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Chapitre XIV
La retraite des artistes-auteurs :
une indispensable restructuration
de la gestion
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_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Les artistes-auteurs
sont rattachés à cinq branches professionnelles :
écrivains, auteurs et compositeurs de musique, auteurs des arts graphiques
et plastiques, du cinéma et de l’audiovisuel, et de la photographie.
Ils sont
affiliés au régime général pour la couverture de base, ce qui leur ouvre des
droits aux prestations de sécurité sociale (retraite, maladie et famille), et
à trois régimes spécifiques pour leur retraite complémentaire. Au sein du
régime général, ils cotisent selon des modalités plus avantageuses que
celles des autres assurés, ce qui justifie de vérifier leur affiliation en tant
qu’artiste
-auteur.
Pour la couverture de base,
deux associations agréées par l’État
géraient jusqu’en 2018 l’affiliation, le recouvrement des cotisations,
l’action sociale et l’information des assurés
:
l’
association pour la gestion
de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) pour les écrivains,
compositeurs, artistes-auteurs du cinéma et de la télévision, photographes,
et la Maison des artistes pour les graphistes et plasticiens. Ces
associations ont rencontré des problèmes de gouvernance, doublés pour
l’Agessa
de graves défaillances dans
l’appel des cotisations vieillesse
.
Pour y remédier, les pouvoirs publics ont transféré le recouvrement des
cotisations au réseau des Urssaf à partir de 2019
. L’Acoss (Urssaf Caisse
nationale) en a confié la gestion à l’Urssaf Limousin. L’Agessa et la
Maison des artistes se sont rapprochées pour créer la sécurité sociale des
artistes-auteurs (SSAA), à laquelle ont été confiées, fin 2022, les missions
d’affiliation, d’action sociale et d’information
.
Les trois régimes de retraite complémentaire sont gérés depuis 2012
par
l’institution
de retraite complémentaire de
l’enseignement et de la
création (Ircec), qui collecte les cotisations, en coordination désormais
avec l’Urssaf Limousin
, et verse les pensions de retraite complémentaire
aux artistes-auteurs.
Dans ce contexte, la Cour a souhaité évaluer les principales
évolutions de la gestion des retraites des artistes-auteurs depuis 2019 en
procédant au contrôle des comptes et de la gestion de la SSAA et de l’Ircec.
La population des artistes-auteurs se distingue par une grande
diversité
en termes d’activité
s et de revenus,
à l’origine de
la complexité et
des spécificités de leur système de retraite (I). Des progrès notables ont été
accomplis en matière de gestion par l’
Urssaf Limousin
et par l’Ircec mais
les insuffisances graves et persistantes de la SSAA nécessitent de
poursuivre la restructuration engagée en 2019 (II).
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LA RETRAITE DES ARTISTES-AUTEURS : UNE INDISPENSABLE
RESTRUCTURATION DE LA GESTION
445
Chiffres
-
clés
L’Urssaf Limousin prélève les cotisations obligatoires de sécurité
sociale (474
M€ en 2023, dont 455 M€ au bénéfice de la retraite de base)
auprès d’environ 400
000 artistes-auteurs
691
et 50 000 diffuseurs
692
. La caisse
nationale d’assurance vieillesse (Cnav) verse une retraite de base, selon les
règles applicables aux salariés, à environ 40 000 personnes (en avril 2024)
qui ont cotisé à un moment de leur carrière en qualité d’artistes
-auteurs, soit
dix fois moins que le nombre de cotisants, pour un montant annuel total
estimé à 385
M€.
Pour ce qui concerne les régimes complémentaires, 71 078 artistes-
auteurs cotisaient à l’Ircec et moins de 25
000 artistes-auteurs et leurs ayants
droit percevaient une retraite complémentaire au 31 décembre 2023. Cette
même année, l’Ircec a perçu 145
M€ de cotisations et versé 51,9
M€ de
prestations. Elle disposait, à fin 2023, de 1
Md€ de réserves.
I -
Une population diverse, bénéficiant
d’un système de retraite spécifique
La population des artistes-auteurs se caractérise par une grande
diversité de professions et de revenus d’activité (A). Elle bénéficie d’un
système de retraite spécifique, tenant compte de ses caractéristiques (B).
A -
Un public hétérogène aux revenus disparates
Les artistes-auteurs forment une population peu nombreuse qui
exerce des professions diverses (1), souvent avec des revenus artistiques
faibles complétés par d’autres revenus d’activité (2).
1 -
Des artistes-auteurs en nombre limité, aux professions diverses
En vertu de l’article L.
382-1 du code de la sécurité sociale, les
artistes-auteurs sont affiliés obligatoirement au régime général de la
691
Tirant leurs revenus de l’exploitation d’une création originale, ils se distinguent des
intermittents du spectacle, engagés comme salariés sous contrat à durée déterminée.
692
Un diffuseur est une personne physique ou morale qui verse une rémunération à un
artiste-
auteur en contrepartie de la diffusion ou de l’exploitation commerciale de l’œuvre
originale et du profit pécuniaire qu’il peut en tirer (éditeurs, commerces d’art, etc.).
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sécurité sociale. Le décret n° 2020-1095 du 28 août 2020 a clarifié le
champ des artistes-auteurs au sens de la sécurité sociale en le rapprochant
de celui des
auteurs d’œuvres de l’esprit au sens du code de la propriété
intellectuelle, donnant lieu en général
à des droits d’auteur
693
. De nouvelles
professions correspondant à cette définition ont été intégrées, comme les
auteurs en auto-édition ou ceux de logiciels originaux.
Les revenus artistiques principaux sont tirés de la conception ou de
la création, de l’utilisation ou de la diffusion d’une œuvre, lorsque ces
activités ne sont pas exercées sous la forme du salariat. Les revenus
artistiques accessoires (issus de cours donnés par l’artiste
-auteur ou de sa
participation à des rencontres publiques, etc.), sans être issus par eux-
mêmes d’une activité de création, présentent un lien avec le revenu
artistique principal déclaré.
Selon l’
Urssaf, qui recouvre leurs cotisations sociales, le nombre des
artistes-auteurs augmente et atteignait 390 000 à fin 2023. Ce sont des
hommes à près de 60 % et plus de 40 % résident en Île-de-France.
La répartition par profession est seulement connue pour le principal
régime de retraite complémentaire, auquel cotisent près de 50 000 artistes-
auteurs appartenant à 56 professions artistiques. La plus représentée est
celle des graphistes (23 % en 2022), en raison de
l’e
ssor des activités
numériques dans les années 2000. Les écrivains, photographes,
compositeurs et plasticiens représentent, chacun, 7 à 9 % des cotisants du
régime, et les autres professions artistiques moins de 5 % chacune.
2 -
Une grande disparité de revenus
d’activité, so
uvent faibles
L’observatoire des revenus et de l’activité des artistes
-auteurs, créé
en septembre 2023, recense leurs revenus artistiques, approchés par les
assiettes de cotisation déclarées à l’Urssaf, et leurs autres revenus
694
.
L’assiette de cotisation
correspond au montant brut hors taxes des droits
d’auteur pour ceux, tels la plupart des musiciens ou écrivains, qui déclarent
leurs revenus au fisc dans la catégorie des traitements et salaires, même si
les droits d’auteur ne sont pas des salaires versés pa
r un employeur. Elle
correspond aux bénéfices non commerciaux majorés de 15 %
695
pour ceux,
693
Le droit d’auteur comprend un droit moral incessible (une œuvre appartient à son
créateur) et un droit patrimonial qui permet l’utilisation de l’œuvre en contrepartie
d’une rémunération proportionnelle aux recettes d’exploitation.
694
Salaires des secteurs privé et public, revenus des travailleurs indépendants et des
auto-entrepreneurs, mais pas les retraites, ni les minima sociaux et les autres revenus.
695
Cette majoration correspond approximativement à l’ajout des cotisations sociales
,
afin d’obtenir une assiette de cotisation brute.
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LA RETRAITE DES ARTISTES-AUTEURS : UNE INDISPENSABLE
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notamment des artistes des arts visuels (peintres, sculpteurs, etc.), qui
déclarent leurs revenus dans cette catégorie et déduisent leurs frais
professionnels du mont
ant de la vente de leurs œuvres.
Les 329 068 artistes-
auteurs recensés par l’observatoire en 2022 ont
perçu en moyenne 7 649
de revenus artistiques en 2022. Parmi eux, près
de 15 %
n’
en ont perçu aucun
. Les revenus artistiques non nuls sur l’année
sont disparates et souvent faibles : près de 60 % sont inférieurs à 1 057
et un peu plus de 1 % supérieur à 100 000
.
Graphique n° 44 :
répartition des artistes-auteurs selon leurs revenus
artistiques annuels (assiette de cotisation) en 2022
Note : les tranches de revenus correspondent à des pourcentages de Smic horaire de 2022 (10,57
).
Source
: Cour des comptes, à partir des données de l’observatoire des artistes
-auteurs
Les revenus des artistes-
auteurs sont complétés par d’autres revenus
d’activité dans deux
tiers des cas.
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Graphique n° 45 :
répartition des artistes-auteurs selon la perception
ou non d’autres revenus d’activité en 2022
Source
: Cour des comptes, à partir des données de l’observatoire des artistes
-auteurs
Les autres revenus annuels sont bien supérieurs aux revenus
artistiques, puisque les
revenus totaux d’activité s’él
evaient en 2022 à
93 241
€ en moyenne
. Les revenus artistiques ne sont donc pas la principale
source de revenus pour un grand
nombre d’artistes
-auteurs, par exemple
des chercheurs au titre de leurs publications.
Pour les 110 000 artistes-auteurs
qui n’ont
pas d’autres revenus
d’activité en 2022, les revenus artistiques
sont aussi fréquemment faibles,
représentant 11 700
en moyenne et moins de 988
€ par an
pour la moitié
d’entre eux.
B -
Une couverture vieillesse qui tient compte
des spécificités des artistes-auteurs
Les artistes-auteurs ont été rattachés au régime général pour leur
couverture de base par une loi de 1975
696
(1) et à trois régimes spécifiques
pour leur retraite complémentaire (2). Le montant de leur retraite complète
est difficile à évaluer (3).
696
Loi n° 75-1348 du 31 décembre 1975 relative à la sécurité sociale des artistes-auteurs
d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et
cinématographiques, graphiques et plastiques.
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LA RETRAITE DES ARTISTES-AUTEURS : UNE INDISPENSABLE
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1 -
Une intégration au régime général avec des taux de cotisation
inférieurs pour les hauts revenus
La Cnav liquide les droits à retraite de base des artistes-auteurs selon
les règles du régime général puis leur verse leur pension.
Contrairement aux travailleurs indépendants et aux salariés du
secteur privé, les artistes-auteurs ne paient pas de cotisations vieillesse sur
leurs revenus au-delà du plafond de la sécurité sociale. En effet, depuis
2020, celles-
ci sont prises en charge par l’État
697
. Cela conduit à une
absence de solidarité des artistes-auteurs à hauts revenus envers ceux aux
revenus plus modestes. Il en résulte également un manque d’équité vis
-à-
vis des travailleurs indépendants et des salariés du secteur privé, dont les
revenus supérieurs au plafond annuel de la sécurité sociale se voient
appliquer une cotisation déplafonnée pour la retraite de base.
L
a Cour a estimé le manque à gagner pour l’assurance vieillesse
résultant des écarts de taux entre les artistes-auteurs dont les revenus sont
supérieurs au plafond annuel de la sécurité sociale et les travailleurs
indépendants,
ainsi qu’entre ces mêmes artistes
-auteurs et les salariés
698
, à
partir des revenus artistiques déclarés en 2023. Le manque à gagner serait
d’
environ 40
M€
lorsqu
’on compare
la situation des artistes-auteurs avec
celle des travailleurs indépendants ; il serait plus faible si on la compare
avec celle des salariés.
Dans le respect des principes de solidarité et d’
équité du régime
général, le taux de cotisation vieillesse sur les revenus supérieurs au
plafond de la sécurité sociale pourrait être relevé au-delà du niveau pris en
charge par l’État.
Le précompte des cotisations sociales par les diffuseurs est
obligatoire pour les artistes-auteurs déclarant leurs revenus en traitements
et salaires. En pratique, les organismes de gestion collective, qui négocient
les droits
d’auteur
auprès des diffuseurs et les perçoivent, redistribuent ces
droits, nets de cotisations sociales, aux artistes-auteurs et versent
à l’Urssaf
les cotisations sociales prélevées, en précisant le détail par artiste-auteur
699
.
697
Les artistes-
auteurs ne relèvent pas de l’assurance chômage et n’ont pas bénéficié de
la suppression des cotisations chômage qui a accompagné la hausse de la contribution
sociale généralisée
en 2018. En contrepartie, l’État prend en charge
depuis 2020
notamment les cotisations vieillesse à la charge des artistes-auteurs au-delà du plafond
de la sécurité sociale.
698
En tenant compte des cotisations versées par les diffuseurs et par les employeurs.
699
Excepté le secteur du livre, où ces opérations sont assurées en général par les éditeurs.
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Les organismes de gestion collective
des droits d’auteur
Vingt-trois organismes de gestion collective existent en France. Les
trois principaux en termes de droits d’auteur perçus et distribués sont la
société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), la société
des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et la société civile des
auteurs multimédia (Scam). En 2023, ces trois organismes ont perçu près de
1,9
Md€ de droits d’auteur et en ont réparti près de 1,6
Md€.
Les artistes-auteurs bénéficient en outre de deux dispositifs
spécifiques
: d’une part, la possibilité
de se faire rembourser les cotisations
vieillesse appelées au-delà du plafond de la sécurité sociale en raison de la
diversité de la provenance de leurs revenus et, d’autre part, la possibilité,
si leurs revenus sont faibles, de cotiser sur une assiette forfaitaire pour
valider quatre trimestres de retraite
dans l’année.
2 -
Trois régimes complémentaires prenant en compte la nature
de l’activité artistique
L’
i
nstitution de retraite complémentaire de l’enseignement et de la
création (Ircec) gère, depuis 2012, un régime de retraite complémentaire
pour les artistes-auteurs de toutes professions, le régime des artistes-
auteurs professionnels (RAAP), et deux régimes spécifiques, le régime des
auteurs et compositeurs dramatiques, auteurs de spectacle vivant et auteurs
de films (RACD), mis en place par la société des auteurs et compositeurs
dramatiques (SACD), et le régime des auteurs et compositeurs lyriques
(RACL),
à l’initiative de la
société des auteurs, compositeurs et éditeurs de
musique (Sacem).
L’Ircec
recouvre les cotisations, liquide les droits et
verse la retraite de chacun des trois régimes.
L’assiette de cotisation correspond aux revenus artistiques de
l’année en cours
au RACD, dès le premier euro de revenu. Elle correspond
aux revenus
de l’année précédente au RAAP et au RACL
, qui ont maintenu
un seuil de revenu minimum
700
. Ces seuils marquent le caractère
professionnel des régimes, en écartant les artistes-auteurs qui perçoivent
ponctuellement des droits d’auteur. Leur suppression conduirait à élargir
le
champ des cotisants à des artistes-auteurs avec de faibles droits à retraite.
Fin 2023, 71 078 artistes-auteurs, soit moins de 20 % des affiliés au
régime général, cotisaient pour leur retraite complémentaire, dont certains
à plusieurs des trois régimes.
700
900 fois le Smic horaire (10 142
€ en 2024 pour les revenus de 2023) pour le RAAP
et 3 089,54
€ pour le RACL.
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Graphique n° 46 :
nombre de cotisants à
l’Ircec au 31 décembre 2023
Source
: Cour des comptes, à partir des données de l’Ircec
Le taux de cotisation est de 8 % au régime des artistes-auteurs
professionnels sur une assiette limitée à trois fois le plafond de la sécurité
sociale (139 104
€). Il est de 8
% également au régime des auteurs et
compositeurs dramatiques, avec un plafond de 570 000
€, et de 6,5
% au
régime des auteurs et compositeurs lyriques, avec un plafond de 424 811
€.
Pour limiter le taux global des cotisations versées au titre de la retraite
complémentaire, le taux de cotisation au RAAP est réduit à 4 % sur les
revenus déjà soumis à cotisation au RACD ou au RACL
701
.
Il existe des cotisations de solidarité
702
au RACD et au RACL pour
les retraités qui perçoivent des droits d’auteur et pour certains non
-retraités
ayant des revenus (RACL) ou des droits (RACD) élevés.
Compte tenu de la variabilité dans le temps de leurs revenus, les
artistes-auteurs dont les revenus passent en-deçà du seuil au RAAP et au
RACL peuvent demander à continuer à cotiser
703
. Pour ceux dont les
revenus sont les plus faibles, il est également possible,
au choix de l’assuré
,
de cotiser au taux réduit de 4 % au RAAP. Ainsi, un artiste-auteur, dont
l’assiette sociale au
RAAP est juste inférieure à 30 429
€,
pourra réduire sa
cotisation d’environ
1 200
€,
avec moins de droits en contrepartie.
701
Soit 12 % (4 % + 8 %) pour un scénariste de film (RAAP et RACD) et 10,5 % (4 % + 6,5 %)
pour un compositeur de musique (RAAP et RACL), contre 10,37
% à l’Agirc
-Arrco et 7 % au
régime complémentaire des travailleurs indépendants sous le plafond de la sécurité sociale.
702
Ces cotisations ne donnent pas de droits à retraite en contrepartie.
703
Ou, au RAC
D, si l’artiste
-
auteur n’a pas perçu de droit d’auteur cette année
-là.
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Les producteurs d’œuvres audiovisuelles prennent en charge 25
%
de la cotisation au régime des artistes-auteurs professionnels et de celle au
régime des auteurs et compositeurs dramatiques de leurs auteurs. Les
écrivains, traducteurs littéraires ou illustrateurs peuvent bénéficier d’une
prise en charge de 50 % de leurs cotisations au régime des artistes-auteurs
professionnels par la société française des intérêts des auteurs de l'écrit
(Sofia) au titre du droit de prêt en bibliothèque
704
, sous certaines
conditions
705
.
Le paiement des cotisations a été simplifié avec le prélèvement à la
source : la SACD et les producteurs audiovisuels précomptent les
cotisations au RAAP et au RACD, la Sacem le fait pour le RACL et la
Scam, depuis juillet 2021, verse un acompte sur la cotisation au RAAP à
devoir l’année suivante à hauteur de 4
%.
3 -
Des retraites difficiles à évaluer
Les artistes-auteurs qui font valoir leurs droits à la retraite ne sont
pas soumis à
la cessation d’activité et peuvent continuer à percevoir des
droits d’auteur
. Ils continuent à cotiser et à acquérir des droits au régime
général depuis la réforme en 2023 du cumul emploi-
retraite, ce qui n’est
pas le cas dans les régimes complémentaires
706
.
Le nombre d’artistes
-auteurs retraités de droit direct et de
bénéficiaires de pensions de réversion au 31
décembre 2023 est d’environ
40 000 personnes à la Cnav
707
et de 24
612 à l’Ircec. Leur répartition entre
les trois régimes complémentaires est similaire à celle des cotisants.
D’après la Cnav, la
pension de base perçue par les artistes-auteurs
s’élevait en
moyenne annuelle à 9 811
€, soit un montant un peu supérieur
à l’ensemble des retraités de la Cnav à fin 2023
(environ 9 100
€)
. La part
de cette pen
sion liée à l’activité d’artiste
-auteur reste toutefois, en règle
générale, limitée, les retraités considérés
n’a
yant cotisé en qualité
d’artistes
-
auteurs qu’en moyenne 12
années de leur carrière parmi les
31 années validées au régime général.
704
Le droit de prêt permet aux auteurs et aux éditeurs d’être rémunérés au titre du prêt
de leurs livres en bibliothèque.
705
En application de l’article L.
382-12 du code de la sécurité sociale, pour ceux tirant
plus de 50 %
de leurs revenus de droits d’auteur pour des livres, sous certaines limites.
706
Des cotisations de solidarité sont dues au RACD et au RACL mais il n’est plus
possible d’acquérir de droits quand la retraite est liquidée.
707
Les artistes-auteurs à la retraite sont fondus parmi les retraités du régime général et
difficiles à identifier. La Cnav recensait, en avril 2024, 39 225 retraités du régime
général ayant eu une période d’activité cotisée en tant qu’artiste
-auteur.
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LA RETRAITE DES ARTISTES-AUTEURS : UNE INDISPENSABLE
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En 2022, la pension complémentaire moyenne annuelle de droit
direct
pour les retraités bénéficiant de retraites complémentaires à l’Ircec
était de 1 315
au régime des artistes-auteurs professionnels, 1 650
au
régime des auteurs et compositeurs dramatiques et 3 668
au régime des
auteurs et compositeurs lyriques
, soit moins qu’à l’Agirc
-Arrco (environ
6 200
). Cet écart doit être relativisé car les retraites complémentaires des
artistes-auteurs peuvent se cumuler
entre elles et avec celles d’autres
régimes complémentaires. Les pensions complémentaires sont dispersées,
à l’instar des revenus artistiques
: pour le RAAP, 50 % des retraités
perçoivent moins de 636
de pension annuelle et 10 % plus de 3 345
.
Les données font défaut pour estimer le montant total de la retraite des
artistes-
auteurs, au régime général, à l’Ircec mais aussi dans les autres
régimes de retraite. Fin 2016
708
, pour ceux qui ont acquis des droits à l’Ircec,
la pension totale moyenne était estimée à 1 538
€ par mois (dont 281
€ au
titre de l’Ircec), supérieure à celle de l’ensemble des retraités (1
435
€). Cette
moyenne masquait sans doute de fortes disparités, que la taille trop faible de
l’échantillon des retraités de l’Ircec ne permettait pas de mesurer.
II -
Des améliorations notables de la gestion
des retraites, une restructuration à poursuivre
La gestion de la couverture de base a été réformée en profondeur en
2019, tandis que la gestion par une caisse unique des régimes de retraite
complémentaires se consolidait (A). Ces évolutions se sont traduites par des
améliorations notables dans la couverture retraite des artistes-auteurs (B)
malgré les défaillances de la sécurité sociale des artistes-auteurs (C).
A -
Une réforme inaboutie de la gestion de la couverture
de base, une consolidation de la gestion des régimes
complémentaires
La nouvelle organisation de la gestion de la retraite de base résulte
d’un processus long
et heurté, insuffisamment accompagné par les
ministères de tutelle (ministères chargés des affaires sociales et de la
culture) et par la direction de la sécurité sociale des artistes-auteurs (1).
À l’inverse, bien que complexe, la gestion des trois régimes de retraite
complémentaire a fait preuve d’efficacité (2).
708
À partir de l’échantillon inter
-régimes de retraités de 2016, le dernier exploité par la
Drees, qui recense pour chaque retraité tous ses droits à retraite au 31 décembre 2016.
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454
1 -
Une restructuration mal accompagnée de la gestion
de la couverture de base
Jusqu’en 2019,
deux associations agréées par les ministères chargés
de la culture et des affaires sociales, l’Agessa
pour les écrivains,
compositeurs, artistes-auteurs du cinéma et de la télévision, photographes
et la Maison des artistes pour les graphistes et plasticiens, étaient chargées
du recouvrement des cotisations vieillesse des artistes-auteurs. Ces
cotisations étaient appelées auprès de ceux dont les revenus artistiques
déclarés étaient supérieurs à 900 fois le Smic horaire
dans l’année (les
« affiliés »).
Faute d’identifier les artistes
-auteurs aux revenus inférieurs à
ce seuil (les « assujettis
»), l’Agessa, contrairement à la Maison des
artistes
709
, n’a pas appelé de cotisations vieillesse auprès d’une grande
majorité d’entre eux pendant plusieurs dizaines d’années. Les droits à
retraite correspondants ne leur ont donc pas été ouverts.
Ces dysfonctionnements graves ont été à plusieurs reprises signalés aux
ministères de tutelle par l’Agessa et la Maison des artistes
710
, les organisations
professionnelles et les artistes-
auteurs. Aucune mesure corrective n’a toutefois
été prise avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Les ministères de tutelle ne se sont en outre pas mis en situation de
définir une vision partagée de l’év
olution de la gestion de la retraite de base
des artistes-auteurs. Avec la mise sous administration provisoire de la
Maison des artistes et de l’Agessa, les artistes
-auteurs ont été écartés de la
gouvernance de leur couverture de base pendant huit années.
C’est seulement après la réforme de 2019 que la gouvernance
de la
retraite de base a été structurée avec, fin 2020,
la création d’une délégation
chargé
e de l’élaboration d’une politique générale de protection sociale des
artistes-auteurs au sein du ministère de la culture et, fin 2022, la désignation,
à l’issue d’une enquête de représentativité, d’un conseil d’administration
pour la sécurité sociale des artistes-auteurs (SSAA), association agréée fin
2022 en lieu et place de l’Agessa et de la Maison des art
istes.
709
La Maison des artistes appelait toutes les cotisations auprès de ses adhérents, à
hauteur des revenus artistiques déclarés pour la plupart d’entre eux en bénéfices non
commerciaux, alors que les cotisations sur les revenus artistiques des artistes-auteurs
relevant de l’Agessa, principalement déclarés en traitements et salaires, étaient
précomptés par leurs diffuseurs et organismes de gestion collective, à l’exception de la
cotisation vieillesse plafonnée, faute de connaître l’intégralité des revenus.
710
En mai 2016, les associations agréées ont demandé des moyens supplémentaires pour
refondre leur système d’informations afin d’assurer le recouvrement des cotisations
vieillesse plafonnées. Les ministères de tutelle n’ont pas donné suite à cette demande.
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LA RETRAITE DES ARTISTES-AUTEURS : UNE INDISPENSABLE
RESTRUCTURATION DE LA GESTION
455
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a transféré le
recouvrement des cotisations vieillesse au réseau des Urssaf, avec un appel
de cotisations provisionnelles dès le premier euro de revenus artistiques de
l’année
en cours, régular
isé l’année suivante
711
. Cette réforme a conduit à
une hausse sensible du nombre
d’artistes
-auteurs cotisant pour leur retraite
de base. En 2018, le nombre de cotisants relevant de la Maison des artistes
et de l’Agessa était estimé à
79 305
712
et pour la grande majorité des
186 157
assujettis de l’Agessa, il n’y avait pas d’appel de cotisations. Le
nombre de cotisants est passé à 62 167 en 2019 puis il a augmenté chaque
année pour atteindre 389 719 en 2023. Dans le même temps, les cotisations
recouvrées sont passées de 273
M€ en 2018 (Agessa
et Maison des artistes)
à 474
M€ en 2023
(Urssaf Limousin).
Graphique n° 47 :
nombre d’artistes
-
auteurs recensés par l’Agessa,
la Maison des artistes puis l’Urssaf Limousin au 31 décembre
Source
: Cour des comptes, d’après
les données de l’Agessa, de la Maison des artistes et de
l’Urssaf Limousin
La réforme ayant été mal anticipée, sa mise en œuvre a été marquée
par des échanges limités et peu fluides entre l’Agessa, la Maison des
artistes, puis la sécurité sociale des artistes-
auteurs (SSAA) et l’Urssaf
Limousin.
L’articulation
entre
leurs
interventions
a
été
définie
progressivement et tardivement, conduisant à une répartition des missions
711
Au
paravant les cotisations étaient payées l’année suivante, une fois les revenus connus,
et seulement au-
delà d’un seuil d’ouverture des droits de 900
fois le Smic horaire.
712
46 162 affiliés (29 222 pour la Maison des artistes, 16
940 pour l’Agessa) et 33
143
assujettis de la Maison des artistes.
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COUR DES COMPTES
456
et des processus peu efficients, au regard des missions résiduelles confiées
à la SSAA
(l’affiliation et le contrôle du respect du champ du régime, le
secrétariat de la commission d’action sociale et l’information sur la
protection sociale des artistes-auteurs).
Cette réforme n’a pas non plus fait l’objet d’un accompagnement
suffisant auprès des artistes-auteurs, dans un contexte marqué par des
mesures spécifiques liées à la pandémie de covid 19. Ceux-ci ont été
confrontés à de nombreuses difficultés techniques et administratives durant
les premières années suivant la réforme, tandis que l’
Urssaf Limousin,
physiquement moins accessible que la Maison des artistes et l’Agessa,
situées à Paris, devenait leur principal interlocuteur. Les organisations
professionnelles et les organismes de gestion collective ont été fortement
mobilisés pour expliquer la réforme et accompagner les artistes-auteurs
dans leurs démarches.
La mise en place de la contemporanéité du recouvrement à partir de
2019
a été accompagnée d’u
n dispositif exceptionnel proposé aux artistes-
auteurs,
leur
permettant
d’ouvrir
,
sous
conditions,
des
droits
supplémentaires à la retraite en contrepartie du versement de cotisations,
pour compenser les trois semestres au titre desquels des cotisations
n’
avaient pas été appelées. Moins de 2 000 artistes-auteurs ont eu recours
à ce dispositif,
aujourd’hui clos.
2 -
Des régimes complémentaires gérés par une caisse autonome
Les trois régimes complémentaires des artistes-auteurs, instaurés au
début des années 1960, ont été gérés par différentes caisses avant d’être
réunis au sein d’une caisse unique, l’Ircec, instituée par décret du
30 décembre 2011 et autonome depuis 2015
713
. L’Ircec seule dispose de la
personnalité juridique mais les trois régimes qu’elle gère sont autonomes
dans leur fonctionnement, leurs instances et leur financement.
Malgré une comitologie abondante, avec soixante administrateurs
en fonction dans quatre conseils d’administration (un pour l’Ircec et un
propre à chaque régime) et une dizaine de commissions, l’organisation de
l’Ircec est fluide. Elle donne satisfaction aux p
rofessionnels, représentés
par des pairs qui sont en capacité d’appréhender la diversité des assurés de
ces régimes.
713
L’Ircec a quitté le groupe Berri, qu’elle avait créé en 1959 avec trois autres caisses de
l’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales, le 1
er
octobre 2015.
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LA RETRAITE DES ARTISTES-AUTEURS : UNE INDISPENSABLE
RESTRUCTURATION DE LA GESTION
457
L’Ircec a développé des relations efficaces avec les organismes de
gestion collective, l’Urssaf et les ministères de tutelle.
En raison d’
une démographie favorable, avec plus de deux cotisants
par retraité au RAAP (artistes-auteurs professionnels) et au RACL (auteurs
et compositeurs lyriques), et plus de trois au RACD (auteurs et
compositeurs dramatiques, auteurs de spectacle vivant et auteurs de films),
les trois régimes présentent des résultats excédentaires et leurs réserves,
gérées de manière dynamique, augmentent.
Graphique n° 48 :
évolution du montant des réserves par régime
en M€ (2019
-2023)
Source
: Cour des comptes à partir des rapports d’activité de l’Ircec
Selon les projections actuarielles établies avant la réforme des
retraites de 2023, le nombre de cotisants par retraité va toutefois
rapidement diminuer. Les résultats deviendraient déficitaires à partir de
2032 pour le régime des auteurs et compositeurs lyriques, 2034 pour le
régime des auteurs et compositeurs dramatiques et 2045 pour le régime des
artistes-auteurs professionnels
; les réserves s’épuiseraient à l’horizon
2070 (2062 pour le RACD).
La gestion financière des réserves de chaque régime est déléguée à
des gestionnaires d’actifs, choisis avec l’appui d’un cabinet de conseil en
investissement, qui réalise chaque année une analyse détaillée des frais de
gestion. Un suivi régulier et rigoureux de la gestion financière est effectué
par les commissions des placements de chaque régime et par le conseil
d’administration de l’Ircec.
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458
Des rendements élevés
Le RAAP, le RACD et le RACL sont des régimes en points. En 2024,
le rendement est d’environ 10
% au RAAP et au RACD, et 6 % au RACL.
Cela signifie que chaque euro cotisé donne droit à respectivement 10 et
6 centimes de pension annuelle, soit 2
€ et 1,20
€ pendant toute la durée de la
retraite
714
. Le retraité reçoit ainsi davantage de pensions qu’il n’a versé de
cotisations. Il récupère la totalité de ses cotisations après seulement 10 années
de retraite au RAAP et au RACD et 16,7 années de retraite au RACL.
Afin de favoriser l’équilibre financier sur longue période des trois
régimes, leurs conseils d’administration baissent progressivement les
rend
ements des régimes. Le développement de l’intelligence artificielle
générative
715
, rendant
plus incertaines les perspectives d’évolution du
nombre d’artistes
-
auteurs et de leurs revenus, pourrait justifier d’accélérer
cette réduction.
Une fusion des trois régimes ne serait pas opportune à brève
échéance. Elle irait dans le sens de la simplification mais se heurterait à la
diversité des professions artistiques. En outre, elle supposerait au préalable
une convergence des règles de seuil d’affiliation et de cot
isation ainsi
qu’une convergence des rendements.
B -
Des progrès en matière de recouvrement
des cotisations et de services rendus aux assurés
La restructuration de
2019 a permis d’améliorer la fiabilité du
recouvrement des cotisations, y compris aux régimes complémentaires (1)
mais le dispositif de régularisation des cotisations arriérées, complexe, est
peu utilisé (2). Une offre de services s’est progressivement déployée pour
accompagner les artistes-auteurs (3).
1 -
Une amélioration du recouvrement des cotisations
Concernant les cotisations au régime de base, les revenus perçus en
2019 n’ont pas été soumis à cotisations pour éviter un double appel cette
année-là. Puis le recouvrement a été suspendu pendant la crise sanitaire
avant de reprendre progressivement. En avril 2024, le montant des
714
L’espérance de vie à 65 ans
(âge moyen de départ à la retraite en 2022 dans les trois
régimes) est selon l’Insee d’environ 19 ans pour les hommes et 23 ans pour les femmes.
715
Système d'intelligence artificielle capable de produire du texte, des images ou
d'autres médias.
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LA RETRAITE DES ARTISTES-AUTEURS : UNE INDISPENSABLE
RESTRUCTURATION DE LA GESTION
459
cotisations et contributions restant dues par les diffuseurs et par les artistes-
auteurs s’établissait à 1,9
M€ pour l’année 2020 sur un total de 338
M€, et
à 29
M€ pour l’année 2023 sur un total de 474
M€.
Au regard des priorités qui ont suivi le transfert du recouvrement,
l’Urssaf
Limousin n’a pas suffisamment déployé de contrôles
de
l’assiette
des revenus artistiques.
L’Ircec recouvre les cotisations dues au titre des trois régimes
complémentaires selon des modalités différentes.
Pour le régime des auteurs et compositeurs dramatiques et pour le
régime des auteurs et compositeurs lyriques, les cotisations sont
précomptées ou prélevées à la source respectivement par la SACD et la
Sacem. L
es taux d’encaissement
après régularisation
s’établissent
chaque
année à près de 100 % dans les deux cas.
Pour le régime des artistes-auteurs professionnels, les cotisations
sont précomptées au taux minimum de 4
% sur les revenus de l’année ou
font l’objet d’appels de cotisations de l’Ircec, selo
n le régime fiscal retenu
par l’artiste
-
auteur. Du fait notamment de la variation des revenus d’un
exercice à l’autre et des options de taux applicables (4
% ou 8
%), l’Ircec
effectue ensuite des appels complémentaires et des régularisations. Compte
tenu de ces modalités de recouvrement, l
e taux d’encaissement des
cotisations du RAAP
de l’année 2019 s’él
evait à fin 2023 à 96 %.
Le conseil d’administration du RAAP a décidé la suspension du
recouvrement forcé pour le RAAP pendant la crise sanitaire. Les actions
ont été reprises depuis 2022, en ayant recours à un commissaire de justice.
Dans tous les cas, le renforcement de la fiabilité des données
transmises par l’Urssaf Limousin participe à l’amélioration de l’appel des
cotisations.
Entre 2019 et 2023, les coûts de recouvrement sont restés constants
pour le RACD et pour le RACL, s’établissant respectivement à 0,10
% et
à 0,54 %. Ils sont plus élevés et en hausse pour le RAAP, passant de 0,64 %
en 2019 à 1,10
% en 2023. Cela s’explique par la forte hausse
des
encaissements et des frais de recouvrement du commissaire de justice,
estimés par l’Ircec à environ 10
% des encaissements concernés. Par
comparaison, les coûts de recouvrement du réseau des Urssaf, sur un
champ plus large
716
, sont compris entre 0,32 % et 0,35 %
717
.
716
Les Urssaf sont chargées du recouvrement des cotisations dues au titre des cinq
risques couverts par le régime général.
717
Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale
2023 annexé au projet de loi
de financement de la sécurité sociale.
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460
2 -
La régularisation de cotisations arriérées, un dispositif
complexe et peu utilisé
Un dispositif de régularisation des cotisations vieillesse plafonnées
a été mis en place en 2017, afin de permettre aux artistes-auteurs qui
n’auraient pas cotisé
depuis 1976
pour l’assurance vieillesse de base
de
valider des trimestres de retraite. Ce dispositif, ouvert jusqu’au
31 décembre 2027, est géré par la Cnav, en lien avec la sécurité sociale des
artistes-auteurs, qui peut être consultée lorsque les pièces justificatives
transmises à l’appui des demandes soulèvent des difficultés d’interprétation
.
Entre 2019 et 2023, 1 380 demandes de régularisation ont été
enregistrées par la Cnav, soit une faible proportion des nombreux artistes-
auteurs dont les cotisation
s n’auraient pas été appelées par l’Agessa.
Bien que les modalités de traitement des dossiers entre la Cnav et la
SSAA aient récemment été revues, le dispositif se heurte à la complexité
des demandes. Il s’agit de reconstituer, par année civile, des revenu
s
artistiques auprès de diffuseurs qui peuvent ne plus exister. Les délais de
traitement sont longs, jusqu’à deux ans ou plus pour les dossiers les plus
complexes.
Depuis 2024, l’action sociale de la SSAA peut prendre en charge une
partie de la régularisation des cotisations arriérées, avec un plafond qui ne
peut dépasser 100 % (50
% jusqu’en juin 2024)
de la valeur mensuelle du
plafond de la sécurité sociale (3 864
€) alors que
le montant moyen estimé
du rachat de cotisations arriérées par la Cnav est de l’ordre de 9
000
€.
Ces régularisations sont une réponse apportée par le législateur au
fait que des cotisations n’aient pas été appelées par l’Agessa. Les
interprétations demeurent divergentes entre la SSAA et les artistes-auteurs
pour savoir s’il incombait à l’Agessa d’effectuer un recensement
permanent des artistes-
auteurs et d’appeler les cotisations, ou aux artistes
-
auteurs de déclarer leurs ressources, ce qui a donné lieu à des recours.
3 -
Des services qui répondent désormais aux attentes
des artistes-auteurs
Depuis 2019, une offre d’accueil des artistes
-
auteurs s’est déployée
au sein de l’Urssaf Limousin. Elle s’organise autour d’un canal d’entrée
et d’un portail
spécifique, accessible
via
le site https://www.urssaf.fr aux artistes-auteurs
et aux diffuseurs. Chaque co
tisant dispose d’un espace personnel lui
permettant d’effectuer différentes démarches, de s’informer sur ses droits
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LA RETRAITE DES ARTISTES-AUTEURS : UNE INDISPENSABLE
RESTRUCTURATION DE LA GESTION
461
et d’entrer en contact avec les services de l’Urssaf Limousin. Deux
artistes-
auteurs sur trois se sont déclarés satisfaits de l’utilisation
de leur
compte en ligne.
En cas de difficultés, les cotisants disposent d’autres canaux de
contact. Le courrier électronique, avec près de 200 000 contacts en 2023,
est le plus utilisé, avant le téléphone et le courrier postal.
En lien avec la transformation digitale du réseau des Urssaf,
l’arrivée prochaine de nouveaux agents conversationnels recourant à
l’intelligence artificielle permettra d’aligner la qualité du service rendu par
l’Urssaf Limousin aux artistes
-auteurs sur les standards du réseau des
U
rssaf. Elle devrait permettre d’améliorer le taux de satisfaction des
artistes-auteurs qui, malgré les progrès constatés, demeure encore inférieur
à celui des autres catégories de cotisants.
Comme le régime général, l’Ircec propose aux artistes
-auteurs une
offre de services qui s’appuie sur différents canaux de contact (site Internet
https://www.ircec.fr, accueil physique, téléphone et courrier électronique)
dans l’objectif de les informer, les conseiller et les accompag
ner dans leurs
démarches en matière de retraite complémentaire. Plus de 80 % des assurés
et 4
000 maisons de production du cinéma et de l’audiovisuel disposaient
d’un compte personnel en 2022, leur permettant de régler leurs cotisations
en ligne, de prendre rendez-vous avec un conseiller et, depuis 2022,
d’accéder à un historique des paiements et d’obtenir un échelonnement du
paiement des cotisations en ligne.
Ces évolutions ont permis à l’Ircec d’offrir une qualité de service
comparable aux standards du régime général et des caisses de retraite des
professionnels libéraux, à l’exception notable de la relation téléphonique. De
2019 à 2023, environ 20 000 appels téléphoniques par an, soit dix fois moins que
pour la retraite de base, ont été reçus par l’Ircec
et moins d’un assuré sur deux en
moyenne a pu
dialoguer avec un conseiller. Bien que l’Ircec ait mis en place une
politique de rappel, dont trois quarts sont réalisés dans les vingt-quatre heures,
cette situation mérite d’être améliorée. Le conseil d’administration de l’Ircec a
approuvé une autorisation de dépense permettant de renforcer les ressources
affectées à l’accueil téléphonique à compter du premier trimestre 2025
.
C -
Une réorganisation à poursuivre
La répartition inefficiente des missions entre la sécurité sociale des
artistes-auteurs et les autres organismes de sécurité sociale (1) et les
nombreuses défaillances dans la gestion administrative et comptable de la
SSAA (2) imposent de poursuivre la restructuration engagée en 2019 (3).
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462
1 -
Une répartition inefficiente des missions avec le régime général
La sécurité sociale des artistes-
auteurs est chargée de l’affiliation des
nouveaux artistes-
auteurs et du contrôle du respect du champ d’application
du régime. En pratique, depuis le transfert du recouvrement, que les activités
artistiques soient déclarées par les diffuseurs ou par les artistes-auteurs eux-
mêmes, les données sont en premier lieu collectées par l’Urssaf Limousin,
qui recouvre les cotisations sociales. Pour pouvoir inscrire les sommes
recouvr
ées au compte de l’artiste
-
auteur, l’Urssaf Limousin procède à son
immatriculation, puis transmet ces informations pour affiliation à la SSAA.
L’Urssaf Limousin n’est pas en capacité de traiter les éventuelles
décisions de rejet de la SSAA. Elle ne dispos
e en effet d’aucun pouvoir de
radiation d’office des artistes
-
auteurs. Les contrôles de l’affiliation
effectués par la SSAA dans un second temps sont donc sans effet. La SSAA
ne réalise plus de contrôles
a posteriori
sur la base de factures, ce
qu’effectuait l’Agessa avant le transfert du recouvrement des cotisations.
Le champ de l’action sociale de la SSAA est limité à l’aide à la
surcotisation dite forfaitaire, permettant à ceux dont les revenus artistiques
sont inférieurs à 600 fois le Smic horaire de co
tiser jusqu’à ce seuil
718
, afin
notamment de
valider quatre trimestres de retraite dans l’anné
e. Depuis
2024, elle finance aussi l’aide à la régularisation de cotisations arriérées.
Sur la période 2019-2023, 1 243
demandes d’aide à la surcotisation
forfaitai
re ont été examinées par la commission d’action sociale de la SSAA.
En l’absence de critères d’attribution objectifs, la plupart des demandes ont été
accordées à hauteur du montant minimum de cotisation nécessaire pour
acquérir quatre trimestres (430
en 2024), quel que soit le nombre de trimestres
déjà validés par l’artiste
-auteur sur la base de ses revenus artistiques ou autres.
L’absence d’échange d’informations entre la sécurité sociale des artistes
-
auteurs, l’Ircec et des organismes de gestion collect
ive, qui allouent également
ce type d’aides, ne permet pas à la SSAA d’envisager l’attribution d’un montant
variable d’aide au rachat de cotisations arriérées selon les demandes.
En termes d’information, la SSAA a mis en place une relation
multicanale de bonne qualité vers les artistes-auteurs et les diffuseurs mais
elle demeure peu utilisée. N
ombre de services et d’informations proposés
se retrouvent sur différents portails auxquels renvoie le site de la SSAA,
comme celui de la Cnav en matière de retraite
ou celui de l’Urssaf
Limousin en matière de cotisations, ce qui contribue à la baisse
significative de la notoriété et de l
’image
de la SSAA.
718
Le seuil était égal à 900 fois le Smic horaire avant 2021.
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RESTRUCTURATION DE LA GESTION
463
2 -
Une gestion comptable et administrative défaillante,
héritage des organismes préexistants
La réforme de 2019 a conduit au transfert des trois-quarts du
personnel de la SSAA vers le réseau des Urssaf à compter du
1
er
janvier 2019. Opposés au transfert, 24 salariés sont restés à la SSAA ;
ils n’ont pas bénéficié d’un plan d’accompagnement vers l’organisation
cible prédéfinie au regard des missions résiduelles de la SSAA.
Cinq ans après le transfert, la SSAA comptait en 2023 près de
28 équivalents temps plein, dont plus de 70 % de cadres, et un taux
d’absentéisme anormalement élevé de 16,8
% malgré une politique salariale
et de temps de travail avantageuse. Insuffisant pour accompagner le transfert
du recouvrement des cotisations dans les premiers mois qui ont suivi la
réforme, l’effectif de la SSAA est actuellement en sous
-activité. Le climat
social est tendu et des situations de souffrance au travail ont été déclarées.
La SSAA loue, pour un montant annuel de 642 924
€ en 2023, un
hôtel particulier de plus de 1 000 m² dans le X
e
arrondissement de Paris, où
elle accueille marginalement du public
719
.
Avec un taux d’occupation de plus
de 40 m² par salarié, alors que les trois-quarts des salariés pratiquent le
télétravail au moins une fois par semaine, ces locaux sont disproportionnés.
Depuis 2019, les budgets de la Maison des artistes, de l’Agessa puis
de la SSAA n’ont jamais été produits aux ministères de tutelle avant le
début de l’année budgétaire, conduisant à verser la dotation de
fonctionnement (4,7
M€ en 2023)
sur la base de l’exécution de l’année
précédente. Aucune analyse de l’exécution budgéta
ire, permettant de
s’assurer de l’adéquation de la dotation aux dépenses, n’a été réalisée.
Sur
le plan comptable, en dépit de leurs obligations, les deux associations n’ont
ni fait certifier ni publié leurs comptes
720
.
Le contrôle interne est resté embryonnaire. Une cartographie des
risques a été établie mais elle n’a pas été actualisée.
Les procédures de la commande publique n’ont pas toujours été
appliquées avec suffisamment de rigueur, notamment en ce qui concerne
l’attribution et le suivi du marché de refonte de l’applicatif métier de la
SSAA. Ainsi, après une mauvaise expression des besoins, l’absence de
pilotage et de suivi de l’exécution de ce marché a conduit à un dérapage de
son coût supérieur à 1
M€, soit 2,5 fois le montant initial du marché. L’o
util
informatique développé n’est pas utilisé par les services, qui se trouvent
contraints de continuer à utiliser des applicatifs vieillissants et défaillants.
719
Une centaine d’artistes
-auteurs ont été accueillis dans ces locaux en 2023.
720
À l’exception des comptes portant sur l’exercice 2023.
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464
3 -
Un
statu quo
impossible
Au regard des défaillances de la SSAA, l’organisation de la gestion
de la retraite de base des artistes-auteurs doit continuer à évoluer. Les trois
missions de la sécurité sociale des artistes-auteurs devraient être
progressivement transférées à l’Urssaf
Limousin, qui est aujourd’hui
davantage reconnue comme l’interlocuteur d
es artistes-auteurs. Cette
dernière pourrait, de manière plus efficiente, assurer l’affiliation en plus de
l’immatriculation des artistes
-auteurs. Elle aurait vocation à gérer l
’action
sociale de la SSAA, qui consiste en des aides aux paiements de cotisations.
Elle assure déjà en partie et avec succès l’information sur les droits sociaux,
en relation avec les autres organismes de la sécurité sociale. Des
collaborateurs de la sécurité sociale des artistes-auteurs pourraient être
repris par le régime général et mettre à profit leur expertise du secteur des
artistes-auteurs.
Il reviendrait à une instance nationale de représentation des artistes-
auteurs, à l’instar du conseil d’administration de la SSAA, d’arbitrer les cas
les plus complexes en matière d’affiliation et d’action sociale. Cette
instance serait l’interlocutrice des ministères de tutelle concernant la
protection sociale de base des artistes-auteurs, qui constituent une
population relativement isolée.
En plus de l’amélioration attendue du
service, une telle réorganisation induirait des économies de gestion,
notamment en matière de charges locatives et de système d’information.
La gestion des régimes complémentaires des artistes-auteurs
resterait du ressort de l’Ircec et le pilotage de ces régimes et de leurs
réserves du ressort de leurs conseils d’administration.
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LA RETRAITE DES ARTISTES-AUTEURS : UNE INDISPENSABLE
RESTRUCTURATION DE LA GESTION
465
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La gestion du système de retraite des artistes-auteurs, complexe du
fait de ses multiples spécificités, a été profondément restructurée depuis
2019, permettant, après une période de transition difficile, d’améliorer le
niveau des services rendus.
Les spécificités au sein du régime général et des régimes
complémentaires se justifient par la nécessaire prise en compte de la
diversité, notamment économique, des situations des artistes-auteurs.
Certaines méritent toutefois d’être revues dans une perspective de
simplification et de meilleure équité entre les artistes-auteurs et les autres
professions.
L’organisation en place depuis 2019 pour gérer la retraite de base
reste largement inefficiente, la sécurité sociale des artistes-auteurs (SSAA)
n’ayant toujours pas trouvé sa place. Une poursuite de la restructuration
engagée en 2019 s’impos
e.
La Cour formule les trois recommandations suivantes :
49.
conformément aux principes de solidarité et d’équité du régime
général de sécurité sociale, relever le taux de cotisation vieillesse sur
les revenus supérieurs au plafond de la sécurité sociale au-delà du
niveau pris en charge par l’État (ministère du travail, de la santé, de
la solidarité et des familles, ministère de la culture);
50.
mettre en place sans délai le contrôle de l’assiette des cotisations
sociales des artistes-
auteurs afin de s’assurer de l’exactitude et de
l’exhaustivité des déclarations (Agence centrale des organismes de
sécurité sociale);
51.
transférer à l’Urssaf Limousin les missions actuellement confiées à la
sécurité sociale des artistes-
auteurs (affiliation, gestion de l’action
sociale et information) et confier à une instance nationale de
représentation des artistes-
auteurs le soin d’arbitrer les cas les plus
complexes en matière d’affiliation et d’action sociale (ministère du
travail, de la santé, de la solidarité et des familles, ministère de la
culture, sécurité sociale des artistes-auteurs, Agence centrale des
organismes de sécurité sociale).
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