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Chapitre IX
La gestion des indus par les caisses
de sécurité sociale du régime général :
une détection à renforcer,
un recouvrement à optimiser
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_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Un indu est un montant remboursé ou versé à tort par une caisse de
sécurité sociale à un assuré, un professionnel de santé, un hôpital public
ou une clinique privée. L
es indus sont le résultat d’erreurs
,
d’omissions,
de fausses déclarations ou de fraudes de la part du bénéficiaire, les fraudes
se définissant comme des erreurs intentionnelles. Les indus peuvent aussi
résulter d’erreurs
des caisses de sécurité sociale
pendant l’exploitation de
documents reçus ou le calcul des droits
.
Ils sont détectés, c’est
-à-dire
décelés par les organismes, lors des contrôles ou à l’occasion d’une
déclaration ou d’un envoi de documents par les assurés, professionnels et
établissements de santé, ou par des partenaires des organismes.
Les indus, frauduleux ou non, doivent être constatés, notifiés aux
intéressés et recouvrés par les caisses de sécurité sociale. Le périmètre de
l’enquête couvre les branches famille, vieillesse, maladie et accidents du travail
et maladies professionnelles (AT-MP) du régime général. Il inclut les
pr
estations extralégales d’action sociale et les prestations versées pour le
compte de tiers par la branche famille comme le revenu de solidarité active, la
prime d’activité, les aides au logement ou l’allocation aux adultes handicapés.
Le montant des indus détectés en 2023 a atteint 10,3
Md€ pour les
prestations versées par les quatre branches du régime général. Compte
tenu des limites du contrôle interne et des systèmes d’information, une part
importante n’est toutefois jamais détectée par les organismes de
sécurité
sociale . Elle est estimée à 8,6
Md€. L’’ensemble (18,9 Md€) représente
près de 5 % des prestations.
La détection et le recouvrement des indus sont donc des impératifs
d’efficacité économique et de justice sociale. La Cour a examiné les moyens
mis en œuvre par les caisses de sécurité sociale
396
pour atteindre cet objectif.
Les indus sont élevés, non systématiquement détectés et recouvrés,
ce qui représente un enjeu significatif pour le régime général de la sécurité
sociale (I). Des actions sont nécessaires pour réduire leur volume et pour
améliorer leur recouvrement (II).
396
Déjà examinés dans le cadre d’une précédente enquête
(Cour des comptes,
« Les litiges des particuliers et des entreprises avec les organismes du régime général
de sécurité sociale »,
rapport sur l
’application des lois de financemen
t de la sécurité
sociale
, chapitre XI, mai 2023), les litiges portés devant les juridictions administratives
ou judiciaires sont exclus du champ de ce chapitre.
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LA GESTION DES INDUS PAR LES CAISSES
DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
289
Chiffres-clés 2023
La Cour estime l’ensemble des indus
apparus au cours de
l’
exercice
2023 à 18,9
Md€. Une partie est
détectée par les caisses, mise en recouvrement
(10,3
Md€) et recouvrée à hauteur de 9
Md€
. Une autre partie, non décelée, est
estimée à partir des indicateurs de contrôle interne
397
à 8,6
Md€
.
Schéma n° 5 :
flux des indus
décelés
et non décelés
par les caisses en 2023
Source
: Cour des comptes d’après les données des
caisses nationales
Les indus qui restent à recouvrer, pour l’exercice en cours (1,3
Md€) et
pour les exercices précédents (2,6
Md€), représentent
3,9
Md€ fin 2023, dont
2,1
Md€ pour la branche famille, 1,3
Md€ pour les branches maladie et AT
-MP
et 0,5 Md€
pour la branche vieillesse.
Les indus frauduleux comptabilisés par les caisses
, qui correspondent
aux préjudices subis,
s’élèvent à 0,7
Md€ soit 7
% des indus détectés, constatés,
et mis en recouvrement
398
. La proportion des indus frauduleux est nettement plus
élevée dans les indus qui restent à recouvrer (30 % en moyenne, 54 % pour les
branches maladie et AT-MP, 18 % pour la branche vieillesse, 20 % pour la branche
famille), en raison des difficultés de leur recouvrement.
L’estimation des indus non détectés (8,6
Md€) ne distingue pas les
risques par types d’indus
(frauduleux ou non frauduleux)
et ne permet
d’approcher que très partiellement la part des indus frauduleux. Ceux
-ci ont pu
être approchés par une autre méthode entre
8,2
et
8,9
Md€ (
cf. infra
).
397
Les indus et rappels non-décelés par les organismes sont mesurés par les indicateurs de
risques financiers résiduels après contrôle interne sur un échantillon qui est ensuite extrapolé.
398
À ce montant
s’ajout
e
0,4 Md€ d’indus évités, décelés et non comptabilisé
s.
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COUR DES COMPTES
290
I -
Des indus élevés, non systématiquement
détectés ni recouvrés
L’enjeu
financier de la gestion des indus couvre les procédures
mises en œuvre pour recouvrer
les indus notifiés et
l’identification
statistique par le contrôle interne des indus non détectés par les branches.
Les indus constatés au cours d’un exercice sont, en général,
correctement recouvrés grâce aux retenues légales d’office. Une partie
passe toutefois en perte, la procédure de gestion des indus comportant des
limites. Une part significative des indus n’est, en outre, jamais détectée.
Enfin, les indus frauduleux sont plus difficilement recouvrables.
A -
Des indus importants recouvrés majoritairement
grâce aux retenues et aux échéanciers
Les indus décelés annuellement par les organismes sont élevés et
leur recouvrement s’effectue principalement par des retenues sur les
prestations ou par des échéanciers.
1 -
Des indus en grande partie recouvrés au cours de l’exercice
de leur constatation
Les indus enregistrés
au cours de l’exercice résultent des contrôles
opérés par les caisses sur les versements, le plus souvent
a posteriori
. Leur
masse illustre les effets de la complexité de la règlementation, qui fait
dépendre la liquidation
399
des prestations d’éléments décl
arés par les
bénéficiaires. L’amélioration de la qualité de la liquidation
doit permettre
d’améliorer le paiement
à bon droit des prestations.
399
La liquidation correspond à la vérification des droits et au calcul des prestations
avant le paiement.
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LA GESTION DES INDUS PAR LES CAISSES
DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
291
Tableau n° 27 :
indus mis en recouvrement et remboursés en 2023
(en Md€)
Branche
Prestations
versées
(flux)
Au cours de l’exe
rcice
(flux)
Au 31 décembre
(stock)
Indus mis en
recouvrement
Indus
recouvrés
Restes
à recouvrer
(valeur brute)
Restes
à recouvrer
(valeur
nette)
Maladie /
AT-MP
135
6,2
5,7
1,3
0,5
Famille
91
3,8
3,1
2,1
1,9
Vieillesse
150
0,3*
0,2**
0,5
0,3
TOTAL
385
10,3
9,0
3,9
2,7
Note : les montants de la branche maladie ne comprennent ni les participations et franchises, ni les recours
contre tiers, ni les facturations des hôpitaux
* Indus constatés dans l’année à défaut de disposer des indus mis en recouvrement.
**Montant correspondant au recouvrement annuel sur 12 mois des indus constatés en 2023 par la branche vieillesse.
Source : Cour des comptes d’après les données des caisses
nationales
Le montant total des indus décelés par les caisses et mis en
recouvrement au cours de l’exercice 2023 s’est élevé à 10,3
Md€. Il reste
modéré, allant de 0,2 % des prestations versées par la branche vieillesse à
4,5 % pour les branches maladie et AT-
MP. L’essentiel des indus constatés
est recouvré au cours du même exercice (environ 9
Md€ en 2023, soit près
de 90 %).
Les indus décelés, mis en recouvrement mais non récupérés,
constituent les restes à recouvrer. À fin 2023, au titre de l’exercice et
des
exercices antérieurs, ils s’élèvent en valeur brute à 3,9
Md€. Les indus
prescrits ou risquant de ne pas être recouvrés font l’objet de dépréciations
comptables. En valeur nette de ces dépréciations, les indus s’élèvent à
2,7
Md€ à fin 2023.
2 -
Les retenues et échéanciers : des mécanismes efficaces
de récupération des indus
Toutes les branches
peuvent mettre en place des retenues d’office
sur les prestations à venir afin de récupérer de façon échelonnée les
sommes qui leur sont dues par les assurés ainsi que par les professionnels
et établissements de santé. Dans les branches famille et maladie, les
retenues sont paramétrées dans le
s systèmes d’information et tiennent
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292
compte de la situation financière des assurés. Elles le sont aussi dans la
branche vieillesse mais, pour chaque indu
400
, les agents doivent faire des
opérations manuelles chronophages.
Ces mécanismes permettent de recouvrer une grande partie des indus
notifiés : 78 % dans la branche famille, 93 % dans la branche maladie
401
. La
quotité saisissable
402
constitue en principe une limite, sauf lorsque les caisses
obtiennent l’accord des assurés pour aller au
-delà, à leur détriment.
Pour faciliter le recouvrement, les caisses peuvent proposer ou
accorder des paiements échelonnés ou échéanciers. Elles peuvent accepter
des délais de remboursement supérieurs à ceux
qu’elles ont proposé
s.
La Cour a relevé des pratiques hétérogènes entre les branches et au
sein d’un même réseau. Les délais accordés peuvent
dépasser ceux prévus
par la réglementation
403
. Il conviendrait que les caisses appliquent la
règlementation ou que celle-ci évolue pour
permettre l’octroi de délais de
paiement plus longs. Les textes légaux et réglementaires pour la branche
famille devraient par ailleurs être mis en cohérence avec ceux applicables
aux autres branches. Enfin, les contrôles ou supervisions menés sur les
échéanciers
sont hétérogènes et d’une efficacité contrastée entre les
branches et organismes. Ils pourraient être améliorés.
B -
Des procédures de recouvrement à améliorer
Quand ils sont définis, les objectifs fixés aux branches en matière de
recouvrement d’indus ne sont pas comparables. Les résultats, bien
qu’atteints dans l’ensemble, ne le sont pas par toutes les caisses locales.
Les pertes en l’absence de recouvrement sont
significatives.
1 -
Des objectifs non comparables et des résultats différenciés
Les conventions d’objectifs et de gestion conclues entre l’État et les
branches du régime général ne définissent pas d’indicateurs de recouvrement
communs, ce qui ne permet pas une comparaison des performances des
400
Dès lors que les assurés
ne sont pas exonérés ou ne font pas l’objet d’une remise de
dette automatique du fait d’erreur de la caisse ou de la précarité financière des assurés.
401
Cette donnée n’est pas disponible dans la branche
vieillesse du fait des insuffisances
de son système d’information.
402
Part des rémunérations pouvant être saisie. La législation prévoit de laisser à un
assuré
le bénéfice d’une somme au moins égale au montant mensuel du revenu de
solidarité active prévu pour un allocataire seul.
403
Douze mois pour les branches vieillesse et maladie selon l’art.
L 133-4-1 du code de la
sécurité sociale. L’art.
L 553-2 du même code ne prévoit pas de délai pour la branche famille.
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DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
293
branches
. Avant 2023, la branche vieillesse n’
avait même aucun indicateur.
Depuis 2023, elle a mis en place un indicateur unique
404
qui ne distingue
pas, contrairement aux deux autres branches, les indus courants et les indus
frauduleux.
Tableau n° 28 :
résultats des indicateurs sur le recouvrement
des indus courants à 24 mois de 2019 à 2023
Branche
COG 2018-2022
COG 2023-2027
Résultat
Cible
Atteinte
cible
Cible
Résultat
Atteinte
cible
2019
2022
2022
2022
2023
2023
2023
Maladie
99 %
99 %
99 %
Oui
96 %
98 %
Oui
Famille
88,0 %
88,0 %
86,6 %
Oui
86,6 %
88,8 %
Oui
Vieillesse*
N/A
N/A
N/A
N/A
75 %
79 %
Oui
(*) Pour la branche vieillesse, indicateur commun aux indus courants et frauduleux.
Source : Cour des comptes à partir des COG et des données des caisses nationales
Dans la branche maladie
405
, le taux de recouvrement à 24 mois des
indus courants a dépassé 98 % en 2023 pour une cible à 96 %. Six caisses
n’atteignent pas l’objectif. Dans la branche famille, l’objectif de
recouvrement à 24 mois des indus courants a été atteint chaque année depuis
2019. En 2023, il s’est établi à 88,8
% pour une cible de 86,6 %, en
amélioration de 0,8 point par rapport à 2022. Les résultats par CAF sont
hétérogènes (de 79,5 % à 92 %), 70
CAF sur 101 atteignant l’objectif. Dans
la branche vieillesse, l’objectif a été fixé à 75
% en 2023, taux nettement plus
bas car incluant les indus frauduleux. Il est dépassé (79 %), avec une
performance des caisses fortement différenciée, allant de 63 % à 92 %.
Les différences constatées entre les caisses locales illustrent
l’existence de marges de progrès. Les pratiques des caisses les plus
efficaces pourraient être généralisées et les objectifs globaux relevés. Il
conviendrait de mettre en place des indicateurs de mesure de la qualité du
recouvrement, notamment des délais de mise en œuvre.
404
Il exclut les indus sur les travailleurs indépendants.
405
Hors participations, franchises et recours contre tiers.
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294
2 -
Des pertes
d’indus en forte croissance
Plusieurs mécani
smes peuvent conduire à l’extinction d’un indu non
recouvré : son faible montant (annulation), son effacement consécutif à la
reconnaissance d’une situation de surendettement du débiteur, la
reconnaissance de la situation économique et sociale du débiteur de bonne
foi (remise de dette) ou l’incapacité de la caisse à le recouvrer en totalité
dans les délais légaux (prescription).
S’ajoute à ses modalités d’extinction
des indus, l’admission en non
-valeur, mesure administrative d'apurement
budgétaire et comptable des créances estimées irrécouvrables.
En 2023, les pertes d’indus ont atteint 179
M€ pour la branche
maladie, en augmentation de 66 % par rapport à 2019, et 237
M€ pour la
branche famille (+ 50
%). Les résultats, d’apparence mieux contenus, dans
la branche vieillesse (15
M€, en hausse de 30
%), reflètent un contrôle de
la Cnav plus distant sur ces données et une gestion moins rigoureuse dans
les caisses locales
406
.
Graphique n° 29 :
p
ertes annuelles d’indus par branche
de 2019 à 2023 (en M€)
Note
: les données de la branche vieillesse n’incluent pas l’allocation de solidarité pour les
personnes âgées.
Source : Cour des comptes à partir des données des caisses nationales
406
Une des caisses visitées a indiqué ne pas avoir pu traiter ses admissions en non-valeur
tous les ans, faute de personnel.
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DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
295
En revenant à un niveau de pertes similaires à celui de 2019, les
gains pour le régime général seraient de plus de 100
M€ par an.
Les dispositifs d’extinction des indus sont légalement encadrés.
Toutefois leur mise en œuvre est marquée par une forte hétérogénéité entre
les branches et des pratiques locales parfois non conformes à la législation (cf.
infra
). En revanche, la Cour n’a pas relevé d’anomalies dans la constatation
des annulations par décision de justice ou par les organismes ni dans les
effacements de dette ordonnés par les commissions de surendettement.
3 -
Un cadre juridique des remises de dette à harmoniser
entre les branches et à mieux respecter
S’agissant des remises de dette, la législation
407
donne aux caisses
la possibilité de
réduire le montant de l’indu
pour le seul motif de précarité
du débiteur
408
. Les dossiers de remises de dettes sont soumis, pour décision,
à la commission de recours amiable, émanation du conseil d’administration
de la caisse.
L
es modalités d’évaluation de l
a précarité
du demandeur d’une
remise ne sont pas identiques selon les branches : la Cnaf et la Cnav ont
mis en place des barèmes nationaux différents
409
et la Cnam
n’en a pas
déterminé.
Sur l’échantillon de caisses visitées, la Cour a relevé des cas de
mise en œuvre irrégulière
: deux caisses ont fixé des conditions de rejet
systématique des demandes de remise
410
.
Un cadre juridique unique pourrait être appliqué au régime des
remises de dette sous la forme
d’
un barème commun aux branches, fondé
sur une appréciation de la précarité mieux définie. Cette simplification
rendrait moins utile l
’organisation des commissions de recours amiable
,
qui est coûteuse et chronophage. Leur pouvoir de décision pourrait être
transmis aux directeurs et directeurs comptable et financier des caisses, qui
en rendraient
compte au conseil d’administration.
407
Art. L 256-4 du code de la sécurité sociale pour les prestations de la branche maladie,
Art. L 553-2 pour les prestations de la branche famille, Art. L 262-
42 du code de l’action
sociale et des familles pour les revenus de solidarité active.
408
Pour les
prestations de retraite et d’invalidité,
la loi prévoit que
l’erreur de la caisse
peut conduire à une remise de dette automatique.
409
Un barème national indicatif aide les caisses locales à déterminer la remise pouvant
être appliquée en raison des revenus et charges du foyer du demandeur.
410
Pour la première,
aucune remise de dette n’est acceptée dès lors qu’une contrainte a
été adressée à l’assuré
; la deuxième exclut les recours contre tiers lorsque des assurés
victimes d’
accident se retournent contre le tiers responsable du dommage à fin de
remboursement
des prestations sociales qu’il a reçues.
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296
4 -
Des admissions en non-valeur des indus reflétant les limites
des pratiques de recouvrement
L’admission en non
-valeur des indus des prestations sociales correspond
à une perte sur créances irrécouvrables. Les admissions en non-valeur doivent
répondre à des conditions légales
411
et à l’un des cinq motifs suivants
:
insolvabilité, disparition du débiteur, décès, insuffisance d’actif saisissable et
liquidation judiciaire, indu de faible montant. Les contrôles de la Cour ont permis
de s’assurer du correct respect de ces
conditions dans les caisses visitées.
Toutefois, des marges de progrès sont identifiées. Le nombre des
admissions en non-valeur pour insolvabilité
412
diminuerait si la précarité
était mieux prise en compte dans les phases amont du recouvrement, en
examinant notamment une possible remise de dette. Cela éviterait des
actions de recouvrement à faible chance de réussite et limiterait les coûts.
Les admissions en non-
valeur pour cause de décès s’expliquent par
les difficultés des caisses à identifier l’ensemble
des héritiers ainsi que leur
quote-part respective dans la succession. Le recouvrement pourrait être
amélioré par une meilleure utilisation du droit de communication des
caisses envers les notaires
pour les successions qu’ils gèrent
et par une
consultation systématique de la base des successions vacantes.
5 -
Des règles de prescription de l’indu et de l’action
en recouvrement à mieux maîtriser
La prescription légale éteint l’indu résultant de l'inaction de la caisse
après un délai défini qui varie selon la nature des indus
413
. Les règles
complexes de suspension et d’interruption doivent être maîtrisées par les
caisses locales afin d’identifier de manière fiable le terme au
-delà duquel elles
ne pourront plus engager d’actions de recouvrement et devront mettre fi
n à la
retenue automatique sur flux de prestations ou de paiement. Nonobstant, elles
peuvent continuer à inviter le débiteur à rembourser de lui-
même l’indu.
411
Art. L.133-3 alinéa 2 et Art. D.133-3-2 du code de la sécurité sociale : elle est
prononcée par décision conjointe du directeur et du directeur comptable et financier et
doit concerner une créance de plus d’un an.
412
Dans la branche famille, qui est la seule à disposer de la répartition des ANV, le
premier motif est l’insolvabilité de l’assuré (47
%) pour la période de 2019 à 2023.
413
Art. 2219 du code civil. Hors indus nés de fraude ou de fausses déclarations, les actions
en recouvrement des caisses envers les particuliers se prescrivent en deux ans, contre trois
ans pour celles envers les professionnels et établissements de santé. Le délai est porté à
cinq ans pour les indus en cas de décès ou pour les franchises et participations forfaitaires.
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DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
297
La Cour a relevé une maîtrise insuffisante de ces règles, mal
compensée par les outils informatiques de recouvrement. Selon les pratiques
observées, les branches tendent à considérer que tout acte de gestion a valeur
interruptive, ce qui ne correspond pas à l’état du droit. L’absence de
constatation de la prescription légale dans le système
d’information engendre
à tort des recouvrements par retenues sur des créances prescrites. Enfin, des
créances prescrites sont admises à tort en non-valeur.
Les caisses nationales devraient engager ou renforcer leurs
formations et les contrôles de la bonne application des règles par les
organismes. Les tutelles pourraient, en outre, mettre à jour la circulaire
interministérielle du 12 juillet 2010 qui précise ces règles.
C -
Une masse importante
d’indus
non détectés
Une partie des indus liés à des erreurs ou à
des fraudes n’est jamais
détectée par les caisses de sécurité sociale. Une estimation est réalisée
chaque année par le biais d’indicateurs de risques financiers résiduels après
contrôle interne
414
.
Graphique n° 30 :
évolution des indicateurs de
montants d’
indus
non détectés par branche (
En Md€
, 2019-2023)
Note : Les données correspondent aux indicateurs suivants : famille - erreurs sur les données déclarées ;
maladie - AT-MP (frais de santé) : indus de versement sur frais de santé ; maladie - AT-MP (indemnités
journalières) : erreurs sur indemnités journalières et vieillesse : incidences financières des erreurs.
Source : Cour des comptes à partir des données des caisses nationales
414
Ces indicateurs reposent sur la vérification approfondie d’un échantillon représentatif
d’opérations comptabilisées durant l’exercice. Les contrôles réalisés permettent d’établir
la fréquence des erreurs de portée financière et un taux d’incidence financière des erreurs.
Par extrapolation, on estime le montant global des erreurs de portée financière, calculé en
appliquant ce taux d’incidence financière à l’ensemble des prestations versées.
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298
Chaque branche a ses propres indicateurs en fonction des caractéristiques
des prestations qu’el
le verse.
Pour la branche famille
415
, il est estimé que 5,2
Md€ d’indus de
l’exercice 2023 ne seront jamais détectés selon l’estimation faite vingt
-quatre
mois après la liquidation. Le revenu de solidarité active et la prime d’activité
engendrent le plus d’e
rreurs non détectées. Pour la branche vieillesse, les
indus liés aux erreurs de liquidation affectant les pensions de retraite sont
estimés à 0,2
Md€ en 2023. Pour les branches maladie et AT
-MP, la
fréquence des erreurs résiduelles permet d’estimer un montant d’indus de
2,9
Md€ sur les frais de santé et de 0,3
Md€ pour les indemnités journalières.
Au total, les indus estimés, non identifiés
, s’élèvent à plus de
8,6
Md€,
ce qui a conduit la Cour à émettre des réserves sur les comptes
des branches ou à refuser de les certifier
416
.
D -
Les indus frauduleux, une détection à renforcer,
un recouvrement difficile
Les indus frauduleux sont plus complexes à identifier, à évaluer et à
recouvrer que les indus courants.
1 -
Des progrès dans
l’identification
et l’évaluation d
es indus
frauduleux à fortement amplifier
Malgré des progrès depuis 2019, les indus frauduleux
417
comptabilisés, d’un montant de
0,7
Md€, sont nettement moins élevés que
leur montant estimé par les branches et la Cour
418
, compris entre 8,2 et
8,9
Md€. L’import
ance de cet écart et les différences de performance
constatées entre les caisses en matière de détection invitent à rehausser les
objectifs de lutte contre les fraudes des branches.
415
Par exemple, la branche famille distingue les indus issus de données déclaratives
erronées de ceux issus d’un traitement erroné par ses propres caisses. Seul le résultat de
l’indicateur sur les données déc
larées mesurant les indus non identifiés vingt-quatre
mois après leur liquidation est retenu.
416
Cour des comptes, rapports de certification des comptes du régime général de
sécurité sociale, publiés chaque année en mai.
417
La notion d’indus frauduleux recou
vre dans le chapitre les indus fautifs. Une fraude est
un acte intentionnel entraînant un préjudice pour l’organisme ayant versé les prestations. Une
faute occasionne aussi un préjudice, mais l’intentionnalité n’est pas démontrée.
418
Cour des comptes,
rappo
rt sur l’application des lois de financement de la sécurité
sociale
, chapitre VII, mai 2023.
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LA GESTION DES INDUS PAR LES CAISSES
DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
299
Pour la branche maladie, un rehaussement
de l’objectif au
tiers des
montants estimés le porterait à 1,5
Md€ par an. L’atteinte de l’objectif
impliquerait une augmentation des moyens alloués à cette lutte.
Tableau n° 29 :
écart entre les indus frauduleux* estimés
et ceux mis en recouvrement en 2023 (en Md€)
Branche
Montant
estimé
Montant détecté
(préjudices
subis)
Montant mis en
recouvrement
(flux)
Restes
à recouvrer
(stock)
Maladie
3,8 à 4,5***
0,3
0,2
0,7
Famille
4,2
0,4
0,2**
0,4
Vieillesse
0,2 (en 2022)
0,03
0,03
0,1
TOTAL
8,2 à 8,9
0,7
0,4
1,3
* Les indus fautifs sont inclus dans les indus frauduleux.
** Montant reconstitué par la Cour.
*** L’estimation de la fraude par la Cnam est partielle et concerne 30 % des dépenses de la
branche maladie. Le
montant correspond à l’application, par la Cour,
d’une règle de trois aux
montants déjà estimés.
Source : données
provenant des caisses nationales et du rapport sur l’application des lois de
financement de la Sécurité sociale de mai 2023, chapitre VII et des caisses nationales.
En outre, dans les branches famille et maladie, les indus frauduleux
sont minorés car ils sont constatés sur des durées de deux ou trois ans,
inférieures à la prescription légale
419
compte tenu des limites des systèmes
d’information. Il n’a pas été possible de mesurer l’économie qui
correspondrait à la mise en œuvre de procédures de recouvrement d’indus
pour toutes les périodes non prescrites.
Les montants moyens individuels d’indus frauduleux sont
généralement plus élevés que ceux d’indus courants. Dans la b
ranche
famille, ce montant est de 7
981€ en 2023 contre 542
€ toutes
natures
confondues. Dans la branche maladie, il en va de quelques centaines
d’euros à plusieurs millions d’euros
pour un centre de santé. Le montant
des sommes à recouvrer est aussi affecté par les majorations et pénalités
financières prévues en cas de fraude et les délais liés à la résolution des
plaintes portées devant les juridictions pénales.
419
En cas de fraude ou de fausse déclaration, toute action en restitution d'un indu de
prestations, engagée dans le délai de cinq ans à compter de la découverte de celle-ci,
permet à la caisse de recouvrer la totalité de l'indu se rapportant à des prestations payées
au cours des vingt ans ayant précédé l'action (Cour de cassation, Assemblée plénière,
17 mai 2023, n° 20-20.559).
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COUR DES COMPTES
300
En plus des pénalités, dans la branche maladie, les Cpam peuvent
décider de sanctionner la fraude commise par un professionnel de santé en
le déconventionnant, ce qui conduit à l’exclure du droit à remboursement
de ses actes.
2 -
Un recouvrement des indus frauduleux détectés plus difficile
et encore faible
Par nature, les indus frauduleux sont plus difficiles à recouvrer que les
indus courants en raison de leur montant individuel plus élevé et parce qu’une
partie des assurés ou professionnels de santé fraudeurs organisent leur disparition
ou leur insolvabilité. Les délais de recouvrement sont aussi beaucoup plus longs,
ce qui augmente le risque d’interruption du remboursement des sommes dues.
Dans la branche famille, le mécanisme des retenues
d’office sur les
prestations est majoré en cas de fraude
420
. Le taux de recouvrement par ce
biais est de 56,5 % en 2023, contre 77,5 % pour les indus courants.
Les organismes peuvent accepter des échéanciers en cas de fraude.
Dans la branche vieillesse, bien que le paiement
d’un indu frauduleux soit
demandé en une seule fois, les organismes peuvent accepter la mise en
place de versements échelonnés si les assurés rencontrent des difficultés de
paiement, ce qui les place dans une situation similaire à celle des assurés
non fraudeurs.
Conformément à la loi, aucune
remise de dette n’est autorisée par
les branches pour les indus frauduleux. La part des admissions en non-
valeur
des indus frauduleux n’est pas disponible
dans les branches.
Face à la difficulté de recouvrer des indus frauduleux, les objectifs
de recouvrement fixés aux branches dans le cadre de leur convention
d’objectifs et de gestion sont moins élevés que pour les indus courants. Les
taux de recouvrement observés sont également nettement plus bas.
Dans la branche maladie, les objectifs
n’ont pas été atte
ints de 2020
à 2022 et les résultats du recouvrement se sont dégradés de façon constante,
passant de 60 % à 49
%. En 2023, l’objectif est atteint mais reste bas (55
%)
malgré un taux de recouvrement calculé dorénavant sur une année
supplémentaire
421
. 30 cais
ses n’ont pas atteint l’objectif.
420
Cette majoration, conduisant à une retenue mensuelle plus importante que celle appliquée
à un assuré non fraudeur, est prévue par la législation. Elle est doublée en cas de récidive.
421
Tenir compte d’une année supplémentaire entraîne
de facto
un meilleur taux de
recouvrement.
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DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
301
Dans la branche famille, l’objectif national est atteint chaque année
depuis 2019 mais l’indicateur a changé en 2023
422
. En 2023, les résultats
du nouvel indicateur oscillent selon les CAF entre 54 % et 96 %, révélant
une hétérogénéité encore plus forte pour les indus frauduleux que pour les
autres indus. À périmètre constant, les résultats du recouvrement se
dégradent entre 2022 et 2023. Le taux de recouvrement, en retenant le
nouvel indicateur, passe de 80 % à 78 %.
II -
Des actions nécessaires pour réduire
le volume des indus et améliorer
leur recouvrement
Pour réduire les indus identifiés et estimés, dont le niveau est trop
élevé, les caisses de sécurité sociale devraient mieux identifier leurs causes,
renforcer leurs actions de prévention et améliorer le recouvrement. Une
attention particulière est à porter aux indus frauduleux.
A -
Mieux identifier les causes d’indus pour définir
une stratégie d’actions plus efficace
Le contrôle interne constitue un bon moyen pour analyser et
comprendre les causes d’indus
d
une branche. Celles-ci sont toutefois
insuffisamment analysées par les caisses nationales.
1 -
Des causes d’indus différentes selon les branches,
non systématiquement identifiées
La branche vieillesse est la plus
avancée dans l’analyse des causes
d’
erreurs. Les
résultats de l’indicateur de risque financier résiduel
, après
contrôle d’un échantillon
d’opérations, montrent qu’en moyenne, près de
35
% des erreurs sont génératrices d’indus et 65
% de rappels
423
.
Pour les pensions de droits propres (49 % des anomalies en
montant), 24 % des anomalies sont liées au calcul de la pension et 6 % aux
422
Les créances de RSA, transférées aux conseils départementaux au bout de trois mois,
en sont désormais exclues.
423
Les rappels correspondent aux montants remboursés par les caisses aux bénéficiaires
de prestations.
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302
taux appliqués pour la CSG et la CRDS
424
. Les anomalies sur les pensions
de réversion (29 % des anomalies en montant) ont trait à 72
% à l’absence
ou à
la saisie erronée d’un avantage viager,
ou à une erreur sur les revenus
d’activité ou de remplacement.
Les ressources sont aussi le principal motif
d’erreur
pour l’
allocation de solidarité aux personnes âgées (minimum
vieillesse), laquelle représente 22% des anomalies en montant.
La Cnam a recensé les dix principales causes ou familles
d’anomalies
à partir des résultats de ses indicateurs de risque financier
résiduel. Pour les prestations en nature, elles sont, en nombre, la non-
conformité des données de facturation au référentiel national des
transporteurs et les surfacturations kilométriques et en montant, les
facturations incomplètes ou illisibles et les erreurs de saisie interne. Pour
les prestations en espèces, les pièces justificatives non conformes ou
absentes représentent les deux principales anomalies en nombre et en
montant, suivies par les erreurs dans les revenus de référence pour le calcul
de l’indemnité journalière.
Dans la
branche famille, les causes d’indus ne sont pas
exhaustivement identifiées et recensées.
2 -
Des travaux d’analyse complémentaire à conduire
Dans la branche maladie, le recensement des principales causes
d’anomalies a permis de mettre en œuvre de nouveaux contrôles pour les
prestations en nature. Des trava
ux d’analyse complémentaires sont à
conduire pour les prestations en espèce.
Dans la branche famille, la Cnaf prévoit une exploitation exhaustive
des rapports de contrôle pour 2025, ce qui devra
it permettre d’identifier les
causes et la fréquence des erreu
rs faites par les allocataires et d’en tirer des
enseignements pour améliorer la prévention des indus.
Dans la branche vieillesse, chaque année, les
caisses d’assurance
retraite et de la santé au travail (Carsat) établissent un plan qualité et de
production, dans lequel elles définissent des actions pour prévenir leurs
erreurs. Ce plan
fait l’objet d’un échange avec la Cnav
mais la réalisation
des plans d’actions n’est
pas contrôlée.
424
Le solde est constitué des erreurs sur la reconstitution de carrière, qui sont plutôt à
l’origine de rappels.
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303
B -
Mieux prévenir la constitution
d’indus
La prévention des indus nécessite d’améliorer les outils
ad hoc
, de
renforcer et mieux cibler les contrôles avant paiement, et de développer les
actions préventives à l’égard des assurés et des professionnels de santé.
1 -
Améliorer les outils
Dans toutes les branches, une part importante des indus est liée à la
mauvaise prise en compte des ressources des assurés, par exemple en cas
de décalage entre la date de survenance
d’un changement de situation
et sa
déclaration
par l’
assuré. Le développement des échanges de données entre
les organismes et le recours à des tiers pour obtenir des informations fiables
constituent des chantiers de progrès qu’illustre la mise en place du
dispositif « ressources mensuelles »
425
.
Dans la branche famille, une expérimentation en cours depuis
octobre 2024 dans cinq CAF vise à utiliser les données de ce dispositif pour
pré-remplir les données de ressources et
calculer la prime d’activité et le
revenu de solidarité active, comme cela est déjà le cas pour les allocations
logement. G
énéralisée à l’ensemble du réseau en mars 2025
, elle devrait
sécuriser le calcul des prestations et simplifier les formalités déclaratives
des assurés. L
es résultats provisoires ne permettent pas à ce stade d’estimer
les volumes d’indus qui ser
aient évités.
La branche vieillesse prévoit
d’utiliser ce dispositif
à compter de
2025 pour la liquidation de
l’
allocation de solidarité aux personnes âgées
(minimum vieillesse) et des pensions de réversion en recourant à des
formulaires avec des ressources pré-remplies. La branche maladie utilise
les données de salaire du dispositif « ressources mensuelles » pour les
indemnités journalières et la complémentaire santé solidaire.
L
e nombre d’indus liés aux erreurs des caisses et des assurés
devrait
ainsi être réduit. Toutefois,
certaines données, source d’erreurs, ne sont
pas encore exploitées par les organismes, comme les situations
professionnelles, ou ne figurent pas encore dans le dispositif
426
.
425
Ce dispositif permet aux organismes sociaux d’acquérir en temps réel une grande
partie des données de ressources des assurés auprès de tiers de confiance : employeurs
(déclaration sociale nominative) et organismes sociaux qui versent des prestations
(dispositif de prélèvement à la source pour les revenus autres).
426
Pensions alimentaires, revenus des travailleurs indépendants, revenus perçus à
l’étranger,
pensions et rentes versées par des organismes privés de prévoyance, etc.
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COUR DES COMPTES
304
2 -
Renforcer les contrôles avant paiement
Après avoir largement développé les contrôles
a posteriori
, toutes
les branches mettent en place des contrôles
a priori
avant paiement, dont
certains
sont ciblés sur les prestations présentant le plus de risque d’indus.
Leurs résultats sont hétérogènes et leur nombre devrait augmenter.
Dans la branche famille, les contrôles avant paiement sur les
prestations les plus à risque
ont permis d’éviter 84
M€ d’indus en 2023
(69
M€ en 2019).
Par ailleurs, les contrôles liés
à l’
analyse des données de
masse ont détecté 67
M€ d’indus (
49
M€
en 2019). Entre 2019 à 2023, le
nombre de contrôles
a priori
et
a posteriori
réalisés par les directions
comptables et financières de la branche a baissé de 4 % mais leur
rendement financier a crû de 30 %
427
. Ces résultats montre
nt l’intérêt d
e
l’amélioration
du ciblage mais ne justifient pas la réduction du nombre des
contrôles. Ils sont aussi à relativiser au regard de la forte hausse des indus
non identifiés estimés par les indicateurs de risques financiers résiduels.
Pour la branche maladie, les contrôles
a priori
sur les assurés, les
professionnels et établissements de santé
ont permis d’éviter, en 2023
57
M€ d’indus
(36
M€ en 2021
). Ce montant en hausse ne rend pas compte
des différences de situations selon les catégories de débiteurs, ce qui
confirme la nécessité de mieux cibler les contrôles.
427
Données issues du plan de contrôle interne diffusé en 2024, annexe 4 du bilan 2023.
On peut relever que, parmi tous les contrôles réalisés par les directions et financières
de la branche, les contrôles « métier » ont augmenté de 4 % entre 2019 et 2023, la baisse
ayant porté sur les contrôles « données entrantes ».
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DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
305
Des contrôles sur les professionnels et établissements de santé
en cours de déploiement, à rendre plus efficaces
La Cnam développe depuis 2021 des contrôles automatisés sur la
facturation des professionnels de santé avec un outil déployé par la Mutualité
sociale agricole (projet Meteor). Une première étape, déployée dans 60 caisses
fin 2024 et généralisée en mars 2025, applique automatiquement aux flux de
remboursement des pharmaciens les taux de prise en charge des médicaments,
évitant le recours abusif à l’exonération du ticket modérateur. La Cnam a
prévu d’étendre ce dispositif, avec différents types de contrôles à préciser, à
l’ensemble des professionnels de santé sans avoir encore établi de calendrier.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 avait instauré
l’obligation, pour les établissements de santé publics et privés non lucratifs,
d’une facturation individuelle et directe de leur activité à l’assurance maladie
obligatoire, comme cela est déjà le cas pour les cliniques privées à but lucratif.
Cette obligation n’a été généralisée que pour les actes et consultations
externes, hors séjours hospitaliers. Pour ces derniers, qui représentent les
volumes de dépenses et de factures les plus importants,
ce dispositif n’est pas
mis en place
428
, alors qu’il permettrait de prévenir les indus.
Dans la branche vieillesse, les contrôles
a priori
sur le recouvrement
sont ciblés sur les indus (et rappels) les plus à risque. Le bilan national
présente le nombre de dossiers contrôlés et en erreur et les taux de contrôle et
d’erreur mais il ne fournit pas le montant des indus et rappels associés. Il
c
onviendrait que l’impact financier des contrôles (indus ou rappels)
a priori
et
a posteriori
soit identifié pour apprécier l’efficacité financière des
contrôles. Par ailleurs, les objectifs fixés par la Cnav ne sont pas respectés par
toutes les caisses, y compris pour les dossiers devant être contrôlés à 100 %.
3 -
Développer les mutualisations entre caisses
La mutualisation du recouvrement des indus entre caisses locales
n’est pas appliquée dans les branches maladie
429
et vieillesse,
alors qu’elle
permet d’améli
orer le recouvrement : chaque caisse locale prend en charge
ses propres indus,
quel que soit le lieu de résidence de l’assuré ou du
bénéficiaire de prestations.
428
Il est utilisé dans un seul hôpital.
429
La convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Cnam
prévoyait une
expérimentation sur la centralisation du recouvrement des participations liées à la
complémentaire santé solidaire en 2024, non
encore mise en œuvre.
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COUR DES COMPTES
306
À
l’inverse, d
ans la branche famille,
lorsqu’un bénéficiaire change
de département, les créances doivent être transférées de la caisse qui les a
constatées à celle de son nouveau domicile. Cependant, au titre de sa
mission de certification des comptes, la Cour a déjà relevé que des délais
de traitement importants
nuisent à l’efficacité du recouvreme
nt et à la
maîtrise des risques de prescription. Lors de ses déplacements dans les
CAF
, la Cour a pu constater l’existence de retards voire d’absence
s de
transmission de créances d’une caisse à l’autre.
La branche famille a mis en place un dispositif national de
télérecouvrement qui
s’organise autour de la CAF de la Haute
-Marne,
pilote au niveau national, et de 13
CAF pivots œuvrant pour 57
autres CAF
adhérentes. Ce dispositif vise à homogénéiser les pratiques pour rendre le
télérecouvrement plus efficace, avec
la systématisation d’un appel
par la
CAF du débiteur
dès la notification de l’indu. La
CAF de Haute-Marne
indique un taux de promesses de paiement de 69 % et
un taux d’efficacité
avec rappel de 80 %. Grâce à cette pratique, les montants récupérés sont
plus importants et le sont plus rapidement que dans le
cadre d’une
procédure de recouvrement classique. La charge contentieuse est diminuée.
4 -
Renforcer les actions préventives
Les branches mettent en place des actions de communication
nationales auprès de publics ciblés ou de leurs partenaires
430
, dont les effets
ne sont pas tous connus ou contrôlés.
Le programme de prévention des indus de la branche famille prévoit
ainsi que chaque CAF réalise au moins trois actions définies
nationalement : des envois de mails ciblés, par exemple sur les nouveaux
autoentrepreneurs ou sur les bénéficiaires du revenu de solidarité active ou
de
l’allocation adulte handicapé
, afin de les informer sur les bonnes
pratiques de déclaration, des campagnes visant à inciter des allocataires
ciblés à mettre à jour leur situation
afin d’éviter la cons
tata
tion d’indus
, des
actions complémentaires vers des assurés, des partenaires ou des
salariés
431
.
La Cnaf ne contrôle pas la qualité et la cor
recte mise en œuvre de
ces actions mais en fait un bilan fondé sur la déclaration des CAF. Ces
dernières ont déclaré avoir mis en
œ
uvre 438 actions préventives pour
sensibiliser et informer les allocataires. Leurs effets
n’ont pas été évalués
.
430
Associations, mairies, autres organismes de sécurité sociale, etc.
431
Ateliers de sensibilisation, formations,
campagnes d’a
ppels.
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DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
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307
La
branche maladie met en place des campagnes d’information
et
d’accompagnement pédagogique
des professionnels de santé
432
. Depuis
2021, elle propose aux infirmiers libéraux un accompagnement dans les
premiers mois de leur exercice, prenant
la forme d’un rende
z-vous puis de
contrôles de leur facturation au bout de trois mois puis de douze mois. Ce
rendez-vous a été accepté par 79 % des infirmiers en 2023.
En 2022, sur les 1 215 infirmiers ayant
fait l’objet d’un
tel contrôle,
la moitié a amélioré son
taux d’ano
malie
mais l’autre moitié
l’
a dégradé,
ce qui montre l
es limites de l’accompagnement.
La récurrence élevée de
l’anomalie de certains actes
a incité la Cnam à revoir sa stratégie : hausse
du nombre de factures contrôlées, contrôles avant paiement à trois mois
dès le début de la facturation
, renforcement de l’accompagnement pour les
25 % de professionnels
faisant le plus d’anomalies
à 12 mois.
Cet accompagnement, utile malgré ses limites, devrait être étendu
aux masseurs kinésithérapeutes en 2025, puis aux médecins.
D’autres outils sont déployés ou en cours de déploiement,
comme
un système de facturation en ligne pour les transporteurs sanitaires ou la
sécurisation du formulaire
Cerfa
utilisé pour les arrêts de travail papier.
La branche vieillesse
433
est plus en retrait. Les bonnes pratiques
méritent d’être amplifiées,
compte tenu de l’enjeu pour les citoyens.
C -
Améliorer le recouvrement
L’amélioration du recouvrement implique de rénover les outils de
gestion et de pilotage des créances dans les branches, de développer et
mieux suivre les partenariats utiles au recouvrement, et de faciliter les
compensations de créances entre entités publiques. La mobilisation de
moyens humains suffisants est nécessaire.
432
Par exemple en 2024,
envoi d’un
courrier rappelant les règles de cotation aux
masseurs-kinésithérapeutes qui présentaient
une surcotation d’actes spécifiques
et
échange avec les Cpam pour les 10 % les plus éloignés du respect des règles.
433
En juin 2024, la branche vieillesse a mené une campagne nationale par le biais de
messages électroniques pour sensibiliser certains assurés sur le besoin de signaler leur
changement de situation. Les effets en sont difficilement mesurables : pour
119 681 messages adressés à des bénéficiaires de pensions de réversion, 81 169 assurés
l’ont ouvert et 12
375 ont cliqué sur le lien ; s
’agissant de l’ASPA, 340
600 messages
ont été envoyés mais
aucun bilan n’a été com
muniqué à la Cour.
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COUR DES COMPTES
308
1 -
Une rénovation des outils de gestion et de pilotage des créances
Les outils de gestion des créances des branches comportent des
limites fonctionnelles qui nuisent, à des degrés divers, au pilotage des
organismes, à la constatation et au recouvrement des indus.
La Cnav et
la Cnam n’ont
pas été en mesure de transmettre, par
année, les montants remboursés directement par les assurés, professionnels
et établissements de santé, ou par les commissaires de justice, ni les
montants remboursés par le biais des retenues ou des compensations. Les
pertes liées au rec
ouvrement n’ont pas été différenciées selon leur nature
(créances admises en non-
valeur, remises sur les indus, abandons…)
ou par
typologie d’indus
. Les outils ne permettent pas de fournir, par typologie
d’indus, les restes à recouvrer par millésimes
434
de créances. Les écarts
constatés avec les états financiers n’ont pas été justifiés.
Dans la branche vieillesse, les Carsat et la caisse nationale doivent
procéder à de nombreux traitements manuels, notamment pour obtenir des
données de recouvrement par millésimes de créances ou pour distinguer les
indus relatifs à des prestations versées hors de France
435
. Une partie des
actions de recouvrement n’est pas automatisée dans le système d’information,
comme le passage du recouvrement amiable d’une créance à son
recouvrement forcé ou l’établissement des contraintes
436
, ce qui est facteur
d’erreur et d’oubli. Le tableau de bord de gestion récemment conçu par la
Cnav est issu de la computation manuelle de données remontées par les
caisses tous les six mois, empêchant un pilotage proactif des recouvrements.
La Cnam ne dispose pas d’un tableau de bord lui permettant de
piloter les actions menées par les Cpam dans le domaine du recouvrement.
Le réseau a engagé le déploiement d’un nouvel outil national de gestion
des créances, dénommé
Sucre
. En 2024, 43 caisses en étaient pourvues, les
autres continuant toujours à utiliser les anciens outils
437
. Il n’a pas été prévu
que la Cnam dispose par ce biais d’un tableau de bord
438
. Enfin, le nouvel
outil doit être amélioré afin notamment de sécuriser la prescription des
créances et améliorer leur suivi.
434
Années de la créance dans le système d’information.
435
Chapitre VIII du présent
rapport sur l’application des lois de financement de la
sécurité sociale
2025, sur «
la fraude aux retraites versées à l’étranger
: des
améliorations à poursuivre pour mieux la prévenir et la réduire ».
436
Procédures coercitives unilatérales visant à
mettre en œuvre des procédures
d
exécution forcée, comme des saisies.
437
Une Cpam n’utilise aucun outil de gestion des créances.
438
La Cnam a indiqué qu’un complément serait apporté à cette application à l’issue de
sa diffusion dans les Cpam pour améliorer le pilotage national.
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UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
309
Dans la branche famille, les outils de gestion des créances présentent
des limites fonctionnelles ou fragilités de nature à affecter la mise en œuvre
des actions de recouvrement. Leur rénovation est prévue par la Cnaf mais
sur plusieurs années. La Cnaf et les CAF disposent d’un tableau de bord
national dressant des données utiles sur les créances mais cet outil ne
fournit pas d’informations en temps réel sur les traitements en cours par
u
nité de production ni sur les stocks à traiter en fonction de l’organisation
que la caisse a choisie en matière de recouvrement. Il ne fait pas non plus
de lien avec les objectifs fixés. Selon la Cnaf, la livraison d’un nouveau
tableau de bord est prévue en 2025.
2 -
Développer les partenariats et les accès à des bases utiles
au recouvrement
Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, un
indu constitué au titre d'un organisme de sécurité sociale peut être récupéré
sur les prestations versées par un autre organisme
439
. Ce mécanisme est de
plus en plus utilisé mais les créances compensées restent faibles et le suivi
interbranches perfectible en l’absence d’outil commun de mesure. Dans la
branche famille, seul le nombre de demandes de compensation
à d’autres
organismes est disponible (996 demandes en 2023) mais pas le montant en
jeu ni les organismes concernés. La Cnaf dispose en revanche du nombre
et du montant des demandes de compensations reçues des autres réseaux
440
.
En 2023, la branche vieillesse a demandé 74 compensations pour 0,3
M€
et a reçu 230 demandes de compensations pour 0,6
M€. La branche maladie
dispose du suivi des seules demandes qui ont effectivement été recouvrées.
En 2023, sur 16 965 de ces demandes (8
M€), 1,8 M€
a été recouvré
441
.
La mise en place d’un dispositif similaire avec d’autres entités
publiques devrait être étudiée. En cas de décès, un mécanisme de
compensation pourrait être mis en œuvre entre les Carsat et la Caisse des
dépôts et consignations pour récupérer les pensions de retraite versées à
tort sur les comptes bancaires ou sur
les contrats d’assurance vie inactifs.
Cela pourrait nécessiter toutefois des dispositions législatives, la loi
n° 2014-617 du 13 juin 2014 dite Eckert prévoyant que la récupération de
ces montants se fasse au profit des seuls ayant-droits ou bénéficiaires
d’assurance
-vie.
439
Sous réserve que l'assuré ne conteste pas le caractère indu et n'opte pas pour le
remboursement en un ou plusieurs versements dans les douze mois au plus.
440
12 126 créances pour 10,3
M€ en 2023, contre 8 511 créances pour 6,9 M€ en 2022
.
441
Le suivi est incomplet, 6 organismes n’ayant pas transmis leur suivi à la Cnam.
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310
Les organismes confient une partie de leur recouvrement à des
commissaires de justice. Les indicateurs de performance de ces partenaires
ne sont pas définis ou le sont insuffisamment par les caisses nationales.
Dans les caisses visitées, leur
performance ne fait pas l’objet d’un
suivi
régulier, qui permettrait
d’augmenter le recou
vrement.
Les caisses visitées, sauf la CAF du Val d’Oise, n’ont pas de portails
informatiques c
ommuns avec les commissaires de justice retraçant l’état
actualisé des créances et les actions menées. Leur mise en place devrait être
étudiée quand un nombre élevé d’indus est transféré
: elle permet d’opérer
un pilotage resserré, d’identifier des actions
infructueuses sur des dossiers
et de faire évoluer positivement les pratiques.
Enfin, la consultation du fichier national des comptes bancaires et
assimilés (Ficoba), actuellement non autorisée pour le recouvrement des
indus courants, permettrait de déter
miner la possession d’un compte
bancaire en France et de faire des interrogations ciblées des banques,
adaptées en cas de non-
réponse de l’assuré.
3 -
Un effectif important chargé du recouvrement,
à mieux mobiliser
3 800 agents travaillent au recouvrement des indus dans les branches
maladie, famille et vieillesse, pour un coût annuel estimé à 274
M€.
Dans la branche vieillesse, leur nombre a augmenté de 20 % entre
2018 et 2022
442
. Dans la branche maladie,
l’
effectif est resté
stable jusqu’en
2022 et a baissé de 5 % en 2023, à 2 385 équivalents temps plein. La Cnam
explique cette réduction par des retards de recrutement. Au sein de la
branche famille, la baisse a été de 5 % entre 2019 et 2023, soit une
quinzaine de postes en moins chaque année sur un effectif légèrement
supérieur à 1 000 personnes.
Les caisses se heurtent à une même difficulté à recruter et à former,
l
a technicité de gestion d’un dossier de recouvrement
étant complexe. En
l’absence
de formation initiale, des formations spécifiques sont dispensées
à l’initiative
des caisses, notamment sur les fréquentes évolutions de
processus. Une Carsat
visitée n’a
en a toutefois offert aucune depuis 2018.
La branche maladie expérimente de nouvelles formations pour atteindre
plus facilement les objectifs de
sa convention d’objectifs et de gestion
mais
elles
ne seront déployées qu’en 2025.
442
La chute de 29 % constatée depuis est due à une nouvelle méthode de comptabilisation.
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LA GESTION DES INDUS PAR LES CAISSES
DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
311
La Cnam et la Cnav doivent veiller à renforcer les formations sur le
recouvrement au sein de leur réseau.
4 -
Les franchises et participations : un recouvrement
partiellement repris fin 2023, des pertes certaines à venir
Les participations et franchises forfaitaires représentent la
contribution des assurés au système de santé. Elles
s’appliquent
à certains
actes médicaux ou paramédicaux,
ou lors de l’achat de boîtes de
médicaments
.
443
. Elles ne constituent
pas des indus car elles n’ont pas été
versées à tort par les caisses aux assurés mais elles constituent des créances
que les Cpam ont envers eux. Elles sont déduites automatiquement des
remboursements effectués pour les assurés ne bénéficiant pas du tiers
payant. Si les frais de santé de l’assuré sont pris en charge en tiers payant
et que ce dernier ne perçoit pas de remboursement, il doit s’acquitter des
montants dus auprès de sa Cpam qui lui adresse à cet effet un avis des
sommes à payer. Les Cpam
ont jusqu’à
cinq ans pour recouvrer les
participations et franchises et éviter la prescription de leurs créances. Passé
ce délai, elles sont annulées.
La Cnam a suspendu le recouvrement des participations et
franchises en mars 2020 et ne l’a que partiellement repris à partir de
septembre 2023. En outre, elle a limité, en dehors de toute disposition
l’y
autorisant
444
, le recouvrement aux sommes à payer comprises entre 50 et
100
en 2023 puis entre 50 et 200
en 2024. Cela conduit à exclure de
l’envoi des avis des sommes à payer une part non négligeable de redevables
ou bien à reporter sur un autre exercice plusieurs années de participations
et franchises restant dues, ce qui augmente le risque de non recouvrement.
Une partie des créances sera donc annulée. En 2023 et 2024, 4,4 millions
d’avis des sommes à payer ont été adressés pour un montant de 190,2
M€,
ce qui a permis de recouvrer 57
M€ sur la période de septembre 2023 à
novembre 2024. 49,2
M€
ont été recouvrés en sus par le biais de retenues.
Le montant des participations et franchises restant à recouvrer
s’élève à 1,5
Md€ fin
décembre 2024. Compte tenu du délai de prescription
des créances et de la reprise partielle de leur recouvrement, la Cnam a
443
Une participation forfaitaire de 2
s’applique aux consultations ou actes réalisés par
un médecin ou spécialiste, actes de radiologie et analyses de biologie médicale, sauf
exceptions. Une franchise s’applique également sur les boîtes de médicaments et les
actes paramédicaux (1
) et les transports sanitaires (4
). Ces participations et
franchises forfaitaires sont plafonnées à hauteur de 50
par assuré par année civile.
444
L’article D 160
-7 du code de la sécurité sociale prévoit précisément que la caisse ne
peut abandonner la mise en recouvrement de la participation forfaitaire et de la franchise.
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312
comptabilisé une dépréciation de 0,9
Md€
de leur montant dans les
comptes de l’exercice 202
4, illustrant la non
recouvrabilité élevée d’une
partie de ces créances et la perte induite pour la branche maladie.
Reprendre le recouvrement pour l’ensemble des franchises et
participations devrait rapporter entre 0,5
Md€ et 1
Md€ à la branche, en
fonction du niveau des annulations et dépréciations de ces créances.
D -
Une lutte contre les indus frauduleux en progrès
mais à améliorer
Les résultats des branches en matière de lutte contre la fraude sont
en progrès depuis 2019, ce qui permet de constater davantage d’indus mais
la Cour a relevé des marges d’amélioration dans un récent rapport
445
.
Dans la branche maladie, le résultat de la lutte contre la fraude a atteint
467
M€ en 2023, en progrès de 48
% par rapport à 2022. Il reste toutefois
très en-deçà de la fraude estimée (cf.
supra
). Dans la branche famille, le
résultat est de 375 M€ en 2023 (351 M€ en 2022) mais 20
% du réseau porte
plus de la moitié de cette performance. Dans la branche vieillesse, une
proportion
grandissante
d’irrégularités
à
caractère
potentiellement
frauduleux ou fautif est détectée. L’extension du ciblage aux anciens
travailleurs indépendants est dorénavant analysée par les caisses.
Ces résultats pourraient être améliorés par la pleine exploitation par
toutes les caisses des listes de dossiers potentiellement frauduleux mises à
leur disposition par la Cnav et par l’accroissement du recours à l’analyse
des données de masse
et à l’intelligence artificielle.
Dans les branches maladie et famille, les indus frauduleux sont
constatés et mis en recouvrement sur des périodes plus courtes que celles
permises par la prescription légale en raison de
l’absence de c
onservation,
dans le système d’information,
des données ou pièces justificatives pour la
durée correspondante.
445
Cour des comptes, « La lutte contre les fraudes aux prestations sociales »,
rapport
sur l
’application des lois de financement de la sécurité sociale
chapitre VII, 2023.
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DE SÉCURITÉ SOCIALE DU RÉGIME GÉNÉRAL :
UNE DÉTECTION À RENFORCER, UN RECOUVREMENT À OPTIMISER
313
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Les indus reflètent la difficulté des caisses à assurer, dès la
première liquidation, le paiement à bon droit des prestations
. Lorsqu’ils
sont décelés, ils sont majoritairement recouvrés grâce à des retenues
légales d’office sur les prestations ou sur les échéanciers. Il n’en va pas de
même pour les indus frauduleux, qui sont plus élevés, plus difficiles et plus
longs à recouvrer.
La réduction des indus implique de mieux identifier et prévenir leurs
causes et d’améliorer leur recouvrement. Cela passe par la mise à
disposition de nouveaux outils et par une mobilisation des caisses locales
pour généraliser les meilleures pratiques. Ramener à leur niveau de 2019
le montant des pertes liées à
l’extinction d’indu
s non recouvrés apporterait
un gain de plus de 100
M€.
La mise en recouvrement exhaustive des
franchises et des participations forfaitaires permettrait de récupérer entre
0,5 et 1
Md€ chaque année. Des mesures ponctuelles législatives et
règlementaires peuvent
permettre
de
rehausser
les
objectifs
de
recouvrement. Enfin, la mise en œuvre d’objectifs rehaussés de lutte contre
les fraudes de la branche maladie apporterait un gain de 1,5
Md€.
La Cour formule ainsi les quatre recommandations suivantes :
27.
doter chaque branche d’un outil intégré de gestion permettant la
constatation des indus sur toute la durée légale de la prescription et
leur recouvrement à tous les stades de la procédure (ministère du
travail, de la santé, des solidarités et des familles, caisses nationales
d’assurance maladie, d’assurance vieillesse et des allocations
familiales) ;
28.
fixer à chaque branche des objectifs plus ambitieux de détection et de
performance du recouvrement des indus (ministère du travail, de la
santé, des solidarités et des familles, caisses nationales d’assurance
maladie, d’assurance vieillesse et des allocations familiales).
29.
refondre le régime des remises de dette en un cadre juridique unique,
incluant un barème commun aux branches et placer ce dispositif sous la
responsabilité des directeurs et directeurs comptables et financiers des
caisses (ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles).
30.
mettre en
recouvrement l’ensemble des participations et franchises
dues par les assurés de la branche maladie (ministère du travail, de la
santé, des solidarités et des familles, caisse nationale d’assurance
maladie).
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