de programme
a donné lieu à quelques divergences d'interprétation des circulaires
en vigueur ;
- l'abrogation du décret de 1972 sur la gestion des subventions
d'investissement accordées par l'Etat et la mise en œuvre du décret
du 16 décembre 1999, qui ne couvre pas le champ des subventions
d'investissement
versées
aux
établissements
d'enseignement
supérieur et n'est pas adapté à celui des subventions liées à
l'exécution des CPER, a généré quelques blocages liés au vide
juridique que le nouveau texte a fait naître ;
- de nombreux contrôleurs financiers utilisent le référentiel des
constructions universitaires de 1997 comme un document normatif
et refusent à ce titre tout dépassement de coût ou de surface par
rapport aux standards produits par le document de référence. Or le
référentiel, qui avec l'accord du ministère du budget a perdu depuis
1997 son caractère normatif, doit être utilisé comme un outil simple
d'aide à la décision des maîtres d'ouvrage. Ces différences
d'appréciation observées entre les ordonnateurs secondaires et des
contrôleurs financiers sur la valeur à donner au référentiel
provoquent souvent des retards dans le traitement des dossiers
d'investissement ;
- les délais de subdélégation des AP des préfets aux recteurs sont
parfois longs (entre 3 et 5 mois). Or ces retards allongent
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
393
inutilement les durées de traitement des opérations et participent
donc à la sous consommation de crédits ;
- en ce qui concerne les conventions de délégation de maîtrise
d'ouvrage,
certains
contrôleurs
financiers
ont
imposé
une
convention pour toute délégation de maîtrise d'ouvrage, y compris
pour celles concernant les établissements d'enseignement supérieur.
Or, s'agissant de ce dernier cas, les circulaires actuellement en
application indiquent qu'une simple décision du préfet suffit. En
l'occurrence, l'excès de formalisme provoque également des retards
dans
le
démarrage
des
opérations.
Par
ailleurs,
certains
ordonnateurs secondaires ont observé des délais très longs de
signature des conventions de délégation de maîtrise d'ouvrage avec
les collectivités territoriales, qui doivent faire délibérer au préalable
leurs instances ;
- enfin, certains ordonnateurs évoquent la complexité des opérations
faisant appel à des financements croisés. Certaines opérations ne
comportent pas moins de trois financeurs, ce qui multiplie autant le
nombre d'actes administratifs à traiter. Les procédures de mise en
place des crédits européens sont jugées en particulier trop lourdes
et trop contraignantes quant aux délais d'exécution.
Mesures correctrices
Parmi les actions engagées au long de l'année 2002 pour améliorer la
consommation des crédits de construction figurent :
- la publication d'une circulaire conjointe éducation/budget au
bulletin officiel de l'éducation nationale relative aux modalités
d'attribution des subventions d'investissement aux établissements
publics d'enseignement supérieur et aux collectivités territoriales
pour les constructions universitaires et leur premier équipement
dans le cadre des CPER ;
- une note circulaire a été adressée aux préfets et aux recteurs le
20 décembre
2001
afin
de
systématiser
la
subdélégation
automatique des autorisations de programme individualisées en
conférence administrative régionale. Cette mesure devrait permettre
d'écourter les délais d'affectation des autorisations de programme et
d'engager plus rapidement les opérations ;
- une autre note en date du 3 octobre 2001 a rappelé aux
ordonnateurs secondaires les conditions de délégation de maîtrise
d'ouvrage aux établissements d'enseignement supérieur. Ainsi a-t-il
été rappelé qu'une simple décision du préfet suffit pour déléguer une
maîtrise d'ouvrage à un établissement d'enseignement supérieur ;
394
C
OUR DES COMPTES
- les délais de préparation de la programmation des crédits de
construction pour 2002 ont été réduits. Les enveloppes de crédits ont
pu être notifiées aux préfets dès le mois de décembre 2001, ce qui a
permis aux conférences administratives régionales de se prononcer
sur la répartition des moyens dès le début de l'année 2002.
La gestion des enseignants-chercheurs
La Cour indique notamment que les processus de la gestion des corps
d'enseignants-chercheurs n'assurent pas à l'administration centrale les
conditions d'un pilotage effectif de cette fonction. En particulier, le ministère
n'a pas la maîtrise de l'utilisation des emplois dans les établissements ce qui
handicape considérablement la gestion prévisionnelle.
L'administration
centrale est
consciente
des
lacunes
de
son
information en matière de gestion des enseignants- chercheurs et des
enseignants
qui
exercent
leurs
fonctions
dans
les
établissements
d'enseignement supérieur.
Deux actions sont entreprises pour pallier cette déficience :
- engager un dialogue renforcé avec les établissements à travers la
politique contractuelle. Cet échange doit permettre de disposer pour
chaque établissement d'un bilan social qui décrira l'ensemble des
activités des personnels enseignants-chercheurs et enseignants ainsi
que leurs attentes en terme de carrière comme de conditions de
travail. Le contrat permettra ensuite de déterminer des objectifs à
atteindre pour l'utilisation et la gestion des personnels ainsi que des
indicateurs qui permettront d'établir un bilan à l'issue du contrat.
Ces éléments doivent constituer la base d'une gestion prévisionnelle
des personnels ;
- mettre en œuvre le système d'information GESUP 2, dont le cahier
des charges vient d'être approuvé. Ce nouveau système est
indispensable, car il doit permettre de réaliser la liaison entre les
emplois, les postes et les personnes qui fait actuellement défaut dans
l'enseignement supérieur.
Ces deux actions sont nécessaires pour garder une gestion
prévisionnelle des enseignants-chercheurs et enseignants qui exercent dans
les établissements d'enseignement supérieur. La première apporte l'outil
théorique et la seconde l'instrument informatique qui peut permettre les
évolutions nécessaires dans
ce domaine.
Par ailleurs, l'amélioration des relations avec les établissements
d'enseignement supérieur permettra de clarifier la connaissance des services
réalisés réellement par les enseignants-chercheurs. La réalisation d'un lien
entre GESUP 2 et l'application HARPEGE, utilisée majoritairement dans les
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
395
établissements d'enseignement supérieur devrait être l'instrument de cette
amélioration.
En outre, un soin particulier doit être apporté à la répartition des
enseignants- chercheurs entre les disciplines au moment où se profilent des
départs importants à la retraite. Les recrutements doivent tenir compte de la
demande des étudiants, des besoins de la recherche et des viviers potentiels
qui sont très différents d'un secteur à l'autre.
Enfin, la nécessité d'une évaluation est évidente, en dépit de réticences
encore fortes du milieu. Il faut sans doute avancer en commençant par une
évaluation des enseignements, mais la mise en œuvre de l'espace
universitaire européen aidera sûrement à une évolution dans ce domaine.
En conclusion, l'administration centrale pense pouvoir bientôt
disposer d'instruments plus efficaces de contrôle de gestion et de gestion
prévisionnelle
des
personnels.
Elle
souhaite
pouvoir
faire
évoluer
progressivement les dispositions qui régissent cette gestion sur la base
d'expérimentations menées dans le cadre contractuel.
REPONSE DU MINISTRE DE L’INTERIEUR, DE LA SECURITE
INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES
Il est nécessaire de rappeler les conditions générales dans lesquelles
ont été transférées aux régions et aux départements, à compter du 1
er
janvier
1986, les ressources nécessaires à l’exercice de leurs nouvelles compétences
en matière de dépenses d’investissement pour les établissements publics de
l’enseignement secondaire (circulaire du 5 novembre 1985 prise en
application de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, modifiée et complétée par
la loi n° 85-97 du 25 janvier 1985) :
Champ d’application
L’article 14 de la loi du 22 juillet 1983 prévoit que la construction, la
reconstruction, l’extension, les grosses réparations et l’équipement des
établissements scolaires du second degré sont assurés par le département en
ce qui concerne les collèges, et par la région en ce qui concerne les lycées,
les établissements d'éducation spéciale, les écoles de formation maritime
aquacole et les établissements d'enseignement agricole visés à l'article
L. 815-1 du code rural.
Inscription au budget de l’Etat
En application des articles 16 et 17 de la loi du 22 juillet 1983, et des
articles R. 4332-9 et R. 3334-16 du CGCT, pris pour son application, ont été
396
C
OUR DES COMPTES
créées en 1986 au budget du ministère de l’intérieur et de la décentralisation
deux dotations d’équipement scolaire, attribuées aux régions (dotation
régionale
d’équipement
scolaire)
et
aux
départements
(dotation
départementale d’équipement des collèges), pour financer les dépenses
d’investissement mises à leur charge à la suite du transfert de compétences.
Ces dotations évoluent comme la dotation globale d’équipement, en fonction
du taux de formation brute de capital fixe (articles L. 4332-3 et L. 3334-16
du CGCT).
Modalités de constitution de ces dotations
a) Globalisation, au sein d’une masse commune aux deux niveaux
d’enseignement secondaire, des crédits :
- précédemment ouverts au budget de l’Etat pour les investissements
exécutés par l’Etat (construction et équipement) et les subventions
accordées par lui (construction) pour les opérations concernant les
lycées et les établissements d’éducation spéciale (budget du
ministère de l’éducation nationale), les écoles de formation
maritime et aquacole (budget du secrétariat d’Etat chargé de la
mer) et les établissements d’enseignement agricole visés à l’article
L. 815-1 du code rural (budget du ministère de l’agriculture) ;
- précédemment inscrits au budget de l’Etat pour les investissements
exécutés par l’Etat au titre de la construction et de l’équipement des
collèges, ainsi que les subventions d’investissement accordées par
l’Etat au titre des travaux des collèges (budget du ministère de
l’éducation nationale) ;
- provenant des chapitres du budget de l’éducation nationale sur
lesquels étaient financées les subventions d’investissement pour les
collèges, et en particulier le chapitre 66-33, qui avaient été
globalisés en 1983 dans la dotation globale d’équipement des
communes.
b) Détermination des montants respectifs de la dotation régionale
d’équipement
scolaire
(DRES)
et
de
la
dotation
départementale
d’équipement des collèges (DDEC) :
- en vertu de l’article 17 de la loi du 22 juillet 1983, les montants
respectifs de la DRES et de la DDEC sont inscrits chaque année
dans la loi de finances;
- pour la première année d’entrée en vigueur du transfert de
compétences, en 1986, il a été prévu que la proportion des crédits
affectés à chacune de ces deux dotations était égale à celle constatée
en moyenne au cours des trois exercices budgétaires précédant ce
transfert pour la répartition des crédits entre les opérations
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
397
relatives aux collèges, d’une part, et celles relatives aux lycées et
établissements assimilés, d’autre part ;
- selon les derniers chiffres disponibles pour ces trois années de
référence, la proportion retenue pour la répartition en 1986 des
crédits entre les deux dotations d'équipement scolaire a été de 66 %
pour la DRES et de 34 % pour la DDEC.
Modalités de répartition de la DRES
Cette dotation est répartie entre les régions en fonction de critères
automatiques reflétant, pour 60 % de la dotation, la capacité d’accueil des
établissements, et pour 40 %, l’évolution de la population scolarisable.
La circulaire du 5 novembre 1985 indique que « les critères et les
pondérations retenus tiennent compte de l’état tant quantitatif que qualitatif
du patrimoine mobilier et immobilier, des perspectives démographiques, des
orientations données au système éducatif (développement de l’enseignement
technologique) et du partage actuel des crédits d’investissement entre
grosses réparations et reconstruction, d’une part, et construction de
nouveaux bâtiments, d’autre part ».
Modalités de répartition de la DDEC
La répartition de cette dotation entre les départements comporte deux
étapes :
a) dans un premier temps, est déterminée la part de l’ensemble des
départements de chaque région dans la dotation globale, en fonction de
critères automatiques reflétant, pour 70% de la dotation, la capacité
d’accueil des établissements, et pour 30%, l’évolution de la population
scolarisable. Le dispositif prévu est analogue à celui qui a été institué pour la
DRES.
b) dans un deuxième temps, l’enveloppe attribuée à l’ensemble des
départements de la région est répartie entre les départements par la
conférence des présidents, des conseils généraux, compétente en la matière.
La loi ne fixe à cet égard aucune règle. La conférence des présidents a donc
toute liberté pour effectuer la répartition de l’enveloppe régionale entre les
départements.
Il incombe au département et à lui seul, en vertu du cinquième alinéa
de l’article 17 de la loi du 22 juillet 1983 modifiée, d’affecter la DDEC aux
opérations d’investissement scolaire de son choix, sous réserve, s’agissant
d’opérations de construction ou d’extension d’établissements, de leur
inscription sur la liste annuelle d’opérations, arrêtée par le préfet de région.
Il peut choisir de ne pas réaliser tout ou partie des opérations inscrites sur la
liste et de consacrer une part plus importante de sa dotation à la
398
C
OUR DES COMPTES
reconstruction, aux grosses réparations et à l’équipement en matériel des
établissements existants.
Modalités d’inscription dans les budgets locaux et d’utilisation par
la région ou le département
La dotation reçue par la région ou le département et inscrite à son
budget ne peut être affectée par cette collectivité qu’à des opérations
d’investissement concernant les établissements scolaires dont elle a la
charge, c’est-à-dire à des opérations de reconstruction, grosses réparations,
équipement, et éventuellement à des opérations de construction ou
d’extension (articles 16 et 17 de la loi du 22 juillet 1983 modifiée).
Le décret n° 85-1036 du 19 septembre 1985 relatif à la dotation
régionale
d’équipement
scolaire
et
à
la
dotation
départementale
d’équipement des collèges introduit une innovation importante : il prévoit, à
l’article 6, que le chapitre budgétaire 67-56 (article 10 - DRES - et article 20
- DDEC - anciennement chapitre 67-57, article 10 pour la DDEC) comporte,
d’une part, des crédits d’autorisations de programme et, d’autre part, des
crédits de paiement.
Cette distinction entre crédits d’autorisations de programme et crédits
de paiement, souhaitée par les élus régionaux et départementaux, ne
bénéficiait jusqu’à présent qu’à la région Ile-de-France et à la ville de Paris.
Elle s’applique désormais, en matière d’équipement scolaire, à toutes les
régions et à tous les départements : ces collectivités territoriales pourront
procéder à l’engagement de dépenses en la matière dans la limite des
autorisations de programme dont les montants leur sont notifiés, et non dans
la limite du montant des seuls crédits de paiement qui leur auront été
effectivement versés au titre d’un exercice déterminé.
La circulaire du 5 novembre 1985 relative au transfert de
compétences en matière de dépenses d’investissement pour les établissements
scolaires du second degré précise : « Ces taux de couverture des
autorisations de programme par les crédits de paiement correspondent aux
taux moyens actuellement observés sur les chapitres du budget de l’Etat dont
les crédits sont regroupés au sein de la DRES et de la DDEC ».
¡
Enfin, le rapport particulier appelle plusieurs observations :
Sur la planification de l'offre de formation
Il ressort de la procédure mise en place par la loi n° 83-663 du 22
juillet 1983 que les initiatives des collectivités locales sont liées aux
politiques éducatives et aux contraintes budgétaires de l'Etat, puisque c'est le
représentant de l'Etat qui arrête, sur proposition du recteur, la liste annuelle
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
399
des opérations de construction ou d'extension des établissements pour
lesquels l'Etat s'engage à affecter le personnel enseignant suffisant et à
attribuer les dotations spécifiques prévues pour la réalisation de ces
opérations (dotation régionale d'équipement scolaire pour les régions et
dotation départementale d'équipement des collèges pour les départements).
Si l'Etat peut regretter le manque de vision stratégique des régions en
matière de programmation, à l'inverse les régions ont fait part de leurs
préoccupations, dans le cadre des assises de la décentralisation, quant au
manque de concertation entre les services de l'Etat et les régions pour les
grandes orientations des politiques éducatives. Elles ont exprimé le souhait
d'être associées à la procédure d'ouverture et de fermeture des formations, à
la modification des programmes (en dehors des considérations purement
pédagogiques qui relèvent de l'Etat), ces mesures étant déterminantes pour
concevoir une bonne planification scolaire.
Parallèlement à la proposition visant à améliorer le partenariat Etat-
collectivités locales dans le domaine de la planification scolaire, les régions
demandent une meilleure coordination avec le dispositif de programmation
concernant la formation professionnelle. Les difficultés d'articulation
existant entre la formation initiale et la formation continue, entre les
formations et l'emploi sont en effet préjudiciables à l'insertion des jeunes
dans la société civile.
Sur la programmation des investissements
Il est constaté dans le projet de rapport que les programmes
prévisionnels d'investissement (PPI) établis par les régions (pour les lycées)
et par les départements (pour les collèges) s'apparentent à des budgets
annuels d'investissement et aboutissent trop rarement à une programmation
des besoins. Les collectivités locales n'ont pas une connaissance suffisante de
l'état de leur patrimoine et sont trop souvent conduites à faire face aux
travaux les plus urgents, ce qui les empêche de faire de leur programme
prévisionnel un véritable instrument de mise en œuvre du schéma régional
des formations.
Cette appréciation ne saurait cependant faire oublier l’effort
exceptionnel réalisé par les collectivités territoriales en faveur des
établissements d’enseignement du second degré.
Sur la répartition des crédits d'équipement et de fonctionnement
On observera qu’il n'est pas toujours aisé de savoir si les dépenses
doivent être prises en charge par l'Etat ou les collectivités locales, même si
l'article L. 211-8 du code de l'éducation dresse la liste des dépenses prises en
charge par l'Etat qui sont, pour les lycées et les collèges, les dépenses des
400
C
OUR DES COMPTES
personnels enseignants et administratifs et les dépenses pédagogiques dont la
liste est arrêtée par le décret n° 85-269 du 25 février 1985.
Sur l'investissement dans le champ péri-éducatif
L'article L. 216-1 du code de l'éducation prévoit que les communes,
les départements, les régions peuvent organiser dans les établissements
scolaires, pendant leurs heures d'ouverture et avec l'accord des conseils et
autorités responsables de leur fonctionnement, des activités éducatives,
sportives, et culturelles complémentaires. Les collectivités territoriales,
organisatrices de ces activités facultatives, doivent en supporter la charge
financière qui comprend notamment les charges des personnels de l'Etat mis
à leur disposition. Certaines actions relèvent de la compétence exclusive des
collectivités territoriales (aides aux TICE, acquisitions de manuels scolaires,
d'ordinateurs portables,…), d'autres s'intègrent dans le cadre d’opérations
conduites en partenariat avec le ministère de la jeunesse, de l'éducation
nationale et de la recherche (contrats éducatifs locaux).
La diversité des actions entreprises ne fait que souligner la dimension
tout à la fois sociale et éducatrice du champ péri-éducatif. Il serait à cet
égard vain d’imaginer pouvoir dresser une frontière précise entre les
domaines péri-éducatif et éducatif.
REPONSE DU MINISTRE DE L’AGRICULTURE, DE L’ALIMENTATION,
DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES
Il convient de souligner les particularités de l’enseignement agricole
implanté en milieu rural et fortement attaché à des établissements à taille
humaine en terme d’effectifs. L’internat est une spécificité forte de
l’enseignement agricole et il est au cœur du système éducatif. J’observe
d’ailleurs, que le ministère de l’éducation nationale a remis à l’honneur
l’apport de l’internat dans la formation scolaire. Les internes représentent
60 % des élèves inscrits dans l’enseignement technique agricole. Ce fait
exige un fort taux d’encadrement en personnel de surveillance (maîtres
d’internat,
surveillants
d’externat,
futurs
assistants
d’éducation)
et
personnels
des
filières
administratives,
techniques,
ouvrières
ou
professionnelles.
De plus la baisse de la démographie observée à l’éducation nationale
ne se retrouve pas dans l’enseignement agricole qui a connu une forte
croissance de ses effectifs sur les quinze dernières années. L’enseignement
agricole accueille, aujourd’hui, 185 000 élèves, enseignements technique et
supérieur réunis, public et privé confondus, contre 140 000 élèves à la fin des
années 80. Cette croissance des effectifs s’est traduite par une augmentation
R
ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
401
du nombre d’emplois d’enseignants, 1400 postes supplémentaires dans
l’enseignement technique et 300 postes de plus dans l’enseignement
supérieur. Les emplois de personnels ATOSS ont également progressé de 600
postes dans l’enseignement technique et de 200 postes dans l’enseignement
supérieur.
Je précise, en outre, que, le Gouvernement souhaite renforcer
l’adaptation de l’enseignement agricole aux évolutions économiques et
sociétales.
A cette fin, j’ai présenté en Conseil des ministres le 3 janvier 2003 une
communication
précisant
les
axes
de
la
politique
d’évolution
de
l’enseignement agricole.
Ceux-ci sont les suivants :
Adapter cet enseignement aux demandes émergentes de la société
A cette fin, trois priorités sont retenues :
- promouvoir une production agricole et un aménagement de l’espace
rural attentifs aux ressources naturelles et aux paysages ;
- accompagner la formation de futurs chefs d’entreprise en milieu
rural, en encourageant la pluriactivité ainsi que les métiers de la
montagne ;
- développer la filière des métiers de l’alimentation, en valorisant la
qualité alimentaire et la richesse des produits des terroirs.
Mettre les cycles de formation supérieure aux normes européennes
et internationales
Les mesures suivantes sont proposées :
- adapter les cursus de formation au système international (licence,
master, doctorat ou rythme 3/5/8). Cette adaptation est impérative
pour accroître leur notoriété et favoriser ainsi la mobilité des
enseignants chercheurs et des étudiants ;
- constituer des pôles d’excellence dans lesquels les établissements
d’enseignement
supérieur
développeront
leur
politique
de
valorisation de la recherche et de transfert technologique en
s’appuyant sur le développement des études doctorales.
402
C
OUR DES COMPTES
Développer une politique contractuelle entre l’Etat et les
établissements d’enseignement agricole
Deux axes seront mis en œuvre :
- favoriser une démarche de contractualisation pluriannuelle, appuyée
sur la déconcentration et le triptyque « projet – contrat –
évaluation ». La programmation des moyens humains et matériels
nécessaires devra donc être également établie sur une base
pluriannuelle ;
- inscrire la politique de l’enseignement agricole dans une politique
globale pour le monde rural, dans le cadre de la prochaine loi sur
les affaires rurales programmée pour renforcer la cohérence entre
la politique territoriale en milieu rural et la formation, tout au long
de leur vie, des femmes et des hommes qui participent au
développement des territoires.
REPONSE DU PRESIDENT DU CONSEIL REGIONAL D’AQUITAINE
J’ai pris connaissance avec le plus grand intérêt des extraits que vous
m’avez transmis du rapport public de la Cour des comptes sur « la gestion du
système éducatif ».
Je suis d’autant plus sensible aux conclusions présentées que bon
nombre des observations faites dans ce document confortent ma propre
appréciation de la situation actuelle et de l’état d’inachèvement de la
décentralisation dans l’éducation.
Je remarque également que certaines des principales demandes du
Conseil régional d’Aquitaine, formulées auprès des ministres concernés dés
le mois d’août 2002, semblent devoir être prises en compte dans les projets
actuels du gouvernement et notamment :
- le pilotage de la carte des formations professionnelles jusqu’à
BAC+3,
- le pilotage de l’orientation et de l’information sur les métiers,
- la création d’une instance nationale de consultation des régions.
Dans ces deux domaines, le Conseil régional a réaffirmé sa volonté de
jouer un rôle plus important, dans le droit fil des objectifs définis par le
PRDF de juin 2001. J’ai ainsi réuni il y a quelques semaines le recteur
d’académie et le DRAF pour fixer avec eux les mesures de carte des
formations pour 2003, avant de lancer les travaux pour 2004-2006 dans le
cadre d’un dispositif innovant opérationnel pour la première fois dans la
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ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
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perspective de la rentrée 2003. De même, j’ai organisé un important
Colloque sur l’orientation et la professionnalisation durable les 6 et 7 février
dernier au Conseil régional, préalablement à l’élaboration d’un plan
régional pour l’information et l’orientation.
Il reste que d’autres améliorations devront être apportées à l’actuel
partage des enseignements général et professionnel. L’état actuel des textes
ne favorise pas le dialogue entre collectivités de niveau différent, non plus
qu’avec les autorités académiques pour tout ce qui relève de la pédagogie et
a des incidences directes sur les structures d’enseignement, les équipements
ou les locaux. Des clarifications sont souhaitables pour favoriser le bon
fonctionnement du système éducatif et sa compréhension par ses principaux
acteurs.
Le rapport de la Cour pointe également l’absence de concertation
entre l’Etat et les collectivités sur la politique éducative ; les exemples
retenus - TPE notamment - vont là aussi dans le sens de ma proposition de
mettre en place une instance nationale de dialogue entre l’Etat et les
Régions, afin que celles-ci, informées suffisamment tôt des intentions et
projets ministériels, puissent faire valoir leurs points de vue, leurs
contraintes, et se mettre en situation de rendre ces mesures applicables.
S’agissant maintenant du « manque de vision stratégique » signalé
par rapport à l’ensemble de l’appareil de formation, il me semble utile de
préciser que les propositions du PRDF n’étaient formulées qu’à titre
d’exemple et de façon non exhaustive. Ce document n’avait pas pour objectif
de fixer jusqu’en 2006 l’ensemble des mesures à prendre, mais plutôt de
donner des orientations générales garantissant, année après année, un
cadrage de l’action de toutes les parties prenantes.
Cette approche novatrice permet d’envisager une véritable adaptation
de l’offre de formation qui se traduit par plusieurs dizaines de mesures
(fermetures, ajustement, ouverture) pour la rentrée 2003.
Je note enfin avec satisfaction que la Cour a relevé les efforts faits en
Aquitaine pour articuler les investissements avec une politique éducative.
C’est vrai par rapport à l’évolution de l’offre de formation, mais aussi pour
conforter la priorité donnée à l’enseignement professionnel et technologique,
ou encore la valorisation des internats.
Je souhaite porter un élément de réponse à votre connaissance en
vous redisant le profit que je retire du travail de la Cour, pour les
enseignements qu’il nous apporte d’une part, et pour la réflexion qu’il nous
amène à avoir sur notre action en matière d’éducation d’autre part.
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OUR DES COMPTES
REPONSE DU PRESIDENT DU CONSEIL REGIONAL
DE MIDI-PYRENEES
Vous avez attiré mon attention sur le rapport public particulier sur "la
gestion du système éducatif" par les collectivités territoriales et sur des
éléments concernant la région Midi-Pyrénées.
Comme vous l'indiquez, l'état du patrimoine "lycées" qui a été mis
sous la responsabilité des régions par les lois de 1983 et 1986 a nécessité des
programmes de travaux importants, souvent dictés par l'urgence, et qui se
sont enchaînés année après année. Comme vous le soulignez également, les
conditions dans lesquelles le transfert de compétence a été réalisé expliquent
en grande partie le comportement des nouveaux responsables de ce
patrimoine: l'absence d'état des lieux, l'imprécision des procès verbaux de
transfert, les carences des procédures antérieures d'entretien… ont
lourdement pesé sur le travail des collectivités.
En Midi-Pyrénées les programmes de travaux se sont traduits, au
total sur la période 1986-1998, par 0,81 Md€ d'investissements, représentant
une moyenne annuelle de l'ordre de 60,98 M€, qui ont permis de traiter les
situations les plus cruciales, tant quantitatives que qualitatives.
A titre d'information, pour la même période, les dotations de l'Etat à
la région Midi-Pyrénées se sont élevées, dans ce domaine, à environ
0,20 Md€, soit une moyenne annuelle de 15,24 M€.
Malgré les efforts antérieurement consentis, force était de constater
en 1998 que les besoins restaient très importants et qu'il convenait :
- de consentir rapidement un effort financier supplémentaire, ce qui
fut fait dès 1999 avec 15,24 M€ de plus pour remédier rapidement
aux questions de sécurité, répondre à des situations d'inégalité sur
le plan immobilier et pour accélérer la restructuration des internats
et des services de restauration.
- d'analyser, dans une perspective pluriannuelle, les niveaux
budgétaires à prévoir sur la période 2000-2004 ; il était en effet
indispensable de connaître ces niveaux pour pouvoir engager des
opérations dans leur globalité (tranches fermes et tranches
conditionnelles) avec un calendrier prévisionnel.
Dans
le
cadre
de
la
préparation
de
cette
programmation
pluriannuelle,
y
tous les établissements ont été sollicités pour formuler leurs
demandes ; celles-ci ont déjà été examinées et ont fait l'objet de précisions
lors des réunions avec tous les proviseurs.
y
plusieurs études menées à l'initiative de la région sont venues
compléter les données du rectorat, pour analyser l'évolution nécessaire des
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ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
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capacités d'accueil des lycées et, plus particulièrement, ceux de la première
périphérie de l'agglomération toulousaine.
y
des diagnostics permettant de faire le point sur les travaux de
réhabilitation restant à conduire ont été réalisés dans les 95 établissements
ou cela était nécessaire.
y
un examen a été conduit sur les évolutions des structures de
formations, tant avec le rectorat pour les EPLE de l'éducation nationale
qu'avec la direction régionale de l'agriculture et de la Forêt pour les EPLE
agricoles, les CFAA et les CFPPA.
¡
Les principes généraux retenus étaient les suivants :
y
faire de la sécurité la première priorité, soit au travers des travaux
ponctuels, soit par le jeu de la mise aux normes complète des locaux dans le
cadre de leur restructuration.
y
construire des lycées neufs d'une part pour remplacer les
établissements vétustes, d'autre part pour faire face au développement de
l'agglomération toulousaine.
y
poursuivre l'effort de restructuration et d'adaptation qualitative et
pédagogique, en engageant :
- la fin de la restructuration des services de restauration en 2001 et
des internats en 2002,
- la totalité des adaptations nécessaires d'externats et des ateliers ;
il ne restera, au-delà de 2005, en matière d'externats et d'ateliers,
que des soldes d'opérations dans des cas particuliers de phasages
nécessairement longs pour ne pas contrarier le fonctionnement des
lycées concernés.
- la suppression systématique des préfabriqués vétustes utilisés par
les lycéens.
y
prendre en compte la création ou la modernisation des lieux de vie
lycéenne là où le besoin s'en fait sentir,
y
assurer en continu la réhabilitation d'éléments ou de fonctions
nécessaires
au
fonctionnement
des
établissements
(transformateurs,
chaufferies, façades, etc…).
y
proposer une politique systématique de câblage informatique des
établissements.
¡
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OUR DES COMPTES
La préparation de ces programmes pluriannuels représente un travail
considérable. Il convient de rappeler que les 144 établissements de la Région
Midi-Pyrénées représentent :
- 2 200 000 m² de planchers,
- 85 000 élèves, dont 16 000 internes et 55 000 demi-pensionnaires,
- des
surfaces
importantes
d'ateliers
dans
les
établissements
technologiques
et
professionnels,
locaux
qui
exigent
des
spécifications d'une grande technicité et d'un coût élevé.
C'est donc à l'assemblée plénière du 21 décembre 2000 que la
première programmation pluriannuelle a été proposée aux élus, elle portait
sur la période 2001-2005, et présentait un programme à hauteur de
0,47 Md€ (voir document joint en annexe). La programmation 2001-2005 a
été adoptée à l'unanimité des votants. Depuis cette date, chaque assemblée
plénière de fin d'année permet d'actualiser cette programmation glissante sur
4 ans.
Pour tenir les objectifs précédemment définis, l'effort budgétaire de la
Région a du être accru en 2000 (75,40 M€), 2001 (94,52 M€), 2002
(115,2 M€) et 2003 (122 M€). Parallèlement, la catastrophe d'AZF du
21 septembre 2001, qui a détruit 2 établissements et endommagé 10 autres, a
exigé des mesures nouvelles de 38 M€.
¡
L'expérience de ces quelques années de programmation pluriannuelle
incite à quelques réflexions dont certaines rejoignent celles proposées dans
le rapport public particulier.
1 – L'avantage majeur de cette procédure est de donner de la lisibilité
à tous les acteurs. En matière de gestion du patrimoine immobilier, l'année
est une période trop courte pour recouvrir un ensemble cohérent
d'opérations. Pour les élus d'abord, la programmation pluriannuelle permet
de décider, dans le cadre de chaque Budget Primitif, un ensemble d'opération
situé dans une perspective plus longue. Cette visibilité est utile au niveau de
chaque établissement, et au niveau des engagements budgétaires globaux.
Pour les établissements, les personnels, cette programmation permet
d'organiser les enseignements et la vie des lycéens en tenant compte de
l'évolution des locaux mis à disposition et des phases de travaux.
2 – Une telle programmation doit rester souple pour pouvoir intégrer
les imprévus et les inflexions de politiques. Pour cette raison, l'enveloppe
financière présentée chaque année représente 100 % des travaux de la
première année, 80 % de la deuxième année et 60 % des deux années
suivantes. La programmation doit permettre de prévoir, mais ne doit pas lier
totalement la collectivité. De la même façon la description des opérations
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ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
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doit être précise pour les travaux les plus proches, mais laisser de la
souplesse pour les opérations les plus éloignées dans le temps.
3 – Pour le travail technique des services, cette perspective a
plusieurs conséquences :
- on doit disposer très en amont d'un stock de diagnostics et d'études
pour alimenter le programme pluriannuel. Cet effort d'anticipation
suppose une organisation de la surveillance du patrimoine que la
Région Midi-Pyrénées met en place progressivement (base de
données, diagnostics réguliers….)
- le phasage des opérations peut être prévu plus tôt, ce qui peut avoir
des conséquences sur la dimension et l'enchaînement des marchés,
ainsi que sur la gestion des procédures (appels d'offres…).
Au total, une programmation pluriannuelle maîtrisée me semble
permettre une action plus lisible et plus efficace de la collectivité régionale.
REPONSE DU PRESIDENT DU CONSEIL REGIONAL DE PICARDIE
La région Picardie a d’une manière volontariste, mis en place dès
l’année 2000, un fonds social régional destiné à venir en aide aux familles
dans la scolarisation de leurs enfants (manuels scolaires, équipements
professionnels, frais de transport, d’hébergement et de restauration,
dépenses péri éducatives…).
Ce dispositif sera complété dès la rentrée scolaire 2003-2004 par la
création de deux nouveaux dispositifs. L’un concerne une aide à l’acquisition
des manuels scolaires par l’attribution d’une carte à puce pour tous les
élèves entrants, le second permet aux élèves entrant dans un cycle
professionnel
ou
technologique,
d’acquérir
les
petits
équipements
nécessaires à leur scolarité (outils de travail et équipements de protection
individuels).
Les crédits consacrés à cette politique sont de l’ordre de 6,7 M€ et
sont susceptibles de connaître un renforcement dans les années à venir.
REPONSE DU PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL DU CHER
Je tiens à vous apporter une précision concernant l’attribution des
dotations de fonctionnement aux collèges publics.
Les crédits octroyés sont certes répartis selon une logique purement
mathématique, mais cette méthode, par son objectivité, permet une
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OUR DES COMPTES
transparence totale vis-à-vis des établissements, qui sont en mesure de
contrôler la part qui leur revient.
Par souci d’équité, un suvi régulier de la situation financière des
collèges a été instauré sous la forme d’un groupe de travail spécialement
constitué pour contrôler les effets des mesures adoptées et rechercher les
améliorations
possibles
au
mode
de
répartition
des
crédits
de
fonctionnement.
Et bien que les critères d’attribution puissent paraître complexes, ils
n’en sont pas moins efficaces, car ils ont permis de diminuer les écarts entre
les collèges les mieux et les moins bien dotés.
Les fourchettes enregistrées au niveau des moyennes de dotations par
effectifs se sont ainsi réduites de 36,55 % sur la période 2000/2003.
Et afin de prendre en considération les besoins ponctuels de certains
établissements scolaires - que la logique mathématique adoptée ne permettait
pas d’appréhender de façon satisfaisante - le Conseil général est ainsi amené
à attribuer quelques dotations spécifiques, à caractère exceptionnel.
REPONSE DU PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL DES LANDES
L'opération "Un collégien, un ordinateur portable" menée par le
département des Landes va au-delà de l'attribution d'un ordinateur à chaque
élève.
Conduite en concertation avec l'éducation nationale, cette action
concerne les trois champs d'intervention des collectivités locales identifiés
par la Cour :
- Politique éducative et réflexion stratégique, puisque ce dispositif
participe à la rénovation des pratiques pédagogiques et à
l'établissement de nouvelles relations entre professeurs et entre les
différents acteurs de l'éducation (enseignants, parents, élèves,
encadrement des établissements, administrations et inspections de
l'éducation
nationale,
Conseil
général,
universités,
éditeurs
scolaires…) et vise aussi au développement de compétences
particulièrement nécessaires dans un département comme celui des
Landes.
- Investissement et fonctionnement des collèges, indubitablement,
puisque, outre les ordinateurs portables, les établissements ont
bénéficié de dotations très importantes en matériels collectifs
(vidéoprojecteurs, tableaux interactifs, imprimantes…) et en crédits
d'acquisition de logiciels, ainsi que d'une liaison Internet à haut
débit et d'un câblage intégral, qui relie le serveur du collège à
chaque place d'élève et a bénéficié d'un prêt à taux bonifié de la
Caisse des dépôts et consignations d'un montant de 6,2 M€.
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ÉPONSES DES ADMINISTRATIONS CONCERNÉES
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- Champ péri-éducatif, enfin, puisque, pour lutter contre le risque de
fracture numérique, le Conseil général a fait entrer dans chaque
foyer, ayant un élève scolarisé en troisième, générale ou non
(SEGPA
110
, CIPPA
111
, UPI
112
…), un ordinateur.
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Section d'enseignement général et professionnel adapté
111
classe d'insertion préprofessionnelle adaptée
112
unité pédagogique intégrée
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