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Intervention du Premier Président de la Cour des comptes
Conférence de presse
Rapport Association France Alzheimer et Fondation Abbé Pierre.
Mercredi 21 juin 2006
Mesdames, Messieurs,
Avant toute chose, je veux vous souhaiter la bienvenue à la Cour et vous remercier d’avoir
accepté notre invitation.
Je partage le plaisir de vous recevoir avec Mme Marie-Thérèse Cornette, Présidente de la
5ème chambre, chambre qui a porté la réalisation des deux rapports que nous publions
aujourd’hui, le premier sur l’association France-Alzheimer, le second sur la Fondation Abbé
Pierre.
I - J’ai tenu à marquer ces deux publications d’une communication spécifique.
J’attache en effet beaucoup de prix à bien faire connaître cette mission particulière de la Cour
qui, au-delà des organismes publics, contrôle aussi les organismes privés lorsque ceux-ci font
appel à la générosité publique.
C’est une mission que nous a confiée le Parlement en 1991 et, depuis lors, nous avons analysé
les comptes de bon nombre d’associations, des plus importantes en tout cas. Si l’on raisonne
en termes de taux de couverture, la Cour et l’IGAS ont contrôlé la quasi-totalité des
associations les plus importantes et plus de 95 % des masses financières collectées par ces
dernières.
Et vous connaissez sans doute déjà nos travaux les plus emblématiques : ceux sur l’ARC, sur
les Restaurants du coeur, sur la S.P.A, ou encore sur l’association française contre les
myopathies.
Nous fournissons donc un effort continu et vous avez sous les yeux les 16 et 17èmes rapports
réalisés dans ce cadre.
Cet effort, nous l’avons accentué suite à la catastrophe du Tsunami.
Les fonds collectés à ce titre ont emprunté des canaux divers, certains transitant par des
organisations internationales, d’autres par les budgets publics nationaux, d’autres enfin étant
ceux des organisations non gouvernementales, associations et fondations diverses ayant fait
appel à la générosité du public.
La Cour est donc intervenue à deux titres : au titre de ses compétences nationales pour le
contrôle des associations françaises et le contrôle des crédits ministériels, mais aussi au titre
de ses compétences internationales en tant que commissaire aux comptes de l’ONU.
Dans le cadre de notre compétence de contrôle sur les associations faisant appel à la
générosité publique, nous avons
contrôlé plus de 32 associations françaises, en France mais
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aussi en Asie ; nous avons contrôlé les opérations de collecte, les comptes, les projets d’aide,
et les actions menées.
En tant que commissaire aux comptes de l’ONU, nous avons également contrôlé la gestion
des aides effectuée par le Bureau de coordination de l’aide humanitaire de l’ONU ou par le
Haut commissariat aux réfugiés et l’Unicef.
En menant de front ces différents types de contrôles, nous conduisons une analyse
d’ensemble, pour parvenir à une vision large de ces phénomènes, qui soit à la fois la plus juste
et la plus exhaustive possible.
Et nous publierons début 2007 un rapport consolidé qui synthétisera les constats établis dans
chacun de ces contrôles.
Notre responsabilité sur ce dossier dépasse d’ailleurs largement la seule dimension de nos
initiatives propres, puisque mes pairs, commissaires aux comptes des agences des Nations
Unies m’ont confié la coordination de l’ensemble des contrôles simultanés effectués sur
l’intégralité des interventions menées en relation avec le tsunami.
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Mais permettez-moi à présent de revenir sur le contenu des deux rapports que nous publions
aujourd’hui.
Ils sont très différents, parce que les associations contrôlées sont très différentes et parce
qu’elles travaillent sur des domaines bien distincts.
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II - Prenons l
’association France Alzheimer
, tout d’abord.
Elle a été créée en 1985 à l’initiative de familles de malades, et elle a été reconnue d’utilité
publique en 1991. Depuis 2000, elle a pour objet d’animer et de coordonner une centaine
d’associations départementales oeuvrant en faveur des malades et de leurs familles, d’assurer
la représentation du mouvement auprès des pouvoirs publics et
d’apporter son aide à la
recherche sur la maladie.
Son budget est de 4 M€ environ et 80 % de ses ressources proviennent de la générosité
publique.
Je dois dire que la Cour n’a pas relevé d’utilisation de ces fonds qui soient contraires à l’objet
des appels à la générosité.
Cependant, nous soulignons dans le rapport plusieurs difficultés. Pour être bref, je ne citerai
que les principales.
- Un premier point tout d’abord sur les ressources. Depuis 2000, la politique de collecte de
fonds a semblé à la Cour particulièrement offensive : l’association a quasiment doublé, en
l’espace de trois ans, ce qu’on appelle communément dans le secteur les
publipostages
faisant
appel à la générosité du public. En un sens, cette politique a été payante : elle a en effet
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permis d’accroître de 58 % le montant des dons collectés. Cependant, le taux de retour des
campagnes – les dons obtenus pour chaque sollicitation- s’est nettement dégradé, signe
notamment d’un mauvais ciblage des campagnes de prospection.
- Concernant les dépenses maintenant, on constate que l’argent collecté n’est que
partiellement dépensé. L’association a ainsi accumulé au fil des années des réserves qui
représentaient fin 2003 presque une année d’activité, et il n’existait, tout du moins à la fin de
la période contrôlée, aucun projet d’envergure qui puisse justifier de telles réserves.
Parallèlement, des missions importantes sont très peu dotées et finalement peu développées.
La part des dépenses consacrées aux missions sociales ne représentait en moyenne, sur la
période sur laquelle a porté le contrôle, que la moitié des emplois, une fois réglés les frais de
fonctionnement et de collecte. Ainsi par exemple, l’aide à la recherche, qui est fréquemment
mise en avant par l’association dans ses campagnes d’appel, ne représente qu’une faible part -
11,5 % en moyenne- de l’emploi des ressources.
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Enfin, je disais à l’instant que l’association a dans ses missions celle de tête de réseau et de
fédérateur des associations locales. Force est de constater qu’elle n’est pas parvenue à jouer ce
rôle. Elle n’a pas réussi par exemple à imposer aux associations locales un modèle unique de
statut
et de comptabilité, ce qui l’empêche en particulier de disposer d’une présentation
globale des ressources et des emplois de l’ensemble du réseau.
Au final,
France-Alzheimer n’est pas apparue en mesure d’apporter des réponses à la h
a
uteur
des besoins créés par la rapide extension d’une maladie qui constitue pourtant un enjeu de
sanitaire et social majeur pour les années à venir.
Les réponses de l’association au rapport de la Cour font état de nombreuses améliorations qui
seraient intervenues depuis 2005 notamment en ce qui concerne le soutien aux associations
locales ou encore l’organisation des aides à la recherche. Le prochain contrôle permettra à la
Cour de prendre la mesure de ces améliorations.
III - Vous le verrez, la tonalité du rapport sur la Fondation Abbé Pierre est différente mais,
nous ne cherchons pas à distribuer des bons ou mauvais points et, je le répète, les deux
associations ne sont pas comparables.
- Quelques mots de présentation tout d’abord : la Fondation Abbé Pierre pour le logement des
défavorisés est une association reconnue d’utilité publique en 1992.
Si elle s’inscrit dans le mouvement
Emmaüs
, elle ne doit pas être confondue avec celui-ci ;
elle constitue une entité indépendante dont le but spécifique est, dans la droite ligne de
l’engagement premier de l’Abbé Pierre, d’apporter une aide aux personnes rencontrant de
graves difficultés de logement.
Pour son financement, la Fondation Abbé Pierre fait prioritairement appel à la générosité du
public qui apporte avec 18 millions d’euros plus de 87 % des ressources de la Fondation.
- Le résultat de nos contrôles est très encourageant. La Fondation Abbé Pierre s’est en effet
dotée d’outils de gestion rigoureux et fiables, en particulier pour le suivi analytique des coûts.
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La tenue de ses comptes d’emploi -qui retracent l’utilisation des dons- permet d’apporter au
public une information claire, transparente et exhaustive.
Nous avons également pu constater à l’occasion de nos contrôles sur le terrain le souci des
responsables locaux de développer et de promouvoir des dispositifs innovants en matière
d’aide au logement. Par ailleurs, au-delà de ses actions propres, la Fondation Abbé Pierre s’est
attachée, par la voie de conventions et de partenariats, à apporter son soutien à un grand
nombre d’associations locales qui n’auraient pu, sans son concours, bénéficier de ces
financements complémentaires faute de notoriété suffisante.
Au total, la Cour conclut que l’emploi des fonds collectés auprès du public par la Fondation
Abbé Pierre est en tout point conforme à l’objet de l’appel à la générosité publique et que
l’activité de la Fondation n’appelle pas de critiques de sa part.
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Telles sont les principales observations dont je voulais vous faire part. Vous trouverez bien
entendu des analyses détaillées dans le rapport et dans le dossier de presse.
Nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions que vous pourriez vous poser.