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GESTION DES PENSIONS DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT
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La réforme de la gestion des pensions
des fonctionnaires de l'Etat
A la demande de la commission des finances du Sénat, formulée en
application de l'article 58-2° de la LOLF, la Cour des comptes a conduit
en 2007 une enquête sur le service des pensions de l'État
47
. Les auditions
menées par le Sénat sur cette base avaient permis de conclure que la
réforme de la chaîne de traitement des pensions était souhaitée par le
Gouvernement mais n’était pas encore réellement engagée.
Dans une insertion intitulée "la réforme de la gestion des pensions
des fonctionnaires de l'État", parue dans son rapport public de février
2008, la Cour est en conséquence revenue sur le sujet.
Soulignant qu'il était urgent de passer à une réforme d'ensemble,
la Cour indiquait que la modernisation du système de gestion était
conditionnée à une forte impulsion politique mais aussi à une
gouvernance
unique,
bien
identifiée
et
investie
d'une
autorité
véritablement interministérielle. Des plans d'actions et une conduite du
changement sur le moyen terme étaient nécessaires notamment pour
gérer les restructurations d'emplois et permettre de faire aboutir, dans les
meilleurs délais, cette réforme qui doit bénéficier aussi bien aux
pensionnés qu'aux contribuables. Dans le cadre des travaux de la Cour,
les économies d'emplois avaient été chiffrées par le ministère chargé du
budget à 1 200.
47) Les rapports du Sénat n° 27 2007-2008 : la gestion des pensions de l'État, une
réforme inaboutie à relancer d'urgence ; Thierry Foucaud, Bertrand Auban, Sénateurs.
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COUR DES COMPTES
La Cour considérait que les données enregistrées dans les comptes
individuels de retraite (CIR), créés pour assurer le droit à l'information
des agents de l'État sur leur retraite et constamment tenus à jour,
devaient être utilisées comme base pour le calcul des pensions des
fonctionnaires, au lieu de devoir procéder à une « reconstitution de
carrière » avant le départ à la retraite. Elle relevait la nécessité
d’améliorer l’information.
Une année après, des évolutions sont tangibles, et l'impulsion
politique
a
été
donnée.
Cependant,
aucune
gouvernance
interministérielle n'a été mise en place à ce jour et les services
concernés ne sont pas engagés de la même manière dans ce chantier
d'importance.
* * *
La Cour soulignait la nécessité d'une forte impulsion politique.
Celle-ci a pris la forme d'une décision de principe inscrite dans la
révision générale des politiques publiques.
Le conseil de modernisation des politiques publiques a
annoncé, à l'horizon 2010-2011, une liquidation des pensions sur la
base des éléments réunis dans le compte individuel de retraite
(CIR) de chaque fonctionnaire
48
et, corrélativement, la suppression
des services de pensions des ministères employeurs, les tâches de
reconstitution des carrières qu'ils assurent à l'approche de la date
de retraite disparaissant. Parallèlement, le service des pensions, qui
concède les droits à pensions après avoir contrôlé les propositions
des ministères employeurs, et les centres régionaux des pensions,
qui assurent le versement et le suivi des pensions, doivent être
réunis dans une seule entité
49
. La question du guichet unique n'a
pas été oubliée ; la mise en place de centres d'appels téléphoniques
doit améliorer le service rendu aux fonctionnaires.
48) "Le service des pensions pourra réaliser directement la liquidation sur la base d'un
processus industriel et pour tous les agents à compter de 2010-2011".
49) "Parallèlement, le service des pensions et les centres régionaux des pensions
doivent être réunis dans une entité unique, soit au sein de l'État (service à compétence
nationale), soit sous forme d'une caisse de retraite de l'État."
GESTION DES PENSIONS DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT
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La Cour indiquait la nécessité de réorganiser la chaîne de
traitement des pensions en utilisant les données du CIR pour liquider
les droits.
L'enquête a permis de constater la mise en place de certaines bases
de cette réforme.
- Le renseignement des comptes individuels de retraite (CIR)
Le processus de renseignement des CIR semble en voie
d'être maîtrisé. C'est ce qui ressort de l'analyse des résultats de la
première campagne d'information
50
, présentés par le groupement
d'intérêt public Info-retraite
51
. Cependant, la quantité et la qualité
des données intégrées dans les comptes ouverts pour les
fonctionnaires restent perfectibles. Les campagnes suivantes, qui
concernent un plus grand nombre d'agents, devraient pouvoir
bénéficier de l'expérience acquise, mais elles requièrent encore des
efforts et une coordination renforcée entre le service des pensions
et les ministères
52
.
- L'évolution de la chaîne informatique
Le service des pensions s'est engagé dans la préparation du
dispositif permettant de liquider les pensions sur la base de ces
comptes. La solution technique retenue, qui doit voir le jour en
2010 (« palier 2010 »), consiste à mettre en place un lien entre les
comptes individuels et l'outil actuel de liquidation du service des
pensions, VISA3. A l'horizon 2012, un système plus élaboré
devrait permettre une alimentation directe du CIR par des
déclarations annuelles de données sociales, suivant la méthode du
régime général de sécurité sociale pour les comptes de droits des
salariés. Les liens avec la mise en place de l'Opérateur national de
paye, que l'État a par ailleurs engagée, devront être précisés, ce qui
impose de coordonner les calendriers des deux chantiers.
50) qui concernait les personnes nées en 1949 et en 1956.
51) Le groupement d'intérêt public Info-retraite est l'instance chargée de piloter et de
coordonner la mise en oeuvre du droit à l'information individuelle des assurés du
secteur privé et des agents du secteur public sur leur future retraite dans un contexte
inter-régime et d'assurer la collecte des informations et l'établissement des relevés
individuels et des estimations indicatives globales.
52) Le service des pensions du ministère du budget a été chargé d'orchestrer
l'initialisation puis l'alimentation régulière des comptes. La saisie de l'historique des
carrières des agents de la fonction publique d'État est assurée par les ministères
employeurs, qui disposent des données nécessaires.
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COUR DES COMPTES
- Le renforcement du rôle du service des pensions
Afin de favoriser la mise en place du "palier 2010",
plusieurs mesures ont été prises récemment ou sont à l'étude.
- La première a consisté à modifier l'arrêté d'organisation du
service des pensions. Paru en mai 2008, il attribue à ce service le
rôle de gestionnaire du CIR et du droit à l'information des assurés
sur leur retraite ; il consacre en particulier son rôle d'interlocuteur
des agents en activité ou en retraite. Le nouvel arrêté assigne
également au service les responsabilités de conception et de mise
en
oeuvre
du
nouveau
processus
de
gestion,
incluant
l'accompagnement des ministères employeurs. Corrélativement, les
compétences et l'effectif du service des pensions se sont accrus ;
des crédits ont été affectés à la construction du dispositif
informatique.
- Un projet de
modification du code des pensions civiles et
militaires de retraite a été préparé par le ministère chargé du
budget. Une nouvelle rédaction de l’article R-65 attribuerait au
service des pensions les responsabilités de contrôle effectif des
données présentées dans les CIR et celles de liquidation des droits.
Les ministères ne conserveraient que la tâche d'alimentation des
CIR dont les modalités seront précisées par la révision de la partie
réglementaire du même code.
La Cour soulignait la nécessité de placer la réforme sous la
responsabilité
d'un
pilote
unique,
investi
d'une
autorité
véritablement interministérielle, capable de mettre en oeuvre un plan
d'action partagé et une véritable conduite du changement.
A la fin de l’année 2008, la réforme d'ensemble
ne bénéficiait pas
d’un pilotage par une autorité interministérielle.
L'annonce faite dans le cadre de la RGPP n'a pas été suivie
d'une communication suffisante propre à fédérer les énergies des
ministères employeurs et des services concernés du ministère
chargé du budget.
GESTION DES PENSIONS DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT
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Seule une instance interministérielle pourrait en effet
déterminer avec précision la trajectoire de modernisation de la
chaîne et arrêter un calendrier pour organiser au mieux la transition
en anticipant les restructurations attendues et en déterminant les
dispositifs d'accompagnement des agents.
La création d'un comité stratégique, présidé par une
personnalité qualifiée rassemblant des secrétaires généraux de
ministères, et d'un comité directeur à vocation de maître d'ouvrage
est envisagée mais n’a pas encore débouché et, de manière plus
générale, la définition des structures de pilotage du chantier prend
du retard.
Au sein même du ministère du budget, des comptes publics
et de la fonction publique, la réflexion, engagée au printemps
2007
53
sur la réunion du service des pensions et des centres
régionaux des pensions dans une seule entité, dont le principe a été
confirmé dans la RGPP, n'avait pas encore abouti à des décisions à
la fin de l’année 2008. Cette structure, qui regrouperait des
activités actuellement séparées –concession des pensions et
paiement - pourrait porter la maîtrise d'oeuvre du projet tout en
favorisant des gains de productivité.
53) Note du ministre délégué au budget et à la réforme de l'État datée du 15 mars
2007.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET
DE LA FONCTION PUBLIQUE
Comme je vous l’avais indiqué dans ma note du 1
er
février 2008, je
souhaite, tout comme le secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique,
poursuivre les efforts de modernisation de la gestion des pensions, par une
réforme de grande ampleur.
L’insertion de la Cour des comptes rappelle à juste titre que
l’impulsion politique de cette réforme a été donnée par le Conseil de
modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 et que des
évolutions tangibles ont été conduites depuis la dernière insertion au rapport
public. Il souligne notamment la mise en place des bases de la réforme
concernant le renseignement des comptes individuels de retraite, l’évolution
de la chaîne informatique et le renforcement du rôle du service des pensions.
Ce rapport considère toutefois que les mesures permettant de placer
la réforme sous la responsabilité d’un pilote unique, investi d’une autorité
véritablement interministérielle, ne sont pas décidées. En réponse, il convient
en premier lieu de noter que plusieurs sujets devaient être expertisés au
préalable sous les différents angles juridiques, sociaux et financiers. C’est
ainsi qu’une mission a été confiée à l’inspection générale des finances, d’une
part pour examiner les conditions de montée en charge du compte individuel
de retraite, et son impact sur les services ministériels de pensions, d’autre
part, sur l’opportunité de créer un service à compétence nationale en matière
de pensions des fonctionnaires.
Une fois cette expertise réalisée, et après discussion interministérielle,
les décisions nécessaires ont été prises.
Je peux ainsi annoncer à la Cour que sera constitué début 2009, au
sein de la direction générale des finances publiques, un service à compétence
nationale (SCN), destiné à réunir le service des pensions et les centres
régionaux des pensions. Ce service sera chargé de gérer, à terme, l’ensemble
des fonctions d’un opérateur de retraites, de l’enregistrement des droits à
pensions dans le compte de retraite jusqu’au paiement des pensions et de
mener le projet de réforme décidé par le Conseil de modernisation des
politiques publiques.
Dans ce cadre et avec les moyens de ce SCN, la direction générale des
finances publiques sera le pilote de la réforme. Elle sera chargée d’animer
avec la direction générale de l’administration de la fonction publique un
comité stratégique, rassemblant les secrétaires généraux des départements
ministériels, qui arbitrera les orientations du projet et qui veillera à ce que
les gains de productivité correspondants soient effectivement dégagés. Je
compte installer ce comité dans les toutes prochaines semaines.