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Monsieur le Président,
Par lettre en date du 21 mars 2002, la Chambre a porté à votre connaissance ses observations
concernant la gestion de la Compagnie Nationale d'Aménagement du Bas-Rhône Languedoc au
cours des exercices 1992 et suivants.
Conformément aux nouvelles dispositions de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001, vous
avez eu la possibilité de joindre une réponse à ce rapport. Cette possibilité a également été offerte
à votre prédécesseur, au président du Conseil de Surveillance et à ses prédécesseurs ainsi
qu'aux responsables des collectivités territoriales présentes au capital de la Compagnie et à leurs
prédécesseurs.
Le présent envoi, composé du rapport qui vous a été adressé le 21 mars 2002 et des réponses
reçues par la Juridiction, constitue le rapport d'observations définitives au sens de la loi précitée.
Ce rapport est également communiqué au président du Conseil de Surveillance, aux autorités des
collectivités territoriales associées ou apportant leur concours à la Compagnie et au Préfet de
Région, Commissaire du Gouvernement. Il deviendra communicable à toute personne qui en fera
la demande, après que le conseil de Surveillance, régulièrement convoqué, en aura pris
connaissance, ou, si sa convocation intervient avant, après que l'assemblée délibérante d'une des
collectivités territoriales présentes au capital de la Compagnie en aura pris connaissance.
En application des dispositions de l'article R.241-23 du Code des juridictions financières, une
copie du présent rapport d'observations définitives sera transmise au Préfet et au Trésorier-
payeur général du département du Gard.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma considération distinguée.
Guy PIOLÉ
Monsieur Jean-Pierre BRUNEL
Président du Directoire
de la Compagnie Nationale d'Aménagement
du Bas-Rhône Languedoc
105, Avenue Pierre Mendès France
30001 NIMES Cedex 5
Rapport d'observations définitives n°026/416 du 17 juin 2002
COMPAGNIE NATIONALE D'AMÉNAGEMENT DU BAS-RHÔNE LANGUEDOC (CNABRL)
exercices 1992 et suivants
1ère Partie - PRESENTATION DE LA COMPAGNIE NATIONALE
D'AMENAGEMENT DU BAS-RHÔNE LANGUEDOC (CNABRL)
1- UNE SOCIETE D'AMENAGEMENT REGIONAL (SAR) CREEE EN 1955, TITULAIRE D'UNE
CONCESSION DE L'ETAT
1-1 Le choix de l'irrigation de l'agriculture régionale
1-2 Des équipements largement dimensionnés, héritage de 45 ans d'histoire
2- LES SPECIFICITES DE LA COMPAGNIE
2-1 Des collectivités locales actionnaires, et des lettres de mission adressées par les ministres de
tutelle
2-2 Une société à directoire et conseil de surveillance
2-3 Un cadre d'action défini par des lettres de mission
2-4 La restructuration de 1993
2ème Partie - LES COMPTES CONSOLIDES DE CNABRL
3- ANALYSE DE LA SITUATION FINANCIERE
3-1
1992 : une société au bord de la cessation de paiement
3-1.1 Une société structurellement déficitaire
3-1.2 Les insuffisances du système comptable
3-1.3 Des mesures de redressement insuffisantes
3-2
1993-1999 : la reconquête des équilibres
3-2.1 L'opération de filialisation
3-2.2 Le retour à une gestion équilibrée
3-2.3 Un fonds de roulement fortement négatif
3-2.4 Une diminution de 22,1% de l'endettement entre 1992 et 2000
3-2.5 Une trésorerie tendue
3-2.6 Evolution des principaux indicateurs
3-2.7 Procédures financières, administratives et comptables
4- AMORTISSEMENTS,
PROVISIONS, TRAVAUX EN MANDAT
4-1 Les amortissements de caducité
4-2 Les provisions de maintenance
4-3 Comptabilisation des travaux en mandat
3ème
Partie - LE RÔLE DE LA TUTELLE ET DES ACTIONNAIRES PUBLICS
5 - LA BAISSE CONTINUE DES INTERVENTIONS DE L'ETAT DEPUIS 1977
5-1 L'arrêt du financement des charges intercalaires en 1989
5-2 La diminution des subventions d'investissement depuis 1993
5-3 Le statut des avances conditionnées de l'Etat
5-4 L'incidence des politiques publiques
6- LE RÔLE DES COLLECTIVITES ACTIONNAIRES
6-1 La filiale IRRIFRANCE
6.2 La faiblesse des montants des travaux en maîtrise d'ouvrage déléguée
6.3 Les concessions particulières
4ème
Partie - L'ACTIVITE HYDRAULIQUE ET L'AMENAGEMENT REGIONAL
7- LA GESTION DE LA CONCESSION D'ETAT
7-1 La convention d'affermage entre CNABRL et BRL-Exploitation
7-2 L'équilibre des comptes
8- LES CONCESSIONS DITES ''PARTICULIERES'' AVEC LES COLLECTIVITES LOCALES
8-1 Des risques assumés par les collectivités locales
8-2 Une sécurité juridique insuffisante
8-3 La concession particulière du barrage sur l'Agly
9- LES VENTES D'EAU
9-1 L'eau agricole
9-2 L'eau non agricole
5ème
Partie - LES ORIENTATIONS STRATEGIQUES
10- LES ORIENTATIONS STRATEGIQUES
10-1 Les ''plans d'affaires" (2000-2005)
10-2 Le projet d'Aqueduc Languedoc-Roussillon-Catalogne
10-3 Le renforcement des fonds propres
CONCLUSION
ANNEXE 1 : BILAN (COMPTES CONSOLIDES)
ANNEXE 2 : SOLDES INTERMEDIAIRES DE GESTION
ANNEXE 3 : REPARTITION DU CHIFFRE D'AFFAIRES ET DU RESULTAT NET CONSOLIDE
ANNEXE 4 : EVOLUTION DES PRINCIPAUX INDICATEURS DE GESTION DEPUIS 1993
Réponse de M. SAUMADE, ancien président du Conseil Général de l'Hérault
Réponse de M. RAINAUD, Président du Conseil Général de l'Aude
Après avoir délibéré dans sa séance du 5 juillet 2001, la Chambre a porté à la connaissance de
M. VEZINHET, président du Conseil de surveillance de la Compagnie Nationale d'Aménagement
du Bas-Rhône Languedoc (CNABRL) ses observations provisoires sur la gestion de la société
(exercices 1992 et suivants) le 28 septembre 2001. Le même jour, elle a adressé ces mêmes
observations provisoires au président du Directoire de la Compagnie, M. BRUNEL, et au
commissaire du gouvernement, M. CONSTANTIN, Préfet de la région Languedoc-Roussillon.
Elle a également adressé des extraits de cette lettre d'observations à M. JOURNET et M. Jacques
BLANC, anciens présidents du Conseil de surveillance, ainsi qu'à M. Jean-Louis BLANC, ancien
président du Directoire, à M. RAMADIER, commissaire aux comptes de la Compagnie, aux
présidents et anciens présidents des cinq Conseils Généraux et du Conseil Régional de
Languedoc-Roussillon, et à M. LANDES, Directeur régional de la société SAUR. Après avoir reçu
les réponses écrites de ces personnes, et entendu en audition à sa demande le 6 février 2002 M.
Jean-Louis BLANC, ancien président du Directoire, la Chambre a décidé ce même jour d'adresser
au président du Conseil de surveillance et au président du Directoire le rapport d'observations
définitives ci-dessous.
1ère Partie - PRESENTATION DE LA COMPAGNIE NATIONALE
D'AMENAGEMENT DU BAS-RHÔNE LANGUEDOC (CNABRL)
1- UNE SOCIETE D'AMENAGEMENT REGIONAL (SAR) CREEE EN 1955, TITULAIRE D'UNE
CONCESSION DE L'ETAT
En décidant de créer la Compagnie Nationale d'Aménagement du Bas-Rhône Languedoc
(CNABRL) en 1955, l'Etat entendait assurer à la région la sécurisation de sa ressource en eau, en
vue d'asseoir son développement agricole et économique, dans le cadre d'une démarche
volontariste.
1-1 Le choix de l'irrigation de l'agriculture régionale
Il s'agissait d'encourager le développement de cultures de substitution à la vigne, fruits, légumes,
maïs et plantes fourragères, fortement consommatrices en eau. La mise en ouvre de cette
politique devait permettre à l'agriculture régionale de participer au retour à l'autosuffisance
alimentaire.
Le décret n° 55-254 du 3 février 1955 a confié à la CNABRL, outil d'aménagement hydraulique, "
la mise en valeur et la reconversion agricole de cette région et, accessoirement, l'alimentation en
eau potable et industrielle de certaines collectivités rurales et urbaines. " Le décret du 14
septembre 1956 a octroyé à la Compagnie une concession générale d'une durée de 75 ans pour
les travaux d'irrigation, de mise en valeur et de reconversion dans les départements du Gard, de
l'Hérault et de l'Aude, ainsi que l'exploitation des ouvrages réalisés.
Cet effort d'aménagement, impulsé par l'Etat et incarné par le premier président de la Compagnie,
M. Philippe LAMOUR, supposait la réalisation d'investissements de grandes dimensions, compte
tenu des volumes d'eau à transporter, dont le financement serait largement assumé par la
puissance publique. L'irrigation est en effet une activité à coûts fixes élevés, pour laquelle, selon
les experts, " il est rare que (les agriculteurs) assument plus de 15 % à 20 % du coût de l'eau
qu'ils utilisent (1) ". Le montant des investissements, les risques qui y sont attachés en raison de
la durée du retour sur investissement et la volonté de contrôler le tarif de l'eau agricole ont donc
justifié l'intervention de l'Etat, à la fois pour subventionner les équipements construits (en 1999, les
subventions d'équipement, dont l'essentiel provient de l'Etat, représentent 80,9 % des
immobilisations inscrites au bilan) et pour équilibrer leur exploitation, au moyen de ''charges
intercalaires'', " générées du fait d'une mise en service progressive des ouvrages réalisés au titre
de la concession d'Etat (2)
1-2 Des équipements largement dimensionnés, héritages de 45 ans d'histoire
Depuis 1955, les objectifs de la politique agricole se sont radicalement modifiés. Les pouvoirs
publics ne cherchent plus, comme alors, à encourager le développement en volume des cultures
agricoles, mais à limiter les risques de surproduction dans le cadre de la Politique agricole
commune (PAC). L'irrigation des cultures fourragères, en particulier le maïs, s'est ainsi avérée non
rentable dans la région et a été abandonnée dans les années 80.
Dans un tel contexte, les objectifs d'équipements ont dû être révisés à la baisse : il était prévu à
l'origine d'équiper 145 000 ha à partir de l'eau du Rhône (3) et 250 000 ha sur l'ensemble de la
région, dont 70 % auraient été irrigués ; en 2000, 130 000 ha sont équipés, dont 88 600 ha au titre
de la concession d'Etat. La CNABRL a notamment construit :
- 6 barrages ;
- 105 km de canal ;
- 125 stations de pompage ;
- 6 usines de traitement ;
- 5000 km de réseau enterré.
En dépit de la révision à la baisse des objectifs initiaux, les équipements de la Compagnie
apparaissent aujourd'hui largement dimensionnés en regard des besoins en eau brute des
utilisateurs. Environ 30 % de la surface équipée est utilisée.
A titre d'illustration, les équipements qui servent à amener l'eau du Rhône ont été conçus pour
capter un débit de 75 m3/seconde. Ils sont utilisés au maximum à hauteur de 30 m3/seconde en
période de pointe. Si l'on raisonne en moyenne annuelle, le volume d'eau utilisé s'élève :
- à 120 Mm3 à la prise d'eau au Rhône, pour une capacité maximale de 2250 Mm3 (soit 5,3 %) ;
- à 67 Mm3 en tête du canal principal, pour une capacité maximale de 1940 Mm3 (soit 3,4 %) ;
- à 20 Mm3 à Montpellier, pour une capacité maximale de 950 Mm3 (soit 2,1 %).
2- LES SPECIFICITES DE LA COMPAGNIE
La CNABRL présente la caractéristique d'être à la fois une Société d'aménagement rural (SAR),
régie par les articles L.111-8, L.111-9 et R.112-6 à R.112-13 du nouveau Code rural, et une
Société anonyme régie par la loi du 24 juillet 1966 modifiée.
Son activité d'aménagement concerne prioritairement la gestion des concessions hydrauliques
(concession d'Etat ou concessions particulières octroyées par des collectivités territoriales) et la
maîtrise d'ouvrage pour compte de tiers, et subsidiairement les concessions touristiques, qui ont
fait l'objet d'un désengagement total entre 1992 et 2000.
2-1 Des collectivités locales actionnaires, et des lettres de mission adressées par les ministres de
tutelle
Les collectivités locales de la région détiennent aujourd'hui 63,8 % du capital de la Compagnie,
contre 46,2 % en 1990. Elles y exercent ensemble un pouvoir prépondérant, notamment pour la
désignation des organes de direction.
Or la CNABRL avait été conçue à l'origine comme un outil d'aménagement piloté et subventionné
par l'Etat. Les textes ayant autorisé la création de sociétés d'aménagement rural (aujourd'hui :
article L.112-8 du nouveau Code rural et décret du 3 février 1955) prévoyaient la présence d'un
commissaire du gouvernement, cette tutelle étant liée à l'existence d'opérations concédées par
l'Etat et impliquant son contrôle financier.
La capacité d'associer les collectivités locales à une société d'aménagement rural a été ménagée,
à la suite des lois de décentralisation, par la loi du 7 janvier 1983, dont résulte l'article L.112-9 du
nouveau Code rural qui dispose que : " les régions et les départements sur le territoire desquels
existe une société créée en application de l'article L.112-8 sont associées, à leur demande, à la
définition des missions de ces sociétés ainsi qu'à leur gestion et à leur contrôle ".
En l'espèce, l'influence de la région et des départements, titulaires de 63,8 % du capital social,
excède à l'évidence une association facultative (" ..à leur demande ") à la définition des missions,
à la gestion et au contrôle d'une société soumise à la tutelle de l'Etat.
Jusqu'à la loi du 2 janvier 2002, la question se posait de savoir quelle était la véritable nature
juridique de la Compagnie : sa qualité de société d'aménagement rural, qui se traduisait par
l'envoi périodique de lettres de mission des ministres de l'agriculture et de l'économie au président
du directoire, fixant le cadre d'action de la société,(4) ne paraissait pas compatible avec la réalité
d'une prépondérance des collectivités territoriales, dont aurait dû découler un statut de société
d'économie mixte (SEM) locale, en application de la loi du 7 juillet 1983, désormais codifiée aux
articles L.1521-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales
La loi n° 2002-1 du 2 janvier 2002 tendant à moderniser le statut des SEM locales, qui autorise les
collectivités locales à participer au capital des SAR et à leur apporter leur concours financier, au
même titre que les collectivités locales participent au capital des SEM locales et leur apportent
leur concours financier, offre désormais un cadre légal aux pratiques en vigueur à CNABRL.
Il n'en demeure pas moins que la mise en ouvre des statuts de la Compagnie, approuvés par le
décret du 27 avril 1998, qui organisent simultanément le contrôle de la majorité du capital par des
collectivités locales et une tutelle de l'Etat, ne va pas sans difficulté pratique : en effet, sur les
sujets majeurs pour l'avenir de CNABRL, une éventuelle absence de consensus entre l'Etat et les
collectivités actionnaires est susceptible d'entraver le processus de décision.
2-2 Une société à directoire et conseil de surveillance
Selon les statuts approuvés par le décret du 27 juillet 1956, la CNABRL était une société dotée
d'un conseil d'administration, dont 51 % du capital était détenu par des personnes de droit public.
En 1989, la Compagnie s'est transformée en société à directoire et conseil de surveillance. Cette
transformation majeure n'a pas fait l'objet d'une approbation par règlement d'administration
publique, alors que cette formalité substantielle était expressément prévue par l'article 7 du décret
n° 55-253 du 3 février 1955. Cette irrégularité a perduré jusqu'en 1998.
Les statuts aujourd'hui en vigueur ont été approuvés par le décret du 27 avril 1998. La CNABRL a
un objet principal comportant d'une part une mission générale de maîtrise de l'eau " incluant en
particulier les concessions d'équipement et d'exploitation consenties par l'Etat ou par des
collectivités locales ainsi que tous autres aménagements et les actions qui les préparent ou les
complètent ; d'autre part, une mission de développement des zones rurales par toutes actions
d'étude, d'animation, d'organisation, d'assistance technique ou d'équipement (...) ". En outre, elle
élabore et met en ouvre des actions diversifiées d'aménagement, de mise en valeur, de
développement ou d'équipement, menées directement ou par ses filiales, en utilisant les
méthodes et techniques dans lesquelles la société aura acquis une compétence particulière.
Son capital social se répartit entre 63,8 % d'actions "A " - ne pouvant appartenir qu'à des
personnes morales de droit public - et 36,2 % d'actions "B" - pouvant appartenir à des personnes
de droit privé ou des personnes morales de droit public.
2-3 Un cadre d'action défini par des lettres de mission
Les lettres de mission adressées depuis 1976 au président directeur général et, après 1989, au
président du directoire de la société par le ministre de l'agriculture et le ministre de l'économie et
des finances distinguent entre deux catégories d'activités soumises à un régime de subvention de
l'Etat différent, et obéissant à des contraintes distinctes :
a - les activités essentielles,
Ces activités incluent la concession d'Etat et peuvent seules bénéficier des financements
spécifiques de l'Etat (5). Elles s'exercent à l'intérieur de la région Languedoc-Roussillon et
s'articulent autour de deux missions (6):
- une " mission générale de participation à une gestion équilibrée de la ressource en eau qui doit
s'inscrire dans les orientations fondamentales définies par les articles 1 et 2 de la loi sur l'eau du 3
janvier 1992 ", qui autorise la Compagnie à prendre " toutes initiatives visant à améliorer
sécurisation, desserte et valorisation des ressources en eau. "
- "une mission de développement de l'espace rural, notamment en matière d'aménagements et
d'équipements" conformément aux objectifs prioritaires du contrat de plan Etat-Région.
b - les actions autonomes
Ces actions permettent de valoriser et développer les savoir-faire de la Compagnie, soit à
l'intérieur de son périmètre statutaire,
soit dans les autres régions françaises à la demande des
autorités locales, départementales ou régionales ou de tiers publics ou privés, soit à l'étranger.
Elles ne sont pas éligibles au financement de l'Etat (chapitre 61.84).
Dans le cadre de ses actions autonomes, la Compagnie est soumise aux règles de la concurrence
et agit sans bénéficier de prérogatives particulières. Elle doit rendre compte chaque année aux
autorités de tutelle de ces activités, qui doivent être individualisées en comptabilité analytique et "
ne devront pas engendrer de perte systématique au-delà de trois exercices consécutifs" (7)
2-4 La restructuration de 1993
Le décret du 5 juillet 1993 a autorisé la CNABRL à affermer les ouvrages de distribution d'eau
dont elle est concessionnaire à une filiale d'exploitation créée à cette occasion, "BRL Exploitation"
(BRLE), dans des conditions prévues par une convention datée du même jour. Dans le même
temps, deux autres filiales ont été crées : "BRL Ingénierie" (BRLI) et "BRL Espaces naturels"
(BRLEN). Cette réorganisation en profondeur a notamment permis à un investisseur privé de
prendre une participation minoritaire au capital de BRLE, en apportant des fonds propres dont le
groupe avait besoin.
En décembre 1997, la Compagnie a constitué une nouvelle filiale, la "Société d'études et de
promotion pour l'aqueduc Languedoc-Roussillon-Catalogne" (SEPA LRC), en associant au capital
9 groupes français.
2ème Partie - LES COMPTES CONSOLIDES DE CNABRL
3- ANALYSE DE LA SITUATION FINANCIERE
Il convient de distinguer entre la période 1990-1993 et la période 1993-1999.
3-1
1992 : une société au bord de la cessation de paiement
A partir de 1989, CNABRL a traversé des difficultés majeures. Au conseil de surveillance du 17
janvier 1992, le contrôleur d'Etat pouvait ainsi faire état de son " plus grand pessimisme quant au
futur immédiat, car la société va rester pour longtemps au bord de la cessation de paiement. ". Le
montant des reports à nouveau négatifs s'établissait à 27,32 MEuros (179,2 MF) au 31 décembre
1992 et 39,99 MEuros (262,3 MF) au 31 décembre 1993, tandis que la société constatait une
perte de 6,16 MEuros (40,4 MF) en 1990, 19,44 MEuros (127,5 MF) en 1991 et
12,68 MEuros
(83,2 MF) en 1992, résultant tout à la fois d'une exploitation déficitaire, de résultats financiers
dégradés et d'engagements extérieurs coûteux.
3-1.1 Une société structurellement déficitaire
a - une exploitation déficitaire
L'exploitation de la Compagnie a été lourdement déficitaire pendant cette période, en raison
notamment du poids des charges de personnel : le déficit d'exploitation s'élevait à 4,70 MEuros
(30,8 MF) en 1991 et 6,40 MEuros (42 MF) en 1992. Or la société ne pouvait plus compter sur les
avances du Trésor, octroyées jusqu'en 1989 dans le cadre du financement des charges
intercalaires " générées du fait d'une mise en service progressive des ouvrages réalisés au titre de
la concession d'Etat" (8) (cf. infra paragraphe 5-1).
b - des résultats financiers dégradés
Au résultat d'exploitation négatif, s'est ajouté un résultat financier fortement négatif en raison de
l'importance de l'endettement de la Compagnie, qui atteignait 157,72 MEuros (1 034,6 MF),
correspondant à l'ensemble des dettes de la Compagnie au 31 décembre 1992, soit plus de 15
fois le capital social. Le seul endettement financier, à 118,25 MEuros (775,66 MF), générait 8,46
MEuros (55,5 MF) de frais financiers en 1992, qui représentaient près de 20 % du chiffre
d'affaires.
c - de coûteux engagements externes
La Compagnie, engagée dans des opérations de diversification hasardeuses, a subi des pertes
importantes à ce titre. Le cas de la filiale IRRIFRANCE, qui a engendré une charge de 9,30
MEuros (61 MF) pour CNABRL, sera examiné plus loin (cf. infra paragraphe 6-1). Le cas de deux
autres entités peut être mis en relief
:
- la Société Aquacole du Ponant (SAP), ferme aquacole dont CNABRL détenait 34,2 % des parts
à l'issue de l'augmentation de capital de décembre 1991. Le tribunal de commerce de Nîmes a
prononcé la liquidation de la société le 15 avril 1992. Compte tenu des garanties accordées aux
emprunts de cette société, cet arrêt d'activité s'est soldé par une charge de 0,56 MEuros (3,7 MF)
pour CNABRL ;
- l'association LATITUDE, avec laquelle CNABRL avait passé dans les années 1980 treize
conventions de concession de gestion de centres de vacances, dans les départements de l'Aude,
du Gard, de l'Hérault et des Pyrénées Orientales.
L'association s'est trouvée confrontée à des difficultés pour honorer ses engagements,
en raison
de comptes déficitaires se traduisant par une situation nette négative de 2,20 MEuros (14,4 MF) à
la fin de l'exercice 1990. Les conventions de concession étaient particulièrement défavorables à la
Compagnie, puisqu'il revenait à celle-ci de prendre en charge d'éventuels déficits d'exploitation
des centres de vacances tandis que la propriété des installations revenait aux communes
concernées, au terme du remboursement des emprunts souscrits.
Compte tenu des annuités d'emprunts non facturées par CNABRL à l'association LATITUDE, le
total de la perte de trésorerie supporté par la Compagnie s'est élevé à 2,30 Euros (15,1 MF).
3-1.2 Les insuffisances du système comptable
De nombreux dysfonctionnements ont été relevés sur la période et portés à la connaissance des
responsables de la société par les commissaires aux comptes.
En particulier, l'absence de documents de synthèse comptable témoigne de la défaillance des
contrôles internes et de l'insuffisante pertinence du système de comptabilité. Jusqu'en 1992,
aucun budget prévisionnel n'était établi et, corrélativement,
aucun suivi et analyse des écarts
n'étaient mis en place : il s'en est suivi un défaut de pilotage stratégique de la société et un
manque de productivité interne.
En outre, le rapport général des commissaires aux comptes (exercice 1993) indique que " des
discordances ou des erreurs d'affectations analytiques ont (...) pu être établies, susceptibles de
modifier les résultats inter-filiales. "
Ces carences n'ont pas été sans conséquences sur la vie de l'entreprise et la certification des
comptes. Elles ont conduit les commissaires aux comptes à émettre de nombreuses réserves
relatives à :
- l'absence de rigueur dans l'application des règles comptables relatives aux provisions ;
- la non-exhaustivité des retraitements comptables ;
- l'omission de certaines écritures ;
- l'absence de justification de certains comptes (subventions, comptes courants intergroupe).
Ainsi, le rapport des commissaires aux comptes de 1992 notait l'insuffisance du suivi des comptes
clients et fournisseurs du fait de l'absence d'états de contrôles, ce qui a conduit à des pertes pour
la société (9). Il concluait que " l'évaluation des provisions est rendue difficile par le manque de
synthèse des différents services"
(10)
3-1.3 Des mesures de redressement insuffisantes
Un plan de développement approuvé par le conseil de surveillance du 13 septembre 1991
prévoyait un recentrage des activités sur la maîtrise de l'eau, avec notamment le désengagement
des activités touchant au tourisme, la dissolution de la filiale AGROTECHNIK, la mise en place
d'un plan FNE (Fonds national de l'emploi) de départs en préretraite et la réduction générale des
charges de la Compagnie. Parallèlement, une augmentation de capital était réalisée en 1992,
faisant passer le capital social de 3,67 MEuros ( 24,105 MF ) à 9,98 MEuros ( 65,450 MF ), un
emprunt de 7,62 MEuros ( 50 MF ) garanti par les collectivités locales actionnaires était contracté,
l'Etat consentait la transformation de 6,30 MEuros ( 41,345 MF ) d'avances conditionnées en
subvention d'investissement, un plan de cessions d'actifs portant sur la période 1992-1997 était
présenté (11) et une nouvelle tarification de l'eau, aboutissant à une augmentation de 20 % du
prix, était décidée.
Le plan social (12), mené en concertation avec l'Etat, a concerné 84 salariés -dont 11 en contrat à
durée déterminée-, et permis de réduire les effectifs de 573 en décembre 1991 à 490 en
septembre 1992 (13). Les ressources du FNE ont été mobilisées, limitant ainsi le coût résiduel
pour la Compagnie.
En dépit de ces mesures, la pérennité de la société apparaissait fortement menacée. Dans leur
rapport de 1992, les commissaires aux comptes formulaient une réserve quant à la pertinence de
l'application du principe comptable de continuité d'exploitation aux états financiers de l'entreprise.
(14)
A la fin de l'année 1992, au moment où se mettait en place une nouvelle équipe de direction (15),
la poursuite de la restructuration apparaissait comme la seule alternative à la liquidation de
l'entreprise.
3-2
1993-1999 : la reconquête des équilibres
Au conseil de surveillance du 7 juin 1993, M. Jean-Louis BLANC, président du directoire, indiquait
que " sans les apports financiers de 1992 et la perspective d'une nouvelle augmentation de
capital, BRL était condamnée au dépôt de bilan, et que la filialisation des branches d'activités était
la seule solution pour réussir la deuxième augmentation de capital."
3-2.1 L'opération de filialisation
La filialisation de la Compagnie, autorisée par le décret du 5 juillet 1993, a été mise en place à la
fin de l'année 1993. CNABRL, société mère, est restée titulaire de la concession d'Etat et des
concessions " particulières " des Départements. Elle a conservé la mission d'aménagement de
l'espace rural, la responsabilité des grands investissements, la forêt et les missions de service
public. Elle a participé au capital des filiales par la voie d'apports partiels d'actifs.
Trois filiales ont été crées :
* BRL - Exploitation, chargée de l'exploitation et de la distribution de l'eau, dont le capital était
détenu majoritairement par CNABRL, et de façon minoritaire par la société SAUR,
* BRL - Ingénierie,
* BRL - Espaces verts.
Cette opération de filialisation des principales activités commerciales, par laquelle le groupe s'est
organisé par métier, a notamment permis l'entrée du groupe SAUR au capital de BRL-
Exploitation, pour un montant de 9,15 MEuros (60 MF).
Elle s'est accompagnée d'une deuxième augmentation du capital de CNABRL (après
l'augmentation de 1992), qui est
passé en 1993 de 9,98 MEuros (65,45 MF)
à 19,39 MEuros
(127,16 MF), soit un apport de 9,41 MEuros (61,71 MF) émanant principalement des collectivités
locales actionnaires,
et de la SAUR à hauteur de 2,29 MEuros (15 MF).
3-2.2 Le retour à une gestion équilibrée
A compter de 1994, le groupe CNABRL a renoué avec des résultats nets consolidés légèrement
bénéficiaires. Ce retour à l'équilibre doit cependant être relativisé, dans la mesure où certaines
charges, notamment les amortissements de caducité de la concession d'Etat, ne font pas l'objet
de dotations suffisantes (cf. infra paragraphe 4-1). Il demeure fragile, puisque l'exercice 2000 s'est
soldé par un résultat net consolidé déficitaire de -0,3 MEuros (-1,974 MF). Si l'on exclut les
intérêts hors groupe, le déficit supporté par le groupe CNABRL au titre de l'exercice 2000 s'élève
à -0,546 MEuros (-3,588 MF).
a - soldes intermédiaires de gestion (cf. annexe 2)
La valeur ajoutée du groupe (comptes consolidés)
est comprise entre 24,09 MEuros (158 MF) en
1993 et 27,14 MEuros (178 MF) en 1999. L'excédent brut d'exploitation (EBE), entre 4,57 et 9,76
MEuros (30 et 64 MF ), est en augmentation par rapport à la période précédente, malgré le poids
croissant des dépenses de personnel.
Celles-ci apparaissent maîtrisées, leur évolution principale reflétant l'augmentation des effectifs -
de 402 salariés en 1993 à 453 en 1999-, plus que l'augmentation des salaires.
Le résultat d'exploitation reste faible et ne couvre pas les charges financières en dépit de leur
diminution.
Le Président du Directoire fait valoir qu'en isolant l'amortissement de caducité, qui constitue " une
charge d'exploitation dont le montant émane directement du résultat net ", on peut observer " un
doublement de résultat d'exploitation avant amortissement de caducité sur la période. "
b - répartition du chiffre d'affaires et du résultat net consolidé
Les tableaux figurant en annexe 3 soulignent le poids de l'activité " vente d'eau " dans le chiffre
d'affaires de la société, et sa contribution au résultat du groupe.
Les filiales implantées à l'étranger ont contribué fortement à réduire le résultat net du groupe en
1998.
Il convient de noter le caractère structurellement déficitaire des affermages, d'eau potable
principalement, qui dégagent une marge négative variant entre -0,61 MEuros (-4 MF) et -0,91
MEuros (-6 MF) depuis 1993.
3-2.3 Un fonds de roulement fortement négatif
En dépit d'une évolution favorable liée à l'augmentation des capitaux propres (subventions
d'investissement et capital social), l'importance du fonds de roulement négatif de la société
demeure préoccupante. Les besoins du groupe en matière d'immobilisations et d'amortissement
restent en effet élevés, en raison de la nature même de son activité et des conventions passées
avec les délégataires de service public.
Le président du Directoire souligne que si le fonds de roulement net global est négatif, il s'est
amélioré sur la période de près de 22,87 MEuros (150 MF) en tenant compte des retraitements
internes au groupe BRL.
Il convient en outre de souligner le poids considérable des subventions d'investissement dans les
capitaux propres, à 389,34 MEuros (2 553,9 MF) au 31 décembre 1999, qui représentent plus de
20 fois le capital social de la Compagnie. Elles conditionnent d'autant plus la pérennité de
l'entreprise, que celle ci supporte des reports à nouveau fortement négatifs, à 36,80 MEuros
(241,37 MF) au 31 décembre 1999, du fait du montant des dettes contractées précédemment, et
en dépit des efforts de désendettement mentionnés ci-après.
Sur l'ensemble de la période, 32,43 MEuros (212,749 MF) d'avances conditionnées de l'Etat, non
rémunérées, sont restées inscrites au passif du bilan et ont servi à financer en partie le fonds de
roulement négatif. Ces avances sont inscrites au bilan à la rubrique " autres fonds propres "
depuis 1995, mais sans comporter d'échéance de remboursement (cf. infra 5.3), ce qui explique
qu'elles n'ont pas été incorporées dans le tableau ci-dessus comme des ressources longues.
CNABRL s'est financé en outre grâce aux crédits, concours bancaires et autres financements
externes. La diminution du fonds de roulement négatif a permis de diminuer sensiblement
l'endettement de la société.
3-2.4 Une diminution de 22,1 % de l'endettement entre 1992 et 2000
Le montant de l'endettement financier net consolidé (dette financière, y compris avance de l'Etat,
moins trésorerie active) s'élevait à 118,2 MEuros (775,7 MF) au 31 décembre 1992, et à
92,1MEuros (604,4 MF) au 31 décembre 2000, soit un taux de désendettement de 22,1 % qui
représente en valeur une diminution de la dette de 26,07 MEuros (171 MF).
a - 109,8MF de dettes portées pour le compte des collectivités locales
La dette au 31 décembre 2000 se décomposait ainsi qu'il suit :
b -des cessions d'actifs qui ont accompagné la diminution d'endettement
Le plan de restructuration 1992-1997 prévoyait la cession d'éléments d'actifs de CNABRL, afin de
faire face à l'endettement très élevé de la Compagnie, sans pour autant obérer son
fonctionnement opérationnel. De 1994 à 2000, le montant des cessions s'est élevé à 11,24
MEuros (73,7 MF) dont :
- 4,87 MEuros (31,97 MF) d'immeubles, dont 3,51 MEuros (23 MF) pour l'immeuble du siège
social vendu à la mairie de Nîmes en juillet 1996 ;
- 5,40 MEuros (35,44 MF) de centres de vacances et autres immobilisations connexes ;
- 0,96 MEuros (6,29 MF) de terrains délaissés.
c - une forte réduction des charges financières
En conséquence de cette forte diminution de l'endettement, ainsi que de la diminution des taux
d'intérêt pendant la période, on observe une forte réduction des charges financières, de 55,5 MF
(8,46 MEuros) en 1992 à 49 MF (7,47 MEuros) en 1993, puis à 24 MF (3,66 MEuros) en 1999.
Les frais financiers ne représentaient plus en 1999 que 34 % de l'excédent brut d'exploitation
(EBE) contre 120 % en 1993.
3-2.5 Une trésorerie tendue
En dépit de ces éléments favorables, la trésorerie du groupe demeure tendue, en raison d'une
part du montant des dettes d'échéance inférieure à un an et des frais financiers s'y rapportant,
d'autre part du délai d'écoulement des créances clients, près de deux fois supérieur (16) à celui
des dettes fournisseurs (212 jours contre 113 jours en 1999).
Il apparaît que CNABRL ne joue pas de son pouvoir potentiel de négociation, en dépit d'un rapport
de force a priori favorable à la société par rapport à ses clients, du fait de sa position sur le
marché et de son poids économique dans le secteur de l'aménagement régional.
3-2.6 Evolution des principaux indicateurs
L'analyse des principaux indicateurs figure en annexe 4 : elle permet de mesurer les efforts
accomplis depuis 1993.
3-2.7 Procédures financières, administratives et comptables
La filialisation intervenue en 1993 a conduit les responsables de la Compagnie à réorganiser en
profondeur les services, en mettant l'accent sur la circulation de l'information et la
responsabilisation des personnels. Si la création de trois directions opérationnelles a permis,
grâce à l'apport de l'informatique, l'amélioration des procédures de suivi comptable et budgétaire,
il convient d'observer que :
- le contrôle de gestion, effectué par filiale, ne fait pas encore l'objet d'une coordination au niveau
du groupe ;
- il n'existe pas de fonction d'audit interne ;
- les trois fonctions essentielles de l'entreprise (réalisation de l'objet social, conservation du
patrimoine et ajustements comptables des flux) ne sont pas indépendantes.
D'une manière générale, il n'existe pas au sein de l'entreprise d'indépendance entre les fonctions.
Ainsi, il n'existe pas de séparation entre les fonctions de trésorier et de comptable : le
rapprochement des banques est confié à un agent par ailleurs chargé des opérations de
règlement ou d'encaissement ; la remise en banque des moyens de règlement est effectuée par
l'agent chargé de la préparation de ces paiements.(17).
Le président du Directoire précise qu' " une fonction "audit interne et contrôle de gestion groupe" a
été mise en place à compter du 1er janvier 2001. Elle est rattachée directement au Directoire.
Pour ce qui concerne la remarque de la chambre concernant la séparation des fonctions, il
convient de préciser que cette anomalie a été constatée uniquement sur l'activité forêt gérée par
la filiale BRL-EN. Cette anomalie a été désormais rectifiée. Pour le reste du groupe la séparation
est effective et claire."
Au total, si le groupe CNABRL a accompli des efforts de redressement significatifs depuis 1992,
sa situation n'est pas exempte de fragilité, liée d'une part à son fonds de roulement net négatif,
d'autre part à sa difficulté à dégager un résultat net positif, alors même que la Compagnie n'a pas
accompli un effort suffisant en matière de constitution des amortissements de caducité (cf. infra
paragraphe 4-1).
4- AMORTISSEMENTS,
PROVISIONS, TRAVAUX EN MANDAT
4-1 Les amortissements de caducité
L'instruction ministérielle du 9 décembre 1982 applicable aux SAR prévoit les modalités de
constatation et de comptabilisation des amortissements de caducité : il s'agit des amortissements
qui doivent être constatés sur les biens non aliénables de la concession d'Etat, afin de couvrir la
perte que représentera pour la société leur transfert gratuit à l'Etat en 2031.
Conformément à cette instruction, les SAR constituent, en exemption d'impôts, des
amortissements linéaires de caducité, dans des conditions qui peuvent faire l'objet de mesures
d'aménagement temporaires des autorités de tutelle pendant les premières années d'application.
La constatation obligatoire d'un amortissement minimal n'est pas applicable à l'amortissement de
caducité.
Du fait des nombreux déficits supportés par la société, les amortissements de caducité n'ont pas
été dotés pendant de longues années.
En 1992, ils n'étaient que de 0,43 MEuros (2,8 MF). Au 31 décembre 2000, ils atteignaient 4,01
MEuros (26,34 MF), alors que la somme restant à amortir avant 2031 s'élevait à 67,18 MEuros
(440,7 MF). L'essentiel de l'effort d'amortissement n'a donc pas été accompli, et a été reporté de
fait aux années à venir. Depuis 1994, CNABRL affecte aux amortissements de caducité un
montant égal à son résultat net social. Ce mécanisme peu contraignant demande à être réformé.
Le ministre de l'économie et des finances a écrit en ce sens au président du Conseil de
surveillance le 20 décembre 2001, en recommandant à la Compagnie " la fixation d'un programme
des dotations aux amortissements de nature à préserver les intérêts financiers des actionnaires à
l'échéance de la concession. "Le programme devrait " présenter un caractère impératif et ne plus
être subordonné au résultat net de BRL."
4-2 Les provisions de maintenance
Les provisions de maintenance ont pour objet de maintenir au niveau exigé par le service public le
potentiel productif des installations de la concession. Il convient de relever que les provisions de
maintenance ont été comptabilisées systématiquement au taux le plus bas.
Toutefois, le montant des travaux effectués n'a consommé que partiellement la provision
constituée, ainsi que le montre le tableau ci-dessous :
Au 31 décembre 2000, le solde de ce compte faisait apparaître un montant important, à hauteur
de 20,70 MEuros (135,8 MF).
4-3 Comptabilisation des travaux en mandat
De 1991 à 1996, le chiffre d'affaires de la CNABRL (chiffres d'affaires consolidés à compter de
1993) a connu une régression, passant de 59,15 MEuros
(388 MF) en 1990 à 44,15 MEuros
(289,6 MF) en 1996. La diminution du chiffre d'affaires ne traduit pas seulement les difficultés de
la société et les éventuelles erreurs liées à la mise en place de comptes consolidés à partir de
1993. Ils reflètent également un changement dans les modalités de comptabilisation des
opérations en mandat : celles-ci ont été comptabilisées en totalité jusqu'en 1991 en compte de la
classe 6, en contradiction avec le Plan comptable général qui dispose que les opérations traitées
par l'entreprise en qualité de mandataire sont enregistrées dans le compte du mandant en compte
de la classe 4, et que seule la rémunération du mandataire apparaît dans les comptes de produit.
Ce traitement comptable a eu pour effet de gonfler indûment le montant du chiffre d'affaires de la
Compagnie, en donnant une image faussée de son activité réelle.
Un retour progressif à l'orthodoxie comptable, c'est-à-dire à la comptabilisation de la seule
rémunération de la Compagnie, a été mis en ouvre à compter de 1992.
M. RAMADIER, commissaire aux comptes, fait valoir que "les travaux de mandat inscrits au
compte de résultat en 1990 portent principalement sur une opération spécifique, l'adducteur Hers
Lauraguais.
Ces travaux font l'objet d'un mandat élargi. Ils apparaissent au compte de résultat pour la
première fois en 1990 pour un montant de 11 068,56 KEuros (72 605 KF) sur une ligne distincte."
Il précise que "le rapport de gestion du Directoire, présenté à l'Assemblée générale, mentionne
clairement cette opération ainsi que son impact sur les comptes et les comparatifs par rapport à
l'année précédente."
3ème
Partie - LE ROLE DE LA TUTELLE ET DES ACTIONNAIRES PUBLICS
5- LA BAISSE CONTINUE DES INTERVENTIONS DE L'ETAT DEPUIS 1977
La baisse des interventions de l'Etat s'est manifestée à partir de 1977, puisque l'extension de la
concession d'Etat dans la plaine du Lauraguais audois, autorisée par le décret du 10 janvier 1977,
n'a pas été financée par l'Etat mais par le département de l'Aude. Cette baisse s'est fortement
accélérée à partir de 1989. Elle a contraint la Compagnie à diversifier son activité pour équilibrer
ses comptes.
5-1 L'arrêt du financement des charges intercalaires en 1989
Depuis 1989, l'Etat n'assure plus le financement des charges intercalaires, dont la diminution a été
amorcée dès 1977.
La lettre de mission du 12 mai 1981 indiquait en effet que " pendant la période 1981-1985, la
couverture des charges intercalaires générées par les ouvrages de la concession mis en service
avant le 31 décembre 1980 continuera à être partiellement assurée par des avances du trésor
sans intérêt ni échéance déterminée délivrées dans les conditions suivantes :
- le montant maximum annuel de ces avances poursuivra la décroissance amorcée en 1977, dans
la perspective de la suppression de ce régime de financement, tout à fait exceptionnel, entre 1985
et 1990. "
La lettre de mission du 6 avril 1990, pour sa part, demandait aux dirigeants de " porter toute leur
attention à l'équilibre des comptes d'exploitation et de trésorerie ", tout en observant que " la
compagnie reste éloignée des conditions d'exploitation qui autoriseraient le remboursement total
du capital des emprunts, alors que les avances de l'Etat cesseront en 1989. "
5-2 La diminution des subventions d'investissement depuis 1993
Les investissements au titre des activités dites ''essentielles'' de la Compagnie sont éligibles au
financement de l'Etat (chapitre 61-84, ministère de l'agriculture et de la forêt) dans les conditions
définies par une instruction particulière annexée à la lettre de mission. Deux catégories
d'intervention peuvent être financées : l'aménagement hydraulique et la gestion des eaux d'une
part ; le développement de l'espace rural d'autre part.
Depuis 1993, les subventions de l'Etat ont été divisées par 5 sur l'ensemble des programmes, et
par 2 pour la concession d'Etat.
S'agissant de la concession d'Etat, les subventions versées depuis 1993 ne concernent plus le
financement d'ouvrages d'ossature, qui ne sont pas à l'ordre du jour compte tenu du niveau
d'équipement de la Compagnie, mais essentiellement des travaux de modernisation et
sécurisation, ainsi que de densification du réseau en vue de compenser l'érosion des
souscriptions agricoles.
Depuis 1999, les financements de l'Etat
au titre des grands aménagements régionaux sont
réservés à la seule concession d'Etat. Quant aux financements de l'activité de développement de
l'espace rural, qui permettaient à CNABRL d'apporter aux collectivités, notamment parmi les plus
petites, un appui au montage et à la conduite de leurs opérations hors concessions hydrauliques,
ils ont été supprimés en 2000.
5-3 Le statut des avances conditionnées de l'Etat
Les charges intercalaires versées avant 1989 l'ont été sous la forme d'avances du Trésor sans
intérêt ni échéance, en vertu d'une convention signée le 16 décembre 1964 entre le ministre des
finances et le Président directeur général de CNABRL.
En application de cette convention, un montant de 38,74 MEuros (254,1 MF) était inscrit au passif
du bilan de la Compagnie au 31 décembre 1991. En 1992, l'Etat a accompagné l'effort des
actionnaires en vue d'accroître les capitaux propres de la Compagnie, et a décidé de transformer
6,30 MEuros (41,345 MF) d'avances conditionnées en subventions d'investissement. Depuis cette
date, le montant des avances conditionnées inscrites au passif s'élève à 32,43 MEuros (212,749
MF).
Le statut de ces avances s'avère ambigu. Certes, l'Etat s'est engagé à ne pas demander le
remboursement de ses avances " tant que le compte financier d'exploitation de la concession ne
dégage pas un résultat suffisant après constitution de provisions de maintenance et
d'amortissement de caducité à un niveau correct et tant que les résultats de la Compagnie ne le
permettent pas. Par ailleurs, le remboursement de ces avances ne devra pas avoir pour effet de
remettre en cause l'équilibre financier de la société " (18).
Depuis l'exercice 1995, ces avances sont classées dans la rubrique " autres fonds propres ", ce
qui n'apparaît pas incompatible avec les règles posées par le Plan comptable général, dans la
mesure où la notion d'avances conditionnées n'est pas définie par les textes. Au-delà de cette
présentation comptable, il convient de souligner que, faute d'échéancier, les conditions de
remboursement de ces avances, telles qu'elles ont été posées par l'Etat, laissent une marge
d'interprétation très large.
Toutefois, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et ministre de l'agriculture ont
indiqué, dans un courrier adressé le 24 janvier 2002 au président du Conseil de surveillance de la
Compagnie, que " dès lors que l'ensemble des mesures seraient approuvées par toutes les
parties concernées, l'Etat serait disposé à procéder au retraitement des avances (...), à savoir la
transformation en capital de l'avance en vue de sa cession à des investisseurs privés, suivie d'une
augmentation de capital. " Dans une telle perspective, les collectivités locales actionnaires
seraient appelées à participer à l'augmentation du capital, afin de préserver l'équilibre
capitalistique actuel (cf. infra § 10.3.)
En tout état de cause, si un tel scénario devait être retenu, il conviendrait de préciser si les
marges de manouvre nouvelles qu'il autoriserait seraient utilisées pour développer les activités
essentielles de la Compagnie, et en particulier la concession d'Etat, ou ses actions autonomes,
notamment dans le secteur concurrentiel.
5-4 L'incidence des politiques publiques
Dans le même temps que l'Etat se désengageait de CNABRL et lui demandait d'équilibrer ses
comptes, en dépit des charges liées à son endettement, les collectivités locales de la région
étaient incitées à se doter d'une alimentation autonome en eau en bénéficiant de subventions
d'investissements de réseaux de l'Agence de l'eau, alors même que la Compagnie dispose
d'équipements notablement sous-utilisés (19).
Cette contradiction entre différentes politiques des pouvoirs publics a pesé sur les équilibres de la
société.
6- LE RÔLE DES COLLECTIVITES ACTIONNAIRES
La région Languedoc-Roussillon et les cinq collectivités départementales détiennent 62,53 % du
capital de CNABRL (20). Depuis 1992, l'intérêt de certaines des collectivités actionnaires n'a pas
toujours été en phase avec l'intérêt de la Compagnie.
Les intérêts propres de la Compagnie ont pu, dans quelques circonstances, être en contradiction
avec les intérêts de certaines collectivités actionnaires.
6-1 La filiale "IRRIFRANCE"
Au début des années 1980, CNABRL s'était engagée, à la demande de ses actionnaires publics,
pour assurer le sauvetage de la société ''IRRIFRANCE'', alors en grande difficulté (21). Devenue
filiale de la Compagnie, cette société a connu au début des années 1990 de nouvelles difficultés.
Le 9 avril 1991, le président du Conseil général de l'Hérault écrivait au président du Directoire de
CNABRL que le Département mettait " à la disposition de la Compagnie du Bas-Rhône un compte
courant de 12 MF pour conforter sa situation financière, et particulièrement afin de faire face à vos
engagements auprès de votre filiale IRRIFRANCE " et il signait une convention en ce sens avec la
Compagnie.
Le 7 mai 1991, le Crédit Local de France consentait un prêt de 2,5 MF à la CNABRL. Le jour
même, la CNABRL consentait un prêt de 2,5 MF à sa filiale ''IRRIFRANCE'', " dans le cadre du
plan de redressement de la Société IRRIFRANCE ", ainsi que précisé dans la convention
BRL/IRRIFRANCE signée ce même 7 mai 1991, et en application de l'article 12 de la loi du 24
janvier 1984 qui autorise une société à procéder à des opérations bancaires sur des sociétés avec
lesquelles elle a directement ou indirectement des liens de capital.
Ce prêt n'a jamais été remboursé par "IRRIFRANCE", en raison de ses difficultés financières. Le
département de l'Hérault a fait jouer sa garantie à hauteur de 1,25 MF, montant imputé sur
l'avance de 12 MF. S'agissant des 10,75 MF restants :
- 5,250 MF ont été utilisés pour souscrire à l'augmentation du capital de CNABRL en 1992 ;
- 0,3 MF ont été utilisés pour souscrire une partie de l'augmentation du capital de CNABRL en
1993/94 ;
- le solde, soit 5,2 MF, a été remboursé par la Compagnie au Département le 31 décembre 1994.
Ce montage complexe, et peu orthodoxe, a permis de tourner la difficulté liée à l'article 4 de la loi
du 7 janvier 1982, qui encadre les interventions directes d'un Département en matière
économique. Il revenait à faire endosser les risques financiers du maintien en activité de la société
"IRRIFRANCE" à la CNABRL. Au final, l'aide du Département s'est limitée à 0,19 MEuros (1,25
MF), versée à CNABRL au titre de la convention précitée, somme à laquelle il convient d'ajouter
1,36 MEuros (8,925 MF) versés directement à plusieurs établissements financiers, au titre des
garanties d'emprunt accordées par le Département à IRRIFRANCE, soit un total de 1,55 MEuros
(10,175 MF)
Cette somme de 1,55 MEuros (10,175MF) est à comparer à la provision de 9,30 MEuros (61 MF)
constituée par
CNABRL pour faire face aux risques de pertes générés par le maintien en activité
de la société IRRIFRANCE.
6-2 La faiblesse des montants des travaux en maîtrise d'ouvrage déléguée
Comme le souligne le tableau ci-dessous, depuis 1995, les collectivités actionnaires n'ont pas
fourni à CNABRL un montant important de travaux en maîtrise d'ouvrage déléguée (au sens de la
loi MOP du 12 juillet 1985, articles 4 et 5), et n'ont donc pas contribué activement à lui fournir un
volume de chiffre d'affaires susceptible de l'aider à sortir de ses difficultés.
Alors même que les principales collectivités territoriales de la région sont les actionnaires de
CNABRL, elles ont pu privilégier l'utilisation d'autres SEM d'aménagement.
6-3 Les concessions particulières
Les principales collectivités territoriales actionnaires - à l'exception de la Région et du
Département de la Lozère -
ont signé des traités de concession dites ''particulières'' avec la
Compagnie (cf. infra paragraphe 8). Le plan de filialisation qu'elles ont voté en juillet 1993
impliquait donc une refonte de ces
traités, afin de tenir compte
de l'existence de la nouvelle
entité BRL-Exploitation, appelée à exploiter les concessions particulières.
Il convient d'observer que les avenants aux traités de concession n'ont été signés que très
tardivement, puisque la plupart des avenants datent de l'automne 1997. Si ce retard témoigne de
la complexité juridique et financière du dossier, il manifeste aussi les désaccords entre les
concédants et leur concessionnaire, alors même que les collectivités concédantes sont
actionnaires de la Compagnie concessionnaire.
Au total, depuis 1992, la difficulté de son actionnariat public à manifester l'" affectio societatis " à
l'endroit de CNABRL a parfois été préjudiciable aux intérêts de la Compagnie. En particulier, les
divergences de vue des actionnaires publics survenues dans la période 1998 -1999 ont pu altérer
l'image de la situation réelle de CNABRL, au moment où la société avait accompli un effort
durable de redressement.
4ème
Partie - L'ACTIVITE HYDRAULIQUE ET L'AMENAGEMENT REGIONAL
L'activité hydraulique et l'aménagement régional (22) sont au cour des activités essentielles (au
sens de la lettre de mission du 6 novembre 1995) de CNABRL. Ces activités se déroulent dans
des cadres juridiques variés : concession d'Etat et concessions particulières avec les collectivités
territoriales principalement, affermage et travaux en maîtrise d'ouvrage déléguée de manière plus
accessoire.
7- LA GESTION DE LA CONCESSION D'ETAT
Les équipements réalisés dans le cadre de la concession d'Etat comportent des ouvrages de
structures (ouvrages de dérivation du Rhône, de régulation de l'Orb, d'aménagement hydro-
agricole du Lauragais Audois), des ouvrages d'adduction et de distribution pour l'équipement de
88 657 hectares (on compte notamment à ce titre 56 stations de pompage et 12500 bornes de
livraison d'eau),
ainsi que six stations de traitement d'eau potable, construites en vue de doter le
littoral en eau dans le cadre de son développement touristique.
7-1 La convention d'affermage entre CNABRL et BRL-Exploitation
La concession d'Etat vit, depuis 1993, dans un cadre juridique rénové, puisque les équipements
de cette concession ont été affermés par CNABRL à BRL-Exploitation. Une convention
d'affermage a été signée le 5 juillet 1993 et approuvée par arrêté conjoint du ministre de
l'économie, du ministre du budget et du ministre de l'agriculture en date du 30 juillet 1993.
Elle prévoit dans ses articles 6 et 7 les montants de la redevance d'exploitation (36 MF HT, base
1991), de sa révision et de son indexation. L'article 6 prévoit notamment qu'elle " devra être
calculée de façon notamment
à couvrir :
- en particulier l'amortissement lié aux investissements du concessionnaire (sur les ouvrages
exploités), le remboursement du capital emprunté et les frais financiers afférents à ces emprunts,
ainsi que la dotation aux provisions de gros entretien, de maintenance et de renouvellement de
l'ensemble des ouvrages de la concession d'Etat, et d'une façon plus générale l'ensemble des
obligations de CNABRL vis-à-vis de son concédant, au titre de la concession d'Etat attribuée à la
CNABRL.
- une marge complémentaire minimale au profit de la CNABRL. "
7-2 L'équilibre des comptes
Il convient de noter qu'il n'existait pas, avant le début du contrôle, de compte consolidé de la
concession d'Etat. Depuis 1993, les éléments comptables étaient donc dispersés entre CNABRL
et BRL-Exploitation, alors même que le cahier des charges général, annexé au décret du 14
septembre 1956 portant concession générale, prévoit que les comptes et le projet de budget de la
concession d'Etat seront soumis chaque année aux ministres de l'intérieur, de l'économie et de
l'agriculture.
Cette obligation avait été perdue de vue depuis la signature du traité d'affermage. Son non-
respect ne permettait pas d'avoir une vue globale des comptes de la concession d'Etat.
Les comptes produits montrent que le "petit équilibre" est atteint, puisque BRL-Exploitation
parvient, après paiement de la redevance d'affermage, à dégager une marge de 1,52 MEuros (10
MF) à 2,13 MEuros (14 MF) par an. La redevance payée a permis à CNABRL de faire face aux
annuités de la dette de la concession d'Etat, et de constituer une dotation aux provisions de
maintenance et gros entretien.
Cependant, le "grand équilibre'' reste éloigné : il supposerait que soient dotés les amortissements
de caducité, pour un montant restant à amortir de 67,40 MEuros (442,1 MF) à l'horizon 2031. La
convention du 5 juillet 1993 prévoit en son article 6.1. que la redevance est calculée pour couvrir
notamment " l'amortissement lié aux investissements du concessionnaire (sur les ouvrages
exploités) (...)et d'une façon plus générale l'ensemble des obligations de CNABRL vis-à-vis de son
concédant, au titre de la concession d'Etat attribuée à la CNABRL." , et en ses articles 6.2. et 7
que son montant s'élèvera à 5,49 MEuros HT (36 MF) (base 1991), avec une formule de révision
indexée sur l'indice TP02.
Si les modalités de calcul de la redevance
ont respecté les termes des articles 6.2. et 7 de la
convention, il convient d'observer qu'ils n'ont permis de doter les amortissements de caducité
constitués qu'à hauteur de 4,01MEuros (26,34MF) au 31 décembre 2000 (cf. supra paragraphe
4.1.), alors même que BRL-Exploitation a dégagé une marge de 1,52 MEuros (10 MF) à 2,13
MEuros (14 MF) par an entre 1994 et 1997 sur les activités liées à la concession d'Etat.
Le président du Directoire souligne néanmoins que la redevance, en raison du mode de calcul de
son indexation, devrait connaître une évolution dynamique tandis que "les investissements hors
modernisation et gros entretien seront insignifiants (...) Dans cette configuration, l'accroissement
de la redevance devrait donc bien servir à doter à terme de manière notable les amortissements
de caducité.
M. Jean-Louis Blanc, président du Directoire de septembre 1992 à avril 1999, estime
pour sa part
que le grand équilibre sera atteint d'ici 2031 "compte tenu de l'augmentation importante des
ventes d'eau que devrait apporter à CNABRL la forte croissance démographique du Languedoc-
Roussillon", et
a fortiori en cas de réalisation de l'aqueduc Rhône-Barcelone.
8- LES CONCESSIONS DITES "PARTICULIERES" AVEC LES COLLECTIVITES LOCALES
8-1 Des risques assumés par les collectivités locales
La Compagnie a une activité importante de concessionnaire d'équipements hydrauliques des
collectivités locales, connue sous l'appellation de ''concessions particulières'', par opposition à
l'activité de concessionnaire de l'Etat. Ces concessions particulières figurent au rang des activités
essentielles, au sens des lettres de mission adressées par les ministres de l'agriculture et de
l'économie.
Elles présentent un caractère atténué par rapport à la définition classique de la concession,
notamment parce que leurs risques financiers sont assumés, pour l'essentiel, par les collectivités
concédantes.
D'une part, leurs résultats, fortement négatifs - mais néanmoins en amélioration depuis 10 ans -
sont en quasi-totalité pris en charge par les collectivités locales concédantes, sous forme de
paiement de charges intercalaires, et résiduellement par CNABRL (23), dont ils pèsent sur le
résultat. L'intervention des collectivités territoriales représentait entre 57,5 % et 71,3 % du coût de
revient, sur 4 exemples de concessions choisis en 1999 (24), chacune ayant une vocation mixte
(fourniture d'eau agricole et d'eau à usage non agricole).
D'autre part,
le financement des investissements, inscrits au bilan 2000 à hauteur de 72,05
MEuros (472,6 MF), n'est pas pris en charge par la Compagnie : celle-ci bénéficie des
subventions
émanant de diverses collectivités et de l'Etat, ainsi que de la prise en charge de
l'endettement résiduel, inscrit au passif de CNABRL à hauteur de 16,74 MEuros (109,8 MF) au 31
décembre 2000, sur un total d'endettement de 86,51 MEuros (567,5 MF), sous forme de
remboursement des annuités d'emprunt par la collectivité concédante.
Il convient de tenir compte de cet adossement aux collectivités locales pour apprécier les risques
liés à l'endettement de CNABRL.
8-2 Une sécurité juridique insuffisante
La quasi-totalité des concessions particulières est antérieure à 1993, date à laquelle est
intervenue la filialisation.
Depuis lors, les concessions particulières sont affermées de fait par CNABRL à BRL-Exploitation,
sans qu'aient été signées de conventions entre les deux sociétés en vue d'affermer chaque
concession particulière. En pratique, CNABRL facture à BRL-Exploitation le bénéfice d'exploitation
résultant des comptes de chaque concession particulière, qui fait ainsi office de redevance
d'affermage ; en cas de perte, le montant de la perte est facturé par BRL-Exploitation à CNABRL,
qui perçoit du concédant les charges intercalaires et les subventions d'investissement.
Un tel mécanisme ne saurait perdurer sans bases juridiques consolidées, sous forme de
conventions d'affermage entre CNABRL et BRL-Exploitation.
En outre, l'autorisation formelle de confier l'exploitation à un sous-traitant n'a été donnée par les
concédants que tardivement, puisque la plupart des avenants aux traités de concession datent de
l'automne 1997. Les conventions de sous-traitance avec BRL-Exploitation n'ont pas été
systématiquement rédigées et soumises à l'agrément des collectivités concédantes.
Il a été en partie remédié à ces défauts, qui pèsent sur la sécurité juridique des concessions
particulières, puisque le président du Directoire précise que "depuis l'intervention de la Chambre,
les relations entre CNABRL et BRL-E pour toutes les opérations du Lauragais, qui représentent
plus de 55% des chiffres d'affaires concernés, ont été régularisées. (...) La régularisation globale
devrait être terminée fin 2002."
8-3 La concession particulière du barrage sur l'Agly
CNABRL a signé le 14 novembre 1986 avec le Département des Pyrénées Orientales un " traité
de concession relatif aux études et travaux préparatoires, à la réalisation et à l'exploitation du
barrage de Caramny-Cassagnes-Ansignan ", dit barrage sur l'Agly. Cette opération visait à
permettre d'une part l'irrigation et l'apport en eau potable de la plaine de Salanque et du littoral,
d'autre part l'écrêtement des crues (article 2 du traité), une micro centrale permettant d'assurer
une production d'énergie hydroélectrique de complément.
L'inadaptation du cadre juridique de cette opération, réalisée sous forme d'une concession
octroyée à CNABRL, est à l'origine d'un lourd contentieux entre les deux co-contractants.
D'une part, CNABRL n'a pas financé l'ouvrage, qui a bénéficié de subventions de diverses
collectivités publiques ; d'autre part, du fait du changement de destination de l'ouvrage,
principalement voué à l'écrêtement des crues dès avant sa construction, aucune recette
d'exploitation ne pouvait être attendue. Dès lors, le système concessif, amputé de sa substance,
ne pouvait pas fonctionner. Si CNABRL n'a signé avec le Département aucune convention
financière prévoyant les conditions de la rémunération de l'exploitation de l'ouvrage, une
subvention forfaitaire annuelle d'exploitation de 0,23 MEuros (1,481 MF) a été votée par le
Département au profit de la Compagnie à partir du 1er janvier 1997, sans qu'elle ait fait l'objet
préalablement d'un accord formalisé entre les deux parties.
Il est résulté de cette situation une série de contentieux avec le concédant et l'administration
fiscale, soldés par des conventions de décembre 2000 qui ont mis un terme à la concession au 31
décembre 2000, les ouvrages ayant été transférés à titre gratuit au Département.
CNABRL a notamment conclu une transaction avec le Département, au terme de laquelle la
rémunération de la Compagnie pour solde de tout compte s'élève à 1,78 MEuros (11,65 MF),
auxquels s'ajoutent 5,29 MEuros (34,672 MF) de remboursement de TVA consécutifs au
changement de vocation principale du barrage, somme que la Compagnie devra rétrocéder au
fisc.
9 - LES VENTES D'EAU
Le produit des ventes d'eau représentait 162,6 MF en 1999, soit 50,8 % du chiffre d'affaires
consolidé de CNABRL et une progression de 35 % en 10 ans. Sur cette somme, les produits des
ventes d'eau agricole représentaient 64 MF.
9-1 L'eau agricole
La souplesse de la structure tarifaire de l'eau agricole, rénovée en 1992 (25), correspond à des
usages multiples liés aux caractéristiques de chaque culture.
La structure tarifaire n'a pas pour ambition de refléter le coût de revient réel. Le prix de l'eau
agricole est en effet étroitement contrôlé par les autorités publiques et relève de choix politiques :
la modification du prix de l'eau agricole produite dans le cadre de la concession d'Etat nécessite
l'agrément des ministères de tutelle (26) ; les collectivités locales
ont pour leur part souhaité
aligner le prix l'eau agricole produite dans le cadre des concessions particulières sur le prix de
l'eau agricole de la concession d'Etat. Les tarifs proposés dans la région sont donc uniformes,
quelles que soient les difficultés techniques pour amener l'eau à un point donné.
Depuis 10 ans, les ventes d'eau en volume ont connu une stabilité relative, compte tenu toutefois
d'une dimension aléatoire directement liée aux caractéristiques climatologiques (année sèche ou
humide) de chaque année. Les ventes d'eau agricoles en volume semblent
néanmoins suivre un
trend descendant, de 67,8 Mm3 en 1990 à 51,7 Mm3 en 1999, lié à des tendances lourdes,
notamment l'urbanisation des zones de la concession d'Etat qui diminue la demande en eau
agricole.
M. Jean-Louis Blanc, ancien président du Directoire, précise que "les prix de l'eau agricole ont été
rehaussés de 20 à 25 % en deux étapes (1993 et 1994)." Selon lui, "ceci a contribué grandement
au rétablissement des comptes d'exploitation de la société. " L'actuel président du Conseil de
surveillance souligne pour sa part que la tarification de l'eau à usage agricole " s'est faite en
concertation avec la profession agricole, qui a été sensibilisée très tôt à la nécessaire intégration
des coûts du service offert par BRL. Elle a conduit à abandonner certaines productions - maïs
notamment - qui n'étaient plus rentables en cultures irriguées dans notre région, tout en
encourageant les économies d'eau".
9-2 L'eau non agricole
La tarification de l'eau non agricole, c'est-à-dire de l'eau industrielle, de l'eau potable en gros
(vendue à la sortie des 5 stations de traitement d'eau de la Compagnie), de l'eau à usages
exceptionnels (service d'appoint rendu aux collectivités locales, notamment pour les bornes
d'incendie) et de l'eau à usages divers (clients non professionnels de l'agriculture pour arroser des
parcelles de terrain inférieures à 1 hectare), obéit à des règles plus empiriques. Le président du
Directoire souligne que " la fixation des prix en la matière tient avant tout du marché et de la
concurrence potentielle. " Si l'état du marché interdit une tarification au coût moyen, on notera que
la tarification au coût marginal de l'eau industrielle a été abandonnée en 1993.
S'agissant de l'"eau à usages divers", le tarif en vigueur jusqu'en 2000 comportait une part fixe
d'environ 80 % au travers d'un volume en franchise de 440 m3. Une nouvelle tarification a été
mise en vigueur, afin de tenir compte des contraintes à venir posées par le projet de loi sur l'eau,
qui tend à limiter et préciser le terme fixe de la facture d'eau.
S'agissant de l'irrigation des espaces verts collectifs et des jardins, le président du Conseil de
surveillance souligne que, "à partir des réseaux de BRL, il s'agit d'offrir aux agglomérations de la
région, notamment en zones périurbaines, de l'eau brute en provenance de ressources
renouvelables, pour ces divers usages, afin de réserver l'eau souterraine à la consommation
humaine. Cette offre a un double avantage, écologique et économique : elle permet de limiter la
pression sur les nappes et de ne pas gaspiller de l'eau potable pour des usages" moins nobles",
donc de réaliser des économies sur le réseau traditionnel."
5ème
Partie - LES ORIENTATIONS STRATEGIQUES
10- LES ORIENTATIONS STRATEGIQUES
L'orientation stratégique adoptée en 1993 au moment de la filialisation mettait l'accent sur les
activités concurrentielles et rentables, dans lesquelles le groupe pouvait exploiter son savoir-faire,
afin de répondre à la contrainte d'équilibre des comptes imposée par la tutelle.
Cette orientation présentait néanmoins un double inconvénient : d'une part,
le risque d'une
contradiction entre l'intérêt des collectivités locales actionnaires majoritaires, qui se limite au
territoire régional, et un chiffre d'affaires croissant dans les activités internationales, qui nécessite
des prises de risque et, le cas échéant, peut exiger des capitaux frais des actionnaires ; d'autre
part, et en conséquence de cette contradiction, le risque d'incohérence entre le statut de Société
d'aménagement régional (SAR) dont se prévaut la CNABRL et la réalité d'une partie croissante de
son activité, qui appellerait un statut de Société commerciale.
Pour l'heure, ces risques ont pu être évités, puisque les activités internationales ne représentaient
que 15,8 % du chiffre d'affaires total de CNABRL en 1999. Cependant, un accroissement
substantiel des activités concurrentielles de la Compagnie, notamment à l'international, ne
manquerait pas de faire surgir à nouveau ces interrogations.
10-1 Les "plans d'affaires" (2000-2005)
Les orientations adoptées en décembre 1999 dans le cadre des ''plans d'affaires'' visent un
développement équilibré de CNABRL, s'appuyant à la fois sur l'aménagement régional et sur les
activités concurrentielles.
Elles ont pour ambition de définir la stratégie de la Compagnie à l'horizon 2005, avec en filigrane
la volonté de dégager les résultats suffisants avant 2031, terme de la concession d'Etat, pour
doter les amortissements de caducité et obtenir un report à nouveau positif.
La stratégie adoptée de "développement équilibré et raisonné" privilégie quatre options : le
renforcement de l'action de la Compagnie en région, le développement de l'activité à l'international
dans le domaine de l'ingénierie et en matière de gestion de périmètres irrigués, le développement
et le renforcement des partenariats financiers (entrée de partenaires au capital de BRL-Ingéniérie
et de BRL-Espaces naturels) et des partenariats commerciaux et opérationnels (coopération avec
les autres SAR) et l'adaptation de la structure financière qui passe par une augmentation de
capital. Le chiffrage de ce scénario fait apparaître un résultat prévisionnel de l'ordre de 2,03
MEuros (13,3 MF) en 2004.
10-2 Le projet d'Aqueduc Languedoc-Roussillon-Catalogne
A l'horizon 2031, terme de la concession d'Etat, la capacité de la Compagnie à présenter un bilan
équilibré (27) dépend fortement de la réalisation du projet d'aqueduc Languedoc-Roussillon-
Catalogne, qui aurait pour objet d'alimenter l'agglomération de Barcelone à partir de l'eau du
Rhône en prolongeant les installations existantes entre le Rhône et Montpellier.
Selon les études actuelles conduites par la SEPA LRC, filiale de CNABRL créée en décembre
1997, cet aqueduc pourrait prendre la forme d'une conduite totalement enterrée de 2,40 m à 2,80
m de diamètre sur une longueur de 320 km (195 km en France et 121 km en Espagne), et 5 ou 6
stations de pompage pour permettre à l'eau de franchir l'obstacle des Pyrénées (tunnel de 4 km),
avec un dénivelé maximum de 200 mètres.
S'il devait voir le jour, ce projet permettrait à la Compagnie de rentabiliser les équipements
existants entre le Rhône et Montpellier, aujourd'hui sous-utilisés, et d'accroître, selon ses
projections, ses marges à partir de 2008 d'un montant de l'ordre 9,15 MEuros ( 60 MF ) par an,
soit un résultat cumulé de 105,34 MEuros ( 691 MF ) à l'horizon 2031. Il pourrait offrir à la
CNABRL une opportunité de développement et l'espoir de sortir de sa situation actuelle de fragilité
comptable, ainsi que de faire face à ses obligations.
En revanche, la non-réalisation de l'aqueduc rendrait l'hypothèse d'un bilan équilibré en 2031
(amortissements de caducité dotés) fortement dépendante de la capacité de CNABRL à
développer et rentabiliser ses activités concurrentielles, dont le volume et les résultats demeurent
aléatoires.
Des incertitudes pèsent sur la réalisation de ce projet, à double titre :
- d'une part, la décision des autorités espagnoles n'est pas acquise : l'aqueduc Rhône-Barcelone
est pour l'instant en compétition avec un scénario visant à transférer en Catalogne l'eau du bassin
de l'Ebre ;
- d'autre part, l'investissement à réaliser serait de l'ordre de 0,91 milliards d'euros (6 milliards de
francs), dont 0,61 milliards d'euros (4 milliards de francs) pour la partie française. S'il est
prématuré d'envisager le détail du financement de ces 0,61 milliards d'euros (4 milliards de
francs), la CNABRL n'est pas en mesure de s'endetter dans les proportions nécessaires. L'Etat ne
souhaite pas s'engager dans une démarche dans laquelle l'intérêt général de la population du
Languedoc-Roussillon n'est, selon lui, pas en cause. Le projet devra donc trouver des capitaux
privés (éventuellement complétés par des participations des collectivités locales), étant entendu
que la Catalogne assumerait le risque commercial.
Il convient enfin d'observer que le Conseil d'Etat a estimé, dans un avis du 14 octobre 1997, que
la réalisation et l'exploitation de l'aqueduc pourraient faire l'objet d'une concession de service
public.
10-3 Le renforcement des fonds propres
Le renforcement des fonds propres de CNABRL est explicitement prévu par les plans d'affaires
adoptés en décembre 1999, en raison de l'importance de l'endettement de la Compagnie et de la
nature de ses projets, notamment dans les activités concurrentielles. Il s'agit à la fois de permettre
au groupe de se développer, et de diminuer le risque d'une évolution défavorable des taux
d'intérêts, auquel la structure de son bilan rend CNABRL particulièrement sensible.
Les hypothèses à l'étude envisagent un effort des collectivités actionnaires afin d'accroître le
capital d'environ 15,24 MEuros (100 MF). L'Etat a accepté le principe d'une souscription au capital
des 32,43 MEuros (212,7 MF) d'avances conditionnées qu'il a accordés à CNABRL, dès lors que
les collectivités locales actionnaires souscriraient une augmentation de capital. Au terme de cette
opération qui permettrait d'absorber les 36,79 MEuros (241,3 MF) de report à nouveau négatif, les
collectivités locales continueraient à détenir la majorité du capital (cf. supra paragraphe 5.3). Un
tel réaménagement du haut de bilan autoriserait alors des marges de manouvres nouvelles, dont il
conviendra de déterminer si elles doivent être affectées à développer les activités essentielles de
la Compagnie, ou ses actions autonomes, en particulier dans le secteur concurrentiel.
Le président du Conseil de surveillance précise que le montage à l'étude "doit être apprécié dans
son ensemble. Le traitement des avances ne peut à lui seul permettre de dégager une marge de
manouvre pour les orientations stratégiques, car il n'apporte pas de trésorerie supplémentaire. Il
doit donc être couplé avec l'augmentation de capital et le "nettoyage
de bilan proposé depuis
plusieurs mois par le Directoire. Ce dossier est en attente d'une décision des divers ministères
concernés. Pour les collectivités actionnaires de BRL, il constitue un préalable indispensable à la
future augmentation de capital."
Dans sa réponse, le président du conseil de surveillance souligne en outre l'importance
stratégique des infrastructures hydrauliques du groupe pour le développement de la région, liée
en particulier aux perspectives démographiques, à l'application de la directive cadre sur l'eau et à
l'impact potentiel des changements climatiques.
CONCLUSION
Depuis sa création en 1956, CNABRL a eu un rôle structurant sur l'économie régionale à un
double titre :
- d'une part, la Compagnie a répondu à un besoin de sécurisation de la ressource en eau. Elle
devrait continuer à jouer ce rôle à l'avenir, sans doute avec plus de force qu'elle ne le fait
aujourd'hui. La Compagnie offre en effet une alternative dans des zones qui pourraient voir la
qualité de l'eau des nappes phréatiques se détériorer fortement et la demande en eau s'accroître ;
- d'autre part, elle a participé au développement économique de la région. Une thèse de doctorat,
soutenu en 1999 à l'université de Montpellier, montre notamment que l'irrigation a permis de
limiter de façon considérable la déprise agricole, d'accroître la valeur ajoutée agricole, et d'avoir
un impact important sur l'emploi (28).
Au-delà de ses effets sur l'économie régionale, la Compagnie cherche à développer ses activités
concurrentielles hors des frontières françaises, notamment dans les métiers de l'ingénierie de
l'eau et de l'environnement, au sein de la filiale BRL-Ingéniérie. Ces potentialités, qui demandent à
être développées, ne sont en phase ni avec le statut de SAR, ni avec les moyens financiers
disponibles des collectivités locales actionnaires, ni avec les risques liés à cette activité hors du
champ régional. Pour cette raison, le statu quo concernant une activité qui demande
naturellement à être valorisée et développée ne semble pas possible.
Le prix de l'eau facturée par la CNABRL à ses clients, notamment les agriculteurs, et, au-delà, le
public, ne reflète qu'imparfaitement l'activité de la Compagnie, ses efforts en matière de
sécurisation de la ressource et l'ampleur des investissements financés sur fonds publics qu'elle a
conduits dans le passé. Au-delà des aspects comptables et financiers, il lui faudra dans l'avenir
concilier la gestion de sa clientèle privilégiée, jusqu'alors peu sensibilisée au lien entre le prix de
l'eau et son prix de revient réel, avec une démarche commerciale et concurrentielle.
Délibéré à la Chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon le 6 février 2002
(1) Mme Postel, chargée de recherche au Worldwatch Institute, Revue de l'USIA, mars 1999
(2) Lettre de mission des ministères de l'Agriculture et de l'Economie et des Finances au président
de la CNABRL en date du 12 mai 1981
(3) Note jointe au procès-verbal du conseil d'administration du 17 avril 1956 de la Société d'études
des Canaux de la Rive droite du Bas-Rhône et du Languedoc
(4) Lettres de mission du 6 août 1976, 12 mai 1981, 6 avril 1990 et du 6 novembre 1995
actuellement en vigueur.
(5) Chapitre 61-84, grands aménagements régionaux (ministère de l'agriculture et de la forêt)
(6) Lettre de mission du 6 novembre 1995
(7) Lettre de mission du 6 novembre 1995
(8) Lettre de mission du 12 mai 1981
(9) Ainsi un contrôle effectué sur le compte Clients "Forêt Méditerranéenne" en 1992 aboutit à la
conclusion que :
- un montant de 317 704,21 Euros
TTC ( 2 084 003 F ) de refacturation n'a jamais été enregistré ;
-d'autres prestations ont été facturées deux fois au même client [montant global de 201 994,57
Euros
TTC (1 324 997,50 F)].
(10) Rapport d'exposé des vérifications, exercice 1992, CNABRL.
(11) Conseil de surveillance du 15 septembre 1992
(12) La panoplie complète des moyens légaux a été mise en ouvre. Les salariés ont bénéficié de
conventions de formation, d'une aide au reclassement, d'aide au passage à un emploi à mi-temps,
d'aide à la mobilité géographique, de recours aux formules de préretraite et de conversion ainsi
que d'un appui de CNABRL au reclassement interne
(13) Un nouveau plan de compression du personnel présenté le 15 septembre 1992 s'est traduit
par la réduction d'environ 20 % des effectifs durant l'exercice 1993
(14) Rapport des commissaires aux comptes (1992)
(15) M. Jacques Blanc est devenu président du conseil de surveillance à compter du 11 juin 1992,
et M. Jean-Louis Blanc président du directoire à compter du 15 septembre 1992
(16)
Il est à noter que ces délais toutes créances confondues incluent les créances sur l'étranger
dont le recouvrement est, de fait, assez long
(17) En 1990, une perte de 400 KF a dû être constatée du fait d'un agent indélicat
(18) Lettre du Préfet de la Région Languedoc Roussillon du 3 mars 1992, confirmée par lettre du
24 mars 1992 du Ministre de l'Agriculture et de la Forêt1 Seules des circonstances techniques
particulières sont susceptibles de justifier une double alimentation
(19) Seules des circonstances techniques particulières sont susceptibles de justifier une double
alimentation
(20) La région détient 20,29 % des actions ; le département du Gard 16,52 % des actions ; le
département de l'Hérault 11,15 % des actions ; le département des Pyrénées orientales 7,12 %
des actions ; le département de l'Aude 6,80 % des actions ; le département de la Lozère 0,65 %
des actions
(21) Cf. sur ce point le conseil de surveillance du 11 juin 1992
(22) C'est-à-dire les travaux de gros entretien
et de maintenance de la concession d'Etat, et les
missions de maîtrise d'ouvrage et de conseil au bénéfice des collectivités locales
(23) Le mécanisme de facturation par BRL-Exploitation à CNABRL des pertes d'exploitation est
décrit au paragraphe 8.2
(24) Concession du barrage de Laprade, concession de la Gardonnenque, concession de l'ASA
de Villeneuve de la Raho et concession du Lauraguais Audois (SIMLA)
(25) CNABRL a adopté un tarif binôme comprenant une partie fixe, fonction du débit souscrit, et
une partie variable, fonction de la consommation effective
(26) Le traité d'affermage entre CNABRL et BRL-Exploitation prévoit (point 5) que les tarifs de
vente d'eau à usage agricole " ne peuvent pas être modifiés par BRL Exploitation sans l'accord
préalable de CNABRL et de son concédant dès lors que les investissements réalisés ont bénéficié
d'aides du ministère de l'agriculture destinés à bonifier le tarif de l'eau agricole par rapport à celui
de l'eau destinée aux autres usages. "
(27) C'est-à-dire un bilan qui comporterait à l'actif un report à nouveau positif et des
amortissements de caducité à hauteur de 442,1 MF, et qui aurait enregistré le remboursement à
l'Etat de 212,7 MF d'avances conditionnées
(28) Il est évalué aujourd'hui à 1900 emplois directs, et 3140 emplois en y ajoutant les emplois
indirects
Réponse de M. SAUMADE, ancien président du Conseil Général de l'Hérault,
en date du 19 avril 2002
Monsieur le Président,
Par courrier du 21 mars 2002, vous m'avez transmis des extraits du rapport d'observations
contenant les observations définitives de la Chambre sur la gestion de la Compagnie du Bas-
Rhône Languedoc de 1992 à 1994.
Comme la loi m'y autorise et comme vous me le proposez (loi 2001-1248 du 21 décembre 2001),
j'ai souhaité, en tant que Président du Conseil Général de l'Hérault au moment des faits, apporter
une explication complémentaire sur le dossier IRRIFRANCE.
Cette société filiale de la Compagnie du Bas-Rhône depuis le début des années 1980, connaissait
des difficultés importantes en 1992. Eu égard à son activité tournée vers une agriculture en voie
de reconversion, à son implantation dans la vallée de l'Hérault touchée par un chômage structurel
record, aux emplois industriels
en jeu, l'Assemblée départementale que je présidais a tenu à
participer activement au plan de sauvegarde de cette entreprise.
1) Elle l'a fait en respectant le cadre légal des interventions économiques auprès d'entreprises en
difficulté :
- intervention en garantie dans les limites prévues par la loi qui ont donné lieu à des avances en
garantie du fait de leur mise en ouvre ;
- intervention en avance en compte courant auprès de la maison mère, la CNABRL.
Sur ce deuxième volet de l'intervention départementale, j'observe que ce montage n'appelait
aucune remarque du contrôle de la légalité. Ultérieurement une utilisation abusive, contraire à la
libre concurrence a suscité une condamnation de certaines de ces avances par la jurisprudence
(cf. jugement SEM des Grands Hôtels de Vichy).
Mais la loi du 2 janvier 2002 sur les sociétés d'économie mixte confirme la légalité des avances
d'actionnaires et elle est applicable aux sociétés d'Aménagement régional comme la CNABRL.
2) L'intervention du Conseil Général s'est avérée particulièrement opportune. L'entreprise
fonctionne toujours depuis 10 ans, elle continue à générer de la richesse et à maintenir des
emplois. A une époque marquée par le caractère volatil dans beaucoup d'unités de production,
une implantation décennale est une manière de record.
De plus comme le relève la chambre, 5,550 MF de 12 MF d'avance consentis au Bas-Rhône pour
sa filiale IRRIFRANCE, n'ont été remboursés au Département que pour souscrire immédiatement
à l'augmentation du capital de la Compagnie.
En outre, l'effort définitif du Conseil Général dans ce dossier a été de 10,175 MF d'avances en
garantie jamais recouvrées qui est à comparer avec les 61 MF de provisions constituées par la
CNABRL pour faire face aux risques générés par le maintien en activité d'IRRIFRANCE.
L'intervention du Conseil Général de l'Hérault qui détient moins de 12 % du capital de la
Compagnie a été supérieure à 16 % des provisions passées par elle.
En conclusion, si la CNABRL a joué son rôle de maison mère par rapport à sa filiale
IRRIFRANCE, l'intervention du Conseil Général de l'Hérault n'en a pas été diminuée pour autant,
mais a permis, ce dont nous devons être particulièrement heureux, le maintien d'une activité
importante pour le PIB départemental, l'emploi dans un secteur particulièrement fragile, des
retombées fiscales pour les collectivités locales et, ce qui n'est pas le moins négligeable, la paix
sociale, dans une petite région où elle a été mise à mal par le retrait de la COGEMA.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l'expression de mes sentiments distingués.
Gérard SAUMADE
Réponse de M. RAINAUD, président du Conseil Général de l'Aude,
en date du 10 avril 2002
Monsieur le Président,
Vous avez bien voulu me faire parvenir, en qualité de Président du Conseil Général de l'Aude, le
rapport d'observations de la Chambre, concernant la gestion de la Compagnie Nationale
d'Aménagement du Bas-Rhône Languedoc pour les exercices 1992 et suivants.
Ce document n'appelle pas de remarques particulières de la part du Département.
Je précise toutefois que l'Assemblée Départementale, dans sa séance du 25 mars dernier, a
accepté de participer à l'augmentation du capital social de la Compagnie, à hauteur de 1 037 000
Euros.
Cette décision est consécutive à celle prise par l'Etat de renoncer à la créance dont il disposait à
l'égard de la Compagnie et de transformer en capital les avances qu'il avait accordées
précédemment.
Elle accompagne également de manière positive l'effort de productivité attendu de la Compagnie
dans les prochaines années.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma considération distinguée.
Le Président du Conseil Général,
Marcel RAINAUD