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L’audiovisuel extérieur
_____________________
PRESENTATION
____________________
La
politique
audiovisuelle
extérieure
est
une
composante
importante de la politique de rayonnement international de la France.
Sous la responsabilité principale du ministère des affaires étrangères,
elle comprend depuis les années 1980 la diffusion de programmes
radiophoniques en français et en langues étrangères par Radio France
Internationale (RFI), la diffusion d’émissions de télévision à l’origine
destinées à être reprises par des télévisions partenaires et, à partir de
1994, directement auprès du public par Canal France International
(CFI), ainsi que la réalisation et la diffusion mondiale de programmes de
télévision par la chaîne francophone TV5 à laquelle participent le
Canada, le Québec, la Suisse et la Communauté française de
Belgique. A
ce dispositif s’est récemment ajoutée la chaîne d’information continue en
français, en anglais et en arabe, France 24, créée à la fin de 2005. Les
trois premières sont des sociétés publiques, la dernière une société de
droit privé filiale à parité de France télévisions et TF1 et dont le
financement est assuré par l’Etat.
Le contrôle de ces quatre sociétés auquel la Cour a procédé en
2008 a fait apparaître une absence de vision d’ensemble, des choix
stratégiques différés, un coût global croissant et
l’absence de mesure
satisfaisante de la performance. Les rapports de la Cour sur les quatre
sociétés ont été transmis à la commission des finances de l’assemblée
nationale, accompagnés d’observations de synthèse. Depuis, la
holding
de l’audiovisuel extérieur de la France, créée en avril 2008 afin de
rassembler les participations publiques dans RFI, TV5 et France 24,
cherche à remédier à cette situation et à donner cohérence et direction à
ce dispositif. Les observations de la Cour se concluent sur une série de
recommandations qui s’inscrivent dans cette perspective
et visent à tirer
le meilleur parti de la restructuration en cours de ce secteur.
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
731
I
-
Une stratégie instable ; des choix différés
Ponctuée depuis le début des années 1980 par une longue série de
rapports et de recommandations ainsi que de multiples changements
d’orientation, la politique audiovisuelle extérieure a souffert depuis plus
de 20 ans d’une rare instabilité.
Jusqu’en 2002, la stratégie est restée celle définie en 1998 par le
Conseil de l’action audiovisuelle extérieure (CAEF) : elle accordait la
priorité à la télévision et faisait de la chaîne francophone TV5 le principal
instrument (le « navire amiral ») de l’audiovisuel extérieur de la France,
tout en développant des synergies entre TV5 et l’autre opérateur
télévisuel, CFI, qui devait être recentré sur son rôle de banque de
programmes, ainsi qu’avec France Télévisions, appelé à devenir leur
actionnaire de référence.
La mise en oeuvre de cette politique a été lente et inégale. La
priorité budgétaire affichée en faveur de TV5 ne s’est pas concrétisée. Il a
fallu attendre cinq ans pour que soit mis fin en 2003 au rôle de diffuseur
direct de CFI avec l’arrêt de la chaîne destinée à l’Afrique, CFI-TV.
Décidée dans son principe en 1998, la montée de France Télévisions dans
le capital de CFI n’a été effective qu’en 2003. Des synergies attendues
entre CFI et TV5, dotées à partir de 1998 d’une présidence commune,
notamment pour la commercialisation, la diffusion par satellites, les
achats de programmes, aucune ne s’est matérialisée.
Le fait est que cette stratégie souffrait d’une contradiction, qui
persiste à ce jour, entre la nature multilatérale de TV5 qui limite le
contrôle que la France peut exercer sur la chaîne comme son
identification à notre pays, et la volonté d’en faire le principal instrument
d’une politique audiovisuelle extérieure nationale conçue et mise en
oeuvre par la France.
En dépit de ces limites, la stratégie définie en 1998 est restée
néanmoins la référence, jusqu’à ce que le projet de chaîne d’information
internationale, souhaité par le Président de la république le 12 février
2002, se matérialise. Le processus s’est étalé sur près de trois ans, de
l’appel à projets lancé en mars 2003 jusqu’à la signature en décembre
2005 de la convention entre l’Etat et la nouvelle société France 24.
Cependant, ce projet a été marqué par de fortes réserves de la part des
administrations en charge de l’audiovisuel extérieur, particulièrement le
ministère des affaires étrangères. Celui-ci jugeait que les coûts élevés
d’une chaîne disposant d’une capacité de production propre d’information
sur le modèle de CNN ou d’Al Jezira excédent les moyens que la France
732
COUR DES COMPTES
pouvait y consacrer et craignait que, même dans le format allégé reposant
principalement sur l’achat externe d’images d’information qui a
finalement vu le jour, France 24 n’obère gravement son budget, déjà
soumis à de sérieuses contraintes.
Les années 2003-2005 ont ainsi été pour la politique audiovisuelle
extérieure des années d’incertitude et de débat, au cours desquelles le
ministère des affaires étrangères, seul ou en conjonction avec le ministère
de la culture, s’est efforcé de suggérer des alternatives au projet de chaîne
d’information internationale, sous la forme d’une offre renforcée
d’information sur TV5 ou d’une évolution volontariste de la chaîne
européenne Euronews, aidée par la France jusqu’en 2002.
Parallèlement, dans le contexte de la guerre d’Irak de 2003,
l’objectif de dispenser une information télévisuelle française à destination
du monde arabe est apparu plus urgent. La réflexion sur une « chaîne
arabe » a rencontré le projet de l’opérateur de la radio Medi 1, qui
émettait depuis longtemps au Maroc en français et en arabe avec le
soutien de la France, de développer une télévision d’information continue
bilingue, Medi 1 Sat. C’est dans ce contexte que la France a été amenée à
soutenir ce projet en 2005 par une participation publique au capital de la
société et un prêt conventionné de l’Agence française de développement.
Les ambitions de la France en matière d’information télévisuelle
internationale s’incarnaient ainsi dans un
projet spécifique à destination
du monde arabe, alors que le projet France 24, qui comportait une part
d’émissions en arabe, était dans sa phase de définition finale.
Au total, France 24 s’est développée en marge du dispositif
existant de l’audiovisuel extérieur, plutôt qu’en synergie ou dans une
complémentarité organisée avec lui. Le projet a été volontairement
développé sur un modèle inédit de partenariat entre opérateurs publics et
privés et a bénéficié d’un traitement budgétaire distinct, les crédits de
subvention de France 24 étant rattachés au Premier Ministre dans un
programme spécial.
Au cours des années 2000, la focalisation des débats stratégiques
sur la télévision s’est effectuée au détriment de Radio France
Internationale, qui avait tenté de s’y associer en déposant conjointement
avec France Télévisions un projet pour le développement de la chaîne
d’informations internationale en mars 2003, qui a été écarté. Il n’a pas été
suffisamment prêté attention par les tutelles à sa situation et à sa place
dans le dispositif.
Ce n’est que depuis l’été 2007 et le lancement d’une réflexion
interministérielle d’ensemble sur ce dispositif que la question de
l’inscription de France 24 dans ce dispositif et de la cohérence
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
733
d’ensemble de celui-ci, y compris RFI, a été véritablement posée.
Les
débats des années 2002-2005 ont en outre tendu à différer le traitement
des questions que posaient les situations, parfois difficiles, des opérateurs
existants.
II
-
CFI, RFI et TV5 : trois sociétés aux objectifs
insuffisamment précisés
Les hésitations et les choix différés de la politique audiovisuelle
extérieure ont pesé sur les objectifs stratégiques assignés aux trois
sociétés « historiques » de l’audiovisuel
extérieur.
A - CFI : des objectifs changeants
De ces trois entreprises, CFI est celle à laquelle sa tutelle a
imprimé les plus nombreux changements de cap: banque de programmes
destinés aux télévisions étrangères à sa création en 1989, elle est ensuite
devenue une chaîne de télévision à ambitions mondiales, avec un signal
par continent, avant d’être contrainte d’abandonner sa diffusion directe au
Moyen-Orient en 1997, puis en Amérique, en Europe et en Asie dans le
cadre de la décision précitée du CAEF d’avril 1998 qui la recentrait sur sa
fonction originelle de banque de programmes, sauf en Afrique. CFI
poursuivra jusqu’en 2003 la diffusion d’une chaîne destinée au public
africain, auprès duquel elle rencontrait un certain succès, grâce à une
programmation adaptée.
Outre son rôle maintenu de banque de programmes, la société s’est
vue confier, à partir de 2002, une nouvelle mission de coopération
audiovisuelle à destination des pays en développement, principalement
d’Afrique. Favorisée par l’implication de France Télévisions qui fournit
des experts pour l’accomplissement de missions sur place, cette activité
de CFI devrait, selon le ministère des affaires étrangères, prendre
progressivement le relais d’une activité de banque de programmes dont le
succès implique de voir peu à peu les pays bénéficiaires de programmes
gratuits français sortir d’une logique d’aide et s’adresser au marché pour
les acquérir. De la rapidité de cette transition, et du volume d’actions de
coopération dont pourra être chargée CFI, dépendra à moyen terme
l’avenir de cette société.
Enfin, en 2005, CFI a été chargée par sa tutelle de réaliser grâce à
une filiale créée à cet effet un portail Internet « idées de France » dont le
ministère des affaires étrangères souhaitait faire un moyen de diffusion
multilingue des débats d’idées et de la production éditoriale audiovisuelle
734
COUR DES COMPTES
française. Le financement prévu ayant été supprimé du PLF 2006 à
l’initiative du Sénat, la filiale a été dissoute en mai 2006 et ses personnels
licenciés, le coût de l’opération (2,3 M
€)
correspondant pour l’essentiel à
la subvention initiale du ministère des affaires étrangères.
B - RFI : des réformes différées ou incomplètes
Société de programmes dont le personnel relève de la convention
collective de l’audiovisuel public, soumise à une double tutelle de la
direction du développement des médias,
rattachée au premier Ministre et
au ministère de la culture et de la direction de l’action audiovisuelle
extérieure du ministère des affaires étrangères, correspondant à un double
financement, par ce dernier et par la redevance, RFI a fait l’objet d’une
moindre attention des pouvoirs publics alors qu’elle était pourtant la
société de l’audiovisuel extérieur dont la situation appelait les arbitrages
les plus nécessaires de leur part. La double tutelle s’est avérée inefficace
et paralysante, rendant jusqu’à ce jour impossible la mise au point d’un
contrat d’objectifs et de moyens, pourtant obligatoire, ou à tout le moins
d’un document d’orientation commun des deux ministères à destination
de RFI.
Alors que les diagnostics sur l’offre d’émissions en langues
étrangères de RFI
convergent depuis longtemps pour estimer que des
choix, d’ailleurs difficiles, sont à faire en matière de langues de diffusion,
en fonction de l’évolution géopolitique et de celle des techniques de
diffusion, les conséquences à en tirer en ont été constamment différées. Il
a fallu attendre plusieurs années pour qu’une restructuration de l’offre en
langue étrangère soit proposée en 2003 en réponse aux inquiétudes
manifestées par les administrations de tutelle. En sens inverse, en 2004,
ce sont les tutelles qui ont opposé une fin de non-recevoir à la question de
la restructuration des rédactions en langues étrangères, accompagnée d’un
plan social, que le nouveau président de RFI, tout juste nommé, leur avait
posée. Devant ce refus, l’utilité de chacune des 17 langues de RFI a été
confirmée. Si certaines d’entre elles ont été déclarées prioritaires, aucune
réallocation de moyens significative n’a été effectuée en conséquence, les
effectifs de rédaction « non prioritaires » étant ensuite maintenus, voire
augmentés.
La société a, parallèlement, mené deux réformes qui n’ont pas
produit les résultats attendus. Les gains de productivité escomptés de la
numérisation de la production ne se sont pas matérialisés, tandis que ceux
liés à la réduction de la diffusion en onde courte ont été, jusqu’en 2000,
principalement absorbés par la hausse des frais de personnel ; ceux,
moindres, enregistrés depuis, ont été accompagnés d’une réduction en
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
735
termes réels des subventions publiques. La restructuration nécessaire des
rédactions reste suspendue à une implication forte et convergente de la
direction et de ses tutelles. Quant à la réorganisation envisagée en 2001
pour mettre fin à l’isolement de chacune d’elles et permettre de
rapprocher rédactions en français et en langues étrangères, elle aussi
grandement souhaitable et qui relève de la seule responsabilité de
l’entreprise, elle reste à accomplir.
C - TV5 : des priorités relativement claires, mais
imparfaitement suivies
Des trois entreprises, TV5 Monde est celle qui a eu la direction
stratégique la plus claire, en dépit d’une gouvernance complexe liée à son
caractère multilatéral. La conférence de Niagara-sur-le-Lac a retenu fin
2001 quatre objectifs pour le plan stratégique 2001-2004 : l’optimisation
du réseau mondial de distribution, le développement du sous-titrage,
l’amélioration de la qualité des programmes et le développement d’une
information mondiale de référence. De ces objectifs, le troisième,
l’amélioration de la qualité des programmes, a été relégué en dernière
position, dans un contexte où l’augmentation des coûts et la progression
modérée du budget de TV5 le rendait très difficile à poursuivre. En 2005,
ces objectifs ont été complétés par trois priorités géographiques :
l’Afrique, le monde arabe et l’Europe francophone.
TV5 a ainsi été destinataire d’une feuille de route relativement
claire. Elle a poursuivi l’extension de son réseau de diffusion, dans le
cadre d’une politique de développement mondial, voulue dès l’origine, et
dont le critère était de pouvoir recevoir la chaîne où que l’on soit dans le
monde. Les marges de manoeuvre qu’elle a pu dégager ont été
principalement consacrées au sous-titrage, dont l’entreprise et ses
mandants ont estimé qu’elle était la condition nécessaire de sa pénétration
dans les zones autres que celles de la francophonie active, et à la
préservation de sa présence sur les réseaux câblés face à une concurrence
accrue. En revanche,
il y avait sans doute une contradiction entre cette
politique de présence mondiale aux objectifs relativement indifférenciés
et l’identification de trois orientations géographiques que TV5 a, à ce
jour, peu traduites en priorités effectives. La priorité géographique de fait
de la chaîne reste l’Europe non francophone, où ses coûts de programmes
et de diffusion sont les plus élevés.
S’il y avait ainsi des contradictions intrinsèques à ces différents
axes stratégiques, la principale est bien celle qui a opposé le
développement de l’information sur TV5 et le projet de chaîne
d’information internationale voulu parallèlement par la France. Les
736
COUR DES COMPTES
dirigeants de TV5 ont conçu dans ce contexte un modèle inédit de chaîne
« info/généraliste ». De 2002 à 2005, ils ont développé leur offre
d’information, qui a représenté jusqu’au tiers de la grille, structurant
celle-ci autour de rendez-vous à l’heure ronde (ce qui a d’ailleurs entraîné
la perte de droits correspondant aux programmes en stock les plus longs
qui n’entraient pas dans ce format). Il a fallu attendre 2006 pour que les
contraintes de ce modèle peu convaincant soient assouplies et que
l’information soit réduite dans la grille, sans toutefois que l’on observe de
décrue sensible du
volume des moyens que la chaîne lui consacre (116
ETP dont le tiers a été recruté entre 2002 et 2005). La direction, mais
aussi sa tutelle directe, le ministère des affaires étrangères, ont laissé
l’offre d’information se développer au-delà de la priorité assignée par les
cinq partenaires de la chaîne, dans le contexte du débat interne autour du
projet France 24 qui s’est poursuivi jusqu’à son lancement effectif en
2006.
III
-
France 24 : une création en marge du
dispositif public existant
Dix-huit mois après son lancement, la chaîne d’information
continue France 24 diffuse 24 heures sur 24 deux programmes en français
et en anglais, ainsi qu’un programme destiné à l’Afrique du Nord et au
Moyen-Orient composé de 4 heures d’émission par jour en arabe,
complété respectivement par ses programmes en français et en anglais.
France 24 est diffusée en mode exclusivement numérique, par satellite et
par câble en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient. Elle est accessible
par internet dans le monde entier. Dernière née de l’audiovisuel extérieur,
la chaîne est organisée de façon à tirer pleinement parti des potentialités
du numérique dans ses modes de production de l’information. A la mise
en place de bureaux permanents à l’étranger dotés de moyens de
production propres, elle a préféré la formule souple et moins coûteuse
d’un réseau de correspondants.
Ces modes de fonctionnement, le recrutement auquel elle a
procédé
ab initio
de journalistes bilingues et très majoritairement jeunes,
ont situé la chaîne française d’information internationale à part dans le
dispositif de l’audiovisuel extérieur. Sur le plan juridique et financier
aussi, elle a reposé sur un montage qui la distingue des autres sociétés
chargées de la mise en oeuvre de cette politique. Il a consisté à confier la
réalisation de la chaîne à une société privée détenue à parité par un
actionnaire public, France Télévisions, et un actionnaire privé, TF1, et
régie par un pacte d’actionnaires leur conférant un pouvoir de codécision
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
737
(et donc de blocage en cas de désaccord) sur les principales décisions
stratégiques de la société. En revanche, le budget et l’intégralité des
risques financiers sont assumés par l’Etat qui s’est engagé par convention
à assurer sur cinq ans à la société un niveau de financement assorti d’une
clause
d’indexation
favorable.
La
convention
ne
prévoit
ni
le
développement de ressources propres, ni l’intéressement des actionnaires
aux performances de la société.
C’est la direction de France 24 qui a fait le choix, avalisé par les
pouvoirs publics, d’en faire une chaîne mettant en oeuvre en parallèle des
programmes distincts en français et en anglais (puis en arabe), plutôt que
d’offrir un programme en français entrecoupé de « décrochages » en
langues étrangères comme cela était prévu au départ. Ce choix a clarifié
l’offre de France 24 a facilité la montée en puissance rapide de la chaîne.
Cependant, deux séries d’interrogations ayant trait à la stratégie et
au mode de financement de la chaîne se posent.
A - La stratégie
Sur le plan stratégique, la chaîne voit s’ouvrir plusieurs voies pour
son développement. Projet à dimension mondial, il n’a pas achevé sa
montée en puissance. La convention de subvention prévoyait que la
chaîne, au-delà des zones prioritaires où elle émet aujourd’hui (Europe,
Moyen-Orient et Afrique), étende sa diffusion à l’Asie et au continent
américain et à d’autres langues étrangères dont l’espagnol, mais sans que
ces priorités soient clairement énoncées et hiérarchisées entre elles. Ces
développements ne sont pas les seuls concevables. Pour sa part, la
direction de France 24, juge prioritaire le développement de son offre en
arabe (qu’elle souhaiterait faire passer à 24 heures quotidiennes) et sa
diffusion en anglais sur les continents asiatique et nord américain. Ces
développements, compte tenu du mécanisme d’indexation, porteraient le
budget de France 24 à 133 M€ en 2010 (et la subvention de l’Etat à 125
M€, soit un quasi doublement par rapport aux besoins initialement
estimés de la chaîne en vue de son lancement en 2006). Cette évolution
est à mettre en regard de la subvention que l’Etat s’est engagé à verser à
la chaîne en 2008, soit 88,5 M€. En tout état de cause, l’amélioration de
l’offre de France 24 et l’élargissement de son audience potentielle
entraîneront un renchérissement du coût des achats de programme: cette
perspective impose que les diverses hypothèses de développement
envisagées soient rapidement clarifiées entre France 24 et l’Etat.
738
COUR DES COMPTES
B - Le financement
Quels que soient les choix retenus, une hausse des besoins de
financement de la chaîne sera nécessaire, même s’il se situe en-deçà du
chiffre de 133 M€ correspondant à l’estimation des priorités identifiées à
ce stade par la société. Or celle-ci se situe dans un secteur où ses
concurrentes tirent une part de leur financement du développement de
ressources propres, qu’il s’agisse de la publicité sur l’antenne ou sur
internet, du sponsoring ou d’autres formes de partenariat. Dans ces
conditions, la question se pose de savoir si France 24 a vocation à être
financée dans la durée et de façon quasi-exclusive sur fonds publics,
comme c’est le cas aujourd’hui. Interrogée sur ce point par la Cour lors
de son contrôle, sa direction a estimé qu’elle pourrait à terme
s’autofinancer
à
hauteur
de
40%
quand
les
représentants
de
l’administration se montraient plus prudents, citant des chiffres allant de
20% à 30%. Les estimations de la chaîne se fondent notamment sur
l’anticipation –à une échéance encore malaisée selon elle à déterminer- de
ressources importantes issues des nouveaux usages de la téléphonie
mobile.
Ces avis convergent en tout cas pour reconnaître qu’une part de
financement sur ressources propres mérite d’être prévue. Il est
souhaitable qu’un objectif clair et partagé soit défini entre les pouvoirs
publics et l’entreprise, en même temps que seront précisés les axes de son
développement stratégique et la contribution financière de l’Etat à leur
réalisation.
En tout état de cause, il importe que des critères permettant de
juger de la réussite de la stratégie adoptée par France 24 soient fixés à
cette occasion. A cet égard, on peut regretter que les dispositifs de mesure
existants, s’ils reposent sur des critères acceptés (le contenu ; la
notoriété ; l’image ; la distribution et le référencement ; les audiences et
parts de marché ; les recettes publicitaires), ne comportent pas encore les
objectifs chiffrés qui les rendraient opérationnels dans le dialogue
stratégique entre l’Etat et la société et dans l’évaluation de sa
performance.
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
739
IV
-
Un coût croissant ; un pilotage défaillant ; des
résultats d’audience incertains
A - Sur le plan budgétaire, l’audiovisuel extérieur va
rester à court terme dans une phase de croissance
Ramenée à l’essentiel, la situation conjugue une politique chère et
des sociétés appauvries. L'action audiovisuelle extérieure a vu ses dotations
budgétaires sensiblement augmenter au cours des six dernières années, et
ce sous l'effet de la création de France 24 : le total des crédits des
programmes 115 et 116 et du financement sur redevance de RFI est passé
de 215 M
en 2002 à 286 en 2007 soit +33%
283
. De cette forte progression
du budget de l'audiovisuel extérieur, qui en a fait un secteur prioritaire par
rapport aux autres outils de l'action culturelle extérieure, on ne saurait
retirer une impression d'aisance budgétaire, puisqu'elle a été entièrement
absorbée par la montée en charge de France 24. En outre, à la subvention
de 70 M
inscrite en loi de finances initiale pour 2008, il faut ajouter 18,5
M
dus en exécution d'un avenant de 2006 à la convention la liant à l'Etat,
mais non budgétés en LFI. Ce sont donc 304 M€ qui auront été nécessaires
au financement des entreprises concernées en 2008, ce qui porte
l’augmentation constatée par rapport à 2002 à + 41 %. Le PLF 2009
prévoit, à périmètre constant, de porter ces crédits à 315 M€ (+5%), alors
même que, comme au PLF 2008, la subvention de l’Etat à France 24 reste
artificiellement inscrite pour 70 M€ et ne tient compte ni de la clause
d’indexation, ni des 18,5 M€ dus en exécution de l’avenant de 2006.
L’augmentation réelle 2008/2009 sera donc largement supérieure à 10%.
Cependant, hors France 24 (la convention qui la lie à l’Etat a prévu
pour cinq ans des ressources publiques garanties,
assorties d’un
mécanisme d’indexation généreux) la réalité est celle d'une tension
persistante sur les ressources : on a voulu trop faire, sans s'en donner
pleinement les moyens. Le résultat est un relatif appauvrissement
des
sociétés de l’audiovisuel extérieur : les subventions publiques à CFI, RFI et
TV5 ont progressé de façon très modérée, et inférieure à l’inflation, au
cours des six dernières années
284
. Leur situation financière, sans être
283) Cette considération d'ensemble du budget de l'audiovisuel extérieur sera facilitée
par une fusion des deux programmes 115 et 116, déjà préconisé par la Cour à
l'occasion du rapport sur l’exécution de la loi de finances 2006, et finalement réalisée
dans le PLF 2009.
284
)
De 2002 à 2007, les financements publics français en euros courants sont
passés pour : CFI
de
22,03
à
19,50 M€ (- 11,4%) ; RFI de 120,90 à
126,16 M€ ( + 4,4%) ;
TV5
de
63,32 à
67,68 M€ (+ 6,9%).
740
COUR DES COMPTES
alarmante, est tendue. Enfin, dans les trois sociétés, les frais de personnel
ont progressé plus rapidement que les subventions publiques, ce qui peut
s’expliquer compte tenu de la faible progression de celles-ci, mais a
rigidifié leurs structures de coûts.
En LFI 2008, la subvention du ministère des affaires étrangères à
CFI a été réduite de 2 M
par rapport à 2007, dans le contexte d’une
baisse des ses coûts de diffusion.
RFI a enregistré en 2006 une perte exceptionnelle de 11 M
liée à la
renégociation, par ailleurs génératrice d’économies à terme, du
contrat de diffusion qui la liait à TDF : une recapitalisation de la
société avant fin 2009 sera nécessaire.
Enfin, TV5 a principalement financé son développement grâce à ses
ressources propres (8,9 M
en 2002 ; 10,5 M
en 2007) et par les
économies réalisées sur ses frais de diffusion : or, il ne reste qu’une
zone où de celles-ci restent réalisables, l’Europe, où l’option de
renoncer à l’analogique pourra être exercée en 2009 et générer une
économie annuelle de l’ordre de 3 M
(mais la multiplication des
modes de diffusion et l’enrichissement de ses programmes
impliquent des coûts croissants qui l’absorberont très largement).
B - Un pilotage défaillant
Le pilotage de ce secteur, divisé et fonctionnellement inefficace,
n’a pas permis de dessiner une véritable politique. Au cours des années
passées, se sont en effet juxtaposés :
Un pilotage minutieux par le ministère des affaires étrangères de
TV5 et CFI, qui se justifiait par le rattachement à son budget des
subventions de l’Etat à ces deux sociétés, ainsi que par la nature de
TV5 qui relevait d’accords intergouvernementaux de nature
diplomatique, autant que d’une véritable gouvernance d’entreprise :
c’est dans un contexte complexe que le ministère des affaires
étrangères a réussi à convaincre les partenaires de la France de
recentrer et rendre plus efficace la gouvernance de TV5 ; en
revanche, ce pilotage a peut-être été insuffisamment stratégique : il
n’a pas réussi en
tout cas à imposer à TV5 un suivi efficace des
priorités décidées en principe, telles que l’Afrique, ni à organiser de
vraies synergies entre TV5 et CFI (et
a fortiori
entre celles-ci et
RFI) ;
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
741
Un pilotage de RFI divisé (fonction d’un financement mixte,
relevant du ministère de la culture par la redevance et d’une
subvention du ministère des affaires étrangères) qui s’est avéré sur
la durée inefficace, et incapable de faire prendre à la société les
arbitrages en termes de langues et de zones de diffusion lorsque
celle-ci ne les envisageait pas, ni même de décider lorsque la
direction de RFI a finalement fait à l’Etat des propositions en ce
sens. C’est pour RFI que les carences du pilotage ont eu les
conséquences les plus dommageables : la société va devoir assumer
dans des conditions défavorables des choix nécessaires trop
longtemps différés ;
Une relative autonomie de France 24 : conçue hors des deux
ministères
en charge de l’audiovisuel extérieur et largement contre
eux, elle a été rattachée sur le plan budgétaire et administratif aux
services du Premier ministre. Entreprise privée financée par l’Etat,
elle n’a pas eu de tutelle à proprement parler ; ses choix
stratégiques ont été le fait de la direction de l’entreprise, puis
avalisés par son administration de rattachement, la direction du
développement des médias.
France Télévisions, dont on pouvait espérer qu’en lui adossant TV5
puis France 24 elle jouerait un rôle croissant d’orientation
stratégique de l’audiovisuel extérieur, n’a
pas joué ce rôle. Tout en
prenant toute sa part au lancement de France 24, elle n’a pas
intégré ses participations dans une vision d’ensemble de ce secteur,
resté pour elle relativement secondaire.
C - Des mesures d’audience insuffisantes aux résultats
incertains
Dans un contexte général de plus en plus concurrentiel, la mesure
des résultats de l’audiovisuel extérieur est incertaine. De façon générale
les sociétés concernées ne mesurent pas suffisamment leurs résultats :
leurs dépenses d’études sont faibles –moins de 1% de leur chiffre
d’affaires pour CFI, RFI et TV5- voire insuffisantes) ; les mesures
tendent à valoriser l’offre –le nombre de foyers initialisés- ou la notoriété,
au détriment des mesures réelles d’audience : tel a été le cas de
France
24, conformément à une stratégie où le développement de la notoriété de
la chaîne –en France et à l’étranger- a été considéré comme prioritaire au
départ par rapport à celui de l’audience.
742
COUR DES COMPTES
Dans les pays développés où la mesure directe de l’audience est
possible, les chaînes internationales sont souvent à la limite des seuils
techniques de mesure (en France, la dizaine de chaînes d’information
nationales et internationales disponibles sur le câble et le satellite ne
dépassent pas ensemble 2% d’audience). Ailleurs, des enquêtes
qualitatives sont nécessaires qui ne donnent qu’une idée approximative de
l’audience et ne sont parfois que des enquêtes de notoriété. En revanche,
la diffusion sur Internet est mesurable par l’organisme émetteur dans
toutes ses dimensions.
Les mesures par CFI de l’impact de sa banque de programmes
auprès des chaînes utilisatrices sont incertaines, puisque la reprise par
celles-ci de ses programmes lui a longtemps été connue par leurs seules
déclarations, un système de filigranage électronique destiné à lui fournir
un retour direct se mettant progressivement en place. De façon assez
comparable, une grande incertitude entoure les reprises de ses
programmes en espagnol par les radios partenaires de RFI en Amérique
latine.
Les performances globales dont TV5 fait état se réfèrent à un
bassin d’audience potentiel (le nombre de téléspectateurs initialisés)
indicateur d’un objectif assigné à TV5 qui est l’extension mondiale de
son offre. Les mesures d’audience proprement dites ne sont directement
effectuées qu’en Europe. Ailleurs, une cinquantaine de villes, où les
résultats ne sont actualisés qu’au rythme de six à huit par an, servent de
test, leurs résultats étant extrapolés au reste du monde de façon peu
certaine. Au cours des années récentes, les deux indicateurs (audience
potentielle évaluée aujourd’hui à 178 millions de foyers et audience
« réelle » à 74 millions) ont crû rapidement, mais en partie sous l’effet de
facteurs mécaniques et méthodologiques. Là où ces chiffres se prêtent à
une véritable analyse, c'est-à-dire en Europe, le premier croît plus vite
que le second : cela tendrait à montrer que le développement tous azimuts
de son offre doit désormais faire place à une politique plus ciblée
d’identification de ses publics et de consolidation de son audience
effective de la part de TV5.
Le nombre d'auditeurs réguliers de RFI dans le monde (écoutant la
radio au moins une fois par semaine) était estimé en 2005 à 44 millions,
dont 56% sur le continent africain et 24% au Proche et Moyen-Orient. En
termes de part de marché, RFI attire jusqu'à 35% de l'audience veille
(auditeurs ayant écouté la radio la veille du sondage soit une audience
quasi-quotidienne) dans les capitales d'Afrique francophone, mais ne
dépasse 2,5% dans aucune des autres capitales mondiales objets de
sondages réguliers.
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
743
Enfin, les mesures d’audience sur Internet montrent un nombre de
visites en forte croissance pour RFI et TV5, qui atteignent, avec
respectivement 2 et 3 millions de visiteurs mensuels chacun, des niveaux
comparables à ceux de sites de médias de premier rang comme celui des
Echos
ou de l’
Express
. Ceux de France 24 s’établissent à un niveau
inférieur (1,5 million de visiteurs mensuels).
Au total, même si les mesures d’audience sont difficiles à réaliser à
l’international là où n’existent pas d’instituts de mesure automatisée de
type « Médiamétrie », davantage d’efforts et des méthodes homogènes
entre les différents intervenants de l’audiovisuel extérieur sont nécessaires.
V
-
Des choix difficiles à opérer ;
une cohérence à définir
A - Des choix financiers et géographiques difficiles
Un premier arbitrage est celui des moyens à consacrer à la politique
audiovisuelle extérieure au regard d'autres vecteurs de la langue et de
l'influence françaises tels que l'enseignement du français à l'étranger ou
l'action culturelle extérieure. En fonction des hypothèses de développement
de France 24, une hypothèse de 350 M€ pour l’audiovisuel extérieur n’est
pas improbable. L’ordre de grandeur serait comparable au coût pour l’Etat
de l’ensemble du réseau des établissements d’enseignement français à
l’étranger (140 établissements, 240 000 élèves).
La considération des priorités respectives à accorder aux différents
outils du rayonnement culturel et linguistique de la France à l’étranger sera
cependant rendu plus complexe dès lors que les crédits de l’audiovisuel
extérieur ne sont plus rattachés au ministère des affaires étrangères.
Sur le plan géographique, aussi, des arbitrages devront être rendus.
En effet, deux zones prioritaires pour l'avenir de la francophonie, le
Maghreb et l'Afrique subsaharienne, ne l’ont pas été au même degré pour
l’audiovisuel extérieur :
au Maghreb, ce sont les débordements (et le piratage) des
chaînes de télévision nationales qui assurent pour l'essentiel la
présence télévisuelle française, de façon d'ailleurs précaire; RFI
y est peu présente, l'instrument radiophonique essentiel de la
politique audiovisuelle française étant Medi 1 qui émet depuis
Tanger à destination du Maroc et de l'Algérie.
744
COUR DES COMPTES
si l'Afrique subsaharienne représente bien pour RFI la priorité
en termes de moyens de diffusion et rédactionnels, TV5
Afrique ne représente que 10% des coûts de TV5, autant que
chacun des signaux Asie et Amérique latine, et le tiers des
coûts des deux signaux européens de la chaîne ; son offre a été
peu enrichie en programmes destinés à l'Afrique.
Au-delà des priorités par zone, l'audiovisuel extérieur n'a pas de
définition commune de ses publics cibles et reste une politique de l'offre.
Le passage à une politique plus différenciée, renonçant à une présence
universelle de chacun des médias paraît inévitable dans le contexte
budgétaire actuel.
B - Une cohérence à définir
Un deuxième problème est celui de la cohérence du dispositif de
l'audiovisuel extérieur, qui repose sur quatre opérateurs principaux : une
entreprise multilatérale (TV5), une filiale majoritaire de France
Télévisions (CFI), une société nationale de programme (RFI), et une
filiale à parité de TF1 et France Télévisions (France 24), chacune dotée
de sources de financement, de procédures budgétaires et de modes
d'exercice de la tutelle de l'Etat distincts.
Par ailleurs, chacun des quatre acteurs de l’audiovisuel extérieur
présente des forces et des faiblesses spécifiques :
RFI a une présence forte et reconnue en Afrique subsaharienne,
plus inégale ailleurs ; ses langues, ses priorités géographiques
de diffusion sont largement à redessiner ;
TV5 est devenue une chaîne généraliste mondiale, dont le
réseau est le principal atout, mais la qualité des programmes
insuffisante ; elle a été entraînée, depuis le début des années
2000 vers un format hybride, info/généraliste, qu’elle a clarifié
dans le sens d’un retour à sa vocation généraliste, mais sans
réduction de ses moyens d’information ;
CFI est un modèle
sui generis
de banque de programmes
gratuite, auquel s’ajoute une vocation récente de coopération,
dont on ne sait pas si elle prendra le relai d’une activité de
banque vouée au déclin dès lors que de plus en plus de pays
accèdent à une offre de programmes payante ;
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
745
France 24 est une chaîne d’information moderne, qui a établi sa
présence sur les réseaux, mais qui n’est pas un CNN ou un Al
Jazira à la française ; c’est un modèle relativement économe,
qui repose principalement sur la fourniture externe d’images et
le recours à un réseau de correspondants
non-permanents ; elle
ne prétend pas avoir la capacité de production d’information de
ses concurrentes.
La création de la holding de l’audiovisuel extérieur de la France
(AEF) regroupant l'ensemble des participations publiques dans ces
sociétés (à l'exception de CFI dont la vocation de coopération sera
affirmée ce qui a conduit au choix de le sortir du périmètre de
l'audiovisuel extérieur) vise à mieux coordonner cet ensemble disparate et
à y réaliser des synergies importantes. Or, ce diagnostic est ancien, et il
n'est pas inutile de rappeler que le rapprochement de CFI et TV5, la
montée de France Télévisions dans le capital de CFI et la création même
de France 24 ont été en leur temps accompagnés de l'annonce de
synergies et d'une cohérence renforcée du dispositif qui ne se sont pas
réalisées.
Cependant, la mise en place d’AEF s’effectue dans conditions
nouvelles qui devraient donner à la holding les moyens d’une
coordination plus efficace des différentes composantes de l’audiovisuel
extérieur : les financements de l’Etat destinés aux sociétés transiteront par
la holding ; son président a vocation à assumer également la présidence
des trois principaux opérateurs ; la holding est devenue l’actionnaire
principal de TV5, et l’unique de RFI et France 24. La Cour avait exprimé
en juillet 2008 son souci
que l’opération de rachat des parts de France 24
reflète le fait que le financement de la société était entièrement assumé
par l’Etat : elle note avec satisfaction que cette opération s’est dénouée à
un niveau qui tenait compte de la réalité économique d’un montage où les
risques de l’exploitation pesaient en fait sur l’Etat et non sur les
actionnaires.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Dans la perspective de la mise en oeuvre de la holding de
l’audiovisuel extérieur, la Cour formule les recommandations suivantes,
qui lui paraissent conditionner le succès de la réforme annoncée :
4.
A court terme,
la clarification des missions et des priorités de
chacune
des
entreprises
,
accompagnée
d'une
réorientation
correspondante de leurs moyens, lui semble urgente. Parallèlement,
il est souhaitable d’opérer la mutualisation des domaines tels que les
études
d'audience,
la
vente
d’espaces
publicitaires
ou
la
commercialisation, dont la mise en commun rapide est relativement
aisée.
746
COUR DES COMPTES
5.
L’exercice sur la holding du pilotage stratégique par l’Etat doit être
unifié et clarifié
: des objectifs stratégiques clairs et compatibles
entre eux doivent être assignés aux entreprises, assortis d’une
responsabilisation accrue de leurs dirigeants dans un cadre qui leur
donne une visibilité pluriannuelle sur leurs objectifs et leurs moyens,
tout en maîtrisant la dépense publique. Le rassemblement dans un
seul programme budgétaire de l’ensemble des subventions de l’Etat à
l’audiovisuel extérieur, déjà réclamé par la Cour et effectif dans le
PLF 2009, va dans le sens d’une plus grande lisibilité de la politique
et des financements de l’Etat. Cependant, dans le contexte du
désengagement du ministère des affaires étrangères, la question est
posée
de
l’instance
ministérielle
qui
sera
responsable
des
orientations stratégiques, géographiques et linguistiques de la
politique audiovisuelle extérieure.
6.
La maîtrise des coûts et de l’équilibre financier des sociétés
doit
être au centre de la réforme. Sur ce plan, la Cour souhaite formuler
trois préconisations :
D’une part ,
la formalisation des objectifs de ressources propres
des sociétés de l’audiovisuel extérieur : pour France 24 d’abord,
pour laquelle l’absence d’un tel objectif de son plan de
financement initial est injustifié alors même que la chaîne a
réalisé au cours du premier exercice significatif, 2007, un
produit non négligeable de 4,3 M€, dont sa direction anticipe la
croissance
285
; pour TV5 ensuite, dont les ressources propres
sont passées de 8,9 M
en 2002 à 10,5 M
en 2007
286
.
L’inscription de premiers indicateurs de ressources propres au
PLF 2009 est un premier pas dans cette direction.
La réalisation de
synergies progressives, réalistes, mais
financièrement substantielles
doit être un objectif majeur de la
holding nouvellement mise en place. Elle implique, une fois les
missions des entreprises clarifiées et les mutualisations les plus
évidentes réalisées, de porter l’effort sur des centres de coût
285) Dans le cadre de l’audition devant la Cour, en Juin 2007, elle a évoqué un
financement sur ressources propres qui pourrait s’élever à terme jusqu’à 40% de ses
ressources, les actionnaires et les tutelles évoquant quant à elles des hypothèses
de 20-30%.
286) Mais elles ont accusé une forte baisse dans les premiers mois de 2008, dans le
contexte de l’annonce d’une suppression possible de la publicité sur France
Télévisions, les espaces publicitaires de TV5 étant pour l’essentiel commercialisés
avec ceux des autres chaînes du groupe par leur régie commune).
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
747
importants et communs aux chaînes, dont le principal est
l’information.
S’il n’est pas anormal d’anticiper les coûts, notamment de
restructuration, et d’achèvement de la montée en puissance de
France 24,
il est impératif de les inscrire dans un cycle
pluriannuel
dans lequel, à ces surcoûts qui peuvent être
considérés comme un investissement de départ, succèdera une
phase de « retour » budgétaire, sous forme de synergies d’une
part, d’une croissance des ressources propres de l’autre. Il est
indispensable que ce cycle soit formalisé dans un contrat
pluriannuel avec la holding de l’audiovisuel extérieur qui
engage également les directions de chacune des sociétés
concernées.
7.
Il est nécessaire de faire des choix dans les zones géographiques,
les publics et les médias
qui les desservent. Ces choix, ainsi que
l'arbitrage qui doit les accompagner entre l'affectation prioritaire de
moyens à l'audiovisuel extérieur ou aux autres vecteurs à
l'international de notre langue, de notre culture et de nos idées, sont
à faire au niveau politique. La France a hérité dans le domaine de
l’audiovisuel extérieur d’un ensemble disparate, constitué en strates
successives, où chaque société a été successivement l’objet
d’attentions prioritaires : d’abord RFI, pilier le plus ancien de cette
politique, CFI qui a aspiré à devenir une chaîne mondiale de
télévision au début des années 1990, TV5, chaîne francophone
mondiale devenue à la fin des années 1990 la pièce essentielle du
dispositif audiovisuel extérieur, France 24, priorité la plus récente,
enfin. Ce dispositif doit être resserré, les acteurs spécialisés dans des
rôles mieux définis, la politique de l’offre remplacée par une
politique plus ciblée et plus attentive à la demande, les résultats
mieux évalués. Cela implique d’abord de stabiliser un secteur sur
lequel planent depuis longtemps trop d’incertitudes, de remobiliser
les sociétés dont certaines sont démoralisées, d’assigner à chacun
des objectifs clarifiés : la mise en place de la holding de
l’audiovisuel extérieur n’est pas une fin en soi ; elle est un moyen
d’atteindre ces objectifs dont il faut espérer qu’ils seront assumés de
façon énergique et dans la durée par les pouvoirs publics.
748
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA
COMMUNICATION
Je partage les grandes lignes des analyses de la Cour concernant
France 24, Radio France International et TV5 Monde, et notamment l’idée
qu’il est nécessaire de clarifier les missions et les priorités de l’ensemble de
l’audiovisuel extérieur et de chacune des sociétés qui le compose, tout en
développant les synergies entre celles-ci.
A cet égard, je tiens à préciser qu’un projet de contrat d’objectifs et
de moyens pluriannuel liant la société Audiovisuel Extérieur de la France à
l’Etat devrait être négocié dans les prochains mois, et qu’il sera notamment
l’occasion :
- d’inscrire le développement des sociétés de l’audiovisuel extérieur
dans une trajectoire financière pluriannuelle, qui comprendra entre autres
des objectifs en termes de ressources propres et de synergies,
- de définir avec les dirigeants de ces sociétés les perspectives et les
priorités de développement de l’ensemble et de chacune des sociétés,
- d’établir les synergies qui pourront être réalisées afin d’améliorer la
cohérence de l’ensemble mais aussi l’efficacité de chacun des opérateurs,
- d’élaborer un certain nombre d’indicateurs permettant le suivi de
l’atteinte de ses objectifs. Ces indicateurs seront assortis, lorsque ce sera
pertinent, de cibles chiffrées.
***
Précisions concernant les crédits de l’audiovisuel extérieur
La fin du premier paragraphe de la
page 10 de l
’insertion citée ci-
après appelle un certain nombre de précisions : « Ce sont donc 300 M€ qui
auront été nécessaires au financement des entreprises concernées en 2008.
Le PLF 2009 prévoit, à périmètre constant, de porter ces crédits à 315 M€
(+5%), alors même que, comme au PLF 2008, la subvention de l’Etat à
France 24 reste artificiellement inscrite pour 70 M€ et ne tient compte ni de
la clause d’indexation, ni des 18,5 M€ dus en exécution de l’avenant 2006. ».
En effet :
- tout d’abord, dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel extérieur,
les crédits visant à financer les sociétés de l’audiovisuel extérieur de la
France, à savoir France 24, RFI et TV5 Monde et la société holding
récemment créée Audiovisuel Extérieur de la France, ne font plus l’objet
d’une répartition par sociétés. Ainsi, une dotation globale est inscrite au PLF
2009. Celle-ci sera versée à la holding Audiovisuel Extérieur de la France,
qui la répartira entre les différentes entreprises concernées. En particulier,
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
749
la subvention de France 24 pour 2009 n’est donc pas inscrite en tant que
telle au PLF 2009. Par ailleurs, le montant de subvention prévu pour 2009
par la convention de subvention liant l’Etat et la société, à savoir 91,7 M€,
devrait être respecté ;
- par ailleurs, si l’on souhaite raisonner à périmètre constant, il
convient de comparer les 315 M€ mentionnés pour le PLF 2009 à un montant
de 312 M€ pour 2008, qui comprend :
- les crédits votés pour le programme 115 (financement de TV5
Monde, RFI, CFI et Médi1) en 2008, soit 157,3 M€ ;
- les produits issus de la redevance alloués au programme 844
(financement de RFI) en 2008, soit 58,7 M€ TTC ;
- la subvention versée par France Télévisions à TV5 Monde en 2008,
qui a été en 2009 intégrée au montant de redevance inscrit au programme
844, soit 4,2 M€ ;
- les crédits votés pour le programme 116 (financement de France 24)
en 2008, soit 70 M€ ;
- l’abondement nécessaire au respect de la convention de subvention
de France 24, soit 18,5 M€.
- la subvention versée en cours d’année 2008 à la société Audiovisuel
Extérieur de la France, soit 3,7 M€.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL DE
FRANCE TÉLÉVISIONS
La Cour a eu l’occasion lors de ses précédents rapports de souligner
la difficile construction, à partir d’une architecture complexe, de
l’audiovisuel extérieur français.
Comme le rappelle la Cour à propos de France 24, le projet de
création d’une chaîne internationale a été marqué « par de fortes
réserves
de
la part des administrations en charge de l’audiovisuel extérieur »,
complétant aussitôt ce constat par un autre, celui des « années d’
incertitude
et de débat » qui ont rythmé et précédé la réforme de l’audiovisuel extérieur.
Des «
réserves
» et des «
incertitudes
» qui ont pesé sur l’effort de
rationalisation et qui n’ont effectivement pas permis à France Télévisions
(FTV) « d’orienter » une stratégie considérée
comme peu lisible de l’avis
même de la Cour et du Parlement.
A cet égard, et qui plus est s’agissant de stratégie, on peut s’étonner
que dans le même document et tout à la fois, la Cour d’une part fasse grief à
France Télévisions de n’avoir pas su jouer le « rôle croissant d’orientation
750
COUR DES COMPTES
stratégique de l’audiovisuel extérieur » qu’on attendait de lui (IV/B/§.4),
pour mieux réclamer, d’autre part, dans ses conclusions et recommandations
« que des objectifs stratégiques clairs et compatibles entre eux soient
assignés aux entreprises… » dans le cadre de « l’exercice sur la holding du
pilotage stratégique de l’Etat
».
De ce fait le pilotage stratégique de l’audiovisuel extérieur sur la
période couverte par la Cour (et qui intègre encore CFI) doit être examiné à
l’aune du poids respectif de l’Etat d’une part et de celui des actionnaires
d’autre part. Deux poids et deux mesures d’influence sur les stratégies
évidemment incomparables.
S’agissant de CFI
Dans son rapport pour les exercices 2000 à 2006 (N° 51584), la Cour
observe «qu’au total il n’est pas contestable que France Télévisions joue son
rôle d’actionnaire au sein de CFI ».
C’est moins, notons-le en raison de son poids capitalistique
(actionnaire à hauteur de 75%) que grâce à sa position directement
opérationnelle que FTV a pu contribuer efficacement au développement des
activités de CFI.
Une seule tutelle, celle du Ministère des Affaires étrangères, donnant
une orientation stratégique assez rapidement clarifiée, avec l’infléchissement
progressif en faveur des
actions de coopération dès 2002 (2003 année de
l’entrée de FTV au capital de CFI), ont effectivement permis à FTV de
« jouer son rôle d’actionnaire ».
L’abandon de la Présidence commune de TV5 Monde et de CFI, et le
nouveau
rattachement
budgétaire
2009
au
titre
des
actions
de
développement, prolongent le processus de clarification.
S’agissant de TV5 Monde
Il est patent que la marge de manoeuvre de FTV était d’emblée restreinte
pour au moins trois raisons :
C’est par une charte « intergouvernementale » signée en 2004 que les
missions principales et le cadre organisationnel de TV5 ont été arrêtés
dans un document intitulé « la charte de TV5 » et signé notamment par
des Ministres belge, canadien, québécois et français ainsi que par un
Conseiller fédéral suisse. De ce fait l’espace
laissé à FTV quant aux
orientations stratégiques de TV5 était particulièrement réduit ;
Le cahier des charges et des moyens détermine quant à lui très
exactement le volet d’action de FTV et en fixe les limites ;
Le nombre de tutelles (de jure ou de facto).
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
751
Pour cet ensemble de raisons, FTV, si telle avait été sa volonté,
n’aurait de toute façon pas disposé de la légitimité suffisante et dès lors de
l’autorité nécessaire pour impulser une orientation stratégique de grande
amplitude à TV5. Les difficiles négociations menées avec les partenaires de
TV5 Monde dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel extérieur ont assez
montré que le niveau d’engagement nécessaire se situait à hauteur de l’Etat.
Cette donnée se trouve pour ainsi dire transcrite dans le nouvel équilibre
capitalistique de TV5 Monde dans lequel la participation de FTV a été
ramenée à 12,58%.
Pour autant, dans ce qu’il conviendrait de qualifier d’orientation
stratégique de deuxième rang (celle de l’Etat primant sur celle de
l’entreprise), FTV s’est toujours beaucoup impliqué, comme en témoigne sa
participation à l’écriture des plans stratégiques 2006-2009 & 2009-2012
(dans le cadre d’une prise de relais anticipé).
Enfin FTV donne à TV5 Monde l’ensemble de ses programmes libres
de droits, soit en 2007, 23.000 heures de programmes ce qui correspond à
environs 32% du volume total.
S’agissant de France 24
FTV a joué un rôle aussi actif que possible dans la limite des marges
d’action dont il disposait. C’est ainsi que FTV a présenté à l’origine,
conjointement avec RFI un projet de création d’une chaîne française
d’information international. Toutefois c’est un projet associant à parité le
secteur public et le secteur privé qui a finalement été retenu.
Les objectifs très différents voir opposés (par exemple sur l’ADSL) des
deux actionnaires ont pesé sur le développement stratégique de France 24.
Pour autant FTV a été un actionnaire engagé, comme en témoigne
l’engagement fort pour assurer le succès du lancement de cette chaîne ou
encore les quatre conventions de collaboration conclues avec France 24 par
France 2, France 3, RFO et l’AITV.
¾
En conclusion de ces commentaires
:
L’audiovisuel extérieur n’est, de fait pas un secteur prioritaire pour
FTV, conformément en cela à son cahier des charges et des moyens qui défini
très clairement les priorités du groupe ; dès lors le « secteur »
s’il ne ressort
pas des principales missions de service public du Groupe ni des priorités
encore affichées dans le cadre de la réforme actuelle de FTV, n’est pour
autant pas « relativement secondaire » pour FTV car il fait l’objet d’une
attention et d’un effort soutenu ainsi que le relève par ailleurs la Cour
lorsqu’elle se penche sur le détail des actions menées par le groupe dans ce
domaine.
752
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE TV5 MONDE
Lors du contrôle auquel la Cour a procédé entre septembre 2007 et
début 2008 TV5 Monde n’avait que peu de visibilité sur son avenir dans le
cadre de la réforme de l’audiovisuel extérieur français et des négociations
multilatérales en cours entre gouvernements partenaires.
Sous l’impulsion du Président de la République, la mise en place de la
nouvelle entité de l’Audiovisuel Extérieur de la France a été décidée en
février 2008. Alain de Pouzilhac et Christine Ockrent en ont été nommés
respectivement Président Directeur Général et Directrice Générale déléguée
en avril 2008.
L’audiovisuel extérieur de la France (AEF) est en train de se
constituer en un groupe formé d’une holding et de filiales. AEF vient ainsi de
devenir l’actionnaire de référence de TV5 Monde suite à une recomposition
de capital. Cette recomposition prend en compte le maintien du niveau de
participation actuel des partenaires francophones (33,33 %) et une
participation de la holding AEF limitée à 49 %, conformément à l’accord
entre les gouvernements bailleurs de fonds de TV5 Monde (12,58% pour
FTV/ 3,29% pour ARTE / 1,74% pour l’INA).
L’accord entre les gouvernements bailleurs de fonds de TV5 Monde
est formalisé dans une entente signée par les ministres des gouvernements
partenaires. Pour la France, c’est le Secrétaire d’Etat chargé de la
Coopération et de la Francophonie, M. Alain Joyandet qui en a été
signataire le 9 octobre dernier.
Les principales dispositions du projet d’entente sont les suivantes :
- Préserver le caractère multilatéral de TV5 Monde ;
- Faire évoluer la gouvernance de l’entreprise, afin de préciser la
place de TV5 Monde vis-à-vis d’AEF. À cet effet, la fonction du
Président du Conseil d’Administration est confiée au Président
Directeur Général de la holding AEF tandis que celle de Directeur
Général est confiée à un Français (en l’occurrence une Française :
Mme Marie-Christine Saragosse) sans fonction à la holding. Les
nominations de M. de Pouzilhac, de Mme Saragosse ainsi que de
Mme Ockrent (en tant qu’administrateur) ont eu lieu le 29 avril
2008.
- Étudier les modalités d’un rééquilibrage des financements de TV5
Monde par les partenaires non français. Parallèlement, l’évolution
de la programmation de la chaîne doit évoluer afin d’assurer une
meilleure exposition des émissions de l’ensemble de la Francophonie
y compris des pays du Sud.
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
753
- Réalisation d’études conjointes de TV5 Monde et d’AEF pour la
réalisation de synergies avec France 24 et RFI sous réserve de
l’approbation des conseils d’administration des deux sociétés.
La réunion des Hauts Fonctionnaires qui a eu lieu à Vancouver les 26
et 27 novembre 2008 entre les représentants des gouvernements partenaires
de TV5 Monde a permis d’approuver à l’unanimité les nouvelles orientations
stratégiques de la chaîne qui réaffirment son statut unique de chaîne
mondiale généraliste francophone et qui visent à la faire évoluer vers un
média global parallèlement au renforcement de son réseau de distribution
historique afin de consolider son audience mondiale.
Cette rencontre s’est déroulée dans un climat particulièrement
constructif et a donné lieu à des engagements financiers très significatifs tant
pour le rééquilibrage entre les contributions respectives de la France et des
autres gouvernements partenaires francophones que pour dégager les
moyens nécessaires à la chaîne pour lancer ses nouveaux développements.
Cet effort financier sans précédent des partenaires non français de
TV5 Monde témoigne de la confiance retrouvée et de la volonté de soutenir
la chaîne dans le nouvel élan qui a été impulsé ces derniers mois.
La prochaine conférence des Ministres responsables de TV5 aura lieu
en 2009 au Canada. Elle sera l’occasion d’inscrire le plan stratégique dans
un cadre financier pluriannuel et de ratifier la charte de TV5 qui prend en
compte l’entente intergouvernementale.
L’ensemble de ces évènements de la vie de l’entreprise, qui ont
permis de remobiliser les salariés de l’entreprise et leurs instances
représentatives, le Conseil d’administration, les actionnaires et les
gouvernements bailleurs de fonds sont suffisamment notables, bien que
postérieurs au contrôle auquel la Cour a procédé, pour devoir être
mentionnés.
S’il n’appartient pas à TV5 Monde de se prononcer sur les
conclusions et recommandations de la Cour, il peut être utile d’apporter des
précisions sur certains points ou des indications sur l’évolution de certains
sujets depuis le contrôle effectué.
Politique audiovisuelle extérieure de la France
La Cour indique que faire de TV5 Monde le « navire amiral » de
l’audiovisuel extérieur était contradictoire avec sa nature multilatérale qui
« limite le contrôle que la France peut exercer sur la chaîne comme son
identification à notre pays ».
A ce stade, il ne s’agit pas tant de faire de TV5 Monde le « navire
amiral » de l’audiovisuel extérieur de la France que de constater, de manière
pragmatique, que son réseau de distribution mondial (180 millions de foyers
24H/24) se situe dans le peloton de tête des trois plus grands réseaux avec
754
COUR DES COMPTES
MTV et CNN et que ses chiffres d’audience cumulée (revus drastiquement à
la baisse après audit de la nouvelle équipe dirigeante afin d’être
indiscutables, cf. infra), soit 54 millions de téléspectateurs en audience
cumulée hebdomadaire (les plus fortes de l’audiovisuel extérieur de la
France), en font un outil décisif du rayonnement de la France. Dans de
larges zones du monde (Amérique Latine, Asie, Etats-Unis d’Amérique), si
TV5 Monde n’était pas en mesure de diffuser des programmes et de
l’information en français, l’influence de la France en serait radicalement
réduite faute d’alternative à ce jour.
En second lieu, le « contrôle » exercé par les tutelles et le contrôle
général économique et financier sur TV5 Monde n’est pas moindre que celui
exercé sur les autres opérateurs audiovisuels extérieurs et permet donc
parfaitement la prise en compte des intérêts de la France.
Enfin, en s’appuyant sur l’ensemble des pays francophones, la France
accroît son influence, car elle apparaît, non pas comme un pays isolé, mais
comme une puissance fédératrice qui rassemble d’autres pays qui se
reconnaissent dans le même espace culturel.
Pour autant, dans beaucoup de pays, TV5 Monde est appréciée parce
qu’elle illustre l’art de vivre à la française, la « french touch ». Le
développement de TV5 aux Etats-Unis, qui n’a vraiment commencé qu’à
compter de 2001, lorsque Paris en a repris les rennes, témoigne de ce désir
de France que TV5 vient satisfaire tout en valorisant la diversité culturelle.
La prépondérance de programmes français dans les grilles de TV5
Monde, surtout aux heures de grande écoute, témoigne également de la
dimension française de la chaîne dans un cadre d’ouverture aux cultures des
autres pays signe distinctif depuis toujours de la politique d’influence de la
France dans le domaine culturel (Alliance françaises, Lycées français…).
La nature multilatérale de TV5 Monde comporte, par ailleurs, des
avantages (en dehors des financements importants des partenaires non
français) qui sont trop souvent sous-estimés. Ainsi, dans les zones ou les pays
où l’influence française peut être déclinante de manière durable ou
conjoncturelle pour diverses raisons, les valeurs françaises et francophones
véhiculées par la chaîne sont mieux acceptées en raison justement de son
caractère multilatéral. Cela permet à la France d’être présente dans des
pays et auprès de publics auxquels elle n’aurait pas ou peu accès sans cela
(Chine, Turquie, Brésil par exemple).
Cela est particulièrement significatif en matière d’information. Le
principal atout de l’information de TV5 Monde est son objectivité et donc sa
crédibilité en raison de sa signature multilatérale : les « regards croisés ».
Or ce sont bien le journal de France 2 (toujours dans les meilleures
audiences de la chaîne) et les sujets de France 2, France 3 et RFO-AITV
repris dans les journaux de TV5 Monde qui sont les plus présents et les mieux
exposés sur les antennes de TV5 Monde.
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
755
Et lorsque, lors de la production d’opérations spéciales par sa
rédaction, comme ce fut le cas sur les élections américaines, le signal de TV5
Monde est repris en direct et en intégralité par la télévision publique belge
(RTBF), par RFO Antilles, par les télévisions publiques ivoirienne et
sénégalaise ou encore une télévision privée béninoise, ce très fort
témoignage de confiance n’est possible que parce que la chaîne n’est pas
perçue comme la chaîne d’un seul pays mais comme un « opérateur de la
francophonie » grâce à son caractère multilatéral.
Ainsi, TV5 Monde, loin d’être concurrent de France 24 et a fortiori de
RFI, constitue au sein de l’audiovisuel extérieur de la France, un outil
parfaitement complémentaire :
- Chaîne généraliste offrant des magazines, des documentaires, de la
fiction, du cinéma, des jeux et du divertissement en sus des sessions
d’information inhérentes à toute chaîne généraliste ;
- Chaîne francophone faisant de la langue française un signe distinctif
dans un paysage audiovisuel mondial qui n’en comporte guère, tout
en sous-titrant largement ses programmes dans huit langues
étrangères et en français afin de toucher le public francophile
imparfaitement francophone qui constitue une forte proportion de
son audience (80% au Brésil par exemple) ;
- Chaîne multilatérale présentant une offre plurielle dans ses sources
en particulier pour l’information et démultipliant l’influence de la
France par le soutien des pays francophones partenaires. L’effort
budgétaire de la France dans le budget de TV5 Monde est du même
coup plus faible que dans les autres sociétés de l’audiovisuel
extérieur (70,6 millions d’euros) grâce à l’apport en programmes et
en financements des autres gouvernements qui viennent de consentir
un effort de rééquilibrage de leurs contributions sans précédent.
Priorités stratégiques imparfaitement suivies par TV5 Monde
1/ Orientations géographiques
La Cour indique qu’il y avait selon elle une contradiction entre une
politique de présence mondiale et l’identification de trois orientations
géographiques (l’Afrique, le monde Arabe et l’Europe francophone) que TV5
Monde aurait « peu traduites en priorités effectives ».
Les priorités géographiques opérées par TV5 Monde ne sont pas
toujours lisibles dans les budgets.
En premier lieu, il convient de rappeler que le plan stratégique
comportant ces orientations géographiques n’avait pas été financé par les
gouvernements bailleurs de fonds. Or, la lecture de ce plan permet de se
rendre compte que ces orientations stratégiques reposaient sur de nouveaux
756
COUR DES COMPTES
développements et n’impliquaient pas, en l’absence de financement, de
régresser sur une zone pour en favoriser une autre.
Ainsi, par exemple, le dédoublement du signal africain permettant de
dissocier les signaux sur le plan linguistique et sur celui de la
programmation, n’avait pas pu être mis en oeuvre en raison de son coût
important. Il le sera sur le plan linguistique en 2009 grâce à la
rationalisation du dispositif satellitaire en Afrique qui permet deux routes
satellitaires distinctes, dont une avec du sous-titrage anglophone incrusté, et
sur le plan des programmes en 2010 grâce au financement d’un deuxième
départ africain, doté d’une programmation propre, dans le cadre du nouveau
plan stratégique.
En second lieu, la Cour part du postulat, a priori logique, qu’une
orientation stratégique implique une augmentation des budgets alloués. Mais
les règles du marché mondial sont parfois en contradiction avec ce postulat
logique. Or, les coûts associés à chaque signal par la Cour ne tiennent pas
compte de la grande différence des coûts d’exploitation dans chacune des
zones et au sein de ces zones dans chacun des pays en raison des différences
de marché.
Ainsi, par exemple, l’achat de programmes africains ne se traduit pas
par un surcoût mais par une économie compte tenu de la moindre valeur
marchande de ces programmes par rapport à des programmes français.
Cette économie ne traduit pas bien au contraire, un retrait stratégique.
De même, les coûts d’achats de droits de diffusion de programmes
français varient très sensiblement selon les zones, en fonction des lois de
l’offre et de la demande. Il est beaucoup moins onéreux d’acquérir des
programmes pour l’Afrique ou le Moyen-Orient où les débouchés
commerciaux sont moindres que pour l’Europe.
De la même façon le très grand nombre d’émissions produites en
France et en Afrique par TV5 Monde spécifiquement pour l’Afrique (JT
africain, Continent noir, Afrique presse, Et si vous me disiez toute la vérité,
Stade Africa, Afrogoals...) prouve la priorité accordée à la promotion du Sud
sur nos antennes, même si elles sont contenues dans une enveloppe
budgétaire très raisonnable.
La politique de sous-titrage, à volume identique est également moins
coûteuse sur le Moyen-Orient, compte tenu des tarifs pratiqués par les
prestataires dans le monde Arabe, qu’elle ne l’est pour les pays Européens à
plus fort niveau de vie. De plus la moindre diversité des langues (Arabe pour
l’Orient et le Maghreb) ou la pratique généralisée du Français (Maghreb-
Afrique occidentale) permet une pénétration plus forte sans coûts prohibitifs
pour casser la barrière linguistique.
En matière de dépenses de communication et de marketing, la
présence historique de TV5 Monde sur ces zones lui confère une notoriété
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
757
spontanée qui nécessite beaucoup moins de moyens que dans d’autres
régions. Ainsi, en Afrique francophone TV5 Monde a une notoriété maximale
et de très fortes audiences
287
.
Les modes de distribution de la chaîne sont moins complexes en
Afrique et dans le Monde Arabe qu’en Europe, en Asie, en Amérique Latine
ou aux Etats-Unis. Ainsi, seuls deux opérateurs satellite desservent toute
l’Afrique et notre signal est repris ensuite par les plus gros opérateurs
MMDS qui ne sont qu’au nombre de 19. Il en va de même au Proche et
Moyen-Orient. Il n’est donc pas nécessaire d’entretenir un réseau de
correspondants marketing sur ces zones qui peuvent être gérées depuis Paris.
De même, le coût d’un partenariat massif avec le FESPACO à Ouagadougou
est inférieur au coût d’un partenariat limité avec le Festival de Berlin.
L’économie qui en résulte ne saurait être assimilée à une absence de priorité
marketing sur ces zones.
Enfin, il semble important de noter que si l’objectif d’assignation de
priorités stratégiques régionalisées (soit adaptées en fonction des contextes
locaux) est nécessaire, ces priorités ne sauraient être uniquement régionales
(soit potentiellement divergentes en fonction des contextes locaux).
Les
téléspectateurs de TV5 Monde se reconnaissent en effet dans la chaîne parce
qu’elle représente un trait d’union entre les peuples et les continents du fait
de son caractère mondial qui doit être absolument préservé et réaffirmé. Il
est un élément essentiel de l’identité de TV5 Monde et de son attractivité tant
pour les distributeurs que pour les téléspectateurs. Le nouveau plan
stratégique de TV5 Monde a donc pour ambition, non seulement de faire
évoluer la chaîne vers un media global mais aussi, pour que son action
prenne tout son sens, de réaffirmer fortement son caractère de chaîne
mondiale de proximité.
2/ Développement de l’information
La Cour note que la principale contradiction stratégique a été celle
du développement de l’information de TV5 Monde alors qu’un projet de
chaîne d’information internationale avait vu le jour.
TV5 Monde était, avant le lancement effectif de France 24, la seule
chaîne de télévision à diffuser de l’information française à l’échelle
mondiale. Elle reste celle qui offre à ce jour la meilleure visibilité grâce à sa
distribution et à ses audiences.
287) Dans la grande majorité des métropoles d’Afrique francophone près de 9
personnes sur 10 connaissent TV5 Monde (plus même en 2008 sur Abidjan, Conakry,
Kinshasa et Dakar). Les études conduites entre 2005 et 2008 montrent qu’elle est la
chaîne internationale la plus regardée dans huit pays africains sur onze. Par ailleurs,
le pourcentage d’habitants qui déclarent regarder TV5 Monde au moins une fois par
semaine dépasse 40%, toujours dans huit pays sur onze.
758
COUR DES COMPTES
Cela
n’est
en
rien
contradictoire
avec
le
lancement
et
le
développement d’une chaîne française d’information en continu. Les deux
chaînes évoluent sur de segments différents et complémentaires et sont, à
elles deux
,
un minimum pour assurer à l’information française la visibilité
qui correspond à ses ambitions internationales.
En tant que chaîne généraliste, TV5 Monde se doit de diffuser de
l’information. Cette information est par nature très différente de celle
diffusée sur France 24. En effet, l’information d’une chaîne généraliste
s’adresse à une large population. Par ailleurs, les journaux nationaux repris
par TV5 Monde sont en grande majorité axés sur des thématiques nationales.
France 24 pour sa part n’intègre qu’une part très minoritaire d’information
nationale et vise essentiellement les leaders d’opinion.
En tant que chaîne mondiale couvrant 24 fuseaux horaires, TV5
Monde se doit de produire cette information 24h sur 24, c’est donc à juste
titre que le plan d’action stratégique précédent prévoyait une montée en
puissance de la production de l’information dans les priorités qui lui étaient
« assignées ». Il convient de noter que le chiffre de 116 ETP cité par la Cour
ne correspond pas aux effectifs travaillant sur les journaux télévisés
uniquement mais à ceux travaillant sur les magazines de la rédaction soit la
quasi totalité des productions propres de la chaîne.
Dès lors que cette information est produite, autant l’exposer sur un
maximum de signaux, afin d’optimiser son coût. Le problème qui en résulte,
comme l’a justement noté la Cour, est de trouver un équilibre entre les
nécessités générales de la programmation de chaque signal, en particulier
concernant la souplesse des grilles, et cet objectif d’optimisation de
l’information produite. Au-delà de l’optimisation économique, la présence de
sessions d’information répétées au cours de la journée est un gage de
réactivité et de crédibilité pour un grand média international.
C’est dans cette optique que la nouvelle équipe de direction a préparé
la re-programmation de l’information qui a été au centre de la première
phase du travail de modification des grilles fin 2008 afin de :
- Diffuser les journaux des télévisions partenaires sur tous les signaux
au plus près de leur diffusion nationale ou, en cas de diffusion très décalée,
avec un système d’alerte (habillage et/ou proximité d’un JT ou flash TV5
Monde) ;
Diffuser les journaux de la rédaction sur tous les signaux chaque fois
que possible ;
Diffuser les JT à heures fixes ;
Diffuser les JT de TV5 Monde en direct et au plus avec une heure de
décalage sauf cas particulier ;
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
759
Faciliter la programmation d’événements spéciaux :
- Prise d’antenne exceptionnelle en cas d’actualité brûlante ;
- Programmation d’événements spéciaux.
Les nouvelles grilles prévues pour janvier 2009 élargissent les plages
d’information le matin, quel que soit le signal, de façon à permettre de
donner davantage de possibilités aux voyageurs de prendre connaissance des
nouvelles « fraîches ».
L’information produite par TV5 Monde est particulièrement peu
onéreuse. Elle est en effet constituée de sujets provenant des télévisions
partenaires et en particulier françaises (France 2, France 3 et RFO-AITV) à
qui elle offre une deuxième vie, un public plus large et donc une rentabilité
supérieure.
De plus, le passage au multimédia de la rédaction de TV5 Monde, qui
est un des axes majeurs du plan stratégique, vise également à en démultiplier
la rentabilité, en permettant au public de prendre connaissance des
informations et magazines de la chaîne sur tout support, où il veut et quand il
veut.
Ce nouveau plan stratégique, soutenu par le Président du Conseil
d’administration, a été voté à l’unanimité par le Conseil de TV5 Monde
avant d’être approuvé par les Hauts Fonctionnaires à Vancouver.
Des mesures d’audience insuffisantes aux résultats incertains
La nouvelle équipe nommée à la tête de TV5 Monde le 29 avril 2008,
informée des travaux menés par la Cour, a procédé à une remise à plat des
chiffres d’audience de la chaîne.
Ce réajustement se fonde sur des changements méthodologiques
importants dans les outils de mesure. L’impact porte principalement sur le
Maghreb où jusqu’à présent les instituts d’études fournissaient des
indicateurs de fréquentation de la chaîne (habitude d’écoute) alors que sont
désormais disponibles des mesures « d’audience veille » ou « 7 derniers
jours », plus précises par définition mais moins « généreuses » en termes de
résultat.
Ainsi, les chiffres d’audience cumulée quotidienne et hebdomadaire
pour 2007 ont été réajustés à la baisse respectivement de -24,5% et de -
18,6% par rapport aux chiffres précédemment annoncés.
Par ailleurs, à outils de mesure constants, le bilan des audiences
2007/2008 fait apparaître une baisse de l’audience cumulée hebdomadaire
de TV5 Monde d’un peu plus de 6 millions de téléspectateurs.
760
COUR DES COMPTES
Cette baisse de 10,6 % est principalement due :
- À la mise à jour de chiffres d’audience dont les dernières études
dataient de plus de quatre ans, voire 7 ans pour certain pays
288
,
- Aux pertes de distribution et de pénétration qui impactent directement
l’audience de la chaîne, même si le solde de distribution reste positif
du fait de l’implantation de la chaîne sur de nouveaux modes de
distribution numérique (adsl, IPTV, téléphonie mobile), mais ces
nouveaux modes de distribution ne sont pas pris en compte pour le
moment par les instituts d’études dans le cadre de leurs échantillons.
En termes de distribution, si la chaîne est encore parvenue à
maintenir sa distribution 24 heures sur 24 dans près de 180 millions de
foyers, elle a cependant enregistré des baisses significatives sur certains
territoires (perte de 5 millions de foyers en 2007, partiellement compensée
par des gains sur d’autres zones). Et ce mouvement se poursuit, notamment
en Europe, avec la bascule progressive des réseaux câblés de l’analogique
vers le numérique (Pays-Bas, Danemark, Pologne, Allemagne, Turquie..)
Ce phénomène, conjugué à la multiplication des chaînes locales et
internationales et à la fragmentation des audiences liée au multimédia,
exerce une pression à la baisse sur les audiences de toutes les chaînes.
TV5 Monde, chaîne historique fortement implantée dans les réseaux
analogiques, subit de plein fouet les effets de cette mutation du paysage
audiovisuel mondial, mais résiste souvent mieux que d’autres chaînes,
comme Euronews ou BBC World.
En tout état de cause, TV5 Monde réalise une audience réelle
significative, supérieure à celle de la plupart des chaînes nationales
francophones et de toute autre chaîne internationale francophone :
18 millions
de
téléspectateurs/jours
en
audience
cumulée
et
54
millions/semaine, selon les données d’audience vérifiées et actualisées par
la nouvelle équipe de direction.
À ce titre, le nouveau plan stratégique de l’entreprise prévoit que pour
mieux appréhender la réalité des performances de la chaîne il faut donc
diversifier les mesures d’audience : antenne, site Internet, programmes
délinéarisés hors site et tenir compte également de la notoriété de la chaîne à
l’échelle planétaire. Un travail de fond doit être entrepris pour systématiser
ces mesures, les diversifier dans l’univers du multimédia, les rendre toujours
plus fiables, en accélérer la périodicité, le tout sous forte contrainte
budgétaire. D’où l’importance de développer des synergies dans ce domaine
avec d’autres médias internationaux comme RFI et France 24.
288) TV5MONDE au regard de sa distribution dans plus de 200 pays ne peut mesurer
son audience dans la totalité de ceux-ci d’une année sur l’autre. Il peut donc
s’écouler 4 ans parfois plus entre deux mesures.
L’AUDIOVISUEL EXTERIEUR
761
Autres remarques :
Lorsque la Cour indique que la qualité des programmes de TV5
Monde est insuffisante, elle porte un jugement éditorial sur des programmes
qui sont très majoritairement ceux du service public audiovisuel français
dans son ensemble.
Le nouveau plan stratégique réaffirme les valeurs que la chaîne
entend illustrer dans sa programmation :
TV5 Monde valorise la raison et l’échange dans un monde complexe et
conflictuel, tout particulièrement grâce à la pluralité de ses sources de
programmes et à sa capacité à offrir des « regards croisés » sur les
grandes évolutions de notre époque.
TV5 Monde valorise l’engagement au service de causes universelles
tout en respectant la diversité culturelle, combat majeur de la famille
francophone : droits de la personne, développement durable, lutte
contre les grandes pandémies.
TV5 Monde promeut l’action volontariste contre toutes les formes de
passivité ou de démission.
TV5 Monse valorise la curiosité, l’innovation, la qualité des contenus
et offre des grilles diversifiées permettant tant le questionnement que
le divertissement.
Pour chaque genre de programme, la chaîne entend revendiquer ses
choix, y compris dans l’exposition de programmes non français en France :
Notamment en exposant mieux les programmes partenaires dès lors
que, comme l’ensemble des programmes de TV5 Monde, ils sont
adaptés à une diffusion internationale et susceptibles de fédérer de
larges
publics,
tout
particulièrement
à
travers
les
films
et
documentaires qui doivent compléter l’offre magazines.
En réaffirmant la singularité de l’information sur TV5 Monde,
plurielle, fiable, explicative et réactive, qui est un élément central de
son identité. Une meilleure exposition des Journaux télévisés (des
chaînes partenaires et de la rédaction), leur diffusion en direct ou
léger différé autant que possible, la capacité à « casser » les grilles en
cas d’évènements majeurs sont autant de moyens d’y parvenir.
L’implication de la rédaction dans l’univers de TV5 Monde Plus est
désormais un impératif. Ces développements ne peuvent réussir que
grâce à un renforcement des relations avec les rédactions des chaînes
partenaires.
En accentuant la spécificité de ses productions propres (« regards
croisés » et délocalisation régulière des productions pour aller sur le
terrain) et en renouant avec des opérations spéciales en direct.
762
COUR DES COMPTES
En revendiquant ses choix éditoriaux pour chacun des types de
programmes : cinéma et fiction francophones de référence illustrant la
diversité culturelle, valeurs humanistes du sport, mise en perspective
de l’information instantanée à travers une large place faite aux
documentaires, programmes jeunesse de qualité, jeux incitant à la
connaissance…
Enfin, ses grilles de programmes ont été profondément remaniées et
offriront à partir du 26 janvier prochain des programmes de grande qualité
dans le cadre d’une programmation attendue et inattendue destinée à :
Fidéliser les téléspectateurs : grilles lisibles, claires organisées
autour de labels ombrelles horizontaux, articulées en modules
permettant de créer des carrefours repérables pour les journaux
télévisés et de répondre aux contraintes de programmation des
signaux couvrant plusieurs fuseaux horaires.
Et
surprendre
les
téléspectateurs :
cycles
spéciaux
(cinéma,
documentaires,
sitcom
ou
fictions),
programmations
spéciales
(soirées, semaines, saisons ou journées thématiques ; opérations
spéciales délocalisées).
En conclusion,
la révolution technologique et la mondialisation des
marchés déploient aujourd’hui pleinement leurs effets : la numérisation de la
distribution télévisuelle, la multiplication et la diversification de l’offre
concurrentielle et le développement d’un marché de masse pour les nouveaux
médias personnels et mobiles ont des effets profonds, rapides, et durables.
Les chaînes généralistes sont partout dans le monde les premières à
en souffrir, les grands réseaux internationaux également. Dans ce contexte
difficile, TV5 Monde doit réagir pour résister à la pression à la baisse qui
s’exerce sur ses audiences (c.f. supra).
Au total, après deux ans d’hésitations et une longue crise qui avaient :
- Démobilisé ses équipes ;
- Fait apparaître un lourd déficit budgétaire et une perte de 50% de
ses ressources publicitaires ;
- Détourné les pays du Sud qui depuis 2006 ne versaient plus de
contributions au budget de TV5 Monde ;
- Paralysé le développement d’une stratégie multilatérale ;
- Ebranlé la combativité de la chaîne en termes de distribution et de
conquête des audiences ;
TV5 Monde démarre l’année de ses 25 ans avec un budget 2008
exécuté à l’équilibre, un budget 2009 voté également à l’équilibre et qui
permet d’engager la perspective d’un plan stratégique ambitieux qui devrait
permettre à la chaîne de remplir son rôle et les objectifs qui lui sont assignés
dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel extérieur public français.