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LA GESTION DE L'INSTITUT DE FRANCE
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La gestion de l'Institut de France
Dans son rapport public annuel publié en 2001, la Cour avait émis
des observations multiples sur l’Institut de France : gestion commune
insuffisante des ressources humaines et du patrimoine immobilier entre
l’Institut et les cinq académies qui le composent, comptes ne donnant pas
une image fidèle des résultats, agent comptable doté de moyens
insuffisants, gestion mal contrôlée du portefeuille de valeurs mobilières,
loyers des immeubles de rapport parfois inférieurs aux prix du marché,
etc. Par ailleurs, la Cour constatait que l’Institut de France et les
académies exerçaient leur activité dans un cadre juridique devenu
obsolète.
Un contrôle ultérieur de l’Institut de France, achevé par la Cour en
janvier 2007, a cependant encore abouti à des constats similaires.
L’Institut s’est alors engagé fermement à rénover son cadre juridique
(avec un nouveau règlement financier), son cadre budgétaire (avec une
nouvelle application informatique), et son cadre comptable (avec une
nouvelle nomenclature). La Cour a pris acte de ces intentions, tout en
indiquant qu’elle en contrôlerait dès 2008 l’application.
La vérification qui a été réalisée à cet effet a permis de constater
la
volonté de l’Institut de mettre en oeuvre ses engagements, même si
existent encore des marges de progrès pour satisfaire pleinement aux
recommandations de la Cour.
* * *
La Cour avait indiqué que le cadre juridique s’imposant à
l’Institut de France et aux académies - notamment le règlement
administratif et financier défini par un décret du 11 juillet 1922 -
devait être clarifié rapidement.
L'adoption par le Parlement de la loi de programme du 18
avril 2006 pour la recherche a permis de mieux préciser le statut de
l’Institut et des académies, définis comme des «
personnes morales
de droit public à statut particulier placées sous la protection du
Président de la République
». Un décret du 11 mai 2007 portant
règlement général souligne que l’Institut de France est «
garant des
intérêts communs et respectifs
» des académies, ce qui va dans le
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COUR DES COMPTES
sens de la préconisation par la Cour d’une plus grande
communauté de gestion.
Par ailleurs, l’Institut a élaboré de nombreux textes
marquant un effort d’adaptation des procédures budgétaires et
comptables (règlement des dépenses urgentes, guide des marchés,
remboursement des frais de mission, délégations de signature,…),
ce dont il convient de lui donner acte. En outre, un nouveau
règlement financier, approuvé par un autre décret du 11 mai 2007,
indique que le directeur des services financiers assure une mission
générale de vérification des dépenses et des recettes et qu’il est
chargé de la gestion financière de l'Institut et des
académies, sous
réserve des compétences propres de l’agent comptable : cette
précision répond à la critique de la Cour qui avait observé que
celui-ci avait été dépossédé de ses prérogatives essentielles de
contrôle. Toutefois, des obstacles importants limitent encore les
prérogatives de l’agent comptable : outre le fait que son rang
hiérarchique et les effectifs mis à sa disposition sont insuffisants
pour garantir un équilibre de ses fonctions avec celles du directeur
des services financiers ou du directeur des services administratifs,
son action reste encore limitée en ce qui concerne le recouvrement
des créances ou le contrôle des rémunérations.
La Cour avait également préconisé la mise en place, sous
l’autorité du chancelier, d’un service d’audit ou de contrôle interne,
ainsi qu’un renforcement des contrôles externes.
L’Institut a répondu que, compte tenu de la taille de l’organisme et
des missions de vérification assurées par le directeur des services
financiers et l’agent comptable dans les domaines budgétaire et financier,
il n’était pas envisagé d’introduire un autre niveau de contrôle interne.
Toutefois, la nature des activités de gestion et les risques qui
leur sont attachés rendent nécessaire qu’un dispositif de contrôle
des opérations budgétaires et financières puisse exister en dehors
du directeur financier, qui en est le gestionnaire direct, ou du
comptable, dont les missions ne sauraient interférer avec celles de
l’ordonnateur. Le coût d’un contrôle interne, bien que souligné par
l’Institut, doit être mis au regard de la nécessité de mieux garantir
la sécurité et la performance de la gestion.
Par ailleurs, aucune orientation n’a encore été décidée quant
à une éventuelle certification des comptes de l’Institut. Celui-ci
devrait cependant en décider le principe pour des motifs de bonne
gestion : cette certification serait de nature à mieux garantir la
sécurité comptable.
LA GESTION DE L'INSTITUT DE FRANCE
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Certaines fondations - abritant notamment des musées -
recourent pour la gestion de leurs patrimoines à des délégations
de service public confiées à des opérateurs privés. La Cour avait
approuvé un projet indiquant qu’elles feraient l’objet d’un
contrôle externe de régularité et de gestion.
En définitive, la version finale du règlement financier ne prévoit
plus de contrôle externe des délégations de service public :
Compte tenu de l’importance du patrimoine géré par les
fondations concernées, il serait pourtant souhaitable, à l’instar de
celui qui est désormais mis en oeuvre pour les immeubles de rapport
ou les placements de valeurs mobilières.
La Cour avait mis l’accent sur la nécessité de contrôler les
conventions de mandats des gestionnaires des immeubles de rapport.
L'Institut avait répondu qu’ils seraient tenus de produire un compte
rendu annuel de leur gestion.
Cette procédure a effectivement été mise en place.
Un audit effectué en 2007 par un cabinet extérieur a conduit
la commission administrative centrale de l’Institut à porter une
appréciation positive sur la gestion des administrateurs de biens.
Toutefois, ce rapport a fait également apparaître certaines
insuffisances de procédure (paiement des factures, travaux, etc.) et,
en dépit des efforts de rattrapage récents, une situation encore
insatisfaisante pour certains loyers présentant une décote par rapport
aux prix moyens du marché
37
. Ces constats démontrent que
l’intensification du contrôle externe ne peut qu’être bénéfique à
l’Institut.
La Cour avait émis des observations critiques sur la gestion des
valeurs mobilières de placement : confusion des fonctions de contrôle
et de gestion, suivi insuffisant des règles de plafonnement des
placements, comptabilisation imprécise, etc. En raison de leur
montant
(
38
)
, la Cour avait indiqué que les portefeuilles ne devraient
être gérés que par des établissements financiers spécialisés. L'Institut
avait précisé qu’une charte de gestion serait élaborée.
Cette charte de gestion des valeurs mobilières a été adoptée en
2007.
37) Par exemple, pour un immeuble situé dans le 16
ème
arrondissement, une décote
comprise selon les appartements
entre 16 % et 27 %.
38)
Au 19 février 2008, ils s’élevaient pour l’Institut et les académies à 406 M€, dont
317 M€ étaient gérés par des établissements financiers.
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COUR DES COMPTES
Elle prévoit que les établissements financiers chargés de la
gestion des portefeuilles dans le cadre de « fonds dédiés » seront
remis en concurrence tous les trois ans et devront rendre compte
tous les mois de leur gestion au directeur des services financiers, qui
définit les objectifs à suivre, ainsi que le rendement minimum à
réaliser. En outre, la charte fixe des règles particulières pour la
gestion de la trésorerie : la part de chaque organisme de placement
ne peut dépasser une proportion maximale, les obligations doivent
être souscrites en euros et dans la limite d’un plafond, et les
acquisitions
d’actions
sont
prohibées.
Conformément
aux
recommandations de la Cour, ces orientations visent donc à ne
confier les placements qu’à des gestionnaires extérieurs pour les
« fonds dédiés » et à circonscrire le placement de la trésorerie à des
SICAV monétaires.
Les instruments de contrôle à la disposition de l’agent
comptable ont également été étendus (visa sur les ordres d’achats et
de ventes, transmission des extraits de comptes, accès aux logiciels
de suivi des portefeuilles). En revanche, le règlement financier
prévoit qu’un contrôle des procédures de gestion des valeurs
mobilières ne sera effectué que tous les trois ans par un organisme
extérieur, ce qui paraît insuffisant. L’Institut n’a pas non plus mis
en place un dispositif de contrôle externe portant sur la performance
de la gestion des valeurs mobilières.
La Cour avait rappelé que les académies disposent de services
administratifs distincts, dont l'Institut n'assure pas la coordination.
Elle avait insisté sur l’intérêt de renforcer la communauté de gestion
entre l’Institut et les académies, notamment en ce qui concerne la
gestion des ressources humaines et des immeubles de rapport.
Le nouveau règlement général précise un certain nombre de points
Il précise que le directeur des services administratifs assure,
par délégation des secrétaires perpétuels, la gestion courante du
personnel de l'Institut. Des progrès ont été accomplis dans le sens
d’une gestion plus unifiée : contrats-types pour les recrutements,
dispositions communes pour les congés ou les missions, etc.
Toutefois, un règlement intérieur regroupant l’ensemble des règles
de gestion du personnel n’a pas encore été élaboré. De même, si la
gestion
des
patrimoines
immobiliers
fait
l’objet
d’échanges
d’informations, une mutualisation des moyens de gestion n’a pas
non plus été mise en oeuvre.
La Cour avait observé que la gestion du domaine de Chantilly
avait été confiée par convention à une Fondation qui doit financer
LA GESTION DE L'INSTITUT DE FRANCE
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70 millions d’euros de travaux sur un total prévu de 100 millions. Elle
avait indiqué que les collections n’avaient pas toutes fait l’objet d’un
inventaire préalable, et que ce partenariat ne devait pas se traduire
par un transfert du pouvoir de gestion sans contrôle suffisant.
Si l’Institut a depuis lors progressé sur la voie des inventaires et des
récolements des collections, cette tâche n’est toujours pas achevée.
Par ailleurs, l’Institut obtient des informations sur la gestion
du domaine essentiellement par sa représentation au conseil
d’administration de la Fondation : tout en prenant la mesure des
financements apportés par celle-ci, la Cour observe qu’il serait
souhaitable
d’établir
des
dispositions
précises
prévoyant
la
production
de
documents
permettant
à
l’Institut
de
suivre
régulièrement tous les aspects de la gestion du domaine.
La commission administrative centrale avait enfin décidé en
2005 que les logements de fonction de deux conservateurs de
bibliothèques leur seraient dorénavant concédés par simple utilité de
service : une indemnité irrégulière leur avait été attribuée pour
compenser la redevance dont ils devaient désormais s’acquitter.
En définitive, l’Institut n’a plus versé cette indemnité irrégulière,
mais a décidé que les deux conservateurs bénéficieraient de ces logements
à titre gratuit.
Cette décision demeurait irrégulière au regard du code du
domaine de l’Etat, puisque la gratuité ne s’applique qu’aux
concessions accordées pour nécessité absolue de service. L’Institut a
cependant indiqué, depuis lors, qu’il prendrait les dispositions en
conséquence.
L’Institut a accompli sous l’impulsion de son chancelier des progrès
incontestables en matière de formalisation de ses procédures (règlement
général, règlement financier, règlement budgétaire et comptable) et de
suivi de ses opérations (patrimoine immobilier, placements financiers).
Toutefois, le fait d’être désormais totalement placé depuis la loi de
programme du 18 avril 2006 en dehors du champ des institutions
publiques de contrôle - à la seule exception de la Cour des comptes -, doit
l’amener à intensifier les contrôles portant sur la performance de la gestion
et sur la maîtrise des risques, afin d’apporter toutes les garanties
nécessaires à l’ensemble de ceux qui participent au financement de ses
activités, et notamment de ses nombreux donateurs : cette orientation doit
passer par la mise en place d’un dispositif de contrôle interne indépendant
des services administratifs et financiers, ainsi que d’un contrôle externe
élargi (performance de la gestion financière, gestion des délégations de
service public, certification des comptes, etc.).
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU CHANCELIER DE L’INSTITUT DE FRANCE
L’Institut de France a pris acte de l’insertion de la Cour des comptes
sur « la gestion de l’Institut de France » destiné à figurer dans la partie du
prochain rapport public annuel de la Cour des comptes consacrée aux effets
de ses interventions.
Dans cet esprit, l’Institut tient à confirmer les engagements qu’il a
pris, et qu’il continuera à prendre, pour améliorer sa gestion, en particulier
l’articulation entre la direction financière et l’agent comptable.
Il s’appuie sur les indications récentes de la Cour des comptes
concernant la certification des comptes pour engager une réflexion sur ce
sujet.
Toutefois, dans la conjoncture actuelle, l’Institut ne peut qu’être
particulièrement attentif à toute modification de structure qui entraînerait en
conséquence un accroissement de ses charges récurrentes de fonctionnement.