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Chapitre VIII
La fraude aux retraites
versées à l’étranger : des améliorations
à poursuivre pour mieux la prévenir
et la réduire
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_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Les pensions de retraite, y compris les pensions de réversion, ne
sont pas soumises à une condition de résidence en France, à l’exception
de l’allocation de solidarité aux personnes âgées
(minimum vieillesse).
Elles peuvent être versées à des résidents hors de France, français ou
étrangers, sur des comptes bancaires en France ou à l’étranger.
L’
enquête dont est issu le présent chapitre a été réalisée conformément
à une demande de contrôle déposée sur la plateforme de participation
citoyenne de la Cour. Elle porte sur le régime général et le régime
complémentaire Agirc-Arrco
336
. Pour mener ses investigations, la Cour a mené
des contrôles sur place en Espagne, au Maroc et en Algérie, pays à fort enjeu
tant au niveau du nombre de pensionnés que du montant total de pensions
versées. Des entretiens ont également été conduits à distance au Portugal.
Les pensions de retraite versées à l’étranger sont sujettes aux
risques de fraude connus pour l’ensemble des pensions de ret
raite
(utilisation frauduleuse ou falsification de documents d’identité ou de
pièces justificatives, fraude relative aux comptes bancaires…). À cela
s’ajoutent des risques spécifiques. Le principal est le décès non déclaré, ce
qui conduit les caisses de retraite à demander chaque année, aux retraités
résidant à l’étranger, la production d’un certificat d’existence. Les
opérations d’identification des assurés nés à l’étranger peuvent également
être l’objet de fraudes (fraude documentaire, usurpation d’identi
té),
difficiles à détecter par les organismes de sécurité sociale. Enfin, les
départs vers l’étranger non signalés sont un risque identifié mais
difficilement maîtrisé, affectant l’allocation de solidarité aux personnes
âgées, soumise à condition de résidence en France.
Face à ces risques, les régimes de retraite ont mis en place des
moyens de maîtrise adaptés et différenciés selon les pays, qui restent
toutefois à développer et à améliorer. L’importance des enjeux financiers,
concentrés dans quelques pays, a conduit les régimes à mieux appréhender
ces dernières années les risques de fraude dans le champ des retraites
versées à l’étranger (I). Pour autant, les retraites versées à l’étranger ne
constituent pas une catégorie spécifique dans la typologie des risques
financiers, et des marges de progrès existent pour mieux prévenir, déceler
et réprimer les fraudes (II).
336
Les régimes agricoles et spéciaux en sont exclus.
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LA FRAUDE AUX RETRAI
TES VERSÉES À L’ÉTRA
NGER : DES AMÉLIORATIONS
À POURSUIVRE POUR MIEUX LA PRÉVENIR ET LA RÉDUIRE
259
Chiffres-clés
-
Nombre de pensionnés percevant des retraites hors de France : 1,1 million
pour le régime général ; 0,9 million pour le régime complémentaire des
salariés, soit 7 % du nombre de retraités de ces régimes.
-
Montant des retraites versées à des résidents hors de France : 3,9
Md€
pour le régime général ; 2
Md€ pour le régime complémentaire des
salariés, soit 2,7 % des retraites versées par ces régimes.
-
77
% des retraités résidant à l’étranger se concentrent dans
six pays :
Algérie,
Portugal,
Espagne,
Italie,
Maroc,
Belgique
par
ordre
d’importance, soit 839
999 pensionnés pour le régime général et 653 843
pour le régime complémentaire.
-
Parmi les retraités recevant des pensions des régimes français et résidant
à l’étranger,
11 % sont nés en France.
-
Montant des indus sur les pensions de retraite versées à des personnes
résidant à l’étranger
: 43
M€ en 2021, soit
28 % des indus de la branche
vieillesse alors que ces pensions représentent moins de 3 % des prestations
légales versées ; pour l’Agirc
-
Arrco, 21,5 M€, soit 10 % du montant total
des indus.
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COUR DES COMPTES
260
I -
Des enjeux concentrés dans quelques pays,
des risques de fraude mieux appréhendés
Les pensions versées par des régimes de retraite français à des
résidents à l’étranger
représentent des dépenses significatives, concentrées
dans quelques pays (A). Elles sont exposées à des risques de fraude, dont
certains sont spécifiq
ues au fait de résider à l’étranger (B). Depuis le
dernier rapport de la Cour en 2017, les régimes déploient des moyens leur
permettant de mieux maîtriser ces risques, en particulier, celui du décès
non déclaré (C).
A -
Des montants significatifs concentrés
géographiquement
Très concentrées dans quelques pays, les pensions de retraite versées
à l’étranger sont moins élevées qu’en France et bénéficient à des personnes
plus âgées.
1 -
Des retraités
à l’étranger
moins nombreux, recevant
des pensions moins élevées qu
’en France
Fin 2022, 7,2 % des retraités du régime général (soit 1,1 million de
personnes) et 6,1 %
des bénéficiaires d’une
retraite complémentaire
(853 000 personnes) résidaient dans un pays étranger. Les pensions perçues
à l’étranger, d’
un montant total
de 5,9 Md€
, représentent pour chacun des
deux régimes 2,7 % du total des prestations
qu’ils ont versées en 2022.
En 2022, alors que le nombre de retraités résidant en France
augmentait de 1,3 %, celui de
ceux résidant à l’étranger diminuait d’autant
(1,3 %, soit 15 000 personnes). Amorcée en 2013 pour les deux régimes,
cette
baisse devrait se poursuivre jusqu’en 2029
, du fait de la diminution
du nombre de pensions servies
337
, reflet d
’une i
nstallation plus pérenne des
étrangers en France
à l’issue d
e leur pér
iode d’activité
.
Selon la Cnav, à partir de 2030, le nombre de retraités résidant à
l’étranger devrait
toutefois repartir à la hausse et revenir, à terme, à une
proportion équivalente à celle constatée en 2023.
337
Près de
91 500 retraités en Algérie, - 35 500 en Espagne et
23 700 en Italie ces
dix dernières années.
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LA FRAUDE AUX RETRAIT
ES VERSÉES À L’ÉTRAN
GER : DES AMÉLIORATIONS
À POURSUIVRE POUR MIEUX LA PRÉVENIR ET LA RÉDUIRE
261
La difficile consolidation du nombre de bénéficiaires
à l’étranger
des régimes général et complémentaire
Les données statistiques produites par la caisse nationale
d’assurance vieillesse (Cnav) ne peuvent être aisément consolidées avec
celles de l’Agirc
-Arrco. La Cnav comptabilise le nombre de pensions de
droit propre et de réversion versées à l’étranger au 31
décembre de chaque
année. Ce nombre, arrêté à une date donnée pour le régime général, ne
peut être consolidé avec les données de l’Agirc
-Arrco, exprimées en flux.
L’Agirc
-
Arrco considère l’ensemble de ses allocataires résidant à
l’étranger, présents ou sortis (y compris les décès) au cours de l’exercice,
et ayant reçu au moins un paiement au cours de la période, sans précision
sur les droits cumulés.
Les données issues du Centre des liaisons européennes et
internationales de sécurité sociale (Cleiss
)
338
diffèrent
de celles de ces deux
organismes en raison de doubles comptabilisations de poly-pensionnés.
Enfin, les changements de périmètres des régimes introduisent des
ruptures dans les séries statistiques
339
.
La baisse des montants de pensions versées
à l’étranger
est moins
prononcée que celle des pensionnés du fait des revalorisations annuelles et
du niveau de la pension moyenne des nouveaux retraités, plus élevé que
celle des retraités qui décèdent.
Les retraités résidant à l’étranger perçoivent, en moyenne, une
pension égale à 35 % de celle des résidents en France. La pension moyenne
du régime de base est de 300
€ par mois et
celle de retraite complémentaire
de 193
(839
€ et 453
€ pour les pensionnés en
France). Cet écart se
constate pour les pensions de droit propre et pour les pensions de réversion
des deux régimes.
2 -
Une population plus âgée, concentrée dans quelques pays
Parmi les retraités résid
ant à l’étranger, près de la moitié
vit en
Europe, en majorité au Portugal, en Espagne, en Italie et en Belgique. 40 %
vivent en Afrique du Nord : Algérie (31 %), Maroc (6 %) et Tunisie (3 %).
338
Le Cleiss est un établissement public qui assure la collecte des données statistiques
et financières auprès des organismes français de protection sociale relatives aux
transferts de prestations vers ou en provenance de l’étranger dans le cadre des accords
internationaux de sécurité sociale.
339
Le regroupement de
l’
Agirc et
de l’Arrco en 2018, l’intégration du régime social des
indépendants au régime général en
2020, l’élargissement de la collecte statistique aux
données des régimes des trois fonctions publiques et de l’Ircantec en 2021 et 2022.
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262
Les trois quarts des retraités percevant une pension française résident dans
six pays, et représentent chaque année
3 Md€ de dépenses de retraite de
base et 1
Md€
de retraite complémentaire.
Graphique n° 26 :
répartition des
retraites versées à l’étranger
dans les six premiers pays de résidence en 2022
(en Md€)
Source : Cour des comptes à partir des données des régimes
Les retraités résidant à l’étranger composent une population plus âgée
que celle de ceux résidant en France (au sein du régime général, 78,6 ans contre
74,5 ans). Les retraités de 60 à 69 ans sont en effet, en proportion, moins
nombreux à l’étranger qu’en France. Un rééquilibrage se fait à partir de 70 ans,
en raison de départs plus tardifs du territoire français. Un écart existe également
pour les retraités de 80 à 89 ans, proportionnellement plus nombreux à
l’étranger qu’en France
340
.
Enfin, les résidents à l’étranger comptent
2 445 centenaires
341
soit 0,23 % du total, un taux supérieur à celui constaté
pour les retraités du régime général résidant en France (0,19 %)
342
.
340
Cette classe d’âge est surreprése
ntée car les étrangers ayant travaillé en France après
la seconde guerre mondiale et jusque dans les années 60, aujourd’hui retraités, sont plus
nombreux que les cohortes suivantes et les droits pour réversion acquis le sont
généralement à des assurés ayant déjà un certain âge.
341
Ces 2 445 centenaires ont perçu 10 M
en 2022.
342
L
’absence de classe creuse liée à la première guerre mondiale
contribue à cet écart :
la plupart des retraités résidant à l’étranger sont également nés à l’étranger, dans des
zones dans lesquelles la baisse de la fécondité liée à la première guerre mondiale a été
moins marquée.
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LA FRAUDE AUX RETRAIT
ES VERSÉES À L’ÉTRAN
GER : DES AMÉLIORATIONS
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263
Graphique n° 27 :
pyramide des âges au 31 décembre 2022
des retraités du régime général selon leur résidence
Source : Cnav
B -
Des risques de fautes et de fraudes spécifiques
aux prestations versées à l’étranger
Les pensions de retraite versées à l’étranger sont sujettes aux risques
de fraude
343
affectant l’ensemble des retraites, comme l'utilisation
frauduleuse ou le détournement d’un relevé d’identité bancaire,
l’utilisation de faux documents ou la fausse déclaration de ressources.
Certains sont néanmoins spécifiques ou plus élevés.
Le principa
l risque de fraude est l’omission de
la déclaration du
décès
344
ou la falsification
des preuves d’existence
(
actes d’état
-civil ou
certificats
d’existence)
adressées aux régimes de retraites.
343
Dans une demande de prestation par un assuré, la fraude se distingue de la faute par
son caractère intentionnel qui doit être démontré.
344
Les régimes considèrent
qu’une déclaration intervenant plus de six mois après
le décès est de nature à présumer une fraude.
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264
Un deuxième
risque tient à l’identification des assurés nés à
l’ét
ranger, qui composent, pour le régime général, 89 % des retraités ne
résidant pas en France
à l’âge de la retraite
. Pour les titulaires de droits
propres, des déclarations approximatives ou incomplètes peuvent être
faites par les employeurs
345
. Pour les demandes de pensions de réversion,
des veuves qui
n’ont jamais résidé en France font l’objet d’une première
inscription à la sécurité sociale française.
Les fraudes à l’identification sont constituées par l’usurpation de
l’identité d’autres assurés pour capter
leurs droits à la retraite. Des contrôles
poussés sont menés lors de l’attribution initiale des droits, les usurpations
d’identité étant ensuite complexes à détecter à l’étranger en l’absence de
compétence hors du territoire français pour convoquer les assurés.
Des immatriculations majoritairement certifiées,
une sécurisation à poursuivre
Le demandeur né à l’étranger doit faire l’objet d’une immatriculation
dite « certifiée
», à savoir disposer d’un numéro d’identification (NIR)
346
.
Ce numéro est
délivré au terme d’un contrôle effectué par les organismes
de
sécurité
sociale
puis
par
le
service
administratif
national
d’immatriculation des assurés (S
andia)
347
, géré par la Cnav et seul habilité
à certifier l’identification d’un
e personne née à
l’
étranger.
Le Sandia estime que son stock d’immatriculations
est certifié à 95 %. En
2023, il a traité plus de 59
000 demandes de mise à jour et de certification d’état
civil, dont 10
% concernaient des fusions de NIR d’assurés identifiés sous plusieurs
numéros, et 2 % des créations de NIR (homonymie, erreurs de saisie etc.).
Un audit de la direction centrale de la police aux frontières, entrepris
en 2022 sur un échantillon représentatif de 2 500 immatriculations réalisées
par le Sandia entre 2019 et 2022, a montré que 2,27 % des immatriculations
contrôlées
s’appuyaient sur des documents ne remplissant pas les conditions
d’authenticité. Ces dossiers concernaient principalement des assurés nés au
Maroc (22 %) et en Algérie (14 %) alors que ces pays ne représentaient
respectivement que 6 % et 4
% de l’échantillon.
345
Les assurés hispanophones, par exemple, ont fréquemment vu leurs noms ou prénoms
francisés ou tronqués du fait de l’immatriculation effectuée
par leurs employeurs
successifs et/ou des pratiques de l’état
-
civil en France jusqu’à la fin des années 1980.
346
Le NIR est l'identifiant unique des personnes inscrites au répertoire national
d'identification des personnes physiques.
347
Dans le répertoire n
ational d’identification des personnes physiques, l’Insee délègue au
Sandia les personnes nées hors de France et dans certains territoires et collectivités d’Outre
-
Mer (Wallis et Futuna, Nouvelle Calédonie, terres australes et antarctiques françaises).
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LA FRAUDE AUX RETRAIT
ES VERSÉES À L’ÉTRAN
GER : DES AMÉLIORATIONS
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265
Le dernier risque est lié à la résidence ou à un départ et une
installation à l’étranger non signalés aux caisses d’assurance retraite et de
la santé au travail (Carsat)
348
. Il concerne une prestation en particulier,
l’allocation de solidarité aux personnes âgées, soumise à une condition de
résidence en France. Il représente une part importante des préjudices
détectés par la branche vieillesse (cf.
infra
). Même pour les prestations sans
condition de résidence, les retraités qui ne signalent pas leur départ
échappent aux circuits de contrôle de l’existence.
C -
Des améliorations notables dans l’appréhension
du risque de décès non déclaré
Par rapport aux constats faits lors de son dernier contrôle en 2017
349
,
la Cour relève des progrès certains. Les échanges de données informatisés
sur les états civils entre la France et des pays européens, inexistants avant
2020, se sont rapidement développés (1). Les certificats d’existence et leur
contrôle sont mutualisés entre les régimes, ce qui permet une plus grande
coordination entre eux (2). Des contrôles renforcés, exigeant la présence
physique de l’assuré, complètent ces moyens de maîtrise du risque (3).
1 -
Des échanges de données informatisés d’état civil
entre les pays s
écurisant le contrôle de l’existence des pensionnés
Des
échanges de données informatisés d’état civil entre
les
organismes de protection et de sécurité sociale de la France et des
autres pays européens ont été progressivement mis en place dans le
cadre du dispositif de
mutualisation des contrôles d’existence, piloté
par le
groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite
350
, et du
système national de gestion des identifiants (SNGI
351
), dont la Cnav
348
Les Carsat sont les organismes du réseau de la branche vieillesse du régime général
de la sécurité sociale.
349
Cour des comptes,
Les retraites versées à des résidents à l’étranger : des risques
spécifiques insuffisamment pris en compte, des outils à adapter
,
rapport sur l’application
des lois de financement de la sécurité sociale, chapitre XIII, septembre 2017.
350
Créé par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, il réunit les organismes de retraite
obligatoire, de base et complémentaire.
351
Créé en 1988 par la Cnav, le SNGI est le référentiel des identités pour les besoins
des organismes de la protection sociale. Il traite les états civils et le numéro d’inscription
au répertoire des personnes physiques (NIR), plus connu sous le nom de numéro de
sécurité sociale, pour les ayants droit des organismes de sécurité sociale.
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266
est l’opérateur. Ils prennent la forme d’envois mensuels de fic
hiers
normés et sécurisés
352
, avec un haut niveau de fiabilité, sur les décès.
Mis en place à partir de 2021, ces échanges mutualisés couvraient
en 2023 près de 50
% des pensions versées à l’étranger par le régime
général et 45
% de celles versées par l’Agirc
-Arrco. Ils sont opérationnels
pour sept pays européens
353
.
2 -
Des certificats d’
existence dorénavant mutualisés
entre plusieurs régimes et mieux contrôlés
La législation prévoit que les retraités ou leurs ayants droit résidant
à l’étranger doivent justifier de leur existence une fois par an pour continuer
à percevoir leur pension de retraite
354
. Les pensionnés reconnus par les
échanges informatisés de données
ne sont plus tenus d’effectuer
cette
démarche.
Depuis novembre 2019, sauf exception, le dispositif de contrôle
d’existence, auparavant mis en œuvre par chaque régime de retraite
de base
et complémentaire, est mutualisé
355
: un assuré qui perçoit plusieurs
pensions n’a à réaliser cette démarche qu’une seule fois.
Le GIP Union
Retraite
356
gère ce processus. La relation avec les assurés continue de
relever de la compétence exclusive des régimes de retraite.
Dès lors que le certificat d
’existence
n’est pas transmis par un
pensionné, le versement de sa pension est suspendu au bout de deux mois,
jusqu’à la réception des justificatifs attendus
. 87,2 % des certificats
d
’existence
ont été retournés à trois mois et 94,2 % à douze mois en 2023.
Le GIP Union Retraite opère, dans un premier temps, un traitement
de lecture optique d
es certificats d’ex
istence puis, dans un deuxième temps,
des contrôles manuels exhaustifs aléatoires, ou quand la lecture optique
352
La normalisation des fichiers limite considérablement les rejets. Les flux de données
sont chiffrés pour s’assurer que les informations ne peuvent être lues par une personne
ou une entité malveillante.
353
Par ordre d’importance des retraités y résidant
:
l’Espagne, la Belgique,
l’Allemagne, le Portugal, la Suisse et le
Luxembourg. Depuis octobre 2024, les
échanges mutualisés couvrent aussi le Danemark.
354
En France, les décès sont centralisés par l’Insee, ce qui explique qu’aucun certificat
ne soit demandé aux retraités.
355
Le service des retraites des fonctionnaires de l'État, des magistrats et des militaires
devrait être raccordé en 2025.
356
Créé par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014, il réunit les organismes de retraite
obligatoire, de base et complémentaire.
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267
relève des incohérences, ou pour les certificats non-normés
357
. Des
contrôles-qualité sur les contrôles réalisés par les agents complètent ce
dispositif de maîtrise des risques.
Les certificats d’existence peuvent être facilement reproduits ou
imités et offrent peu de garantie de sécurité. L
’autorité locale compétente
358
pour leur validation peu
t être victime ou complice d’une intention de
frauder ou n
e pas exiger la présence physique de l’assuré et valider
ainsi le
certificat sans être informée de son décès. La Cour ne dispose pas, par
année, des suites données par les régimes à ces contrôles.
De fin 2019 au 31 décembre 2023, les résultats des contrôles
aléatoires mettent en évidence une réduction des taux de non-conformité
sur les certificats validés par la reconnaissance optique (11,9 % en 2019 et
6,5 % en 2023), qui se situent toutefois encore à un niveau élevé.
Graphique n° 28 :
part des non conformités identifiées par
les contrôles sur les certificats d’existence par typologie de contrôles
Source
: Cour des comptes d’après les données de la Cnav
357
Les certificats non normés ne sont pas adressés aux assurés par le GIP Union Retraite
et ne comportent pas de code-
barre permettant d’identifier l’assuré.
358
Les autorités compéten
tes pour compléter et signer les certificats d’existence varient
selon les pays (mairies, préfectures, consulats, etc.). La liste est établie et mise à jour
chaque année par le ministère chargé des solidarités et le ministère chargé des affaires
étrangères.
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268
L’
extrapolation des non-conformités constatées en moyenne sur les
certificats d’existence reconnus par le traitement
optique aux pensions
versées par le régime général et par l’Agirc
-Arrco entre 2020 et 2023
en
excluant les retraites versées dans les pays procédant à des échanges de
données informatisés
conduit à une estimation du risque de paiement à
tort de 200
M€
, dont 130
M€ pour le régime général et 7
0
M€ pour le
régime complémentaire.
Ces contrôles ne permettent pas de disposer des résultats par pays,
ni par motif de rejet, ce qui limite la capacité à adapter aux risques les
actions de lutte contre la fraude et les fautes. La Cour a néanmoins pu
obtenir les résultats des contrôles aléatoires par pays sur un mois donné.
Pour ce mois particulier, s’agissant des pays ne faisant pas l’objet
d’échanges de données informatiques,
le taux de non-conformité était de
3 % p
our l’Algérie
, de 7
% pour l’Italie
et pour le Maroc avec,
respectivement, 628, 168 et 186 certificats examinés.
L
’obtention
et l’analyse
de résultats de contrôle par pays et zones de
risques permettraient
d’affiner les risques
et de compléter les contrôles
aléatoires par des contrôles ciblés, en veillant à les articuler avec les
contrôles sur place (cf.
infra
). La mise en œuvre de visioconférences
pourrait être expérimentée dans ce cadre, en lien avec la mise en place de
la reconnaissance biométrique (cf. II).
3 -
La convocation périodique des assurés : un dispositif
sécurisant à condition d’être correctement réalisé
En l’absence d’échange informatisé de
s données de décès, la
vérification de
la présence de l’assuré demeure la modalité la plus fiable
pour certifier son existence
359
. Ces contrôles sont confiés aux consulats
360
lorsque les pays comptent peu d’assurés ou lorsque les autorités locales
ne
présentent pas toutes les garanties nécessaires. Ils peuvent être confiés à
des partenaires locaux (caisse de retraite, établissement bancaire)
361
lorsque les assurés à contrôler sont nombreux et ne peuvent être accueillis
par le réseau consulaire français présent dans le pays. Faute de se présenter
dans
les délais requis, l’assuré est informé
de la suspension du versement
359
Lors de la convocation, un contrôle de cohérence est effectué entre
l’aspect de la
personne, la
photo et l’âge figurant sur les pièces d’état civil
produites, permettant
d’affirmer qu’il s’agit du même individu.
360
En Algérie, la Cnav expérimente son propre dispositif au sein du consulat de France
à Alger ciblant des assurés âgés de plus de 90 ans relevant du régime général.
361
Depuis 2020, le GIP Union r
etraite, la Cnav et l’Agirc
-Arrco ont, chacun, mené une
expérimentation, en Algérie ou au Maroc.
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269
de sa pension. Les modalités de convocation n’ont toutefois pas
toutes les
mêmes exigences : la possibilité de se faire représenter, généralement
exclue pour les contrôles consulaires
362
, est autorisée par les partenaires
locaux sur présentation d’un certificat médical ou par une procuration au
profit d’un tiers,
ce qui constitue une faiblesse du dispositif.
Des expérimentations de convocation des assurés ont été menées
en Algérie et au Maroc entre 2020 et 2023.
Des expérimentations aux résultats probants
Le cumul des contrôles consulaires et partenariaux réalisés entre
2020 et 2023 aura permis de convoquer 2 500 retraités au Maroc et 4 000
en Algérie, soit moins de 3 % des résidents percevant une retraite française
au Maroc et à peine plus d’1
% de ceux résidant en Algérie.
Les régimes affichent l’ambition de contrôler sur place l’ensemble
des retraités les plus âgés
363
. Ils ont
fait le choix, pour cela, de s’appuyer sur
leurs partenaires locaux, qui disposent d’un réseau d’implantations. En
2024, 11 % des retraités résidant au Maroc devraient être annuellement
convoqués, dont 80 % par le partenaire local. À compter de 2025, en
Algérie, 16 % des retraités seraient annuellement convoqués, dont 97 % par
un partenaire bancaire algérien, prestataire de la fédération Agirc-Arrco.
Cette dernière prévoit de convoquer par ce biais 60 000 retraités par an, ce
qui permettra de contrôler l’en
semble des retraités résidant en Algérie en
six ans.
Selon les résultats des expérimentations, en moyenne près de 40 %
des assurés convoqués ne se présentent pas dans les délais et voient leurs
pensions suspendues par les différents régimes. Dans les mois qui suivent,
ce taux décroît pour atteindre, en moyenne, entre 20 et 25
% d’assurés dont
les versements restent suspendus.
362
Pour ses contrôles au consulat de France à Alger, la Cnav
admettait jusqu’en 2023
une preuve d’existence par l’envoi d’une photographie prise le jour même de la
convocation. D
evant l’afflux de demandes, cette procédure
a été suspendue. Seuls, les
consulats au Maroc et en Turquie ont admis que des usagers se fassent représenter sur
présentation d’un certificat médical.
363
La convention d’objectifs et de gestion de la Cnav
pour la période 2023-2027 prévoit
«
d’interroger
sur place tous les 3 ans l’intégralité
des retraités de plus de 90 ans
». La
feuille de route gouvernementale
« Lutte contre toutes les fraudes aux finances
publiques »
(mai 2023) prévoit de contrôler
l’ensemble des retraités de plus de 85 ans
résidant dans un pays étranger sans échange
d’état
-
civil avec la France d’ici 2027
(mesure n° 18).
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
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COUR DES COMPTES
270
Parmi les assurés qui ne se sont pas présentés, des décès non signalés
avant et après le contrôle sont portés à la connaissance des régimes. Ils
représentent entre 3 % et 22
% de l’échantillon convoqué
. Le taux le plus
élevé a été observé lors d’une
opération de convocation systématique de
tous les assurés de plus de 85 ans menée par la Cnav au consulat de France
à Alger. Sur les 588 décès constatés, la moitié était antérieure à la date de
convocation de l’assuré. Le préjudice
pour la Cnav a été de 1
M€.
Toutefois, un biais affecte ces résultats
: l’absence de
suspension
systématique des paiements lors des expérimentations. Les contrôles
effectués au Maroc en 2022 et
2023 n’ont
ainsi donné lieu à aucune
suspension de paiement par la Cnav
364
, ce qui affaiblit la portée des
contrôles et appelle une correction. L’
arrêt des paiements aurait permis de
mettre à jour davantage de situations de décès non déclarés et de réduire le
préjudice financier résultant des versements correspondants.
À partir des informations qui lui ont été transmises, la Cour a
comparé les coûts directs engagés pour ces expérimentations
365
avec les
montants de préjudices qu’elles ont permis de constater d’une part, en
détectant des décès qui n’étaient pas signalés
366
, et les préjudices évités
d’autre part, par la suspension des versements aux assurés ayant ignoré les
convocations
367
. La comparaison de ces montants de préjudice, constatés ou
évités, avec les coûts engagés pour mener ces opérations fait apparaître un
bilan économique avantageux. Les expérimentations réalisées ont permis,
pour un euro dépensé, de constater ou d’éviter entre 12 et 3
0 euros de
préjudice. Toutefois, cette estimation ne prend pas en compte le coût de la
mobilisation des services administratifs en amont et en aval des contrôles.
Une dernière modalité consiste en des contrôles sur pièces renforcés.
Depuis fin 2023, des contrôles de ce type
368
sont menés auprès des retraités
résidant en Turquie, en Algérie, au Maroc et, prochainement, en Tunisie.
Déjà expérimentés en 2022, ces contrôles, effectués par des agents formés
364
La convention relative à l’expérimentation n’ayant pas été signée par toutes les
parties, la Cnav ne souhaitait pas procéder aux suspensions de paiement.
365
Rémunération des partenaires locaux ou des agents effectuant ces contrôles.
366
Pour les décès découverts à l’occasion de ces convocations, le préjudice constaté
correspond aux mensualités versées à tort entre la date du décès et celle à laquelle les
régimes l’ont appris et ont procédé à l’arrêt des
versements.
367
Le préjudice évité correspond aux mensualités qui n’ont pas été versées depuis la
date de suspension de la pension jusqu’à fin mai 2024.
368
L’assuré est tenu d’adresser, par correspondance
et sous trois mois, des pièces
justificatives de son identité et de son existence (certificat d
’existence, pièce d’identité
en cours de validité, original de l’acte de naissance avec mentions marginales datant de
moins de trois mois). Passé ce délai, la pension est suspendue.
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LA FRAUDE AUX RETRAIT
ES VERSÉES À L’ÉTRAN
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À POURSUIVRE POUR MIEUX LA PRÉVENIR ET LA RÉDUIRE
271
à la fraude documentaire, avaient permis de détecter des décès
369
non
déclarés dans les mêmes proportions que les contrôles sur place, soit entre
2 % et 5 % des échantillons contrôlés. La Cour estime que ces contrôles,
limités à l’analyse de documents scannés, peuvent se révéler utiles à
condition d’être confiés à
des agents spécialistes de la fraude documentaire
et devraient être concentrés sur les pays où les convocations physiques
d’assurés sont moins nombreuses du fait d’un réseau consulaire dont les
moyens sont limités (Turquie, Tunisie).
II -
Des améliorations indispensables
pour mieux prévenir et déceler les fraudes
Il est indispensable de poursuivre les efforts engagés depuis le
dernier rapport de la Cour de 2017. Améliorer la prévention et la lutte
contre la fraude nécessite, au préalable,
d’estimer celle
-ci (A). Les
contrôles pourraient être mieux coordonnés en développant des échanges
entre administrations et d
es échanges de données informatisés d’état civil
avec les organismes sociaux étrangers (B). Le recouvrement des sommes
indûment versées pourrait être amélioré, comme la sanction des fraudes (C).
A -
Estimer la fraude et évaluer les préjudices relatifs
aux pensions de retraite versées à l’étranger
Les moyens de lutte contre la fraude concernent l’ensemble des
pensions de retraite, qu’elles soient ou non versées à l’étranger. Aucun des
régimes n’
évalue la fraude sur ce segment de pensions.
1 -
Des contrôles qui, sauf exception, ne sont pas consacrés
exclusivement aux pensions de retraite versées à l’étranger
La stratégie de lutte contre la fraude de la branche vieillesse et de
l’Agirc
-Arrco repose principalement sur des contrôles
a posteriori,
à
partir
de l’exploitation de données issues de requêtes et de signalements
.
Elle s’applique à l’ensemble des pensions de retraite, versées ou non à
l’étranger, à l’exception du risque de décès non déclaré, qui fait l’objet
de moyens de maîtrise des risques spécifiques (cf.
supra
).
369
Tous postérieurs à la dernière preuve de vie, ces décès remontaient à moins de six
mois et conformément aux instructions internes des régimes, l’absence de leur
déclaration auprès des régimes n’a pas été retenue comme frauduleuse.
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COUR DES COMPTES
272
L’outil de restitution de la lutte contre la fraude de l’Agirc
-Arrco ne
délivre pas d’information spécifique
sur les fraudes et fautes relatives aux
retraites versées à l’étranger. Celui de la Cnav le permet seulement depuis
2023. L’Agirc
-
Arrco n’a donc pas pu fournir le nombre de contrôles ni
chiffrer les préjudices subis et évités relatifs aux seules pensions de retraite
versées à l’étranger.
Pour la branche vieillesse du régime général, en 2023, 373 dossiers
contrôlés ont concerné des prestations servies à l’étranger, soit seulement
un peu plus de 5 % du total des contrôles. Comme les autres dossiers
contrôlés, ils sont sélectionnés parmi les dossiers les plus porteurs de
risques. 36 % ont conduit à identifier des préjudices pour la sécurité sociale
à hauteur de 5,8
M€
370
et des indus, soit des montants versés à tort aux
assurés,
à hauteur de 1,4 M€. La part des fraudes représente 63
%, celle des
fautes 37 %
371
.
2 -
Une
absence d’évaluation de la fraude sur les pensions versées
à l’étranger
La Cnav
réalise une estimation de la fraude sur l’ensemble des
pensions
qu’elle verse mais ne l’évalue pas sur le segment de celles
versées
à l’étranger
372
.
L’Agirc
-
Arrco ne réalise pas d’estimation statistique des
fraudes et fautes potentielles. Malgré les biais de sélection et les limites
affectant les résultats des contrôles sur place, la Cour
a essayé d’estimer la
fraude dans trois pays accueillant un nombre important de pensionnés
(Algérie, Maroc, Espagne) à partir de données fournies par le régime
général et le régime complémentaire Agirc-Arrco.
370
Les préjudices subis et évités correspondent aux fautes et fraudes décelées par les
organismes. Seuls les préjudices subis font l’objet d’une constatation d’indu
, les caisses
ayant versé des prestations à tort.
371
Pour l’ensemble des dossiers de la branche vieillesse contrôlés en 2023 (comprenant
les 373 dossi
ers portant sur les seules prestations servies à l’étranger), 48,4
% ont conduit
à identifier des préjudices. La part des fraudes est de 24,5 % et celles des fautes de 75,5 %.
372
En 2022, à partir d’un échantillon
aléatoire de 2 000 pensions, la Cnav a évalué le
préjudice annuel des fraudes ou fautes à 0, 2
Md€ pour l’ensemble des pensions de
retraite. Seize cas de fraude avaient été décelés sur les 2 000 pensions contrôlées, dont
quatre concernaient des étrangers (
une fraude à l’existence et trois pensions
soumises à
condition de résidence en France
versées à l’étranger
).
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
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LA FRAUDE AUX RETRAIT
ES VERSÉES À L’ÉTRAN
GER : DES AMÉLIORATIONS
À POURSUIVRE POUR MIEUX LA PRÉVENIR ET LA RÉDUIRE
273
Une estimation de la fraude dans les trois pays expertisés
par la Cour
En Algérie, les contrôles exigeant la présence physique des pensionnés
montrent que, parmi les pensionnés d’une classe d’âge donnée dont 10
% ont
été convoqués, les décès constatés n’avaient pas été déclarés à l
a Cnav dans
près d’un cas sur deux (44
%). En appliquant ce taux de non déclaration de
décès au taux de mortalité de chaque classe d’âge qui compose la population
des retraités résidant en Algérie, la Cour estime que le montant de fautes ou
fraudes atteint
38 M€ pour le régime général
373
. Par ailleurs, des assurés ne se
sont jamais présentés à la convocation
374
. En retenant l’hypothèse majorante
qu’ils sont tous décédés sans que leur décès ait été déclaré et en appliquant
cette hypothèse à l’ensemble de la popu
lation pensionnée résidente en Algérie
selon leur âge, le montant de l’estimation peut être majoré de 42 M€. Dès lors,
l’estimation totale pour ce pays atteint un montant compris entre 40 et 80
M€.
Pour le Maroc, le même raisonnement conduit à une estimation du
montant des fautes et fraudes au décès de l’ordre de 12
M€ (8
M€ pour le
régime général et 3,5
M€ pour l’Agirc
-Arrco).
En Espagne, la Cour n’a pu procéder à une estimation, de tels contrôles
n’étant pas mis en œuvre.
Néanmoins, le risque de fraude est réduit par la
présence d’échanges de données d’état
-civil avec ce pays.
La Cnav, en accord avec la direction de la sécurité sociale, considère
qu’une évaluation spécifique de la fraude aux retraites versées à l’étranger
supposerait la construction d’un
échantillon important, qu’elle juge
disproportionné par rapport aux enjeux. Il serait néanmoins possible de
procéder à une telle évaluation tous les cinq ans ou
d’
amender
l’échantillon
de l’évaluation annuelle
pour
qu’il contienne un échantillon représentatif
des
pensions de retraite versées à l’étranger.
B -
Développer, mutualiser et accélérer les échanges
avec les autres pays et les partenaires administratifs
Même si la situation s’est nettement améliorée ces dernière
s années,
des marges de progrès résident dans le développement volontariste des
partenariats entre les organismes sociaux et les pays,
l’investissement dans
l’identification biométrique et l’élargissement
du périmètre et de la qualité
des contrôles.
373
Le contrôle de l’existence ne concernait que les
pensionnés du régime général et non
l’Agirc
-Arrco.
374
27 % des plus de 90 ans et 2 % des moins de 90 ans.
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COUR DES COMPTES
274
1 -
Des partenariats à étendre pour mieux détecter les départs
non signalés à l’étranger
En plus d’être soumise à des conditions de ressources, l’allocation
de solidarité aux personnes âgées est une prestation sujette à une condition
de résidence en France durant l
’année civile de versement de la
prestation
375
.
Pour l’ensemble des organismes de sécurité sociale, le départ
à l’étranger est difficilement traçable et le risque de
non-déclaration pour
continuer à percevoir la prestation est insuffisamment sécurisé.
De 2019 à 2022, les résultats des contrôles de lutte contre la fraude dans
la branche vieillesse dans leur ensemble ont révélé que plus d’un quart des
fraudes décelées (227 sur 894 dossiers) concernait le non-respect des conditions
de résidence en France ou des
départs définitifs à l’étranger non signalés.
Des échanges accrus entre les organismes de sécurité sociale et les
administrations de l’État permettraient de réduire ces deux types de fraude
.
Les changements d’adresse à l’étranger ne sont pas systématiquem
ent
signalés. Aucune base de données des entrées et des sorties du territoire,
temporaires ou définitives n’existe. Autoriser
les organismes de protection
sociale à consulter le
registre national des Français établis à l’étranger
, tenu
par le ministère chargé des affaires étrangères,
permettrait d’augmenter la
connaissance des départs par les organismes, même si l’inscription
, non
obligatoire, concerne les seuls Français et ne garantit donc pas de connaître
exhaustivement les flux.
Selon la direction de la
sécurité sociale, l’accès à l’administration
numérique pour les étrangers en France, qui recense notamment les titres
de séjour demandés en ligne, devrait être généralisé en 2025 et permettre à
terme de mieux déceler les fraudes. Cette évolution permettra aux
organismes de sécurité sociale d’accéder aux titres de séjour et aux pièces
justificatives détenus par les préfectures et de mieux gérer les droits liés à
une condition de régularité de la résidence. En attendant, l’exploitation et
la mutualisation systématique des résultats des contrôles entre organismes
de sécurité sociale sur les départs permettraient de réduire le risque de
changement d’adresse non déclaré.
Dans la gestion courante des dossiers d
allocation de solidarité aux
personnes âgées, les
caisses d’assurance retraite et de la santé au travail
(Carsat) envoient au bénéficiaire,
un an après l’attribution de
l’allocation
,
un questionnaire de déclaration des ressources, de la situation familiale et
de l
a résidence. Ce formulaire n’est ensuite
plus envoyé régulièrement
375
La condition de résidence en France est de neuf mois depuis le 1
er
septembre 2023,
contre six précédemment.
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LA FRAUDE AUX RETRAIT
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À POURSUIVRE POUR MIEUX LA PRÉVENIR ET LA RÉDUIRE
275
alors qu’il permet de
mettre à jour la situation des pensionnés, de rectifier
des erreurs ou de déceler des indus
376
. Il pourrait être demandé que le volet
résidence soit complété
annuellement
, en attendant l’exploitation du
dispositif de ressources mensuelles qui devrait faciliter les contrôles
377
.
2 -
Des échanges de données informatisés à développer
et à optimiser
L’extension des échanges de données informatisés
à tous les pays
européens, mais également à ceux dont les flux financiers sont les plus
importants (Algérie, Maroc…), permettrait de diminuer le risque de non
déclaration ou de déclaration tardive des décès. Selon la Cnav, les échanges
seront mutualisés prochainement avec l’Italie, la Pologne et l’Autriche. Hors
Union européenne, des projets sont en cours avec Israël et avec le Royaume Uni.
Leur mise en
œuvre
est tributaire des relations diplomatiques et
des intérêts mutuels des différentes parties concernées : un pays étranger
versant peu de retraites à ses nationaux résidant en France sera moins enclin
à développer de tels échanges. Il convient toutefois de poursuivre la
couverture des pays de résidence (notamment au Maghreb) pour fiabiliser
le versement des pensions par les régimes français
378
.
Allemagne : une large couverture géographique
des échanges bilatéraux d’information de décès
Comme en France, l’Allemagne dispense ses pensionnés résidant à
l’étranger de l’envoi annuel d’un certificat d’existence
lorsque celle-ci est
vérifiée par des échanges de données informatisées
d’état civil.
L
’Allemagne procède aujourd’hui à ces échanges avec 22 États étrangers
(contre sept pour la France) couvrant plus de 68 % de ses résidents hors du
territoire allemand (contre près de 50 % pour la France). Six autres pays
sont actuellement en phase de test, dont deux dans lesquels les pensions
versées par la France sont significatives : le Canada
379
et la Turquie.
L’Allemagne n’a pas d’accord avec l’Algérie ni avec le Maroc.
376
L
a Carsat d’Aquitaine n’envoi
e plus, ensuite, ce formulaire. La Cnav Île-de-France
le fait à des fréquences variables.
377
Cour des comptes,
La lutte contre la fraude aux prestations sociales,
rapport sur
l’application des lois de financement de la sécurité sociale, chapitre VII, mai
2023.
378
Une convention de coopération a été signée avec les organismes de retraite de
Tunisie dans la perspective du lancement d
’échanges de d
onnées informatisées, dont le
prérequis est la compatibilité avec les outils de la Cnav.
379
Dont la province du Québec, qui en matière d’état civil, jouit d’une compétence pour
conclure des accords bilatéraux avec d’autres pays ou entités internationales.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
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COUR DES COMPTES
276
Les données d’identification et d’état civil ne coïncident pas entre
les régimes de retraite français et étrangers, ce qui explique que les assurés
ne soient pas tous reconnus par ces échanges. En 2023, les échanges
dématérialisés mutualisés dans le cadre du GIP Union Retraite ont permis
d’identifier
en moyenne 72 % des assurés et ayants droit par les pays
contractants partenaires
. Ce taux s’est inscrit dans une échelle de
64,2 %
(Portugal) à 88,7 % (Suisse).
Tableau n° 26 :
p
ourcentage d’assurés identifiés par les échanges
mutualisés de données informatisés sur les décès en 2023
Pays
Mise
en service des
échanges
Nombre
d’assurés
interrogés
Nombre
d’assurés
identifiés
Taux
d’identification
Luxembourg
31/01/2021
5 448
4 167
76,5 %
Allemagne
28/02/2021
53 250
39 673
74,5 %
Suisse
31/03/2021
24 586
21 807
88,7 %
Belgique
31/05/2021
58 137
49 556
85,2 %
Espagne
30/09/2022
260 614
176 976
67,9 %
Portugal
30/09/2023
33 145
21 258
64,2 %
Total
435 180
313 437
72,0 %
Source :
Cour des comptes d’après le
GIP Union Retraite
L’amélioration des taux d’identification est nécessaire pour
accroître la fiabilisation des données d’état civil
, la qualité des services
rendus aux pensionnés et la performance du système. Elle implique une
meilleure convergence des données entre les pays
380
et, notamment,
l’élimination des
numéros d’identification e
n doublon au répertoire des
personnes physiques (NIR).
La France doit par ailleurs veiller à la pérennité de
l’infrastructure
hébergeant les échanges (plateforme Testa) gérée par la Commission
européenne, qui
n’est pas garantie à moyen terme.
380
Des divergences sont constatées dans les règles d’identification appliquées et dans
les différences de valeurs accordées aux critères d'identité transmis. Par exemple, la
France attribue une valeur forte au nom de naissance lors du processus d'identification,
qui est peu utilisé par les partenaires. L'Allemagne accorde une valeur forte à l'adresse
de résidence, qui ne fait pas partie en France des informations constitutives de l'identité.
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LA FRAUDE AUX RETRAIT
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À POURSUIVRE POUR MIEUX LA PRÉVENIR ET LA RÉDUIRE
277
3 -
Des échanges entre partenaires sociaux et administratifs
à faciliter et étendre
Des rapprochements sont réalisés annuellement par les Carsat entre
les données de la branche vieillesse et de la direction générale des finances
publiques (DGFiP)
afin d’identifier les dif
férences entre les ressources
perçues et les revenus déclarés, mais aussi de cibler les sorties du territoire
français. La Cnav ne connaît pas le nombre de fautes ni de fraudes
identifiées grâce à ces rapprochements
381
.
S’agissant des bénéficiaires de l’allocation de solidarité, l’arrêt des
soins médicaux prodigués à des personnes âgées est un autre moyen
d’identifier le départ à l’étranger d’assurés âgés. Les Carsat peuvent
interroger les caisses d’assurance maladie sur des dossiers individuels mais
pa
s sur l’ensemble des pensionnés afin d’identifier d’éventuelles atypies.
L’outil de détection des fraudes de la branche vieillesse n’est en effet pas
alimenté par des flux en provenance de la Cnam pour l’ensemble des assurés.
La direction de la sécurité so
ciale considère qu’il n’y a pas
d’obstacle juridique à l’obtention
d’
informations de soins dans le ressort
de l’ensemble des caisses primaires d’assurance maladie
382
, dès lors que
les rapprochements au niveau national s’opèrent dans le respect des
principes et règles de la loi du 6 janvier 1978, dite informatique et libertés,
et du règlement général sur la protection des données. Toutefois, selon cette
même direction, les agents de la Cnav devraient obtenir au préalable une
habilitation de la Cnam pour accéder aux données de santé. Un premier
contrôle pourrait être réalisé par la Cnav à partir de la base d’ouverture des
droits aux soins de santé
383
.
Contrairement aux branches du régime général, l’Agirc
-Arrco ne
bénéficie pas du droit de communication, qui permet d
obtenir, sans que
lui soit opposé le secret professionnel, les documents et informations utiles
à la lutte contre la fraude. Des accords prévoient néanmoins la
communication d’informations entre l’Agirc
-Arrco et ses partenaires, dont
la Cnav. Il convien
drait d’asseoir l
eur base légale.
381
La Cnav
le justifie par le fait qu’ils ne constituent qu’un faisceau d’indices ne servant
pas, à eux seuls, à lancer les contrôles de lutte contre la fraude.
382
Recommandation faite par la Cour dans sa communication à la commission des
affaires sociales du Sénat de septembre 2020 intitulée
La lutte contre les fraudes aux
prestations sociales
Des progrès trop lents, un changement d’échelle indispensable
.
383
Cette base retrace les demandes d’ouverture et de clôture des droits par les
États
étrangers à la suite du décès du pensionné ou en raison d’un retour en France.
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278
4 -
Renforcer la collaboration entre les régimes en aval
des contrôles sur place
À partir de 2024-2025
, les régimes ont prévu d’intensifier leurs
contrôles sur place et sur pièces en Algérie, au Maroc, en Turquie et en
Tunisie
384
. Les résultats seront partagés
385
et les suspensions de paiement
aux assurés n’ayant pu satisfaire aux contrôles seront, pour la plupart des
régimes, automatisées dans leurs systèmes d’information. Ce
changement
d
’échelle justifierait une coordination plu
s poussée entre les régimes à
différents niveaux.
Les
nombreuses
suspensions
de
paiement
consécutives
à
l’intensification des contrôles
386
, désormais automatisés, vont susciter une
hausse des réclamations d’assurés. Elle affectera l’ensemble des canaux et
devra être préparée et anticipée afin que les circuits existants ne soient pas
embolisés, notamment ceux des Carsat, dont les agents ne sont pas tous
informés de ces contrôles.
Les procédures de réouverture des droits aux assurés ne sont pas
arrêtées. Les organismes affirment qu’aucune remise en paiement ne pourra
intervenir sans que l’assuré ait satisfait à un nouveau contrôle physique.
Toutefois
aucun
processus,
protocole
d’ac
cord
ou
développement
informatique ne traduit cette obligation de reconvocation.
Au Maroc, l
es assurés qui n’ont pas répondu à la convocation dans
les trois mois et dont la pension est suspendue, auront la possibilité de se
présenter au guichet du partenaire local pour prouver leur existence
jusqu’à
un an après la date de la convocation. Le dispositif prévu en Algérie, moins
souple, ne garantit pas la reconvocation systématique des assurés qui
réclament le rétablissement de leur pension alors qu’ils n’ont p
as honoré la
première demande de convocation. La décision de reconvoquer un assuré est
laissée à la discrétion de l’Agirc
-Arrco, seul titulaire du marché avec le partenaire
bancaire effectuant les contrôles sur place
387
, sans consultation des autres
régimes.
L’Agirc
-
Arrco n’envisage pas de reconvoquer
systématiquement les
assurés non venus lors de la première convocation et sollicitera d’eux le
384
Algérie : 50
000 convocations d’assurés en 2025 puis 60
000 convocations annuelles à
compter de 2026 ; Maroc : 8 000 convocations annuelles dès 2024 ; Turquie : 800 contrôles
sur pièces et sur place à partir de 2024 ; Tunisie : 2 000 contrôles sur pièces en 2025.
385
Si un assuré ne s’est pas présenté, une notification d’existence non vérifiée est inscrite
dans la base de mutualisation des contrôles d’existence et adressée à tous les régimes.
386
En retenant le taux moyen de non présentation issu des expérimentations, la Cour estime
que 17 000 retraités verraient leurs pensions suspendues en 2025, dont 15 000 en Algérie.
387
Le marché prévoit que la prestation de convocation au guichet de la banque algérienne
est facturée à l’unité à l’Agirc
-Arrco.
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279
renvoi de pièces justificatives pour attester leur existence.
L’intensification
à venir des contrôles et des réclamations pourrait conduire à ce que le
versement de leurs pensions aux assurés soit remis en place par les régimes
sans concertation et selon des procédures moins exigeantes de vérification
de leur existence.
5 -
Développer la biométrie et mieux articuler
les contrôles entre eux
Le législateur a décidé de développer la reconnaissance faciale
biométrique
388
pour limiter le risque de décès non déclaré. Ce dispositif
repose sur une application permettant de vérifier l’authenticité du titre
d’identité biométrique, l’
existence effective de la personne et la
concordance entre la photographie et le visage du retraité. Disponible
depuis septembre 2024 et destiné aux retraités volontaires, détenteurs
d’une carte d’identité ou d’un passeport
biométrique, il devrait permettre
de faciliter les démarches des assurés et
de réduire le nombre d’envoi
s de
certificats d’existence et les coûts associés
.
Fin 2024, dans une première phase, sur près de 300 000 pensionnés
appelés à transmettre leur certificat de vie
389
, 44 805 ont utilisé
l’application mais
un peu moins de 20 000 certificats ont été téléchargés,
majoritairement par des Français (48,9 %) et des Algériens (13,8 %) avec
une concentration de personnes de moins de 85 ans. Les plus forts taux de
connexion ont été constatés en Algérie (19,7 %) et en Espagne (11,3 %).
Bien que facultatif, le recours à la biométrie sera un complément aux
contrôles physiques d’existence. Le recours à la visioconférence pourrait être
également expérimenté par le GIP Union Retraite quand les personnes sont
hospitalisées et dans l’impossibilité de se déplacer, de parler ou de réagir
.
Comme les contrôles d’existence seront, pour l’essentiel, confiés à
des tiers dès 2025, le
choix d’externaliser les contrôles commande d’en
contrôler rig
oureusement l’exécution. Les partenaires, au même titre
qu’une autorité locale, peuvent être complices ou victimes d’une intention
de frauder et les régimes devront réaliser des audits réguliers de leurs
prestataires en charge de ces contrôles
390
.
388
L
’a
rticle 104 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 et le décret
n° 2023-688 du 28 juillet 2023 ont autorisé le GIP Union Retraite à créer un traitement
de données à caractère personnel, dénommé contrôle dématérialisé de l'existence,
utilisant un système de reconnaissance faciale statique et dynamique.
389
Parmi un million d’assurés éligibles, ayant une date de naissance valide avec le jour,
le mois et l’année de naissance.
390
Les conventions et marchés de prestations encadrant la délégation de ses contrôles
d’existence prévoient toutes la possibilité de conduire des audits et des contrôles.
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COUR DES COMPTES
280
Les prochains con
trôles physiques d’existence
au guichet des
banques en Algérie,
menés pour le compte de l’Agirc
-Arrco, justifieraient
le partage d’indicateurs de suivi et de pilotage avec les autres régimes
. Ces
indicateurs
devraient
concerner
notamment
le
no
mbre
d’assurés
représentés par des tiers, ainsi que les remises en paiement selon les
procédures utilisées (nouvelle convocation, envoi de pièces justificatives
etc.). La coordination pourrait être plus poussée entre les dispositifs de
contrôle de la Cnav
d’une part
et de
l’Agirc
-Arrco
d’autre part
. Les
contrôles réalisés au consulat de France à Alger, de meilleure qualité que
ceux du réseau des agences bancaires, pourraient être spécialisés sur les
dossiers signalés ou ceux pour lesquels une remise en paiement est
demandée après une longue période de suspension.
C -
Identifier et mieux recouvrer les montants versés
à tort par les régimes, réviser les sanctions
Pour rendre plus effective la lutte contre la fraude, il faut mieux
appréhender et recouvrer les indus et mieux sanctionner les fraudeurs.
1 -
Des incertitudes sur le montant et le recouvrement des restes
à recouvrer au titre d
es pensions de retraite versées à l’étranger
Les indus sont des montants versés à tort aux assurés. Quand cela
est possible, ils sont récupérés par des retenues sur les prestations versées.
Les outils qui les gèrent à la branche vieillesse et à l’Agirc
-Arrco ne
distinguent pas, à tous les stades du processus de recouvrement et par pays,
les indus relatifs aux pensions versées à l’étrang
er des autres indus. Ceux-
ci ne font donc pas l’objet d’un pilotage spécifique. En particulier, les
remises accordées et les admissions en non-valeur des créances
irrécouvrables ne sont pas connues.
À la demande de la Cour, la Cnav a procédé à des retraitements
informatiques pour établir le montant des indus relatifs aux pensions de
retraite versées à des personnes résidant à l’étranger constatés en 2021
et
leur taux de
recouvrement à 24 mois. En 2021, ces indus s’él
evaient à
43
M€
, dont 1
M€ d’indus
frauduleux, et représentaient 28 % des indus de
la branche vieillesse alors que leur part dans les pensions versées par la
branche est inférieure à 3 %. Les indus
constatés après le décès de l’assuré
sont majoritaires.
Le taux de recouvrement à 24 mois des indus sur les pensions
versées à des résidents à l’étranger attei
gnait 88 % en 2021. Il était
supérieur de 14 points à celui des indus relatifs aux pensions versées en
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LA FRAUDE AUX RETRAIT
ES VERSÉES À L’ÉTRAN
GER : DES AMÉLIORATIONS
À POURSUIVRE POUR MIEUX LA PRÉVENIR ET LA RÉDUIRE
281
France.
À l’inverse,
pour les indus frauduleux, le taux de recouvrement
relatif aux pen
sions versées à l’étranger n’
était que de 2 %, soit six points
de moins que pour les pensions versées en France.
Les modalités du recouvrement à l’étranger peuvent expliquer
les
bons taux de recouvrement constatés. En effet, la branche vieillesse a
partiellement délégué le recouvrement amiable des indus sur les pensions
de retraite versées à l’étranger quand l’assuré est décédé. Deux banques
sont tenues, dans le cadre d’un marché public,
de reverser les fonds aux
organismes. Elles sont incitées financièrem
ent à mettre en œuvre tous les
moyens pour récupérer activement les sommes en jeu.
En 2023, le taux de recouvrement
de l’une des deux banques (7
6 %)
était supérieur de sept
points à celui de l’autre
en Europe, le taux étant
encore supérieur hors Europe (81 %). Ces écarts devraient être analysés par
la Cnav.
À l’Agirc
-Arrco, les indus relatifs aux résidents hors de France au
31 décembre 2023
s’élev
aient à 21,5
M€ et représent
aient 8,4 % du total
des indus en nombre et 10 % en montant. Le montant des indus frauduleux
hors de France n
’est
pas disponible.
Les institutions de retraite complémentaires Malakoff Médéric et
PRO BTP ont expérimenté
pour l’Agirc
-Arrco une délégation du
recouvrement amiable sur les indus au décès
hors d’Europe
proche de celle
retenue par la branche vieillesse. Les résultats en 2024
391
font apparaître,
pour Malakoff Médéric, une augmentation de 30 points du taux de
recouvrement brut (qui atteint 80 %) et de 7 points du taux de
recouvrement net des frais liés au recouvrement (55 %). Les résultats sont
plus contrastés pour Pro BTP, le taux de recouvrement brut (76 %) est en
hausse de 20 points mais le taux de recouvrement net (51 %) baisse de
2
points. L’Agirc
-Arrco a choisi de pérenniser ce dispositif et de le
déployer
progressivement
aux
autres
institutions
de
retraite
complémentaires jusqu’en octobre 2025.
Une entraide internationale est prévue pour recouvrer les créances de
sécurité sociale à l’étranger avec la plupart des pays d’Europe. Concrètement,
un État peut demander à un or
ganisme étranger compétent, au moyen d’une
demande standardisée, de compenser une créance avec des prestations
étrangères, voire de procéder à son recouvrement forcé. En 2024, la procédure
ne concernait que le régime agricole et était peu mise en œuvre. Po
ur la
branche vieillesse, elle était toutefois en cours de finalisation.
391
Année complète pour l’expérimentation
.
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282
Pour les pays
hors d’Europe, la France n’est pas dotée de
formulaires électroniques
permettant la mise en œuvre de l’
entraide. Elle
supposerait, en outre, au préalable de signer un avenant aux conventions
internationales. Une analyse du bénéfice attendu sur le recouvrement
pourrait être réalisée pour les pays à fort enjeu.
2 -
Des sanctions à renforcer, des dépôts de plainte rares
Les directeurs de Carsat ont l’obligation de déposer une p
lainte avec
constitution de partie civile dès lors que les préjudices constatés au titre des
fraudes dépassent quatre fois le montant du plafond mensuel de la sécurité
sociale
392
. La stratégie de la branche vieillesse est de réserver la voie pénale
aux situations frauduleuses les plus graves et de privilégier le recours aux
sanctions administratives (pénalités, avertissements), plus faciles à mettre en
œuvre car la preuve de l’intention de frauder des assurés n’est pas requise.
Le suivi national de la Cnav ne distingue ni les sanctions, ni les dépôts
de plaintes relatifs aux pensions de retraite versées à l’étranger. À la demande
de la Cour, la Cnav a procédé à leur recensement auprès des Carsat. En 2023,
un avertissement et dix-huit pénalités pour fraude ont été prononcés par
seulement quatre des six caisses répondantes, pour un montant de
13 226 euros
393
. 56 % des dossiers avec faute ou fraude n’ont pas fait l’objet
d’une suite contentieuse. Le montant moyen des pénalités est hétérogène,
allant de 719 à 1 131 euros, ce qui est très inférieur à ce que la législation
autorise. Les dépôts de plainte sont rares et ne sont pas systématiquement
effectués par les Carsat même quand le seuil légal est atteint
394
.
L’Agirc
-Arrco ne prévoit pas de sanctions administratives à
l’encontre des pensionnés
395
mais requiert des institutions de retraite
complémentaire des dépôts de plainte pour toute fraude supérieure ou égale
à 10 000
€.
La fédération Agirc-Arrco ne connaît pas le nombre de plaintes
déposées par les institutions de retraite complémentaire
et n’intervient que
lorsque le préjudice concerne plusieurs
d’entre elles
, en tant que
représentante
du régime. Malakoff Médéric n’a déposé aucune plainte en
2023 dans le cadre de la lutte contre la fraude tandis que Pro BTP en a
déposé trois, dont une seule concerne des pensions de retraite versées à
l’étranger.
392
Article D. 114-5 du code de la sécurité sociale. Le seuil est de 15 456
en 2024.
393
Contre 22 pénalités dont une pour faute et 21 pour fraude en 2019 pour un montant
total de 11 600
prononcés par trois Carsat.
394
La Cnav indique que les probabilités qu’une telle plainte prospère à l’étranger sont
trop faibles pour la déposer.
395
Accord National Interprofessionnel du 17 novembre 2017.
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LA FRAUDE AUX RETRAIT
ES VERSÉES À L’ÉTRAN
GER : DES AMÉLIORATIONS
À POURSUIVRE POUR MIEUX LA PRÉVENIR ET LA RÉDUIRE
283
Le bénéfice coût-avantages de la mise en place de sanctions
administratives par les institutions de retraite complémentaires devrait être
étudié. Envisagée par les partenaires sociaux dès 2017, elle nécessiterait,
selon l’Agirc
-Arrco, une évolution de la législation.
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284
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Depuis 2017, des progrès ont été constatés dans la maîtrise du
risque
lié à la non déclaration de décès d’un retraité
. Les échanges de
données informatisées entre la France et plusieurs pays européens
permettent de fiabiliser une partie des données relatives aux décès mais
doivent être élargis à des pays à fort enjeu. Les contrôles sur les certificats
d’existence et ceux menés
sur place auprès des assurés constituent une
avancée qu’il conviendra de consolider par une augmentation du nombre de
contrôles, une meilleure articulation entre les différents moyens de maîtrise
des risques et un meilleur pilotage des résultats et des suites à leur donner.
Malgré des enjeux significatifs, les fraudes ne font toujours pas
l’objet d’une estimation
par les régimes, non plus que
le niveau d’erreurs
affectant les pensions
versées à des résidents à l’étranger
. La lutte contre
la fraude
nécessite d’accro
ître les collaborations et les échanges entre les
partenaires administratifs, et d’améliorer les outils de gestion. Elle
nécessite également de mieux recouvrer les indus et de sanctionner plus
fermement les fraudes.
La Cour formule les recommandations suivantes :
23.
estimer la fraude aux pensions de retraite versées à l’étranger et
adapter le système d’information afin que les régimes puissent
identifier les pensions de retraite versées à l’étranger ainsi que les
fraudes afférentes (ministère du travail, de la santé, des solidarités et
des familles, Caisse nationale d’assurance vieillesse, Agirc
-Arrco) ;
24.
renforcer les partenariats entre le régime général et le régime
complémentaire pour mieux détecter les fraudes aux pensions de
retraite versé
es à l’étranger et accélérer le développement des
échanges de données informatisés avec les pays à fort enjeu (ministère
du travail, de la santé, des solidarités et des familles, Caisse nationale
d’assurance vieillesse, Agirc
-Arrco) ;
25.
renforcer les contrôles anti-fraude dans les pays sans échanges de
données informatisés sur les décès, en privilégiant la présence
physique de la personne contrôlée (groupement d’intérêt public Union
Retraite, Caisse nationale d’assurance vieillesse, Agirc
-Arrco) ;
26.
améliorer l
’outil de gestion des créances afin de pouvoir suivre les
indus par millésime, par pays ainsi que par catégories de prestations
et le raccorder à l’outil de gestion des fraudes (Caisse nationale
d’assurance vieillesse, Agirc
-Arrco).
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