Chapitre XII
Le service public des pensions
alimentaires : une montée en charge
rapide, une qualité de service
en deçà des attentes
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_____________________ PRÉSENTATION_____________________
En cas de séparation d’un couple avec enfant(s), un juge aux
affaires familiales ou les deux parents peuvent décider que l’un des parents
verse à l’autre chaque mois une contribution financière, dite
« pension
alimentaire
», au titre de la participation à l’entretien et à l’éducation des
enfants.
Au regard des difficultés rencontrées, souvent par des mères de
famille, pour obtenir le paiement des pensions alimentaires, le
Gouvernement a progressivement mis en place un « service public des
pensions alimentaires ». Ce nouveau service public, annoncé en 2014 et
créé en 2017, est géré par l’Agence de recouvrement et d’intermédiation
des pensions alimentaires (Aripa)
604
qui s’appuie, pour exercer sa mission,
s
ur le réseau des caisses d’allocations familiales (CAF) et de la Mutualité
sociale agricole (MSA).
Ces caisses versaient déjà, depuis 1984, une allocation de soutien
familial aux parents élevant seuls leurs enfants et procédaient, en cas de
non versement de la pension alimentaire par le parent débiteur, au
recouvrement des impayés de pension, lorsque le parent créancier en
faisait la demande.
La nouveauté du service public des pensions alimentaires consiste
à faire automatiquement recouvrer les pensions alimentaires par les CAF
et la MSA pour les reverser aux parents créanciers, même en l’absence
d’impayés, sauf opposition des deux parents à cette «
intermédiation ».
Initialement limitée aux cas de violences intra-familiales, celle-ci a été
généralisée à partir de mars 2022 et est devenue la solution par défaut
dans tous les cas de séparation, le 1
er
janvier 2023.
La généralisation de l’intermédiation financière à toutes les
séparations, décidée cinq ans seulement après la création de l’Aripa, a
suscité de fortes contraintes opérationnelles pour la branche famille du
régime général, la MSA et le ministère de la justice.
La Cour a examiné les conditions et les effets du déploiement du
service public des pensions alimentaires (I). Elle a évalué la performance
de gestion de l’Aripa, en portant une attention particulière à la qualité du
service rendu aux parents séparés (II).
604
L’agence a été créée sous de nom d’«
Agence de recouvrement des impayés de
pensions alimentaires
» et est devenue l’Agence de recouvrement et d’intermédiation
des pensions alimentaires en 2021.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
385
Chiffres-clés 2024
En 2024, les
caisses d’allocations familiales
et la mutualité sociale
agricole ont versé 3,25
Md€ au titre
de l’allocation de soutien familial (ASF)
aux parents isolés, aux parents percevant une pension alimentaire dont le
montant
n’atteint pas celui de l’ASF
605
et aux parents créanciers en attente
du recouvrement d’arriérés de pensions impayées
ou confrontés à un parent
débiteur incapable de remplir ses obligations.
La même année, l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des
pensions alimentaires a recouvré 295
M€ d’impayés, auprès de parents
débiteurs d’arriérés de pensions alimentaires non
versées, pour le compte de
138 597
parents créanciers, au travers d’opérations de recouvrement
amiable ou forcé.
Indépendamment d’arriérés de pensions à recouvrer, elle a
également assuré
l’intermédiation
de 294
M€ de pensions
alimentaires,
reversées à 131 816 parents.
I -
Un dispositif déployé rapidement,
insuffisamment piloté par les pouvoirs publics
Le service public des pensions alimentaires renforce un dispositif
public porté de longue date par le régime général et par la mutualité sociale
agricole (MSA) pour aider les parents créanciers devant faire face à des
impayés de pension alimentaire. Son déploiement à un rythme soutenu,
durant la dernière décennie, ne s’est pas accompagné de la mise en place et
du recueil des informations nécessaires à son évaluation et à son pilotage
par les pouvoirs publics.
Principales modalités de fixation de la pension alimentaire
L’article
371-2 du code civil dispose que « chacun des parents
contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses
ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant
».
La fixation de cette
contribution est au cœur du règlement des séparations
de parents ayant des enfants à charge, quel que soit le type de séparation
(divorce devant un juge, div
orce par consentement mutuel, rupture d’un
pacte civil de solidarité (Pacs)
ou rupture d’union libre).
605
Son montant mensuel a été porté à 195,86
€
par enfant en avril 2024.
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COUR DES COMPTES
386
La partie de cette contribution due en espèces, appelée pension
alimentaire
606
, peut être fixée par le juge aux affaires familiales ou
déterminée par une
convention signée par les parents qui se séparent qu’elle
soit, ou non, déposée au rang des minutes d’un notaire.
La pension est exigible dès lors qu’un juge, un notaire ou l’Agence
de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires
(Aripa) lui a
conféré force exécutoire.
Depuis sa création, l’Aripa est chargée
de
revaloriser annuellement le montant des pensions intermédiées sur la base
de l’indice des prix à la consommation. Elle n’
a, en revanche, pas
compétence pour en réviser le montant initial
607
.
A -
Un déploiement qui s’est
précipité à partir de 2017
L’accroissement du nombre de familles monoparentales, aux revenus
souvent modestes, a accentué les enjeux du versement régulier des pensions
alimentaires. En réponse, un service public des pensions alimentaires a été
déployé rapidement, par étapes successives, à partir de 2017.
1 -
Un élargissement du rôle des CAF et de la MSA
a)
Un rôle ancien auprès des parents créanciers
Les CAF et la MSA se sont vu confier un rôle central dans le soutien
aux familles m
onoparentales et aux victimes d’impayés de pension
alimentaire dès 1984. Depuis cette date, elles versent une allocation de soutien
familial (ASF), sans condition de ressources, aux parents qui assument seuls
la charge d’un enfant, que l’autre parent soit décédé, qu’il n’ait pas reconnu
l’enfant ou qu’il ait été déclaré hors d’état de verser une pension alimentaire.
En outre, les CAF et la MSA interviennent depuis 1984 dans la
relation entre les parents séparés dans les cas où le parent débiteur ne verse
pas régulièrement et à bonne échéance la pension alimentaire dont il doit
s’acquitter.
À la demande du parent créancier, elles mettent alors
en œuvre
une procédure de recouvrement des impayés de pension alimentaire. La
récupération des montants dus par le
parent débiteur s’opère
, dans un
premier temps, au travers
d’une procédure amiable
, puis par un
recouvrement forcé qui prend le plus souvent
la forme d’une saisie sur
salaire ou sur compte bancaire.
606
Les contributions en nature à l’entretien et à l’éducation de l’enfant
, ainsi que la
prestation compensatoire
éventuellement versée à l’ex
-
conjoint n’entrent pas dans le
champ de l’intermédiation financière des pensions alimentaires.
607
Décision du Conseil constitutionnel n° 2019-778 DC du 21 mars 2019.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
387
J
usqu’au recouvrement de l’impayé, les
CAF et la MSA ne versent
pas la pension alimentaire au parent créancier, mais une allocation de
soutien familial (ASF) qui est alors dite recouvrable, car elle tient lieu
d’avance sur créance alimentaire. Le montant de cette avance est déduit
des arriérés de pension reversés au parent créancier lorsque ces arriérés
sont récupérés auprès du parent débiteur.
b)
La création d’un
service public des pensions alimentaires
En 2014, la ministre des droits des femmes avait annoncé la mise en
place d’un
« nouveau service public qui pro
posera […] une garantie
contre les impayés de pension alimentaire »
, dans un contexte marqué par
le besoin croissant de lutter contre la précarité financière des familles
monoparentales.
Le nombre de ces familles avait commencé à progresser, passant de
12 % des familles accueillant au moins un enfant mineur en 1990 à 21 %
en 2010. Les familles monoparentales sont, par ailleurs, particulièrement
touchées par la pauvreté : 82
% d’entre elles sont aujourd’hui
encore
constituées de mères vivant seules avec leurs enfants ; 45 % de ces enfants
vivent sous le seuil de pauvreté, contre 21
% pour l’ensemble des enfants.
Dès lors, le versement à bonne échéance de la pension alimentaire
constitue un enjeu financier majeur pour contribuer au maintien du niveau
de vie des enfants après une séparation. Or, selon une enquête réalisée par
le ministère de la justice en 2014, qui n’a pas été actualisée depuis, 26
%
des parents créanciers avaient connu des incidents de paiement et 11 %
n’avaient toujours pas reçu la pension d
ue, deux ans après le divorce.
Une garantie contre les impayés de pension alimentaire a donc été
expérimentée à partir de 2014, puis généralisée en janvier 2016.
Contrairement à ce que son nom pouvait laisser supposer, elle n’offrait pas
de véritable garantie de versement de la pension alimentaire, mais elle a
permis aux CAF et à la MSA de recouvrer des arriérés de pensions
impayées sur des périodes plus longues. Elle a également conduit à la
création de l’allocation de soutien familial (ASF) dite compléme
ntaire,
égale à la différence entre le montant de la pension alimentaire versée et
celui
de l’ASF, lorsque ce dernier est plus élevé.
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388
2 -
Une extension rapide du dispositif à partir de 2017
a)
La création d’une agence jouant un rôle d’interface
entre les parents séparés
Une nouvelle étape a été franchie lorsque le président de la
République a annoncé le 8 mars 2016 la création d’une agence de
recouvrement des impayés de pension alimentaire (Aripa) visant à «
sortir
les familles monoparentales des situations de précarité
».
Cette agence, créée le 1
er
janvier 2017
608
sous la forme
d’un service
de la Cnaf
sans personnalité morale, s’appuie sur le réseau des CAF et de
la MSA pour
gérer un dispositif d’intermédiation financière des pensions
alimentaires entre les deux parents, qui introduit deux nouveautés :
-
en cas de violences conjugales et sur décision du juge, le parent
débiteur verse la pension à la CAF ou à la MSA, qui la reverse au
parent créancier ;
-
en cas d’impayé, le régime en vigueur avant la création de l’Aripa
est
élargi, puisque les CAF et la MSA mettent en œuvre une procédure de
recouvrement
visant le parent débiteur, même si l’ensemble des voies
de recours n’a pas été épuisé par le parent créancier.
Les caisses gestionnaires continuent de verser au parent créancier
l’ASF recouvrable, dans l’attente de la récupération des arriérés de pension
609
.
608
Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour
2017.
609
Au sein du régime général, lorsque l’ASF est non recouvrable, elle n’est gérée par
l’Aripa que dans deux cas particuliers
: lorsque la pension alimentaire fait l’objet d’un
titre exécutoire et en cas d’accord de gré à gré passé
entre CAF. En revanche, à la MSA,
l’ASF non recouvrable est intégrée au périmètre d’intervention de l’Aripa.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
389
Schéma n° 6 :
les principales missions de l’Aripa
Source : Cour des comptes
b)
Une généralisation progressive de
l’intermédiation
financière
L
es conditions d’accès à l’interméd
iation financière ont été encore
élargies en
2020, à la demande d’un
seul
des deux parents en cas d’impayés
de pension, puis même en l’absence d’impayés
.
Il était attendu de ces réformes
610
une réduction des impayés de pension
alimentaire, une intervention plus systématique des organismes sociaux pour
le recouvrement des impayés
611
et une incitation des parents débiteurs à
s’acquitter de leurs obligations. L’accélération des versements en cas d’impayé
de pension devait réduire les occasions de tensions entre les ex-conjoints liées
aux flux financiers, en particulier en cas de violences intra-familiales.
Toutefois, le dispositif n’a pas rencontré le succès escompté. L’Aripa
n’avait reçu, au 15
juillet 2021, que 37 600
demandes d’intermédiation, soit
près de trois fois moins qu’attendu
612
. En réponse à une demande émanant,
610
Circulaire CIV/01/22 du directeur des affaires civiles et du sceau du ministère de la
justice, 28 février 2022.
611
En 2016, seuls 15 % des parent
s victimes d’impayés avaient recours à l’aide au
recouvrement proposée par les Caf et la MSA.
612
Rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur le projet
de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, tome II, page 440.
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390
notamment, des mères de familles monoparentales
613
dans le cadre du grand
débat national consécutif au mouvement des gilets jaune
s, l’intermédiation
financière a ensuite été généralisée à toutes les séparations comme le montre
le tableau suivant.
Tableau n° 32 :
principales étapes de la généralisation
de l’intermédiation financière (2017
-2023)
Janvier
2017
Octobre
2020
Janvier
2021
Mars
2022
Janvier
2023
Conditions d’accès
à l’intermédiation
En cas
de violences
conjugales
*
En cas
d’impayés
**
Même
sans
impayé
**
Dans tous
les cas de
divorce
***
Pour
toutes les
sépa-
rations
***
* sur décision du juge
** à la demande d’un des parents
*** sauf choix contraire des deux parents
Source : Cour des comptes
La lutte contre les impayés de pension alimentaire est ainsi devenue
en 2023
une politique prioritaire du Gouvernement, faisant l’objet d’un
pilotage particulier. Tous les parents qui se séparent à compter de cette date
sont réputés opter pour l’intermédiation financière de la pension
alimentaire, qui est donc automatiquement mise en place. Le législateur a
toutefois assorti cette disposition
d’une possibilité pour les ex
-conjoints
d’en refuser
le bénéfice d’un commun accord (clause dite d’
opt-out,
exclue
en cas de violences intra-familiales
), afin de conserver ouverte la voie d’un
versement direct entre les parties.
Ce dispositif est à maints égards plus proche de celui instauré il y a
plus de vingt
ans au Québec, qui l’a inspiré, que de celui en vigueur au
Royaume-Uni.
613
Était demandée la mise en place d’une «
agence publique de "tiers payant" pour les
pensions alimentaires,
à l’image de ce qui se fait au Québec
»,
Rapport de la
commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2022
.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
391
L’intermédiation financière des pensions alimentaires
au Québec et au Royaume-Uni
Au Québec, l’intermédiation financière, instaurée par une loi de
1995, prévoit le prélèvemen
t à la source, par l’administration fiscale, du
montant de la pension et son reversement au parent créancier. Un versement
direct entre les deux parents reste possible si ceux-
ci en sont d’accord, le
juge s’assurant du caractère libre et éclairé de leur dé
cision. En contrepartie
de cette intervention large de la puissance publique en matière de
recouvrement, il n’existe ni prestation sociale
spécifique aux familles
monoparentales ni garantie de versement de la pension en cas d’impayé.
Au Royaume-Uni, la
Child Support Agency,
créée en 1993, fixait le
montant de la pension alimentaire en cas de désaccord entre les parents et
assurait un service d’intermédiation financière gratuit si l’un des deux parents
en faisait la demande. Coûteux pour les finances publiques, ce service a été
supprimé en 2012. Successeur de l’agence précitée, le
Child Maintenance
Service
encourage les parents à fixer à l’amiable le montant de la pension
alimentaire. En cas d’échec, il en fixe le montant et leur facture
l’intermédiation financière s’ils y ont recours, pour un montant égal à 20
% du
montant de la pension pour le parent débiteur et 4 % pour le parent créancier.
c)
Une activité qui a crû rapidement dès sa généralisation
Les montants d’impayés recouvrés par l’Aripa ont connu une c
roissance
rapide depuis la création de l’agence, comme le montre le graphique suivant.
Graphique n° 36 :
montants d’impayés recouvrés
sur la période 2018-2024
(en M€
)
Source
: Cour des comptes, d’après
données Cnaf
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392
Le nombre de demandes d’intermédiation adressées à l’Aripa par le
biais des greffes des tribunaux, des avocats, des notaires ou directement par
les parents a également fortement augmenté avec la généralisation de
l’intermédiation financière en janvier 2023
, pour atteindre 127 404 en 2024.
Toutefois, le nombre de pensions intermédiées ou de prestations
d’ASF recouvrable versées au titre de l’avance sur créance alimentaire,
n’atteignait
que 274 367 en décembre 2024, pour un objectif fixé par les
pouvoirs publics à 350 000.
B -
Un manque de données préjudiciable
au pilotage du dispositif
La création d’un service public des pensions alimentaires apportait
une réponse publique à un phénomène
–
des taux d’impayés de pension
élevés
–
mal connu depuis l’origine.
Plus de sept ans après la mise en place
de ce service,
la pauvreté persistante de l’appareil statistique ne permet pas
de disposer des données utiles à son pilotage.
1 -
Une réponse publique à un besoin mal mesuré
a)
Une méconnaissance persistante du nombre de séparations
Le nombre annuel de divorces, connu au moment de la création de
l’Aripa
614
, ne l’est plus aujourd’hui.
La loi du 18 novembre 2016, qui permet aux ex-conjoints et à leurs
avocats de signer une convention de divorce par consentement mutuel,
déposée au
rang des minutes d’un notaire sans qu’un juge soit saisi
615
, n’a
pas prévu de système de collecte statistique concernant ces séparations
616
.
L’Insee et le ministère de la justice ont tenté de pallier cette difficulté en
s’appuyant sur le fait que les informati
ons relatives aux divorces doivent
remonter aux communes de mariage. Cette collecte d’information, qui a
commencé en janvier 2023 avec le déploiement des nouveaux bulletins
d’état civil, s’est toutefois avérée peu concluante du fait du très faible taux
d’i
nscription des mentions de divorce en marge des actes de mariage.
614
Ministère de la justice,
Références Statistiques Justice
, 2016.
615
Art. 229-1 du code civil.
616
Des enquêtes ont été réalisées par le Conseil supérieur du notariat en 2019, 2020 et
2021, dont les taux de réponse n’étaient que d’environ 20
%.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
393
Concernant les divorces prononcés par un juge, la réforme de la
procédure entrée en vigueur le 1
er
janvier 2021
617
a conduit le ministère de
la justice à ne plus les comptabiliser. Ce décompte a repris en 2024 à la
suite d’échanges avec la Cour et a fait l’objet d’une mise à jour pour les
années 2021 à 2023. Les données en sont les suivantes
618
:
Graphique n° 37 :
évolution du nombre de divorces prononcés par un juge
Source
: Cour des comptes d’après les donné
es du ministère de la justice
Qu’elles interviennent devant un officier d’état civil ou un notaire,
les dissolutions de Pacs
619
font l’objet de remontées régulières en direction
de l’Insee. L’institut considère toutefois qu’il ne dispose pas des effectifs
nécessaires pour vérifier la qualité de ces informations ni en assurer le
traitement statistique.
Les dissolutions intervenant par acte notarié lui parviennent
via
un
registre dématérialisé. Un dispositif de même nature est actuellement à
l’étude, à l’init
iative du ministère de la justice et des représentants des
notaires, pour les divorces par consentement mutuel. Il serait souhaitable
que ce projet soit mené à bien dans les meilleurs délais.
617
Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
618
La forte baisse du nombre de divorces prononcés par un juge en 2018 reflète celle
du nombre de divorces par consentement mutuel intervenus devant un juge, passés de
33 356 en 2017 à 279 en 2018.
619
Les Pacs peuvent être conclus devant un notaire ou un officier d’état civ
il et sont
dissous devant la même autorité.
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394
Enfin, le nombre de ruptures d’union
s libres
n’est pas connu. U
ne
étude de l’Insee
620
estimait que 210 000 enfants mineurs avaient été
concernés chaque année entre 2011 et 2014, soit plus que pour les divorces
(149 000) ou les ruptures de Pacs (20 000). Une nouvelle vague de
l’enquête Familles, programmée en 2025 soit près de 15 ans après la
précédente, devrait permettre d’actualiser ces informations.
b)
Une absence de données sur les impayés de pension
malgré des alertes répétées
Quel que soit le type de séparation (divorce, rupture de Pacs ou
d’union libre), aucune collecte statistique n’est opérée concernant le
nombre et le montant des pensions alimentaires, y compris dans le cas des
divorces prononcés par un juge, pour lesquels les montants de pension ne
sont pas saisis dans le système d’information de la justice.
La part des parents créanciers victimes d’impayés de pension a fait
l’objet d’estimations à partir d’enquêtes ou de données administratives, qui
varient entre 25 % et 40 %
621
. Le montant des impayés de pension demeure
inconnu, faute d’outil statistique adapté.
La généralisation de l’intermédiation financière a donc été décidée en
2022 alors que la connaissance de l’ampleur du phénomène d’impayés
qu’elle visait à combattre, et celle du nombre de pensions susceptibles d’être
intermédiées, demeuraient lacunaires, en dépit des constats de carence portés
sur ce point depuis de nombreuses années.
La Cour relevait déjà en 2010, à l’occasion d’une enquête sur les
aides aux familles monoparentales
622
, le manque de données sur les
pensions alimentaires et leur paiement effectif, et recommandait de
développer le suivi de celles fixées par les tribunaux.
620
Vianney Costemalle,
Formations et ruptures d’unions : quelles sont les spécificités
des unions libres ?
Insee Références
, 2017.
621
Cf. Raphaël Lardeux,
«
Un quart des parents non gardiens solvables ne déclarent pas
verser de pension alimentaire à la suite d’une rupture de Pacs ou d’un divorce
», Drees
Études et Résultats
n° 1179, 2021
; Bruno Jeandidier, Cécile Bourreau-Dubois et Julie
Mansuy, «
Séparation parentale avant les quatre ans de l’enfant ELFE et complé
tude de
la mise en œuvre de l’obligation alimentaire par le parent débiteur
», HAL n° hal-
03437613, 2021 ; Benoît Ceroux et Marion Manier,
Les parents formalisent-ils la prise
en charge de leurs enfants ?
Une analyse quantitative des expériences de mères
récemment séparées
, Informations Sociales, n° 207, Cnaf, 2022.
622
Cour des comptes, « Les aides publiques apportées aux familles monoparentales »,
r
apport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale
, chapitre XVI, 2010.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
395
Ces constats ont été réitérés et élargis depuis, par plusieurs
institutions
623
, dont le
Conseil national de l’i
nformation statistique (Cnis).
La plupart des trente recommandations formulées dans son rapport
624
publié en 2016 n’ont pas été mises en œuvre.
2 -
Une politique prioritaire souffrant
d’un manque
de pilotage stratégique
Bien que la lutte contre les impayés de pension alimentaire compte
parmi les politiques prioritaires du Gouvernement, l’unique indicateur de
suivi de l’intermédiation financière est le nombre de pensions «
versées ou
avancées
par l’intermédiaire de l’Aripa
»
, ce qui inclut l’ASF recouvrable
vers
ée à titre d’avance sur créance alimentaire. Selon le
baromètre des
résultats
de l’action publique
625
, l’objectif fixé par le Gouvernement de
520 000
pensions versées ou avancées chaque mois d’ici décembre 2026
était atteint à hauteur de 50,6 % (262 000) au 1
er
janvier 2025.
Il est toutefois impossible d’apprécier ce que représente cet objectif
par rapport à l’ensemble des séparations
ayant donné lieu à la fixation
d’une pension alimentaire. Le nombre de parents ayant renoncé à
l’intermédiation
, au bénéfice d
’un versement direct de la pension
alimentaire par le débiteur au créancier, demeure inconnu et il n’est pas
possible de s’assurer que l’ensemble des parents n’ayant pas renoncé à
l’intermédiation est bien couvert par le dispositif.
À ce jour, le pilotage
de l’Aripa ne repose
que sur des indicateurs
d’activité, tels que le nombre de dossiers d’intermédiation financière et
l’évolution du taux de recouvrement, sans indicateur
s de performance du
dispositif nécessaires à un pilotage stratégique.
Comme relevé plus haut, le caractère lacunaire de la statistique
publique empêche en effet d’apprécier la contribution de cette agence à la
réduction des impayés de pension alimentaire, qui figure pourtant au premier
rang de ses objectifs et des bénéfices attendus de l
’intermédiation financière.
623
Cf. Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge,
Les ruptures familiales : état
des lieux et propositions
, 2014 ;
Les ruptures de couples avec enfants mineurs
, 2020 ;
François Auvigne
et al
.,
Création d’une agence de recouvrement des impayés de
pension alimentaire
, rapport des inspections générales des finances, des affaires
sociales, et des services judiciaires, septembre 2016.
624
Claude Thélot, Cécile Bourreau-Dubois et Christine Chambaz,
Les ruptures familiales et
leurs conséquences : trente recommandations pour en améliorer la connaissance
, Cnis, 2016.
625
refonder-nos-services-publics/lutter-contre-les-impayes-de-pensions-alimentaires
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COUR DES COMPTES
396
Afin de renforcer le pilotage stratégique du service public des pensions
alimentaires, la collecte des informations statistiques relatives aux séparations,
aux pensions alimentaires et aux montants d’impayés doit être organisée
.
II -
Une mise en œuvre à parachever,
une qualité de service à améliorer
Le bon fonctionnement du service public des pensions alimentaires
suppose une coordination étroite entre ses différents acteurs, qui doit
encore progresser. Sa montée en puissance dans des délais contraints
continue d’affecter la performance de gestion de l’Aripa et la qualité du
service rendu aux bénéficiaires de l’intermédiation financière.
A -
Des partenariats inaboutis,
des points qui restent à trancher
Le fonctionnement de l’Aripa repose
sur une collaboration étroite
entre le réseau des Caf et celui de la MSA, mais aussi sur des partenariats
avec les acteurs de la justice, qui sont fragilisés par des difficultés techniques,
alors que des décisions structurantes restent en attente d’arbitr
age.
1 -
Une agence adossée à la branche famille et à la MSA
Service national mutualisé inter-
régimes, l’Aripa ne dispose pas de
la personnalité morale et n’a pas d’existence règlementaire puisque les
textes instaurant l’intermédiation financière des pensions
alimentaires ne
visent que les «
organismes débiteurs des prestations familiales
». Elle est
placée à la Cnaf, sous l’autorité de la directrice générale déléguée chargée
du réseau.
Sur le plan opérationnel, l’agence s’appuie sur les services et le
réseau de la Cnaf et sur ceux de la caisse centrale de la mutualité sociale
agricole
626
. Elle est adossée à 24 Caf et à une caisse de MSA
627
dites
« caisses pivots
»
, qui agissent au service de leurs propres allocataires et
instruisent les dossiers des allocataires des caisses qui leur sont rattachées,
appelées « caisses participantes ».
626
Une convention cadre du 1
er
mars 2021 organise la collaboration entre la Cnaf et la CCMSA.
627
La caisse de MSA Sud-Champagne prend en charge les dossiers des parents
créanciers affiliés au régime agricole, même si ce n’est pas le cas du parent débiteur.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
397
Actuellement, les Caf participantes sont, chacune, chargées du
traitement comptable des opérations d’encaissement et de reversement des
pensions alimentaires, ainsi que du recouvrement des impayés concernant
leurs propres affiliés. À la MSA, la caisse pivot gère seulement
l’affectation
comptable des encaissements.
Au cours de l’année 2026, c
e système devrait évoluer, au sein de la
branche famille du régime général, avec la spécialisation de quatre caisses
pivots
628
dans l’encaissement et le paiement des pensions, grâce à la
création de « comptes bancaires uniques ». Ce développement devrait
alléger la charge des services comptables des caisses participantes.
Enfin, dans le régime général, la situation des parents séparés dont
l’un réside à l’étranger requiert l’intervention d’une
Caf spécialisée, située
dans
l’Ain, et d’un service du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
La gestion des impayés de pension
lorsque l’un des parents réside à l’étranger
Le ministère de l’Europe et des
affaires étrangères est chargé du
recouvrement des pensions alimentaires si l’un des parents réside dans un
pays ayant signé la convention de New York du 20 juin 1956, la convention
de La Haye du 23 novembre 2007 ou dans lequel le règlement
communautaire 4/2009 du 18 décembre 2008 est applicable.
Si le parent créancier réside en France et le parent débiteur à
l’étranger, le ministère reçoit le dossier préparé par la
Caf
de l’Ain ou la
caisse de la MSA Sud-
Champagne pour le compte de l’Aripa
et saisit
l'autorité centrale du pays étranger, qui met en place la procédure de
recouvrement en application de son droit national.
Si le parent créancier réside à l’étranger et le parent débiteur en
France, le ministère recherche un paiement volontaire de la créance par le
parent débiteur. À défaut, il met en œuvre une procédure judiciaire dont
l’exécution est confiée à un commissaire de justice.
Les dossiers transmis par l’Aripa représentaient environ 10
% des
dossiers de recouvrement de pensions alimentaires traités par le ministère
de l’Europe et des affaires étrangères
, soit 197 dossiers actifs au printemps
2024. Le reste concernait des demandes de recouvrement directement
adressées au ministère par les parents créanciers ou par des autorités
centrales étrangères.
628
Les Caf du Morbihan, de Haute-Garonne, du Pas-de-Calais et du Puy-de-Dôme.
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COUR DES COMPTES
398
2 -
Des partenariats encore fragiles avec les acteurs
du monde de la justice
a)
La mise en place du portail
Justice de l’Aripa
Partenaires de premier rang de l’Aripa, les greffes des tribunaux, les
avocats et les notaires informent de la procédure d’intermédiation
financière les parents ayant engagé une procédure de divorce devant un
juge, un divorce par consentement mutuel, une dissolution de Pacs ou une
rupture d’union libre –
quand ils en ont connaissance. Ils doivent
transmettre à l’Aripa les informations nécessaires à l’instruction des
dossiers d’intermédiation financière.
L’accélération du déploiement de l’intermédiation, à p
artir de 2021,
a entraîné une forte augmentation de ces transmissions, passées en
moyenne de 100 par mois jusqu’à
la fin de 2021 à 9 206 par mois en 2024.
L’essentiel de ces transmissions est le fait des greffes des tribunaux.
Les notaires sont en effet rarement sollicités pour la fixation des pensions
alimentaires et renvoient, lorsque c’est le cas, leurs clients vers des avocats.
Ces derniers ne sont à l’origine que d’un très faible nombre de demandes
d’intermédiation
financière (19 sur les 8 917 demandes transmises à
l’Aripa par des professionnels de la justice en novembre
2024), dans la
mesure où leurs clients choisissent le plus souvent le versement direct de
la pension (
opt-out
).
La croissance du nombre de dossiers en provenance des greffes des
tribuna
ux a justifié le développement, par la Cnaf, d’un «
portail Justice » sur
le site de l’Aripa. Depuis le 1
er
janvier
2021, les greffes sont tenus d’y saisir
la décision du juge, dans un délai de sept jours à compter de son prononcé
629
,
avant de la notifier aux parties par lettre recommandée. Dans les six semaines
suivant cette notification, il leur revient d’adresser à l’Aripa un extrait
exécutoire de la décision de justice contenant les informations indispensables
à la mise en place de l’intermédiation fina
ncière.
Les avocats doivent également saisir sur le portail les informations
concernant leurs clients lorsque ceux-
ci ont fait le choix de l’intermédiation
financière.
Si l’apport de ce portail est largement reconnu
630
, certaines
difficultés techniques associées à son utilisation demeurent.
629
Art. 1074-4 du code de procédure civile.
630
Ministère de la justice,
Rapport sur la mise en œuvre au sein des juridictions de
l’intermédiation financière des pensions alimentaires
, décembre 2022.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
399
b)
Des limites techniques partiellement surmontées
L
a préparation de l’extrait du titre exécutoire, transmis par les
greffes des tribunaux
à l’Aripa
,
requérait, jusqu’à récemment,
un
retraitement manuel coûteux en temps. Des travaux ont été menés par la
Cnaf et par le ministère de la justice pour remédier à ces difficultés.
L
’
article 6 du décret du 3 juillet 2024
631
, qui simplifie le traitement de
l'intermédiation financière, était très attendu par les acteurs Il permet
d’
accélérer et de sécuriser le processus de notification des décisions de
divorce aux parties
. Il définit également l’extrait exécutoire et simplifie, en
la dématérialisant,
sa transmission à l’Aripa.
Le portail Justice reste toutefois perfectible. Les données saisies, qui
sont pourtant enregistrées, ne peuvent pas être modifiées, ce qui contraint
les greffiers à les ressaisir à chaque intervention sur un dossier. Par ailleurs,
la date fixée par le juge pour le paiement de la pension alimentaire ne peut
pas toujours être précisée. Ces limites sont de nature à retarder ou fragiliser
la gestion des dossiers.
3 -
Des décisions structurantes
en attente d’arbitrage
a)
Un comité de pilotage actif
La gouvernance du dispositif public d’intermédiation financière des
pensions alimentaires est animée par la direction de la sécurité sociale.
Celle-ci suit régulièrement les indicateurs de performance opérationnelle
de l’Aripa.
Elle réunit, sur une base trimestrielle, un comité de pilotage
rassemblant des représentants de cette direct
ion, de l’Aripa et du ministère
de la justice.
Ce dispositif a permis d’accompagner la montée en charge de
l’activité de l’Aripa depuis sa création, en facilitant l’échange
d’informations sur les attentes réciproques, l’affectation des moyens par
chacun ou la compréhension réciproque des contraintes propres au monde
judiciaire et à la protection sociale. Il a également apporté des
améliorations normatives (cf. décret ci-dessus).
Le comité de pilotage a aussi écarté certaines demandes. Il a ainsi
rejeté la
demande de l’Aripa qui souhaitait que les greffes lui transmettent
les coordonnées bancaires des parents qui se séparent, considérant que cela
n’était pas de leur ressort.
631
Décret n° 2024-673 du 3 juillet 2024 portant diverses mesures de simplification de
la procédure civile et relatif aux professions réglementées.
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COUR DES COMPTES
400
D’autres
arbitrages renvoyant au partage des responsabilités entre
les acteurs du service public des pensions alimentaires
n’ont toutefois pas
encore été rendus, nuisant au bon fonctionnement de ce service.
b)
Des arbitrages des pouvoirs publics encore en attente
L’Aripa
rencontre des difficultés de fonctionnement dont la
résolution demanderait, selon elle, des évolutions législatives ou
réglementaires. En l’absence de décisions par les pouvoirs publics, elle
s’emploie à les surmonter, imparfaitement, dans le cadre de la seule
politique familiale.
L’Aripa souhaiterait que soit inscrite dans
les textes la possibilité,
pour les organismes gestionnaires, d’allonger la période d’étalement du
versement des impayés de pension alimentaire
632
lorsque le parent débiteur
rencontre des difficultés financières avérées. Une telle évolution ne
permettrait toutefois pas de garantir le versement des pensions quand les
difficultés financières du parent débiteur sont durables. Dans ce cas,
l’intérêt des ex
-conjoints commanderait, en priorité, de demander au juge
de réviser le montant de la pension fixée, en complétant, le cas échéant,
cette révision par un allongement de l’échéancier de règlement des sommes
impayées. Le délai pour obtenir une décision de justice de révision de la
pension constitue cependant une difficulté importante.
La direction de la sécurité s
ociale étudie la possibilité d’imposer aux
parents débiteurs le versement de la pension alimentaire à l’Aripa dès le
premier mois, plutôt qu’un versement direct au parent créancier en
attendant que l’intermédiation soit mise en place, comme c’est le cas
au
jourd’hui. Cette solution, qui simplifierait le dispositif, est toutefois
conditionnée à la capacité de l’Aripa à verser la première mensualité de la
pension à la date fixée dans la convention de divorce, ce qui nécessite
qu’elle ait, au préalable, obtenu
communication des coordonnées bancaires
des deux parents.
Une autre difficulté réside dans la coexistence de deux barèmes
distincts
proposés par le ministère de la justice et par l’Aripa
pour la
fixation du montant des pensions alimentaires. Celui mis à disposition des
juges à titre indicatif est plus favorable aux débiteurs que le simulateur de
l’Aripa
, utilisé pour les règlements amiables
. L’écart entre les deux
barèmes, difficile à comprendre pour les ex-conjoints, ne favorise pas le
règlement amiable des séparations.
632
Cette période varie actuellement de 6 à 24 mois selon la durée du défaut de paiement.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
401
Sept ans après la création de l’Aripa,
certaines décisions nécessaires
au bon fonctionnement du service public des pensions alimentaires et à la
mise en œuvre de la politique prioritaire de lutte contre les impayés de
pension
n’ont pas encor
e été prises.
B -
Un manque de suivi des coûts,
des moyens additionnels déployés dans l’urgence
Malgré
des
moyens
importants
attribués
au
dispositif
d’intermédiation financière, ses coûts de gestion ne font l’objet d’aucun
suivi spécifique. Les caisses pivots font face à des difficultés de
recrutement et de formation et les développements informatiques, souvent
engagés dans l’urgence, ne sont pas achevés.
1 -
Un dispositif dont le coût de gestion est mal connu
Simple service mutualisé inter-régimes sans personnalité juridique,
l’Aripa n’établit pas de comptes annuels propres. Les systèmes
d’information comptables respectifs de la Cnaf et de la
caisse centrale de
la
MSA permettent néanmoins d’identifier la plupar
t des charges liées à
son activité. Il en va de même pour le ministère de la justice, qui isole les
coûts de personnel et les dépenses d’affranchissement supportées au titre
de l’intermédiation financière.
En
l’absence de centralisation par l’Aripa des don
nées relatives aux
dépenses engagées par les acteurs publics concernés, la Cour a reconstitué
les principaux postes de dépenses directement imputables à la politique
d’intermédiation financière.
Les montants qui suivent approchent ces coûts par défaut. Les
dépenses de personnel prises en compte
n’incluent ni l’appui fourni par les
fonctions support de la Cnaf et de la CCMSA, ni l’activité des agents du
ministère de l’Europe et des
affaires étrangères liée aux dossiers Aripa,
toutefois peu nombreux. Les dépenses informatiques correspondent aux
seuls développements requis par la mise en œuvre et l’extension de
l’intermédiation et du recouvrement par le régime général.
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COUR DES COMPTES
402
Tableau n° 33 :
estimation du coût du service public des pensions
alimentaires (en
M€)
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
ETP (CAF + MSA)
10,7
12,7
13,2
20,7
24,9
28,9
35,7
36,8
ETP (ministère de la justice)
n.c.
n.c.
n.c.
n.c.
n.c.
5,7
3,6
3,0
Investissements SI Cnaf
0
0
0,4
3,7
7,1
6,2
5,5
3,7
Affranchissement (min. justice)
n.c.
n.c.
n.c.
n.c.
n.c.
1,8
1,8
2,0
Total
10,7
12,7
13,4
24,4
32,0
42,6
46,6
45,5
Source : Cour des comptes
, d’après les données de la Cnaf, de la MSA et du ministère de la justice
Du fait de sa généralisation, le coût de gestion annuel de
l’intermédiation financière est
passé de 10,7
M€ en 2017 à 46,6
M€ en 2023,
avant de revenir à 45,5M€ en 2024. Dans les années à venir, les frais de
personnel sont susceptibles d’évoluer à la hausse du fait de l’augmentation
du nombre de dossiers, et à la baisse grâce à l’automatisation
de leur
traitement. De même, les dépenses d’investissement pourraient diminuer à
un horizon encore incertain, une fois les développements informatiques
finalisés.
Ce coût de gestion représentait, en 2024, 5,2 % des montants gérés
par l’Aripa
, à savoir 294
M€ de pensions intermédiées, 2
95
M€ d’impayés
de pension recouvrés et 287
M€ d’ASF complémentaire versée
633
.
L’identification et le suivi annuel du coût du service public des
pensions alimentaires et de ses composantes, indispensables au pilotage et
à l’évaluation de l’efficience du dispositif, pourraient être confiés à la Cnaf
et à la CCMSA.
2 -
Des difficultés de recrutement et de fidélisation des agents
La branche famille et le ministère de la justice ont dû procéder, dans
des délais resserrés, y compris durant la crise sanitaire, à des vagues de
recrutement chaque fois que l’intermédiation financière est devenue
accessible à de nouvelles catégories de parents séparés. Les effectifs de
l’Aripa dans les caisses concernées sont ainsi passés depuis 2017 de 280
équivalents temps plein à 1 194 en 2024.
633
En toute rigueur, il conviendrait d’ajouter à ces masses financières la part de l’ASF
recouvrabl
e versée pour des impayés de pensions alimentaires qui n’ont pas encore été
recouvrés. Ce montant n’a pu être déterminé.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
403
Graphique n° 38 :
évolution des effectifs de l’Aripa entre 2017 et
2024 (en ETP)
DSI
: direction des systèmes d’information de la Cnaf
.
PFS : plateforme téléphonique nationale
Source
: Cour des comptes d’après les données de la
Cnaf et de la MSA
Pour autant, à chaque étape de la réforme, les Caf
et la MSA n’ont
obtenu les autorisations d’emploi qu’à la date d’extension du
dispositif.
Compte tenu des délais de recrutement et de formation des nouveaux
agents à une mission inédite et juridiquement complexe, les ressources
humaines ont suivi avec retard la montée en charge de l’activité de l’Aripa.
L’Aripa et les caisses pivots continuent, par ailleurs, de faire face à des
difficultés pour attirer et fidéliser des collaborateurs du fait de la technicité
des postes et des niveaux de salaires proposés.
Pour sa part, le ministère de la justice a renforcé les greffes des
tribunaux judiciaires afin de faire face à la montée en charge de
l’intermédiation financière, à hauteur de l’équivalent
de 90 postes
permanents
et de 110 vacataires recrutés en 2022 pour une durée d’un an.
3 -
Des systèmes d’information toujours en
développement
Sous la pression du calendrier, la Cnaf
a fait le choix en 2019 d’une
technologie permettant de développer, dans des délais très brefs, une
application d’intermédiation financière
appelée
Gaia
. L’inconvénient de ce
choix, connu dès cette époque, était l’absence d’interconnexion entre
Gaia
et le système d’information préexistant.
En conséquence, la Cnaf a été
contrainte
d’engager une refonte de cette application, qui
n’aboutira au plus
tôt qu’en
2027, pour un coût estimé à 10,5
M€.
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COUR DES COMPTES
404
La Cnaf prévoit de compléter cette application par un module
destiné à améliorer la gestion du recouvrement amiable puis du
recouvrement forcé des impayés de pensions alimentaires. La date de
déploiement de ce module n’a pas encore été fixée.
Au total, le système d’information de la branche famille ne s’est pas
adapté au rythme requis par l’extension du champ de l’intermédiation financière
et
par la montée en charge rapide de l’activité qui en est résultée. Les
applications informatiques utilisées par les Caf
634
concernées ne communiquent
pas entre elles, ce qui contraint à ressaisir des données et expose à des risques
d’erreurs. De plus, l’Aripa
ne satisfait pas encore à l’ensemble de ses obligations
en matière de protection des données individuelles
635
et d’accessibilité de son
site aux personnes en situation de handicap.
À la MSA, la gestion des dossiers
d’intermédiation est restée manuelle
jusqu’
en juillet 2020. La
montée en charge de l’activité d’intermédiation
(724 demandes en 2024 contre 110 en 2020) a conduit à développer en interne
une application spécifique qui n’a pas fait l’objet de financement
complémentaire. Cette application doit intégrer au premier semestre 2025 la
gestion du recouvrement des impayés, ce qui devrait contribuer à fiabiliser un
processus encore entaché de taux d’anomalies importants
636
.
C -
Une qualité de service en deçà des attentes
Les publics visés par l’intermédiation
des pensions alimentaires sont,
du fait de leur situation souvent fragile, très attentifs à la qualité du service
rendu par l’Aripa. Les indicateurs de performance et les enquêtes de
satisfaction montrent qu’il existe d’importantes marges de progrès sur c
e plan.
634
Gaia p
our gérer l’intermédiation financière sans impayés,
Nims pour le paiement de
l’ASF et
NSF pour le recouvrement des impayés de pensions alimentaires.
635
Certaines des recommandations de la Cnil (n° 2020-086 du 3 septembre 2020 et
n° 2022-018 du 17 février
2022) ne sont pas encore mises en œuvre, en particulier
concernant
l’information des enfants majeurs, le recours à un prestatair
e européen
plutôt qu’américain pour l’hébergement des données, la suppression des comptes
inactifs ou inutilisés et l’affichage de l’identité des responsables de traitement.
636
Les taux d’anomalies ont même augmenté dans les années récentes, passant de 14
%
en 2020 à 20 % en 2024.
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LE SERVICE PUBLIC DES PENSIONS ALIMENTAIRES : UNE MONTÉE EN
CHARGE RAPIDE, UNE QUALITÉ DE SERVICE EN DEÇÀ DES ATTENTES
405
1 -
Une exigence d’efficacité
au regard des publics concernés
Selon une enquête réalisée à la demande de la Cnaf
637
en 2022, peu
avant la généralisation de
l’intermédiation financière,
les ouvriers et
employés étaient sur-représentés parmi les parents qui en bénéficiaient et les
cadres sous-représentés
638
. Les pensions alimentaires moyennes déclarées
par les bénéficiaires de l’intermédiation financière étaient inférieures au
montant moyen des pensions estimé pour l’ensemble des parents divorcés,
du fait des revenus moyens plus faibles de ces bénéficiaires.
Cette enquête confirmait, par ailleurs, que les parents usagers de
l’Aripa sont fragilisés par
la séparation elle-
même, qu’ils soient créanciers
ou débiteurs, les relations entre eux étant rompues ou limitées au strict
minimum dans les deux tiers des cas.
Les parents créanciers
–
dont 96 % sont des femmes
–
voient dans le
dispositif
un
levier
institutionnel
susceptible
de
les
sécuriser
financièrement
639
, voire physiquement en cas de violences conjugales, et
de les décharger du poids d’avoir à réclamer la pension alimentaire
.
2 -
Une performance de gestion insuffisante
a)
Un taux de recouvrement affiché à un niveau élevé
L’indicateur défini dans le cadre de la convention d’objectifs et de
gestion de la Cnaf pour apprécier le recouvrement des impayés a progressé
sur la période, passant d’un taux de 63,6
% en 2018 à 69,8 % en 2023 pour
atteindre 80 % en 2024.
Ce taux
reflète l’efficacité des mesures de recouvrement engagées
par l’Aripa dans la mesure où il
rapporte les montants encaissés dans le
cadre des procédures de recouvrement amiable ou forcé déjà engagées
(244
M€ en 2023) au montant des créances
comptabilisées au titre de ces
procédures (350
M€
la même année).
637
Voir Lou Titli
et al
., «
Évaluation du dispositif d’intermédiation financière des
pensions alimentaires en phase de généralisation »,
Dossier d’étud
es Cnaf
, n° 233,
2024. Enquête réalisée, en octobre 2022, auprès de 500 débiteurs et créanciers.
638
60 % des créanciers et 64 % des débiteurs étaient ouvriers ou employés (contre
37,8
% dans l’ensemble de la population)
; 8 % des créanciers et 6 % des débiteurs
étaient cadres (contre 22,4 %
dans l’ensemble de la population
)
–
données Insee, 2023.
639
De leur côté, certains débiteurs
s’acquittant
de leurs obligations expriment leur
incompréhension quand ils reçoivent des courriers standardisés
de l’Aripa
qui insistent
sur les sanctions encourues en cas d’impayé.
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COUR DES COMPTES
406
La Cour considère plus judicieux de prendre aussi en compte, parmi
les créances à recouvrer,
les montants d’impayés pour lesquels l’agence
ne
parvient pas à mettre en place une procédure de recouvrement amiable ou
forcé auprès du parent débiteur
640
, soit 293
M€ en 2023. En ce cas, le taux
de recouvrement p
our 2023 n’est que de 38
%
641
.
b)
Des taux
d’erreurs
encore importants
Le paiement à bon droit des montants dus aux parents créanciers
dépend de la capacité des organismes gestionnaires du service public des
pensions à fiabiliser chaque étape de la chaîne opérationnelle de
l’intermédiation et du processus de recouvrement des
montants dus par les
parents débiteurs.
Les plans d’action mis en œuvre par la branche famille ont permis de
réduire les taux d’erreurs depuis 2017
642
. Cependant, les contrôles réalisés
par les directions comptables et financières montraient encore en 2023 la
présence d’anomalies dans le traitement de 26
% des demandes
d’intermédiation et de 14
% des saisies manuelles des coordonnées bancaires
ou des révisions de pension prévues dans les jugements ou titres exécutoires.
c)
Des délais de traitement et de réponse excessifs
Le respect par l’Aripa des délais de traitement des dossiers et de
réponse aux usagers, fixés par les textes ou par la branche famille,
conditionne la qualité du service rendu aux usagers. Dans ce domaine,
plusieurs indicateurs se sont dégradés depuis 2018 ou restent élevés.
Après avoir diminué entre 2018 et 2021, le délai de traitement des
pièces reçues est reparti à la hausse, pour atteindre 40 jours en 2024.
Mesuré
depuis 2022, le délai d’approbation par l’Aripa des demandes
d’intermédiation
financière sans impayé était de 38,2 jours en 2024, soit
une durée dépassant de 9
% l’objectif fixé par la branche. Le délai
d’encaissement des impayés, bien qu’en forte baisse depuis 2021, n’a
approché l’objectif fixé qu’en 2023.
Une fois l’intermédiation
financière
mise en œuvre, la pension
alimentaire reçue du parent débiteur doit être reversée au parent créancier
le lendemain de la réception de la pension par la CAF ou la caisse de la
640
Certification des comptes du régime général de sécurité sociale
. Exercice 2023
.
641
39,5 % à la MSA selon la même méthode.
642
Concernant l’ASF, ces taux diminuent depuis 2021.
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407
MSA
643
. Ce délai réglementaire n’est pas respecté en raison du temps
né
cessaire pour s’assurer de la bonne réception des fonds, affecter les
recettes et reverser les montants reçus. La mutualisation en 2025 des flux
financiers de l’Aripa au sein
des quatre Caf
pivots spécialisées n’allègera
que partiellement ces contraintes.
Enfin, les délais de réponse des services de l’Aripa aux appels
téléphoniques des usagers ne répondent ni aux attentes de ces derniers, ni
aux objectifs fixés à l’agence. Le
taux de décroché a chuté, passant de 69 %
en 2020 à 37 % en 2024, tandis que le nombre des appels était multiplié
par plus de quatre pour atteindre 112 000 par mois en moyenne
644
.
La qualité insuffisante du service rendu aux usagers se traduit par
un taux d’abandon élevé des parents
. La Cnaf évalue ainsi à 15 %
645
la part
des parents
qui renoncent finalement à l’intermédiation financière après en
avoir demandé le bénéfice. Cette qualité dégradée affecte la satisfaction
des parents qui s’engagent dans le processus d’intermédiation et dégrade,
en retour, l’image de l’Aripa.
3 -
Des enquêtes de satisfaction aux résultats contrastés
La branche famille dispose d’indicateurs internes rendant compte de
la satisfaction des usagers, qui confirment la performance très insuffisante
de l’accueil téléphonique.
L
a Cnaf et l’Aripa ont
conduit plusieurs
enquêtes
646
pour recueillir l’appréciation des parents concernés, dont les
résultats tracent des voies de progrès pour l’action publique.
a)
Un service jugé facile à utiliser mais peu réactif
Les deux tiers des parents interrogés, qu’ils soient créanciers ou
débiteurs, jugent simples les démarches requises pour mettre en place
l’intermédiation financière. Les trois quarts de ceux qui ont créé un compte
sur le site de l’Aripa n’ont pas rencontré de difficulté.
Deux tiers des parents estiment aisée la navigation sur le site
internet, et plus des deux tiers, suffisantes les informations fournies au
démarrage de la procédure. Les parents débiteurs apprécient le choix offert
643
Article R. 582-7 du code de la sécurité sociale.
644
À la MSA, le nombre d’appels était de 3
850 par mois en 2024 et tous les appels
étaient pris en charge.
645
Le taux d’abandon est de 8,23
% à la MSA.
646
Voir l’enquête réalisée par Titli
et al
.,
ibid,
auprès des bénéficiaires de l’in
termédiation
financière en octobre 2022 et celle conduite par l’Aripa sur «
mon compte Aripa
» en
janvier 2024.
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408
entre plusieurs modalités de versement de la pension (prélèvement
automatique, virement, chè
que et même espèces), dont l’Aripa souligne
toutefois qu’il est à l’origine de difficultés de gestion.
En revanche, les délais de mise en œuvre de l’intermédiation
financière sont perçus comme longs et, en cas d’impayé, l’information
fournie par l’Aripa es
t jugée insuffisante. 42 % des parents créanciers
déclarent ne pas savoir vers qui se tourner en cas de problème relatif à leur
dossier, ce taux atteignant 58
% pour les débiteurs. Un tiers des parents n’a
pas entendu parler de la plateforme téléphonique 32-38, canal privilégié
pour contacter l’Aripa.
Au total, seuls 26
% des parents considéraient l’agence comme un
service réactif en 2023.
b)
Des taux de satisfaction différenciés selon les profils des usagers
La satisfaction des usagers dépend de leur statut (créancier ou
débiteur) et de leur milieu social d’origine. Ainsi, les parents créanciers sont
à 80
% satisfaits de l’intermédiation financière, qui réduit «
les démarches et
les soucis
» et les occasions de conflit financier. Les parents débiteurs sont
plus critiques, puisque 53 % se déclarent indifférents ou insatisfaits.
Graphique n° 39 :
taux de satisfaction à l’égard de l’intermédiation
financière (2022)
Source :
Dossier d’études Cnaf, n° 233, 2024.
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409
L’
insatisfaction est nettement moins marquée parmi les parents
débiteurs issus de milieux modestes que parmi ceux issus de milieux aisés :
47
% des débiteurs titulaires d’un diplôme d’un niveau supérieur à bac+3
estiment
que
l’intermédiation
financière
alourdit
les
démarches
administratives, contre 17 % de ceux ayant un diplôme de niveau bac+2 et
20 % de ceux ayant un diplôme inférieur au baccalauréat.
Les parents débiteurs issus des classes aisées et moyennes sont 15 % à
juger que l’intermédiation financière aggrave les tensions liées aux questions
financières, contre 4 % pour les débiteurs issus de milieux modestes.
c)
Des attentes fortes pour une amélioration de la qualité de service
L’intégration de l’intermédiation financière dans le parcours
« séparation » que les Caf et la MSA déploient depuis 2021 pour faciliter
l’accès
aux droits des ex-conjoints, contribue à la faire mieux connaître, en
particulier auprès des parents aux revenus modestes ayant charge d’enfant
647
.
L’accroissement
du
recours
à
l’intermédiation
financière
s’accompagne d’attentes élevées, non satisfaites, d
es parents qui se
séparent, à l’égard de l’Aripa. Dans la mesure où les trois quarts des appels
téléphoniques restent sans réponse (cf
supra
), la quasi-totalité des parents
interrogés dans le cadre de l’enquête précitée auraient souhaité pouvoir
échanger p
ar courrier électronique avec l’agence, et plus des deux tiers au
travers de rendez-
vous téléphoniques. Ces formules mériteraient d’être
développées.
Conformément à l’objectif inscrit dans la convention d’objectifs et
de gestion de la Cnaf pour la période 2023-2027, l
’Aripa pourrait en outre
améliorer la qualité de l’information fournie aux usagers quant à
l’avancement de leur dossier. Des mises à jour plus fréquentes du service
en ligne « mon compte » pourraient leur permettre de suivre, en temps réel,
le
traitement de leurs demandes, la réception par l’Aripa et le reversement
de la pension alimentaire, ainsi que les différentes étapes du processus de
recouvrement des impayés. Des notifications pourraient être envoyées aux
usagers lors de changements de leur situation, comme le proposent déjà
certaines sociétés de service.
647
Pour autant, le parcours séparation
n’était pas connu de
plus de la moitié des parents
bénéficiaires de l’intermédiation financière interrogés
dans le cadre de l’enquête
de
satisfaction précitée.
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410
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Le service public des pensions alimentaires est un dispositif
innovant, mis en place en peu de temps, pour faciliter le paiement à bonne
échéance des pensions alimentaires aux parents créanciers, essentiellement
des femmes. Bien qu’il figure parmi les politiques prioritaires du
Gouvernement, il souffre toutefois d’un manque de pilotage. Les données
relatives aux séparations, aux pensions et aux impayés sont toujours
lacunaires, ce qui ne permet pas d’en apprécier la plus
-value. Son coût de
gestion n’est pas consolidé, ce qui ne permet pas d’évaluer son efficience.
Le calendrier resserré de sa mise en œuvre n’a pas permis à
l’
Aripa de mobiliser au même rythme les outils et les moyens humains qui
lui ont été affectés. L
es échanges d’information entre l’A
ripa et le ministère
de la justice conservent des limites. L
a mise en œuvre du service public des
pensions alimentaires
n’est pas finalisée
. Sept ans après sa création, la
qualité du service rendu aux bénéficiaires demeure en deçà des attentes.
En conséquence, la Cour formule les quatre recommandations suivantes :
Au ministère du travail, de la santé, des solidarités et de la famille,
au ministère de la justice, au ministère de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique et à la Caisse nationale des
allocations familiales,
41.
confier à l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions
alimentaires, avec l’appui de l’Insee, la réalisation d’enquêtes et la
collecte des données portant sur les séparations et les pensions
alimentaires nécessaires, notamment, à l’évaluation des taux et de
s
montants d’impayés, en vue de la constitution d’un observatoire géré
par la Caisse nationale des allocations familiales ;
42.
rendre obligatoire la transmission à l’Agence de recouvrement et
d’intermédiation des pensions alimentaires des données relatives au
nombre des séparations extra-judiciaires enregistrées par les notaires,
précisant l’existence d’enfants à charge et le montant d’éventuelles
pensions alimentaires
.
Au ministère du travail, de la santé, des solidarités et de la famille,
au ministère de la
justice, au ministère de l’Europe et des affaires
étrangères, à la Caisse nationale des allocations familiales et à la Caisse
centrale de la mutualité sociale agricole,
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411
43.
charger la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse
centrale de la m
utualité sociale agricole d’identifier et de suivre les
coûts de gestion du service public des pensions alimentaires et y
intégrer ceux transmis par le ministère de la justice et le ministère de
l’Europe et des affaires étrangères.
À la Caisse nationale des allocations familiales et à la Caisse
centrale de la mutualité sociale agricole,
44.
enrichir l’information mise à disposition des usagers et les tenir
informés, en temps réel, de l’évolution de leur situation, afin de réduire
le volume d’appels reçus par l’
Agence de recouvrement et
d’intermédiation des pensions alimentaires.
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