COUR DES COMPTES
__________
LA VIE AVEC UN HANDICAP
_______
RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
SUIVI DES RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
ET ORGANISMES INTÉRESSÉS
JUIN 2003
3
Sommaire
Pages
Délibéré
..........................................................................................................
7
Introduction
...................................................................................................
9
PREMIERE PARTIE : ETAT DES LIEUX
...............................................
15
Chapitre I : Les handicaps et les personnes en situation de handicap
......
17
I -
Les concours variés de la notion de handicap
........................................
18
II -
Les difficultés institutionnelles des dénombrements statistiques sur le
handicap
.................................................................................................
25
Chapitre II : Les dépenses publiques en faveur des personnes
handicapées
....................................................................................................
37
I -
Les dépenses de l’Etat liées au handicap
...............................................
39
II -
Le coût budgétaire des mesures fiscales favorables aux contribuables
handicapés
.............................................................................................
43
III -
Les dépenses des collectivités territoriales
.............................................
45
IV -
Les dépenses des organismes de protection sociale
...............................
46
V -
Les dépenses d’intervention de l’AGEFIPH
..........................................
49
Chapitre III : Les structures et les acteurs
..................................................
53
I -
La pluralité des administrations de l’Etat concernées
............................
54
II -
La répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités
territoriales
.............................................................................................
58
III -
Le rôle du secteur associatif
...................................................................
62
IV - Les instances de concertation
.................................................................
66
DEUXIÈME PARTIE : LA SITUATION DE HANDICAP AUX
DIFFÉRENTS ÂGES DE LA VIE
...............................................................
69
Chapitre IV : Le jeune enfant handicapé
....................................................
71
I -
La naissance de l’enfant handicapé
........................................................
72
II -
Les centres d’action médico-sociale précoce
.........................................
78
Chapitre V : L’orientation
...........................................................................
81
I -
Les commissions départementales d’éducation spéciale (CDES)
..........
82
II -
Les commissions techniques d’orientation et de reclassement
professionnel (COTOREP)
....................................................................
88
III -
Le coût du dispositif d’orientation
.........................................................
90
IV -
Le problème spécifique des troubles du caractère et du comportement.
91
4
C
OUR DES COMPTES
Pages
Chapitre VI : La scolarisation des enfants et adolescents handicapés
......
95
I -
La scolarisation dans les établissements ordinaires
................................
97
II -
La scolarisation dans les établissements et services médico-sociaux
.....
103
III -
Le coût de la scolarisation des enfants handicapés
................................
107
IV -
La taxe d’apprentissage dans le secteur du handicap
.............................
108
Chapitre VII : L’insertion dans le monde du travail
………………………
113
I -
L’activité professionnelle des personnes handicaptées………………….
114
II -
La sortie du travail protégé……………………………………………...
122
III -
Les interventions de l’AGEFIPH en 2001………………………………
127
IV -
Les concours du fonds social européen
..................................................
128
Chapitre VIII : Le vieillissement des personnes handicapées
....................
133
I -
L’insuffisance des données statistiques
.................................................
134
II -
Les modalités d’hébergement
................................................................
136
III -
Les ruptures dans la prise en charge de la personne handicapée
vieillissante
............................................................................................
142
TROISIÈME PARTIE : Un pilotage à améliorer
.......................................
145
Chapitre IX : Les limites de la programmation
..........................................
147
I -
Les plans nationaux en faveur des personnes handicapées
....................
148
II -
La programmation au niveau déconcentré
.............................................
155
III -
L’expérimentation des sites pour la vie autonome
.................................
157
Chapitre X : Un dispositif juridique à compléter
.......................................
163
I -
L’article 22 de la loi du du 13 janvier 1989, dit « amendement Creton »
164
II -
La réglementation relative à certains handicaps lourds
..........................
165
III -
La difficile définition du handicap rare
..................................................
167
Chapitre XI : L’actualisation nécessaire du dispositif relatif aux
personnes majeures protégées
......................................................................
169
I -
Le dispositif de protection
.....................................................................
171
II -
La mise en œuvre des mesures de protection
.........................................
175
III -
Les projets de réforme
...........................................................................
180
Chapitre XII : L’insuffisance d’encadrement de la gestion des
établissements
................................................................................................
185
I -
La fonction d’inspection et de contrôle incombant aux services de
l’Etat
......................................................................................................
186
II -
Les dysfonctionnements et anomalies constatés lors des inspections
ou contrôles
............................................................................................
190
III -
Les contrôles de la Cour sur la gestion des établissements
....................
194
5
Pages
Chapitre XIII : L’absence du handicap dans les priorités de recherche
..
201
I -
Un dispositif complexe et non coordonné
..............................................
202
II -
Le financement des recherches sur le handicap
.....................................
205
III
L’apport réduit des études à la politique du handicap
............................
208
Conclusion
.....................................................................................................
213
Annexe I
: Rapports récents sur les problèmes posés par la vie avec un
handicap…………………………………………………………
219
Annexe II
:
Comparaisons européennes……………………………………
223
Annexe III
: Les ressources légales en faveur des personnes handicapées…..
225
Annexe IV
: Dépenses de l’Etat liées au handicap en 2001…………………..
233
Annexe V
:
Observations de la Cour des comptes sur les comptes d’emploi
pour 1998 à 2000 des ressources collectées auprès du public par
l’association « Comité Perce-Neige »
239
Glossaire
.........................................................................................................
249
Réponses des administrations et organismes intéressés
.............................
255
7
DÉLIBÉRÉ
_____
La Cour des comptes publie, sous la forme d’un fascicule
séparé, un rapport concernant LA VIE AVEC UN HANDICAP.
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires
du code des juridictions financières, la Cour des comptes, délibérant
en chambre du conseil, a adopté le présent rapport public.
Ce texte a été arrêté au vu du projet qui avait été communiqué
au préalable, en totalité ou par extraits, aux administrations et
organismes concernés, et après qu’il a été tenu compte, quand il y
avait lieu, des réponses fournies par celles-ci. En application des
dispositions précitées, ces réponses sont publiées ; elles engagent la
seule responsabilité de leurs auteurs.
Etaient présents : M. Logerot, premier président, MM. Marmot,
Menasseyre, Collinet, Delafosse, Gastinel, Fragonard, Cieutat, présidents
de chambre, MM. Brunet, Berger, présidents de chambre maintenus en
activité, MM. Chartier, Capdeboscq, Join-Lambert, Murret-Labarthe,
Sallois, Giquel, Bénard, Billaud, Lagrave, Recoules, de Mourgues,
Paugam, Babusiaux, Richard, Devaux, Rossignol, Arnaud, Bayle, Mme
Boutin,
MM.
Chabrol,
X-H. Martin,
Monier,
Mme Cornette,
MM. Thérond, Mme Froment-Meurice, MM. Cazanave, Mme Bellon,
MM. Gasse, Moreau, Frèches, Ritz, Duchadeuil, Moulin, Raynal, Thélot,
Steyer, Lesouhaitier, Lefas, Gauron, Lafaure, Brochier, Braunstein,
Auger, Delin, Vial, Phéline, Coudreau, J. Gautier, conseillers maîtres,
MM. Lorit, David, Lazar, d’Albis, Audouin, Pascal, conseillers maîtres
en service extraordinaire, Mme Bazy-Malaurie, conseiller maître,
rapporteur général.
Etait présente et a participé aux débats, Mme Gisserot, procureur
général de la République, assistée de M. Frentz, avocat général.
M. Bruno Ory-Lavollée, secrétaire général, assurait le secrétariat
de la chambre du conseil, assisté de Mme Catherine Démier, secrétaire
générale adjointe.
Fait à la Cour, le 17 juin 2003.
9
Introduction
L’article 1
er
de la loi d’orientation en faveur des personnes
handicapées n° 75-534 du 30 juin 1975 fixait quatre principes :
- la définition d’une « obligation nationale » couvrant tous les âges
de la vie de la personne et tous les types de handicap ;
- l’exécution conjointe de cette obligation par plusieurs acteurs
privés (familles, associations) et publics (Etat, collectivités
locales, organismes de sécurité sociale) ;
- le milieu ordinaire comme cadre privilégié d’exécution de cette
obligation ;
- le rôle de coordonnateur et d’animateur de l’Etat.
A la lumière de ces principes, il a semblé à la Cour qu’en 2003,
année européenne des personnes handicapées, dans la perspective d’une
actualisation de ladite loi de 1975, un rapport public particulier pouvait
utilement contribuer à faire le point sur la mise en œuvre de cette
« obligation nationale », spécialement vis-à-vis des personnes souffrant
d’un handicap mental et aux deux extrémités de la vie que constituent la
jeunesse et la vieillesse.
I
–
Précédentes communications de la Cour et
travaux récents
Depuis la promulgation des deux lois du 30 juin 1975
1
, la Cour
s’est exprimée à cinq reprises sur la politique en faveur des personnes
handicapées, dans ses rapports publics annuels de 1982, 1987 et 1998 et
dans deux rapports publics particuliers de novembre 1993 sur « les
1
) Outre la loi n° 75-534 d’orientation, il convient, en effet, de noter l’importance de
la loi n° 75-535 relative aux institutions sociales et médico-sociales.
10
C
OUR DES COMPTES
politiques sociales en faveur des personnes handicapées adultes » et
décembre 1995 sur « la décentralisation en matière d’aide sociale ».
Le rapport de novembre 1993 traitait de l’allocation aux adultes
handicapés (AAH), des aides destinées à favoriser l’intégration sociale
des personnes handicapées, du travail protégé et de diverses mesures
concernant le milieu ordinaire de travail. La Cour avait alors concentré
son examen sur les personnes handicapées en âge de travailler.
Au cours de la dernière période, plusieurs rapports et avis ont
évoqué divers aspects des problèmes posés par la vie avec un handicap
2
.
Un rapport du Sénat
3
, traitant de l’ensemble de la politique du
handicap, estime notamment nécessaire de faire franchir une nouvelle
étape aux politiques publiques relatives au handicap, ce qui requiert un
effort financier supplémentaire et un nouvel instrument législatif. Il
conclut à la nécessité de réformer la loi d’orientation du 30 juin 1975, en
confirmant l’obligation nationale qu’elle affirme
4
.
L’obligation nationale
La loi d’orientation en faveur des personnes handicapées n° 75-534
du 30 juin 1975 a défini une obligation nationale :
« La prévention et le dépistage des handicaps, les soins,
l’éducation, la formation et l’orientation professionnelle, l’emploi, la
garantie d’un minimum de ressources, l’intégration sociale et l’accès aux
sports et aux loisirs du mineur et de l’adulte handicapés physiques,
sensoriels ou mentaux constituent une obligation nationale. » (Art. 1
er
, 1
er
alinéa, de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975)
Cette définition a été complétée en 2002 par l’affirmation d’un
droit à la compensation des conséquences du handicap :
« La prévention et le dépistage du handicap et l’accès du mineur ou
de l’adulte handicapé physique, sensoriel ou mental aux droits
fondamentaux reconnus à tous les citoyens, notamment aux soins, à
2
) Voir annexe 1. Des éléments sur les comparaisons européennes sont présentés en
annexe 2.
3
) Rapport n° 369 du Sénat :
La politique de compensation du handicap
:
le temps de
la solidarité
établi par M. Paul Blanc, membre de la commission des affaires sociales,
juillet 2002.
4
) Le rapport sénatorial fait justement remarquer à ce sujet que, bien qu’usuellement
encore considérée comme un texte de référence, ladite loi de 1975 a été purement et
simplement abrogée par l’ordonnance n° 2000-1249 du 21 décembre 2000 et que,
pour l’essentiel, ses dispositions ont été dispersées dans sept codes différents.
I
NTRODUCTION
11
l’éducation, à la formation et à l’orientation professionnelle, à l’emploi, à
la garantie d’un minimum de ressources adapté, à l’intégration sociale, à la
liberté de déplacement et de circulation, à une protection juridique, aux
sports, aux loisirs, au tourisme et à la nature constituent une obligation
nationale.
« La personne handicapée a droit à la compensation des
conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa
déficience, son âge ou son mode de vie, et à la garantie d’un minimum de
ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la
vie courante. » (Art. L. 114-1 du code de l’action sociale et des familles,
issu de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002)
II
–
L’enquête de la Cour
Pour cette nouvelle enquête, la Cour a pris en compte plusieurs
tendances discernables dans l’évolution de la population des personnes en
situation de handicap, particulièrement de handicap mental : la prévalence
du handicap à la naissance reste stable, car les progrès médicaux ont
permis d’améliorer le pronostic vital de bien des enfants handicapés ; des
classes d’âge plus nombreuses passent à l’âge adulte ; comme l’espérance
de vie a augmenté, une partie d’une génération de personnes handicapées
vieillissantes va survivre à ses parents.
La Cour a donc examiné comment sont définies les orientations
nationales de la politique du handicap, à tous les âges de la vie des
personnes handicapées, et comment elles sont mises en œuvre,
notamment à l’échelon déconcentré.
L’enquête a été conduite à la fois auprès des administrations
centrales de l’Etat responsables des politiques nationales, aux ministères
de l’emploi et de la solidarité, de l’éducation nationale et de la recherche,
et dans neuf départements
5
auprès des responsables de l’action
déconcentrée de l’Etat en faveur des personnes handicapées (préfets,
directeurs départementaux des affaires sanitaires et sociales et du travail,
de l’emploi et de la formation professionnelle, recteurs et inspecteurs
d’académie). Des questionnaires ont, en outre, été adressés aux services
déconcentrés
concernés
des
départements
métropolitains
sur
la
scolarisation des jeunes handicapés, le dispositif de contrôle et
5
) Aisne, Côte-d’or, Finistère, Ille-et-Vilaine, Pyrénées-Atlantiques, Paris, Seine-et-
Marne, Somme et Var.
12
C
OUR DES COMPTES
d’évaluation des établissements médico-sociaux, la sortie du travail
protégé et les conséquences du vieillissement des personnes handicapées.
En même temps, plusieurs organismes concernés par le handicap
ont fait l’objet d’un contrôle de la Cour : un établissement public national,
qui gère plusieurs établissements médico-sociaux pour personnes
handicapées ; des associations bénéficiant de subventions, des organismes
habilités à percevoir des prélèvements libératoires d’une obligation légale
de faire
6
, étant rappelé que l’Association nationale de gestion du fonds
pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) a fait l’objet
d’une observation au rapport public annuel 2002 ; des organismes qui
bénéficient du concours de la Communauté européenne ; enfin des
organismes faisant appel à la générosité du public.
L’enquête a également comporté la vérification des dépenses liées
à la tutelle et à la curatelle d’Etat, effectuée sur pièces et poursuivie sur
place dans les services déconcentrés ainsi qu’auprès de quelques
tribunaux et d’associations tutélaires.
La procédure retenue a comporté un examen contradictoire des
constatations provisoires de la Cour et l’organisation d’auditions dans les
conditions prévues par l’article L. 135-4 du code des juridictions
financières.
L’examen de l’état des lieux (1
ère
partie) fait ressortir la difficulté
de préciser les concepts, de définir et de dénombrer les publics - environ
4 millions de personnes en 1999 selon l’INSEE - (chapitre 1). La
récapitulation des dépenses financées sur prélèvements obligatoires
exposées en faveur des personnes en situation de handicap - plus de
26 Md€ en 2001 - ne peut être effectuée qu’avec une marge d’imprécision
pour certains volets du « budget social du handicap » (chapitre 2). En
effet, de très nombreux services et organismes, publics et privés, ont
vocation à s’occuper du handicap (chapitre 3).
La deuxième partie du rapport traite de la situation de handicap
aux différents âges de la vie : enfance et adolescence (accueil, orientation
et scolarisation, chapitres 4 à 6), insertion dans le monde du travail à l’âge
adulte (chapitre 7), personnes handicapées vieillissantes (chapitre 8). Les
dispositifs, les services et les équipements s’adaptent mal et lentement à
l’évolution des besoins des personnes handicapées – enfants à scolariser
comme demandeurs d’emploi ou personnes vieillissantes. Des logiques
distinctes se superposent, quand elles ne se contrarient pas, alors qu’il
6
) Article L. 111-7 du code des juridictions financières modifié par la loi n° 2000-321
du 12 avril 2000.
I
NTRODUCTION
13
paraîtrait nécessaire d’organiser en réseau des accompagnements
personnalisés.
Ces constatations font ressortir la nécessité d’améliorer le pilotage
(3
ème
partie), eu égard aux limites de la programmation et du dispositif
juridique à compléter (chapitres 9 à 10), à la nécessité d’actualiser le
dispositif relatif aux personnes majeures protégées (chapitre 11), à
l’insuffisance de l’encadrement de la gestion des établissements qui
accueillent des personnes handicapées (chapitre 12) et à l’absence du
handicap dans les priorités de la recherche (chapitre 13).
Des recommandations figurent à la fin des chapitres. Reprises dans
la conclusion du rapport, elles s’inscrivent dans la logique de la « vie
avec un handicap » qui dépasse le traitement habituel du problème par
tranche d’âge, nature de handicap et procédure de financement.
La Cour a bien entendu conscience que son étude, qui n’est pas
exhaustive, n’aborde pas certains aspects importants de la « vie avec un
handicap »,
en particulier la question du logement et de l’accessibilité
des équipements publics pour des personnes dans une telle situation, ainsi
que celle du remboursement des soins et des appareillages médicaux. Son
étude l’a conduite aussi à mentionner des considérations médicales, des
concepts et classifications sociologiques ou statistiques dans lesquels les
actions publiques en faveur de personnes handicapées s’inscrivent ; elle
souligne qu’elle ne se prononce que sur leurs incidences financières et sur
leur traduction dans le dispositif juridique en vigueur.
15
Première partie
Etat des lieux
17
Chapitre I
Les handicaps et les personnes en
situation de handicap
18
C
OUR DES COMPTES
I
–
Les contours variés de la notion de handicap
Chiffrer l’effort financier public à l’égard des personnes
handicapées, ou estimer leur nombre, se heurte d’emblée à une forte
difficulté, celle de la définition des notions de handicap et de personne
handicapée.
Le caractère plus ou moins extensif de ces définitions est illustré
dans le tableau ci-dessous, qui indique le nombre de personnes ayant
déclaré une situation de handicap lors de l’enquête Handicaps,
incapacités,
dépendance
(HID).
Selon
le
périmètre
utilisé,
les
dénombrements des personnes handicapées varient largement.
Dénombrements issus de diverses approches du handicap
Personnes déclarant :
Nombre
Prévalence (%)
Etre confinées au lit
280 000
0,5
Etre aidées pour sortir
2 600 000
4,4
Recevoir une allocation
2 620 000
4,5
Suivre un enseignement adapté
2 950 000
5,0
Etre titulaires d’un taux d’incapacité
3 970 000
6,8
Recourir à une aide humaine
6 010 000
10,3
Rencontrer un problème d’emploi
6 110 000
13,9
Recourir à des aides techniques
6 810 000
11,6
Etre affectées d’une déficience
23 650 000
40,4
Source : Insee - Enquête HID (1998-1999)
A
–
La classification internationale des handicaps
La notion de handicap fut précisée dans les années 1980 sous
l’impulsion de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui adopta en
1993 une classification internationale des handicaps (CIH-1). Cette
classification visait à procurer à la communauté internationale un
instrument commun de classification.
Elle distinguait trois plans selon lesquels les conséquences des
maladies devaient être observées :
L
ES HANDICAPS ET LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
19
- les
déficiences
: « toute perte de substance ou altération d’une
structure
ou
fonction
psychologique,
physiologique
ou
anatomique ». C’est l’aspect lésionnel des handicaps.
- les
incapacités
: « toute réduction partielle ou totale (résultant
d’une déficience) de la capacité d’accomplir une activité de façon
normale ou dans les limites considérées comme normales pour un
être humain ». C’est l’aspect fonctionnel des handicaps.
- es
désavantages
: « résultent pour un individu donné d’une
déficience
ou
d’une
incapacité
qui
interdit
ou
limite
l’accomplissement d’un rôle considéré comme normal compte
tenu de l’âge, du sexe ou des facteurs socio-culturels ». C’est
l’aspect social des handicaps, de nature différente des deux
précédentes.
Cette
approche
permit
de
formaliser
les
différents
types
d’intervention qui concernent une personne en situation de handicap.
Ainsi, les déficiences appellent des interventions qui portent sur la
personne, telles la rééducation fonctionnelle, tandis que les incapacités
rendent nécessaires des aides techniques, par exemple, et que les
désavantages sont compensés notamment par des mesures relevant des
politiques sociales, telles que l’aménagement de places réservées en
milieu professionnel ordinaire. Cette clarification conceptuelle reste
valide dans une large mesure.
La définition du handicap que proposait la CIH-1 a fait l’objet de
critiques, qui traduisent les évolutions de la collectivité à l’égard du
handicap. Derrière les enjeux sémantiques se profilent également les
choix de politiques publiques concernant les personnes handicapées :
intégration ou discrimination positive.
La CIH-1 proposerait une présentation négative des aptitudes des
personnes handicapées - notamment par la terminologie qu’elle utilise
telle qu’incapacités ou déficiences. Mais ses détracteurs critiquent surtout
la conception médicale des handicaps qu’elle retient, qui leur paraît trop
centrée sur la personne : le handicap résulte à la fois des caractéristiques
de la personne handicapée et de celles de son environnement, et du degré
de compensation qu’offre cet environnement.
C’est ainsi que l’OMS a adopté en mai 2001
7
une révision de la
CIH-1 intitulée « Classification internationale du fonctionnement, du
handicap et de la santé (CIF) ». La France a participé au travail
préparatoire, au travers du Centre technique national d’études et de
recherches sur les handicaps et les inadaptations (CTNERHI), qui a
7
) Classification adoptée par la 54
ème
assemblée mondiale de la santé, le 22 mai 2001.
20
C
OUR DES COMPTES
constitué le centre d’expertise français. Toutefois, les enjeux liés à ces
définitions débordent largement la sphère technique.
La CIF se présente comme une « classification des composantes de
la santé ». Pour la direction générale de la santé (DGS), « elle a introduit
la notion de handicap dans la considération de l’état de santé d’une
personne et, partant, a établi un lien entre l’état de santé des personnes et
leur environnement ». La CIF distingue quatre niveaux d’analyse des
handicaps : les fonctions organiques (proches des déficiences de la CIH-
1), les structures anatomiques (limitations fonctionnelles, proches des
incapacités), les activités et la participation, enfin les facteurs
environnementaux. Alors que les deux premiers niveaux renvoient aux
caractéristiques de la personne, les autres composantes visent à expliciter
les facteurs sociaux, économiques, et politiques qui font aussi du
handicap une construction sociale.
A la définition de la CIH-1 qui demeurait très médicale, même si
elle prenait en compte la dimension sociale du handicap, la CIF substitue
une définition plus sociologique. Cette nouvelle classification est
toutefois difficile à utiliser pour décrire la situation des personnes
handicapées, et elle est peu opérationnelle pour harmoniser au plan
international les données statistiques. Des groupes de travail se réunissent
à l’échelon européen et international pour élaborer des outils statistiques
prenant en compte les facteurs environnementaux
8
.
Il est vraisemblable toutefois que cette classification fondera dans
l’avenir l’élaboration des grilles statistiques à l’échelle internationale. La
France ne pourra donc se passer d’une nouvelle réflexion sur le concept
de handicap, les situations qu’il engendre et les moyens de le réduire
9
.
B
–
La définition du handicap en France
La loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du
30 juin 1975 n’énonçait pas, volontairement, de définition de la notion de
handicap ou de personne handicapée. Au regard de cette loi, la personne
handicapée est toute personne reconnue telle par les commissions
départementales créées par la loi. Cette approche empirique ménageait
souplesse et possibilités d’évolution mais créait le risque d’appréciations
hétérogènes.
8
) La CIF distingue cinq catégories de facteurs environnementaux : 1. Produits et
technologies ; 2. Environnement naturel et changements apportés par l’homme ;
3. Soutien et relations ; 4. Attitudes ; 5. Services, systèmes et politiques.
9
INSERM (1985), « Réduire les handicaps », La Documentation française.
L
ES HANDICAPS ET LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
21
Les concepts issus de la CIH-1, notamment la notion de déficience,
ont été utilisés en France pour concevoir des outils d’évaluation des
handicaps. C’est sur eux que s’appuie le guide-barème de 1993
10
, qui
oriente «
l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes
handicapées
»
pour
l’attribution
des
allocations
aux
personnes
handicapées par les commissions départementales de l’éducation spéciale
(CDES) et les COTOREP.
La diffusion des concepts de la CIH-1 est toutefois restée limitée
au champ social, en France. Elle a peu pénétré le champ sanitaire, alors
que le contenu de la CIH-1 concerne, par exemple, la prise en charge des
maladies
chroniques
invalidantes.
Jusqu’à
l’enquête
«
Handicaps,
incapacités, dépendance
» (HID), qui prend ces concepts en compte, la
France accusait sur ce point un retard notable sur des pays tels que les
Pays-Bas, la Grande-Bretagne ou l’Espagne.
Les personnes handicapées bénéficiant de prestations financières
Nombre (année)
Nombre de rentes d’accident de travail ou de maladie professionnelle
2 117 000 (1985)
Titulaires d’une pension d’invalidité
443 000 (1998)
Titulaires d’une pension militaire d’invalidité
456 000 (1999)
Bénéficiaires de l’allocation d'éducation spéciale (AES)
114 000 (2000)
Bénéficiaires de l’allocation aux personnes handicapées (AAH)
711 000 (2000)
Travailleurs handicapés bénéficiant de la garantie de ressources
117 000 (2001)
Bénéficiaires de l’allocation compensatrice pour tierce personne de plus
de 60 ans
41 100 (2000)
Bénéficiaires de la prestation spécifique dépendance (PSD)
11
130 000 (2000)
Source : DREES – Annuaire des statistiques sanitaires et sociales 2000
Le tableau montre l’importance quantitative des titulaires de rente
d’accident de travail et de maladie professionnelle, question qui a fait
l’objet d’un précédent rapport de la Cour
12
.
10
) Décret n° 93-1216 du 4 novembre 1993 relatif au guide-barème applicable pour
l'attribution de diverses prestations aux personnes handicapées et modifiant le code de
la famille et de l'aide sociale, ainsi que le code de la sécurité sociale.
11
) La PSD a été remplacée par l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à partir
de janvier 2002. Au 30 septembre 2002, l’APA bénéficiait à 469 000 personnes.
22
C
OUR DES COMPTES
Les ressources spécifiques des personnes handicapées
Les prestations légales accordées aux personnes handicapées, hors
le
cas
des accidentés du
travail et
des victimes
de
maladies
professionnelles, sont présentées en annexe 3.
Un enfant scolarisé en établissement spécialisé et demeurant
domicilié chez ses parents
Les parents peuvent bénéficier de l’allocation d’éducation spéciale
(AES) dont le montant varie en fonction du degré de dépendance de
l’enfant. À cette prestation peuvent s’ajouter des bourses d’appoint et
d’adaptation et le remboursement intégral des frais de transport du
domicile à l’établissement scolaire. Ces prestations ouvrent droit à certains
avantages fiscaux tels que la majoration d’une demi-part dans le calcul de
l’impôt sur le revenu ou l’exonération à 100 % des charges sociales
patronales sur le salaire versé pour une aide à domicile.
Un adulte employé en milieu protégé (CAT, atelier protégé)
Afin de faciliter leur insertion dans le monde du travail, diverses
prestations sont offertes aux personnes handicapées. Elles visent pour
l’essentiel à garantir la viabilité financière de leur emploi. Ainsi la garantie
de ressources des travailleurs handicapés (GRTH) est un complément de
rémunération versé par l’Etat destiné à assurer un revenu minimum garanti
de 1 014,50 € en atelier protégé et de 619,98 € en CAT. Les frais
supplémentaires
liés
au
handicap
pour
l’exercice
de
l’activité
professionnelle sont remboursés dans la limite d’un plafond de 744,04 € au
titre de l’allocation compensatrice pour frais professionnels (ACFP). Ces
prestations sont cumulables avec l’allocation aux adultes handicapés
(AAH)
13
et avec les avantages fiscaux offerts par la carte d’invalide civil.
La notion de dépendance, utilisée dans les domaines des handicaps
physiques et surtout de la gérontologie, croise le champ du handicap, car
l’arrivée aux âges élevés s’accompagne souvent de la survenue de
handicaps.
12
)
La gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles.
Rapport
public particulier, février 2002.
13
) Qui garantissait un revenu minimum de 577,92 € par mois au 1
er
janvier 2003.
L
ES HANDICAPS ET LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
23
La dépendance a été définie dans la loi du 24 janvier 1997 relative
à la prestation spécifique dépendance (PSD)
14
:
« La dépendance (…) est
l'état de la personne qui, nonobstant les soins qu'elle est susceptible de
recevoir, a besoin d'être aidée pour l'accomplissement des actes
essentiels de la vie ou requiert une surveillance régulière.
» Les
associations de personnes âgées lui préfèrent toutefois le terme de perte
d’autonomie, employé dans d’autres textes.
Selon l’enquête HID (voir ci-après), 530 000 personnes seraient
très dépendantes. La dépendance des personnes âgées survient le plus
fréquemment au-delà de 75 ans : au 31 mars 2002, 85 % des bénéficiaires
de l’allocation personnalisée d’autonomie étaient âgés de 75 ans ou
plus
15
.
C’est à 60 ans que la personne handicapée passe, quant à elle, du
régime administratif appliqué aux personnes handicapées au régime
appliqué aux personnes âgées dépendantes. Le seuil de 60 ans conduit les
établissements accueillant des personnes âgées dépendantes à devoir
héberger des personnes handicapées vieillissantes, dont les profils d’âge
et les besoins de prise en charge diffèrent de ceux des personnes âgées
(voir chapitre 8).
C
–
La notion de handicap mental
Le terme « handicap » est employé en France dans un sens
différent de celui que lui donnent les pays anglo-saxons. Il désigne en
français l’ensemble des trois niveaux – déficiences, incapacités,
désavantages – de la CIH-1, alors qu’en anglais il ne recouvre que le
troisième, le désavantage, qui est l’aspect social du handicap.
Ces difficultés terminologiques prennent un tour particulier dès
lors qu’on a affaire au domaine mental. Le rapprochement des termes
handicap
et
mental
dans le concept de
handicap mental
pose en effet
problème puisque le qualificatif et le substantif appartiennent à des
registres différents dans la conception anglo-saxonne. Aussi, le manuel de
l’OMS relatif à la CIH-1 proposait-il d’éviter son utilisation.
La CIH-1 et les textes réglementaires français qui l’ont prise en
compte utilisent plutôt le terme de « déficiences intellectuelles ». Les
14
) Loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant
une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre
aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique
dépendance.
15
) Enquête de la DREES.
24
C
OUR DES COMPTES
déficiences intellectuelles sont, dans le guide-barème de 1993, les
« retards mentaux avec ou sans difficultés du comportement ». Le terme
de « handicap mental » demeure toutefois ancré dans le langage courant.
La difficulté de fixer les frontières entre maladies mentales et
handicap mental contribue à la complexité de la notion. La plupart des
interlocuteurs rencontrés ont considéré que le handicap mental devait
inclure l’autisme, qui pose des problèmes particuliers et soulève la
difficile question des frontières entre maladies mentales - ou troubles du
psychisme - et handicaps.
La définition des périmètres soulève deux questions :
1. Doit-on parler de maladies mentales, ou bien de handicap
psychique ? Certaines associations souhaitent le rattachement des
maladies mentales au champ du handicap, et préfèrent l’emploi du terme
malades
ou
handicapés psychiques
à celui de
malades mentaux
. Pour de
nombreux psychiatres, en revanche, la prise en charge des troubles
psychiques relève du champ sanitaire, le caractère évolutif de ces troubles
excluant un rattachement au handicap.
2. Comment distinguer les maladies mentales (ou handicap
psychique, ou déficience du psychisme) et le handicap mental (ou
déficience intellectuelle) ? Les frontières sont jugées parfois floues par les
psychiatres, notamment pour certains troubles des enfants. Cette position
est aussi celle de la direction générale de l’action sociale (DGAS)
16
.
Il en résulte inéluctablement l’existence de zones de recouvrement
pour la prise en charge des personnes entre secteurs (sanitaire, dont
psychiatrique, social, voire judiciaire).
16
) La DGAS donne du handicap mental de l’enfant la définition suivante : « Il
convient par ailleurs de préciser la situation particulière de l’enfant, du fait qu’il est en
phase de développement : en effet, une déficience intellectuelle entraîne couramment
des difficultés notables dans la mise en place du fonctionnement psychique, de même
que les troubles psychiques peuvent entraver gravement les processus cognitifs
d’apprentissage, les deux ordres de difficultés se trouvant en constante interaction
avec l’environnement de l’enfant.
On peut donc proposer (…) la définition suivante : Un enfant présente un handicap
mental s’il souffre de troubles au long cours caractérisés par un processus qui peut se
décrire dans son histoire et dans ses relations avec son environnement sur les quatre
plans de l’expérience de la pathologie, de la déficience, de l’incapacité et du
désavantage social et si l’on observe des difficultés mentales sur au moins un des trois
plans du handicap. Cette définition concerne donc non seulement des enfants
déficients intellectuels mais également souffrant d’autisme, de séquelles de
traumatisme crânien (…). »
L
ES HANDICAPS ET LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
25
Au total, les difficultés liées au caractère évolutif et plus ou moins
extensif des définitions du handicap conduisent à renoncer à l’illusion de
dénombrements simples.
II
–
Les difficultés institutionnelles des
dénombrements statistiques sur le handicap
A
–
Un dispositif statistique éclaté, doté de moyens
faibles
La difficulté des dénombrements statistiques sur les personnes
handicapées tient à la définition des publics, mais aussi à la multiplicité
des administrations concernées.
A l’échelon national, trois directions ministérielles établissent la
majeure partie des statistiques émanant des institutions publiques : la
direction de la programmation et du développement (DPD)
17
pour le
secteur éducation,
la direction de la recherche, des études, de l'évaluation
et des statistiques (DREES)
18
pour le secteur socio-sanitaire et la
direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques
(DARES)
19
pour le secteur emploi. Seule la DREES comporte un bureau
spécifique, dont les activités incluent aussi les personnes âgées.
L'Institut national de la statistique et des études économiques
(Insee) a eu un rôle déterminant dans l’enquête
Handicaps, incapacités
,
dépendance
(voir ci-après). Les nombreux organismes attribuant ou
servant les allocations et prestations, dans le champ social notamment,
concourent également à la production de statistiques
20
. La collecte des
données auprès des CDES et des COTOREP, qui jouent un rôle pivot
dans le dispositif, devrait constituer le cœur de l’effort statistique local et
national.
17
) Qui relève du ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche.
18
) Qui relève du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, et du
ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
19
) Qui relève du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
20
) Commissions départementales (CDES et COTOREP), caisses d’allocations
familiales, caisses d’assurance maladie, service des pensions du ministère des
finances, services des départements.
26
C
OUR DES COMPTES
Pour des raisons historiques, chacun des dispositifs apprécie les
handicaps selon des critères qui lui sont propres. En conséquence, les
dénombrements fondés sur les données administratives peuvent recouvrir
des réalités très hétérogènes, variables au cours du temps ; ils peuvent
difficilement fonder des comparaisons internationales. Les CDES et les
COTOREP ont ainsi des règles d’évaluation qui reposent sur les
déficiences de la CIH-1, tandis que la grille d’évaluation de la
dépendance s’inscrit dans une logique d’incapacité et que c’est une
logique assurancielle qui prévaut pour l’attribution des pensions.
Au regard de logiques institutionnelles multiples, une cohérence
des règles d’évaluation devrait être recherchée, qu’il revient à l’Etat de
piloter.
Les rapprochements interministériels visant à harmoniser le
dispositif statistique et à combler ses manques demeurent limités. Deux
groupes de travail ont été toutefois mis en place en 2000 pour rapprocher,
l’un, les secteurs de l’éducation et de l’action sociale, l’autre, les sept
directions de ministère compétentes pour les COTOREP ; ils n’incluent ni
le ministère chargé du logement ni ceux des transports et de la justice.
La multiplicité des sources d’information et des intervenants
implique aussi l’organisation de la convergence des données statistiques
pour établir des synthèses utiles aux décideurs.
Dans le secteur social, la DREES a amorcé une centralisation des
données, qui ne porte pas toutefois sur toutes les sources potentielles. Les
données relatives aux bénéficiaires de rentes d’accidents de travail
émanant de la CNAMTS par exemple, publiées en 2000 par la DREES,
datent de 1985. Celles des régimes agricoles d’assurance maladie sont
absentes des publications de la DREES.
La DARES, quant à elle, constitue en principe le point de
convergence naturel des statistiques relatives à l’emploi des personnes
handicapées. Aucune convention ne la lie pourtant à l’AGEFIPH, avec
laquelle elle indique collaborer. Elle ne disposait non plus, lors de
l’enquête, d’aucune donnée relative à l’emploi de personnes handicapées
dans la fonction publique ; elle a précisé qu’elle a récemment pris contact
avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique
(DGAFP) pour établir avec elle une collaboration.
Il est difficile d’estimer l’ensemble des moyens consacrés aux
statistiques sur les handicaps, en raison de la multiplicité des acteurs et
parce que le partage entre ce qui a trait aux handicaps ou à d’autres
actions n’est pas toujours possible lorsque les structures ne sont pas
dédiées au handicap, ce qui est la règle hors du champ social, dans
l’éducation par exemple.
L
ES HANDICAPS ET LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
27
La DREES emploie au total 18,5 « équivalents temps plein » à des
opérations de statistiques, études et recherches sur les handicaps et la
dépendance, soit le dixième de ses moyens en personnel
21
. De 1999 à
2001, les crédits engagés hors salaires se sont élevés au total à 6,99 M€
pour les statistiques et à 0,6 M€ pour les études.
Les ressources en personnel que la DARES et la DPD consacrent
aux handicaps, respectivement 4,5
22
et 1,1 « équivalents temps plein » en
2002, sont faibles au regard des priorités annoncées en 1999 dans le
secteur de l’éducation, notamment au travers du plan Handiscol’ (voir
chapitre 6).
B
–
Des enquêtes nombreuses, parfois redondantes
Aux données administratives émanant des organismes attribuant ou
servant les différentes allocations s’ajoutent les informations issues
d’enquêtes auprès de structures, telles les établissements scolaires ou
médico-sociaux.
Enquêtes sur les handicaps au niveau national
(Education, action sociale, emploi)
Secteur
Nom de
l’enquête
Objet
Dernière
enquête
publiée
Périodicité
Education
Enquête 19
Commissions départementales
d’enseignement premier degré
2001
Annuelle
Enquête 12
Enseignement second degré
2001
Annuelle
Enquête 32
Enseignements spécialisés
2001
Annuelle
Enquête
enseignement
supérieur
Universités, IUFM,
23
écoles
d’ingénieurs
non
communi-
qué
Annuelle
Social
CDES
Commissions départementales
d’éducation spéciale :
orientation
1998
Annuelle
ES
Etablissements médico-sociaux
accueillant des personnes
handicapées
1995
Variable
21
) Il s’agit du bureau « politique de la vieillesse, du handicap et de la dépendance ».
Les questions du handicap sont aussi suivies par les bureaux chargés des
établissements et de l’état de santé de la population.
22
) Ces moyens sont aujourd’hui de 3 ETP.
23
) Instituts universitaires de formation des maîtres.
28
C
OUR DES COMPTES
COTOREP
Commissions départementales
adultes
2001
Annuelle
Aide sociale
Aide sociale départementale
2001
Anuelle
EHPA
Etablissements d’hébergement
pour personnes âgées
1996
Variable
Emploi
DOETH
24
Entreprises de plus de 20
salariés
2000
Annuelle
Tableau de
bord des CAT
Centres d’aide par le travail
1998
Annuelle
Les enquêtes des directions ministérielles sont multiples dans les
secteurs de l’éducation et de l’action sociale ; elles produisent de
nombreuses données, sur lesquelles les décideurs pourraient d’ores et déjà
s’appuyer pour améliorer les dispositifs.
Toutefois, les délais de renouvellement de certaines enquêtes sont
trop longs. Pour l’enquête ES, qui porte sur les établissements sociaux et
concerne en alternance les personnes en difficulté sociale et les personnes
handicapées, près de 6 ans se sont écoulés entre les deux dernières
enquêtes relatives à ces dernières. A l’inverse, le caractère annuel des
enquêtes de la direction de la programmation et du développement
n’apparaît pas justifié ; les directeurs d’établissement entravent d’ailleurs
fréquemment la collecte des données dans l’enseignement primaire en
arguant d’un surcroît de travail excessif.
Deux enquêtes sont en partie redondantes, sans justification claire :
l’enquête ES du ministère des affaires sociales, du travail et de la
solidarité et l’enquête 32 du ministère de l’éducation nationale portent
toutes deux sur les établissements pour les enfants et adolescents
handicapés
25
. Enfin, la plupart des enquêtes sont exhaustives, alors que
certaines pourraient vraisemblablement être effectuées par sondages.
Le secteur de l’emploi des personnes handicapées demeure en
revanche le parent pauvre en terme d’enquêtes systématiques.
La direction de la programmation et du développement informe les
services académiques des résultats des enquêtes au travers d’une revue
qui présente des tableaux statistiques. Ces documents sont toutefois
difficiles à utiliser, notamment pour fonder des comparaisons ou orienter
24
) Déclarations obligatoires d’emploi des travailleurs handicapés.
25
) La DREES a d’ailleurs indiqué qu’une réforme de l’enquête 32 était envisagée, et
qu’un guide à paraître sur les enquêtes des deux ministères s’accompagne de
préconisations.
L
ES HANDICAPS ET LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
29
l’affectation de moyens : ils sont, en effet, dépourvus de synthèses et leur
contenu gagnerait à être amélioré par de courtes études complémentaires.
L’information du public sur la scolarisation des enfants handicapés
demeure, quant à elle, insuffisante. En outre, elle est parfois peu
transparente
lorsqu’elle
existe,
offrant
une image
discutable
de
l’intégration des jeunes handicapés en milieu ordinaire.
La plupart des enquêtes de la DREES font l’objet de publications.
Toutefois, délais et contenus des documents pourraient être améliorés
pour rendre ceux-ci plus utilement exploitables, aux niveaux infra-
nationaux notamment.
Le faible nombre des publications de la DARES sur l’emploi des
travailleurs handicapés confirme que ses priorités sont ailleurs.
C
–
L’enquête HID : une vision d’ensemble du
handicap en France
L’enquête visait à donner une vision d’ensemble des handicaps en
France. Sa mise au point fut le fruit d’une coopération de plus de 3 ans
entre l’INSEE et les principaux opérateurs d’études, de statistiques et de
recherche œuvrant dans les champs du handicap et de la dépendance
26
.
Le choix d’englober la dépendance repose sur le fait que les frontières
administratives liées à l’âge sont une donnée sociale, susceptible de
varier.
L’enquête avait quatre objectifs :
1)
Evaluer
globalement
la
population
concernée
par
les
handicaps, incapacités et dépendances, en France ;
2)
Fonder des prévisions et estimer des flux, notamment d’entrée
en incapacité ou en dépendance et de sortie par décès ou
récupération ;
3)
Rapprocher les résultats fournis par les principales grilles
d’évaluation des handicaps utilisées en France ;
4)
Répondre aux besoins d’information des acteurs locaux.
26
) CREDES (Centre de recherches, d’études et de documentation en économie de la
santé), CTNERHI, FFP (Fédération française de psychiatrie), INED (Institut national
d’études démographiques), INSERM (Institut national de la santé et de la recherche
médicale), MIRE (Mission recherche-expérimentation) et SESI (service des
statistiques, des études et des systèmes d’information), fondus dans la DREES fin
1998.
30
C
OUR DES COMPTES
Elle a porté sur 16 900 personnes vivant à domicile et 14 600
personnes vivant en institution, y compris en établissement psychiatrique.
Conformément à la définition de la CIH-1, l’enquête a examiné les
conséquences des problèmes de santé sur l’intégrité physique, la vie
quotidienne et la vie sociale des personnes. Elle comportait plus de 650
questions.
Pour évaluer des flux, l’enquête a été réalisée en quatre vagues de
1998 à 2001 : deux ont porté sur les personnes en institution et deux sur
un échantillon de ménages dans la population générale.
Pour obtenir des informations fiables à l’échelon départemental,
sans augmenter la taille de l’échantillon et multiplier les coûts, l’Insee
utilisera pour la première fois « l’estimation sur petits domaines ». Cette
méthode permet, connaissant les caractéristiques d’un département (le
petit domaine) par rapport aux caractéristiques nationales, d’utiliser un
fichier national pour en extrapoler des données départementales. Une
région et sept départements ont souscrit au projet
27
.
Le coût global de l'enquête est estimé par l’Insee à 8,66 M€ (1997
à 2002 inclus), dont 3,57 M€ de coûts externes, principalement la
rémunération des enquêteurs. Environ 3,1 M€, soit 36 % du coût, ont été
financés par 12 partenaires
28
appartenant notamment au secteur des
assurances. Le coût de l’enquête « HID-prisons » est évalué à 98 000 € ;
son financement fait l’objet d’une convention entre l’Insee, l’INED, la
direction de l’administration pénitentiaire et la DREES.
L’enquête, qui a réuni dès sa phase de conception des partenaires
multiples (services ministériels, organismes de recherche, organismes
statistiques), a fourni une vision d’ensemble sur les caractéristiques des
personnes handicapées en France, qui faisait jusqu’alors défaut
29
.
27
) Région Haute-Normandie, Bouches-du-Rhône, Hérault, Ille-et-Vilaine, Loire,
Pas-de-Calais, Seine-et-Marne, Val-d’Oise.
28
) Ministère de l’emploi et de la solidarité, AGEFIPH, CNAMTS (Caisse nationale
de l’assurance-maladie des travailleurs salariés), CNAVTS (Caisse nationale
d'assurance-vieillesse des travailleurs salariés), CNAF (Caisse nationale des
allocations familiales), MGEN (Mutuelle générale de l'éducation nationale), GEMA
(Groupement des entreprises mutuelles d'assurances), FFSA (Fédération française des
sociétés d'assurances), APF (Association des paralysés de France), AGIRC
(Association générale des institutions de retraite des cadres), ARRCO (Association
des régimes de retraite complémentaire), CANAM (Caisse nationale d'assurance-
maladie des professions indépendantes).
29
) En 1997, un groupe de travail du Conseil national de l’information statistique
(CNIS) avait déploré cette situation. Rapport du CNIS n° 35,
Handicap et
dépendance : l’amélioration nécessaire du système statistique,
juillet 1997.
L
ES HANDICAPS ET LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
31
Elle a estimé ainsi qu’en 1999, 3,97 millions de personnes se
déclaraient titulaires d’un taux d’incapacité reconnu officiellement soit
6,8 % de la population
30
. Le nombre de personnes vivant à leur domicile
qui percevaient une allocation, une pension ou un autre revenu en raison
d’un handicap ou d’un problème de santé était de 2,3 millions, soit 4 %
de la population. Ces données incluent les personnes âgées handicapées.
Fin 1998, 666 000 personnes (1,2 % de la population) résidaient
dans des établissements, dont 126 000 dans les établissements pour
personnes handicapées.
Personnes dépendantes en institution, fin 1998
31
Nature de l’établissement
Nombre de résidents
Etablissements pour enfants handicapés
46 000
Etablissements pour adultes handicapés
80 000
Sous total
126 000
Etablissements pour personnes âgées
475 000
Etablissements psychiatriques
65 000
Ensemble
666 000
Source : Insee, Enquête HID
L’enquête, dont l’exploitation n’est pas terminée, apporte dès à
présent des informations sur l’insertion sociale des personnes handicapées
et sur la situation des personnes handicapées vieillissantes. Elle a montré
l’importance des écarts entre groupes sociaux, concernant la fréquence
des handicaps mais aussi leur prise en charge.
Des publications, et un colloque de restitution réunissant en
octobre 2002 plus de 450 personnes ont permis l’information d’un vaste
public sur les apports de l’enquête.
L’enquête comporte toutefois quelques limites qui affectent le
champ couvert, dont ses concepteurs avaient d’ailleurs conscience : elle
est limitée en ce qui concerne les enfants handicapés notamment les très
jeunes enfants ; certaines formes de handicaps sont sous-évaluées,
30
) Population de référence de 57,43 millions de personnes.
31
) Le tableau concerne les personnes hébergées dans les établissements (l’internat
représente moins de la moitié de l’accueil dans les établissements médico-éducatifs).
Ni les centres d’aide par le travail ni les logements-foyers pour personnes âgées ne
sont pris en compte.
32
C
OUR DES COMPTES
notamment les handicaps mentaux, difficiles à repérer en population
générale car très probablement sous-déclarés ; certaines populations sont
laissées à l’écart de l’enquête, en raison de leurs conditions de vie
particulières (personnes incarcérées, sans-abri, personnes vivant dans les
communautés religieuses ou dans les cités universitaires)
32
. Pour des
raisons de coût, et en raison de difficultés particulières, les DOM-TOM
n’ont
pas
été
couverts
par
l’enquête,
alors
qu’ils
présentent
vraisemblablement des caractéristiques spécifiques. L’INSEE programme
toutefois une enquête à La Réunion en 2003-2004.
Les critiques que certaines associations de personnes handicapées
adressent à l’enquête paraissent tenir, en revanche, à la démarche même
adoptée, qui reposait sur les concepts de la CIH-1, et ne recouvrait donc
pas de façon simple les catégories sur lesquelles est fondée l’action
d’associations souvent constituées autour de pathologies.
Il existe un risque important de sous-exploitation de la masse des
informations recueillies par l’Insee. Un appel à projets de la MiRe et de
l’Inserm n’a ainsi recueilli que trois propositions en 2000, et sept en
2002. Il importe en outre de tirer les enseignements techniques et
financiers de cette première grande enquête relative aux handicaps, dans
la perspective de son renouvellement, dans un domaine où les évolutions
sont rapides.
D
–
La persistance de nombreuses lacunes
1
–
Sur l’orientation et la scolarisation des enfants handicapés
Pour les enfants qui présentent un handicap léger, les décisions
d’orientation sont prises par les commissions de circonscription
33
. Or ces
commissions n’entrent dans aucun dispositif d’enquête.
Les commissions départementales d’éducation spéciale constituent
quant à elles le point de passage obligé lorsque les décisions ont une
incidence financière, telles l’attribution de l’AES ou l’orientation vers un
établissement
spécialisé.
Mais
le
système
d’information
utilisé
actuellement par les CDES est un système de gestion des dossiers,
inadapté à la production de statistiques utiles aux décideurs ; il ne permet
32
) L’enquête « sans abri » de l’Insee a toutefois intégré un module relatif aux
handicaps, et l’INED a effectué en 2001 une enquête « HID-prisons », auprès de
2 800 personnes dans 32 établissements pénitentiaires.
33
) de l’enseignement pré-élémentaire et élémentaire (CCPE) ou du second degré
(CCSD).
L
ES HANDICAPS ET LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
33
pas de mesurer, par exemple, les distorsions entre les orientations
souhaitées par les familles, les orientations préconisées par l’équipe
technique et celles qui ont été finalement réalisées.
Le module médical ajouté à ce système en 1999, qui devait faciliter
le recueil informatisé des informations, est utilisé par moins de 40 % des
commissions ; sa mise en place a, en effet, été insuffisamment
accompagnée. La DREES collecte certes des données, mais elles sont en
nombre limité, leur recueil demeure manuel pour une part, et par
conséquent lourd pour les CDES, peu homogène et fréquemment
incomplet.
L’élaboration d’un nouveau système d’information, dénommé
OPALES (Outil de pilotage et d’administration locale de l’éducation
spéciale) a été amorcée fin 2000. Le plan Handiscol’ pour l’accueil des
enfants handicapés dans les établissements scolaires (voir chapitre 6)
prévoyait, en effet, d’optimiser l’informatisation des CDES, et le plan
triennal 2001-2003 (voir chapitre 9) comportait une mesure de 2,29 M€
destinée à leur modernisation.
La nouvelle application devait être installée dans les CDES au
cours de l’année 2002. Celles-ci n’en étaient toujours pas équipées fin
2002.
La DREES estime, il est vrai, que « la refonte d’OPALES
privilégie (…) l’aspect gestion de l’application à celui du pilotage, ce qui
n’offre pas la garantie de pouvoir trouver l’ensemble des éléments
nécessaires à l’évaluation souhaitée au niveau local ou national ».
Concernant la scolarisation des jeunes handicapés, et alors que le
plan Handiscol’ prévoit de développer les dispositifs et les outils de
l’intégration, aucune information chiffrée n’est disponible sur les
caractéristiques des enfants et adolescents handicapés accueillis dans les
établissements scolaires, sur les contrats d’intégration scolaire, les projets
d’accueil
individualisés,
l’accompagnement
de
l’intégration,
l’environnement et l’accessibilité des locaux scolaires.
Il est dès lors difficile de fonder l’allocation des moyens sur des
critères rationnels et sur une évaluation satisfaisante des besoins.
2
–
Sur les COTOREP
Devant les nombreuses difficultés de la gestion des COTOREP,
une mission d’appui au fonctionnement des COTOREP fut mise en place
en mai 1999. L’un de ses trois chantiers portait sur les systèmes
d’information des commissions.
34
C
OUR DES COMPTES
Le système informatique des commissions est, en effet, ancien et
conçu seulement dans une optique de gestion. Les limites propres à ce
système se doublaient de défauts importants d’organisation et de pilotage
du recueil de l’information, qui obéraient fortement le recueil de données
fiables auprès de ces commissions. L’organisation retenue depuis 2001
est plus rationnelle, mais elle n’a pas réglé toutes les difficultés
techniques dans un premier temps : les données sur l’origine et la nature
des handicaps recueillies par la DREES lors de l’enquête réalisée en 2000
étaient inexploitables. La transmission informatique des données par les
COTOREP aux DRTEFP depuis 2001 devrait toutefois permettre des
analyses plus fines qu’auparavant sur les demandes examinées.
Un nouveau système d’information est en cours d’élaboration. Fin
2002, la conception des différents modules informatiques n’était pas
encore amorcée. L’Etat ne dispose donc pas d’informations statistiques
orientées vers la connaissance épidémiologique des personnes dont les
dossiers sont examinés par les COTOREP.
3
–
Sur l’emploi des travailleurs handicapés
La déclaration obligatoire d’emploi des travailleurs handicapés
(DOETH) par les entreprises permet de vérifier que les établissements de
20 salariés ou plus remplissent bien l’obligation d’emploi de travailleurs
handicapés que leur impose la loi du 10 juillet 1987 (voir chapitre 7). Elle
permet aussi de tenir des statistiques sur cette obligation.
La refonte de la gestion informatique de la DOETH - affichée
comme l’un des chantiers de la modernisation de l’Etat - devait permettre
une exploitation statistique des déclarations. Mais l’administration n’a
publié
les
statistiques
sur
l’obligation
d’emploi
des travailleurs
handicapés pour les années 1999 et 2000 qu’en novembre 2002.
L’information demeure en tout état de cause très pauvre sur
l’emploi en milieu ordinaire, en dépit d’une enquête annexée à l’enquête
emploi de l’INSEE en 2002 (consacrée aux personnes « ayant un
problème de santé ») : aucun élément n’est disponible sur les handicaps
des personnes concernées, leur salaire et leur environnement ; aucune
donnée n’est recueillie sur les parcours d’insertion par la mise en place de
panels
34
, comme l’avait suggéré le CNIS en 1997 ; aucune information
ne l’est sur les 37 % d’entreprises de plus de 20 salariés qui n’emploient
pas de travailleur handicapé.
34
) Un panel est un échantillon permanent représentatif d'une population dont les
comportements sont étudiés de façon répétée à intervalles réguliers, par exemple pour
des études d'opinions ou de trajectoires.
L
ES HANDICAPS ET LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP
35
4
–
A l’échelon départemental
Les enquêtes dans les départements ont confirmé l’ampleur du
déficit de statistiques dans les services déconcentrés, qui résulte non
seulement des lacunes des commissions départementales, mais aussi d’un
défaut de pilotage central des services déconcentrés en la matière.
Les services déconcentrés ne connaissent pas le nombre exact des
enfants demeurant dans leurs familles, qui permettrait de mieux connaître
le besoin d’aide. Sur les 9 départements visités, seuls trois ont pu fournir
des chiffres sur l’évolution des intégrations scolaires depuis 1997. Les
difficultés du recueil des données auprès des établissements scolaires
(non retour des documents de la part de directeurs, appréciations diverses
de la notion de handicap) placent ainsi tel inspecteur d’académie
interrogé au cours de l’enquête dans l’impossibilité d’établir de façon
fiable la situation de son département.
Les directions départementales des affaires sanitaires et sociales
n’ont pu fournir d’indications exhaustives sur les listes d’attente dans les
établissements spécialisés, que ce soit pour les enfants ou pour les
adultes. Concernant le travail des personnes handicapées, seules les
statistiques de demandeurs d’emploi provenant de l’ANPE étaient
disponibles dans quelques départements. La sortie du travail protégé ou
les actions d’évitement mises en place dans le cadre des programmes
départementaux pour l’intégration des travailleurs handicapés (PDITH),
n’ont que rarement fait l’objet de recensements précis (voir chapitre 7).
Pour pallier les insuffisances des commissions départementales en
matière de statistiques, les services déconcentrés ont parfois pris
l’initiative d’enquêtes locales, comme en Picardie. En Bretagne, en
Aquitaine et en Bourgogne, des tentatives ont été faites pour apprécier le
vieillissement des populations handicapées et ses conséquences sur les
besoins en matière d’hébergement. Mais ces apports sont limités à
quelques départements et les déficits d’information statistique à l’échelon
départemental demeurent très préoccupants.
36
C
OUR DES COMPTES
pouvoirs publics et les outils extérieurs sur lesquels ils pourraient
s’appuyer.
Les statistiques disponibles et publiées grâce aux dispositifs
publics examinés au cours de l’enquête sont nombreuses, hormis dans le
secteur de l’emploi. L’enquête HID a comblé un manque important.
Toutefois, de nombreuses lacunes subsistent pour que les politiques
publiques
puissent
s’appuyer
utilement
sur
des
informations
quantitatives : les données relatives à l’activité des commissions
départementales, pivot des systèmes d’aide publique, demeurent très
largement insuffisantes ; les données relatives à l’environnement dans
lequel évoluent les personnes handicapées sont embryonnaires.
Ce déficit statistique est d’autant plus regrettable que le nombre de
personnes handicapées ne peut qu’augmenter du fait de l’amélioration des
thérapeutiques.
___________________
RECOMMANDATIONS
__________________
Faire porter l’effort sur la collecte des données auprès des CDES et
des COTOREP ;
Développer les enquêtes systématiques dans le secteur de l’emploi
ordinaire des personnes handicapées ;
Renouveler l’enquête HID selon la périodicité appropriée, après en
avoir adapté la méthodologie compte tenu des enseignements de la
première expérience faite ;
Enrichir
la
statistique
sur
l’environnement
des
personnes
handicapées pour tenir compte de l’évolution des concepts au niveau
international.
37
Chapitre II
Les dépenses publiques en faveur des
personnes handicapées
38
C
OUR DES COMPTES
La Cour a mentionné dans ses rapports précédents sur le sujet du
handicap des évaluations de source ministérielle sur les dépenses faites en
faveur des personnes handicapées :
- 3,51 Md€ en 1980, y compris les crédits d’aide sociale et les
prestations servies par la caisse nationale des allocations familiales
(CNAF)
35
, soit 0,8 % du produit intérieur brut ;
- 17,53 Md€ en 1992 pour les dépenses de l’Etat, des organismes
de sécurité sociale et des collectivités territoriales, soit 1,6 % du produit
intérieur brut
36
.
Elle notait en 1993 que ces chiffres comportaient une inévitable
marge d’incertitude.
A l’occasion de la présentation au conseil national consultatif des
personnes handicapées du « plan en faveur des personnes handicapées
2001-2003 » le 25 janvier 2000 (voir chapitre 9), il était fait état d’un
« budget
social
du
handicap »
estimé
à
« près
de
160 MdF »
(24,4 Md€)
37
:
- 7,32 Md€ de l’Etat
38
;
- 7,47 Md€ de la sécurité sociale
39
;
- 2,29 Md€ des départements ;
- 7,32 Md€ « divers » (dont les pensions militaires d’invalidité et
les rentes d’accident du travail).
Il n’a pu être fourni à la Cour par les administrations concernées un
détail des sommes ainsi engagées, notamment à la rubrique « divers ». La
DREES a précisé qu’elle n’a pas été associée à cet exercice.
Le rapport récent et déjà cité du Sénat
40
, qui souligne la nécessité
d’améliorer l’information sur le financement de la politique du handicap,
évalue les prestations sociales consacrées au handicap en 2000 à
24,7 Md€ (6,1 % des prestations de protection sociale) dans l’approche
35
) Rapport public 1982, p. 43.
36
) Rapport public particulier, novembre 1993, p. 8.
37
) Source : dossier de presse remis le 25 janvier 2000, p. 36 (« chiffres-clés. Les
personnes handicapées : données sociales »).
38
) Centres d’aide par le travail (CAT) : 0,99 Md€ ; garantie de ressources des
travailleurs handicapés (GRTH) : 0,76 Md€ ; allocation aux adultes handicapés
(AAH) : 3,89 Md€ ; allocation d’éducation spéciale (AES) : 0,29 Md€ ; action
sociale : 1,39 Md€.
39
) Invalidité – régime général : 2,44 Md€ ; établissements : 5,03 Md€.
40
) Rapport n° 369 sur la politique de compensation du handicap, juillet 2002.
L
ES DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES
39
par risque, qui est mise en œuvre par la DREES à travers les comptes de
la protection sociale
41
et le « budget social du handicap » à 35 à 40 Md€
en 2001. L’effort de la nation représenterait ainsi 1,7 % du PIB en 2001,
en diminution de 0,4 % par rapport à 1985. L’État assume 25 % de cet
effort, la sécurité sociale 65 %, et les départements 10 %. Le rapport
estime nécessaire un rééquilibrage de cette répartition, et l’augmentation
relative de la part de l’Etat.
La Cour présente ci-après la synthèse de ses travaux sur les
dépenses financées par des prélèvements obligatoires qui ont été exposées
en 2001 en faveur des personnes en situation de handicap.
I
–
Les dépenses de l’Etat liées au handicap
Tous les budgets votés ont été examinés afin d’identifier les
chapitres ou paragraphes budgétaires concernés. Seules les lignes
clairement individualisées en faveur d’enfants ou d’adultes en situation de
handicap ont été prises en compte. Les dépenses correspondantes ont été
relevées dans la base de données de l’agence comptable centrale du
trésor.
Le périmètre retenu, s’agissant des adultes, est celui de la liste des
bénéficiaires de l’obligation d’emploi instituée par l’article L. 323-3 du
code du travail
42
, qui traite de l’obligation d’emploi des travailleurs
handicapés, mutilés de guerre et assimilés. Les dépenses de l’État
consacrées au handicap – ainsi délimitées – ressortiraient à 9,28 Md€ en
2001.
A
–
Moyens des services et investissements exécutés
par l’Etat
Les dépenses réalisées sur le titre 3 des différents budgets s’élèvent
à 58,26 M€. Elles concernent notamment l’allocation d’éducation
41
) Voir DREES,
« Le compte social du handicap de 1995 à 2001 : une utilisation
des comptes de la protection sociale »
, Dossiers scolarité et santé, octobre-décembre
2002.
42
) Il s’agit notamment : des travailleurs reconnus handicapés par la COTOREP ; des
victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ; des titulaires d’une
pension d’invalidité à condition que l’invalidité réduise au moins des deux tiers leur
capacité de travail ou de gain ; des anciens militaires et assimilés, titulaires d’une
pension militaire d’invalidité.
40
C
OUR DES COMPTES
spéciale (AES) versée aux fonctionnaires (14,37 M€), ainsi que
différentes dépenses d’action sociale en leur faveur (allocations, aides aux
enfants handicapés, allocations aux étudiants infirmes, aménagement de
postes pour les personnes handicapées, aides à l’insertion des personnes
handicapées :
25 M€).
L’État
accorde
aussi
des
subventions
de
fonctionnement aux instituts nationaux de jeunes sourds et de jeunes
aveugles (11,97 M€) et à l’Institution nationale des invalides (6,83 M€).
Au titre 5 du budget des services généraux du premier ministre, le
fonds interministériel pour l’insertion des personnes handicapées dans la
fonction publique a été doté de 0,30 M€.
B
–
Dépenses d’intervention
Le titre 4 regroupe 99,3 % des dépenses consacrées aux personnes
handicapées : 9,22 Md€. Trois budgets décrivent l’essentiel de ces
dépenses d’intervention : celui de la santé et de la solidarité (5 529 M€),
celui des anciens combattants (2 762 M€), et celui de l’emploi
(922 M€)
43
.
Le budget de la santé et de la solidarité est celui qui contribue le
plus aux dépenses en faveur des personnes handicapées par le versement
de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) qui représente 4,10 Md€,
soit 44,5 % des dépenses d’intervention de l’Etat en ce domaine. Il
finance également le fonctionnement des centres d’aide par le travail
(1,02 Md€), les dépenses relatives à la tutelle et à la curatelle d’Etat
(116,21 M€) ainsi que le fonds spécial d’invalidité (242,75 M€) qui paye
l’allocation supplémentaire versée à certaines personnes invalides en
complément d’une pension d’invalidité. Il verse en outre diverses
allocations et aides sociales aux personnes handicapées (53,62 M€).
L’essentiel des dépenses du budget des anciens combattants
concerne les pensions d’invalidité et allocations spéciales des grands
invalides versées aux invalides eux-mêmes ainsi qu’à leurs ayants cause :
2,46 Md€, soit 26,7 % du total des dépenses d’intervention. L’Etat assure
gratuitement les soins médicaux aux titulaires d’une pension d’invalidité
(91,63 M€). Ce budget finance aussi le régime particulier de sécurité
sociale des pensionnés de guerre – invalides de guerre (196,72 M€). Les
autres dépenses comprennent notamment l’appareillage des mutilés
(8,74 M€) et des frais d’hospitalisation pour maladie mentale (2,99 M€).
43
) Le budget des affaires étrangères retrace pour sa part les dépenses d’assistance à
l’étranger aux personnes handicapées (4,87 M€) et celui du ministère de
l’enseignement supérieur les frais de transport d’étudiants handicapés (1,49 M€).
L
ES DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES
41
Par ailleurs, les centres d’appareillage des services déconcentrés des
anciens combattants interviennent également au profit des handicapés
civils, notamment dans le cadre des dispositions du décret n° 2001-256 du
26 mars 2001, relatif à la prise en charge des produits et prestations
mentionnés à l’article L. 165.1 du code de la sécurité sociale et modifiant
ledit code ainsi que le code des pensions militaires d’invalidité et des
victimes de la guerre (décret codifié aux articles R. 165.1 à 30 du code de
la sécurité sociale). En outre, jusqu’à fin 2001, les services des anciens
combattants contribuaient au recrutement des travailleurs handicapés par
la voie des emplois réservés. L’ensemble de ces dépenses a fait l’objet
d’un examen détaillé dans le rapport public particulier de juin 2000 sur
l’effort de solidarité nationale à l’égard des anciens combattants.
La presque totalité des dépenses du budget de l’emploi en faveur
des travailleurs handicapés est constituée par la garantie de ressource
(GRTH) :
883,79 M€.
Le
surplus
des
dépenses
correspond
aux
subventions aux ateliers protégés et centres de distribution du travail à
domicile, et aux mesures en faveur de l’emploi des personnes
handicapées
dont
l’essentiel
est
constitué
par
les
programmes
départementaux d’insertion des travailleurs handicapés (voir chapitre 7).
Au titre 6, 6,13 M€ de subventions d’équipement ont été imputées
au budget de la santé et de la solidarité pour les établissements accueillant
des enfants et des adultes handicapés et les établissements nationaux de
jeunes sourds et de jeunes aveugles.
La récapitulation qui suit – 9 287 M€ - présente des limites
évidentes dans la mesure où elle ne prend en compte que les dépenses
identifiables au travers d’une ligne budgétaire spécifique. C’est ainsi que
la dépense correspondant au personnel enseignant et non enseignant
affecté par le ministère de l’éducation nationale à l’éducation spéciale est
estimée à 360 M€. De même, les financements publics se rapportant aux
recherches sur le handicap sont de l’ordre de 120 M€ (voir chapitre 13).
L’effort financier de l’Etat en faveur de l’insertion professionnelle des
travailleurs handicapés inclut aussi la part des dispositifs d’aide à la
formation et à l’emploi (rémunération des stagiaires de la formation
professionnelle, emplois aidés) mobilisée au profit des personnes
handicapées qui forment un des publics prioritaires pour ces mesures
44
;
cette part ne peut pas être isolée au plan budgétaire.
44
) En 2001, 73 234 contrats aidés par l’Etat ont été conclus au bénéfice des
personnes handicapées : contrats initiative emploi (CIE), contrats emploi solidarité
(CES), contrats emploi consolidé (CEC).
42
C
OUR DES COMPTES
Dépenses de l’Etat liées au handicap en 2001
45
(en milliers d’euros)
Financement de l'AAH
4 097 067
Pensions d'invalidité et allocations spéciales des grands invalides
2 455 713
Centres d’aide par le travail
1 019 603
Garantie de ressources
883 791
Fonds spécial d'invalidité
242 749
Financement du régime de Sécurité sociale des pensionnés de guerre-
invalides de guerre
196 727
Tutelle et curatelle d’Etat
116 208
Soins médicaux aux titulaires d'une pension d'invalidité
91 637
Ateliers protégés, centres de distribution du travail à domicile
30 131
Autres actions
86 984
Sous total dépenses d'interventions publiques
9 220 610
AES versée aux fonctionnaires
14 372
Autres aides, allocations et mesures d'insertion
27 360
Subventions de fonctionnement pour les établissements nationaux pour
jeunes sourds et aveugles
11 967
Subventions de fonctionnement pour l'Institution nationale des invalides
6 831
Sous total dépenses de personnel et de fonctionnement
60 530
Subventions d'équipement pour les établissements
pour enfants et adultes
handicapés
4 258
Subventions d'équipement pour les établissements pour jeunes sourds et
aveugles
1 877
Sous total dépenses de subventions d’investissement
6 135
TOTAL
9 287 275
45
) Un état détaillé figure en annexe 4.
L
ES DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES
43
II
–
Le coût budgétaire des mesures fiscales
favorables aux contribuables handicapés
Les mesures fiscales favorables aux contribuables handicapés, ou
aux foyers fiscaux comportant au moins une personne handicapée,
entraînent pour l’Etat une réduction de ses recettes. Il convient donc
d’ajouter ces « dépenses fiscales » aux décaissements de l’Etat pour
mesurer son effort en faveur des personnes handicapées.
Les tableaux ci-après ont été transmis à la Cour par la direction de
la législation fiscale.
Coût des principaux avantages fiscaux accordés au titre du handicap,
de l’invalidité ou de l’infirmité
(en millions d’euros)
Désignation de la mesure
1999
2000
2001
2002
Impôt sur le revenu :
1. Exonération de l’allocation aux adultes
handicapés
2. Majoration de quotient familial pour invalidité
du contribuable
3. Majoration du quotient familial pour personne
invalide à charge
4. Réduction d’impôt pour frais d’hébergement
en établissement de long séjour
116
289
79
36
123
335
79
40
128
320
80
37
134
330
80
50
TVA :
Taux de 5,5 % pour certains appareillages,
ascenseurs et équipements spéciaux pour
personnes handicapées
180
175
236
253
TOTAL
700
752
801
847
Source : ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (DLF)
Ces chiffres peuvent être considérés comme sûrs, sous réserve de
l’imprécision des critères distinguant le handicap de l’infirmité.
44
C
OUR DES COMPTES
Coût de certains dispositifs bénéficiant partiellement aux personnes
handicapées
(en millions d’euros)
Désignation de la mesure
1999
2000
2001
2002
Impôt sur le revenu :
1.
Abattement en faveur des personnes âgées de
plus de 65 ans ou invalides quel que soit leur
âge
2. Réduction d’impôt pour primes versées dans le
cadre de contrats d’assurance-vie à primes
périodiques, de contrats d’épargne handicap ou
de rente survie
3.
Réduction d’impôt pour emploi d’un salarié à
domicile
350
274
1 220
320
244
1 311
255
210
1 350
235
200
1 360
TOTAL
1 844
1 875
1 815
1 795
Source : ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (DLF)
La direction générale des impôts n’est pas en mesure de distinguer
la fraction de ces dépenses fiscales qui est imputable spécifiquement aux
personnes handicapées.
Plusieurs
mesures
fiscales
bénéficiant
aux
contribuables
handicapés ne figurent pas dans ces tableaux : certaines ne sont pas
chiffrables (abattement en matière de droit de mutation sur l’actif taxable
revenant aux héritiers, légataires ou donataires handicapés physiques ou
mentaux, exonération de TVA sur les ventes de produits fabriqués par des
travailleurs aveugles ou handicapés) ; d’autres ne peuvent être isolées au
sein d’une dépense fiscale (exonération de la taxe d’habitation au profit
de certaines personnes invalides).
Il est vraisemblable que le coût budgétaire total des différentes
mesures fiscales bénéficiant aux contribuables handicapés dépassait assez
largement en 2001 les 801 M€ mentionnés dans le premier tableau. Il ne
serait toutefois possible de mesurer ce surcoût de dépense fiscale qu’après
une longue et difficile étude économique et statistique.
L
ES DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES
45
III
–
Les dépenses des collectivités territoriales
A
–
Les départements
Le montant des dépenses effectuées, en 2000 et 2001, au profit des
personnes handicapées par les départements a été extrait par la direction
générale de la comptabilité publique du fichier des dépenses d’action
sociale. Les montants obtenus sont cohérents avec ceux qu’a indiqués la
direction générale des collectivités locales du ministère de l’intérieur qui
reçoit
communication
des
budgets
exécutés
de
l’ensemble
des
départements.
L’aide aux personnes handicapées constitue, en effet, l’une des
rubriques des dépenses d’action sociale obligatoire à la charge des
conseils généraux. Pour l’ensemble des départements français, elle
représente 23,9 % des dépenses sociales obligatoires en 2001.
Les dépenses en faveur des personnes handicapées s’élèvent en
2001 à 3,23 Md€ en fonctionnement et à 148,89 M€ en équipement soit
au total 3,38 Md€ (3 378,89 M€).
B
–
Les communes
Le montant des dépenses des communes en faveur des personnes
handicapées a été obtenu par extraction du fichier de dépenses des
communes de plus de 3 500 habitants dans la rubrique « services à
caractère social pour personnes handicapées et inadaptées » de la
nomenclature.
En 2001, les dépenses ont été de 12,04 M€ en fonctionnement et
4,42 M€ en investissement, soit un total de 16,46 M€.
C
–
Les régions
L’extraction faite par la direction générale de la comptabilité
publique du fichier des dépenses des régions, sur les chapitres
« interventions sociales » et « services sociaux », fait ressortir un montant
de dépenses d’intervention des régions au profit des services sociaux pour
les personnes handicapées de 16,42 M€.
46
C
OUR DES COMPTES
IV
–
Les dépenses des organismes de protection
sociale
L’approche par risque mise en œuvre pour établir les comptes de la
protection sociale a pour corollaire l’impossibilité de ventiler directement
les dépenses de prestations en fonction d’un critère s’attachant au
bénéficiaire, tel que celui de « personne handicapée », ainsi que l’a
souligné la DREES qui tient ces comptes.
En ayant bien conscience des limites de son approche, la Cour a
sollicité les différents régimes - et leurs caisses nationales - ainsi que la
direction de la sécurité sociale.
A
–
Les dépenses en faveur des établissements médico-
sociaux
Les dépenses pour les établissements médico-sociaux accueillant
des personnes handicapées (enfants et adultes) ont été de 5,05 Md€ en
2001, selon la direction de la sécurité sociale. Il s’agit des dépenses
remboursées par l’assurance maladie (prix de journée et dotation globale)
- tous régimes confondus -, soit environ 95 % des dépenses totales, les
établissements ayant quelques recettes autres que les remboursements de
l’assurance maladie.
Dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, la Cour a relevé
« les insuffisances dans le système budgétaire et dans la méthode de
construction » de la sous-enveloppe « personnes handicapées » de
« l’enveloppe médico-sociale » insérée depuis 1999 dans l’objectif
national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) : « faiblesses du
système d’information budgétaire et du suivi des versements de
l’assurance maladie » ; « insuffisances dans la détermination des budgets
des établissements et impossibilité de les prendre en compte dans la
construction de la sous-enveloppe »
46
.
B
–
Le régime général
Les prestations légales du régime général ont été en 2001 de
3 130 M€ au titre de l’invalidité et de 3 290 M€ au titre de l’incapacité
46
) Rapport sur la sécurité sociale, septembre 2002, p. 96-107.
L
ES DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES
47
permanente causée par des accidents du travail
47
, soit un total de
6,42 Md€. La branche famille a, pour sa part, versé en 2001 des
prestations d’un montant de 4 593,1 M€ au titre de l’allocation aux
adultes handicapés (4 237,6 M€)
48
, de l’allocation d’éducation spéciale
(350 M€) et de l’allocation de présence parentale (5,5 M€) ; comme les
dépenses d’AAH sont remboursées à la sécurité sociale par l’Etat, il
convient de ne retenir que les dépenses d’AES et d’APP, soit 355,5 M€. Il
peut être ajouté que l’exonération de l’AAH au titre de l’impôt sur le
revenu rétroagit sur le niveau des aides au logement, qui prennent en
considération les revenus nets catégoriels retenus pour l’établissement de
l’impôt sur le revenu ; l’incidence de ces dispositions n’est toutefois pas
incluse dans le calcul précédent
49
.
A ces prestations légales (6 775,5 M€) s’ajoutent les dépenses
d’action sociale des caisses.
La Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés
(CNAVTS) a fait part de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de
chiffrer de manière exacte les dépenses en faveur des personnes
handicapées : cette catégorie de dépenses n’est, en effet, pas identifiée en
tant que telle dans l’ensemble des dépenses du fonds national d’action
sanitaire et sociale en faveur des personnes âgées.
Pour l’essentiel, ses interventions ont correspondu, avant la mise
en place de la prestation spécifique dépendance (PSD) et de l’allocation
personnalisée d’autonomie (APA), à des prises en charge dans le cadre de
l’aide ménagère à domicile pour les personnes âgées les plus
dépendantes. L’ordre de grandeur de la dépense effectuée à ce titre est de
76 M€. La branche contribue également au financement de la
construction ou de la rénovation d’établissements d’hébergement pour
personnes âgées dépendantes. Les études montrent que l’entrée dans ces
établissements correspond à des situations de dépendance forte souvent
liée au handicap. Les dépenses correspondantes se sont élevées à 36 M€
environ en 2001.
Les dépenses d’action sociale de la caisse nationale des allocations
familiales (CNAF) en faveur des personnes handicapées ne peuvent être
isolées que pour les aides à l’amélioration du logement (0,11 M€ en
47
) Les prestations
pour incapacité temporaire - non retenues ici - ont été de
2,46 Md€.
48
) Dont AAH proprement dite : 4 073,5 M€ et compléments : 164,1 M€.
49
) La Cour a présenté des observations sur l’articulation des dépenses fiscales et des
politiques sociales dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2001 (p. 251 à
273), notamment sur la répercussion des dépenses fiscales liées à la protection sociale
sur les aides au logement (p. 264 et 265).
48
C
OUR DES COMPTES
2001). La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés
(CNAMTS) a indiqué qu’elle a versé en 2001, 31 M€ au total
50
pour des
aides techniques et des aides à l’aménagement du logement (6,21 M€),
pour le financement de places dans les structures pour adultes handicapés
(21,89 M€) et pour des subventions à des associations (2,9 M€).
C
–
Le régime agricole
Les dépenses du budget annexe des prestations sociales agricoles
(BAPSA) – exécutées par la Caisse centrale de la mutualité sociale
agricole (CCMSA) – en faveur des personnes handicapées se sont élevées
en 2001 à 186,14 M€
51
: 58,43 M€ d’AAH, 6,2 M€ d’AES, 67,51 M€ de
dépenses d’invalidité, 54 M€ de dépenses d’assurance maladie. Les
dépenses d’AAH étant remboursées par l’Etat, le montant à retenir est de
127,71 M€.
La caisse centrale de la MSA estime les dépenses d’action sociale
du régime en faveur des personnes handicapées à 0,85 M€ : 0,41 M€ pour
les caisses
52
, 0,44 M€ pour la caisse centrale
53
. Elle précise que les
actions en faveur de ces personnes ne peuvent être isolées au sein d’autres
dépenses :
aides pour l’aménagement du logement, aides aux vacances,
interventions à domicile, notamment.
D
–
Le régime des professions indépendantes
Les caisses nationales compétentes en matière d’invalidité
définitive et d’incapacité au métier - ORGANIC (commerçants),
50
) Soit la CNAMTS directement, soit les caisses régionales ou primaires d’assurance
maladie (CRAM et CPAM), soit les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) dans
les départements d’outre-mer.
51
) Source : direction des exploitations, de la protection sociale et de l’emploi
(ministère de l’agriculture).
52
) 0,27 M€ de secours et 0,14 M€ d’aides du fonds social de l’assurance maladie des
exploitants agricoles (FAMEXA).
53
) Notamment 0,23 M€ pour Solidel, la structure fédérative qui regroupe les CAT et
établissements pour personnes handicapées de la MSA, et 0,16 M€ pour un appel à
projet sur le thème des personnes handicapées mentales vieillissantes.
L
ES DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES
49
CANCAVA (artisans), CNAVPL (professions libérales)
54
- ont indiqué
les dépenses suivantes pour 2001.
Dépenses des caisses des professions indépendantes, au titre du handicap
(en M€)
Organisme
Prestations versées
Action sociale
ORGANIC
59,98
37,55
CANCAVA
112,45
0,53
CNAVPL
61,56
NS
CNBF
-
-
TOTAL
233,99
38,08
V
–
Les dépenses d’intervention de l’AGEFIPH
L’association nationale de gestion du fonds pour l’insertion des
personnes
handicapées
(AGEFIPH)
reçoit
les
contributions
des
employeurs auxquels l’article L. 323-1 du code du travail, issu de la loi
n° 87-517 du 10 juillet 1987, fait obligation d’employer des travailleurs
handicapés, des mutilés de guerre et assimilés et qui peuvent s’en
acquitter en effectuant un versement au fonds.
Cette association finance deux types de dispositifs en faveur de
l’insertion des personnes handicapées :
- des aides financières directes aux personnes handicapées en quête
d’insertion professionnelle ou aux entreprises dans lesquelles
elles sont recrutées ou travaillent déjà ;
- des
aides
indirectes
par
le
financement
de
prestations
intermédiaires ou de charges de structure d’opérateurs qui
contribuent à l’évaluation de la situation, à l’accompagnement,
au placement et, le cas échéant, au
maintien dans l’emploi du
travailleur handicapé.
54
) Caisse nationale de l’organisation autonome d’assurance vieillesse, invalidité,
décès, des non salariés de l’industrie et du commerce - Caisse autonome nationale de
compensation de l’assurance vieillesse des artisans - Caisse nationale d’assurance
vieillesse des professions libérales - NB : la quatrième caisse, la Caisse nationale des
barreaux français (CNBF), s’est déclarée dans l’incapacité d’identifier les personnes
handicapées dans les prises en charge au titre de l’invalidité ou de l’action sociale.
50
C
OUR DES COMPTES
La loi de finances pour 1997 (article 139) a mis, de plus, à la
charge de l’AGEFIPH le financement de la garantie de ressources
(GRTH) pour les travailleurs handicapés exerçant une activité en milieu
ordinaire de travail.
Au cours de l’année 2001, les interventions de l’AGEFIPH se sont
élevées à 411,6 M€, provenant pour 349 M€ de la collecte 2001 et pour
62,6 M€ des réserves. Elles ont été faites à hauteur de 336,4 M€ au titre
du programme ordinaire de l’association et de 75,2 M€ au titre du
programme exceptionnel mis en œuvre depuis 1999 en vue de réduire les
disponibilités inemployées
55
.
Ces interventions doivent être prises en compte parmi les dépenses
publiques en faveur des personnes handicapées car elles sont financées
par des versements libératoires d’une obligation légale de faire.
L
ES DÉPENSES PUBLIQUES EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES
51
La plupart des composantes de cet effort public se sont accrues
rapidement au cours de la période récente. De 2000 à 2001, la progression
a été de 12,7 % pour les départements, de 28 % pour les communes, de
8,2 % pour l’allocation d’éducation spéciale et l’allocation de présence
parentale, de 6,5 % pour les versements aux établissements médico-
sociaux, de 5,5 % pour les prestations légales du régime général au titre
de l’invalidité et des accidents du travail. Elle a été de 7 % par an pour les
dépenses fiscales de 1999 à 2002.
De plus, la contribution de l’Etat est supérieure à celle qui ressort
du tableau : par le jeu de différents mécanismes de péréquation et de
subventions, une part des budgets des collectivités territoriales est
financée par lui ; d’autres dépenses en faveur des personnes handicapées
(éducation spéciale, recherche, aide à l’emploi, etc.) ne font pas l’objet de
lignes budgétaires spécifiques, comme il a été exposé ci-dessus.
___________________
RECOMMANDATIONS
__________________
La Cour a déjà recommandé de mettre en place une structure de
pilotage afin de développer un système d’information budgétaire approprié
pour le secteur des personnes handicapées. Cette recommandation,
formulée au sujet de la sous-enveloppe « personnes handicapées » de
l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, ne peut qu’être
renouvelée, à la lumière des constatations qui précèdent, et dans la
perspective de la mise en œuvre de la loi organique du 1
er
août 2001
relative aux lois de finances.
A l’heure où une priorité est reconnue à l’action en faveur des
personnes en situation de handicap, les administrations doivent se mettre
en mesure d’identifier – en réunissant les informations et les compétences
des différents secteurs concernés – l’ensemble des dépenses publiques
exposées à ce titre, y compris par cofinancement.
52
C
OUR DES COMPTES
Générosité publique
La loi n° 91-772 du 7 août 1991 a donné compétence à la Cour des
comptes pour contrôler les comptes d’emploi des ressources collectées par
les organismes faisant appel à la générosité publique
56
.
A ce titre, elle a procédé en 2002 à l’analyse des comptes d’emploi
qui lui ont été transmis ; cette analyse a donné lieu à une observation au
rapport public annuel 2002
57
.
Au titre de l’année 2000, les ressources collectées par appel à la
générosité publique ont représenté 132,74 M€ pour 10 associations
œuvrant dans le champ du handicap (physique, sensoriel ou mental).
56
) Il s’agit d’annexes aux comptes que tous les organismes sont tenus d’établir et de
tenir à la disposition des donateurs.
57
) Pages 611 à 623.
53
Chapitre III
Les structures et les acteurs
54
C
OUR DES COMPTES
L’organisation de l’action en faveur des personnes handicapées est
partagée. Comme l’affirme l’article 1
er
de la loi d’orientation du 30 juin
1975, « les familles, l’État, les collectivités locales, les établissements
publics, les organismes de sécurité sociale, les associations, les
groupements, organismes et entreprises publics et privés associent leurs
interventions pour mettre en œuvre cette obligation
[…] ».
La Cour n’ignore pas – et ses vérifications sur place l’ont fait
ressortir une nouvelle fois – le rôle des personnels médicaux et para-
médicaux et des travailleurs sociaux auprès des personnes en situation de
handicap.
L’analyse
qui
suit
porte
néanmoins
sur
le
dispostif
institutionnel.
S’agissant des acteurs publics, même si la répartition des
compétences
résultant
des
lois
de
décentralisation
confie
aux
départements l’aide sociale - c’est-à-dire l’ensemble de l’aide sociale à
l’enfance et, pour les personnes handicapées, l’aide à domicile, l’aide à
l’hébergement en foyer, l’allocation compensatrice pour tierce personne
(ACTP) -, l’État demeure responsable de la politique nationale. La prise
en charge de cette question a toutefois donné lieu à différents choix
institutionnels. Le mouvement associatif a tendu à jouer de ce fait le rôle
délaissé ou insuffisamment assumé par l’État.
I
–
La pluralité des administrations de l’État
concernées
L’article 1
er
de la loi d’orientation de 1975 dispose : « L’État
coordonne et anime ces interventions par l’intermédiaire du comité
interministériel
de
coordination
en
matière
d’adaptation
et
de
réadaptation ». Dès 1982, la Cour constatait : « La coordination interne
entre les administrations compétentes sur la politique, les actions menées
et l’analyse des résultats obtenus est […] nettement insuffisante. C’est
ainsi que les organes prévus à cet effet – le "comité interministériel relatif
à la coordination en matière d’adaptation et de réadaptation", créé par un
décret du 9 septembre 1970, et sa commission permanente – n’ont pas été
régulièrement
réunis
au
moins
jusqu’en
1980
58
. »
Le
délégué
interministériel nommé en août 1995 (voir infra) a précisé que le comité
ne s’était jamais réuni depuis 1975, mais qu’il a tenu des réunions du
deuxième semestre 1995 au printemps 1997.
58
) Rapport public 1982, p. 64.
L
ES STRUCTURES ET LES ACTEURS
55
Au niveau national, plusieurs ministères préparent et mettent en
œuvre la politique en direction des personnes handicapées.
- le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées
« est
compétent
en
matière
d’action
en
faveur
des
personnes
handicapées »
59
. Ses attributions sont exercées, par délégation, par la
secrétaire d’État aux personnes handicapées », qui dispose notamment de
la direction générale de l’action sociale (DGAS) et du délégué
interministériel aux personnes handicapées
60
. Chargée de définir, animer
et coordonner la politique de prise en charge, d’intégration sociale, d’aide
à domicile et d’aide à l’autonomie des personnes handicapées
61
, la
DGAS comprend une sous-direction des personnes handicapées qui
veille, entre autres, au respect des règles d’organisation et de
fonctionnement des établissements et services qui accueillent ces
personnes ;
- le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées
dispose aussi de la délégation générale à l’emploi et à la formation
professionnelle (DGEFP), placée sous l’autorité du ministre des affaires
sociales, du travail et de la solidarité. Elle comprend une mission
« emploi des personnes handicapées », chargée en particulier d’animer les
programmes départementaux d’insertion (PDITH) et les programmes
communautaires en direction des personnes handicapées et d’assurer le
secrétariat du conseil supérieur pour le reclassement professionnel et
social des travailleurs handicapés ;
- le ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la
recherche prend en compte
notamment
l’intégration des
jeunes
handicapés dans les établissements scolaires et à l’université, ainsi que
leur formation professionnelle initiale ;
- du ministère de l’équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer relève la question de l’accessibilité de la voirie, des
transports, et du cadre bâti, pour laquelle une fonction de délégué
ministériel à l’accessibilité a été créée fin 1999 ;
59
) Décret n° 2002-986 du 12 juillet 2002 relatif aux attributions dudit ministre.
60
) Décret n° 2002-987 du 12 juillet 2002 relatif aux attributions de la secrétaire
d'État.
61
) Décret n° 2000-685 du 21 juillet 2000 relatif à l'organisation de l'administration
centrale du ministère de l'emploi et de la solidarité.
56
C
OUR DES COMPTES
Discriminations et inacessibilité
La place des personnes handicapées dans la société s’inscrit dans la
logique de « l’accès du mineur et de l’adulte handicapés aux institutions
ouvertes à l’ensemble de la population et leur maintien dans un cadre
ordinaire de travail et de vie »
62
.
Cette logique se traduit par un ensemble d’adaptations particulières
qui tentent de corriger les discriminations de fait créées par le milieu.
La déléguée ministérielle à l’accessibilité s’appuie notamment sur
les travaux du comité de liaison pour l’accessibilité des transports et du
cadre bâti (COLIAC).
L’accessibilité des modes de transport aux personnes handicapées
s’est imposée au cours des années 80 comme une obligation nationale
63
.
Diverses mesures ont depuis lors permis une meilleure adaptation des
services de transport urbain aux personnes handicapées ainsi que de
l’accès aux trains. Ces aménagements demeurent toutefois nettement
insuffisants dans de nombreuses villes. S’agissant des transports aériens, et
afin que ne se reproduisent plus les incidents survenus en 2001 à
l’embarquement de passagers souffrant d’un handicap mental, Air France
s’est engagée dans la mise en place d’un service d’assistance spécifique au
moment de la réservation.
Un dossier particulièrement sensible est celui de l’accessibilité du
cadre bâti et de la voirie, qui peut concerner - selon le ministère de
l’équipement - au-delà des personnes handicapées, le cinquième de la
population. Prescrit par la loi d’orientation du 30 juin 1975 (art. 49 et 52),
complétée par la loi du 13 juillet 1991, le renforcement de l’accessibilité
du cadre bâti et de la voirie n’a pas fait l’objet de moins de 12 décrets et
arrêtés de 1978 à 1999, les plus longs à mettre au point concernant
l’accessibilité de la voirie.
- la vie avec un handicap exige aussi l’accès aux activités
physiques et sportives (ministère des sports), aux activités culturelles
(ministère de la culture), comme aux trois fonctions publiques de l’État,
territoriale et hospitalière (ministère de la fonction publique, de la
réforme de l’État et de l’aménagement du territoire) ;
62
) Art. 1
er
(al. 3) de la loi d'orientation du 30 juin 1975 (art. L. 114-2 du code de
l'action sociale et des familles).
63
) Art. 52 de la loi d’orientation du 30 juin 1975 (art. L. 114-4 du code de l’action
sociale, issu des lois des 13 décembre 2000 et 2 janvier 2002).
L
ES STRUCTURES ET LES ACTEURS
57
- les lois du 31 mars 1919 et du 24 juin 1919 sur les pensions
militaires d’invalidité et des victimes de guerre ont reconnu un droit à
réparation mis en œuvre aujourd’hui par la direction des statuts, des
pensions et de la réinsertion sociale du ministère de la défense, dont
dispose, par délégation de la ministre, le secrétaire d’Etat aux anciens
combattants
64
.
Depuis 1975, les ministres ayant directement en charge l’animation
de cette politique ont été les ministres chargés des affaires sociales. C’est
en juin 1988 qu’un secrétariat d’État uniquement dédié aux personnes
handicapées et aux accidentés de la vie a été créé pour la première fois
65
.
Ces questions ont à nouveau, à compter d’avril 1993, relevé directement
du ministre.
A compter de mars 2000, ces attributions ont été exercées, par
délégation, par un secrétaire d’État ou un ministre délégué qui avait aussi
en charge un autre domaine : secrétaire d’État à la santé et aux handicapés
(mars 2000), secrétaire d’État aux personnes âgées et aux personnes
handicapées (février 2001)
66
, ministre déléguée à la famille, à l’enfance
et aux personnes handicapées (mars 2001)
67
. Depuis juin 2002, ces
questions relèvent à nouveau d’un secrétariat d’État spécifique, ainsi qu’il
a été exposé plus haut.
Le délégué interministériel aux personnes handicapées, dont le
poste a été créé en juillet 1995, « est chargé de coordonner les actions
favorisant
l’insertion
sociale
et
professionnelle
des
personnes
handicapées, notamment dans les domaines de l’intégration scolaire, du
maintien à domicile et de l’accessibilité, de l’emploi et de la formation
professionnelle »
68
.
Le délégué interministériel nommé en août 1995 s’est surtout
investi dans les domaines de l’accessibilité, pour tenter de faire rattraper
le retard constaté en la matière, des sites pour la vie autonome et du droit
à compensation. A compter de 1997, son poste est devenu moins
opérationnel, évolution accentuée ultérieurement après la nomination
d’une secrétaire d’État puis d’une ministre déléguée. Le délégué nommé
64
) La Cour a présenté des observations sur l’effort de solidarité nationale à l’égard
des anciens combattants, notamment sur la dette viagère, l’appareillage des mutilés,
les maisons de retraite et les structures de soins, dans son rapport public particulier de
juin 2000.
65
) Décrets n° 88-868 du 11 août 1988, n° 91-612 du 28 juin 1991 et n° 92-1003 du
21 septembre 1992.
66
) Décrets n° 2000-307 du 7 avril 2000 et n° 2001-113 du 7 février 2001.
67
) Décret n° 2001-358 du 25 avril 2001.
68
) Décret n° 95-863 du 31 juillet 1995.
58
C
OUR DES COMPTES
en septembre 2002 a exposé à la Cour qu’il entend relancer
l’interministérialité, principalement sur les dossiers de l’accessibilité, de
la scolarisation, du sport et de la culture.
Au
niveau
local,
les
directions
régionales
(DRASS)
et
départementales (DDASS) des affaires sanitaires et sociales mettent en
œuvre les politiques nationales, animent les actions régionales et
départementales dans le domaine sanitaire et médico-social, en particulier
la tutelle et le contrôle des établissements sanitaires, médico-sociaux et
sociaux. Les directions départementales du travail, de l’emploi et de la
formation professionnelle (DDTEFP) et les inspections d’académie ont
des attributions comparables pour l’emploi et la scolarisation.
II
–
La répartition des compétences entre l’État
et les collectivités territoriales
A
–
Les compétences respectives
La loi du 22 juillet 1983 ne laissait à la charge de l’État en matière
sociale qu’un nombre limité de prestations : « celles qui relèvent de la
solidarité nationale, celles dont les bénéficiaires ne peuvent être rattachés
avec certitude à une collectivité territoriale et enfin celles dont le montant
est automatiquement lié à des prestations de sécurité sociale ». La
circulaire du 4 novembre 1983 relative au transfert des compétences
retenait également celles qui relevaient de la solidarité nationale, celles
qui étaient liées à la sécurité sociale et les prestations de « subsistance ».
Les autres devaient être transférées, avec les ressources financières
correspondantes, aux départements qui constituaient alors le ressort
essentiel d’application des politiques sanitaires et sociales mises en œuvre
par les DDASS.
L’objectif alors visé consistait notamment à réduire le domaine des
« compétences conjointes » matérialisées par des financements croisés
entre l’État et les collectivités territoriales, communes et surtout
départements.
En raison de la difficulté rencontrée pour trouver des critères
d’application simple de ces principes, les pouvoirs publics ont dû arbitrer
entre la nécessité d’assurer l’égalité des prestations en tout point du
territoire ou, tout au moins, de celles qui s’expriment en termes
monétaires, et le souci d’éviter aux départements d’avoir à supporter seuls
la charge de dépenses en croissance trop rapide. L’État et les organismes
L
ES STRUCTURES ET LES ACTEURS
59
de protection sociale ont conservé dans certains domaines des
compétences telles que l’exercice de celles qui ont été transférées aux
départements est resté dépendant de celles qu’ils ont gardées.
En 1995, la Cour
69
avait appelé l’attention sur les problèmes
imputables à l’impossibilité d’établir une répartition cohérente des
responsabilités par blocs de compétences en matière d’aide sociale. La
situation s’est plutôt aggravée depuis lors.
Dans le domaine du handicap, cette situation se traduit par une
répartition des compétences particulièrement complexe :
- la prise en charge des enfants handicapés dans les établissements
est intégralement assurée par la sécurité sociale ;
- dans le secteur du travail protégé, la charge des CAT et des
ateliers protégés est entièrement assumée par l’État (équipement,
fonctionnement, part des rémunérations non couverte par la vente des
produits ou services) ;
- pour
l’hébergement des adultes, le département prend en charge
le financement des foyers de vie et des foyers occupationnels où résident
parfois des travailleurs de CAT ou d’ateliers protégés. Les maisons
d’accueil spécialisées (MAS), qui accueillent les personnes présentant les
handicaps les plus lourds, sont financées par l’assurance maladie seule,
tandis que les foyers à double tarification (FDT) - désormais foyers
d’accueil médicalisé - le sont par l’assurance maladie pour la partie soins
et par le département pour la partie hébergement. Pourtant, les deux types
d’établissement accueillent souvent les mêmes catégories de personnes ;
- les maisons de retraite qui reçoivent aussi des personnes
handicapées vieillissantes sont le plus souvent des établissements
communaux ou départementaux dont les prix de journée sont fixés par les
DDASS, mais où l’hébergement est pris en charge par les départements
en cas d’insuffisance des ressources des pensionnaires. En outre,
l’assurance maladie prend en charge les dépenses des structures
médicalisées adjointes.
L’enchevêtrement des compétences domine également le secteur
du maintien à domicile des personnes handicapées ; ainsi la distinction
entre les allocations de subsistance et les allocations plus ciblées conduit
à mettre le financement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), au
demeurant gérée par les organismes de protection sociale, à la charge de
l’État et celui de l’allocation compensatrice à la tierce personne (ACTP) à
69
) Cf. rapport public particulier sur « la décentralisation en matière d’aide sociale »
de décembre 1995.
60
C
OUR DES COMPTES
la charge du département, bien que de cette dernière soit attribuée par une
structure étatique, la COTOREP.
L’allocation
personnalisée
d’autonomie
(APA),
appelée
à
bénéficier à un nombre croissant de personnes handicapées, illustre
également la réapparition des financements croisés, puisque sa charge est
supportée pour deux tiers par les départements et pour un tiers par le
fonds de financement de l’APA
70
; elle est attribuée par le président du
conseil général après avis d’une commission spécialisée et versée par les
caisses régionales d’assurance maladie.
A l’action de l’État, des départements et des organismes de
sécurité sociale s’ajoute celle des communes et de leurs centres d’action
sociale (CCAS), particulièrement importante dans le domaine des aides
individuelles, des gardes à domicile et du portage des repas, en l’absence
souvent de cadre légal ou réglementaire.
B
–
Conséquences pour les personnes handicapées et
pour la gestion du système
La répartition des compétences s’est effectuée principalement
selon des critères administratifs et juridiques, et non selon des critères
fonctionnels, alors qu’il eût été souhaitable de prendre en compte les
besoins des personnes handicapées. Bien que la notion de « guichet
unique » soit aujourd’hui unanimement prônée, c’est l’évolution inverse
qui a été constatée dans le domaine du handicap.
Les conséquences de cette dispersion des responsabilités sont
d’abord graves pour le public intéressé qui est particulièrement fragile :
une même personne handicapée a couramment besoin à la fois de soins,
d’un hébergement et d’une orientation professionnelle.
La multiplicité des prestataires de services et des modes de
financement risque de plus de conduire à des orientations et des
placements inadéquats, effectués en fonction de soucis financiers et des
capacités disponibles plutôt que des besoins des bénéficiaires. Au surplus,
ce cloisonnement de l’offre se prête mal à l’évolution de la situation
professionnelle et sanitaire de la personne handicapée, en diminuant les
chances d’adaptation.
70
) Etablissement public national dont les recettes proviennent d'une contribution
versée par l'ensemble des régimes obligatoires d'assurance vieillesse et de 0,1 point du
produit de la contribution sociale généralisée (CSG).
L
ES STRUCTURES ET LES ACTEURS
61
A ces sources d’inégalités s’ajoute la tentation pour les différents
partenaires d’éviter des transferts de charge à leurs dépens en limitant le
développement de leurs capacités d’accueil et des prestations qu’ils
distribuent.
Enfin et surtout, l’excessive complexité d’un dispositif peu lisible
est préjudiciable à une gestion efficace des moyens affectés à la politique
du handicap dans son ensemble.
En 1995, la Cour avait déjà relevé que le recentrage de l’État sur
des attributions résiduelles avait entraîné un appauvrissement des moyens
de suivi et d’analyse des administrations centrales et souligné que celles-
ci ne disposaient plus de remontées d’information des DDASS sur la mise
en œuvre des politiques sociales au plan local, sauf pour des dossiers
d’une gravité ou d’une urgence particulière.
Aucun progrès ne paraît avoir été réalisé depuis. La présente
enquête a conduit à constater à nouveau l’absence de tout système
statistique véritablement organisé, tant au niveau local qu’au niveau
central, et les limites d’une informatique qui ne fait remonter à
l’administration centrale que des données élémentaires de gestion et non
des informations pertinentes sur les actions menées ou sur leurs résultats.
Les échanges d’information sont, le plus souvent, insuffisants entre
services déconcentrés de l’Etat, départements et organismes de sécurité
sociale, malgré des exemples locaux de bonne coopération.
De cette absence de concertation et de bases d’information et de
réflexion fiables, la Cour avait, lors de sa précédente enquête, conclu à
l’impossibilité partagée de faire des prévisions financières solides et de
contrôler l’évolution du coût de la politique d’aide sociale dans son
ensemble ; les erreurs d’évaluation sur le coût de l’APA et les difficultés
actuelles de son financement montrent que ces conclusions sont toujours
d’actualité.
Ces observations valent également pour les équipements. Faute
d’études convaincantes, appuyées sur une analyse précise des besoins, la
concertation est limitée entre services déconcentrés de l’Etat et services
centraux. Il résulte en outre des réponses aux questionnaires de la Cour
lancés dans le cadre de la présente enquête que les départements sont loin
d’avoir encore tous établi les schémas départementaux du handicap
71
malgré la prise de conscience progressive de la nécessité d’une action
résolue et cohérente dans ce domaine, en particulier pour faire face au
vieillissement de cette population.
71
) Au moins 14 ne l'avaient pas fait au 2
ème
semestre 2002.
62
C
OUR DES COMPTES
Faute d’être accompagnée de la mise en place de procédures de
remontée d’informations et de contrôle ainsi que des moyens d’étude
adéquats, la décentralisation s’est traduite en ce domaine, au-delà de la
dilution des responsabilités, par un certain désordre technique et
administratif.
III
–
Le rôle du secteur associatif
Les associations ont eu, dès l’origine, un rôle important dans la
prise en charge des besoins des personnes handicapées
72
: elles ont
souvent suppléé les carences des administrations, et de nombreuses
associations gestionnaires d’établissements ont eu un rôle pionnier.
Des délégations en leur faveur, élargies à la gestion de missions de
service public, ont été observées dans de nombreux départements. De
telles pratiques aboutissent à des résultats contrastés : elles peuvent
conduire à une plus grande efficacité en raison de l’expérience des acteurs
associatifs ; elles donnent parfois lieu à des dérives lorsque les services
déconcentrés sont privés de toute information sur les conditions
d’exercice des missions qu’ils délèguent.
A
–
La part du secteur associatif
Malgré un certain essoufflement, les associations ont acquis une
place souvent prépondérante dans l’offre de prestations en faveur des
personnes handicapées, l’État se trouvant plutôt en situation d’appui
méthodologique et de conseil et ses contraintes budgétaires étant mal
acceptées.
Les associations de parents de personnes handicapées – et parfois
de personnes handicapées elles-mêmes – qui sont gestionnaires
d’établissements comptent parmi les plus nombreuses du milieu
associatif, tant par le nombre de leurs adhérents et des établissements
qu’elles gèrent que par le rôle historique qu’elles ont assumé dans
l’impulsion des politiques publiques.
72
) Elles sont habilitées aussi à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui
concerne les discriminations commises au préjudice d’une personne à raison de son
handicap (art. 225-1 du code pénal et 2-8 du code de procédure pénale, issus de la loi
n° 89-18 du 13 janvier 1989).
L
ES STRUCTURES ET LES ACTEURS
63
Nombre d’établissements accueillant
des personnes handicapées
Secteur
1988
1990
1992
1994
1996
1998
Public
783
820
848
923
964
1 035
Privé
7 243
7 730
8 090
8 593
9 051
9 267
Total
8 026
8 550
8 938
9 516
10 015
10 302
Source : DREES – Enquête ES 2000.
En 1998, les établissements gérés par des organismes privés
formaient 89,9 % du total
73
. Ils offraient 87,5 % des places (387 739)
contre 12,5 % dans des organismes et établissements publics ; ils
employaient 84,7 % des effectifs (174 738 équivalents temps plein)
contre 15,3 % (31 637 ETP) dans des organismes et établissements
publics.
Des associations ou fédérations d’associations gestionnaires
occupent une place particulière. Ainsi, dans le secteur du travail protégé,
l’Association des paralysés de France (APF) et l’Union nationale des
associations de parents et amis de personnes handicapées mentales
(UNAPEI) gèrent à elles deux 40 % des CAT et plus de la moitié des
capacités d’accueil des 1 200 CAT, ainsi que plus du quart des
465 ateliers protégés et près du tiers des places.
L’UNAPEI
L’Union nationale des associations de parents et amis de personnes
handicapées mentales (UNAPEI), dont la Cour a examiné différentes
opérations (voir chapitre 12), a été reconnue d’utilité publique par décret
du 30 août 1963.
Elle
indique
qu’elle
fédère
750
associations
locales,
départementales et régionales, qui regroupent 62 000 familles, gèrent
2 700 établissements et services spécialisés qui emploient eux-mêmes
65 000 salariés pour accueillir et accompagner 180 000 personnes
handicapées mentales. Elle compte 85 associations tutélaires qui assurent
la protection juridique de 30 000 personnes adultes.
L’UNAPEI anime le Comité d’entente des 57 organisations
nationales représentatives des personnes handicapées et des parents
73
) Gérés pour 89,9 % par des organismes à but non lucratif : associations (86,2 %),
fondations (1,4 %), congrégations (0,5 %), autres organismes (1,8 %).
64
C
OUR DES COMPTES
d’enfants handicapés. Elle siège notamment au conseil de surveillance des
trois caisses nationales et au conseil d’administration de la CNAF.
La Cour mesure tout ce que l’action des parents et amis de
personnes handicapées mentales regroupés par l’UNAPEI et ses
associations régionales et départementales a apporté à la cause de ces
personnes et aussi à la réflexion des responsables dans les administrations
publiques des actions en leur faveur.
Le contrôle effectué sur certaines de ses opérations a fait apparaître
néanmoins que l’association est confrontée à plusieurs difficultés : un
tassement sensible du nombre de ses adhérents, l’absence de définition
claire des engagements réciproques de l’union et des associations affiliées,
au plan départemental (ADAPEI) ou régional (URAPEI), le retard avec
lequel elle a entrepris d’adapter son organisation à la répartition des
compétences au niveau décentralisé, le poids d’actions engagées dans une
période déjà ancienne et dans un contexte qui a changé pour la
présentation et la gestion de contrats d’assurance de groupe (la « rente-
survie »).
Les enjeux sont doubles. L’UNAPEI fonctionne comme une
fédération bridée par l’autonomie des associations affiliées qui ont des
pratiques diversifiées. Cette organisation constitue un obstacle à l’unité du
mouvement et ne permet pas toujours à l’union de veiller à l’observation
de règles déontologiques
74
. C’est pourquoi son congrès d’octobre 2002 a
adopté une charte éthique et déontologique des associations membres qui
prévoit une possibilité d’arbitrage en cas de conflit.
En second lieu, le tassement de l’effectif d’adhérents s’accompagne
d’une évolution sociologique du militantisme qui touche aussi bien les
adhérents des associations que leurs responsables : une nouvelle
génération de parents n’entend plus consacrer tout son temps libre à
l’action associative, et privilégie les aspects techniques de l’accueil et de
l’accompagnement. Parallèlement, l’accent mis sur l’approche par
pathologie plutôt que sur l’approche sociale du handicap mental réduit
l’influence des mouvements « généralistes » comme l’UNAPEI.
L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés
sanitaires et sociaux (UNIOPSS) ne gère pas d’établissements, mais joue
un rôle d’aide, de conseil, de soutien et de coordination des actions,
initiatives et propositions des organismes associatifs des secteurs
sanitaire, médico-social et social, qui décident d’adhérer à cette structure.
74
) Des faits très graves (mauvais traitements à personnes handicapées et viols) ont
été constatés dans des établissements relevant d’une ADAPEI (2 CAT, un foyer et un
IME). Les rapports établis par la DDASS concernée en 2000 et 2001 ont fait
apparaître, en outre, une situation financière préoccupante de l'ADAPEI qui a conduit
le préfet à lui imposer de présenter un plan de redressement.
L
ES STRUCTURES ET LES ACTEURS
65
Elle constitue aussi un lieu de réflexion et de représentation des
associations concernées, notamment auprès des pouvoirs publics
nationaux et locaux.
B
–
Les relations entre les administrations chargées du
handicap et les associations
L’État et ses services déconcentrés font de plus en plus appel aux
associations, ce qui impose de rechercher des modes équilibrés de
relations tant financières qu’institutionnelles.
Les relations financières entre les deux parties se régulent de plus
en plus par le contentieux de la tarification. Les associations hésitent de
moins en moins à saisir les juridictions compétentes - les tribunaux
interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale - pour faire trancher
des différends assez fréquents avec l’administration. Compte tenu de la
relative faiblesse du dispositif réglementaire et conventionnel, le
jugement des recours exercés est souvent défavorable à l’administration.
Plusieurs facteurs expliquent cette dégradation :
- les avenants conventionnels en matière de personnel agréés au
plan national ne sont pas toujours intégralement appliqués au plan local.
Il en résulte un certain discrédit de la parole de l’Etat ;
- quand
elle
procède
à
des
abattements
budgétaires,
l’administration ne peut pas, dans tous les cas, s’appuyer sur les
contraintes fixées par des « enveloppes » nationales et régionales. La loi
du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale apporte
toutefois une novation susceptible de renforcer la position ainsi que
l’argumentation des services de l’Etat dans les négociations budgétaires.
Le représentant de l’Etat dans le département peut désormais modifier le
montant global des recettes et dépenses prévisionnelles imputables tant
aux prestations prises en charge par l’assurance maladie qu’à celles qui
sont assurées par l’aide sociale de l’Etat, pour tenir compte des dotations
régionales ou départementales découlant du montant limitatif inscrit dans
la loi de finances initiale pour l’aide sociale de l’Etat ou de l’objectif
national de dépenses d’assurance maladie voté par le Parlement. Cette
réforme nécessite d’être explicitée et complétée par des textes
réglementaires qui n'ont pas encore été publiés ;
- les choix effectués privilégient le plus souvent la création de
places pour les enfants et les adultes plutôt que l’amélioration du
fonctionnement des structures existantes. Une analyse de leurs effets
exacts supposerait une expertise, à laquelle il n’a pas encore été procédé,
66
C
OUR DES COMPTES
de la notion de coût moyen observé dans les établissements présentant des
indicateurs d’activité similaires ;
- enfin, la gestion régionale des enveloppes et l’absence de marges
de manœuvre départementales ne permettent plus de procéder, même de
façon limitée, à une utile régulation départementale.
Les associations s’efforcent d’entretenir avec l’État et ses services
déconcentrés des relations institutionnelles satisfaisantes. Au plan
départemental toutefois, ce partenariat est perturbé par les négociations
budgétaires et par les nombreuses contestations qui en découlent : très
souvent, l’État et ses services sont d’abord considérés comme les
détenteurs de moyens budgétaires, dans une logique de moyens de
pression.
Lors même qu’il s’agit en fait d’une mission de service public
déléguée aux associations, il n’est pas certain que celles-ci admettent que
cette délégation soit organisée par l’Etat, autorité délégante. Pour sa part,
l’État ne dispose pas actuellement des outils appropriés pour fixer et faire
respecter le contenu et les limites de cette délégation. L’inscription de ces
procédures dans une globalisation plus large et dans un cadre pluriannuel
paraît souhaitable.
IV
–
Les instances de concertation
Outre le conseil supérieur pour le reclassement professionnel et
social des travailleurs handicapés placé auprès du ministre chargé du
travail
pour
l’assister
dans
sa
politique
en
matière
d’insertion
professionnelle des personnes handicapées, le dispositif de concertation
repose essentiellement sur les conseils consultatifs des personnes
handicapées ; la loi d’orientation du 30 juin 1975 prévoyait ainsi que le
comité interministériel chargé de la coordination en matière d’adaptation
et de réadaptation serait « assisté d’un conseil national consultatif des
personnes handicapées (CNCPH) […] comprenant des représentants des
associations et organismes publics et privés concernés ».
Depuis 1975, les deux réunions annuelles de ce conseil prévues par
les textes n’ont pas été régulièrement tenues. En revanche, certaines
années, le CNCPH s’est réuni plus souvent. Contrairement à sa mission, il
n’a pas émis d’avis, ni produit de rapport annuel.
Dans la décennie qui a suivi sa création, le CNCPH a
principalement porté son attention sur des problèmes fondamentaux qui
n’ont pas encore trouvé de réponse définitive, comme celui des
L
ES STRUCTURES ET LES ACTEURS
67
COTOREP et des CDES. Dès le début des années 1980, la question des
aides techniques a également été soulevée devant lui, ainsi que celles de
la prévention du handicap, du rôle du ministère de l’éducation nationale
dans la réalisation de l’obligation éducative, de la formation du personnel,
de l’annonce du handicap, des personnes polyhandicapées et du
vieillissement des personnes handicapées.
Du milieu des années 1980 au milieu des années 1990, le conseil a
consacré l’essentiel de ses réunions à accompagner les évolutions
législatives et réglementaires en apportant notamment son éclairage sur
les textes adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de
compétence en matière d’aide sociale et de santé, la mise en place d’un
programme
expérimental
d’hébergement
pour
adultes
lourdement
handicapés avec une double tarification, ou la loi imposant un taux
d’emploi des travailleurs handicapés.
Dans la dernière période, l’activité de proposition et de critique du
CNCPH semblait plus atténuée. L’activité du conseil paraissait être
davantage celle d’un forum devant lequel étaient exposés les plans
d’action pluriannuels et présentés des rapports. Il faut toutefois noter
qu’en 2003, le CNCPH a participé activement aux réflexions sur la
rénovation de la loi d’orientation du 30 juin 1975.
La loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a consolidé le
rôle et la place du CNCPH qui « assure la participation des personnes
handicapées à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques les
concernant » et qui « veille aux bonnes conditions nécessaires à l’exercice
de la fonction de coordination dévolue […] aux conseils départementaux
consultatifs des personnes handicapées »
75
.
La loi crée, en effet, des conseils départementaux consultatifs des
personnes handicapées (CDCPH) chargés de donner un avis et de
formuler des propositions « sur les orientations de la politique du
handicap dans tous les domaines de la vie sociale et sur les mesures à
mettre en œuvre au plan local pour assurer la coordination des
interventions de tous les partenaires institutionnels ou associatifs ».
Chaque conseil départemental est chargé de réaliser, dans un délai de
deux ans, « un recensement du nombre de personnes handicapées résidant
dans le département et de la nature de leur handicap ».
Par ailleurs, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé charge le CNCPH « d’évaluer la
75
) Art. 55 de la loi n° 2002-73 introduisant un chapitre VI, "consultation des
personnes handicapées", au titre IV du code de l'action sociale et des familles
(art. L. 146-1 et L. 146-2).
68
C
OUR DES COMPTES
situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en
France et des personnes handicapées de nationalité française établies hors
de France prises en charge au titre de la solidarité nationale, et de
présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au
Gouvernement, visant à assurer, par une programmation pluriannuelle
continue, la prise en charge de ces personnes »
76
.
Le décret du 27 novembre 2002 fait des conseils départementaux
une structure de concertation
77
. Coprésidés par le préfet et le président du
conseil général, ils assurent une triple représentation : des services
déconcentrés de l’Etat et des collectivités territoriales, des associations de
personnes handicapées et de leurs familles, des professions de l’insertion.
Il conviendra de prendre les dispositions nécessaires pour que les conseils
départementaux
ne
deviennent
pas
une
nouvelle
stratification
administrative s’ajoutant aux COTOREP, aux CDES, aux groupes
« Handiscol’ » et aux comités départementaux des sites pour la vie
autonome
mais
qu’ils
permettent,
au
contraire,
une
réflexion
territorialisée sur la politique du handicap.
___________________
RECOMMANDATIONS
__________________
- Pour remédier à l’appauvrissement des informations de l’État
résultant de la dispersion des responsabilités entre administrations de
l’État et collectivités territoriales, donner la priorité à l’établissement des
schémas départementaux du handicap prévus par la loi du 2 janvier
2002,
ce
qui
implique
la
mise
en
place
rapide
des
comités
départementaux consultatifs des personnes handicapées.
- Puisque le choix a été récemment confirmé de confier une
mission d’animation et de coordination en la matière à la fois à une
direction générale d’administration centrale (la DGAS) et à un délégué
interministériel placés sous l’autorité d’un secrétariat d’État spécifique,
celui-ci devrait, pour la révision de la loi d’orientation de 1975, pouvoir
assurer pleinement l’association des différents partenaires concernés,
principe de base posé par l’article 1
er
de cette loi.
76
) Loi n° 2002-303, art. 1
er
, alinéa III.
77
) Décret n° 2002-1388 du 27 novembre 2002, qui organise le CNCPH en
confirmant que son secrétariat reste assuré par la DGAS.
69
Deuxième partie
La situation de handicap aux
différents âges de la vie
71
Chapitre IV
Le jeune enfant handicapé
72
C
OUR DES COMPTES
Prévenir les handicaps, comme l’impose dès ses premiers mots la
loi de 1975, c’est d’abord mettre en œuvre les moyens pour empêcher
leur apparition : faire diminuer la fréquence des maladies susceptibles de
produire des handicaps, par exemple la poliomyélite ou la rubéole au
moyen de la vaccination ; ou encore réduire les risques d’accidents du
travail ou de la route.
C’est ensuite prendre en charge les handicaps dès leur apparition,
de façon à les enrayer, ou à en réduire les conséquences : diagnostiquer
de façon précoce les troubles autistiques ou la luxation congénitale de la
hanche, par exemple.
C’est enfin, après stabilisation du handicap, éviter les rechutes,
réduire les incapacités et les désavantages. La direction générale de
l’action sociale a indiqué lors de l’enquête que la prévention du handicap
« englobe l’éducation spéciale qui vise à la prévention des incapacités (et
des désavantages qui en résulteraient) et l’action sociale et médico-sociale
qui vise à la prévention des restrictions de partiticipation sociale des
personnes, comme le souci d’une action précoce auprès de jeunes
enfants ».
La Cour n’a pas étudié l’ensemble du champ de la prévention des
handicaps. Elle a examiné, d’une part, les mesures relatives à une maladie
- la trisomie 21, anomalie chromosomique la plus fréquente - et, d’autre
part, la prise en charge des handicaps par les centres d’action médico-
sociale précoce.
I
–
La naissance de l’enfant handicapé
Définitions de la prévention
Art. L. 1417-1 du code de la santé publique issu de la loi du
4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de
santé.
« La politique de prévention a pour but d’améliorer l’état de santé
de la population en évitant l’apparition, le développement ou l’aggravation
des maladies ou accidents et en favorisant les comportements individuels
et collectifs pouvant contribuer à réduire le risque de maladie.
« La promotion de la santé donne à chacun les moyens de protéger
et d’améliorer sa propre santé.
L
E JEUNE ENFANT HANDICAPÉ
73
« La politique de prévention et de promotion de la santé s’exerce à
travers des actions individuelles et collectives, tendant notamment :
« 1° A entreprendre des actions de prophylaxie et des programmes
de vaccination et de dépistage des maladies, des handicaps ou des facteurs
de risques ;
« 2° A promouvoir le recours à des examens biomédicaux et des
traitements à visée préventive. »
Art. L. 2131-1 du code de la santé publique issu de la loi du 29
juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du
corps humain, à l’assistance médicale à la procrétation et au diagnostic
prénatal.
« Le diagnostic prénatal
s’entend des pratiques médicales ayant
pour but de détecter
in utero
chez l’embryon ou le fœtus une affection
d’une particulière gravité. (…) »
A
–
Le diagnostic prénatal
Ce diagnostic n’est possible que pour un nombre limité de
maladies.
Certaines anomalies chromosomiques (par exemple la trisomie 21)
ou certaines malformations congénitales (par exemple l’anencéphalie ou
le spina bifida), qui ne sont pas héréditaires, peuvent être diagnostiquées
in utero
, car l’on dispose de techniques suffisamment simples pour mettre
en œuvre des mesures collectives de diagnostic (par exemple au moyen
de l’échographie à ultra-sons).
Les maladies génétiques héréditaires sont des maladies rares pour
la plupart, très graves pour certaines (par exemple l’hémophilie, la
mucoviscidose ou la myopathie). En cas d’antécédent familial, elles
peuvent faire l’objet d’un conseil génétique, dont l’objectif est de
communiquer aux patients, aux parents ou aux familles les informations
et les possibilités de choix relatives à un test génétique, et, pour certaines,
d’un diagnostic prénatal.
S’agissant des retards mentaux, un colloque organisé par
l’INSERM, en janvier 2001 présentait en ces termes le rapport entre les
tests génétiques et le retard mental :
« Plusieurs
dizaines
d’anomalies
chromosomiques
ont
été
impliquées dans les retards mentaux depuis la découverte de la trisomie
74
C
OUR DES COMPTES
21, il y a une quarantaine d’années. […] Pendant longtemps, ces retards
mentaux ont été attribués aux souffrances périnatales ainsi qu’aux
fœtopathies toxiques ou infectieuses. On estime aujourd’hui que des
anomalies génétiques sont responsables de 30 à 40 % des retards mentaux
de cause connue, et de 10 % de l’ensemble de ces retards. Identifier la
composante génétique lorsqu’un enfant est atteint de retard mental
apporte aux parents les réponses dont ils ont besoin sur la cause, le
pronostic, le traitement, et le risque de récurrence chez un autre enfant du
couple (…). »
Les causes du retard mental restent toutefois inexpliquées dans une
large mesure, et la question de sa prévention est donc particulièrement
difficile. La trisomie 21 est actuellement la seule pathologie à faire l’objet
d’un dépistage systématique.
Le dépistage de la trisomie 21
La trisomie 21 n’est pas une maladie rare. Elle concerne en France
une population de 50 000 à 60 000 personnes, dont l’espérance de vie est
passée, en quinze ans, de 25 à 49 ans.
Elle touchait environ un fœtus sur 600 à 700 en 2000. Le facteur de
risque quasi exclusif est le vieillissement maternel. Il se traduit par une
augmentation de la conception d’enfants trisomiques avec l’âge.
Entre 1980 et 1990, les statistiques de l’INSERM montraient que le
nombre de caryotypes fœtaux (décompte des chromosomes après ponction
du liquide amniotique permettant de savoir si l’enfant est trisomique) avait
quintuplé, passant de 5 000 à 25 000 actes. Mais, dans le même temps, le
nombre d’enfants trisomiques nés vivants restait pratiquement stable.
La réflexion menée à partir de cette distorsion a posé la question du
financement d’un dépistage plus systématique. Initialement mise en œuvre
dans un cadre associatif, la prise en charge financière du diagnostic
prénatal des anomalies congénitales a été réglée en 1991 par l’inscription
du caryotype fœtal dans la nomenclature de biologie médicale. Le
dépistage de la trisomie 21 rentrait alors dans une logique de soins, le
remboursement de l’amniocentèse était réservé aux femmes enceintes
âgées de 38 ans ou plus.
A dater de janvier 1997, après l’arrivée sur le marché de nouveaux
tests sériques, toutes les femmes enceintes se sont vu proposer un
dépistage des anomalies chromosomiques par dosage de marqueurs
biologiques dans le sang maternel, avec prise en charge du remboursement
de l’amniocentèse en cas de résultats positifs. La France était le premier
pays européen à offrir un tel dépistage à toutes les femmes enceintes, à
l’échelon national. Selon la direction générale de la santé, 85 434
caryotypes fœtaux ont été réalisés en 1999. Ces mesures ont permis de
L
E JEUNE ENFANT HANDICAPÉ
75
dépister 1 405 trisomies 21 et ont conduit à une diminution sensible des
naisances d’enfants trisomiques (voir ci-après).
Le diagnostic prénatal, qui a pour but de détecter « une affection
d’une particulière gravité », et pour laquelle aucun traitement n’est
disponible en l’état actuel des connaissances, peut conduire les femmes à
choisir de recourir à une interruption médicale de grossesse. Telle est la
situation la plus fréquemment observée en cas de trisomie 21, en France
et dans la plupart des pays européens où la loi le permet.
L’impact du diagnostic prénatal de la trisomie 21 apparaît dans les
statistiques sur les naissances d’enfants avec l’anomalie. Malgré la
tendance générale en Europe à l’élévation de l’âge des mères, et donc à
l’accroissement du risque, une diminution très sensible des naissances
d’enfants trisomiques est constatée sur quinze ans, dans certains pays.
Evolution des naissances d’enfants trisomiques 21
(sur 10 000 naissances)
1974
1979
1980
1984
1985
1989
1990
1994
1995
1999
Angleterre et Pays de Galles
7,01
7,8
6,7
5,4
5,7
Espagne
14,4
15,2
12,7
11,1
Finlande
5,9
8,9
8,6
13,2
11,2
France*
11,3
12,0
11,1
10,1
7,3
Hongrie
8,9
8,2
8,3
7,6
5,1
Irlande
18,2
19,2
20,8
22,7
Italie
13,7
14,5
11,1
8,8
Norvège
9,8
9,8
11,3
9,9
10,6
Pays-Bas
9,8
12,9
9,4
9,8
République Tchèque
8,4
8,2
6,9
7,2
6,2
* Registres des malformations congénitales du Bas-Rhin, du Centre-Est et de Paris
Source : réseau international de surveillance des malformations congénitales
L’INSERM a indiqué à la Cour au cours de l’instruction que
l’extrapolation de ces données à la France entière et des calculs plus
récents font ressortir les naissances vivantes d’enfants trisomiques à 357
en 1999.
Selon la direction générale de la santé, le coût du dépistage de la
trisomie 21 (marqueurs sériques, amniocentèses, analyse des caryotypes,
76
C
OUR DES COMPTES
échographies) auprès de 515 118 patientes (soit 76,6 % des grossesses de
l’année) se serait élevé à 97,48 M€ en 1999.
B
–
Les limites de la prévention et du dépistage du
handicap mental
Selon un « rapport d’étape » sur le dépistage de la trisomie 21 à
l’aide des marqueurs sériques maternels, établi en décembre 1996 à la
demande du ministre du travail et des affaires sociales et du secrétaire
d’Etat à la santé et à la sécurité sociale, « la logique du dépistage prénatal
de la trisomie 21 par les marqueurs sériques maternels s’inscrit dans une
stratégie de proposition systématique au plus grand nombre de femmes
enceintes. C’est donc un examen destiné à devenir un examen de masse. »
Pour éviter les dérives eugéniques, le rapport proposait deux types
de réponses, l’une axée sur l’équilibre indispensable à préserver entre le
diagnostic et la recherche, l’autre portant sur l’information de la femme.
S’agissant de la recherche sur la trisomie 21, la base de données
ORPHANET, gérée par la direction générale de la santé et l’INSERM,
faisait apparaître en 2002 que 72 laboratoires de diagnostic et plus de
100 centres de conseil génétique étaient concernés, mais qu’il n’existait
que 6 projets de recherche à ce sujet dont aucun n’était directement à
visée thérapeutique
78
. La direction générale de la santé a indiqué au cours
de l’instruction que « si l’on exclut les équipes de chercheurs qui
travaillent sur le dépistage de la trisomie 21 proprement dit et les facteurs
épidémiologiques associés à cette pathologie », elle n’a « connaissance
d’aucune équipe dédiée spécifiquement à la relation entre trisomie 21 et
retard mental »
79
.
Le rapport d’étape de décembre 1996 préconisait d’autre part que
le choix de la femme enceinte à l’égard des différents maillons de la
chaîne marqueurs sériques/amniocentèse/IMG fût « particulièrement et
complètement éclairé ». La direction générale de la santé souligne que
« les conditions réglementaires actuelles de la pratique du DPN imposent
une consultation préalable » et que cette disposition participe à une large
78
) S’agissant du retard mental, l’INSERM a précisé que 18 de ses structures
développaient en 2002 des thématiques de recherche se rapportant au dépistage des
anomalies anténatales, à la surveillance périnatale, à la prise en charge sociale ou
rééducative des enfants avec un handicap mental et à la compréhension des
aberrations génétiques et de la physiopathologie du retard mental.
79
) La DGS précise que les seules recherches cliniques sur la trisomie 21 sont menées
et diffusées par une fondation privée et trois équipes hospitalières.
L
E JEUNE ENFANT HANDICAPÉ
77
diffusion de l’information. Une circulaire d’avril 2002
80
énonce les
principes qui doivent guider l’accompagnement des parents lors de
l’annonce pré ou post-natale d’une maladie ou d’une malformation, et la
formation des professionnels.
Les naissances d’enfants dont le handicap n’a pas été découvert, en
l’absence de diagnostic ou du fait d’erreurs peuvent être à l’origine de la
mise en jeu de la responsabilité médicale confirmée par les six arrêts de la
jurisprudence dite « Perruche » de la Cour de cassation en 2000 et 2001.
Arrêt Perruche
L’arrêt rendu le 17 novembre 2000 par la Cour de Cassation fait
suite au recours en responsabilité formé par un enfant né handicapé des
suites d’une maladie non décelée lors d’un dépistage prénatal. Cet arrêt
pose le principe selon lequel l’enfant né handicapé peut être indemnisé dès
lors qu’une faute médicale a empêché sa mère de recourir à une
interruption volontaire de grossesse. En effet, la Cour de Cassation le
reconnaît comme tiers au contrat institué entre la mère et le médecin.
Une telle décision pouvait laisser supposer l’existence d’un droit
subjectif « à ne pas naître ». En outre, elle a semblé à certains
commentateurs remettre en cause la décision des parents qui ont accepté
d’accueillir un enfant handicapé, plutôt que de recourir à une interruption
volontaire de grossesse. L’arrêt susvisé de la Cour de Cassation et les cinq
qui l’ont suivi en juillet et novembre 2001 ont mis en évidence la faiblesse
de la prise en charge des personnes handicapées par la collectivité.
Les réactions suscitées par cette jurisprudence ont entraîné
l’intervention du législateur. Ainsi le titre premier de la loi du 4 mars 2002
relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé porte sur
« la solidarité envers les personnes handicapées » et vise à pallier les
déficiences de l’aide sociale face aux dépenses considérables liées au
handicap. Il y est indiqué que « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du
seul fait de sa naissance ». Le droit à réparation de l’enfant n’est reconnu
que si l’acte médical fautif « a provoqué directement le handicap ou l’a
aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de
l’atténuer ». Les parents d’un enfant né avec un handicap non décelé
pendant la grossesse « à la suite d’une faute caractérisée » peuvent
demander une indemnité « au titre de leur seul préjudice », mais la
compensation du handicap « relève de la solidarité nationale ».
80
) Circulaire n° 2002-269 du 18 avril 2002 de la ministre déléguée à la famille, à
l’enfance et aux personnes handicapées et du ministre délégué à la santé.
78
C
OUR DES COMPTES
II
–
Les centres d’action médico-sociale précoce
Les examens systématiques de santé, notamment de prévention
maternelle et infantile, et le bilan de santé effectué avant l’entrée à l’école
primaire par les médecins et infirmières de l’éducation nationale ont pour
objectif de dépister et signaler aux parents d’éventuels problèmes qui
seraient jusqu’alors passés inaperçus. En 1999, une enquête réalisée dans
ce cadre a montré que la couverture vaccinale pour la vaccination
rougeole-oreillons-rubéole reste proche de 90 %, et que les difficultés,
retards ou troubles du langage des enfants de 6 ans sont
plus fréquents
chez les garçons et en zones d’éducation prioritaire.
L’action médico-sociale précoce repose sur différentes structures :
centres médico psycho-pédagogiques (CMPP), insituts médico-éducatifs
(IME) instituts de rééducation, services d’éducation spéciale et de soins à
domicile ( SESSAD). Mais le dispositif essentiel pour le dépistage du
handicap, prévu par la loi de 1975, est celui des centres d’action médico-
sociale précoce (CAMSP) : la place du handicap mental (17,9 %) et
psychique (32,2 %) y est grande chez les enfants accueillis. Ces centres,
gérés à 71,6 % par des associations et le plus souvent d’initiative privée,
sont les seules structures à avoir pour objet le dépistage, le traitement et la
rééducation en cure ambulatoire des enfants handicapés de moins de six
ans qui présentent des déficiences sensorielles, motrices ou mentales.
Exerçant des actions préventives, spécialisées ou polyvalentes, ils
assurent également une guidance familiale dans les soins et l’éducation
spécialisée requis par l’enfant.
L’enfant est orienté vers le CAMSP par l’hôpital, le médecin, la
protection maternelle et infantile, l’école, ou les services de promotion de
la santé en faveur des élèves.
Leur double vocation de dépistage et de traitement induit un
partage du financement de leurs dépenses de fonctionnement : il est pris
en charge à la fois par les départements (20 %) au titre des dépenses de
protection maternelle et infantile (PMI) et par l’assurance maladie
(80 %)
81
.
Un rapport sur l’action médico-sociale précoce, commandé par la
direction générale de la santé fin 1992 et achevé en août 1996, a tenté de
rapprocher l’offre de soins des besoins de la population de la prime
81
) La tarification est arrêtée conjointement par le représentant de l’Etat dans le
département et le président du conseil général après avis de la caisse régionale
d’assurance maladie (art. L. 314 § IV du code de l’action sociale et des familles issu
de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale).
L
E JEUNE ENFANT HANDICAPÉ
79
enfance handicapée. Il a estimé le nombre d’enfants de 0 à 6 ans
potentiellement concernés à 76 094 pour 177 CAMSP, soit un effectif
« potentiel » de 430 enfants handicapés par CAMSP.
Son calcul était fondé sur une prévalence de 13,9 pour 1 000
naissances, mise en évidence par une enquête épidémiologique de
1979
82
, donc ancienne.
Le tableau suivant montre que l’offre de soins est sans doute loin
de pouvoir satisfaire la demande potentielle, bien que le nombre de
CAMSP soit passé de 170 à 215 entre 1990 et 1998.
Evolution des nombres de CAMSP et de patients suivis, depuis 1985
Nombre
1985
1988
1990
1992
1994
1996
1998
(1) CAMSP
137
138
170
187
197
208
215
(2) Patients
9 272
9 728
11 330
13 610
12 013
14 162
17 905
(2) / (1)
68
70
66
73
61
68
83
Source : DREES - Enquête ES
Il est toutefois difficile d’estimer le besoin en CAMSP, car aucune
donnée n’est disponible sur les listes d’attente dans ces structures.
Alors que le rapport précité de 1996 évaluait les moyens en
personnel des centres à « un peu plus de 1 400 équivalents temps plein
(ETP) », les données les plus récentes de la DREES (1998) font ressortir
un effectif de 1 302 ETP pour 215 CAMSP, soit 6 personnes (ETP) par
centre, ou encore 14 patients par agent. A la même date, l’effectif médical
représentait 92,8 ETP dont près de la moitié de psychiatres ; les 215
centres disposent donc chacun de 0,43 ETP médical. Ce ratio n’a pas
augmenté depuis 1988. La direction générale de l’action sociale a précisé
qu’une enquête spécifique est prévue au cours de l’année 2003 et qu’un
« logiciel performant de l’analyse des CAMSP » est en cours de mise en
place.
Reprenant une observation du rapport précité d’août 1996, la
DGAS a souligné au cours de l’instruction que « les enfants suivis dans
les CAMSP proviennent surtout des services de néonatologie (15 %), de
la PMI (14,9 %), des médecins privés (14,9 %), des pédiatres hospitaliers
(13 %), des écoles maternelles (12,6 %), des parents directement (9,8 %).
82
) Enquête épidémiologique sur les inadaptations sévères dans la population juvénile
de la région parisienne.
Neuropsychiat. Enf. Adolesc., 27, 1-2, 5-28, 1979.
80
C
OUR DES COMPTES
« Le caractère médical des CAMSP se trouve conforté par la
provenance de leurs clients […]. A l’inverse, les services sociaux et
surtout les maternités posent problème par leur méconnaissance de
l’intérêt d’une intervention précoce : ils ne représentent en effet
respectivement que 3,9 % et 1,8 % du recrutement ! »
Enfin, « les activités de dépistage concernent un peu plus de la
moitié des enfants pris en charge par les CAMSP, mais représentent
moins de 15 % de leur activité exprimée en nombre d’interventions. Les
activités de soins s’adressent à un peu moins de la moitié des enfants
suivis, mais absorbent plus de 85 % de l’activité des CAMSP en nombre
d’interventions ».
Ces observations, qui peuvent être rapprochées de l’augmentation
de 22 % de la moyenne des enfants suivis par centre, relativisent l’effort
de dépistage dans sa dimension d’« obligation nationale ».
Depuis 1998, une enveloppe de 3,05 M€ est allouée chaque année
aux CAMSP. Interrogée sur le coût global d’une place en CAMSP, la
direction générale de l’action sociale a répondu au cours de l’instruction
que « la notion de place n’est pas pertinente s’agissant des CAMSP. Les
CAMSP
sont
des
structures
ambulatoires,
qui
fonctionnent
en
consultations (actes délivrés par les personnels des CAMSP). Parler de
flux ou de file active serait davantage pertinent. Il n’en reste pas moins
que la capacité des CAMSP est identifiée sur le territoire national de
façon très disparate. Les dossiers qui passent en CROSS
83
font parfois
mention de leur capacité en évoquant soit des places, soit des files
actives, voire, pour les CAMSP les plus anciens, aucune mention de
capacité. Cette situation explique la difficulté pour les services
budgétaires de la DGAS d’identifier un coût moyen à la place pour les
CAMSP. »
La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale
prévoit la mise en place d’indicateurs financiers et de procédures
d’évaluation dont on ne peut que souhaiter qu’elle soit aussi rapide que
possible.
___________________
RECOMMANDATION
__________________
Dans les limites de sa compétence, la Cour recommande la rapide
mise en place d’un appareil statistique pertinent et fiable en ce domaine.
83
) Comité régional de l’organisation sanitaire et sociale.
L
ES LIMITES DE LA PROGRAMMATION
81
Chapitre V
L’orientation
82
C
OUR DES COMPTES
L’orientation est réalisée pour les enfants par les commissions
départementales d’éducation spéciale (CDES) qui fonctionnent selon un
système de « copilotage », avec présidence alternée de l’inspecteur
d’académie et du directeur départemental des affaires sanitaires et
sociales. Elle l’est pour les adultes par les commissions techniques
d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) « cogérées »
par les DDASS et les directions départementales du travail, de l’emploi et
de la formation professionnelle (DDTEFP).
I
–
Les commissions départementales d’éducation
spéciale (CDES)
Les CDES ont pour mission d’évaluer la situation des enfants
handicapés sur le plan éducatif et sur le plan médical. Elles reconnaissent
la situation de handicap et définissent le taux d’incapacité ; elles peuvent
attribuer une allocation d’éducation spéciale, ainsi qu’une carte
d’invalidité et décider aussi d’une orientation. Les commissions de
circonscription préélémentaire et élémentaire (CCPE) et les commissions
de circonscription du second degré (CCSD), qui sont des sections des
CDES, sont chargées, par délégation, d’orienter les enfants, notamment
vers les classes d’enseignement spécial de l’éducation nationale.
La création des CDES, instance départementale unique compétente
pour prendre les décisions en faveur des enfants et adolescents
handicapés, est l’une des dispositions fondamentales de la loi du 30 juin
1975. Leurs décisions s’imposent aux établissements mais ne peuvent être
imposées aux parents ou aux personnes responsables de l’enfant
handicapé ; elles doivent s’adapter aux modifications intervenant dans la
situation de l’enfant.
Il ressort des constatations faites au niveau des administrations
centrales compétentes (affaires sociales et éducation nationale), ainsi que
des enquêtes conduites auprès des services déconcentrés concernés
(DDASS et inspections académiques) que ces objectifs ne sont pas
toujours atteints. De sérieux dysfonctionnements ont été observés qui
affectent la qualité du service que sont en droit d’attendre les usagers.
A
–
L’organisation des CDES
La coordination médicale au sein de la CDES, et éventuellement
avec la COTOREP, demeure trop souvent insuffisante. Les palliatifs mis
en place pour remédier à l’absence de médecin coordinateur dans plus des
L’
ORIENTATION
83
deux tiers des départements se limitent trop souvent à des échanges de
documents de caractère administratif, sans prise en compte des données
médicales relatives à l’enfant handicapé.
Dans plus de la moitié des départements examinés, l’absence de
praticiens coordinateurs conduit à utiliser des solutions de substitution -
recours à des vacataires, à des médecins libéraux, à des médecins de PMI
ou à des médecins de santé scolaire - qui demeurent approximatives,
précaires et insuffisantes. Elles font, au mieux, l’objet de consolidations
ponctuelles ou aléatoires.
S’agissant des effectifs de personnel administratif, il existe de
grandes disparités entre les départements qui ne s’expliquent pas toutes
par la densité de la population et par le nombre ou la complexité des
dossiers. Elles conduisent à des différences dans les délais de traitement
des recours, qui peuvent aller de quelques mois à plusieurs années dans
les hypothèses les plus défavorables. A cette explication de caractère
quantitatif s’ajoute une autre cause, d’ordre qualitatif, qui tient à une
différence sensible du niveau de recrutement des secrétariats selon
l’administration de rattachement, les agents issus des services de
l’inspection académique relevant ainsi plus souvent des catégories A et B
de la fonction publique. Cette donnée factuelle, qui n’affecte ni la
motivation ni l’engagement professionnel des personnes mises à
disposition par les DDASS, constitue dans certains cas un facteur
d’affaiblissement du secrétariat.
Le nombre des équivalents temps plein travaillant dans les
secrétariats des CDES, en dehors des équipes techniques, était de
569 personnes en 1997-1998, en diminution de 4,3 % par rapport à
1987-1988. Les moyens en personnel sont sans lien direct avec le nombre
des enfants suivis par la CDES ; ils varient, en effet, de 0,83 à 4,13
équivalents temps plein pour 1 000 enfants dont la CDES a examiné les
dossiers (Isère et Paris, respectivement), soit un facteur 5, pour les 15
commissions ayant examiné les dossiers de plus de 3 000 enfants en
1997-1998.
84
C
OUR DES COMPTES
Moyens en personnel des 15 CDES ayant
examiné les dossiers de plus de
3 000 enfants en 1997 – 1998
DEPARTEMENT
Nbre total d’enfants
dont le dossier est
passé en CDES
Personnels en ETP
ETP/1000 enfants
Nord
9 050
16,1
1,78
Rhône
5 604
14,7
2,62
Pas-de-Calais
4 861
12,7
2,61
Gironde
4 523
11
2,43
Bouches du Rhône
4 439
13,5
3,04
Seine Saint-Denis
4 402
13
2,95
Seine-et-Marne
3 808
11,8
3,10
Seine-Maritime
3 766
10
2,66
Paris
3 509
14,5
4,13
Loire-Atlantique
3 490
8,5
2,44
Haute-Garonne
3 415
8,7
2,55
Val-de-Marne
3 170
10,6
3,34
Essonne
3 170
8,4
2,65
Isère
3 131
2,6
0,83
Val-d’Oise
3 000
10,2
3,40
Source : Calculs à partir de données DREES
L’enquête menée auprès de l’ensemble des secrétariats de CDES a
toutefois fait apparaître des constantes : l’insuffisance ou l’inadaptation
des outils informatiques, la faiblesse, voire l’inexistence, de la formation
des personnels, l’exiguïté, la vétusté de certains locaux, une accessibilité
pour les personnes handicapées qui demeure insuffisante.
B
–
La procédure suivie devant les CDES et la
protection des droits des enfants et adolescents
handicapés
Dans la plupart des départements a été constatée une assiduité
satisfaisante. Le nombre de décisions et avis rendus – près de 30 000 au
cours de l’année scolaire 2000-2001 – témoigne d’une activité soutenue
des commissions. Le nombre de dossiers examinés par séance est
toutefois variable et dépend de paramètres qui ne résultent pas toujours de
la densité de la population du département. La méthode du « traitement
L’
ORIENTATION
85
des dossiers par listes » permet ainsi d’examiner jusqu’à 200 dossiers par
séance. Des insuffisances et des disparités ont été constatées pour
l’information des parents ou des représentants légaux des enfants et leur
convocation aux séances des CDES.
Variable selon les départements - de un mois à deux ans -, le délai
moyen d’instruction des demandes ne s’explique pas toujours non plus
par des causes rationnelles et objectives.
L’enquête a fait apparaître que si l’orientation des enfants est
effectivement proposée par les membres des CDES, elle est en réalité très
souvent effectuée, d’un commun accord, par les chefs d’établissement
d’éducation spéciale, en fonction de leurs disponibilités. Il arrive qu’elle
fasse l’objet d’une liste établie par lesdits directeurs, qui est ensuite
avalisée par la CDES, parfois sans examiner les dossiers des enfants, ni
entendre les intéressés ou leurs parents.
De ce mode de fonctionnement résulte la constitution de listes
d’attente assez longues qui sont résorbées, à l’initiative des directeurs
d’établissement, à mesure que se libèrent des places sans que la CDES en
soit informée. Ce phénomène a comme conséquence que le passage par
l’enseignement adapté est la voie la plus répandue. Le comportement des
associations gestionnaires d’établissements, que leur champ d’action soit
national ou limité au département, tend, en effet, à se caractériser par des
effets de filières et de mises en réseau.
De ce fait, la capacité de l’Etat à adapter les équipements et
services aux besoins des enfants et adolescents handicapés est réduite :
l’Etat se limite, à travers la CDES, à réguler l’accès à des institutions en
nombre insuffisant dont il assure le financement mais qu’il ne gère pas et
dont il assume difficilement la maîtrise. Son information est lacunaire,
qu’il s’agisse des places disponibles en établissement, des listes d’attente,
des caractéristiques des enfants eux-mêmes, de leur devenir effectif, du
degré de satisfaction des parents ou de l’écart entre la volonté des
familles et les orientations préconisées.
86
C
OUR DES COMPTES
Le placement de personnes handicapées de nationalité française
dans les établissements belges
Selon les informations recueillies au cours de l’enquête tant auprès
de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales du Nord-Pas-de-
Calais et des DDASS de l’Aisne, de la Somme et de la Seine-et-Marne que
de la caisse régionale d’assurance maladie (CRAM) et du service médical
régional d’assurance maladie Nord-Picardie, 1 465 personnes handicapées
de nationalité française - principalement
des jeunes de moins de 18 ans
(53 %) - étaient accueillies dans 23 établissements belges conventionnés
au titre de l’assurance maladie par la CRAM au 1
er
janvier 2001 ; 1 152
d’entre elles (soit 79 %) bénéficiaient d’une prise en charge par la sécurité
sociale
française,
les
autres
étant
couvertes
par
l’aide
sociale
départementale.
Le nombre de ces placements connaît une progression continue : 48
placements supplémentaires en 2001 par rapport à 2000 (+ 3,39 %) ; en
1994, environ 1 300 personnes seulement étaient concernées. En 2001, le
total des charges supportées par la sécurité sociale à ce titre a été de l’ordre
de 38,1 M€.
Les pouvoirs publics français, ainsi que la CNAMTS, se sont
inquiétés, principalement pendant la période 1990-1996, de l’importance
prise par les placements dans des institutions belges.
Une circulaire de la CNAMTS de 1991 avait ainsi pour objectif de
les tarir progressivement par la création de structures appropriées en
France tout en donnant un rôle prépondérant au service médical de
l’assurance maladie dans les procédures de placement. Ce dispositif qui se
voulait dissuasif n’a pas eu les résultats escomptés.
Une mission de l’IGAS a fait le point sur le placement des enfants
handicapés en Belgique. Après avoir regretté la prise en charge d’enfants
dans des structures « mal connues et échappant au contrôle des pouvoirs
publics français », elle a proposé « dans le cadre du maintien inéluctable
des demandes de placements en Belgique » :
- d’attribuer une compétence particulière à la DRASS du Nord-Pas-
de-Calais et à la CRAM Nord-Picardie pour permettre à ces deux
institutions de tenir une place plus efficace en matière de placements
d’enfants handicapés en Belgique ;
- de mettre à jour les conventions passées par les structures
d’accueil avec l’assurance maladie, seules autorisées à recevoir de
nouveaux ressortissants français à compter du 1
er
janvier 1996.
Le dispositif actuellement en place s’inspire étroitement de ces
dispositions.
L’
ORIENTATION
87
La CRAM Nord-Picardie a ainsi acquis une bonne connaissance
des établissements belges et en assure le suivi.
Les structures situées en Wallonie, qui représentent la quasi-totalité
des établissements conventionnés avec l’assurance maladie française,
doivent parallèlement obtenir de l’AWIPH (Agence wallone d’intégration
des personnes handicapées) un agrément spécifique après une étude
portant sur l’ensemble de leur fonctionnement (hébergement, restauration,
modalités
d’intervention
médicales
et
para-médicales).
Tout
renouvellement de convention par la France est subordonné à l’obtention
de l’agrément de l’AWIPH.
Les placements à l’étranger sont souvent présentés comme
constituant « une solution de dernier recours » offerte par des structures
complémentaires aux équipements nationaux localement insuffisants.
Cette explication n’est que partielle, nombre de familles habitant des
départements frontaliers privilégiant dans leur choix la proximité de
l’établissement d’accueil même s’il n’est pas situé sur le territoire français.
Au 31 décembre 2000, l’origine géographique des personnes handicapées
placées en Belgique était, en effet, la suivante : département du Nord :
785 ; du Pas-de-Calais : 250 ; de la Somme : 16 ; de l’Aisne : 15 ; de
l’Oise : 37 ; région parisienne : 210 ; régions Est : 126 ; autres : 26.
C
–
L’informatisation des CDES
L’informatisation des CDES est un chantier ouvert depuis la fin
des années 1980. Les commissions sont les mieux placées pour avoir une
connaissance réelle et précise des populations d’enfants qui dépendent
d’elles. Malheureusement, elles consacrent la totalité de leurs moyens, au
demeurant limités, à la gestion prioritaire des dossiers des enfants
handicapés au détriment de la connaissance de la population prise en
charge, en raisonnant en effectifs et non pas seulement en flux, et de ses
caractéristiques socio-démographiques et médicales.
Le
système
informatique
OPALES
(outil
de
pilotage
et
d’administration locale de l’éducation spéciale), en cours d’élaboration,
devrait permettre d’utiliser des outils bureautiques modernes. Il est prévu
à terme d’informatiser également les commissions de circonscription
(CCPE et CCSD).
La première demande d’avis à la CNIL à propos du logiciel
OPALES remonte à juillet 1993, la création du traitement automatisé à
1995, celle du module médical à 1997. Compte tenu des délais de
conception, de développement de tests et de mise en place sur le terrain,
l’installation de cette nouvelle application - dont l’élaboration a été
engagée en 1992 - dans les CDES a dû être différée. La mise au point est
88
C
OUR DES COMPTES
maintenant prévue pour juin 2003, le déploiement sur le terrain l’est pour
la fin 2003. Ce retard est regrettable, compte tenu de la vétusté de l’actuel
dispositif.
II
–
Les commissions techniques d’orientation et
de reclassement professionnel (COTOREP)
Les COTOREP fonctionnent selon un système de "cogestion",
piloté par la DDTEFP pour la première section qui reconnaît la qualité de
travailleur handicapé, évalue sa capacité professionnelle, se prononce sur
son reclassement et l’oriente vers une filière professionnelle appropriée et
par la DDASS pour la deuxième section qui évalue le taux d’incapacité,
attribue la carte d’invalidité, accorde des allocations et peut orienter la
personne handicapée vers un établissement spécialisé d’accueil ou de
soins.
Leurs dysfonctionnements ont été analysés par les inspections
générales, par la Cour en 1993 puis en 2000, ainsi que par la mission
d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale. Constatant que
« depuis leur création, les COTOREP sont le maillon faible de notre
politique du handicap », la ministre de l’emploi et de la solidarité et le
secrétaire d’Etat à la Santé et à l’action sociale ont mis en place en avril
1999 une mission d’appui chargée de conduire une action pluriannuelle
d’amélioration du fonctionnement des commissions, en rénovant leurs
missions, en renforçant leurs moyens d’action et en réformant leurs
systèmes d’information.
La COTOREP de Paris est ainsi régie depuis le début de l’année
2002 par une convention qui prévoit l’établissement d’un dossier
administratif, social et médical unique, ainsi que l’organisation de
commissions plénières, et en tant que de besoin, de commissions
communes. Une action expérimentale d’orientation préCOTOREP a été
engagée en 2001 dans le cadre du programme départemental d’insertion
des travailleurs handicapés (PDITH).
Le ministère encourage un travail de rapprochement entre les
directions des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et du travail
(DDTEFP) dans les départements pour aboutir à un projet de
conventionnement entre les deux services déconcentrés semblable à ce
L’
ORIENTATION
89
qui existe à Paris
84
. Dix sites pilotes ont été mis en place dans dix
départements pour optimiser la fonction d’accueil.
En Ille-et-Vilaine, département pilote qui a fait l’objet d’examens
sur place par la Cour, la COTOREP dispose d’un secrétariat unifié et
développe une action d’orientation pré COTOREP expérimentale dans le
cadre du PDITH. La réflexion se poursuit sur le passage à un
fonctionnement unifié des deux sections.
Pour accompagner ce dispositif, les commissions départementales
consultatives des personnes handicapées (CDCPH), instituées par la loi
de modernisation sociale du 17 janvier 2002, doivent examiner, chaque
année, sur la base d’un rapport annuel, la contribution des COTOREP aux
réponses qu’attendent les personnes handicapées.
La rénovation des missions et des fonctions des COTOREP a
également pour objectif de rendre plus claires et homogènes les
conditions dans lesquelles elles exercent la fonction médicale et de
favoriser ainsi la définition de solutions d’insertion professionnelle et
l’attribution des allocations
85
.
L’enquête a fait toutefois apparaître dans plusieurs départements
une insuffisance globale des possibilités d’hébergement, à l’origine de
longues listes d’attente et de difficultés pour les personnes handicapées
qui ne sont plus prises en charge en centre d’aide par le travail (CAT). Le
développement du nombre de places en CAT ne s’y accompagne pas
d’une augmentation corrélative des places en structures d’hébergement
lourdes ; il s’y substitue même parfois.
Certaines DDASS n’ont pas été en mesure de produire des
indications sur les listes d’attente, ayant délégué en pratique leur gestion
aux directeurs de CAT qui n’informent les COTOREP qu’annuellement.
Cette pratique transfère aux responsables des CAT des fonctions qui ne
relèvent pas de leur compétence ; elle fait obstacle à la connaissance des
dossiers individuels par la COTOREP, et fait fi de son pouvoir
d’orientation.
Les secrétariats des commissions doivent se doter de tableaux de
bord leur permettant d’apprécier rapidement et exactement l’évolution
des caractéristiques principales de leur activité.
84
) Circulaire n° 2002/114 du 27 février 2002, relative à la coordination des services
pour les personnes handicapées et à l’organisation des COTOREP.
85
) Seconde circulaire du 27 février 2002 relative à la fonction médicale au sein des
COTOREP.
90
C
OUR DES COMPTES
III
–
Le coût du dispositif d’orientation
L’évaluation du coût est plus aisée pour les COTOREP que pour
les CDES, du fait de la formule administrative retenue : un système de
copilotage pour les CDES, de cogestion pour les COTOREP.
Les CDES ne possèdent pas de budget propre, clairement identifié.
Leurs moyens de fonctionnement - fournitures, mobilier, informatique -
sont pris en charge pour une part par les DDASS sur leur dotation
globale
86
. La situation est identique dans les services des inspections
académiques en charge d’une autre part du financement. Une circulaire de
1978 répartit, en effet, les charges de fonctionnement des CDES entre les
deux ministères de tutelle ; elle reste le seul texte applicable. Dans le
cadre du plan Handiscol’ (voir chapitre VI), un groupe de travail a
préconisé la création d’outils permettant l’évaluation des coûts et
l’identification des budgets alloués aux CDES. Celles-ci ne connaissent à
ce jour ni le montant alloué pour leur fonctionnement aux services
déconcentrés ni les modalités d’utilisation des crédits ainsi délégués
87
.
La direction générale de l’action sociale a confirmé que le coût
global des CDES n’est pas isolé, faute d’outil suffisant et hormis
certaines
dépenses
spécifiques,
car,
selon
elle,
la
nomenclature
d’exécution permet de suivre les dépenses seulement par nature et non par
fonction. Cependant, l’outil « GLB » (gestion locale du budget), qui
s’apparente à la comptabilité analytique, permettrait à l’administration
centrale d’identifier précisément a posteriori les dépenses de l’exercice
concernant chacune des CDES
88
.
Il est permis d’espérer qu’il sera mis fin à une telle approximation
avec la mise en œuvre de la loi organique du 1
er
août 2001.
86
) Chapitre 34-98 (Moyens de fonctionnement des services), article 90 (services
déconcentrés), du budget de la santé et de la solidarité.
87
) On observera qu’un crédit budgétaire de 4,57 M€ a été attribué aux CDES et aux
COTOREP en 2000 et qu’un crédit de 6,86 M€ devait s’y ajouter pour 2001 à 2003.
88
) A l’exception toutefois du traitement et des primes attribués aux agents de la
CDES qui ne sont pas individualisés.
L’
ORIENTATION
91
IV
–
Le problème spécifique des troubles du
caractère et du comportement
L’émergence relativement récente du groupe des enfants et
adolescents affectés par des « troubles du caractère et du comportement »
pose à la fois la question de la définition de la population concernée et
celle de la nature de la réponse qui peut être apportée à ses besoins. Cette
population se situe, en effet, en marge de différents champs de
compétence et de plusieurs logiques d'intervention, entre santé publique
et accompagnement social.
Jusque
dans
les
années
1990,
où
prévalait
la
logique
d'établissement découlant de la loi du 30 juin 1975, c'étaient surtout les
instituts de rééducation qui avaient pour mission d'accueillir des enfants
sans déficience intellectuelle mais souffrant de difficultés sociales,
scolaires et psychologiques. Le comportement de ces enfants était
inadapté aux groupes (famille, école) dont ils relevaient ; leur "souffrance
psychologique" pouvait avoir des conséquences physiologiques, telles
que surcharge pondérale, ou blocage du développement physique et
social ; les troubles des apprentissages pouvaient aussi entraîner des
réactions et des attitudes de violence débouchant à l’occasion sur des
manifestations de pré-délinquance, voire des situations de délinquance.
Le nombre d’adolescents atteints de troubles du caractère et du
comportement est de l’ordre de 18 000 à 20 000 personnes en
établissement
89
.
89
) L’enquête ES (établissements médico-sociaux) 2000, conduite par la DREES,
estimait à 18 270 le nombre des enfants et adolescents présentant des troubles du
caractère et du comportement au 1
er
janvier 1996.
92
C
OUR DES COMPTES
Quelle définition pour les TCC ?
L'appellation
"TCC"
ne
recouvre
aucune
identité
clinique
spécifique. C'est dans la définition des "déficiences du psychisme" que se
retrouve la notion de "troubles du comportement" qui se réfère aux
troubles du caractère et du comportement de la classification internationale
du handicap (CIH). Ces troubles, liés à une déficience ou à un
dysfonctionnement physiologique, à une maladie mentale ou à un trouble
du caractère, conduisent aujourd'hui à orienter les enfants qui en sont
atteints vers des hôpitaux de jour, des instituts médico-éducatifs ou des
instituts de rééducation. Ils renvoient autant aux symptômes de la personne
concernée qu'aux troubles qu'ils provoquent chez les autres.
L'intrication des difficultés de ces enfants, imputables à des causes
liées à un environnement social perturbé (milieu défavorisé, éclatement
familial, choc interculturel, difficultés scolaires) et à des problèmes
sanitaires (troubles du caractère ou du comportement, avec ou sans
déficiences
graves
du
psychisme),
rend
d'autant
plus
complexe
l'orientation des intéressés vers des filières de prise en charge que celles-ci
sont diversifiées : orientations décidées par les CDES, placements en
établissement spécialisé relevant de la protection judiciaire de la jeunesse,
prises en charge par des personnes ou des structures de l’aide sociale à
l'enfance.
Alors que les situations de précarité tendent à augmenter, les choix
reposent, pour une large part, sur des considérations d'ordre politique et de
caractère
financier
dans
les
schémas
départementaux
ou
interdépartementaux de l'enfance inadaptée.
La prise en compte des « TCC » se traduit le plus souvent par la
création de places par création ou extension d'instituts de rééducation, ou
le redéploiement de places d'IME vers les instituts de rééducation.
Au plan national, le nombre d'instituts de rééducation est ainsi
passé en 10 ans de 258 en 1985 à 327 en 1996, et le nombre de places
installées de 13 901 à 16 195. Cette progression de 16,5 % s'est
accompagnée d'une augmentation du taux d'occupation : de 95,6 % à
98 %.
Depuis 1996, plusieurs enquêtes ont tenté de mieux cerner les
besoins et d'identifier une offre qui évoluait, en ce qui concerne à la fois
l'accueil et les modalités de prise en charge.
Il existe une relative convergence des réflexions dans les schémas
de l'enfance handicapée et inadaptée afin d’atténuer les risques de
basculement dans des situations de « handicap social ». Cette orientation
L’
ORIENTATION
93
implique un renforcement de la participation de l'institution scolaire, qui
repère les troubles et prépare la présentation des dossiers en CDES, mais
aussi d'autres intervenants des équipes éducatives et techniques
(personnels sociaux et soignants), ainsi que des parents eux-mêmes.
Une convergence existe aussi sur l’utilité d’une prise en charge
précoce, en ambulatoire dans les centres médico-pédagogiques ou
médico-psycho-pédagogiques, axée à la fois sur la prévention, en utilisant
le réseau social et sanitaire, les établissements médico-sociaux, les
structures scolaires et les services de protection maternelle et infantile, et
sur le dépistage en relation avec les commissions de circonscription et la
CDES.
La prise en charge des TCC serait améliorée si les établissements
s’organisaient en réseaux, en proposant des modes d'accompagnement et
de prise en charge diversifiés, fondés sur une logique de proximité et la
mise en synergie des moyens à disposition sur un territoire délimité.
___________________
RECOMMANDATIONS
__________________
La juxtaposition de logiques parallèles ne nuit pas seulement à la
cohérence d’ensemble du dispositif d’observation statistique et de gestion
des dossiers. Elle porte également préjudice à la protection des droits des
enfants, adolescents et adultes en situation de handicap, à la qualité du
service qui leur est rendu et à la prise en compte de la situation
particulière de certaines catégories de personnes handicapées. Il est donc
recommandé, en complément des remarques présentées au chapitre I :
- d’améliorer l’information des parents ou des représentants
légaux des enfants sur la procédure suivie devant les commissions
départementales d’éducation spéciale (CDES) ;
-
de
doter
les
secrétariats
des
commissions
techniques
d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) de tableaux
de bord leur permettant de suivre l’évolution des principaux indicateurs
de leur activité ;
- de rapprocher pour mieux identifier les situations de « TCC » -
au besoin dans une instance spécifique – les services concernés
(enseignants et personnels de l’éducation nationale, santé scolaire, aide
sociale à l’enfance, service social, CDES, secteur de psychiatrie infanto-
juvénile, assurance maladie, protection judiciaire de la jeunesse).
L
ES LIMITES DE LA PROGRAMMATION
95
Chapitre VI
La scolarisation des enfants et
adolescents handicapés
96
C
OUR DES COMPTES
L’article 4 de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 dispose :
« Les enfants et adolescents handicapés sont soumis à l’obligation
éducative. Ils satisfont à cette obligation en recevant soit une éducation
ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale, déterminée en fonction
des besoins particuliers de chacun d’eux par la commission
instituée à
l’article 6 ci-après
90
.
« L’éducation
spéciale
associe
des
actions
pédagogiques,
psychologiques, sociales, médicales et paramédicales ; elle est assurée,
soit dans des établissements ordinaires, soit dans des établissements ou
par des services spécialisés. Elle peut être entreprise avant et poursuivie
après l’âge de la scolarité obligatoire. »
Dès 1975, le législateur a ainsi marqué sa préférence pour l’accueil
des enfants handicapés en milieu ordinaire, le recours à l’éducation
spéciale ne devant être que l’exception.
Cette disposition législative n’a cependant jamais été complétée
par un décret d’application. Sa mise en œuvre par les services du
ministère de l’éducation nationale ne repose en conséquence que sur des
circulaires, dont les premières ont été publiées plus de sept ans après la
promulgation de la loi de 1975. Il en résulte une fragilité juridique
certaine du dispositif (voir chapitre 10).
Trois formes de scolarisation coexistent
:
- l’intégration
individuelle
dans
les
classes
ordinaires
des
établissements de l’éducation nationale ;
- l’intégration collective dans des classes spécialisées au sein des
établissements de l’éducation nationale ;
- la scolarisation dans des établissements médico-éducatifs.
Les enjeux sont très différents en fonction des différents
handicaps : moteurs, sensoriels ou mentaux.
90
) Il s’agit de la CDES.
L
A SCOLARISATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS HANDICAPÉS
97
I
–
La scolarisation dans les établissements
ordinaires
A
–
L’intégration individuelle
Il est difficile de connaître avec précision le nombre ainsi que la
nature du handicap des enfants et adolescents handicapés scolarisés en
milieu ordinaire
91
. Le ministère de l’éducation nationale estimait à
52 100 le nombre d’enfants et d’adolescents en situation de handicap
scolarisés dans des classes non spécialisées à la rentrée 1999
92
:
- 27 900 enfants atteints d’un handicap étaient scolarisés dans une
classe ordinaire du premier degré. Près des trois-quarts l’étaient à temps
plein. 54 % d’entre eux (10 800 enfants) présentaient une déficience
intellectuelle ou psychique.
- dans le second degré, l’intégration scolaire individuelle, à temps
plein ou à temps partiel, concernait 17 200 élèves en situation de
handicap : 11 300 en premier cycle, 5 900 en second cycle. Les trois-
quarts fréquentaient des lycées ou des classes ordinaires de collège ; 25 %
était en sections ou établissements non spécialisés d’enseignement
adapté
93
. 13 % de ces adolescents en collège, 8 % en lycée, étaient
réputés atteints d’une déficience intellectuelle ou physique
94
.
- 7 000 jeunes gens en situation de handicap poursuivaient des
études universitaires ; 11 % d’entre eux présentaient des troubles à
dominante psychologique.
B
–
L’intégration collective
L’intégration collective s’effectue dans des classes spécialisées des
établissements des premier et second degrés.
91
) Voir le chapitre précédent sur les perspectives de mise en place du système
OPALES et sur les statistiques relatives à l’éducation.
92
) Source : ministère de l’éducation nationale (enquêtes 12, 19 et enseignement
supérieur), données présentées dans la publication de la DREES « Etudes et
résultats » (n° 216, janvier 2003).
93
) Sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), établissements
régionaux d’enseignement adapté (EREA).
94
) La proportion était de 69 % en SEGPA et de 58 % en EREA non spécialisés.
98
C
OUR DES COMPTES
Les
classes d’intégration scolaire (CLIS)
ont vocation à accueillir,
dans
certaines
écoles
élémentaires
-
voire,
exceptionnellement,
maternelles -, des élèves présentant un handicap mental, auditif, visuel ou
moteur. Elles étaient en 1999 au nombre de 4 714. Le handicap ne permet
pas d’envisager pour ces enfants une intégration individuelle continue
dans une classe ordinaire ; ils peuvent ainsi bénéficier en milieu scolaire
ordinaire d’une forme ajustée d’intégration : enseignement adapté dans la
CLIS, participation aux actions pédagogiques prévues dans le projet
collectif de l’école, partage de nombreuses activités avec les autres
écoliers. Ces classes, dont l’effectif est limité à 12 élèves, sont confiées à
des instituteurs ou à des professeurs des écoles spécialisés, pourvus d’un
certificat d’aptitude particulier. L’admission des élèves dans ces classes
est subordonnée à la décision de la CDES.
En 1999-2000, 48 200 élèves étaient scolarisés dans les classes
spécialisées du premier degré de l’éducation nationale en France (près de
45 000 pour la France métropolitaine).
Effectifs de l’enseignement spécialisé du premier degré (métropole)
1980/1981
1990/1991
1994/1995
1999/2000
Enseignement public
90 090
61 632
45 820
42 205
Enseignement privé
5 394
3 876
2 593
2 585
TOTAL
95 484
65 508
48 413
44 790
Source : ministère de l’éducation nationale, Repères et références statistiques, 2001
Le nombre d’élèves handicapés ainsi scolarisés représente
aujourd’hui moins de la moitié de ce qu’il était, il y a vingt ans ; il a
baissé de 31,6 % entre 1990 et 2000. 93 % de ces élèves sont scolarisés
dans des classes ayant vocation à accueillir des enfants avec un handicap
mental. Le ministère de l’éducation nationale a exposé : « Cette baisse
des effectifs qui s’accompagne d’une augmentation du nombre de CLIS
ne révèle pas nécessairement un développement de l’intégration
individuelle. Elle s’explique plutôt ainsi : d’anciennes classes de
perfectionnement qui accueillaient le plus souvent des enfants ayant de
graves difficultés scolaires et étaient abusivement comptabilisées en CLIS
ont été fermées ; dans le même temps, de nouvelles CLIS, à effectifs
réduits comme le prévoit la loi, ont été créées. »
Les
unités pédagogiques d’intégration (UPI)
ont été créées depuis
1995 dans certains collèges « pour accueillir des préadolescents ou des
adolescents (de 11 à 16 ans) présentant différentes formes de handicap
mental qui peuvent tirer profit, en milieu scolaire ordinaire, d’une
L
A SCOLARISATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS HANDICAPÉS
99
scolarité adaptée à leur âge et à leurs capacités, à la nature et à
l’importance de leur handicap
95
».
Une circulaire du 21 février 2001 a confirmé le principe de la
création
de
dispositifs
collectifs
d’intégration
scolaire
dans
les
établissements du second degré qui permettent d’offrir aux enfants issus
des CLIS la possibilité de poursuivre leur scolarité. Elle a en outre étendu
ces dispositifs aux élèves présentant des difficultés sensorielles ou
motrices, et encouragé leur création non seulement en collège mais
également en lycée, qu’il soit d’enseignement général, technologique ou
professionnel. On dénombrait 303 UPI en 2000 : 232 pour des élèves
présentant des troubles importants des fonctions cognitives, 71 pour des
élèves présentant une déficience sensorielle ou motrice. Les élèves des
UPI présentent des difficultés qui rendent malaisée leur intégration
individuelle dans une classe ordinaire, sans pour autant nécessiter une
prise en charge globale dans un établissement spécialisé. L’organisation
pédagogique de l’UPI, dont l’effectif est limité à 10 élèves, rend possibles
des moments de regroupement des jeunes intégrés, selon des modalités
variables en fonction de l’âge des élèves et de la nature du handicap.
Les UPI accueillaient 200 élèves en 1997, 400 en 1998, 1100 en
1999 et 1 600 en 2000.
Les structures de l’enseignement adapté du second degré sont les
sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA)
et les
établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA)
qui accueillent
un public très hétérogène connaissant de graves difficultés scolaires, et
pas exclusivement des enfants et adolescents en situation de handicap.
Les SEGPA, au nombre de 1 553 à la rentrée 2000, regroupaient
111 000 élèves. Elles ont été créées pour permettre aux enfants scolarisés
dans les classes d’enseignement spécialisé du premier degré -c’est-à-dire
à des enfants dits « déficients intellectuels légers » dans les classes
spécialisées du premier degré- de poursuivre leur scolarité dans le second
degré. En fait, depuis les années 1990, les enfants entrant en SEGPA sont
issus
dans
leur
très
large
majorité
non
plus
des
classes
de
perfectionnement et des CLIS mais des classes de cours moyen (66 % des
entrants en 2000).
Depuis la rénovation des collèges en 1996, il est
reconnu que les
SEGPA accueillent des élèves « présentant des difficultés scolaires graves
et persistantes auxquelles n’ont pu remédier les actions de prévention,
d’aide et d’allongement des cycles dont ils ont pu bénéficier ».
100
C
OUR DES COMPTES
d’orientation en SEGPA, même si cette orientation peut être proposée à
des jeunes en situation de handicap. Les élèves orientés en SEGPA le sont
après avis d’une commission de circonscription. Selon le ministère de
l’éducation nationale, 2 917 élèves handicapés auraient été accueillis à
temps plein en SEGPA durant l’année scolaire 2000-2001, dont 1 742
présentant un handicap mental.
Les EREA – établissements et non classes ou sections - ne sont pas
uniquement consacrés à l’accueil des jeunes en situation de handicap.
Huit des 80 établissements ont cette vocation ; cinq accueillent des jeunes
avec un handicap moteur et trois des jeunes présentant des déficiences
visuelles, soit 1 200 élèves au total. Les 11 000 élèves qui fréquentent les
autres EREA ont des profils scolaires identiques à ceux des élèves de
SEGPA. Le ministère de l’éducation nationale estime que 156 élèves
handicapés ont été accueillis en 2000-2001 dans 43 EREA, dont 24
présentant un handicap mental.
Au total, à la rentrée 1999, les deux ministères (éducation
nationale, solidarité) estimaient à 51 000 les enfants ou adolescents en
situation de handicap scolarisés - en intégration collective - dans des
classes ou des établissements spécialisés des premier et second degrés :
48 200 dans le premier degré, 2 800 dans le premier cycle du second
degré.
C
–
Les résultats
L’intégration doit être préparée avec le milieu d’accueil, afin
d’offrir des solutions adaptées à chaque type de handicap, à la
personnalité des enfants et adolescents, aux différentes étapes de leurs
évolution, à leurs désirs et à ceux de leur famille.
La demande des parents d’enfants handicapés et les propositions
des commissions d’éducation spéciale peuvent être contradictoires,
certains parents demandant une orientation de l’enfant vers un
établissement scolaire relevant de l’éducation nationale pour lui permettre
d’y suivre une scolarité normale, cependant que la CDES oriente au
contraire l’enfant en fonction de son handicap vers un établissement
médico-social d’éducation spéciale.
L’intégration dans une classe ordinaire doit s’accompagner, chaque
fois que cela paraît nécessaire, d’une aide personnalisée. Des structures
de soins et d’aide en faveur des enfants déficients mentaux, moteurs ou
polyhandicapés - les services d’éducation spécialisée et de soins à
domicile (SESSAD) - sont organisées pour favoriser la poursuite d’une
scolarité normale. Il existe par ailleurs des auxiliaires d’intégration,
L
A SCOLARISATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS HANDICAPÉS
101
souvent recrutés par des associations sur la base de contrats « emploi
jeune », qui seraient remplacés par des « auxiliaires de vie scolaire » dont
la multiplication du nombre par cinq dès la rentrée 2003 a été annoncée
en janvier 2003.
Les services déconcentrés du ministère de l’éducation nationale
avancent différents motifs suivants pour expliquer que les résultats
obtenus soient encore faibles :
- effectif de classe chargé (le plus souvent en maternelle) ;
- insuffisante accessibilité des locaux (absence d’ascenseur, couloir
étroit, portes battantes, absence de sanitaires adaptés, absence de
rampe d’accès) ;
- crainte de ne pas savoir faire ou de mal faire (par exemple, pour
un élève équipé d’un respirateur artificiel) ;
- mauvaise connaissance du handicap ;
- manque de formation pédagogique ;
- absence de tierce personne pour faciliter l’intégration (aide-
éducateur ou auxiliaire de vie scolaire) ;
- absence d’infirmière au collège.
L’intégration scolaire en milieu ordinaire (au moins en maternelle
et en primaire) des enfants handicapés mentaux, apparemment souhaitée
par le ministère de l’éducation nationale, nécessite aussi une formation du
personnel enseignant et pas seulement des agents directement concernés.
L’enquête menée par la Cour dans différents départements a fait
ressortir que l’intégration scolaire ne constitue pas une véritable priorité
pour les services déconcentrés de l’éducation nationale, comme en
témoigne le manque de moyens en CLIS, UPI, SESSAD et en auxiliaires
d’intégration, compte tenu notamment d’une certaine réticence de la part
du personnel enseignant. Dans certains départements, une bonne
coopération entre les services déconcentrés des affaires sanitaires et
sociales et de l’éducation nationale permet d’obtenir de meilleurs résultats
que dans d’autres pour l’intégration scolaire des jeunes enfants et
adolescents handicapés.
Le rapport entre le nombre d’enfants et d’adolescents handicapés
scolarisés en établissement ordinaire et le nombre total des élèves
scolarisés dans un département est en général inférieur à 1 %. Tel est le
cas de la majorité des départements entrant dans le champ de l’enquête
(Finistère : 0,3 % ; Ille-et-Vilaine : 0,7 % ; Pyrénées-Atlantiques :
102
C
OUR DES COMPTES
0,64 % ; Seine-et-Marne : 0,34 % ; Var : 0,55 %). Certains départements
toutefois dépassent ce seuil (Aisne : 1,02 % et Côte-d’Or : 1,9 %).
Le handicap mental ou intellectuel concerne 79 % des élèves
handicapés dans l’Aisne, 53 % dans le Var, 51 % en Seine-et-Marne,
43 % en Ille-et-Vilaine, 37 % dans le Finistère, 30 % dans les Pyrénées
Atlantiques, 27 % en Côte-d’Or. L’intégration scolaire obtient des
résultats satisfaisants en maternelle et dans l’enseignement primaire mais
diminue fortement dans les collèges et lycées.
Le plan Handiscol’
Lancé le 20 avril 1999 par les ministères en charge de l’éducation
nationale ainsi que de l’emploi et de la solidarité, le plan Handiscol’ fait
suite au rapport rendu en mars 1999 par les inspections générales des deux
ministères.
Ce plan proposait vingt mesures pour surmonter les obstacles à
l’accueil des jeunes handicapés dans les établissements scolaires : en vue
de réaffirmer le droit et favoriser son exercice (quatre mesures), de
constituer des outils d’observation (deux mesures, notamment rapprocher
les outils statistiques des deux ministères), d’améliorer l’orientation, de
renforcer le pilotage (trois mesures, notamment instaurer des groupes
départementaux Handiscol’), de développer les dispositifs et les outils de
l’intégration (huit mesures) et d’améliorer la formation des personnels de
l’éducation nationale (trois mesures).
Une circulaire interministérielle du 19 novembre 1999 a créé des
groupes départementaux Handiscol’ dans le but d’assurer une cohérence
locale entre les actions des différents partenaires. Bien que dépourvu de
pouvoir
décisionnel,
le
groupe Handiscol’
est
considéré
comme
l’instrument de la conduite concertée de la politique départementale
d’intégration scolaire. Il a pour mission d’évaluer les besoins éducatifs
spécifiques et d’établir un rapport annuel sur la scolarisation des enfants et
adolescents handicapés.
Le 25 janvier 2000, intervenant devant le conseil national
consultatif des personnes handicapées, le Premier ministre avait assigné à
l’administration l’objectif de doubler en trois ans le nombre d’élèves
handicapés scolarisés.
L’une des mesures du plan était de développer la cellule nationale
d’écoute Handiscol’. Sur l’année 2000/2001, elle n’a recensé que 1 828
appels, soit en moyenne 11 appels par jour. Les appels portaient presque
tous sur des refus d’établissements de scolariser des enfants handicapés.
Les raisons le plus souvent avancées par les établissements pour justifier
leur refus étaient le niveau de l’élève handicapé et l’absence d’auxiliaire
d’intégration.
L
A SCOLARISATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS HANDICAPÉS
103
45 des services déconcentrés des 84 départements interrogés au
cours de l’enquête ont répondu qu’ils n’avaient pas été informés de
dysfonctionnements qui auraient été enregistrés à la cellule nationale
d’écoute Handiscol’.
Les missions des groupes départementaux Handiscol’ recouvrent
largement celles des CDES : recensement des besoins éducatifs
spécifiques sur le département, évaluation des réponses qui leur sont
apportées, suivi des modalités de scolarisation. Ils doivent recueillir « le
bilan annuel du fonctionnement de la CDES et des commissions de
circonscription » et formuler « des propositions pour son amélioration ». A
l’exception des représentants des collectivités locales qui y ont été
introduits, la coprésidence
et la composition des groupes Handiscol’ sont
comparables à celles des CDES.
L’inspection générale de l’éducation nationale constatait en février
2002 que les groupes départementaux Handiscol’ avaient du mal à se
situer parmi les instances existantes et que leur apport à l’intégration
scolaire restait très limité.
Un plan quinquennal pour l’intégration des élèves handicapés, en
priorité dans le second degré, a été rendu public le 21 janvier 2003. Il
prévoit notamment l’ouverture de 1 000 classes spécialisées (CLIS et
UPI), l’augmentation du nombre d’auxiliaires de vie scolaire et la mise en
œuvre de projets d’accueil individualisé permettant une scolarité
aménagée.
II
–
La scolarisation dans les établissements et
services médico-sociaux
Les informations les plus récentes disponibles en ce qui concerne
le nombre des structures, des places installées et des personnes accueillies
dans les établissements médico-sociaux pour personnes handicapées
relevant du ministère en charge des affaires sociales concernent l’année
1998 (au 1
er
janvier).
104
C
OUR DES COMPTES
Etablissements et services d’éducation spéciale
pour les enfants handicapés (1998)
Établissements
pour enfants handicapés
Établissements
Places installées
Personnes
accueillies
Établissements d’éducation spéciale
-
pour déficients intellectuels
1 194
73 518
73 090
- pour enfants polyhandicapés
132
4 057
3 937
- pour enfants déficients moteurs
125
7 767
7 745
Instituts de rééducation
345
16 880
16 657
Instituts d’éducation sensorielle
- pour enfants déficients visuels
33
2 235
2 065
- pour enfants déficients auditifs
87
7 606
6 479
- pour sourds-aveugles
18
1 936
1 723
Services autonomes d’éducation spéciale
et de soins à domicile
563
13 466
13 804
TOTAL
2 497
127 465
125 500
Source : DREES, enquête ES
La spécialisation de ces structures par type de déficience a des
conséquences sur les possibilités d’accueil des enfants et sur le suivi de
ceux-ci.
Les situations de scolarisation des enfants de 6 ans ou plus pris en
charge dans ces établissements et services, sont très diverses. Environ
70 000 enfants et adolescents sont scolarisés à temps plein dans un
établissement médico-éducatif
96
. S’agissant des enfants ou adolescents
déficients intellectuels, 68,3 % sont scolarisés, mais 31,7 % ne le sont
pas. 91,7 % de ceux qui sont scolarisés le sont à temps plein dans
l’établissement d’éducation spéciale.
Les caractéristiques individuelles des enfants influent sur leur
situation scolaire. Certaines déficiences entraînent un fort taux de non
scolarisation, comme le montre le tableau suivant :
96
) Source : DREES, Etudes et résultats, n° 216, janvier 2003.
L
A SCOLARISATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS HANDICAPÉS
105
Lieu de scolarisation des enfants de 6 ans et plus en fonction de leur
déficience principale (1995)
(en %)
Intégration
scolaire
totale
Intégration
scolaire
partielle
Établissement
d’éducation
spéciale
Non
scolarisé
Total
Retard mental profond et sévère
1
2
19
78
100
Retard mental moyen
4
3
60
33
100
Retard mental léger
9
3
80
8
100
Autres déficiences de
l’intelligence
21
8
59
12
100
Déficiences de la conscience
3
2
66
29
100
Troubles du caractère et du
comportement
19
3
67
11
100
Déficiences de langage
15
4
62
19
100
Déficiences auditives
33
13
50
4
100
Surdité-cécité
6
2
48
44
100
Déficiences visuelles totales
34
3
50
13
100
Autres déficiences visuelles
40
2
55
3
100
Déficiences motrices
30
3
52
15
100
Déficiences viscérales,
métaboliques, nutritionnelles
30
2
53
15
100
Polyhandicap
0
1
5
94
100
Déficiences non précisées
12
5
60
23
100
Ensemble
13
4
58
24
100
Source : DREES, enquête ES
Parmi
les
125
000
enfants
et
adolescents
accueillis
en
établissements médico-sociaux, plus de 30 000 enfants handicapés ne
seraient pas scolarisés (25 000 selon l’éducation nationale), soit près du
quart, proportion qui atteint 78 % en cas de retard mental profond et
sévère et 94 % en cas de polyhandicap.
106
C
OUR DES COMPTES
Effectifs des enfants et adolescents (tous âges) non scolarisés accueillis en
structures médico-éducatives (1995)
Effectifs non
scolarisés
Part des enfants
non scolarisés dans
l’ensemble des
enfants accueillis
Part des enfants
de moins de 6 ans
parmi les enfants
non scolarisés
Etablissements pour enfants
déficients intellectuels
23 036
32 %
3 %
Etablissements pour enfants
polyhandicapés
2 314
92 %
11 %
Instituts de rééducation
593
4 %
11 %
Etablissements pour enfants
déficients moteurs
1 848
24 %
12 %
Etablissements pour enfants
déficients visuels
296
13 %
8 %
Etablissements pour enfants
déficients auditifs
379
6 %
25 %
Etablissements pour enfants sourds
et/ou aveugles
112
8 %
33 %
SESSAD autonomes
97
2 187
TOTAL
30 765
26 %
10 %
Source : DREES, enquête ES
Champ : enfants de tous âges, en internat, externat ou SESSAD
L’exploitation de l’enquête HID auprès des personnes vivant à
domicile a permis d’estimer que le nombre d’enfants âgés de 6 à 16 ans
pour lesquels un dossier a été déposé devant une CDES et qui n’ont
jamais été scolarisés, se situe entre 5 000 et 14 000.
Il est vraisemblable que ces enfants jamais scolarisés identifiés par
l’enquête HID s’ajoutent aux enfants non scolarisés accueillis dans les
établissements. Sans doute, certains des enfants décomptés par HID
peuvent-ils être pris en charge en externat dans les établissements et
services médico-sociaux ; néanmoins – et le ministère chargé des
personnes handicapées (DREES) l’a confirmé à la Cour – les doubles
comptes sont limités. Les effectifs des enfants en situation de handicap
non scolarisés sont donc très préoccupants.
97
) Les SESSAD dits « non autonomes » sont rattachés à un établissement et les
enfants qui y sont accueillis apparaissent donc dans la ligne « établissement »
correspondante.
L
A SCOLARISATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS HANDICAPÉS
107
Il a été répondu à la Cour sur ce point qu’un groupe technique
réunissant les services d’études des deux ministères (affaires sociales et
éducation nationale) serait constitué pour identifier la « boîte noire » que
constituent les données sur la non scolarisation des enfants présentant un
handicap.
III
–
Le coût de la scolarisation des enfants
handicapés
La comparaison du coût de la scolarisation de l’enfant handicapé
en milieu ordinaire et en établissement médico-social est malaisée.
Les coûts relatifs à la scolarité des jeunes scolarisés dans les divers
degrés d’enseignement ont été calculés par le ministère de l’éducation
nationale (direction de la programmation et du développement).
Pour les jeunes handicapés relevant de l’enseignement spécialisé,
la dépense moyenne par élève du 1
er
degré est évaluée à 7 790,14 €
98
.
L’écart avec un élève scolarisé en milieu ordinaire est de 3 750,25 €.
Cette évaluation ne paraît pas inclure toutefois le coût des prises en
charge à caractère médico-social ou sanitaire, celui des auxiliaires de vie
scolaire, celui de la mise à disposition de matériels pédagogiques adaptés
et celui des éventuels travaux d’accessibilité exécutés par les collectivités
territoriales.
Le coût moyen à la place en établissement médico-social aurait été
en 1999
99
:
- en institut médico-éducatif (IME) : 27 989 € ;
- en institut de rééducation
: 33 397 € ;
- en établissement pour enfants polyhandicapés : 50 137 € ;
- en institut d’éducation motrice (IEM) : 38 682 € ;
- en institut d’éducation sensorielle pour déficients visuels :
26 571 € ;
- en institut d’éducation sensorielle pour déficients auditifs :
27 971 € ;
- en SESSAD : 13 409 €.
98
) Référence : « l’Etat et l’école – 30 indicateurs sur le système éducatif français »,
octobre 2000.
99
) Résultats synthétiques 1999, novembre 2000, ministère de l’emploi et de la
solidarité (DGAS).
108
C
OUR DES COMPTES
Le coût moyen à la place pour un enfant handicapé scolarisé dans
l’enseignement spécialisé de l’éducation nationale serait près de deux fois
plus élevé que pour un enfant non handicapé. Dans un établissement
médico-social, il serait trois fois et demie à cinq fois plus élevé. Il a
toutefois été exposé au cours de l’instruction que « l’analyse suppose une
expertise partagée (des deux ministères concernés) pour clarifier les
concepts utilisés (notamment celui de l’enseignement spécialisé), la
nature des dépenses prises en compte et la manière dont celles-ci peuvent
être mesurées ». Il convient donc sans doute de ne pas trop s’attacher à la
notion de « coût moyen » en la matière et de mettre au point des
indicateurs de gestion par catégorie d’établissements.
Il est souligné que dans les développements qui précèdent, il n’est
pas fait référence aux instituts nationaux de jeunes sourds et de jeunes
aveugles, établissements publics d’enseignement qui demeurent placés
sous la tutelle du ministre chargé de la santé, bien que l’évolution
constatée tende vers l’intégration des élèves dans les établissements de
l’éducation nationale.
IV
–
La taxe d’apprentissage dans le secteur du
handicap
Les enseignements professionnels que les adolescents handicapés
suivent peuvent être financés par la taxe d’apprentissage que versent les
employeurs.
Faisant application des dispositions ajoutées par la loi du 12 avril
2000 à l’article L. 111-7 du code des juridictions financières, la Cour a
contrôlé
les
deux
organismes
nationaux
collecteurs
de
taxe
d'apprentissage dédiés au secteur des personnes handicapées : le CCAH-
PSP et l'OCTAPEH.
Les deux collecteurs nationaux dans le secteur du handicap
Le CCAH – PSP (Comité national de coordination de l’action en
faveur des personnes handicapées et inadaptées / Promotion sociale et
professionnelle) est une association fondée en juin 1974 par le CCAH
actuellement présidé par un représentant du groupe Médéric. Il regroupe
des associations gestionnaires de structures médico-sociales accueillant et
formant de jeunes handicapés, des établissements du secteur médico-social
et de l’éducation nationale, ainsi que des organismes socio-économiques
ou des groupements représentatifs d’entreprises. Le CCAH – PSP est,
depuis 1975, un organisme collecteur et répartiteur de la taxe
L
A SCOLARISATION DES ENFANTS ET ADOLESCENTS HANDICAPÉS
109
d’apprentissage ; il a développé en outre, depuis 1990, une activité
d’organisme intermédiaire pour l’affectation des fonds européens.
L’OCTAPEH (Organisme central de technologie, d’apprentissage,
de promotion et d’éducation en faveur des personnes handicapées) est, lui
aussi, une association régie par la loi de 1901, créée en octobre 1973 par
l’UNAPEI (Union nationale des associations de parents et amis de
personnes handicapées mentales) pour collecter la taxe d’apprentissage au
profit des personnes handicapées. L’agrément préfectoral
100
, limité à
l’origine à la collecte d’une partie de la taxe soumise au barème, a été
étendu à la totalité de la taxe en février 1997. L’OCTAPEH regroupe des
adhérents du secteur médico-social (205 IME et IMPRO) et du secteur de
l’éducation nationale (149 SEGPA).
A
–
La collecte au bénéfice des personnes handicapées
La collecte de taxe d’apprentissage réalisée en faveur des jeunes
handicapés par l’intermédiaire des deux collecteurs est marginale, et tend
encore à baisser. Elle est de l’ordre de 0,03 % de la taxe brute.
Le CCAH-PSP, qui avait collecté plus de 0,76 M€ en 1983, n’a
collecté que 128 162 €
en 2001 ; il a bénéficié aussi de 72 910 € de fonds
transitant par d’autres collecteurs. La collecte de l’OCTAPEH, qui
dépassait elle aussi 0,76 M€ en 1985, a été inférieure à 305 000 € en
2002.
La collecte du CCAH-PSP est allée, en 2001, pour 53,3 % aux
CFAS (centres de formation d’apprentis spécialisés) - auxquels le quota
est réservé
101
, pour 37,6 % aux établissements spécialisés (instituts
médico-éducatifs,
instituts
médico-professionnels,
établissements
régionaux d’enseignement adapté) et pour 9,1 % aux sections
d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA). La qualité
100
) Il existe jusqu’en 2003 trois catégories de collecteurs de la taxe d’apprentissage
(loi n° 71-576 du 16 juillet 1971 relative à l’apprentissage) : les collecteurs de droit
(notamment les chambres de commerce et d’industrie), les collecteurs agréés par les
préfets et les collecteurs agréés dans le cadre d’une convention (signée par le
ministère de l’éducation nationale avec des organismes couvrant une branche ou un
secteur d’activité).
101
) La taxe d’apprentissage se décompose en deux parts : le « quota » de 40 %,
obligatoirement affecté au développement de l’apprentissage ; le « hors quota » ou
« barème » (60 %) qui finance l’ensemble des premières formations professionnelles
et technologiques.
110
C
OUR DES COMPTES
d’adhérent à jour de sa cotisation (208,9 €), est nécessaire pour qu’un
établissement puisse recevoir de la taxe du CCAH-PSP.
Les établissements spécialisés pour former les jeunes handicapés
bénéficient de la plus grande partie des reversements de l’OCTAPEH
(68,4 %), mais ils ne reçoivent chacun qu’un montant moyen de 457 €.
Comme les reversements de taxe sont subordonnés à la qualité d’adhérent
de
l’OCTAPEH,
le
montant
moyen
réellement
perçu
par
les
établissements n’est que de 152 €, compte tenu d’une cotisation de 305 €,
dite participation aux frais, critiquée d’ailleurs par la préfecture de Paris
en mars 2001.
Les CFA ou CFAS ne reçoivent que 16,5 % du total des
reversements de l’OCTAPEH, mais les affectations moyennes sont de
3 765 €, montant réduit toutefois du fait de l’instauration en 2001 d’une
cotisation spéciale des centres de 155 €.
Les sections spécialisées des collèges reçoivent 14,1 %. Les
reversements de l’OCTAPEH ne vont que pour 1,1 % aux lycées.
Le fonctionnement des collecteurs
Les observations déjà présentées par la Cour sur la taxe
d’apprentissage
102
peuvent être complétées par certaines constatations
faites sur les deux collecteurs nationaux dédiés au handicap.
La date figurant sur les reçus du CCAH-PSP est bloquée à la date
limite autorisée pour les versements des entreprises, même pour les
versements reçus après cette date butoir, qui détermine le caractère
exonératoire des versements des entreprises. L’OCTAPEH a accepté, pour
chacune
des
années
contrôlées,
des
versements
d’entreprises
manifestement hors délais.
Les versements en provenance d’autres collecteurs ont représenté
78 % de la collecte directe de l’OCTAPEH en 2001. Ils se font parfois
après la date limite de reversement des fonds de taxe d’apprentissage aux
établissements bénéficiaires. Le CCAH-PSP a, lui aussi, accepté des
reversements tardifs, en août et novembre 2001 par exemple. Ces relations
entre collecteurs donnent lieu dans certains cas à des transferts de fonds
entre collecteurs, ce qui est pourtant interdit pour un collecteur qui ne gère
pas une école admise à recevoir la taxe d’apprentissage. De tels transferts
ont été constatés tant au CCAH-PSP qu’à l’OCTAPEH.
102
) Voir rapport public de la Cour 2002, première partie : rapport d’activité,
p. 13-14.