C
OUR DES
C
OMPTES
La mise en oeuvre de la loi
organique relative aux lois de
finances (LOLF):
un bilan pour de nouvelles
perspectives
Novembre 2011
Avertissement
synthèse
du
Rapport public thématique
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et
l’utilisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations concernées sont
publiées à la suite du rapport.
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
1
Un budget par politiques publiques porteur de la
réforme de l’Etat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
Une réforme budgétaire et comptable
. . . . . . . . . . . . . .7
Une “réforme de l’Etat par le budget”, peu à peu
supplantée par la RGPP
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
Une présentation du budget plus claire,
un Parlement plus informé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
L’absence de revue périodique des missions
et programmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8
Un Etat insuffisamment réformé . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
Une administration territoriale cloisonnée et inadaptée
.10
L’absence de rééquilibrage dans la relation entre l’Etat
et ses opérateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11
Une prise en compte partielle des politiques
publiques partagées
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11
2
L’affirmation de nouvelles responsabilités
. . .13
Des responsabilités à clarifier et à renforcer . . . . . . . . .13
Les promesses déçues d’une plus grande liberté
de gestion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14
Une comptabilité analytique à développer . . . . . . . . . . .15
Un système d’information financière à mieux adapter . .16
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Sommaire
3
La maîtrise des finances publiques . . . . . . . . . . . . . . . .16
L’absence chronique de respect des engagements
pluriannuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16
Un calendrier budgétaire inadapté
. . . . . . . . . . . . . . . .17
3
Le pilotage de l’action de l’Etat par
la performance
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
La diffusion d’une culture du résultat . . . . . . . . . . . . . .1 9
Un dispositif d’indicateurs trop ambitieux
. . . . . . . . . . .1 9
L’enjeu de la qualité de service . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2 1
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.....
23
Sommaire
Texte d’origine parlementaire, la loi organique relative aux lois de finances
(LOLF) a été votée dans le consensus politique. Elle s’inscrit dans la ligne des réformes
intervenues dans la plupart des autres pays de l’OCDE, à l’exception notable de
l’Allemagne, autour d’une doctrine commune, « la nouvelle gestion publique ».
Promulguée le 1er août 2001, elle s’est appliquée pour la première fois au budget de
l’Etat de l’année 2006.
Le présent rapport public thématique constitue un premier bilan d’ensemble de la
mise en oeuvre de ce texte au regard de ses ambitions initiales et des évènements qui ont
marqué la gestion publique au cours des dix dernières années. Il a pour ambition
d’offrir au lecteur un cadre de réflexion assorti d’orientations, pour nourrir le débat sur
la poursuite de la réforme engagée par la LOLF.
***
Le Gouvernement et le Parlement ont assigné des ambitions fortes à la loi orga-
nique relative aux lois de finances (LOLF), par rapport à l’ordonnance organique du
2 janvier 1959 qui la précédait. Ainsi, selon ses travaux préparatoires, la LOLF vise
à « contribuer à la réforme de l’Etat et affirmer le rôle du Parlement en matière bud-
gétaire ».
Dans son contenu, la LOLF répond à trois objectifs principaux :
- définir les politiques financées par l’argent public, leur stratégie et leurs contours,
et inciter les pouvoirs publics à adopter un schéma plus pertinent d’organisation et de
pilotage des administrations ;
- affirmer la responsabilité, à tous les niveaux, des décideurs publics, mieux éclai-
rés dans leurs choix, en élargissant leurs marges de manoeuvre et en les dotant de nou-
veaux outils de gestion ;
- améliorer les résultats de la gestion publique, en termes d’efficience, d’efficacité et
de qualité de service rendu au citoyen, grâce à la présentation d’objectifs, notamment au
Parlement, et d’indicateurs de performance permettant de mesurer les résultats.
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Introduction
5
1
Un budget par politiques
publiques porteur de la
réforme de l’Etat
Une réforme
budgétaire et
comptable
Par rapport à l’organisation exis-
tante sous le régime de l’ordonnance
organique du 2 janvier 1959, la LOLF
pose un nouveau cadre budgétaire,
structurant la présentation des dépenses
en regard des politiques publiques tra-
duites en missions et programmes. Des
projets annuels de performances sont
joints au projet de loi de finances ini-
tiale, auxquels répondent en exécution,
annexés au projet de loi de règlement,
des rapports annuels de performances.
La nouvelle présentation du budget
s’accompagne de la tenue des comptes
de l’Etat en comptabilité générale, selon
les mêmes principes et règles que ceux
applicables aux entreprises, sous réserve
des spécificités liées à l’action publique.
Cette comptabilité permet de constater
les droits et les obligations dès leur nais-
sance et retrace les charges et les pro-
duits, les actifs et les passifs de l’Etat,
ainsi que ses engagements hors bilan.
Une « réforme de
l’Etat par le
budget » peu à peu
supplantée par la
RGPP
L’ambition du Gouvernement et du
Parlement a été de faire des lois de
finances, lors de leur élaboration, de leur
exécution, et de leur contrôle, un puis-
sant vecteur de la réforme de l’Etat.
Depuis 2001,
la mise en œuvre de la
LOLF a été conduite au sein du minis-
tère chargé du budget.
Cependant, la constance politique
nécessaire au déploiement de la réforme
a fait défaut. Même si elle ne remet pas
en cause le cadre budgétaire et compta-
ble existant, la révision générale des
politiques publiques (RGPP) s’est subs-
tituée depuis 2008 au défi initial porté
par la LOLF, bénéficiant de l’impulsion
politique dont se trouve aujourd’hui pri-
vée la LOLF pour enclencher un pro-
cessus de modernisation plus générale.
La mise en œuvre de la LOLF, dans
toutes ses dimensions, relève d’une
logique interministérielle que seul le
Premier ministre peut porter avec légiti-
mité, efficacité et confiance de la part
des administrations. Il importe donc
Cour des comptes
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
7
Un budget par politiques publiques
porteur de la réforme de l’Etat
8
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
aujourd’hui de retrouver l’impulsion
politique nécessaire à l’accomplissement
de la réforme posée par la loi organique.
Une présentation du
budget plus claire,
un Parlement plus
informé
La présentation du budget de l’Etat
découpé en 2010, pour son budget
général, en 33 missions et 143 pro-
grammes constitue un progrès sensible
par rapport aux 850 chapitres régis par
l’ordonnance de 1959. Un des succès de
la LOLF est d’avoir donné une vision
plus claire et plus cohérente des moyens
de l’Etat dévolus à la mise en
œuvre des
politiques publiques.
Le nombre de missions et de pro-
grammes du budget général est proche
de ce que pratiquent d’autres pays ayant
engagé la même démarche d’identifica-
tion des politiques publiques : 27 sec-
teurs en Suède, avec 471 subdivisions
internes ; 30 public service agreements,
ramenés toutefois en 2010 à 17 departe-
mental business plan, au Royaume-Uni.
Les informations relatives à ces poli-
tiques publiques, produites à l’attention
du Parlement, sont considérables : le
nombre de pages annexées au projet de
loi de finances initiale a crû de 42 %
entre 2006 et 2011 pour atteindre 7 489
pages en ce qui concerne les seuls pro-
jets annuels de performances annexés au
projet de loi de finances pour 2011.
Rien n’indique cependant que ces
documents satisfont complètement au
besoin d’information du Parlement. Le
nombre de questions parlementaires sur
le projet de loi de finances ne s’est que
faiblement contracté depuis la mise en
œuvre de la LOLF, ce que ne compren-
nent pas nécessairement les responsa-
bles de programme qui considèrent
avoir fait de gros efforts pour améliorer
la quantité et la qualité
de l’information
mise à disposition des assemblées.
L’absence de revue
périodique des
missions et
programmes
Avant l’entrée en vigueur de la
LOLF, un nombre significatif d’obser-
vations du Parlement a été pris en
compte pour déterminer la nouvelle
structure du budget de l’Etat.
Les évolutions récentes de l’archi-
tecture budgétaire n’ont, en revanche,
pas donné lieu à un dialogue constructif,
entre le Gouvernement et le Parlement,
dans le cadre du débat d’orientation sur
les finances publiques de printemps. Les
remarques pourtant nombreuses du
Parlement sur les évolutions qui restent
à faire, et qui peuvent s’appuyer sur les
travaux de la Cour des comptes, n’ont
pas toujours produit tous leurs effets.
Dès la construction du budget trien-
nal 2009-2011, la direction du budget a
préconisé et obtenu une stabilisation de
la structure du budget. Cette stabilisa-
Un budget par politiques publiques
porteur de la réforme de l’Etat
9
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
tion aurait été plus justifiée si elle avait
été précédée d’une véritable revue des
missions et des programmes. Tel n’a pas
été le cas, ni pour le premier budget
triennal, ni pour le second,
prévu sur la
période 2011-2013.
La RGPP engagée en 2007 n’a pas
constitué cette nécessaire revue de mis-
sions et de programmes. Telle était bien
pourtant son ambition initiale, mais
l’examen des structures a été privilégié
par rapport à celui des crédits d’inter-
vention.
L’examen
des
politiques
publiques dans leur ensemble a rapide-
ment tourné court, contrairement au
cadre posé par la LOLF. Les missions
d’audit portant sur les dépenses d’inter-
vention n’ont pas eu de traduction
majeure en termes de réformes, dès la
première vague de la RGPP (4 % des
mesures suivies portaient sur ces
dépenses). Au cours de la seconde
phase, cette même absence, constituant
une dérive par rapport aux principes de
la LOLF, a été constatée.
Un Etat insuffisam-
ment réformé
Le décalage persistant entre l’organi-
gramme gouvernemental, dont les fluc-
tuations ont été nombreuses entre 2006
et 2010, d’une part, et, le mode de pré-
sentation des missions et des objectifs
de l’Etat tels qu’ils découlent de la
LOLF d’autre part, a réduit la portée
qu’aurait pu avoir la loi organique sur la
redéfinition et la conduite des politiques
publiques. Le risque que le périmètre
des missions doive s’adapter aux évolu-
tions des portefeuilles ministériels, indé-
pendamment d’une réflexion sur les
priorités et le champ d’intervention de
l’Etat, demeure constant.
70 % des gestionnaires interrogés
par la Cour estiment qu’il ne faut pas
réaménager le périmètre des pro-
grammes. Ils répondent par la négative,
dans les mêmes proportions, à l’idée
selon laquelle il faudrait réaménager l’or-
ganigramme administratif en fonction
des principes posés par la LOLF.
Cependant, parmi ceux qui notent des
distorsions entre leur périmètre de res-
ponsabilité administrative et leur champ
de compétence budgétaire, 40 % recon-
naissent que celles-ci soulèvent des diffi-
cultés.
Une administration
territoriale cloison-
née et inadaptée
Plus de 60 % des crédits du budget
de l’Etat sont délégués aux services
déconcentrés. En tenant compte des
agents de l’éducation nationale, plus de
90 % des effectifs de l’Etat sont
employés dans ces services.
La mise en œuvre de la LOLF dans
les services déconcentrés s’est traduite
par un émiettement des structures de
gestion. Dès 2008, la Cour avait estimé
que « les responsables se multiplient,
mais les responsabilités se diluent ; la
territorialisation s’accroît, mais par jux-
taposition de maillons de chaînes verti-
cales ».
On comptait encore en 2010, malgré
un effort de diminution, 1 698 budgets
opérationnels de programme et 13 196
unités opérationnelles. Ce nombre élevé
d’enveloppes de gestion a produit des
cloisonnements préjudiciables à la
bonne mise en œuvre des politiques
publiques
sur
les
territoires.
L’organisation de l’administration terri-
toriale de l’Etat - 96 départements, 22
régions en métropole, sans compter les
340 arrondissements et les circonscrip-
tions particulières à certaines adminis-
trations, défense, éducation nationale,
justice- , explique pour une large part
l’éclatement de la gestion qui est résultée
de la mise en œuvre de la LOLF. En
2008, on comptait à chaque niveau
(région, département) 15 à 30 services
administratifs.
La réforme de l’administration terri-
toriale de l’Etat, initiée en 2008, produit
de ce point de vue des évolutions
contrastées, dont les effets commencent
seulement à apparaître.
Le renforcement de l’échelon régio-
nal constitue un facteur favorable, déter-
minant pour l’avenir. Il permet de don-
ner une véritable taille critique aux enve-
loppes de gestion. 67 % des responsa-
bles de budgets opérationnels de pro-
gramme considèrent que l’échelon
régional est l’échelon le plus adapté de la
déconcentration.
De manière moins favorable, en
ayant porté prioritairement la réflexion
sur les structures, et non sur les poli-
tiques, la réforme de l’administration
territoriale reste en décalage avec la défi-
nition actuelle des missions et des pro-
grammes. Sans corriger les défauts anté-
rieurs liés à une organisation territoriale
inadaptée, elle a créé des difficultés de
fonctionnement supplémentaires.
Pour aller jusqu’au bout de la ratio-
nalisation de l’échelon territorial, la
logique ministérielle actuelle, qui tend à
privilégier les services déconcentrés des
ministères pour exécuter leurs budgets,
pourrait être remplacée par une logique
interministérielle,
qui
conduirait
à
confier, au niveau régional, le pilotage
des crédits des politiques publiques aux
préfets.
L’absence de
rééquilibrage dans
la relation entre
l’Etat et ses
opérateurs
La mise en œuvre de la LOLF, qui à
l’origine
ne
concernait
pas
les
opérateurs,
supposait de clarifier la
répartition des rôles entre la conception
des politiques et leur mise en œuvre. Ses
modalités pratiques n’ont pas été de
nature à rééquilibrer la relation entre
l’Etat et ses 594 opérateurs, alors que
leur rôle s’est accru dans certains
domaines. Le poids des opérateurs peut
aller, par exemple, jusqu’à constituer
100 % des crédits de certains pro-
grammes dans le domaine de la
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Un budget par politiques publiques
porteur de la réforme de l’Etat
10
recherche. Dans le domaine de la cul-
ture, 81 opérateurs regroupent 77,5 %
des effectifs. Les subventions de fonc-
tionnement qui leur sont allouées repré-
sentent désormais 37,3 % des crédits de
la mission « culture », contre 31,3 % en
2006.
La relation entre la tutelle adminis-
trative et les opérateurs reste marquée
par deux déséquilibres principaux :
- la part active prise par les opéra-
teurs dans la définition des politiques
publiques elle-même, au détriment de la
tutelle,
- une implication trop forte de la
tutelle dans les décisions de mise en
œuvre.
Une prise en compte
partielle des
politiques publiques
partagées
L’Etat représentait en 2001, au
moment du vote de la LOLF, 39 % des
dépenses publiques. Il n’en représentait
plus que 35 % en 2010, soit une fraction
toujours plus limitée du périmètre de
l’action publique.
L’Etat représente ainsi dorénavant
seulement 74 % des dépenses de la
fonction « ordre et sûreté publique »,
60 % des dépenses d’éducation, 25,2 %
des dépenses liées aux « affaires écono-
miques », 17,9 % des dépenses en faveur
des loisirs et de la culture, 10,6 % des
dépenses consacrées au logement et au
développement urbain. Sur ces trois der-
nières fonctions, les dépenses des admi-
nistrations publiques locales sont large-
ment majoritaires.
La LOLF ne concerne que le budget
de l’Etat. Toutefois, dès 2005, une loi
organique relative aux lois de finances
de la sécurité sociale (LOLFSS) a été
promulguée. Elle est positive pour le
pilotage d’ensemble des politiques
publiques, notamment parce qu’elle :
- a permis au printemps la tenue au
Parlement d’un débat d’orientation
commun au champ de l’Etat et de la
sécurité sociale ;
- a introduit des programmes de
qualité et d’efficience, permettant un
pilotage par la performance de la sphère
de la sécurité sociale proche de celui de
l’Etat.
Pour les collectivités territoriales, le
recours à l’expérimentation avec des
communes, des départements, des
régions volontaires a été préféré au
chantier d’une « LOLF locale », en rai-
son de la grande diversité des modes
d’organisation de ces collectivités et de
leurs différences de taille.
Afin d’aboutir à une évaluation glo-
bale
des résultats
des politiques
publiques telle que le prévoit la LOLF, il
parait aujourd’hui souhaitable d’avancer
vers un pilotage de ces politiques sur un
périmètre élargi, tenant compte des col-
lectivités territoriales.
Enfin, l’Etat étant le garant d’en-
semble des grands équilibres des
finances publiques, la mise en œuvre
progressive d’une consolidation de l’en-
semble des comptes dans un compte
général des administrations publiques
est indispensable.
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
Un budget par politiques publiques
porteur de la réforme de l’Etat
11
Un budget par politiques publiques
porteur de la réforme de l’Etat
12
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
conduire des exercices de revue
périodique des missions et des pro-
grammes sur un mode triennal, en
associant le Parlement ;
revoir ainsi le périmètre des mis-
sions et des programmes, en faisant
évoluer les structures des ministères et
de leurs services de manière cohé-
rente ;
limiter le développement des
programmes support et recourir à
d’autres outils de gestion des fonctions
mutualisées ;
mieux articuler l’organisation
territoriale de l’Etat avec les missions
et programmes, en limitant le nombre
des structures de gestion ;
affirmer le niveau régional en
tant que niveau interministériel de ges-
tion privilégié pour les politiques
publiques ;
mettre
progressivement
en
œuvre les normes nécessaires pour
présenter un compte général des admi-
nistrations publiques, consolidant les
comptes de l’Etat avec ceux de ses
opérateurs puis avec ceux de la sécurité
sociale, et agrégeant ultérieurement ces
comptes avec ceux du secteur public
local.
Les orientations préconisées par la
Cour
13
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
2
L’affirmation de nouvelles
responsabilités
Des responsabilités
à clarifier et à
renforcer
En imposant aux gestionnaires de
rendre compte des résultats qu’ils ont
obtenus devant les ministres et le
Parlement, la loi organique a promu un
principe de responsabilité. Cette nou-
velle responsabilité « managériale » ne se
substitue pas à celles dont sont déjà
investis les dirigeants administratifs.
Cette responsabilité n’est pas dénuée
d’ambiguïtés.
Alors que la mission incarne désor-
mais le cadre des politiques publiques
définies par les ministres, aucun respon-
sable administratif ne porte la responsa-
bilité d’ensemble de ces missions. Il
n’existe donc pas aujourd’hui d’articula-
tion formalisée entre la vision politique
portée par les ministres et les stratégies
présentées dans les programmes sur les-
quelles doivent s’engager leurs respon-
sables.
En outre, jusqu’à présent, la respon-
sabilité des gestionnaires devant le
Parlement reste limitée. En effet, si la
pratique a conduit les responsables de
programmes à présenter devant les par-
lementaires leurs résultats, ces auditions
n’ont aucune conséquence directe sur
ces responsables. En droit, ils sont logi-
quement placés sous la seule autorité
des ministres auxquels ils sont rattachés.
Les pratiques dans des Etats voisins
offrent des exemples de la manière dont
peut s’organiser la relation entre la défi-
nition par le ministre des politiques
publiques et leur conduite au niveau
administratif par un haut fonctionnaire
placé sous son autorité. Ainsi, en
Allemagne, le « Staatssekretär », délégué
permanent du ministre, est le responsa-
ble
administratif
de
la
politique
publique qu’il met en œuvre. Au
Royaume-Uni, le « Permanent Secre-
tary », fonctionnaire de rang le plus
élévé du ministère, exerce le même type
de fonctions. A ce titre, il dirige l’admi-
nistration et conduit les politiques
publiques dans le respect du mandat
politique qui lui est donné.
La transposition de ce modèle en
France, qui conduirait à désigner un res-
ponsable administratif de mission,
chargé de diriger la mise en œuvre de la
politique publique, impliquerait de
repenser la relation entre le Parlement,
les ministres, les cabinets ministériels et
l’administration. La question de la répar-
tition de la qualité d’ordonnateur entre
ministres et responsables administratifs
de mission se poserait alors de manière
nouvelle.
Si le choix politique était d’en rester
au mode d’organisation politique et
administrative actuel, on pourrait consi-
dérer à tout le moins que le haut fonc-
tionnaire responsable de la mission soit
le garant, notamment pour le ministre,
de
la
cohérence
d’ensemble
des
programmes en termes de soutenabilité
financière.
Les promesses
déçues d’une plus
grande liberté de
gestion
En corollaire du principe de respon-
sabilité, la loi organique devait ménager
une plus grande liberté de gestion. Or,
dans le cadre d’une enquête d’opinion,
sur les 800 agents de catégorie A et B
interrogés pour la Cour, 35 % seulement
considèrent que le service ou l’établisse-
ment dans lequel ils travaillent disposent
de marges de manœuvre suffisantes
pour atteindre les objectifs qui leur sont
assignés. De même, les responsables de
budgets opérationnels de programme
ayant répondu à la Cour soulignent que
le principal obstacle à la bonne mise en
œuvre de leur mission est, à 62 %, le
manque de marges de manœuvre budgé-
taire.
Les contraintes sur la dépense liées à
la nécessité du redressement des
comptes publics ne sont pas seules à
expliquer ce ressenti ; le maintien de
pratiques culturelles antérieures à la
LOLF, dont certaines apparaissent
contraires à l’esprit de responsabilité et
de déconcentration, y contribue aussi
fortement.
Ainsi, la négociation par chaque ges-
tionnaire de ses moyens avec la direction
du budget reste marquée par une
« méfiance réciproque » et la persistance
d’un examen ligne à ligne de chaque
dépense.
De même, la fongibilité asymétrique,
qui devait permettre, dans le cadre d’une
enveloppe donnée, de fournir des
marges de manœuvre nouvelles en redé-
ployant les économies faites sur la masse
salariale vers d’autres postes de dépense,
a été progressivement marginalisée, au
point
d’avoir
quasiment
disparu
aujourd’hui. Alors qu’ils avaient accueilli
très favorablement ce mécanisme, les
gestionnaires ont désormais le senti-
ment d’une faculté illusoire.
Dans les relations entre l’administra-
tion centrale,
les préfets et les services
déconcentrés, l’administration centrale a
également toujours tendance à gérer les
crédits de manière centralisée et à pres-
crire de façon détaillée les modalités
d’utilisation de ces crédits par les ser-
vices déconcentrés. Cette pratique du
« fléchage » a pour effet de supprimer
toute marge de manœuvre au responsa-
ble local. Celui-ci ne peut modifier la
répartition des moyens en fonction des
besoins locaux et de sa capacité à obte-
nir de meilleurs résultats en termes de
politiques publiques. Dans certains
ministères, les taux de « fléchage » au
niveau déconcentré se sont même
accrus entre 2007 et 2009.
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
L’affirmation de nouvelles
responsabilités
14
Enfin, la capacité d’action des ges-
tionnaires sur certaines dépenses, dont
ils sont pourtant responsables, reste
quasi nulle. C’est le cas des 72,9 Md€ de
dépenses fiscales. Outre le fait qu’ils dis-
posent rarement d’une capacité d’exper-
tise fiscale, les responsables de pro-
gramme sont peu associés à la prise de
décision dans ce domaine.
Au total, le sentiment de déception
des gestionnaires par rapport aux pro-
messes de la LOLF domine. 55 % des
agents publics interrogés pour la Cour
affirment que la LOLF a modernisé la
gestion publique, alors même qu’il
s’agissait là de son objectif principal.
Seulement 49 % des agents « de terrain »
sont de cet avis. Pour ces agents, la loi
organique a eu des conséquences posi-
tives sur leur direction, service ou éta-
blissement pour seulement 26 % d’entre
eux, et sur leur travail au quotidien pour
seulement 15 % d’entre eux.
Une comptabilité
analytique à
développer
La mise en œuvre de la loi organique
a permis d’améliorer la transparence et
la lisibilité des comptes de l’Etat. La
France est aujourd’hui le seul pays de la
zone euro dont les comptes publics sont
certifiés selon les normes internatio-
nales. Le processus de certification a
contribué depuis 2006 à améliorer la
qualité des comptes et les progrès
accomplis par les administrations de
l’Etat en cinq exercices peuvent s’obser-
ver par le nombre de réserves que la
Cour a été en mesure de lever. On est
ainsi passé de 13 réserves, toutes subs-
tantielles, sur les comptes de l’Etat de
2006 à 12 sur ceux de 2007 et de 2008,
dont 9 substantielles, puis à 9 réserves
pour 2009, dont 8 substantielles, et à 7
réserves, toutes substantielles, pour
2010.
Pour autant, en termes opération-
nels, l’utilisation des données compta-
bles occupe une place réduite chez des
gestionnaires. Certes, une majorité de
ministères utilise, pour partie ou totale-
ment, des restitutions issues de la comp-
tabilité générale (inventaire des charges à
payer, des provisions et des immobilisa-
tions notamment), mais de manière
annuelle, pour l’établissement de leurs
comptes. Les cas d’une utilisation de ces
données pour répondre de manière opé-
rationnelle à des impératifs quotidiens
de gestion sont beaucoup plus rares.
Une véritable comptabilité analy-
tique, permettant d’améliorer la connais-
sance des coûts et de moderniser la ges-
tion de l’Etat, reste à mettre en oeuvre.
La « comptabilité d’analyse des coûts »
introduite par la LOLF est vécue par les
gestionnaires davantage comme une
contrainte que comme un outil d’aide à
la décision. Elle est en effet frappée de
limites concernant le périmètre des don-
nées (absence des informations issues
de
la
comptabilité
générale,
des
dépenses fiscales) et la méthodologie
employée pour le déversement des
coûts. Plus fondamentalement, elle pré-
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
L’affirmation de nouvelles
responsabilités
15
sente un caractère trop global pour que
les gestionnaires puissent s’en emparer
afin de mesurer le coût réel de leurs ser-
vices ou de leurs activités.
Un système
d’information
financière à mieux
adapter
Les applications informatiques utili-
sées au moment du vote de la LOLF
pour tenir le budget et les comptes de
l’Etat étaient incompatibles avec les
nouvelles règles et structure budgétaires.
La mise en œuvre de la loi organique a
donc conduit à créer un système per-
mettant de prendre en compte l’ensem-
ble de ces dispositions.
Le projet CHORUS a ainsi été initié
en 2006, visant à développer un système
intégré d’information financière, com-
mun à toutes les administrations cen-
trales et déconcentrées de l’Etat et par-
tagé entre les ordonnateurs et les comp-
tables.
Cependant, le projet a connu des
retards de développement et les pre-
mières années de mise en œuvre de la
LOLF ont été réalisées avec des outils
ne permettant pas de tirer pleinement
parti de ses potentialités. De plus, le sys-
tème se révèle complexe dans son utili-
sation par les gestionnaires, impliquant
de multiples saisies informatiques et
diluant les responsabilités. Enfin, en
l’état actuel, les fonctionnalités de
CHORUS ne permettent pas d’élaborer
une véritable comptabilité analytique et
de piloter la gestion par les coûts.
La maîtrise des
finances publiques
Si elle n’est porteuse en elle-même d’au-
cune politique budgétaire spécifique, la
LOLF n’a pas empêché une incapacité
chronique de l’ensemble des acteurs à
tenir leurs engagements en matière de
finances publiques. Il n’est donc pas
étonnant que les gestionnaires apparais-
sent eux aussi déresponsabilisés dans la
tenue de leur plafond de dépense.
L’absence chronique
de respect des
engagements
pluriannuels
Même si ceci relève d’abord de la
volonté politique, l’appareil juridique
introduit par la LOLF est apparu rapide-
ment insuffisant pour faire face aux
enjeux pluriannuels de redressement des
comptes
publics.
Les
mécanismes
qu’elle a institués visaient à conforter le
Parlement dans l’exercice de son rôle
budgétaire sans y parvenir totalement.
Pas davantage que l’ordonnance
organique du 2 janvier 1959, la LOLF
n’a donné de leviers juridiques pour que
les engagements pluriannuels en termes
de déficit public et de dette, auxquels la
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
L’affirmation de nouvelles
responsabilités
16
L’affirmation de nouvelles
responsabilités
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
France souscrit dans le cadre de ses pro-
grammes de stabilité successifs auprès
de l’Union européenne, soient tenus.
Des écarts majeurs ont été constatés
pour chaque année depuis 2002.
Cette situation préoccupante a pu
être favorisée par le caractère glissant de
ces programmes de stabilité, dont les
engagements sont perpétuellement révi-
sés et repoussés dans le temps, et
par
l’absence de supériorité juridique des
lois de programmation des finances
publiques, introduites par la réforme
constitutionnelle de juillet 2008, sur les
lois de finances et de financement de la
sécurité sociale.
Un calendrier
budgétaire inadapté
Le législateur organique avait sou-
haité faire de l’examen du projet de loi
de règlement « un moment de vérité
budgétaire » permettant d’établir un
« chaînage vertueux » entre le compte-
rendu de la gestion de l’exercice n -1 et
l’examen du projet de loi de finances de
l’exercice n+1. Ceci supposait que le
Parlement consacre davantage de temps
à l’examen des résultats et moins aux
prévisions pour l’exercice à venir, ce qui
ne s’est pas réellement produit depuis
2006.
En réalité, la consécration de la loi
de règlement s’est heurtée à un calen-
drier inadapté. L’examen du projet de loi
de règlement n’a en effet de sens que s’il
permet au Parlement de vérifier la
conformité de l’exécution budgétaire
passée avec la trajectoire pluriannuelle
des comptes publics.
Dans cette perspective, les deux
textes portant rapport de gestion de
l’Etat et de la sécurité sociale devraient
être présentés de manière concomitante
pour préparer des débats budgétaires
portant sur une analyse plus globale des
politiques publiques, menant à terme à
une loi de résultat unique des finances
publiques.
Cette présentation pourrait avoir
lieu à différents moments, selon les sce-
narios envisagés :
- au début de l’automne, pour pré-
céder l’examen des projets de lois de
finances et de financement de la sécurité
sociale ;
- au printemps, en amont
de l’avis
rendu par le Parlement sur le pro-
gramme de stabilité pour en éclairer
concrètement les enjeux et lui donner
toute sa crédibilité. Cette option devrait
faire l’objet d’une étude de faisabilité.
17
L’affirmation de nouvelles
responsabilités
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
18
Les orientations préconisées par la
Cour
favoriser l’émergence d’un res-
ponsable administratif de mission pré-
sentant au Parlement la stratégie de
mise en œuvre des politiques publiques
dont il a été chargé et en rendant
compte ;
conforter
le
pilotage
des
réformes de gestion et l’animation des
responsables administratifs de mis-
sions au niveau du Premier ministre ;
articuler la stratégie des mis-
sions et des programmes avec les
contrats d’objectifs et de moyens pas-
sés avec les opérateurs de l’Etat, sous le
contrôle du Parlement ;
donner sa pleine mesure au
principe de responsabilité, en attri-
buant toutes les marges de manœuvre
aux gestionnaires sur les modalités de
mise en œuvre de leurs politiques
publiques (maitrise des opérateurs,
pilotage des dépenses fiscales, par
exemple), sous contrainte de retour à
l’équilibre ;
redéfinir la place du contrôle
financier en tirant les conséquences du
développement inégal du contrôle
interne dans les ministères ;
affirmer le processus de décon-
centration en réduisant le fléchage des
crédits ;
développer de manière résolue
le recours des gestionnaires à la comp-
tabilité générale, au besoin en expéri-
mentant une approche de comptes par
mission ;
élaborer, en concertation avec
les gestionnaires, à partir de cette
comptabilité générale, une véritable
comptabilité analytique, remplaçant
l’actuelle « comptabilité d’analyse des
coûts » ;
déterminer un nouveau mode
de pilotage pluriannuel intégré de
l’Etat et de la sécurité sociale, cohérent
avec les programmes de stabilité euro-
péens, autour d’un calendrier budgé-
taire rénové et d’une conception élar-
gie de la loi de règlement, conçue
comme le point de vérification du res-
pect des trajectoires des finances
publiques.
19
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
3
Le pilotage de l’action de
l’Etat par la performance
La diffusion d’une
culture du résultat
La culture de la performance s’est
globalement diffusée auprès des agents
de la fonction publique. Son principe est
largement accepté : 81 % des agents de
catégorie A et B interrogés pour la Cour
estiment qu’il est justifié de fixer des
objectifs.
Cependant, l’utilisation des indica-
teurs est davantage contestée : 78 % des
agents interrogés pour la Cour mention-
nent que leur action fait l’objet d’un
suivi par des indicateurs, mais seulement
41 % considèrent que la performance
des agents de la fonction publique doit
être mesurée à l’aide d’indicateurs chif-
frés.
Un dispositif d’indi-
cateurs trop ambi-
tieux
La France a retenu une démarche
ambitieuse de performance, visant à
couvrir l’ensemble des dépenses de
l’Etat par un dispositif de formalisation
des objectifs et des résultats, contraire-
ment à d’autres Etats qui ont choisi de
cibler un nombre restreint de politiques
publiques.
En 2010, le processus de production
des 894 indicateurs de performance était
considéré par le comité interministériel
d’audit des programmes comme présen-
tant des garanties de fiabilité suffisante
pour 65 % d’entre eux. Plus de 5 % des
indicateurs de performance ne sont pas
renseignés, alors qu’ils portent sur des
éléments pertinents d’appréciation de la
performance de la politique à laquelle ils
sont associés. L’exercice de définition
des indicateurs de performance reste
marqué par l’instabilité, même si elle se
réduit.
Au
niveau
politique,
ni
le
Gouvernement, ni le Parlement ne
consacrent aux 894 indicateurs de per-
formance une fraction substantielle de
leurs débats sur les projets de loi de
finances. Les objectifs et indicateurs
devraient par conséquent être mieux
hiérarchisés, les plus stratégiques, liés
aux priorités politiques, pouvant faire
l’objet d’une présentation et d’une dis-
cussion à l’appui des lois de programma-
tion des finances publiques.
Dans l’administration, lorsqu’ils ne
sont pas reliés à des préoccupations de
gestion ou d’activité, les finalités des ins-
truments de mesure de la performance
échappent aux services, alors que leur
suivi nécessite de leur part un travail
important, contribuant à développer un
sentiment de « bureaucratisation » du
processus.
Une simplification du dispositif de
performances pourrait donc être envisa-
gée. De telles démarches ont été entre-
prises en Suède, et plus récemment au
Cour des comptes
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Le pilotage de l’action de l’Etat
par la performance
Royaume-Uni, afin de simplifier le suivi
de la performance. Si le nombre des
objectifs nationaux (targets) et des indi-
cateurs (high level indicators) avait déjà
été réduit, puisqu’on ne comptait plus
que 152 indicateurs en 2010 contre 560
en 1998, leur nombre a encore été res-
treint (120 « impact measures » en 2011).
Les conséquences à
tirer des résultats
Même si la LOLF ne prévoit donc
pas expressément une définition des
moyens alloués aux politiques publiques
en fonction des objectifs impartis et des
résultats obtenus, elle implique, en
revanche, d’analyser ces derniers pour
éclairer les choix budgétaires.
Or ce lien reste en pratique ténu au
moment de l’élaboration du budget, tant
dans les négociations menées entre la
direction du budget et les responsables
de programme que dans le dialogue de
gestion.
Ainsi, au moment de la programma-
tion budgétaire, la direction du budget
découple le temps de la discussion avec
les responsables de programme relative
aux moyens de celle qui concerne la per-
formance.
Par ailleurs, en introduisant une
mesure des résultats au regard d’objec-
tifs préalablement définis, la LOLF a
posé un cadre intellectuel favorable à
une rémunération à la performance,
sans que, pour autant, elle ait rendu ce
type d’incitation indispensable. La rému-
nération n’épuise pas en effet la question
de l’incitation des agents à la perfor-
mance.
L’enquête conduite pour la Cour
auprès d’un échantillon de 800 agents de
catégorie A et B montre que les leviers
permettant d’atteindre les objectifs
reposent tout autant sur une améliora-
tion des conditions de travail (44 % de
citations dans l’ensemble des réponses,
56 % au sein de l’éducation nationale,
50 % chez les agents « de terrain ») que
sur une incitation financière (une prime
à 44 %).
La rémunération ne constitue donc
pas un levier exclusif pour inciter les
agents à la performance, d’autant que le
développement récent de mécanismes
d’intéressement a pris la voie d’une prise
en compte individuelle des résultats, de
préférence
aux
primes
collectives.
Celles-ci permettent pourtant de relier
les mécanismes de rémunération à des
indicateurs objectifs de performance,
qui peuvent être ceux présentés au
Parlement.
20
L’enjeu de la qualité
de service
Sous le titre « la performance des
politiques publiques », la direction du
budget publie chaque année lors de
l’examen du projet de loi de règlement
une synthèse des résultats par rapport
aux prévisions du projet de loi de
finances. Selon cette synthèse, et pour
2010, 69 % des indicateurs des rapports
annuels de performances affichaient une
réalisation significative, conforme ou
supérieure aux prévisions. Chaque pro-
jet de loi de règlement est l’occasion de
constater que les résultats de l’action de
l’Etat sont globalement supérieurs aux
prévisions.
Cette appréciation ne correspond
pas à celle des agents interrogés pour la
Cour qui ne sont que 69 % à considérer
que la LOLF a permis d’accroître la qua-
lité du service rendu.
Seulement 51 % des agents jugent
que le point de vue du public est suffi-
samment pris en compte dans la défini-
tion des objectifs de l’administration à
laquelle ils sont rattachés. Le ressenti des
agents apparaît corroboré par la faible
part relative des indicateurs de qualité de
service au sein de l’ensemble des indica-
teurs de performance de l’Etat, et par
une initiative récente du conseil de
modernisation des politiques publiques
visant à créer un baromètre mesurant la
qualité des services publics tous les six
mois, distinct de la démarche des projets
et des rapports annuels de perfor-
mances.
Pour le premier exercice de présen-
tation du budget selon les dispositions
de la LOLF, au titre de 2006, on comp-
tait 54 % d’indicateurs relatifs à l’effica-
cité socio-économique des actions de
l’Etat, 28 % d’indicateurs d’efficience et
seulement 18 % d’indicateurs de qualité
de service. Au terme de cinq exercices, à
l’initiative de la direction du budget, la
part des indicateurs d’efficience s’est
accrue (un tiers du total en 2011), au
détriment des indicateurs d’efficacité
socio-économique. La part des indica-
teurs de qualité de service est restée fai-
ble : elle est limitée à 19 % du nombre
total d’indicateurs.
Cour des comptes
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
21
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Le pilotage de l’action de l’Etat
par la performance
22
Les orientations préconisées par la
Cour
mettre en cohérence les objec-
tifs présentés au Parlement avec ceux
assignés par les ministres aux gestion-
naires et ceux des contrats d’objectifs
et de moyens des opérateurs ;
présenter à l’appui du budget
triennal de l’Etat, qui constitue l’un des
volets des lois de programmation des
financements publiques, des objectifs
stratégiques, et réserver les objectifs de
gestion aux projets et rapports de per-
formances annuels ;
engager une révision générale
des indicateurs de performance et en
réduire le nombre ;
développer l’information du
citoyen sur les principaux résultats et
performances réalisés par les adminis-
trations ;
développer le contrôle de ges-
tion pour fiabiliser les indicateurs ;
introduire un lien nécessaire
entre la négociation des moyens bud-
gétaires et les résultats obtenus ;
mieux intégrer l’analyse de la
performance dans la gestion des
agents (parcours professionnels, rému-
nérations, reconnaissance, cadre de
travail).
En adoptant la LOLF, la France est entrée dans un processus de convergence avec les pra-
tiques budgétaires de nombreux Etats de l’OCDE. Les expériences étrangères témoignent du temps
nécessaire à l’accomplissement d’une réforme aussi fondamentale et des ajustements à apporter après
plusieurs années de mise en oeuvre. La France n’échappe pas à ce constat.
Par rapport à la situation antérieure à 2006, première année de mise en oeuvre effective de la
LOLF, les réformes effectuées dans la conduite de l’action publique sont d’autant plus significatives
que, dès 2005, les principes de la loi organique relative aux lois de finances ont été étendus à celles
relatives au financement de la sécurité sociale.
Ainsi, entre autres exemples, l’information communiquée au Parlement dans le cadre de l’exa-
men des projets de loi de finances et de loi de financement s’est-elle sensiblement accrue, en raison
notamment de l’augmentation considérable des travaux réalisés par la Cour des comptes dans le
cadre de sa mission d’assistance aux Assemblées. Les modalités de gestion du budget ont été moder-
nisées. La démarche de performance apparaît désormais acceptée par les agents publics. Enfin au
sein de la zone euro, la France est le seul pays à faire certifier les comptes de l’Etat selon les normes
internationales, ce qui a contribué à l’amélioration de la fiabilité des données comptables.
Pour autant, la déception est réelle au regard de la double ambition portée par les débats par-
lementaires au moment de l’élaboration de la LOLF : contribuer à la réforme de l’Etat et affir-
mer le rôle du Parlement en matière budgétaire.
Sous couvert de pragmatisme, la perspective même d’une nouvelle gestion par grandes politiques
publiques, appuyée sur des responsabilités plus affirmées et animée par le souci des résultats, a été
contestée par une culture réticente aux changements appelés par cette réforme. Le rôle d’aiguillon
joué par le Parlement dans ses fonctions d’autorisation et de contrôle a été insuffisant pour venir à
bout de ces réticences.
La LOLF a aussi manqué, sur la durée, de quatre clés indispensables à la réussite de toute
réforme : une stratégie clairement affichée, un plan d’action construit, un pilote bien identifié et une
conduite du changement adaptée. L’ambition politique s’est affaiblie au fil des années. Inscrite ini-
tialement dans la dynamique de la LOLF, la RGPP s’en est ensuite écartée, notamment en privi-
légiant l’examen des structures au détriment de la revue des politiques publiques dans leur ensem-
ble. Progressivement, la direction du budget a assumé seule la réforme. Sa mise en oeuvre, dans toutes
ses dimensions, relève pourtant d’une logique interministérielle.
Il importe aujourd’hui de retrouver l’impulsion politique nécessaire à l’accomplissement de la
réforme. La mise en oeuvre de la LOLF a souffert de trop nombreuses ambiguïtés : des choix clairs
doivent être effectués, notamment en faveur d’une affirmation du rôle du Premier ministre comme
animateur de la réforme, d’un calendrier parlementaire plus cohérent, de la nomination de hauts
fonctionnaires comme responsables de mission, dont le rôle par rapport à celui des ministres doit être
clairement défini.
Les premières années de mise en oeuvre de la loi organique ont correspondu à une détérioration
des finances publiques. La crise rend leur redressement indispensable et urgent. Elle oblige à créer
les meilleures conditions d’un pilotage global dont la LOLF est le cadre et l’Etat le garant.
Synthèse
du Rapport public
thématique de la
Cour des comptes
Conclusion
23