BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
213
Bilan d'étape de l'intercommunalité
en France
Dans son rapport public particulier de novembre 2005 sur
l’intercommunalité en France
, la Cour des comptes avait appelé à un
effort de rationalisation de cette ambitieuse réforme des structures
communales. Trois ans après, les juridictions financières ont estimé
nécessaire
de
dresser
un
premier
bilan
des
effets
de
ses
recommandations. La Cour s’est appuyée sur les contrôles effectués par
18 chambres régionales des comptes
54
sur plus de 80 établissements
intercommunaux pour tirer les enseignements des évolutions constatées.
Elle a examiné les mesures prises par les ministères de l’intérieur
et du budget, ainsi que les actions conduites par les préfets. Elle a aussi
consulté l’Association des Maires de France (AMF) et l’Assemblée des
communautés de France (AdCF) et a tenu compte des réponses que ces
associations d’élus locaux lui ont adressées.
La loi du 12 juillet 1999 sur le renforcement et la simplification de
la coopération intercommunale avait conduit, en effet, à un succès
quantitatif, grâce, notamment, aux fortes incitations financières de l’Etat,
de nombreuses communautés de communes ou d’agglomération s’étant
constituées plus par effet d’aubaine que sur un véritable projet de
territoire.
Il est indéniable que la préparation des élections locales de mars
2008 a contribué à ralentir les évolutions nécessaires, malgré la
détermination de l’Etat qui a donné suite dès novembre 2005 au rapport
de la Cour. Mais il apparaît qu’un nouvel élan rationalisé est
aujourd’hui nécessaire.
87 % de la population et 91 % des communes sont désormais
incluses dans des structures de coopération à fiscalité propre mais celles-
ci ont de périmètres souvent inadaptés ou trop étroits, de compétences
54)
Alsace,
Aquitaine,
Auvergne,
Bourgogne,
Basse
Normandie,
Centre,
Champagne-Ardenne, Corse, Franche Comté, Haute Normandie, Ile-de-France,
Languedoc-Roussillon, La Réunion, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire,
Poitou Charente, Provence-Alpes-Côte d’Azur
.
214
COUR DES COMPTES
mal définies ou peu exercées, tandis que leur financement s’alourdit et se
fragilise.
De nombreuses compétences gagnent à être exercées dans un
cadre intercommunal plutôt que communal. Cette évidence ne saurait
conduire ni à des échelons d’administration supplémentaires, dans un
paysage institutionnel déjà encombré, ni à l’augmentation de la pression
fiscale, les dépenses communales augmentant parallèlement.
La prolifération des organismes intercommunaux, alors que
subsistent des milliers de syndicats à vocation unique, multiple ou mixtes,
contribue à en affaiblir la lisibilité pour les citoyens. Alors que les
communes comme les communautés vont connaître des difficultés
financières croissantes, un effort de simplification et de transparence est
indispensable. Or certaines communes continuent d’exercer en partie des
compétences transférées ou ne mettent guère d’empressement à se
dessaisir
de
leurs
attributions.
Les
intercommunalités
recourent
davantage à l’emprunt, voire à une fiscalité additionnelle sur les ménages
dans une perspective de limitation de l’augmentation des dotations de
l’État à l’inflation et de réforme de la taxe professionnelle. En tout état
de cause, la montée en puissance des intercommunalités rend nécessaire
une gouvernance plus démocratique des établissements publics de
coopération intercommunale qui ont le pouvoir de voter l’impôt.
Rappel des conclusions et recommandations du rapport public de novembre
2005 sur l’intercommunalité en France
Faute d’avoir pu ou voulu mener à bien un mouvement de fusion de communes,
l’Etat
a
favorisé
la
constitution
de
communautés
intégrées,
sous
la
forme
d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour gérer au niveau le
plus adéquat le développement territorial, principalement en zone urbaine.
Si la loi du 12 juillet 1999 a été un succès sur le plan quantitatif, le paysage
intercommunal n’a pas été simplifié : enchevêtrement de syndicats de tous types,
maintenus ou créés, existence d’un trop grand nombre de petite communautés de
communes à fiscalité additionnelle, développement d’une intercommunalité de troisième
niveau avec des syndicats mixtes de planification territoriale. Les nouveaux
groupements à fiscalité propre n’ont pas permis l’émergence d’une logique
d’intégration : compétences restant virtuelles, intérêt communautaire insuffisamment
défini, moyens partiellement transférés, investissements limités au regard des moyens
financiers accrus dont ils disposent.
Les EPCI sont demeurés des structures de redistribution de fonds aux
communes. La mutualisation des moyens n’a pas généré des économies d’échelle et les
services rendus aux usagers restent encore limités. La réforme de 1999 a été coûteuse si
on prend en compte, outre la dotation supplémentaire distribuée par l’Etat, la pression
fiscale supplémentaire sur le contribuable, laquelle risque de s’accroître si les communes
regroupées ne prennent pas suffisamment en compte l’exigence de mutualisation des
objectifs et des moyens. A défaut, les risques d’une réforme inachevée et d’une dérive
financière alimentée par des doublons et des déséquilibres sont réels.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
215
La Cour recommandait la mise en oeuvre d’actions volontaristes et
convergentes de l’Etat et des élus locaux, dans le cadre des lois du 12 juillet
1999 et du 13 août 2004, pour corriger les errements constatés et donner au
mouvement intercommunal une meilleure efficacité.
Elle recommandait à l’Etat :
- que le délai fixé aux communautés pour déterminer l’intérêt
communautaire des compétences ne soit pas reporté d’année en année,
- de donner aux préfets les instruments pour favoriser l’émergence
d’EPCI de taille suffisante, tout en sollicitant des prises d’initiatives par les élus
locaux,
- de conduire des démarches de projet dans les EPCI en veillant à la
cohérence des dispositifs tels que les projets de contrats de pays, les projets de
contrats d’agglomérations, les instruments de politique de la ville,
- de développer les outils permettant d’évaluer les progrès de
l’intégration intercommunale et de développement urbain,
- de mettre en place un réseau d’alerte unifié pour surveiller les
situations financières des EPCI et prévenir les risques de dégradation.
Elle invitait les élus locaux :
- à achever dans les meilleurs délais la définition des compétences
d’intérêt communautaire, dans le cadre d’une réflexion prospective financière
et fiscale à moyen terme,
-
à
donner
à
la
commission
départementale
de
coopération
intercommunale un rôle plus agissant et plus dynamique,
- à programmer et mettre en oeuvre les projets de développement urbain
et territorial, notamment ceux concernant les grands services publics
territoriaux qui encadrent la vie quotidienne des citoyens,
- à mieux informer les contribuables sur les efforts et les effets d’une
mutualisation des charges au niveau intercommunal.
Enfin la Cour posait la question de la gouvernance territoriale et des
modalités d’organisation du contrôle démocratique de l’action de ces structures.
Le développement de l’intercommunalité induit des changements qui
renforcent en effet la nécessité de rendre compte de manière complète et
transparente à tous les citoyens. Les mécanismes mêmes de la démocratie
locale devraient évoluer pour tirer toutes les conséquences d’une réforme
devant s’inscrire dans les objectifs d’économie et d’efficience dans l’emploi
des fonds publics qui y sont consacrés.
216
COUR DES COMPTES
I
-
La carte de l’intercommunalité et la pertinence
des périmètres
A - Un succès quantitatif qui ne s’est pas démenti
Comme la Cour le rappelait en 2005, le développement de
l’intercommunalité se situe «
au carrefour de plusieurs ambitions mises
en exergue par les pouvoirs publics
», répondant notamment à la
nécessité de dépasser un cadre communal d’exercice des services publics
devenu trop étroit, dans les aires urbaines mais aussi en milieu rural (lois
du 6 février 1992, du 12 juillet 1999, du 27 février 2002 et du 13 août
2004) et au souhait de développer des projets de territoire à l’échelle des
agglomérations ou à celle des « pays » (lois du 4 février 1995 et du 25
juin 1999), jugée mieux adaptée en milieu rural.
La rénovation du cadre institutionnel et, surtout, la mise en place
de
mécanismes
financiers
incitatifs
avaient
largement
précédé
l’élaboration des outils d’aménagement et de planification stratégique des
territoires. Elles ont contribué à une montée en charge très rapide de
l’intercommunalité, puisqu’en 2004, 84 % de la population vivait sur le
territoire d’un établissement public de coopération intercommunal
(EPCI), au lieu de 15 %, cinq ans auparavant, tandis que le nombre de
communautés de communes à taxe professionnelle unique (TPU) avait
décuplé.
Le mouvement quantitatif s’est poursuivi depuis 2005, mais ne
s’est pas amplifié. L’objectif d’une couverture quasi-totale du territoire (à
la notable exception de la région parisienne, qui relève d’une logique
propre) par des EPCI à fiscalité propre a progressé, sans, toutefois encore
être atteint.
La population résidant dans une structure intercommunale à
fiscalité propre est passée de 2003 à 2008 de 48,8 millions à
54,6 millions, soit une augmentation de près de 12 %.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
217
Les EPCI au 1
er
janvier 2008
Type d’EPCI
Nombre
d’EPCI
Nombre de
communes
regroupées
Population en
millions
d’habitants
Communautés urbaines
14
360
6,3
Communautés d’agglomération
171
3 003
21,4
Communautés de communes
2 293
30 244
26,6
Syndicats
d’agglomération
nouvelle
5
29
0,3
Total
2 583
33 636
54,6
Dont à TPU
1 224
16 336
42,4
source : DGCL
Ainsi, début 2008, on dénombrait 18 681 groupements de
communes, dont 2 583 EPCI à fiscalité propre. Le nombre de
communautés urbaines et de syndicats d’agglomération nouvelle est resté
stable depuis 2005, celui des communautés d’agglomération et de
communes s’élève respectivement à 171 (soit + 5,5 %) et 2 393
(+ 2,1 %).
L’augmentation de près de 30 %, en trois ans du nombre de
communautés ayant opté pour la TPU (1 200 à la fin de 2007) témoigne
de l’attrait exercé par les incitations financières assises sur le mécanisme
de l’intégration fiscale.
B - Une impulsion forte
E
n 2005, la Cour avait estimé qu’une action résolue devait être
engagée par l’Etat afin d’améliorer la pertinence des périmètres des EPCI.
En effet, l’objectif poursuivi par le législateur en 1999 de mieux
structurer l’espace n’était que partiellement atteint puisqu’il n’était pas
rare de trouver plusieurs d’EPCI à fiscalité propre sur un même territoire,
notamment en milieu urbain.
L’utilisation des dispositions de la loi du 13 août 2004 en ce qui
concernait les fusions d’EPCI et l’élargissement des périmètres devait
faciliter les évolutions souhaitables, à condition que l’Etat fît preuve d’un
plus grand volontarisme. Il était, entre autres, suggéré d’utiliser le levier
des financements contractuels : par exemple, l’octroi de financements
dans le cadre de contrats d’agglomération pourrait être subordonné à
l’existence d’un territoire cohérent. Enfin, la Cour recommandait que des
directives claires fussent données aux préfets pour relancer le processus
218
COUR DES COMPTES
de rationalisation et de simplification de la carte de la coopération
intercommunale en s’appuyant sur la commission départementale de
coopération intercommunale.
Le Gouvernement a réagi avec célérité au rapport de la Cour. Par
une circulaire du 23 novembre 2005, il a demandé à chaque préfet de
préparer
avec
la
commission
départementale
de
coopération
intercommunale un schéma d’orientation de l’intercommunalité et de le
transmettre au ministre de l’intérieur avant le 30 juin 2006.
L’exercice a été mené à bien, le sort des départements franciliens
faisant l’objet d’instructions spécifiques.
Ces schémas devaient recenser les évolutions souhaitables de la
carte intercommunale, telles que les fusions d’EPCI, la transformation de
syndicats intercommunaux en EPCI à fiscalité propre, les dissolutions de
syndicats de communes, l’adaptation des périmètres aux bassins de vie et
aux compétences exercées, la disparition d’enclaves territoriales ou
encore la réflexion autour d’une fiscalité adaptée. Bien que dépourvus de
force juridique, ils devaient fixer les objectifs à atteindre à court et moyen
termes et avaient vocation à proposer les scénarios susceptibles de
pérenniser une intercommunalité de projet réaliste et active.
A la demande du ministre délégué aux collectivités territoriales, les
préfets ont transmis en 2007 le bilan des premières mesures mises en
oeuvre pour approfondir et simplifier l’intercommunalité. Il ressort de
leurs comptes rendus, comme des observations des chambres régionales
des comptes, que, si la plupart ont procédé à la dissolution de quelques
syndicats intercommunaux obsolètes, ils n’ont pas été en mesure
d’enclencher un processus d’achèvement de la carte intercommunale.
Dans le contexte de préparation des élections municipales et cantonales
de mars 2008, les élus, à quelques exceptions près qui n’en sont que plus
remarquables, ont exprimé le souhait d’une pause dans les transferts de
compétences et d’une stabilité du paysage institutionnel avant 2008.
C - Une rationalisation à concrétiser
La rationalisation de la carte intercommunale, selon le rapport de
la Cour, devait passer par des extensions significatives des périmètres et
un accroissement du nombre de fusions. Parallèlement, un grand nombre
de syndicats devaient disparaître.
Trois ans après persistent des anomalies criantes, telles la présence
de communes enclavées dans un territoire communautaire ou l’existence
de groupements dits « défensifs ».
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
219
Les aires urbaines, au sens économique de ce terme, débordent
assez
souvent
le
périmètre
des
communautés
d’agglomération
constituées. La volonté d’aboutir dans un délai raisonnable, le souci de
constituer des EPCI ne rassemblant pas un nombre trop élevé de
communes, l’ont souvent emporté sur la recherche d’un périmètre
totalement pertinent. Peu de fusions de communautés d’agglomérations
sont en projet, quoique la direction générale des collectivités locales
(DGCL) ait identifié quatre agglomérations (Montpellier, Nice, Rouen et
Toulouse) qui pourraient chacune donner lieu à la création d’une
communauté urbaine
55
, dès lors que leur aire de développement rassemble
500 000 habitants. Il convient de souligner que la création de ces
nouvelles communautés urbaines aboutirait à un surcroît de dotation
globale de fonctionnement (DGF), estimé par la DGCL à 100 M€, à
prélever sur l’enveloppe globale. Cette somme réduirait à due
concurrence le montant de la DGF destiné à la péréquation communale.
La loi du 13 août 2004 (article L. 5211-41-3 du code général des
collectivités territoriales - CGCT) prévoit que les EPCI dont l’un au
moins est à fiscalité propre peuvent fusionner entre eux. Cette procédure
devait jouer un rôle clé dans la démarche de rationalisation des
périmètres, qu’il s’agisse d’atteindre la taille critique en milieu rural, la
cohérence en agglomération ou de faire disparaître des syndicats.
Seules 18 communautés de communes issues de la fusion de
32 communautés de communes et de 9 syndicats à vocation multiple ont
vu le jour. 14 communes extérieures à tout EPCI à fiscalité propre ont été
intégrées dans une communauté de communes lors de la fusion de
groupements, dont sept sur leur demande et sept contre leur gré.
Tout en saluant les fusions intervenues, on ne peut que regretter
que le mouvement n’ait pas été à la hauteur des enjeux, notamment en
milieu rural. Il convient de rappeler, en effet, qu’une communauté de
communes regroupe, en moyenne, un peu de plus de 11 000 habitants,
soit dix fois moins qu’une communauté d’agglomération. Au 1
er
janvier
2008, la moitié des communautés de communes avaient une population
comprise entre 4 400 et 14 000 habitants, tandis que 408 communautés
regroupant 3 375 communes ne comptaient pas plus de 3 500 habitants.
En outre, 2 143 communes de moins de 700 habitants, fortement
concentrées dans certains départements, n’appartenaient toujours pas à
une communauté de communes.
55) La communauté urbaine de Nice a été créée le 16 septembre 2008, celle de
Toulouse le 24 décembre 2008.
220
COUR DES COMPTES
Le cas particulier de l’Île-de-France
La Cour avait relevé en 2005 que l’Ile-de-France était la moins
couverte par l’intercommunalité à fiscalité propre, avec seulement 44 % de la
population et 60 % des communes. Au 1
er
janvier 2008, il y avait 105 EPCI à
fiscalité propre dans cette région (soit 11 de plus que trois ans plus tôt), dont
29 communautés d’agglomération (27 début 2005), quatre syndicats
d’agglomération nouvelle et 72 communautés de communes (63 début 2005).
18 de ces organismes n’avaient pour membres que deux ou trois communes,
leur création n’ayant manifestement pas d’autre fin que celle de faire échec à
des regroupements non souhaités par ces dernières.
A ces limites s’ajoutent les inégalités entre départements : au
1
er
janvier 2008, le taux de couverture de la population par des EPCI à
fiscalité propre était de 90 % dans l’Essonne, 86 % dans le Val d’Oise, 76 %
en Seine-et-Marne, 60 % dans les Yvelines, 48 % dans les Hauts-de-Seine,
44 % dans le Val de Marne et 31 % en Seine-Saint-Denis. Inférieur à la
moyenne nationale sauf dans deux départements, les taux de regroupement en
restent très éloignés dans les trois départements de la petite couronne.
L’élaboration
des
schémas
départementaux
d’orientation
de
l’intercommunalité, dont les préfets ont été chargés en novembre 2005, a fait
l’objet, en Ile-de-France, d’une mission spécifique d’harmonisation et de
coordination confiée au préfet de région
; elle a mis en évidence
l’inadaptation du modèle d’intercommunalité issu des lois de 1992 et 1999 à
la zone agglomérée dense de la région, sans pour autant dégager par
consensus une autre solution.
La nomination en mars 2008 d’un secrétaire d’Etat chargé du
développement de la région capitale ouvre une perspective nouvelle pour la
région Île-de-France. Selon la lettre de mission du Président de la
République, l’Etat entend assumer dans la capitale et sa région un rôle de
pilotage stratégique. Quant au projet, qui a pour périmètre celui de
l’agglomération parisienne, il inclut «
l’invention d’un nouveau mode de
gouvernance et de financement
». La mission du nouveau secrétaire d’Etat
répond au souhait, exprimé par la Cour, de voir l’Etat «
favoriser la mise en
place des structures et des périmètres adaptés aux problématiques de service
et de développement de l’agglomération parisienne
».
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
221
D - Une forte inertie de la carte syndicale
Les groupements sans fiscalité propre, des syndicats de communes
pour l’essentiel, représentent toujours plus de 86 % du nombre total des
EPCI : ils étaient encore 16 098 au début de 2008. Leur nombre a donc
peu baissé (- 2,3 %) depuis le 1
er
janvier 2005, bien moins qu’entre 1999
et 2005 (- 10,9 %), où il était passé de 18 504 à 16 486.
Nombre de groupements sans fiscalité propre ou
syndicats au 1
er
janvier 2008
Syndicat à vocation unique
11 709
Syndicat à vocation multiple
1 444
Syndicat mixte fermé
1 964
Syndicat mixte ouvert
981
Total
16 098
Source : Ministère de l’Intérieur - DGCL
Par ailleurs, les syndicats mixtes (associant des communes et
d’autres groupements de communes), qui résultent, notamment, de la
substitution des communautés de communes à leurs membres dans les
syndicats subsistants (entre autres, les syndicats gestionnaires de
réseaux), se sont maintenus dans le paysage de l’intercommunalité, alors
que leur nombre avait déjà doublé entre 1999 et 2005 (3 029 contre
1 454). Ils traduisent l’inadaptation du périmètre de bon nombre de
nouvelles intercommunalités à la gestion des services publics (en
particulier ceux de l’eau, de l’assainissement, voire des ordures
ménagères) pour lesquelles les contraintes géographiques (bassin versant)
sont essentielles.
Cependant, les contrôles des chambres régionales des comptes font
état, en écho aux observations de la Cour en 2005, d’exemples manifestes
de gestion éclatée d’un service public, génératrice de coûts additionnels,
voire de doublons.
Si, d’une manière générale, le nombre de syndicats subsistants
demeure corrélé avec le nombre des communes sur un territoire, voire
avec les contraintes de gestion des services collectifs, il apparaît que la
force des situations acquises rend délicate l’action volontariste, dont le
ministère de l’intérieur avait pris l’initiative en 2006. Les préfets ont
souvent renvoyé au-delà de 2008 la dissolution de syndicats obsolètes,
pour la plupart à vocation unique et au budget modeste.
222
COUR DES COMPTES
La
Cour
relève
que
le
poids
financier
des
syndicats
intercommunaux est considérable, avec près de 21 Md€ de produits de
fonctionnement et de ressources d’investissement en 2006, équivalent à
celui des régions.
E - Des politiques contractuelles peu cohérentes, voire
contradictoires
Certaines politiques nationales (politique de la ville, aides à la
pierre, planification de l’espace) tendent indirectement à renforcer les
intercommunalités, notamment en milieu urbain.
En 2005, elle avait, pourtant, formé le voeu que les politiques
contractuelles puissent servir directement de levier à la relance de
l’intercommunalité, encourageant l’Etat à faire preuve de réalisme et à ne
prendre d’engagements financiers que pour autant qu’il pourrait les tenir.
L’année 2007 a été consacrée à la mise au point finale et à la
signature d’une nouvelle génération de documents contractuels entre
l’Etat et les régions, pour la période 2007-2013, les contrats de projet. A
la différence des contrats de plan de la période précédente, ils concentrent
principalement les moyens de l’Etat sur des projets structurants,
correspondant aux objectifs de sa politique, dont les agglomérations sont
les principaux destinataires. En conséquence, le volet à consacrer aux
politiques dites territoriales, encouragé par la délégation interministérielle
à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (circulaire DIACT du
17 septembre 2007), s’est trouvé réduit à 986 M€, contre plus de 1 497,
pour la période précédente pour les 20 régions concernées.
Au 27 juin 2008, 164 conventions de ce type se trouvaient
conclues, dans dix régions différentes, dont seulement 16 % avec des
communautés d’agglomération et 7 % avec des communautés de
communes.
Les
conventions
ont
donc
eu
majoritairement
pour
cocontractants les « pays » (55 %), même si les engagements financiers
de l’Etat les concernant se limitaient à environ 250 M€, soit 20 % des
crédits consacrés aux politiques territoriales.
Ainsi la politique contractualisée menée par l’Etat d’aménagement
du territoire, malgré les recommandations de la Cour, a incontestablement
appuyé l’émergence des pays, qui apparaissent de plus en plus comme un
échelon territorial supplémentaire, en finançant l’ingénierie, voire les
projets menés à cette échelle. Une telle évolution rend plus opaque encore
un paysage institutionnel déjà passablement encombré. Elle est d’autant
plus regrettable que le pays, lorsqu’il existe, ne constitue pas toujours le
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
223
périmètre de réflexion sur l’aménagement de l’espace, menée dans le
cadre des schémas de cohérence territoriale (SCOT).
La signature des contrats de pays et des contrats d’agglomération,
qui déclinent et prolongent les contrats de projet, a également donné
l’occasion aux régions, voire aux départements, de préciser leurs propres
objectifs en direction des territoires et de consentir des moyens financiers
complémentaires. Selon les premières constatations des juridictions
financières, les régions ont choisi d’axer l’octroi de leurs aides en
direction des agglomérations et des pays, dont elles veulent faire la
structure de référence en matière de planification des investissements en
milieu rural, vers laquelle doivent tendre les intercommunalités à fiscalité
propre. Les fonds structurels européens sont souvent attribués à ces
mêmes entités. Les départements semblent, en revanche, s’adresser
davantage aux intercommunalités existantes, plus représentatives de la
réalité cantonale qui prédomine en milieu rural. Il en résulte un risque de
confusion qu’il serait sans doute opportun de dissiper.
II
-
La définition de l’intérêt communautaire et
l’exercice des compétences
La Cour avait souligné en 2005 que le pouvoir fiscal étendu et les
dotations importantes de l’Etat accordées aux communautés devaient être
justifiés par l’exercice effectif des compétences statutaires. Elle déplorait
que plusieurs compétences, même parmi les plus importantes, ne fussent
attribuées que de manière formelle. L’intérêt communautaire, ligne de
partage d’une compétence entre les domaines d’action conservés par les
communes et ceux de la communauté, n’était pas suffisamment ou
complètement défini. En conséquence, certaines compétences n’étaient
pas exercées ou l’étaient sans base juridique. Enfin, la définition de
l’intérêt communautaire, quand elle existait, apparaissait souvent floue et
ne recourait pas toujours à des critères précis, objectifs et opérationnels.
Le rapport rappelait aussi que les principes de spécialité et
d’exclusivité,
inhérents
à
la
qualité
d’établissement
public
des
communautés, induisaient que celles-ci ne pouvaient exercer que les
activités qui leur étaient dévolues mais qu’
a contrario
, les communes ne
devaient plus intervenir dans les domaines qu’elles avaient transférés. La
Cour insistait sur le transfert des moyens comme élément de l’effectivité
de l’exercice des compétences et sur le renforcement de la mutualisation
des services, garant de la maîtrise des dépenses, notamment de personnel.
Parmi
ses
recommandations,
la
juridiction
mettait
en
avant
la
responsabilité de l’Etat, notamment dans le cadre du contrôle de légalité,
224
COUR DES COMPTES
pour faire respecter les principes de spécialité et d’exclusivité, tout en
rappelant que l’attribution de la DGF bonifiée n’était justifiée qu’en cas
d’exercice effectif des compétences.
A - Le rôle incitatif mais limité joué par l’Etat
La définition de l’intérêt communautaire revêt une importance
particulière, car, en son absence, la compétence ne pouvait pas, en vertu
du principe de spécialité, être mise en oeuvre. La loi du 13 août 2004
relative aux libertés et responsabilités locales a prévu un délai de deux
ans (à compter du transfert) pour sa définition. A défaut, l’intégralité de la
compétence est transférée à l’EPCI. Pour les EPCI existants, le délai a été
porté à deux ans et son terme fixé au 18 août 2006 par la loi de
programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique
énergétique. Dans son rapport, la Cour prenait acte de la prorogation du
délai et n’estimait pas souhaitable d’aller au-delà. Elle a été entendue sur
ce point puisque le délai n’a pas été modifié.
La très grande majorité des communautés est parvenue à définir
l’intérêt communautaire dans les délais imposés par le législateur, même
si les communautés de communes ont pu rencontrer plus de difficultés
que les communautés d’agglomération ou les communautés urbaines.
La recherche de précision dans la définition de l’intérêt
communautaire a fait l’objet d’une priorité dans les textes ministériels,
afin de sécuriser et de faciliter l’exercice des compétences transférées.
Outre l’attention particulière portée à l’intérêt communautaire, le
ministère de l’intérieur s’est intéressé à l’exercice des compétences. Ainsi
une circulaire du 25 avril 2006 s’est-elle efforcée de clarifier les
conséquences, notamment en termes d’intérêt communautaire, découlant
de leurs qualifications optionnelles ou facultatives.
La circulaire du 21 décembre 2006 a rappelé aux préfets que
l’exercice défectueux des compétences transférées était source de
surcoûts et de doublons, et qu’il leur appartenait de s’assurer de la bonne
définition de l’intérêt communautaire comme de la mise en oeuvre des
compétences statutaires.
Cette même circulaire du 21 décembre 2006 a rappelé aux préfets
l’importance
de
la
rénovation
du
contrôle
de
légalité
dont
l’intercommunalité constitue désormais l’une des trois priorités. Trois
points doivent faire l’objet d’une surveillance particulière : la réalité de
l’exercice des compétences, notamment sous l’angle de la définition de
l’intérêt communautaire ; l’effectivité des transferts de moyens et de
personnels affectés à l’exercice d’une compétence, avec mise en oeuvre
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
225
des
modalités
comptables
appropriées ;
enfin
l’application
des
dispositions légales relatives aux conventions, aux mises à disposition de
services et aux fonds de concours. Par ailleurs, les préfets étaient invités à
se montrer attentifs aux sociétés d’économie mixte et aux syndicats
mixtes dans le cadre intercommunal.
La circulaire a également traité du transfert effectif des moyens et
des personnels affectés à l’exercice des compétences communautaires.
Sur ce dernier point, faisant référence au rapport de la Cour, qui constatait
que, dans un cas sur deux, ce transfert n’était pas réalisé correctement, le
ministre demandait aux préfets de s’assurer que l’exercice des
compétences transférées s’accompagnait bien du transfert des moyens
correspondants.
Toutefois en pratique, le contrôle de légalité n’a guère permis aux
préfets de s’assurer de la réalité des transferts de compétences. Le nombre
de recours des préfets aux tribunaux administratifs contre des actes
concernant des EPCI, après avoir progressé de 10 % en 2004, a baissé de
plus de 4 % en 2005. Le rapport du Gouvernement au Parlement sur le
contrôle a posteriori des actes des collectivités locales, paru en janvier
2008, ne mentionne que brièvement l’intercommunalité, qui, selon la
DGCL, relève de manière préférentielle de la mission de conseil exercée
par les préfectures. Quant à la révision générale des politiques publiques
(RGPP), elle a fixé un objectif de réduction de 30 à 50 % des effectifs
affectés au contrôle de légalité, cette mission n’apparaissant désormais
plus prioritaire pour l’Etat.
B - Une définition perfectible des compétences
communautaires
Les juridictions financières ont constaté que de nombreuses
modifications des statuts des EPCI sont intervenues en 2006 et 2007,
souvent sous l’impulsion des services préfectoraux, pour définir ou
préciser les compétences transférées.
Les modalités de cette définition ont été très variables : si certaines
communautés ont opté pour la fixation de critères correspondant à des
données objectives (superficie pour les zones d’activité, provenance du
public pour les équipements culturels ou sportifs), d’autres ont privilégié
l’élaboration de listes d’activités, exposant ainsi les établissements à des
modifications répétées de leurs statuts.
Le champ d’action communautaire est encore parfois défini de
manière très restrictive, avec pour conséquence des actions ponctuelles,
faute de véritable projet de développement commun.
226
COUR DES COMPTES
Ainsi, fréquemment, le périmètre des compétences est réduit à
cause des compromis nécessaires pour obtenir l’assentiment de certaines
communes à la constitution de l’EPCI. Le transfert d’une compétence sur
la voirie, limitée à celle des zones d’activité économique, est sans objet ni
effet puisque le développement économique fait déjà partie des
compétences obligatoirement transférées.
Dans d’autres cas, une définition peu opérationnelle de l’intérêt
communautaire, distinguant gros et petit entretien de la voirie, occasionne
de réelles difficultés de mise en oeuvre de cette compétence.
Enfin, l’intérêt communautaire peut être en contradiction avec le
code général des collectivités locales. Une communauté de communes ne
peut par exemple instaurer de droit de blocage au bénéfice des communes
sur
le
territoire
desquelles
l’implantation
d’une
zone
d’activité
communautaire est envisagée.
Le mouvement de révision des statuts, constaté par les juridictions
financières, n’a pas conduit à la disparition de toutes les imprécisions.
Certains statuts conduisent à des enchevêtrements complexes et fixent de
manière imprécise le champ des interventions communautaires. Ainsi,
n’est-il pas rare de voir défini l’intérêt communautaire en utilisant des
notions
peu opérationnelles, voire tautologiques, telles que les actions
«
concernant ou regroupant plusieurs communes
» ou «
relatives à des
équipements dont la fréquentation est représentée par une proportion
significative d’usagers habitant la communauté
». D’autres dispositions
statutaires
conduisent
à
scinder
une
même
compétence
entre
l’investissement et le fonctionnement (voirie, équipement culturels ou
sportifs), ce que les dispositions combinées des articles L. 5211-5,
L.1321-1 et L. 1321-2 du CGCT prohibent.
C - Un décalage important entre les compétences
statutaires et celles réellement exercées
Les résultats obtenus dans l’amélioration des services offerts à la
population sont indéniables. Certains domaines, comme la collecte ou le
traitement des déchets ménagers, ont connu une harmonisation du service
rendu et de son financement. L’intercommunalité a permis la réalisation
d’équipements culturels ou sportifs ou de services (tels que l’animation et
l’accueil enfance-jeunesse) que les communes n’auraient pu développer
seules.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
227
Mais les chambres régionales ont constaté des décalages entre les
compétences prévues par les statuts des nouveaux EPCI et celles qui
étaient exercées. Sans que les organismes en cause puissent être qualifiés
pour autant de coquilles vides, certaines de leurs compétences, et plus
particulièrement celles qui sont obligatoires, ne sont pas ou peu exercées.
Il en est ainsi souvent de l’aménagement de l’espace communautaire qui
recouvre, s’agissant des communautés de communes, les schémas de
cohérence territoriale, les schémas de secteur et les zones d’aménagement
concerté d’intérêt communautaire. Dans certaines communautés de
communes, l’absence d’exercice des compétences prévues à l’article
L. 5211-39 du CGCT devrait conduire au réexamen de l’octroi de la
dotation globale de fonctionnement bonifiée dont elles bénéficient sur la
seule base de leurs statuts et non de leurs réalisations.
A rebours, certains établissements interviennent sans que la
compétence leur ait été transférée, en méconnaissance du principe de
spécialité. Ainsi des communautés versent des concours financiers à des
structures associatives intervenant dans le domaine culturel ou sportif,
alors qu’elles n’y sont pas habilitées. D’autres domaines peuvent être
concernés, comme les aides économiques, le tourisme, ou les aires de
stationnement des gens du voyage.
Inversement, à la faveur parfois de l’imprécision des statuts, des
communes continuent d’intervenir dans les compétences transférées à
l’EPCI dont elles sont membres. C’est le cas parfois des constructions
scolaires, des subventions, des aides économiques, de la politique
sportive ou de jeunesse.
Les juridictions financières avaient recommandé d’améliorer
l’information des citoyens sur les projets, les réalisations et les
financements des intercommunalités, ce que ne traduit guère la lecture de
trop rares comptes-rendus d’activité produits par les responsables
intercommunaux.
D - Des retards dans le transfert des biens ou des
personnels
Les transferts de compétences doivent s’accompagner du transfert
des moyens nécessaires à leur exercice. A défaut, la mise en oeuvre des
projets communautaires s’en trouve affectée et peut conduire à des
surcoûts.
Les juridictions financières avaient préconisé en novembre 2005
d’accélérer les opérations de mise à disposition des biens. Elles ont relevé
de fréquentes difficultés, notamment le retard, voire l’absence, des
228
COUR DES COMPTES
transferts juridiques des biens nécessaires à l’exercice des compétences.
Dans ces cas, les procédures précises prévues par les articles L. 1321-1 et
L. 1321-2 du CGCT ont, le plus souvent, été perdues de vue, même s’il
peut arriver que ces difficultés trouvent leur origine dans des divergences
entre la commune propriétaire et l’établissement public.
Ces
lacunes
dans
le
volet
patrimonial
des
transferts
de
compétences peuvent s’accompagner de l’absence de transcription
comptable des opérations ou d’erreurs dans la passation des écritures.
Ceci affecte la sincérité des comptes de la communauté et de ceux des
communes membres.
Les transferts ou les mises à disposition des agents paraissent avoir
été mieux appréhendés par les intercommunalités, même si les
juridictions financières ont relevé quelques incertitudes sur la situation
des personnels dues à l’imprécision des conventions de mise à
disposition.
Les perspectives de mutualisation des moyens humains et
techniques entre communautés et communes, ouvertes par la loi du
13 août 2004, peuvent contribuer à des économies d’échelle, même dans
le cadre restrictif de la législation européenne, qui semble toutefois
autoriser les mises à dispositions de moyens communautaires auprès des
communes membres. Les juridictions financières ont observé que ce
principe,
impliquant
une
forte
intégration
entre
les
services
communautaires et communaux, n’était pas conçu comme un mode
d’organisation de l’intercommunalité. La mutualisation demeure encore
embryonnaire, très sectorisée (services informatiques, domaine des
achats, personnel d’accueil des équipements enfance-jeunesse) et prend
souvent la forme de conventions conclues entre la communauté et la seule
commune centre.
Ce constat est d’autant plus préoccupant que le mouvement
intercommunal s’est traduit par une forte progression des dépenses de
personnel communautaires, sans diminution des dépenses des communes
membres.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
229
III
-
Le coût et le financement de l’intercommunalité
56
En
2005,
la
Cour
avait
constaté
que
le
développement
spectaculaire de l’intercommunalité à fiscalité propre avait eu pour effet
l’accroissement de la pression fiscale locale, particulièrement la fiscalité
spécialisée, comme la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Les
incertitudes touchant à leurs principales ressources, notamment la taxe
professionnelle,
et
leur
engagement
dans
les
programmes
d’investissement correspondant à leurs compétences, notamment en
matière de développement urbain ou d’environnement, exposaient les
EPCI à fiscalité propre au risque de voir s’amoindrir les marges de
manoeuvre financières dont, dans l’ensemble, ils disposaient fin 2003.
Aussi était-il à craindre que, par réaction à une tension financière de plus
en plus grande, «
la pression fiscale locale ne s’accr
[ût]
fortement.
»
A - Une information financière tardive et incomplète
Les statistiques sur les comptes sont publiées par le ministère
chargé du budget avec beaucoup de retard, à l’exemple de celles de 2006
publiées en juillet 2008. Leurs insuffisances n’ont pas été corrigées ;
s’agissant des données propres aux comptes annexes, leur qualité s’est
même dégradée. En effet, la présentation consolidée des comptes
principaux et annexes qui avait été faite pour les exercices 2002 à 2005,
pour les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les
syndicats d’agglomération nouvelle, a été abandonnée pour l’exercice
2006. En juillet 2008, seules ont été publiées les données relatives aux
comptes principaux des EPCI de l’exercice 2006. La direction générale
des finances publiques avance comme motif de l’abandon de la
consolidation le fait qu’elle nécessite des retraitements manuels locaux,
faute de pouvoir être entièrement automatisée.
L’évolution globale des finances des EPCI à fiscalité propre depuis
2003 est retracée à partir des données agrégées des comptes principaux et
annexes de ces organismes
57
, tels que la DGFIP les a transmis à la Cour, à
sa demande.
56) Les montants qui suivent sont exprimés « en valeur », c’est-à-dire en euros
courants. En revanche les taux d’évolution sont donnés « en volume », après division
des taux d’évolution en valeur par celui de l’indice général des prix à la
consommation.
57) Elle n’apparaît pas dans toute son ampleur en raison de la réforme de l’instruction
budgétaire et comptable M14 faite en 2006, qui a, notamment, modifié l’imputation
des subventions d’équipement versées et « débudgétisé » diverses opérations de
nature patrimoniale.
230
COUR DES COMPTES
B - Le poids financier croissant de l’intercommunalité à
fiscalité propre
L’extension de l’intercommunalité à fiscalité propre a eu pour effet
un gonflement important des budgets des EPCI, tel que mesuré de 2003 à
2007, qui ne s’explique pas par la seule augmentation de la population
résidant dans des structures intercommunales (de 48,8 millions à
54,6 millions d’habitants).
Les recettes de fonctionnement des EPCI à fiscalité propre sont
passées de 25,2 à 33,5 Md€, soit une augmentation de 24,9 %, en
volume
58
. Il convient, toutefois, de neutraliser les reversements de
fiscalité effectués par les EPCI aux communes qui en sont membres pour
apprécier l’évolution réelle des recettes de fonctionnement laissées à la
disposition des premiers. Les recettes de fonctionnement, nettes de ces
reversements de fiscalité, ont augmenté davantage que les recettes brutes,
en l’occurrence de 30,3 %, entre 2003 (18,1 Md€) et 2007 (25 Md€)
59
.
Les dotations versées par l’Etat, qui constituent environ 30 % des
recettes de fonctionnement des comptes principaux des EPCI à fiscalité
propre, ont augmenté en volume de 16,2 % (de 6,3 à 7,8 Md€).
Les recettes fiscales, qui constituent environ 60 % des mêmes
recettes de fonctionnement, ont augmenté de 24,9 % (de 12,5 à
16,6 Md€). Elles se composent, pour l’essentiel, du produit des quatre
taxes directes locales (77 %), de la taxe d’enlèvement des ordures
ménagères (17 %) et du versement transport (4 %).
Le montant des dépenses de fonctionnement des EPCI à fiscalité
propre est passé de 22,4 à 28,8 Md€, soit une augmentation de 21 %. Ces
dépenses, nettes des reversements de fiscalité, ont augmenté davantage
que les dépenses brutes en l’occurrence, de 25,6 %, entre 2003
(15,2 Md€) et 2007 (20,3 Md€).
Les effectifs
60
d’agents employés par les communes et les
intercommunalités sont connus jusqu’à 2006 seulement. De 2001 à 2006,
ils ont augmenté de plus de 50 % dans les EPCI, passant de 138 000 à
216 000. Cette augmentation résulte de l’accroissement du nombre des
intercommunalités, des recrutements pour gérer des services publics
58) La Cour a utilisé l’indice des prix à la consommation pour convertir les évolutions
en valeur en évolution en volume.
59) En 2007, les recettes de fonctionnement des communes ont été de 69,6 Md €
(données provisoires publiées par la DGFiP).
60) EPTP.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
231
nouveaux plus complexes et des transferts de compétences des communes
vers les structures intercommunales.
Mais a contrario les effectifs des communes n’ont pas été réduits ;
ils ont même augmenté de 29 000 agents, sans qu’il soit possible de
répartir cette augmentation en distinguant les communes membres d’une
intercommunalité de celles qui demeurent isolées (environ 3 150).
Evolution des effectifs des communes et
des groupements de communes
(au 31 décembre)
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Communes
1 077 772
1 092 833
1 085 918
1 086 037
1 094 014
1 106 851
Groupements
de
communes
61
138 155
155 789
174 989
189 719
201 699
215 543
Source : Rapport de l’Observatoire des finances locales, «
Les finances des
collectivités en 2008
»
Les recettes d’investissement des EPCI à fiscalité propre ont
augmenté de 22,6 % (de 14,1 à 18,4 Md€), alors que leurs dépenses
d’investissement, non comprises les immobilisations reçues à titre de
mise à disposition, ont augmenté de 39,9 % (de 12,3 à 18,3 Md€).
61) Groupements à fiscalité propre et syndicats.
232
COUR DES COMPTES
C - Le financement des EPCI à fiscalité propre nécessite
un recours croissant à l’emprunt
Les données publiées relatives à « l’équilibre financier » global des
EPCI à fiscalité propre sont incomplètes, mais elles permettent
néanmoins de constater un recours croissant à l’emprunt.
(en M€)
2003
2004
2005
2006
2007*
Produits réels de
fonctionnement
13 257
14 640
15 959
16 741
17 782
Charges réelles de
fonctionnement
10 644
11 909
12 966
13 343
14 292
Capacité d’autofinancement
2 613
2 731
2 993
3 398
3 490
Ressources
d’investissement (autres
qu’emprunts)
6 383
5 901
7 594
2 541
3 278
Emplois d’investissement
(autres que remboursement
de la dette)
7 007
6 591
8 612
6 935
8 274
Capacité (+) ou besoin (-)
de financement
+1 989
+2 041
+1 975
-996
-1 506
Couverture du besoin de
financement ou utilisation
de la capacité de
financement :
- Variation d’endettement
(emprunts-remboursements)
502
587
1 075
1 318
1 436
- Variation du fonds de
roulement
+2 491
+2 628
+3 050
+322
-70
* données provisoires
Source : Cour des comptes à partir de données de la DGFIP
Le tableau ci-dessus porte sur les seuls comptes principaux. Il ne
permet ni de mesurer directement la capacité d’autofinancement qui
couvre l’annuité de remboursement de la dette en capital, ni de
reconstituer le fonds de roulement en fin d’exercice, deux informations
très importantes pour apprécier la situation financière des collectivités
locales.
A une capacité de financement d’environ 2 Md€ en 2003, 2004 et
2005 s’est substitué un besoin de financement de 1 Md€ en 2006 et de
1,5 Md€ en 2007
62
.
62) Besoin de capacité d’autofinancement brute, exprimés en euros constants.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
233
L’augmentation nette annuelle de l’endettement (nouveaux fonds
empruntés moins fonds remboursés) a triplé, de 0,5 Md€ en 2003 à près
de 1,5 Md€ en 2007. Par conséquent, de 2003 à 2007, l’encours de la
dette des EPCI à fiscalité propre a augmenté de plus de 40 % (de 15,8 à
23,6 Md€).
D - L’essor de l’intercommunalité à fiscalité propre n’a
pas réduit, comme escompté, les dépenses communales
L’examen des grandes masses financières des communes depuis
2001 conduit à constater que l’essor de l’intercommunalité n’a pas eu
pour effet de réduire les dépenses communales.
Les recettes de fonctionnement imputées aux comptes principaux
avaient diminué en volume de 2001 à 2002. Elles ont repris leur
croissance en 2003 et dépassé dès 2006, en euros constants, le niveau
atteint cinq ans plus tôt. Comptes annexes inclus, les recettes de
fonctionnement ont crû de manière continue entre 2002
63
et 2007, leur
montant en 2007 étant supérieur, en volume, de 6,2 % à celui de 2002.
La fiscalité directe locale, appréhendée en volume, après avoir
baissé de 2001 à 2003, a recommencé de croître en 2004, sans atteindre
en 2007 son niveau de 2001. Toutefois, pour en apprécier l’évolution
exacte, il convient de tenir compte du montant des reversements de
fiscalité effectués par les EPCI au profit de leurs communes membres. On
constate, alors, que le produit de la fiscalité directe locale encaissé par les
communes n’a pas cessé d’augmenter, son montant étant en 2007
supérieur de 12,6 % à celui de 2001.
Les dépenses de fonctionnement imputées aux comptes principaux,
ont repris leur croissance en 2004 et dépassé dès 2006 le niveau atteint
cinq ans plus tôt. Comptes annexes inclus, les charges de fonctionnement,
ont crû de manière continue entre 2002 et 2007, leur montant en 2007
étant supérieur de 6,8 % à celui de 2002.
Au sein des dépenses de fonctionnement, les charges de personnel
n’ont, à aucun moment, cessé de croître ; leur montant de 2007 était
supérieur de 10,5 % à celui de 2002. Cette croissance est à mettre en
rapport avec l’évolution des effectifs : après une baisse en 2003, les
effectifs communaux ont crû dès 2004 et dépassé en 2005 leur niveau de
2002.
63) Les données de 2001 ne sont pas disponibles.
234
COUR DES COMPTES
Les dépenses d’équipement ont augmenté de manière continue.
La dette des communes a recommencé d’augmenter dès 2005, sans
atteindre toutefois, en 2007, en volume, son montant de 2002.
Le développement de l’intercommunalité à fiscalité propre n’a
donc pas provoqué les économies d’échelle que l’on pouvait en attendre.
Les allègements de charges liés aux transferts de compétences aux EPCI,
les rétrocessions de ressources fiscales induites par le mécanisme des
attributions de compensation et des dotations de solidarité et la continuité
des concours de l’Etat au profit des communes ont laissé à la disposition
de celles-ci des ressources majorées qu’elles ont utilisées dans un champ
de compétences rétréci. Ainsi, après avoir été partiellement et
momentanément allégés des dépenses et recettes transférées aux EPCI,
les budgets des communes se sont accrus de charges nouvelles,
contribuant à une hausse cumulative des dépenses du secteur public local.
E - Les communes, principales bénéficiaires de
l’augmentation de la fiscalité directe locale
Entre 2003 et 2007 le produit des quatre impôts directs encaissé
par les EPCI et les communes a augmenté de 9,7 % en volume (de 33,4 à
39 Md€) sous le double effet de la croissance des bases et des taux
d’imposition, le premier facteur expliquant environ les deux tiers de
l’augmentation. Dans le même temps, le produit intérieur brut (PIB) a
augmenté de 12,6 % en volume
64
.
La croissance du produit des impôts locaux prélevés par les
communes et les EPCI au cours des années 2003 à 2007 (surplus cumulé
de 20,8 Md€ courants) a été, à hauteur de 68 %, le fait de
l’intercommunalité à fiscalité propre. Toutefois, par le jeu des
reversements de fiscalité, ce sont les communes, et non les EPCI, qui en
ont été les bénéficiaires puisque celles-ci ont perçu 87 % de ce surplus.
64) Le PIB au prix de 2000 était de 1 918,3 Md€ en 2003 et de 2 159,5Md€ en 2007
(source INSEE).
Partage de l’augmentation du produit des impôts au sein du "bloc communal" au cours de la
période 2003 – 2007
En millions d’euros courants
Produit des impôts en
Produits des
impôts
en 2002
2003
moins
2002
2004
moins
2002
2005
moins
2002
2006
moins
2002
2007
moins
2002
Somme des
différences
EPCI
8 699
+1 308
+2 154
+2 855
+3 612
+4 196
+14 125
Communes
23 406
+77
+569
+1 275
+2 015
+2 769
+6 705
Total
32 105
+1 385
+2 723
+4 130
+5 627
+6 965
+20 830
Après reversements de fiscalité :
EPCI
3 042
-191
+59
+408
+941
+1 395
+ 2 612
Communes
29 063
+1 576
+2 664
+3 722
+4 686
+5 570
+18 218
Total
32 105
+1 385
+2 723
+4 130
+5 627
+6 965
+20 830
(source : Cour des comptes sur les données DGFIP)
236
COUR DES COMPTES
Il s’agit là d’un effet partiellement imputable au passage à la taxe
professionnelle unique (TPU). Des communes n’ont accepté de devenir
membres de communautés d’agglomération, organismes dans lesquels le
régime de TPU est obligatoire, ou de faire accepter ce régime par les
structures intercommunales dont elles étaient membres qu’à la condition
de ne pas perdre le bénéfice de la croissance du produit de cet impôt.
Toutefois, la situation est en train d’évoluer. Le montant des
impôts directs locaux du « bloc communal »
65
conservé par les EPCI a
augmenté de 46,3 % entre 2003 et 2007, tandis que celui des
reversements de fiscalité aux communes, dont l’importance, au
demeurant, explique la faible progression de l’intégration fiscale au sein
des EPCI, n’a crû, dans le même temps, que de 11,2 %. La part relative
des impôts directs du « bloc communal » conservé par les EPCI a
augmenté régulièrement, passant de 8,5 % en 2003 à 11,3 % en 2007, et,
par conséquent, celle des communes s’est réduite d’autant.
La création d’une fiscalité mixte dans un nombre croissant d’EPCI
par ajout à la TPU d’un impôt sur les ménages est révélatrice des
difficultés financières de ces établissements ; elle témoigne aussi de
tensions avec les communes pour le partage du produit de la taxe
professionnelle, tensions exacerbées depuis son plafonnement en 2007.
Lorsque les communes refusent la suppression ou la réduction des
dotations de solidarité communautaires qui leur sont versées par l’EPCI
dont elles sont membres, ce dernier est tenté de compenser par
l’instauration d’une fiscalité sur les ménages.
L’AMF
estime que « la
mise en place de la fiscalité mixte a, dans la plupart des cas, été justifiée
par la nécessité de faire face et d’anticiper le plafonnement de la taxe
professionnelle ». En 2007, 230 EPCI percevant la TPU, soit un sur cinq
de cette catégorie, avait instauré une fiscalité mixte. Ils ont levé, en 2007,
188 M€ d’impôts sur les ménages qui se sont ajoutés à 1 381 M€ de taxe
professionnelle.
Aux quatre impôts directs locaux, il convient d’ajouter, comme la
Cour l’avait fait en 2005, le produit de la taxe d’enlèvement des ordures
ménagères pour apprécier l’aggravation de la pression fiscale sur les
contribuables locaux. Entre 2003 et 2007, ce produit, communes et EPCI
confondus, a crû de 25,4 %, en volume. Mais il est vrai que cet
accroissement est étroitement corrélé au volume des ordures ménagères et
au coût croissant de la collecte et du traitement, dû notamment à des
normes de plus en plus exigeantes.
65) C’est-à-dire de l’ensemble constitué par un EPCI et les communes qui en sont
membres.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
237
F - La surveillance des situations financières dégradées
Dans son rapport de novembre 2005, la Cour avait recommandé
l’extension aux EPCI du réseau d’alerte conçu à partir de 1993 pour
détecter les collectivités en difficulté.
Par une circulaire du 16 décembre 2005, a été créé un dispositif
propre aux communautés de communes, communautés urbaines et
communautés d’agglomération. Ce nouveau dispositif, dénommé
OSIRIS
(Observatoire des Situations Intercommunales et des RISques), se
distingue de celui des communes (réseau d’alerte
SCORE
) par ses
indicateurs spécifiques. Il fonctionne de la même manière : la
responsabilité en a été confiée aux préfets et aux trésoriers-payeurs
généraux ; lorsque, après détection, le diagnostic de difficultés financières
est confirmé, contact est pris avec les organismes pour appeler leur
attention sur les mesures à prendre afin de restaurer la situation.
OSIRIS
,
mis en place en 2006, est opérationnel dans tous les départements.
Plusieurs EPCI détectés par ce réseau font l’objet d’un suivi.
La Cour a demandé au ministère de l’intérieur des informations sur
le fonctionnement et les résultats de ce réseau en 2007 et 2008. Elle ne les
avait pas obtenues à la fin de novembre dernier.
238
COUR DES COMPTES
______________________
CONCLUSION
_____________________
La Cour, trois ans après son rapport public particulier de
novembre 2005, maintient une appréciation critique sur la carte, le
contenu et le coût de l’intercommunalité. Les améliorations constatées
restent insuffisantes, incomplètes et trop lentes face à un mouvement
intercommunal qui prend des formes assimilables à un nouvel échelon de
collectivités locales, sans remise en cause du rôle des communes, ni
émergence d’une lisibilité de sa gouvernance plus démocratique.
La Cour rappelle que les communautés urbaines, d’agglomération
ou de communes restent soumises aux principes de spécialité et
d’exclusivité inhérents à leur statut d’établissement public. L’obligation
de définir l’intérêt communautaire a eu un effet positif sur le
développement des compétences et a conféré aux communautés une
vocation plus généraliste. Cette évolution doit conduire à repenser les
rôles respectifs des communautés et des communes et à envisager de
nouvelles formes de gouvernance locale.
Cette réflexion s’impose d’autant plus que le Gouvernement a
confirmé son intention de réformer de nouveau la taxe professionnelle,
dont
le
législateur
a
fait
la
principale
ressource
fiscale
de
l’intercommunalité. Or, la suppression en 2003 de la part « salaires »,
qui en limite l’assiette à l’investissement des entreprises, puis le
plafonnement de son produit, qui a réduit les marges de décision des
collectivités,
contraignent
particulièrement
les
ressources
de
l’intercommunalité. La réforme de la fiscalité locale implique un
réexamen de l’intercommunalité et de son financement.
Le Gouvernement a fait savoir au Parlement qu’il préparait un
projet de loi sur l’intercommunalité. Un comité de la réforme des
collectivités locales a été mis en place en octobre 2008, par décret. Il doit
faire rapport au Président de la République, avant la fin du mois de mars
2009, afin de simplifier les structures des collectivités locales, de définir
la répartition de leurs compétences et de permettre une meilleure
allocation de leurs moyens financiers.
Ces
perspectives
doivent
être
l’occasion
de
réorienter
l’intercommunalité vers la simplicité, l’efficacité et l’économie des
moyens.
Au delà, il conviendra, comme la Cour l’avait déjà relevé dans son
rapport de 2005, de reconsidérer les modalités du contrôle démocratique
dans les intercommunalités.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
239
Les
établissements
de
coopération
intercommunale
sont
administrés par un organe délibérant composé de délégués élus au
scrutin secret par les conseils municipaux des communes membres. Pour
les communautés, les délégués doivent obligatoirement être conseillers
municipaux,
depuis
la
loi
du
12
juillet
1999,
ou
conseillers
d’arrondissement, à Paris, Lyon ou Marseille. En revanche, pour les
syndicats, le choix du conseil municipal peut porter sur tout citoyen
réunissant les conditions requises pour faire partie d’un conseil
municipal. Ils élisent ensuite leur président.
Les intercommunalités répartissent statutairement le nombre de
délégués en proportion de la taille de chaque commune. Toutefois le code
général des collectivités territoriales impose la représentation de chaque
commune par au moins un délégué, tandis que dans les communautés de
communes et d’agglomération, il est précisé qu’aucune commune ne peut
disposer de plus de la moitié des sièges. En application de ces règles, les
conseils communautaires sont souvent pléthoriques. Le nombre relatif des
représentants des petites communes, en général leur maire, est plus
important que la part relative de leur population au sein de
l’intercommunalité. Ce système d’élection au second degré des délégués
des communes, qui remonte à plus d’un siècle, avec notamment la loi du
22 mars 1890 sur les syndicats de communes, semble atteindre
aujourd’hui ses limites.
Une très large majorité de la population française vit désormais
dans des communes regroupées dans des établissements publics de
coopération intercommunale. Ils exercent des compétences en principe
bien définies mais qui, dans la réalité, ne le sont pas toujours, car la
règle de spécialité est souvent battue en brèche. Le budget des
intercommunalités représente aujourd’hui le tiers de celui des communes,
tandis que le montant géré par les seuls syndicats équivaut à celui des
régions. Celles dotées d’une fiscalité propre ont la capacité de lever
l’impôt. Ces différentes caractéristiques devraient conduire à faire
progresser la transparence démocratique de leur gestion.
C’est pourquoi, la Cour émet le souhait qu’à l’occasion des
réflexions ouvertes par le Gouvernement sur les collectivités territoriales,
en général, et sur l’intercommunalité, en particulier, la question de leur
gouvernance soit abordée dans l’esprit de l’article 14 de la déclaration
des droits de l’homme et du citoyen qui affirme que « tous les citoyens ont
le droit de constater, par eux-mêmes ou leurs représentants, la nécessité
de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre
l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la
durée ».
240
COUR DES COMPTES
__________________
RECOMMANDATIONS
_________________
1. Parfaire la carte de l’intercommunalité, en :
- donnant au représentant de l’Etat les moyens juridiques de
corriger les périmètres qui ne sont pas satisfaisants, notamment dans les
aires urbaines et en milieu rural ;
- encourageant les fusions de communautés, avec, si besoin est,
des périodes transitoires ;
- rationalisant la coopération intercommunale, avec un élagage
radical de la carte des syndicats, grâce notamment à des moyens
juridiques nouveaux à donner au représentant de l’Etat pour prononcer
la dissolution des syndicats dont les compétences sont ou peuvent être
exercées par des intercommunalités.
2. Ne pas laisser prospérer le « pays » comme un nouvel échelon
de collectivité, en réintégrant les moyens propres affectés à ces structures
(associations,
GIP
ou
syndicat
mixte)
dans
les
structures
intercommunales existantes, et en orientant les aides de l’Etat et les aides
communautaires vers les actions et projets définis dans un cadre
intercommunal.
3. Sécuriser juridiquement les pratiques de mutualisation de
moyens et inciter à leur développement.
4. Examiner de façon critique l’évolution et l’emploi des moyens
en personnel de l’ensemble constitué par les intercommunalités et les
communes membres afin de maîtriser leur croissance.
5. Limiter les reversements aux communes membres de la fiscalité
communautaire.
6. Moduler les dotations d’Etat en fonction du degré d’intégration
des communautés, tant sur le plan de la fiscalité que des compétences
réellement exercées.
7. Améliorer l’information financière sur les comptes des
établissements de coopération intercommunale et des ensembles qu’ils
forment avec les communes membres.
8. Développer l’information sur les moyens et les résultats des
services publics locaux gérés sur le plan intercommunal.
9. Accroître la vigilance face aux risques de dégradation de la
situation financière de certaines intercommunalités.
10. Donner aux modalités de désignation et de fonctionnement des
conseils ou communautaires une meilleure lisibilité pour le citoyen.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
241
Tableau 1 – EPCI à fiscalité propre –
population regroupée (en millions d’habitants)
2003
2004
2005
2006
2007
2008
48,8
50,7
52,1
53,3
54,2
54,6
Source : DGCL
242
COUR DES COMPTES
Tableau 2 – Evolution du nombre d’EPCI à fiscalité propre de 1999 à 2008 et population couverte
Résultats au 1
er
janvier
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
Communautés urbaines
nombre de groupements
nombre de communes
population** regroupée
dont TPU
nombre de groupements
nombre de communes
population** regroupée
12
309
4 638 381
-
-
-
12
311
4 638 748
2
39
302 791
14
348
6 193 991
7
133
3 015 602
14
353
6 201802
10
266
4 681 930
14
354
6 203 043
11
322
5 869 605
14
355
6 209 160
11
322
5 870 605
14
355
6 210 939
11
322
5 872 185
14
356
6 219 688
11
323
5 880 590
14
358
6 251 230
11
325
5 911 916
14
360
6 263 969
11
327
5 924 265
Communautés d’agglomération
nombre de regroupements
nombre de communes
population**regroupée
-
-
-
50
756
5 992 185
90
1 435
11 491 120
120
2 015
15 957 444
143
2 441
18 250 455
155
2 632
19 712 128
162
2 753
20 397 780
164
2 788
20 679 874
169
2 946
21 173 675
171
3 003
21 377 932
Communautés urbaines
nombre de groupements
nombre de communes
population** regroupée
dont TPU
nombre de groupements
nombre de communes
population**regroupée
1 347
15 188
18 032 198
95
875
2 804 023
1 533
17 549
19 255 233
236
2 338
5 467 239
1 733
20 075
18 561 250
405
4 094
5 517 871
2 032
24 455
22 259 518
607
6 833
8 401 619
2 195
26 907
23 698 136
722
9 143
10 570 545
2 286
28 407
24 480 505
856
10 374
11 824 228
2 342
29 166
25 133 753
924
11 295
12 839 086
2 389
29 745
26 084 942
981
12 000
14 000 850
2 400
30 080
26 475 824
1 014
12 550
14 394 654
2 393
30 246
26 596 373
1 037
12 978
14 817 044
Syndicats d’agglomération
nouvelle
nombre de regroupements
nombre de communes
population**regroupée
9
51
715 025
9
51
715 025
9
51
634 536
8
47
648 641
8
47
673 678
6
34
346 460
6
34
352 573
5
29
357 216
5
29
318 959
5
29
322 995
Districts*
nombre de groupements
nombre de communes
population** regroupée
dont TPU
nombre de groupements
nombre de communes
population** regroupée
305
3 493
10 271 062
2
45
372 999
241
2 680
6 457 148
9
105
683 250
155
1 592
3 477 011
1
19
55 210
0*
0
0
0
0
0
0*
0
0
0
0
0
0*
0
0
0
0
0
0*
0
0
0
0
0
0*
0
0
0
0
0
0*
0
0
0
0
0
0*
0
0
0
0
0
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
243
Communautés de villes*
nombre de regroupements
nombre de communes
population**regroupée
5
87
356 580
0
0
0
0
0
0
0*
0
0
0*
0
0
0*
0
0
0*
0
0
0*
0
0
0*
0
0
0*
0
0
Total
nombre de groupements
nombre de communes
population** regroupée
dont TPU
nombre de groupements
nombre de communes
population** regroupée
1 678
19 128
34 013 246
111
1 058
4 248 627
1 845
21 347
37 058 339
306
3 289
13 160 490
2000
23 497
40 357 908
511
5 728
20 714 339
2 174
26 870
45 067 405
745
9 161
29 689 634
2 360
29 754
48 825 312
934
11 958
35 364 452
2 461
31 428
50 748 253
1 028
13 362
37 753 421
2 524
32 308
52 095
1 103
14 404
39 461 624
2 573
32 923
53 341 720
1 162
15 145
40 918 530
2 588
33 413
54 219 688
1 199
15 850
41 799 204
2 583
33 638
54 561 269
1 224
16 337
42 442 236
HORS INTERCOMMUNALITE
nombre de communes
population**totale
17 551
27 619 239
15 333
24 574 146
13 180
21 304 032
9 809
16 625 913
6 924
12 960 479
5 254
11 199 336
4 376
10 034 150
3 762
9 063 190
3 270
8 466 158
3 045
8 378 892
* la loi du 12 juillet 1999 prévoyait la disparition des districts et des communautés de villes qui se transforment en CU, CA ou CC au 1
er
janvier 2002 au plus tard.
** la population correspond à la population toale au recensement de 1999 corrigée des recensements complémentaires, le cas échéant
TPU : Taxe Professionnel Unique
Evolution sur l’ensemble des EPCI
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
nombre de groupements
nombre de communes
population** regroupée
dont TPU
nombre de groupements
nombre de communes
population** regroupée
+
10,0 %
+
11,6 %
+
9,0 %
+
175,7 %
+
210;9 %
+ 209, 8 %
+
8,4 %
+
10,1 %
+
8,9 %
+ 67,0 %
+ 74,2 %
+ 57,4 %
+
8 ; 7 %
+
14, 4 %
+
11,7 %
+ 45, 8 %
+ 59,9 %
+ 43,3 %
+
8,6 %
+ 10,0 %
+
8,3 %
+ 25,4 %
+ 30,5 %
+ 19,1 %
+
4,3 %
+
5,6 %
+
3,9 %
+
10,1 %
+
11, 7 %
+
6,8 %
+ 2,6 %
+ 2,8 %
+ 2,7 %
+ 7,3 %
+ 7,8 %
+ 4,5 %
+ 1,9 %
+ 1,9 %
+ 2,4 %
+ 5,3 %
+ 5,1 %
+ 3,7 %
+ 0,6 %
+ 1,5 %
+ 1,6 %
+ 3,2 %
+ 4,7 %
+ 2,2 %
+ 0,4 %
+ 2,2 %
+ 2,3 %
+ 5,3 %
+ 7,9 %
+ 3,7 %
Source : DGCL/DESL
244
COUR DES COMPTES
Tableau 3 – Evolution du nombre de syndicats de communes
1972
1999
2008
Syndicats à vocation unique
9 289
14 885
11 709
Syndicats à vocation multiple
1 243
2 165
1 444
Syndicat mixte
1 454
2 945
Total
10 532
18 504
16 098
(Il n’y a pas eu de recensement entre 1999 et 2006)
Tableau 4
– Répartition de la population selon la fiscalité de
l’EPCI d’appartenance de 1999 à 2008
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
hors intercommunalité
Fiscalité additionnelle
TPU
15
14
13
16
18
21
27
34
40
45
48
39
32
25
22
21
20
20
20
19
7
21
34
48
57
61
64
66
67
67
245
COUR DES COMPTES
Tableau 5 - Budgets 2008 des groupements de communes à fiscalité propre (dépenses)
en millions d'euros
CU
CA
SAN
CC à
TPU
CC
4 taxes
CA CU
SAN
Toutes
CC
Ensem
ble
Dépenses réelles totales
8 104
17 207
545
9 435
5 157
25 857
14 592
40 449
Dépenses réelles totales hors reversements
fiscaux
6 889
12 328
456
7 227
5 103
19 673
12 330
32 003
Dépenses réelles de fonctionnement
4 944
11 475
303
5 573
2 585
16 722
8 158
24 881
Dépenses réelles de fonctionnement hors
reversements fiscaux
3 729
6 596
215
3 365
2 531
10 539
5 896
16 435
Dépenses de personnel
1 205
1 844
79
997
657
3 128
1 654
4 782
Charges à caractère général
981
2 273
67
1 082
939
3 321
2 022
5 342
Transferts versés
1 191
1 881
26
987
757
3 098
1 744
4 842
Intérêts de la dette
216
243
42
91
67
501
158
659
Reversement fiscaux
1 216
4 879
89
2 208
54
6 184
2 262
8 446
Dépenses réelles d'investissement
3 160
5 733
241
3 862
2 572
9 134
6 434
15 568
Remboursements de dette
483
678
64
209
166
1 225
375
1 600
Dépenses d'équipement brut
2 021
3 875
159
3 190
2 099
6 056
5 289
11 345
Subventions d'équipement
369
952
17
209
113
1 339
322
1 661
Source: budgets primitifs DGCL, états budgétaires DGFiP
246
COUR DES COMPTES
Tableau 5 - Budgets 2008 des groupements de communes à fiscalité propre (recettes)
en millions d'euros
CU
CA
SAN
CC à TPU
CC 4 taxes
CA CU
SAN
Toutes
CC
Ensemble
Recettes réelles totales
7 836
16 668
498
8 359
4 555
25 002
12 914
37 915
Recettes réelles totales hors reversements fiscaux
6 620
11 788
409
6 151
4 500
18 818
10 651
29 469
Recettes réelles de fonctionnement
5 608
12 325
350
5 865
2 672
18 283
8 537
26 819
Recettes réelles de fonctionnement hors
reversements fiscaux
4 392
7 446
261
3 657
2 618
12 099
6 274
18 373
DGF
1 469
3 243
76
1 318
332
4 787
1 650
6 438
DGF part intercommunalité
543
984
17
513
272
1 544
785
2 329
DGF part compensation
925
2 258
60
805
60
3 243
865
4 108
Impôts locaux (4 taxes)
2 511
6 246
233
2 858
1 135
8 991
3 993
12 984
Compensations fiscale
91
281
33
282
89
405
371
776
Impôts locaux + DGF part compensation -
reversements fiscaux
2 221
3 625
204
1 455
1 141
6 050
2 596
8 646
Autres impôts
889
1 713
16
882
561
2 619
1 443
4 061
Taxe d'enlèvement des ordures ménagères
452
1 219
6
784
538
1 678
1 321
2 999
Recettes réelles d'investissement
2 228
4 342
149
2 494
1 883
6 719
4 377
11 096
Subventions et participations
474
1 313
38
1 280
1 049
1 825
2 328
4 153
Emprunts
1 498
2 814
107
1 060
659
4 419
1 719
6 138
Nombre de groupements
14
171
5
1 037
1 356
190
2 393
2 583
Population totale au 01/01/2008
6 263 969
21 377 932
322 995
14 814 618
11 778 426
27 964 896
26 593 044
54 557 940
Source: budgets primitifs DGCL, états budgétaires DGFiP
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
247
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET,
DES COMPTES PUBLICS ET
DE LA FONCTION PUBLIQUE
L’insertion de la Cour des comptes
« Bilan de l’intercommunalité en
France » fait suite au rapport public de la Cour des comptes de novembre
2005
sur
l’intercommunalité
en
France,
qui
avait
appelé
à
une
rationalisation de celle-ci. Il se propose de dresser un premier bilan des
effets de ses recommandations.
Je partage dans leur ensemble les constats et les analyses faits par la
cour des comptes. Néanmoins, je souhaiterais vous faire part de certaines
observations.
Concernant la partie consacrée à l’information financière tardive et
incomplète, et à la suite des réponses de mes services au rapport provisoire,
je vous confirme que la production automatisée de fiches financières
consolidées pour les groupements à fiscalité propre (GFP) n’a pas été
abandonnée.
Au contraire, ce chantier devrait aboutir dans le courant de l’année
2009, avec une extension de périmètre par rapport au dispositif actuel,
puisqu’il concernera tous les groupements, y compris les communautés de
communes exclues de la procédure actuelle, qui nécessite un traitement
manuel des opérations réciproques entre le budget principal du GFP et ses
budgets annexes.
En outre, je vous précise qu’en parallèle, la Direction générale des
finances publiques conduit un second chantier relatif à la réalisation
d’indicateurs portant sur la globalité d’un territoire intercommunal
(agrégation des opérations des groupements à fiscalité propre et de leurs
communes membres). Ce chantier, dit de « l’agrégation territorialisée »,
permettra, à compter de mi-2011, de calculer des ratios pertinents pour
analyser les évolutions financières des territoires intercommunaux et les
comparer entre eux, notamment en matière d’effort d’investissement, de
dépenses de personnel ou encore de fiscalité.
Concernant les effectifs d’agents employés dans les structures
intercommunales, il convient de noter que les chiffres cités par la Cour, tirés
du rapport 2008 de l’Observatoire des finances locales, concernent des
effectifs physiques et non des EPTP. Ces chiffres incluent aussi bien des
emplois à titre principal qu’à titre secondaire
66
ainsi que des emplois aidés.
66) Emplois occupés par des agents ayant un autre emploi principal dans le reste de
l’économie. Les emplois principaux sont ceux pour lesquels les agents consacrent la
plus grande fraction de leurs temps de travail.
248
COUR DES COMPTES
Sur le fond, je souhaite souligner qu’une analyse restreinte aux seuls
emplois principaux hors emplois aidés, qui traduit le coeur d’activité des
intercommunalités, fait apparaître une progression encore plus notable des
effectifs intercommunaux que l’évolution d’ensemble des effectifs (+ 50 %)
relevée par la Cour : + 96 % entre 2000 et 2006 (de 100 766 à 197 388
67
).
En parallèle, les effectifs des communes ont augmenté de 99 755 agents,
passant de 905 978 à 1 005 733. Il me semble important d’ajouter, en
complément des éléments avancés par la Cour, que cette hausse des effectifs
est vraisemblablement également en partie la conséquence d’un insuffisant
transfert des personnels communaux vers les structures intercommunales en
accompagnement des compétences transférées ainsi que d’une insuffisante
mise en commun des moyens entre communes et structures intercommunales.
En complément des analyses de la Cour sur l’absence d’effet
modérateur sur la dépense communale engendrée par l’intercommunalité, je
voudrais attirer votre attention sur les travaux effectués par MM. Guengant
et Leprince
68
. Leur étude indique que « l’augmentation des dépenses
intercommunales réduit faiblement, voire favorise une légère progression des
dépenses communales entraînant ainsi une croissance du niveau cumulé des
dépenses et des impôts locaux. L’intercommunalité ne produit pas les
« économies d’échelles » attendues […] », ce qui confirme les conclusions de
la Cour.
Concernant la partie consacrée à la surveillance des situations
financières dégradées, et notamment la recommandation 9 de la page 31
(« Accroître la vigilance face aux risques de dégradation de la situation
financière de certaines intercommunalités »), je souhaite rappeler que le
dispositif dénommé OSIRIS, mis en place conjointement par le ministère de
l’intérieur et le ministère du budget, est opérationnel depuis 3 ans et est mis
en oeuvre dans tous les départements. D’ailleurs, après deux exercices dits
« expérimentaux », les indicateurs d’alerte ont pu être enrichis en 2008 afin
de mieux prendre en considération les résultats des budgets annexes des
groupements.
De façon plus générale, même si je souscris globalement aux
recommandations
formulées
par
la
Cour
en
vue
de
rationaliser
l’intercommunalité, je souhaiterais insister sur les contraintes auxquelles se
heurte la proposition n° 6.
Vous proposez de moduler les dotations d’Etat en fonction des
compétences réellement exercées. En effet, inclure une modulation
supplémentaire nécessiterait probablement une augmentation des montants
distribués aux dépens de l’effort de péréquation réalisé au sein de la dotation
67) Source : Rapport annuel de la DGAFP, « Faits et Chiffres 2007-2008 ».
68) Guengant A. et Leprince M. (2006). « Evaluation des effets des régimes de
coopération intercommunale sur les dépenses publiques locales », Economie et
Prévision, n° 175, pp. 79-99.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
249
(2,3 Md€ en 2008), qui de surcroît ne s’est pas traduite par des économies
globale de fonctionnement (DGF). Or, compte tenu du coût important que
représente l’incitation financière déjà accordée à l’intercommunalité
(2,3 Md€ en 2008), qui de surcroît ne s’est pas traduite par des économies
d’échelles, cette augmentation n’est pas souhaitable.
Enfin, je tiens à souligner que ce rapport très intéressant apportera
une contribution utile aux travaux du comité de la réforme des collectivités
locales, ainsi qu’aux réflexions menées au sein du Ministère sur
l’intercommunalité.
RÉPONSE DU SECRÉTAIRE D’ETAT CHARGÉ DE
L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Je souhaite apporter des éclairages et réactions à l’insertion « Bilan
de l’intercommunalité en France » sur quatre points.
En premier lieu, s’agissant des politiques contractuelles de l’Etat, il
me paraît utile d’en rappeler les objectifs successifs en matière territoriale.
Le contrat de plan 2000-2006 visait à consacrer une part significative
des crédits CPER au financement du volet territorial, avec pour but
d’accompagner l’émergence de projets intégrés à l’échelle des bassins de
vie, dans les territoires ruraux comme dans les agglomérations urbaines. A
travers le contrat, il s’agit de sortir de la logique de guichet et de
saupoudrage des politiques publiques.
La génération de contrats de Projets Etat-Régions 2007-2013 a
maintenu le principe d’un volet territorial structuré autour de 9 thématiques
nationales, dont 4 axées sur le développement durable : le développement
numérique des territoires ; l’adaptation des services au public et à la
personne ; le prolongement des « pôles d’excellence rurale » ; l’organisation
des filières agricoles, pêche et forestières et la biodiversité ; le soutien aux
mutations importantes de l’activité économique ; le développement durable
des agglomérations ; l’adaptation au changement climatique ; la gestion de
la ressource en eau et la prévention des risques naturels.
Ces thématiques spécifiques au volet territorial, issues notamment de
la stratégie de Lisbonne-Göteborg, sont également reprises dans les grands
projets des CPER et doivent ainsi inciter les intercommunalités à structurer
leur politique autour des grands principes de développement durable déjà
mis en place dans les politiques nationales et les fonds européens.
Ma deuxième remarque porte sur l’effort financier consacré aux
politiques territoriales contractualisées.
250
COUR DES COMPTES
L’actuelle génération de contrats de projets 2007-2013, bien qu’ayant
réduit son budget global à 30 milliards € contre 35 milliards en 2000-2006,
n’a pas réduit son appui aux territoires de projets, puisqu’elle consacre une
part équivalente aux volets territoriaux, soit 10 % du montant total des
CPER, pour un montant de 2,4 Mds €.
La part consacrée aux approches territoriales est nettement
supérieure, dans la mesure où plusieurs régions ont identifié de grands
projets territorialisés (projets métropolitains en Nord-Pas-de-Calais, en
PACA ou Grands Projets d’Aménagement des Hauts à la Réunion). En outre,
les conventions territoriales ont vocation à intégrer des financements des
autres grands projets. Les moyens consacrés aux approches territoriales
marqueront donc une nette augmentation.
Ma troisième observation porte sur la place des pays dans les
conventions du volet territorial.
Il est reproché à la politique de contractualisation menée par l’Etat
au titre du volet territorial d’avoir appuyé l’émergence des pays comme
nouvel échelon de l’organisation administrative du territoire, contribuant
ainsi à rendre plus opaque le paysage institutionnel.
Il faut ici souligner que, contrairement à l’ancienne génération de
CPER, la contractualisation avec les pays n’a eu aucun caractère obligatoire
pour 2007-2013. La circulaire DIACT du 24 mai 2006 précise que la
démarche peut concerner « aussi bien les agglomérations, les villes
moyennes, que le monde rural, dans une intercommunalité de projet (EPCI,
pays, parcs naturels)… ».
Le principe même du volet territorial n’avait pas de caractère
obligatoire : ainsi certaines régions ont choisi de ne pas maintenir de volet
territorial explicite (Alsace, Haute-Normandie, Ile-de-France, Guyane,
Réunion, Martinique).
Pour celles ayant opté pour un volet territorial, le mode de sélection
des territoires de projets porteurs de conventions a été laissé au libre arbitre
des préfets et conseils régionaux. Il ressort de l’analyse des conventions que
certaines régions ont eu recours à l’appel à projets, sélectionnant ainsi les
meilleurs projets des pays, parcs, agglomérations, communautés de
communes, syndicats mixtes …, ou l’une ou l’autre de ces catégories.
D’autres régions ont conventionné avec l’ensemble des territoires (pays,
parcs, agglomérations, voire communautés de communes) ou seulement avec
certains territoires, définissant précisément les opérations à soutenir au sein
du volet territorial (Pays de Loire, Rhône Alpes, Auvergne). Enfin certaines
régions mettent en oeuvre simultanément ces différentes formes de sélection.
BILAN D'ÉTAPE DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN FRANCE
251
Ainsi, la prédominance des pays dans les conventions territoriales ne
relève pas d’une directive gouvernementale, mais bien plus des concertations
locales qui se sont attachées à coordonner les actions aux échelles les plus
pertinentes.
Par ailleurs, le fait que les conventions d’application du volet
territorial aient été conclues avec les pays ne signifie pas que les opérations
financées soient portées directement par eux ; même si on doit reconnaître
l’existence d’exceptions à ce principe les communautés de communes restent
très majoritairement maîtres d’ouvrage des projets.
Ma quatrième observation porte sur la convergence des crédits
nationaux et européens.
Dès lors que certaines échelles territoriales étaient retenues pour
contractualiser au niveau national, il était cohérent de les conserver pour la
mise en oeuvre des programmes européens de développement, ne serait-ce
que pour pouvoir mobiliser les contreparties financières nationales requises.
Les agglomérations bénéficient ainsi largement du FEDER, tandis que les
axes 3 et 4 du FEADER permettent de consolider des stratégies de
développement rural souvent élaborées à l’échelle des pays ou des parcs
naturels régionaux et mises en oeuvre par tout type d’acteurs publics et
privés.
De ce point de vue, la période 2007-2013 présente des améliorations
notables par rapport à la programmation précédente (ainsi, le périmètre des
Groupes d’action locale Leader correspond désormais dans la grande
majorité des cas à celui des pays ou des parcs naturels régionaux, ce qui
n’était pas le cas auparavant et obligeait à créer des associations supports
distinctes).
Pour conclure, je rejoins l’analyse globale de la Cour, à cet égard qui
appelle de ses voeux la clarification des échelles locales d’intervention. J’ai
pu à cet égard exprimer mon souhait, dans les diverses instances qui
réfléchissent aujourd’hui à la réforme de nos institutions, que des
intercommunalités de projets, organisées à l’échelle de bassins de vie, et
dotées de SCOT ambitieux, puissent constituer la maille d’action pour nos
politiques d’aménagement du territoire.