PÉAGES AUTOROUTIERS
61
Les péages autoroutiers
Les autoroutes françaises sont pour une grande part gérées sous le
régime de la concession par six sociétés privatisées début 2006
29
. Les
principes de fixation des péages sont régis par le décret du 24 janvier
1995 et les cahiers des charges des concessions. Les formules de hausse
tarifaire propres à chaque réseau sont déterminées par des contrats
pluriannuels conclus avec l’Etat et les nouveaux
tarifs font chaque année
l’objet d’une procédure d’homologation.
Dans son rapport public de 2008, la Cour avait constaté que les
recettes effectivement perçues dépassaient en valeur absolue et en
évolution les niveaux qui paraissaient résulter des « lois tarifaires » ainsi
fixées. Les dépassements tenaient à la fois à la liberté dont usent
certaines sociétés, tout en respectant formellement la hausse globale
accordée par l’administration, de concentrer les hausses de tarifs sur les
tronçons ou trajets les plus fréquentés – pratique critiquable dénommée
«foisonnement» –, à la réduction des remises aux poids lourds imposée
par la directive « Eurovignette 2 » et plus
fondamentalement aux
défauts de conception du système tarifaire.
Des engagements précis ont été pris par le ministre chargé des
transports en réponse aux critiques et recommandations à effet
immédiat de la Cour. Toutefois, ces engagements, bien que réitérés
en audition devant la commission des finances de l’Assemblée
nationale
le 20 février 2008
,
n'ont été que partiellement tenus.
* * *
1 - La Cour avait particulièrement mis en cause la pratique du
"foisonnement" des péages et déploré aussi la non-compensation de
la baisse des remises aux poids lourds
.
Par une étude déclenchée à l’été 2007 par l'enquête de la Cour,
l’Etat a déterminé les péages effectivement perçus trajet par trajet et
estimé les excès de recettes correspondant à la dernière hausse qu’il avait
admise et aux nouvelles grilles tarifaires proposées par les sociétés, qu’il
a rejetées de septembre 2007 à janvier 2008. Mais il n’a pas résolu toutes
les difficultés liées au système tarifaire maintenu et ses vérifications, dont
l’efficacité varie selon les sociétés, restent insuffisantes.
29) Cofiroute n'en fait pas partie.
62
COUR DES COMPTES
1.1 – Le ministre chargé des transports avait, d’une part,
annoncé sa volonté de récupérer les excès de recettes perçus lors de la
hausse précédente
A-
Sans vouloir remonter plus loin en arrière, le ministère
chargé des transports a estimé les excès de recettes dus au
"foisonnement" sur les hausses de fin 2006 - début 2007 à 0,19 %
pour SAPN, 0,71 % pour ESCOTA, 0,81 % pour ASF, 0,94 %
pour AREA, 1,12 % pour Sanef et 1,35 % pour APRR, tous
véhicules confondus. Un surplus de recettes de 1% représente, à
titre indicatif, quelque 60 M€ par an pour les six sociétés.
Afin de récupérer ces excès de recettes, les augmentations
qui, selon les contrats pluriannuels, auraient pu être accordées à
trois sociétés (APRR, AREA et Sanef) ont été réduites par des
réfactions étalées sur deux ans. Ces sociétés, tout en contestant
l’analyse juridique du concédant, partagée par la Cour, ont accepté
ces réfactions.
En revanche, pour les trois autres sociétés concessionnaires
et sans justification probante de cette différence de traitement, les
« lois tarifaires » ont été appliquées telles quelles lors de la hausse
de fin 2007- début 2008. Aucune réfaction ultérieure n’est prévue
pour elles. Le ministère, conjointement avec celui chargé de
l’économie, a ainsi renoncé à récupérer au profit des usagers les
excès de recettes de ces sociétés. L'engagement pris n'a pas été
tenu en ce qui les concerne.
B
- Le ministre chargé des transports estimait par ailleurs
que la seule question non réglée, qui confinait selon ses termes à
un "enrichissement sans cause", était la diminution des réductions
accordées par les sociétés aux poids lourds. La baisse des remises
aux poids lourds en abonnements, imposée par la directive
Eurovignette 2, était en effet un « effet d’aubaine » pour les
sociétés. Cet effet serait de l’ordre de 1 % de leurs recettes totales
de péage par an, d’après les données, contradictoires et partielles,
fournies à la Cour, qui n’a pu évaluer l’effet précis par société.
Dans sa réponse figurant au rapport public 2008, le ministre
évoquait des discussions engagées en vue de redistribuer les
surplus de recettes imputables à la baisse de ces remises et assurait
que l’Etat serait vigilant pour une solution juste pour les usagers.
Des discussions en ce sens ont effectivement été engagées.
PÉAGES AUTOROUTIERS
63
Par ailleurs, le secrétaire d'Etat aux transports a incité en juin
2008 les présidents des sociétés à la modération tarifaire. Les
concessionnaires ont accepté d'augmenter de 20 % de juillet à
septembre 2008 les rabais consentis aux abonnés (tous usagers).
Sous réserve de cette dérogation limitée dans le temps, les
hausses
successives
de
tarifs
poids
lourds
accordées
par
l'administration aux concessionnaires n’ont pas tenu compte de la
baisse des remises et une solution reste à trouver pour compenser
leur effet.
C -
Au total, un an après l'enquête initiale de la Cour
(été 2007), l’accroissement des recettes, toutes causes confondues,
demeure élevé.
Au premier semestre 2008, les recettes de péage ont
progressé respectivement de 4,8 % et 4,5 % pour les groupes ASF
et APRR
30
et les produits totaux d'exploitation de 5,6 % pour le
groupe Sanef
31
, dans un contexte de quasi-stagnation de leur trafic,
qui n'a augmenté respectivement que de 0,7 %, 1,1 % et 0,2 %.
Parallèlement, la Cour observe que les hausses globales
accordées
32
, par rapport au premier semestre 2007, sont de l'ordre
de :
2,5 % pour le groupe ASF,
1,3 % pour le groupe APRR,
1,5 % pour le groupe Sanef
33
.
Les difficultés rencontrées par la Cour dans le cadre de son
contrôle, notamment au moment de la contradiction et en
particulier avec le ministère chargé des transports, ne lui ont pas
permis de procéder à une analyse détaillée et par société de
l’origine des augmentations de recettes constatées.
30) Source: rapports semestriels 2008 publiés sur internet.
31) Source: communiqué de presse d’août 2008.
32)
Tous véhicules confondus pour le groupe.
33) Sanef et SAPN, hors A14.
64
COUR DES COMPTES
1.2 - Le ministre chargé des transports avait, d’autre part,
assuré qu'il serait mis fin à la pratique du "foisonnement".
Les grilles tarifaires proposées pour les hausses de fin 2007 -
début 2008 et rejetées auraient provoqué de nouveaux excès de
recettes pour toutes les sociétés, à hauteur, selon l’ancienne
direction générale des routes, de 0,32 % pour ESCOTA, 0,56 %
pour Sanef, 0,65 % pour ASF et 0,73 % pour SAPN
34
. L’Etat les a
mises en demeure de présenter des demandes réduites en
conséquence et conformes aux hausses globales prévues.
Tout en réitérant leur contestation juridique, les sociétés, qui
invoquent l’acceptabilité du péage par les usagers, ont toutes
proposé de nouvelles grilles, que l’Etat a acceptées. Mais la portée
des ajustements est incertaine pour plusieurs d’entre elles.
À partir de l’analyse de l’ensemble des hausses tarifaires des
grilles homologuées fin 2007 - début 2008 par rapport aux
pratiques de la hausse précédente, les appréciations suivantes
peuvent être portées sur les tarifs de trois sociétés :
- APRR aurait renoncé au foisonnement, avec une réserve
pour sa première autoroute (A6 sud) ;
- ASF, en accroissant presque aussi souvent les taux de
hausse avec la distance
35
et en appliquant aussi des tarifs
kilométriques progressifs le long de trajets complets d’autoroutes,
a poursuivi des pratiques contestables ;
- de même, Sanef, en concentrant encore les hausses les plus
élevées sur les trajets partant des extrémités d’autoroutes – trajets
parmi les plus fréquentés – a seulement atténué l’effet des
pratiques antérieures ; elle fait aussi croître ses tarifs kilométriques
le long de trajets complets.
2 - La Cour avait recommandé une meilleure transparence des tarifs
2.1 - La Cour avait d'abord préconisé une procédure de
consultation de personnalités qualifiées et de représentants des
usagers avant toute décision concernant les péages.
La réponse des deux ministres concernés a été favorable dans son
principe, plus incertaine quant à ses modalités.
34) Aucune estimation n’était donnée pour les deux premières sociétés contrôlées
(APRR-AREA).
35) A titre d’illustration, pour une hausse moyenne accordée de 2,45 % en 2008, ASF
génère des hausses de 2 à 4 % sur trajets courts et de 3,3 à 4 % sur trajets longs.
PÉAGES AUTOROUTIERS
65
Pour déterminer la représentation du public, la direction
générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a
fait réaliser une enquête téléphonique en avril 2008. Au sein d’un
comité constitué avec les sociétés d’autoroutes, elle a proposé en
septembre 2008 la mise en place fin 2008 de trois groupes de
travail, dont un sur l’information des usagers, et, en 2009, d’un
« comité des usagers du service public autoroutier ».
2.2 - La Cour avait recommandé que la publicité des tarifs
soit imposée aux sociétés concessionnaires, au moins sur Internet.
La publication des tarifs kilométriques a fait l’objet d’une
réponse de principe favorable du ministère chargé des transports et d’une
vive opposition des sociétés d’autoroutes, qui estiment cet indicateur non
pertinent. Or, APRR remet à l’Etat des grilles de tarifs kilométriques dans
ses demandes de hausses. Rien de concret n’a été mis en place à ce jour.
2.3 - La Cour avait enfin recommandé de publier, sous la
responsabilité des services de l'Etat, un rapport annuel sur
l'évolution des péages et leurs raisons.
La publication par les services de l’Etat de ce rapport serait à
l’étude avec un objectif de première parution au deuxième semestre 2009.
Son contenu porterait toutefois davantage sur le contrôle des concessions
en général que sur les péages eux-mêmes, au risque d’en diluer l’impact
sur le sujet le plus sensible.
La direction générale des infrastructures, des transports et de la
mer (DGITM) annonce un texte réglementaire en préparation sur la
transparence tarifaire, notamment pour créer le comité des usagers et
publier les tarifs kilométriques.
3 - La Cour avait recommandé une clarification du système de
fixation des péages
La clarification demandée par la Cour ne peut certes, comme
l'a souligné le ministère, être réalisée dans un laps de temps bref. Il
est recommandé qu'elle soit engagée.
3.1 - La Cour avait recommandé de revoir l'indexation
minimale des péages sur 70 %, voire 85 %, de l'inflation, indexation
sans lien avec la part des coûts corrélés à l’inflation, et d'étudier la
réforme du décret de 1995 qui la prévoit.
Le système d’indexation n’a pas été revu. La direction générale des
infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) l’envisage d’autant
moins qu’elle estime légitime que les péages augmentent avec le coût de
la vie et qu’elle cautionne le taux de base, contrairement à la direction
66
COUR DES COMPTES
générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes (DGCCRF), qui partage l’analyse de la Cour.
3.2 - D'une façon plus générale, la Cour avait recommandé
d'étudier la possibilité, dans le respect des engagements contractuels
pris par l'Etat, de clarifier le système de détermination des péages
autoroutiers.
Les distorsions dans les grilles tarifaires subsistent : notamment la
disparité des tarifs pour un même tronçon selon le parcours dans lequel il
s’inscrit ; la persistance de tarifs réels nuls, voire négatifs, de tronçons
pour l'usager ; l'hétérogénéité des prix kilométriques sur une même
autoroute, sans justification économique claire ;
la complexité induite par
le système du « taux kilométrique moyen » ; la grande longueur des
« sections de référence ».
Interrogée sur les actions menées en 2008, la direction
générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a
simplement indiqué que, dans le but de clarifier les « clauses
tarifaires » par avenants aux cahiers des charges, une nouvelle
rédaction avait été proposée aux concessionnaires. Elle a
également précisé qu’elle n’excluait pas une évolution du système
tarifaire à plus long terme. Aucun document n’a toutefois été
communiqué à la Cour, ni aucune étude engagée.
À ce jour, les recommandations de la Cour sur la
clarification du système de fixation des péages n'ont donc pas été
suivies d'effet. Or, le projet nouveau de directive « Eurovignette
3 » prévoit dès 2010 des modulations écologiques des péages, dont
l’application sera complexe en soi. Leur superposition au système
actuel, s’il n’est pas réformé, le rendra encore plus opaque et
incontrôlable.
PÉAGES AUTOROUTIERS
67
RÉPONSE DU MINISTRE D’ÉTAT, MINISTRE DE L’ÉCOLOGIE,
DE L’ÉNERGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE
L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Dans le cadre de son contrôle du suivi par l'administration des
observations sur les péages autoroutiers formulées dans son dernier rapport
public annuel 2008, la Cour des comptes a établi un nouveau projet
d'insertion à son prochain rapport qui m'a été adressé le 19 novembre
dernier.
Comme cela a toujours été le cas lors des nombreux travaux menés
depuis plusieurs années par la Cour sur le secteur autoroutier en général, et
sur la tarification des infrastructures en particulier, la teneur du projet
d'insertion reflète une connaissance extrêmement approfondie des règles
complexes de détermination des péages autoroutiers.
Toutefois, je dois regretter que la tonalité de ce projet contribue à
jeter la suspicion tant sur la volonté réelle que sur la capacité à agir de
l'autorité concédante notamment en matière de contrôle tarifaire et de
transparence à l'égard de l'usager.
En ce sens, le projet d'insertion peut apparaître exagérément critique,
et ne traduit pas suffisamment la façon dont les récents travaux de la Cour
ont été suivis d'effet. En effet, à la suite des observations de la Cour,
l'important travail accompli par l'administration depuis plus d'un an va dans
le sens d'un durcissement du contrôle du respect de leurs obligations
contractuelles par les sociétés concessionnaires, tout particulièrement en
matière de tarification.
En revanche, l'administration ne peut remédier aux imperfections du
système autoroutier français sans modifier soit les règles contractuelles qui
relèvent d'un accord entre le concédant et les concessionnaires, soit les textes
réglementaires. Dans tous les cas, ces modifications devraient très
probablement donner lieu à compensation.
Il est important de noter qu'en effet, les clauses tarifaires des
concessions historiques n'ont pas été modifiées lors des privatisations
intervenues en 2006.
Telle est la mise au point liminaire qu'il me paraissait essentielle de
vous apporter avant de répondre point par point au projet d'insertion. Soyez
assurés du fait que les services de l'Etat sont pleinement mobilisés et
organisés
pour
faire
appliquer
scrupuleusement
les
dispositions
contractuelles en matière de péages autoroutiers, et pour protéger au mieux
les intérêts de l'usager.
***
68
COUR DES COMPTES
1 – Sur la remise en cause de la pratique du foisonnement et la non-
compensation de la baisse des remises aux poids-lourds
La Cour indique tout d'abord que l'autorité concédante « n'a pas
résolu toutes les difficultés liées au système tarifaire maintenu » et que ses
vérifications,
« dont
l'efficacité
varie
selon
les
sociétés,
restent
insuffisantes ». Au-delà de mon propos introductif général visant à rétablir la
réalité et la crédibilité du travail accompli par l'administration, il convient,
sur cette première partie, d'apporter les réponses de détail suivantes au
projet d'insertion.
1.1.A – Sur la récupération des excès de recettes perçues lors des
hausses de fin 2006 et début 2007
La Cour examine en premier lieu l'existence éventuelle d'un
« foisonnement des recettes, c'est-à-dire, selon la définition du précédent
rapport public, des recettes qui augmentent« à trafic constant, au-delà des
hausses de tarifs accordées ». Comme le rappelle la Cour, le foisonnement
mis en oeuvre lors des hausses précédentes (fin 2006 et début 2007) a été
estimé par l'autorité concédante et rendu à l'usager par l'application de
réfactions sur les hausses contractuelles suivantes, et ce pour les sociétés
APRR, AREA et Sanef.
L'absence de réfaction sur les hausses postérieures à début 2007 pour
les sociétés ASF, ESCOTA et SAPN ne signifie pas pour autant que
« [l']engagement [pris par l'Etat] n'a pas été tenu en ce qui les concerne. »
Au contraire, la réalité est toute autre, car ainsi que mes services l'avaient
indiqué dans leur réponse du 7 novembre dernier au relevé d'observations
provisoires de la Cour en date du 7 octobre, les sociétés SAPN et ESCOTA
exploitent essentiellement des réseaux en péage ouvert, sur lesquels le
caractère volontaire du foisonnement est plus difficile à mesurer. Par nature
en effet, avec ce type de dispositif, un foisonnement (qu'il soit positif, comme
sur la grille proposé par SAPN fin 2006, ou négatif, comme le relève la Cour
pour l'année civile 2006 sur les véhicules légers circulant sur le réseau
ESCOTA) peut mécaniquement apparaître en raison de simples contraintes
d'arrondis (aux dix centimes).
C'est pour cette raison que compte tenu du caractère limité du
foisonnement induit par la grille tarifaire proposé par SAPN fin 2006,
aucune réfaction n'a été appliquée sur les hausses suivantes de la société,
lesquelles ont été mises en oeuvre sans foisonnement.
Pour ESCOTA, un dispositif permettant d'assurer l'absence de
foisonnement sur la période 2007-2011 a été prévu par l'Etat afin de
neutraliser les effets annuels positifs ou négatifs.
PÉAGES AUTOROUTIERS
69
S'agissant des sociétés du groupe Vinci (ASF, ESCOTA et Cofiroute),
les clauses encadrant la pratique du foisonnement sont disparates, celles de
ASF/ESCOTA étant similaires à celles d'APRR/AREA et de Sanef/SAPN,
celles de Cofiroute étant inexistantes.
Dans ce cadre contractuel, l'administration a privilégié lors des
hausses intervenues au 1
er
février 2008, le strict respect du non-foisonnement
sur l'ensemble du groupe Vinci, sans imposer de ce fait à ASF et ESCOTA la
reprise de l'indu de foisonnement intervenu début 2007. Cette non-reprise a
été compensée par l'acceptation par Cofiroute de ne pas mettre en oeuvre de
foisonnement.
Je tiens à souligner enfin que les réfactions opérées sur les hausses
tarifaires intervenues depuis l'automne 2007, au titre de la récupération du
foisonnement passé, représentent un retour significatif vis-à-vis de l'usager.
Ainsi, la Cour, comme elle le fait à juste titre sur le travail qui reste à
accomplir en matière de clarification et d'optimisation du système
autoroutier en vigueur, pourrait insister également sur ce retour conséquent
que l'on peut estimer à plus d'une centaine de millions d'euros sur la durée
résiduelle des concessions.
1.1.B – Sur la réduction des remises accordées aux poids-lourds dans
le cadre de l'application de la directive « Eurovignette 2 »
La Cour relève que « les hausses successives de tarifs poids-lourds
accordées par l'administration aux concessionnaires n'ont pas tenu compte
de la baisse des remises » et qu'une « solution reste à trouver pour
compenser leur effet. »
Sur ce point très sensible, il convient de rappeler la position des
sociétés concessionnaires d'autoroutes. Elles considèrent que les gains
résultant du plafonnement progressif des réductions commerciales à 13%,
mis en oeuvre depuis le milieu des années 2000, avaient été anticipés par les
acquéreurs dans le cadre du processus de privatisation, car connus et par
conséquent intégrés au prix d'acquisition obtenu par l'Etat.
En outre, les mécanismes contractuels, et tout particulièrement les
clauses tarifaires, d'une part ne prévoient pas la possibilité d'une éventuelle
récupération de cet effet d'aubaine, et d'autre part laissent explicitement aux
concessionnaires toute liberté dans l'application de leurs dispositifs
commerciaux. Ceci contribue à expliquer d'ailleurs la difficulté du
concédant, maintes fois évoquée et regrettée par la Cour, à obtenir les
informations correspondantes homogènes et fiabilisées à l'échelle du secteur,
qui permettraient de chiffrer précisément l'effet d'aubaine en question.
70
COUR DES COMPTES
1.1.C – Sur les recettes prétendument trop élevées perçues sur les
années 2006 et 2007 et sur le premier semestre 2008, toutes causes
confondues.
Compte tenu de la part importante de la recette poids-lourds dans la
recette totale du secteur autoroutier, il n'est absolument pas étonnant que sur
les deux dernières années civiles, la recette réelle perçue par les sociétés ait
augmenté au-delà de la seule croissance des tarifs avant réduction
commerciale, d'une part, et des trafics, d'autre part.
Ensuite, sur les années civiles 2006 et 2007, l'effet « foisonnement »
encore contenu dans les grilles mises en oeuvre jusqu'à début 2007, a lui
aussi pesé sur les recettes calculées par la Cour, dans des proportions
significatives, puisqu'allant pour les grilles approuvées fin 2006 et début
2007, de 0,19% pour SAPN à 1,35% pour APRR.
Je rappelle enfin que les « surplus » de recettes calculés par la Cour
dans son projet de rapport en regard de la recette théorique prennent aussi
en compte, au-delà des deux effets « rabais poids-lourds » et « foisonnement
passé » ainsi rappelés, d'autres effets, pouvant être significatifs, et qui dans
le strict respect des dispositions contractuelles et des intérêts de l'usager,
peuvent occasionner des surcroîts de chiffres d'affaires non-indus. Il en va
ainsi :
•
de l'ouverture de nouvelles sections ou de nouveaux échangeurs,
susceptibles d'être plus chers en raison de leur coût de
construction, justifiant des tarifs de péage plus élevés que la
moyenne ;
•
de la croissance différente du trafic en fonction des différentes
sections : en particulier en raison des phénomènes de montée en
charge du trafic, la croissance du trafic a tendance à être plus
élevée sur les sections les plus récentes, qui sont aussi les plus
chères au kilomètre, indépendamment de la hausse tarifaire
accordée ;
•
des variations de la politique commerciale applicable tant aux
poids-lourds qu'aux véhicules légers, au-delà du seul effet
« Eurovignette 2 » ;
•
des effets calendaires, dans la mesure où les cycles tarifaires ne
correspondent pas à une année civile ;
•
d'une distribution différente du trafic par classes de véhicules au
sein des catégories identifiées ;
•
d'une croissance plus importante du trafic sur les sections qui ont
le plus augmenté en tarifs.
Les effets précités compliquent singulièrement l’interprétation de ces
« surplus », qui doivent donc être relativisés. L'ordre de grandeur de ces
PÉAGES AUTOROUTIERS
71
écarts, relativement limité, ne permet pas de conclure à une absence de prise
en compte des recommandations de la Cour par l'autorité concédante.
Le travail important de l'administration faisant suite aux dites
recommandations ne pourra efficacement s'apprécier qu'à compter du plein
exercice 2008 et des suivants, et j'ai toute confiance dans le fait que les fruits
de ce travail seront alors incontestables.
1.2.A et 1.2.B – Sur la remise en cause complète et définitive de la
pratique du foisonnement
De manière indiscutable et aisément vérifiable à partir des grilles
tarifaires appliquées, la méthode de contrôle tarifaire employée par
l'administration depuis l'automne 2007 conduit bien à s’assurer de l’absence
de foisonnement par les sociétés faisant l'objet des travaux de la Cour. Les
hausses appliquées sont en effet scrupuleusement vérifiées, et ne sont pas
susceptibles de conduire, à trafic constant pour chaque trajet, à une
augmentation de recettes globales supérieure à celle qui découlerait d’une
augmentation uniforme des tarifs, ainsi que le prévoit le cadre tarifaire
contractuel.
Les hausses tout récemment accordées à APRR/AREA le 1
er
octobre
dernier, et à Sanef/SAPN ce 1
er
décembre, ont d'ailleurs confirmé la remise
en ordre opérée.
Aussi, l'affirmation de la Cour selon laquelle « la portée des
ajustements est incertaine pour plusieurs [des sociétés] » et la suspicion
qu'elle jette sur la mobilisation des services de l'Etat en matière tarifaire
paraissent excessifs.
S'il est exact que le dispositif contractuel en vigueur prévoit la liberté
de répartition des hausses accordées entre les trajets, sous réserve bien
entendu de non-foisonnement des recettes induites, et a conduit par
conséquent à des distorsions de tarifs kilométriques appliqués en fonction des
trajets, il convient néanmoins de souligner :
•
que cette modalité de répartition est cohérente avec le principe de
risques et périls de la concession autoroutière : les contrats de
concessions ne fixent pas un niveau de recettes garantis et les risques
liés à la modification de la structure du trafic et de son volume sont
supportés par le concessionnaire, comme on l'observe actuellement,
dans un contexte de fort ralentissement économique.
Je rappelle à ce stade qu'un contrôle par l'administration des
recettes des concessionnaires ex-post, que souhaiterait la Cour au
travers de ses développements, serait précisément incompatible avec
la qualification de concession, et pourrait être assimilé à une forme
de régie. Il ne manquerait pas non plus de déclencher de la part des
concessionnaires, des demandes de compensation de la moindre
72
COUR DES COMPTES
décroissance du trafic, ce qui serait contraire au principe de la
concession et que l’administration ne saurait accepter ;
•
que l'administration, en total accord avec la Cour sur ce point, entend
bien réduire les distorsions de tarifs kilométriques par rapport à la
moyenne, conformément aux dispositions contractuelles en vigueur.
Cette harmonisation progressive, qui sera inscrite dans les contrats de
plan quinquennaux (et l'est d'ores et déjà pour ESCOTA), ne peut
s'opérer en une fois, puisque cela supposerait une augmentation très
importante de certains trajets parallèlement à la diminution d'autres ;
•
enfin, et surtout, que le strict contrôle désormais en vigueur de l'absence
de foisonnement des grilles approuvées par l'Etat évite que l'usage de
ces modulations se fasse dans une logique d'optimisation financière.
Par ailleurs, les calculs visant à quantifier sur les années civiles
2006 et 2007 les effets de foisonnement que l'Etat aurait continué
d'accepter à la suite du contrôle de la Cour, se fondent pour
l'essentiel sur les grilles tarifaires antérieures à ce contrôle et à la
remise en ordre opérée par l'Etat depuis la fin 2007. Ils ne sont
donc pas pertinents pour évaluer la persistance du foisonnement et
l'inertie supposée de l'administration à l'issue du contrôle de la
Cour.
2.1, 2.2 et 2.3 – Sur la transparence des tarifs
La
Cour
indique
dans
son
projet
d'insertion
qu'elle
avait
successivement préconisé :
•
une procédure de consultation de personnalités qualifiées et de
représentants des usagers avant toute décision concernant les péages ;
•
que la publicité des tarifs soit imposée aux sociétés concessionnaires,
au moins sur Internet ;
•
la publication, sous la responsabilité des services de l'Etat, d'un
rapport annuel sur l'évolution des péages et sur ses raisons.
Je confirme qu'un texte réglementaire sera publié dans les
prochaines semaines, et qu'il :
•
constituera un comité des usagers du réseau routier national concédé
et non concédé, qui servira d'organe de consultation sur toutes les
questions, en particulier de tarification, afférentes au secteur ;
•
obligera les sociétés concessionnaires à mettre à la disposition des
usagers les tarifs kilométriques de tous les trajets ;
•
obligera l'administration à publier un rapport annuel de contrôle des
concessions autoroutières, qui mettra en particulier l'accent sur la
PÉAGES AUTOROUTIERS
73
question tarifaire, et dont le premier exemplaire sortira au printemps
2009.
3.1 et 3.2 – Sur la clarification du système de fixation des péages
Depuis longtemps déjà la Cour recommande à l'autorité concédante
de réformer le décret de 1995 qui fixe l'indexation minimale des
péages sur 70% à 85% de l'inflation selon les cas de figure (selon
les sociétés, et en fonction ou non de la signature de contrats de
plan), qu'elle considère comme sans lien avec la part des coûts
corrélés à l'inflation.
L'administration rappelle que, ces modalités d'indexation des tarifs
autoroutiers sont clairement constitutives de l’équilibre des contrats
de concession tel qu’il résulte des avenants successifs et tel qu'il a
été transféré aux acquéreurs dans le cadre de la privatisation de
2006. Aussi, sa modification unilatérale aurait pour conséquence
certaine la condamnation de l'administration à rétablir l'équilibre
antérieur.
S'agissant plus globalement de la réforme du système de fixation des
péages autoroutiers, je vous confirme que l'État a bien pour objectif
de clarifier ses modalités d'application, plus que de les modifier,
puisque comme pour la suppression du décret de 1995 portant
indexation minimale des tarifs, une modification unilatérale trop
importante et déséquilibrée du cadre tarifaire en vigueur ouvrirait
droit à compensation des concessionnaires. La recherche d'un
accord avec les concessionnaires, indispensable pour conclure les
avenants correspondants aux contrats de concession, est engagée.
Il n'en demeure pas moins que sans attendre la finalisation de ce
chantier de clarification et sur la seule base des dispositions
contractuelles d'ores et déjà contenues dans les cahiers des charges
de concessions, l'autorité concédante veille à ce qu'aucun
prélèvement indu de péages ne soit désormais prélevé sur l'usager
au titre du foisonnement.
74
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DE L’INDUSTRIE
ET DE L’EMPLOI
Les observations formulées dans l’insertion sur les suites données aux
recommandations émises par la Cour à l’occasion du contrôle sur les péages
autoroutiers ont retenu toute mon attention.
S’agissant en particulier de la pratique du foisonnement, je tiens à
rappeler les actions engagées par les services de l’Etat, depuis l’été 2007,
pour contrôler plus strictement les propositions tarifaires présentées par les
sociétés concessionnaires, afin que l’exploitation des concessions respecte
strictement les termes du contrat qui régit la concession.
La Cour préconise de compenser la limitation des remises accordées
par les sociétés concessionnaires aux poids lourds dans le cadre des
abonnements. Je vous informe que la faisabilité d’une telle compensation au
regard des règles contractuelles qui régissent les concessions est toujours à
l’étude.
La Cour recommande par ailleurs une meilleure transparence des
tarifs des péages autoroutiers. La suggestion de la Cour d’imposer la
publication des tarifs kilométriques, au moins sur Internet, ne soulève pas
d’opposition de principe de ma part. Ceci peut être envisagé dans le cadre du
texte réglementaire en préparation concernant la transparence des tarifs.
Enfin, la Cour avait recommandé une clarification du système de
fixation des péages, en étudiant notamment la possibilité de revoir
l’indexation minimale des péages autoroutiers. Je vous informe que mes
services ont en effet engagé une réflexion sur les conséquences d’une réforme
sur l’exécution des contrats de concession.
A ce titre, je souhaite à nouveau souligner que ces contrats de
concession sont conclus aux risques et périls de l’exploitant en prenant en
compte l’équilibre financier de la concession tel qu’il a pu être établi à son
origine et que toute modification significative du contrat devrait donc
respecter cet équilibre originel. Il en va de la crédibilité de l’Etat comme
concédant et comme régulateur, tant vis-à-vis des concessionnaires et des
investisseurs que vis-à-vis des utilisateurs.
PÉAGES AUTOROUTIERS
75
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL D’AREA
(SOCIÉTÉ DES AUTOROUTES RHÔNE-ALPES),
DIRECTEUR GÉNERAL DÉLÉGUÉ DE APRR
(SOCIÉTÉ DES AUTOROUTES PARIS RHIN RHÔNE)
L’insertion de la Cour des comptes sur « Les péages autoroutiers »
appelle de la part des sociétés APRR et AREA (les « Sociétés ») deux séries
d'observations.
1.
les tarifs mis en oeuvre resultant de la stricte application des contrats, il
n'existe aucun "exces de recettes"
1.1 - Il est faux d’affirmer que les Sociétés ont perçu des recettes « en
excès »
La Cour affirme que les Sociétés auraient perçu des « excès de
recettes » par rapport aux hausses tarifaires qui leur ont été accordées
contractuellement et en raison de « l’effet d’aubaine » qui se trouverait
constitué par la réduction des remises offertes aux transporteurs par
l’abonnement CAPLIS.
De telles affirmations, qui sont infondées, révèlent une grave
méconnaissance du droit applicable, tant national que communautaire, ainsi
que des cahiers des charges.
(a) Les écarts tarifaires qui ont été critiqués par la Cour des Comptes
sont pleinement justifiés en droit
Dans son rapport public pour l'année 2008, la Cour des Comptes avait
critiqué
la
politique
tarifaire
de
six
sociétés
concessionnaires
d'autoroutes et les écarts entre les tarifs kilométriques pratiqués sur les
différentes sections d'autoroutes qui constituent les réseaux concédés.
Dans leurs réponses également publiées dans ce même rapport, les
sociétés concessionnaires avaient pleinement démontré que ces écarts
étaient conformes aux principes généraux du droit des péages, au
principe d'égalité et – surtout – qu'ils constituaient la stricte application
des cahiers des charges de leurs concessions.
Il est à noter d’ailleurs que, jusqu'à ce que la Cour des Comptes conteste
les politiques tarifaires mises en oeuvre, l'Etat concédant avait
systématiquement homologué les grilles tarifaires sans élever la moindre
contestation sur l'effet dénommé « foisonnement ».
Les recettes de péages perçues sont donc parfaitement conformes aux
cahiers des charges, compte tenu de l’encadrement des tarifs qui
figurent dans leurs clauses tarifaires. Aucune recette n’est ainsi perçue
« en excès » puisqu’il s’agit de la stricte application des contrats.
76
COUR DES COMPTES
Les Sociétés regrettent, à cet égard, que la Cour, méconnaissant le sens
et la portée des concepts juridiques les plus communs, de même que la
réalité des faits, fasse référence à un « enrichissement sans cause » alors
que – précisément du fait des contrats de concession – les conditions
juridiques et matérielles de l’enrichissement sans cause ne sont pas
réunies au cas précis.
D’une part, il existe un contrat alors que l’enrichissement sans cause
n’existe précisément que s’il n’y a pas de contrat, ainsi que la Cour
pourra le vérifier en se reportant aux meilleurs auteurs
36
. D’autre part,
il y a bien une « cause » puisqu’il s’agit de l’exécution des contrats et
que la perception des péages intervient dans les conditions prévues par
les contrats.
(b) La réduction des remises "CAPLIS" est la conséquence de
l'application de la réforme de la directive "Eurovignette" n° 99/62
modifiée
Il est également reproché aux Sociétés de « profiter » de la réduction des
remises consenties aux transporteurs du fait de la réforme de
l’abonnement CAPLIS.
Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’en application de leurs
cahiers des charges, les sociétés concessionnaires d’autoroutes ne sont
aucunement tenues de consentir des remises aux usagers. Il s’agit là
d’une simple possibilité qui relève de leur politique commerciale.
L’abonnement CAPLIS présente la particularité d’avoir été mis en place
par les sociétés concessionnaires à la demande de l’Etat mais, lors de la
création de cet abonnement, les conséquences négatives des remises sur
les recettes de péage des sociétés d’autoroutes n’ont jamais été
compensées par l’Etat.
Quant à la modification du barème des remises CAPLIS, elle résulte de
la mise en oeuvre de la directive n° 99/62 du 17 juin 1999, modifiée par
la directive 2006/38 du 17 mai 2006, qui plafonne à 13 % les remises qui
peuvent être consenties aux poids-lourds. Les remises n’étant pas
encadrées par les cahiers des charges et relevant de la politique
commerciale des sociétés, on ne saurait qualifier d’excès de recettes les
conséquences de l’ajustement de ce barème.
Par ailleurs, dès lors que les remises initiales n’avaient pas été
compensées, la réduction actuelle de ces remises ne crée aucun effet
d’aubaine pour les sociétés qui justifierait de
« redistribuer » les
recettes induites.
36) Voir notamment la définition donnée par le « Vocabulaire juridique » du
Professeur
Gérard
Cornu,
PUF,
édition
2005 :
«
source
extracontractuelle
d’obligation
».
PÉAGES AUTOROUTIERS
77
Il convient de préciser, à cet égard, que la réduction de ces remises était
un élément très officiellement connu au moment de la privatisation des
sociétés d’autoroutes, et qu’il en avait été tenu compte dans la
valorisation de ces sociétés. Dans ces conditions, le fait d’exiger une
« redistribution » des recettes complémentaires issues de l’abonnement
CAPLIS constituerait, un second « paiement », soit une véritable
sanction
financière
imposée,
directement
ou
indirectement,
aux
actionnaires des sociétés.
Qu’il s’agisse de l’effet dénommé « foisonnement » ou de l’incidence
du réajustement du barème des abonnements CAPLIS, la valorisation qui en
est faite par la Cour n’est ni justifiée dans son calcul, ni fondée.
Les sociétés appellent à cet égard, qu’elles contestent les chiffres
avancés par la Cour qui ne reposent pas sur une base juridique étayée et un
fondement économique solide.
1.2 - Sensibles aux questions d'acceptabilité du péage, les Sociétés ont
cependant cherché à atténuer certaines disparités tarifaires
Conscientes des difficultés d’acceptabilité commerciale que certains
écarts tarifaires – pourtant parfaitement conformes aux cahiers des charges
– pouvaient susciter, les Sociétés ont cherché à en atténuer certains effets de
deux manières :
- d’une part elles ont recherché, depuis plusieurs années, à harmoniser
les tarifs kilométriques moyens (TKM) – conformément aux demandes
de l’Etat – pour atténuer les disparités tarifaires. Cette harmonisation
procède également d’une logique d’aménagement du territoire qui
vise à modérer les hausses tarifaires sur les autoroutes les moins
fréquentées pour favoriser les reports de trafic en provenance de la
voirie locale ;
- d’autre part, également dans cette perspective d’acceptabilité
commerciale, les Sociétés ont accepté une modération des hausses
tarifaires intervenues au 1
er
octobre 2007 et au 1
er
octobre 2008 ; il ne
s’agissait pas au cas précis – contrairement à ce qu’affirme la Cour
des Comptes – de répondre à la volonté de l’Etat de récupérer de
prétendus « excès de recettes » (lesquels n’en sont pas comme on l’a
démontré plus haut).
Cette
modération
a
conduit
à
neutraliser
l’effet
dénommé
« foisonnement » au titre de ces deux années pour des raisons
d’acceptabilité commerciale, y compris sur l’A6, contrairement à ce
qu’affirme la Cour sans d’ailleurs le démontrer. L’Etat a contrôlé la
réalité de cette neutralisation temporaire de l’effet dénommé
« foisonnement ».
Une telle neutralisation temporaire ne signifie aucunement que les
Sociétés aient « renoncé au foisonnement », comme l’écrit la Cour,
78
COUR DES COMPTES
alors qu’il demeure tout à fait possible en droit, en application de leur
cahier des charges.
En outre, dans le contexte économique délicat de l’été 2008, les
sociétés concessionnaires ont accepté de répondre positivement aux
demandes de l’Etat tendant à augmenter les rabais consentis aux
transporteurs pour atténuer les effets de l’augmentation du prix du gazole.
Ce geste commercial exceptionnel, ponctuel et temporaire était justifié
exclusivement par la conjoncture économique et était sans rapport aucun
avec la réforme de l’abonnement CAPLIS, contrairement à ce que semble
inférer la Cour.
2 – Si les sociétés ont pris des mesures concrètes pour renforcer
l'information des usagers, elles ne peuvent souscrire aux autres mesures
préconisées par la Cour qui remettraient en cause des éléments essentiels
de l’équilibre des contrats
2.1 - Les mesures ont été prises pour renforcer la transparence et
l’information des usagers
A la suite du rapport publié en 2008, les sociétés concessionnaires ont
cherché à prendre en compte les demandes de la Cour tendant au
renforcement de la transparence des politiques tarifaires et de l’information
des usagers.
A cette fin, elles ont formulé des propositions en ce sens à l’intention
de l’Etat concédant, lesquelles sont synthétisées dans une lettre du président
de leur association professionnelle (l’ASFA), adressée le 12 novembre 2008
au Directeur Général des Infrastructures, des Transports et de la Mer, dont
une copie est annexée
à la présente.
Les sociétés concessionnaires ont accepté le principe de la
constitution d’un Comité des usagers du réseau autoroutier et elles ont même
suggéré que cette instance consultative soit compétente pour l’ensemble du
réseau autoroutier national.
Bien que la publication des tarifs kilométriques appliqués sur les
tronçons d’autoroutes ne constitue pas l’outil d’information le plus pertinent
– par rapport au prix d’un trajet donné par exemple – les sociétés
concessionnaires ont accepté de mettre à la disposition des usagers ces
informations, par le biais du portail internet de l’ASFA (www.autoroutes.fr
).
Elles sont également ouvertes à ce que l’enquête annuelle de
satisfaction sur le réseau concédé évolue pour mieux prendre en compte les
attentes de l’Etat.
Enfin, les sociétés concessionnaires ont décidé d’adresser à l’Etat des
statistiques agrégées de trafic mensuelles, afin de permettre au concédant
d’assurer un meilleur suivi des évolutions dans ce domaine.
PÉAGES AUTOROUTIERS
79
2.2 - En revanche, certaines mesures préconisées par la Cour remettraient
en cause des éléments essentiels de l’équilibre des concessions
Les propositions de la Cour tendant à la réduction du mécanisme
d’indexation des péages appellent
de la part des Sociétés, les plus expresses
réserves.
L’équilibre financier des concessions autoroutières est fondé sur une
augmentation modérée des tarifs des péages sur la durée des concessions.
L’augmentation « plancher » est fixée à 70 % de l’inflation par une
disposition réglementaire – le décret du 24 janvier 1995 –
ce qui, comme le
sait la Cour, représente en réalité une baisse des tarifs en termes réels.
Au-delà de ce plancher qui rémunère l’entretien du patrimoine et le
maintien du niveau de service,
le taux d’augmentation contractuel figurant
dans les contrats d’entreprise est destiné pour l’essentiel à compenser des
investissements permettant de développer et d’aménager le réseau au-delà
des strictes obligations de base du cahier des charges.
Cet équilibre financier est également fondé sur la rédaction actuelle
des clauses tarifaires des cahiers des charges et des possibilités d’ajustement
fin de la tarification dont disposent les concessionnaires pour mener à bien
leur politique tarifaire, sous le contrôle étroit des services de l’Etat.
Remettre en cause cette loi tarifaire et les règles de fixation des
péages – alors qu’elles constituent l’un des fondements de l’équilibre
économique des concessions – présenterait deux difficultés sérieuses :
- de telles mesures auraient tout d’abord pour conséquence d’engendrer
des pertes de recettes pour les sociétés concessionnaires. En l'absence
de faute de leur part, de telles mesures unilatérales nécessiteraient la
mise en place de compensations financières au bénéfice des sociétés
qui pourraient conduire, paradoxalement, à substituer le contribuable
à l'usager dans le financement des autoroutes concédées, voire à
augmenter les tarifs ;
- de telles mesures risqueraient également d’altérer l’un des principes
essentiels des concessions d’infrastructures :
la stabilité des
engagements réciproques du concédant et du concessionnaire.
Ce principe de stabilité contractuelle était au coeur de la valorisation
des sociétés lors de leur privatisation. Il est encore plus nécessaire de
le respecter aujourd’hui pour inciter les investisseurs, notamment
étrangers, à se mobiliser pour financer les nouvelles infrastructures
qui sont envisagées par le Gouvernement dans le cadre du Grenelle de
l’Environnement et du plan de relance de l’économie.
La parfaite rationalité et même la légitimité de telles solutions
n'apparaît pas dans ces conditions avec évidence.
80
COUR DES COMPTES
***
En définitive, et comme peut le constater la Cour, l'attitude des
sociétés concessionnaires n'est en aucune manière fermée au renforcement
de la transparence et de l’information des usagers.
Les Sociétés contestent cependant avec force les affirmations de la
Cour – non démontrées au surplus
et qui n’ont pu donner lieu à un débat
contradictoire sur les chiffres en cause – lesquelles tendent à faire accroire
que les Sociétés auraient bénéficié d’un enrichissement non justifié.
En réalité, les Sociétés n’ont fait qu’appliquer les contrats qui les
lient à l’Etat et l’équilibre économique de ces conventions doit être
respecté. Il s’agit là d’une condition nécessaire à la pérennité et au
développement du modèle du partenariat public-privé, nécessaire au
financement des infrastructures de demain.
L’application des contrats signés est également l’une des règles de
base d’un Etat de droit : les contrats sont faits pour être respectés. On a
scrupule à rappeler ici l’évidence qui en résulte : quoi qu’en pense la Cour,
les contrats sont applicables en l’état tant qu’ils n’ont pas été modifiés
après négociation, accord des parties et indemnisation éventuelle des coûts
induits.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ
AUTOROUTES DU SUD DE LA FRANCE (ASF)
L’insertion sur « Les péages autoroutiers » appelle de la part d’ASF
les observations suivantes.
Le contrat de concession et le contrat de plan 2007-2011 d’ASF,
antérieurs à la publication en février 2008 du rapport public annuel de la
Cour, perdurent dans tous leurs effets et dans leur application.
1) ASF respecte scrupuleusement son contrat de concession quant à
l’application des règles tarifaires.
A ce titre, les griefs formulés par la Cour apparaissent non fondés.
Ainsi, il n’est pas acceptable de faire référence à une soi-didant règle
de neutralisation des « excès » ou « surplus » de recettes. Cette règle en
l’état n’est formalisée par aucun texte et n’est donc pas opposable à ASF.
Les rares cas très spécifiques, qui pourraient être soumis à une règle de cette
nature, doivent être explicités dans le contrat d’entreprise, comme le stipule
le contrat de concession.
Il en est de même des soi-disant notions de « tarif pour un tronçon » et
de « tarif kilométrique » pour un trajet. Ces notions n’ont pas de fondement
contractuel et ne figurent dans aucun texte.
PÉAGES AUTOROUTIERS
81
Les remises accordées aux poids-lourds ne relèvent pas des règles
tarifaires mais de la politique commerciale d’ASF. Elles respectent
strictement les limites fixées par la réglementation, et au moment de leur
mise en oeuvre elles n’avaient pas été compensées.
2) ASF applique scrupuleusement son contrat de concession quant à
la transparence des tarifs.
ASF a toujours fourni à l’autorité concédante toutes les informations
nécessaires au suivi de la concession et a toujours publié les tarifs,
notamment sur Internet, conformément au contrat.
Par ailleurs, ASF s’est associée activement à la démarche que l’Etat a
engagée en vue d’approfondir les attentes et la satisfaction des usagers du
réseau autoroutier en la matière, suite aux recommandations de la Cour,
notamment pour ce qui concerne la constitution d’un comité des usagers du
réseau autoroutier ou l’information des usagers sur les tarifs.
3) ASF est a priori favorable à des évolutions du cadre juridique des
concessions autoroutières.
Elle l’avait déjà clairement exprimé dans sa réponse au rapport
public annuel 2008 de la Cour, pour peu que chacune des parties convienne
que ces évolutions s’inscrivent dans le respect de l’équilibre financier des
concessions et, comme l’avait souligné la Cour,
dans le respect des
engagements contractuels de l’Etat.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DIRECTEUR GENERAL D’ESCOTA
( SOCIÉTÉ DES
AUTOROUTES ESTEREL COTE D’AZUR
PROVENCE ALPES)
L’insertion sur « Les péages autoroutiers » appelle de la part
d’ESCOTA les observations suivantes :
Le contrat de concession et le contrat de plan 2007-2011 d’ESCOTA,
antérieurs à la publication en février 2008 du rapport public annuel de la
Cour, perdurent dans tous leurs effets et dans leur application.
1) ESCOTA respecte scrupuleusement son contrat de concession quant à
l’application des règles tarifaires.
A ce titre, les griefs formulés par la Cour apparaissent non fondés.
Ainsi, il n’est pas acceptable de faire référence à une soi-disant règle
de neutralisation des « excès » ou « surplus » de recettes. Cette règle en
l’état n’est formalisée par aucun texte et n’est donc pas opposable à
ESCOTA. Les rares cas très spécifiques, qui pourraient être soumis à une
règle de cette nature, doivent être explicités dans le contrat d’entreprise,
comme le stipule le contrat de concession.
Il en est de même des soi-disant notions de « tarif pour un tronçon » et
de « tarif kilométrique » pour un trajet. Ces notions n’ont pas de fondement
contractuel et ne figurent dans aucun texte.
82
COUR DES COMPTES
Les remises accordées aux poids-lourds ne relèvent pas des règles
tarifaires mais de la politique commerciale d’ESCOTA. Elles respectent
strictement les limites fixées par la réglementation, et au moment de leur
mise en oeuvre elles n’avaient pas été compensées.
2) ESCOTA applique scrupuleusement son contrat de concession quant à
la transparence des tarifs.
ESCOTA a toujours fourni à l’autorité concédante toutes les
informations nécessaires au suivi de la concession et a toujours publié les
tarifs, notamment sur Internet, conformément au contrat.
Par ailleurs, ESCOTA s’est associée activement à la démarche que
l’Etat a engagée en vue d’approfondir les attentes et la satisfaction des
usagers du réseau autoroutier en la matière, suite aux recommandations de
la Cour, notamment pour ce qui concerne la constitution d’un comité des
usagers du réseau autoroutier ou l’information des usagers sur les tarifs.
3) ESCOTA est a priori favorable à des évolutions du cadre juridique des
concessions autoroutières.
Elle l’avait déjà clairement exprimé dans sa réponse au rapport
public annuel 2008 de la Cour, pour peu que chacune des parties convienne
que ces évolutions s’inscrivent dans le respect de l’équilibre financier des
concessions et, comme l’avait souligné la Cour, dans le respect des
engagements contractuels de l’Etat.
RÉPONSE DU PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL DE SAPN
(SOCIÉTÉ DES AUTOROUTES PARIS-NORMANDIE),
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA SANEF,
(SOCIÉTÉ DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST
DE LA FRANCE)
En réponse à l‘insertion de la Cour des comptes « Les péages
autoroutiers », nous vous prions de bien vouloir trouver les éléments ci-
après :
1.
La Cour souligne que les sociétés ont été privatisées en 2006.
Cet élément factuel n’a cependant eu aucune incidence sur l’évolution
des tarifs depuis cette date puisque les textes applicables sont antérieurs aux
privatisations, décret relatif aux péages autoroutiers de 1995, articles 25 des
cahiers des charges qui fixent les modalités d’augmentation de tarifs, contrat
de plan 2004-2008, et que tant l’Etat que Sanef et Sapn en ont eu une
interprétation constante jusqu’à ce que la Cour en conteste la justesse en
2007.
PÉAGES AUTOROUTIERS
83
2.
La Cour considère que le fait de concentrer les hausses de tarifs sur
les tronçons ou trajets les plus fréquentés est une pratique
critiquable.
Les sociétés du groupe Sanef relèvent en premier lieu que les écarts
entre trajets les plus fréquentés et trajets les moins fréquentés sont en tout
état de cause beaucoup plus limités que ce qu’ils sont sur tous les autres
modes de transport aérien et ferroviaire.
En 2
ème
lieu, elles relèvent que la fixation de tarifs plus élevés sur les
trajets chargés, ainsi que son corollaire, la fixation de tarifs moins élevés sur
les trajets les moins chargés, est la tarification qui optimise d’un point de vue
collectif l’utilisation de l’autoroute, comme le démontrent toutes les théories
de la tarification des services publics.
Enfin, elles soulignent que l’existence de système de péages ouverts en
certains points du réseau, principale source des écarts entre tarifs
kilométriques, permet à de nombreux usagers en zone urbaine d’emprunter
gratuitement l’autoroute sur de petits trajets.
3.
La Cour déplore la non compensation de la baisse des remises aux
poids lourds imposée par l’application de la directive eurovignette.
Les sociétés du groupe Sanef rappellent que lrosque ces remises ont
été mises en oeuvre, aucune compensation n’a été accordée aux sociétés, sans
que la Cour n’y trouver alors à redire.
Enfin, les sociétés du groupe Sanef ont mis en oeuvre de multiples
actions en faveur des poids lourds :
•
Remplacement de la carte magnétique par un badge de télépéage
permettant l’acquittement du péage plus rapidement et dans de
meilleures conditions de confort.
•
Depuis 2007, doublement de la capacité de traitement à distance des
requêtes des clients en créant un nouveau centre d’appels à Rouen et en
engageant une force commerciale dédiée pour aider les clients à
optimiser les coûts d’exploitation de leurs flottes.
•
Configuration sur tout le réseau des voies de télépéage avec
amélioration de la signalisation et multiplication des chenaux
accessibles aux poids lourds.
•
Expérimentation sur l’autoroute A29 d’un télépéage sans arrêt,
permettant d’économiser environ 1 litre de carburant à chaque passage.
•
Report de facturation entre juin et septembre 2008, correspondant à un
allongement de 30 jours des délais de paiement pour les transporteurs,
pour une coût de mise en ouvre de 1 M€ et un risque sur les encours
péage de 11,8 M€ pour les sociétés du groupe.
•
Mise en place sur l’autoroute A13 d’une information dynamique sur la
disponibilité des places de stationnement poids lourds sur les aires.