Sort by *
Chapitre VII
Le cumul emploi-retraite :
un coût élevé, une cohérence à établir
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Le cumul emploi-retraite consiste, pour un retraité, à exercer une
activité rémunérée. Ce chapitre analyse le droit commun, correspondant au
cas des retraités des régimes dans lesquels l’âge minimal d’ouverture des
droits était de 62
ans avant la mise en œ
uvre de la réforme de 2023, notamment
le régime général. Il ne concerne pas les assurés d’autres régimes comme les
cheminots ou les militaires, dont la pension est liquidée précocement et pour
lesquels la poursuite de la vie professionnelle relève de règles particulières.
Le repérage des retraités en cumul emploi-retraite pose des difficultés
d’autant que les dernières données disponibles fiables datent de 2020. Pour
l’ensemble des régimes de retraite (hors régimes spéciaux), la Cour estime
le nombre de retraités exerçant une activité rémunérée à environ 710 000 en
2020. Selon des données provisoires, ce nombre serait un peu plus élevé en
2021. Cette population a crû de manière significative à la suite des
différentes réformes du cumul emploi-retraite intervenues depuis 2009.
Le cumul emploi-retraite est considéré favorablement par les
pouvoirs publics car les retraités constituent une force de travail contribuant
à la croissance, et il permet à des retraités modestes de compléter leurs
revenus. Par ailleurs, ces retraités acquittent sur ces revenus additionnels
les cotisations sociales de droit commun et l’impôt sur le revenu.
Pour autant, de nombreux pays de l’OCDE prévoient un
plafonnement des revenus d’activité des retraités avant l’âge d’obtention
automatique du taux plein (67 ans en France). La France se singularise
par une réglementation plus accommodante. La Cour préconise qu’il soit
mis fin aux effets d’aubaine qui découlent de celle
-ci et que soit encouragée
l’activité au
-
delà de l’âge minimal de l
a retraite sans liquidation de la
pension, ce qui est plus favorable à l’équilibre des comptes sociaux.
La réglementation du cumul emploi-
retraite apparaît aujourd’hui
complexe et mise en œuvre de manière insatisfaisante (I). Le recours
croissant à ce cumul pose au système de protection sociale des problèmes
de cohérence qui doivent être résolus (II).
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
231
Chiffres-clés
En 2020, la
Caisse nationale d’assurance vieillesse (
Cnav)
dénombrait près de 431 000 retraités en activité salariée relevant du régime
général et 157 000 en activité indépendante, dont 8 700 exerçant à la fois
ces deux types d’activité
300
. Leur nombre s’est accru de 75
% depuis 2009.
À ces 579 000 retraités, il faut ajouter ceux en activité en dehors de
ce
régime,
notamment
55 000 professionnels
libéraux
(y
compris
3 300 avocats) et 76 000 exploitants agricoles (en partie également
pensionnés du régime général), soit un total pouvant aller jusqu’à
710 000 retraités en cumul emploi-retraite.
La pension moyenne des retraités du régime général en cumul
emploi-retraite recensés par la Cnav en 2020 était 20 % supérieure à celle
de
l’ensemble
des retraités. Parmi eux, plus de 30 % étaient partis en retraite
anticipée pour carrière longue ou avaient obtenu le taux plein
dès l’âge
minimal de 62 ans pour inaptitude.
Le cumul emploi-retraite dure en moyenne trois à quatre ans. Selon
l’enquête Emploi Insee 2021, l’activité est à temps complet dans 30
% des
cas et à moins d’un mi
-temps dans 40
% des cas. Les revenus d’activi
té qui
en sont issus s’élèvent en moyenne à 9
000
€ par an. Ils présentent
d’importantes disparités selon le genre et le type d’activité exercée.
En 2020, les retraités en cumul emploi-retraite affiliés au régime
général ont perçu environ 12,6
Md€ de pens
ions et environ 5
Md€
de
revenus d’activité.
300
Les services statistiques de la Cnav ont fourni de premières estimations pour l’année
2021 (441 500 exerçant une activité salariée et 187 900 une activité indépendante).
L
’enquête
E
mploi en continu de l’Insee identifiait
, quant à elle, 503 000 assurés
cumulant
un revenu d’activité
et une pension de retraite en 2021. La différence des
modalités de collecte des deux chiffres explique l’écart entre eux et la sous
-estimation
du chiffre de l’enquête Emploi
.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
232
I -
Une réglementation confuse et mise en œuvre
de manière peu efficiente
La règlementation française en matière de cumul emploi-retraite,
issue des réformes successives menées depuis 2009, apparaît complexe ; elle
est aussi atypique car plus accommodante que celle de la plupart des autres
pays (A). Elle est mise en œuvre de manière peu efficiente par les caisses de
retraite, du fait d’un contrôle reposant sur un système déclaratif (B).
A -
Une réglementation complexe et atypique
par rapport à celle des pays comparables
La plupart des pays développés encadrent le cumul emploi-retraite.
La réglementation française se distingue par sa complexité et par des
conditions d’accès au cumul moins contraignantes.
1 -
Des justifications au cumul emploi-retraite
L’objectif d’un système de retraite obligatoire est de fournir aux
travailleurs âgés un revenu de remplacement leur garantissant des moyens
d’existence lorsque leur capacité
de gain diminue ou disparaît.
Plusieurs arguments peuvent néanmoins plaider
en faveur d’une
participation des retraités au marché du travail : les travailleurs âgés, même
retraités, constituent un facteur de production pouvant bénéficier à
l’économie
; une pénurie globale ou sectorielle de main-
d’œuvre
peut
justifier d’inciter des retraités à reprendre un emploi
; l
e cumul d’un emploi
et d’une retraite peut
permettre à certains
d’améliorer leur
niveau de vie
grâce à ces revenus complémentaires.
Beaucoup de pays ont ainsi mis en place un dispositif de cumul
emploi-
retraite qui encadre l’activité des retraités.
Le cumul emploi-
retraite à l’étranger
Dans la plupart des pays de l’OCDE, le cumul emploi
-retraite est
autorisé sans plafond de revenus à partir de l’âge légal de la retraite, qui
correspond
à l’âge d’obtention automatique du taux plein en France, soit
67 ans. Celui-ci est de 65 ans au Japon et en Nouvelle-Zélande, 66 ans en
Belgique et au Royaume-Uni, 67 ans au Danemark, aux États-Unis et Italie.
Le cumul emploi-retraite demeure plafonné même après 67 ans en Espagne.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
233
Lorsqu’une liquidation de la retraite est possible avant cet âge, la
pension est abattue ou suspendue dans de nombreux pays dès que le revenu
d’activité en cumul dépasse un plafond annuel d’environ 8
000
€ au Japon,
10 000
€ en B
elgique, 12 000
€ en Italie et 20
000
€ aux
États-Unis. Seule
une minorité de pays (Canada, Pays-Bas, Suède et Allemagne depuis
2023
301
) autorise un cumul sans plafond avant cet âge. Au Canada et aux
Pays-Bas, les retraites de base sont toutefois forfaitaire
s et d’un montant
limité
302
, l’essentiel des pensions étant fourni par des régimes fonctionnant
en capitalisation pour lesquels des restrictions au cumul emploi-retraite ont
peu d’intérêt
303
.
Peu de pays permettent l’acquisition de nouveaux droits à retraite
une fois la pension liquidée. C’est le cas de l’Allemagne, dont le régime de
base fonctionne par points, du Canada, mais de manière obligatoire
uniquement pour les personnes ayant liquidé leur pension avant 65 ans, de
l’Italie, en cas de suspension de la p
ension pour des personnes parties en
retraite pour carrière longue, et de la Suède, pour la partie non liquidée de
la pension, les retraités suédois pouvant choisir de n’en liquider qu’une
fraction (25 %, 50 % ou 75 %).
2 -
Des réformes fréquentes et peu cohérentes entre elles
La réglementation du cumul emploi-retraite a été mise en place par
une ordonnance du 30 mars 1982 à la faveur de
l’abaissement
à 60 ans de
l’âge minimal de la retraite à taux plein
304
. Celle-ci conditionnait la
liquidation de la pension à
la cessation de l’activité
mais elle n’empêchait
pas l’assuré de reprendre une activité chez un autre employeur.
La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a instauré un
mécanisme de plafonnement des revenus en situation de cumul emploi-
retraite
. Le total des pensions et des revenus d’activité a été limité au montant
301
Le plafond de cumul était de 6 300
€ par an en Allemagne avant son abrogation début
2023 en considération de la pénurie de main d’œuvre constatée les années précédentes.
302
Le montant mensuel maximal de la pension du régime de base canadien est de 871
en 2024.
303
Dans un régime de retraite par capitalisation, chaque individu constitue un capital
pendant sa période d’activité. À la retraite
, ce capital lui est restitué sous forme de rente
selon une table de mortalité qui le répartit en annuités égales : plus la liquidation est
précoce, plus le montant est faible.
L’âge de liquidation n’a pas d’effet sur l’équilibre
du régime, contrairement aux régimes par répartition, dans lesquels les pensions sont
versées sans ajustement du montant de la pension selon l’espérance de vie.
304
La pe
nsion de retraite pouvait être liquidée à 60 ans depuis 1945, au prix d’une
importante pénalisation monétaire que la réforme de 1982 a supprimée.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
234
du dernier salaire ou à 1,6 fois le Smic brut si ce montant est plus élevé
305
,
la pension étant suspendue au-delà du plafond. Les salariés ont été autorisés
à retravailler chez leur ancien employeur après un délai de six mois.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a autorisé le
cumul « intégral
» (sans plafond) des revenus d’activité pour les retraités
ayant liquidé au taux plein l’ensemble de leurs droits à retraite
ou ayant
atteint l’âge de l’obtention automatique du taux plein
306
. La reprise
d’activité leur a été permise sans délai, y compris chez le même employeur.
Pour les retraités ne justifiant pas de la durée d’assurance ou de l’âge
d’obtention automatique du tau
x plein, le cumul reste plafonné dans des
conditions inchangées et la reprise d’activité chez le même employeur
soumise à un délai de six mois.
À la suite de la réforme des retraites de 2010, cette réglementation
s’est appliquée entre l’âge minimal d’ouve
rture des droits (62 ans, à terme
64 ans) et
l’âge d’obtention automatique du taux plein (67
ans). En
conséquence, les assurés partis précocement à la retraite au titre d’une
carrière longue (à partir de 58
ans) sont en cumul plafonné avant l’âge de
62 ans, mais bénéficient du cumul intégral après.
Schéma n° 2 :
type de cumul emploi-
retraite selon l’âge et en fonction
des conditions de départ à la retraite au régime général
* En application de la réforme des retraites de 2023, l
’âge minimal d’ouverture des droits (62
ans) est relevé à
compter du 1
er
septembre 2023, pour atteindre 64 ans pour les personnes nées en 1968 et après.
L’âge
d’obtention automatique du taux plein
est maintenu à 67 ans.
**
Durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Celle-
ci varie selon l’année de
naissance et atteindra 172 trimestres pour les personnes nées en 1968 et après.
Source : Cour des comptes selon la législation en vigueur avant la réforme des retraites de 2023
305
Soit un plafond minimum de 34 595
€ brut annuel en novembre 2024.
306
Soit 65
ans à l’époque, 67
ans depuis la loi du 9 novembre 2010.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
235
La loi du 20 janvier 2014 a atténué les
conséquences d’un dépassement
du plafond en remplaçant la suspension de la pension par un
écrêtement
307
et a généralisé la règle selon laquelle une reprise d’activité
après la liquidation de la retraite ne donnait plus de nouveaux droits.
Ce principe de cotisations non-créatrices de droits alors que les
revenus d’activité supportent les cotisations sociales de droit commun a
suscité une incompréhension relayée par des travaux parlementaires
308
. La
loi sur la réforme des retraites du 14 avril 2023 est revenue sur ce point : à
compter du 1
er
janvier 2023, les retraités qui bénéficient du cumul intégral
peuvent acquérir de nouveaux droits à retraite dans les régimes de base.
Toutefois, le droit à percevoir une seconde pension ne leur est pas ouvert
s’ils reprenne
nt une activité chez le même employeur avant un délai de six
mois, afin de «
décourager des liquidations de retraite prématurées au
détriment de la recherche du taux plein ou de la surcote
»
309
. Cette
condition peut susciter l’incompréhension des retraités q
ui reprennent leur
activité chez le même employeur sans délai sans savoir que cela ne leur
ouvre pas le droit à une seconde pension.
L
’estimation des coûts de la
seconde pension
Dans le cadre du projet de loi de 2023, le coût de la seconde pension
a été évalué à 240
M€
en 2026, dont 150
M€ pour les
régimes de base et
90
M€ pour les régimes
complémentaires.
Selon la Cnav, 79 000 assurés pourraient y être éligibles chaque
année. Toutefois, seulement 3 000 demandes avaient été reçues en juillet
2024, dont une proportion importante (70 %)
s’avère non
-éligible. Le fait
que la seconde pension ne soit pas due si la reprise d’activité a eu lieu chez
le même employeur moins de six mois après la cessation d’activité est
susceptible d’écarter une majorité des dossiers
restants. À réglementation
inchangée, les dépenses de seconde pension devraient donc être inférieures
aux estimations présentées à l’appui du projet de loi.
307
L’écrêtement consiste à réduire la pension d’un montant correspondant, en tout ou
en partie, au dépassement d’un plafond de revenus.
308
Par exemple la proposition de loi (n° 5159)
visant à permettre l’acquisition de
nouveaux droits pour le calcul de la retraite dans le cadre du cumul emploi-retraite.
309
Pour nos retraites, justice, équilibre, progrès,
rapport sur les objectifs et les effets
du projet de réforme des retraites
déposé à l’appui du projet de loi de financement
rectificative de la sécurité sociale pour 2023 portant réforme des retraites, janvier 2023.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
236
Les droits nouvellement acquis sont destinés à être versés sous la
forme d’une seconde pension c
alculée sur la base des trimestres cotisés
pendant la période de cumul, servie à taux plein et plafonnée à 5 % du
plafond annuel de la sécurité sociale par régime
310
. La loi exclut la
liquidation d’une troisième pension.
3 -
Une réglementation singulière en comparaison internationale
À l’issue de ces réformes successives, la réglementation du cumul
emploi-
retraite s’est complexifiée.
Si l’assuré a liquidé toutes ses retraites de base et complémentaires
avec une retraite à taux plein, soit à partir de l’âge minimal d’ouverture des
droits (64 ans à terme) en totalisant le nombre de trimestres nécessaire, soit
à partir de l’âge d’obtention automatique du taux plein (67
ans), alors il peut
cumuler sans limite ses retraites et ses revenus d’activité. La reprise
d’activ
ité peut se faire sans délai et le retraité a droit à une seconde
pension
311
.
S’il ne remplit pas ces conditions, le total des revenus d’activité et
des retraites est plafonné au dernier salaire d’activité brut ou à 1,6
fois le
Smic brut si ce montant est plus élevé
312
. La pension est donc écrêtée à
hauteur de 100 % des revenus au-delà de ce plafond. Le cumul est possible
après un délai de carence de six mois chez le dernier employeur mais sans
délai chez un autre employeur, et n’ouvre pas de droit à seconde
pension.
En comparaison internationale, la règlementation française du
cumul emploi-retraite apparaît singulière :
-
elle offre la possibilité de cumuler sans limite pension et revenus
d’activité dès l’âge minimal d’ouverture des droits avec une durée
d’ass
urance complète (62 ans en 2023, 64 ans pour les personnes nées
en 1968 et après) ; dans la plupart des pays étudiés, cette possibilité
n’est accordée qu’à partir de l’âge correspondant en France à
l’obtention automatique du taux plein (67 ans)
;
310
Décret n° 2023-753 du 10 août 2023. Soit 2 319,9
€ brut par an en 2024.
311
Sous réserve qu’il n’ait pas repris d’activité moins de six mois après la liquidation
de sa première pension chez son dernier employeur.
312
Pour les fonctionnaires retraités, les mêmes conditions de cumul intégral et de cumul
plafonné s’appliquent à l’exception d’un plafond d’écrêtement spécifique de 7
950,07
(en 2024) augmenté d’un tiers de la pensi
on.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
237
-
le plafond de cumul prend en compte les pensions et le revenu
d’activité
, soit un montant élevé
313
rarement atteint. Son intelligibilité
par les assurés et son contrôle par les caisses sont difficiles
; a
contrario
, dans la plupart des pays qui prévoient un plafond pour les
revenus de cumul, celui-ci ne prend en compte que le revenu
d’activité, est
forfaitaire et plus bas.
B -
Une mise en œuvre insatisfaisante
Le contrôle des conditions du cumul emploi-
retraite s’effectue sur
une base simplement déclarative alors que des solutions techniques
permettraient de l’automatiser.
1 -
Un système déclaratif peu efficient, des contrôles insuffisants
Le retraité qui reprend une activité doit la déclarer dans le mois
suivant par écrit à l'organisme qui lui verse la pension au titre de son dernier
régime d'affiliation, et produire divers justificatifs et informations. Cette
déclaration est le seul moyen pour la caisse de vérifier
que l’assuré
respecte
les conditions pour prétendre à un cumul.
La caisse lui indique
la possibilité d’un cumul
intégral ou, au
contraire, son assujettissement à un plafond et, dans ce dernier cas, lui
communique une décision
d’écrêtement ou de suspension de la pension si
les revenus d’activité lui sont supérieurs.
Le délai de carence de six mois pour la
reprise d’activité chez le
même employeur en cas de cumul plafonné ne peut être, lui aussi, vérifié
que sur déclaration des assurés.
Le système d’information de la Cnav n’a pas été paramétré pour
exploiter les déclarations papier de reprise d’activité transmises par les
assurés. La Cnav n’est donc pas en mesure de comparer le nombre de
déclarations reçues avec le nombre de retraités en cumul emploi-retraite
recensés par le croisement des bases de données. Dès lors, aucune
estimation de la proportion de non-
déclarants n’est disponible.
Seules les
313
Peu de personnes en cumul plafonné dépassent ce plafond et voient leur pension
écrêtée. En effet, le plafond global est au minimum de 1,6 fois le Smic (34 595
par an
à partir de novembre 2024). La pension moyenne tous régimes étant de l’ordre de
18 000
€, le plafond minimum de revenu d’activité est donc d’environ 16
000
€, soit le
double de la moyenne du revenu d’activité des retraités en cumul emploi
-retraite en
2020. Le plafond maximum dépend du montant du dernier salaire de l’intéressé.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
238
décisions de suspension peuvent être identifiées par la Cnav, mais sans
connaissance de leur motif. Les écrêtements de pensions ne peuvent pas
non plus faire l’objet d’un suivi.
Dans les régimes autres que le régime
général, la situation est comparable, à de rares exceptions
314
.
Le
respect des conditions du cumul plafonné n’est pas intégré
dans
les contrôles périodiques de la Cnav. Des vérifications sont effectuées en
cas de signalement des assurés ou de manière aléatoire et la Cnav indique
travailler à l’élaboration d’un
plan de contrôle. Au demeurant, la
réglementation ne comporte pas de sanction s
pécifique d’une non
-
déclaration de reprise d’activité. Ce n’est qu’en cas de détection d’une
volonté délibérée d’omission par un assuré que le processus habituel de
traitement des situations frauduleuses est activé ; il est rarement mis en
œuvre
en l’espèc
e. Néanmoins, si l
’intéressé ne répond pas aux demandes
d’information, la pension est suspendue.
Dans la même logique déclarative, l’assuré
est censé signaler aux
caisses qui lui servent une pension tout changement dans ses revenus
d’activité lorsqu’il ne
bénéficie pas du cumul intégral.
Les caisses sont tenues de rappeler chaque année aux assurés cette
obligation. Ce rappel n’implique cependant pas une réponse systématique
de la part des assurés. L
a Cnav n’effectue aucun contrôle en cas de non
-
réponse. Les textes prévoient des contrôles
a posteriori
pour vérifier le
respect du plafond par les assurés. En
pratique, la Cnav n’est
cependant pas
en mesure d’effectuer des
recherches
dans son système d’information
, ne
serait-ce que pour suivre les cas de cumul emploi-retraite plafonné dont
elle a eu connaissance par déclaration spontanée.
Au total, l’évolution des revenus
en cas de cumul
plafonné n’est
suivie ni par la Cnav, ni par les autres régimes
à l’exception de certaines
caisses de professions libérales.
314
Par exemple, l’exercice de la profession de médecin libéral doit être déclaré à
l’assurance maladie, et c’est sur cette source d’informations que la
Caisse autonome de
retraite des médecins de France (Carmf) se fonde pour opérer ses contrôles. La Caisse
i
nterprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (
Cipav), principale caisse
de retraite des professionnels libéraux, utilise quant à elle les informations issues du
centre de formalités des entreprises. À la Caisse autonome de retraite et de prévoyance
des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et
orthoptistes (Carpimko),
tout affilié faisant liquider ses retraites doit indiquer s’il cesse
ou non définitivement son activité. Si la précision n’est pas apportée
, le nouveau retraité
se voit appeler une cotisation forfaitaire.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
239
2 -
Des solutions techniques visant à pallier ces manques
Les caisses mettent en avant le caractère marginal de l
’activité de
gestion liée au cumul emploi-retraite
pour justifier l’absence de priorisation
de ce sujet. Les coûts de gestion du dispositif et
l’ef
fectif mobilisé ne sont
pas suivis en comptabilité analytique. La faiblesse du contentieux conforte
la Cnav dans cette gestion
a minima
: sa feuille de route informatique ne
comporte, à fin 2024, aucun projet
d’automatisation des contrôles.
Il en va
de mêm
e au service des retraites de l’État
.
Toutefois, des expérimentations menées par la Caisse des dépôts et
consignations pour les régimes d’agents publics
qu’elle gère montrent que
des progrès sont possibles : les données de rémunération des assurés ont
été remontées automatiquement
via
le dispositif de ressources mensuelles
(DRM), en vue
de détecter l’éventuel dépassement du plafond applicable
en cas de cumul plafonné.
Le dispositif de ressources mensuelles (DRM)
Le DRM agrège deux bases de données. La base des déclarations
sociales nominatives (DSN) est alimentée par les déclarations mensuelles de
salaires effectuées par les employeurs de salariés des secteurs privé et public.
La base des autres revenus (Pasrau) est alimentée chaque mois par les données
de prestations sociales monétaires (retraites, allocations chômage, indemnités
journalières, pensions d’invalidité, etc.) et de certains dispositifs salariaux
(chèque emploi service universel, prestation d’accueil du jeune enfant).
La première enquête fondée
sur l’utilisation du DRM a
conduit, en
2023, à augmenter le nombre de retraités
ayant fait l’objet d’une
vérification, ce qui constitue une amélioration du contrôle. Un suivi des
indus a été mis en place. La Caisse des dépôts et consignations assure
désormais le suivi statistique de ses retraités en cumul emploi-retraite à
l’aide
du DRM.
Par ailleurs, le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU),
qui enregistre l’ensemble des données
de carrière permettant de calculer et
liquider les pensions, est actuellement alimenté une fois par an par les
données issues de la DSN. Des développements informatiques conduits par
la Cnav permettront son actualisation en continu par la DSN à compter du
second trimestre 2025.
La disponibilité de ces informations devrait faciliter la liquidation
des secondes pensions
à partir d’une demande de l’assuré
via
le portail
inter-régimes.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
240
En croisant les données issues de la DSN avec celles détenues par
les caisses concernant les retraités,
il serait aussi possible d’autom
atiser le
contrôle du respect de la réglementation du cumul emploi-retraite. Les
reprises d’activité
des retraités pourraient être repérées en mettant en place
des notifications du RGCU à destination du système informatique de la
Cnav.
L’utilisation du RGC
U permettrait aussi de recenser les reprises
d’activité chez le même employeur
et de connaître les revenus
d’activité
associés. Enfin, le rapprochement des systèmes de gestion des pensions
avec ces flux de données
rendrait possible l’automatisation des écr
êtements
découlant des dépassements du plafond de cumul.
La mise en œuvre de ces contrôles automatisés
serait toutefois plus
efficiente
si elle était précédée d’une simplification de la
réglementation.
La nature du cumul autorisé (plafonné ou intégral) dépend en effet de
nombreux paramètres
315
dont la prise en compte par les systèmes
informatiques des caisses est difficile. Par ailleurs, les règles de répartition
de l’écrêtement entre les régimes mériteraient d’être simplifiées.
II -
Des effets coûteux pour le système
de protection sociale
Les retraités en cumul emploi-retraite, de plus en plus nombreux,
ont liquidé leurs pensions en moyenne plus tôt que les autres retraités avec
des montants plus élevés (A). Les défauts de cohérence du dispositif au
sein du système de protection sociale invitent à le réviser et à le
simplifier (B).
A -
Un recours croissant au cumul emploi-retraite
Les caractéristiques sociales des personnes qui recourent au cumul
emploi-retraite sont différenciées. Le développement du recours à ce
dispositif par des cadres et des professions intellectuelles supérieures est
contradictoire avec les objectifs vis
ant à inciter au report de l’âge de
liquidation de la retraite et à réserver le recours au cumul à des professions
en tension ou à des retraités modestes qui souhaitent se procurer un
complément de revenus.
315
Caractéristiques liées à l’employeur, à l’âge de l’assuré, à la durée d’assurance et à
ses revenus.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
241
1 -
Des retraités partis tôt à la retraite
avec des pensions assez élevées
Le nombre de retraités du régime général
316
en cumul emploi-
retraite a augmenté de 75 % entre 2009 et 2020, bien plus rapidement que
le nombre de retraités du régime général de moins de 75 ans (+ 23 %).
Graphique n° 25 :
évolution du nombre et de la part des retraités
du régime général en cumul emploi-retraite entre 2009 et 2020
Note : retraités exerçant une activité salariée ou indépendante. Ceux en cumul emploi-retraite à
la fois salarié et travailleur indépendant ne sont pas isolés sur le plan statistique en 2009.
Source
: Cour des comptes d’après les données de la Cnav
En moyenne, les retraités en cumul emploi-retraite en tant que
salariés avaient liquidé leur pension dans l’année de leurs 62 ans. La
poursuite ou la reprise d’activité avait lieu entre un et deux ans après celle
-
ci et la durée de cumul était de trois à quatre ans.
L’âge moyen d
es retraités
en cumul emploi-retraite en 2020 était de 67 ans.
Plus d’un quart des retraités en cumul emploi
-retraite a bénéficié
d’une
retraite anticipée pour carrière longue avant 62 ans (21,4 %) ou au
titre de l’inaptitude (7,3
%), et plus de la moitié a liquidé sa retraite au taux
316
Le régime général verse une pension à 85 % des retraités, quel que soit le régime qui
leur verse la majorité de leur pension.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
242
plei
n par la durée d’assurance
317
. Seulement 8,8 % ont attendu 67 ans pour
liquider leur pension. Moins de 5 % ne bénéficiaient pas du taux plein et
étaient en cumul plafonné entre 62 et 67 ans.
Le montant annuel moyen de la pension totale des retraités en cumul
emploi-retraite était 20 % plus élevé (21 577
€) que celui de l’ensemble des
retraités (18 384
) en 2020.
Le supplément de revenus apporté par le salaire de cumul était en
moyenne de 9 255
€ bruts par an,
équivalent à un mi-temps au Smic ou un
quart de temps au niveau du salaire moyen. Net de cotisations sociales, il
représentait environ 40 % de la pension moyenne de ces retraités, ce qui
portait leur revenu total net à environ 2 300
€ par mois,
un montant proche
du salaire moyen net des actifs (2 518
€ en 2020).
Au sein des professions libérales, le dispositif est très utilisé par les
médecins depuis le début des années 2000. Il concerne, pour l’essentiel,
des médecins ayant dépassé 67 ans.
Un dispositif massivement utilisé par les médecins libéraux
Avant les années 2000, le ministère de la santé considérait que le
nombre élevé de médecins libéraux conduisait à un excès de prescription.
Un mécanisme d’incitation à la cessation d’activité
avait été mis en place
pour les médecins cessant leur activité entre 57 et 65 ans, dont un quart de
cette tranche d’âge a bénéficié. Il a été abrogé en 2003.
La pénurie croissante de médecins constatée depuis plusieurs années
a créé des difficultés d’accès aux soins et conduit au fort dévelo
ppement du
cumul emploi-retraite. En 2023, 13 000 médecins exercent en cumul
emploi-retraite
318
. Leur âge moyen est élevé (69,5 ans en 2023), en
cohérence avec leur âge moyen de liquidation de leur pension (66,5 ans).
En 2022, leur revenu d’activité moyen ét
ait de 74 226
€. Moins de 5
% sont
en cumul plafonné (50 nouveaux chaque année).
317
22,6
% bénéficiaient même d’une surcote.
318
Ces données ne prennent pas en compte les médecins retraités exerçant uniquement
en tant que médecin remplaçant ou régulateur dans le cadre de la permanence des soins
ou
en tant qu’expert
, qui ont demandé
une dispense d’affiliation à la
caisse de retraite
des médecins, ni ceux exerçant en tant que salariés. Le nombre réel de médecins
retraités demeurant en activité est donc significativement plus élevé.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
243
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a prévu une
exonération de cotisations pour les médecins retraités en cumul intégral dont le
revenu était inférieur à 80 000
€ par an. 9
000 médecins en ont bénéficié, pour
la plupart déjà en cumul emploi-retraite.
La réforme n’a pas augmenté jusqu’à
présent la proportion de médecins qui continuent à travailler après liquidation
de leur retraite
319
. Son coût a été de 25,7
M€ (compensé par l’État) pour le
régime de base et de 54
M€ (non compensé) pour les régimes complémentaires.
Sa mise en œuvre pose de sérieuses difficultés de gestion à la Carmf
320
.
D
’importantes différences de revenus
étaient constatées entre,
d’une
part, les retraités qui continuaient à travailler dans une entreprise privée ou
qui poursuivaient leur activité indépendante (10 900
€ par an) et
,
d’autre
part, ceux qui réalisaient des travaux ponctuels chez des particuliers
employeurs (environ 4 000
€ par
an) ou qui commençaient une activité
d’autoentrepreneur (4
900 € brut par an)
321
.
Ces disparités se retrouvent entre les quatre profils-types de retraités
du régime général exerçant une activité salariée identifiés par la Cnav, qui
représentent chacun envir
on un quart de l’effectif.
319
Selon la Carmf, cette proportion est demeurée inchangée à 24 % entre 2020 et 2023
pour les médecins retraités de moins de 75 ans. La part de nouveaux médecins retraités
continuant leur activité était de 36 % en 2023, 32 % en 2022, 31 % en 2021 et 38 % en
2020. La variation ne porte que sur quelques dizaines d’individus.
320
Elle a conduit à un taux important d’indus et a suscité de nombreuses
incompréhensions parmi les intéressés.
321
Les employés de maison représentent 25 % des retraités exerçant une activité
salariée et les autoentrepreneurs 55 % de ceux exerçant une activité indépendante.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
244
Schéma n° 3 :
les quatre profils types de retraités du régime général
exerçant une activité salariée en 2020
Source
: Cour des comptes, d’après Cnav
- Direction statistiques, prospective et recherche,
Prolongation d’activité
en 2020 : quels profils pour quel dispositif ?
, Note 2023-035, novembre 2023
Le premier groupe, masculin à plus de 70 %, est composé de cadres.
Ces personnes ont bénéficié des carrières les mieux rémunérées, avec des
salaires le plus souvent supérieurs au plafond de la sécurité sociale. Elles
sont parties à la retraite au taux plein ou avec une surcote. Leurs salaires
en cumul emploi-retraite sont les plus élevés.
Le deuxième groupe, féminin à près de 70 %, concerne des
personnes qui ont eu des carrières complètes avec des salaires d’activité
modestes, inférieurs à la moyenne, souvent compris entre la moitié et les
deux tiers du plafond de la sécurité sociale. Leurs salaires en cumul emploi-
retraite sont moins élevés que la moyenne.
Le troisième groupe, masculin à près de 80 %, rassemble les
personnes qui ont commencé à travailler tôt, avec des niveaux de
rémunération intermédiaires, et qui ont majoritairement bénéficié de la
retraite anticipée pour carrière longue. Leurs salaires en cumul emploi-
retraite sont plus élevés que la moyenne.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
245
Le dernier groupe, le moins favorisé, est composé à près de 90 % de
femmes
qui ont souvent attendu l’âge d’
obtention automatique du taux
plein pour partir à la retraite, après une carrière incomplète avec des
salaires peu élevés. Le montant de leur retraite est faible
; c’est le cas aussi
de leur salaire en cumul emploi-retraite.
2 -
Des constats qui remettent en cause la cohérence
de la réglementation
L
objectif principal qui sous-tend toutes les réformes des retraites
est de repousser l’âge moyen de départ en retraite
. À cette aune, les
objectifs de la réglementation du cumul emploi-retraite peinent
aujourd’hui
à être cernés. Le sens général des réformes successives a facilité le cumul,
mais ses modifications ont souvent été guidées par des éléments
circonstanciels
322
. Les pouvoirs publics semblent toujours hésiter entre son
encouragement et la limitation des
effets d’aubaine
qui en découlent.
Les retraités à ressources modestes qui cherchent à se procurer des
revenus d’appoint grâce à une activité accessoire ne constituent qu’une
minorité des personnes recourant au cumul emploi-retraite. Celui-ci est
plus fréquemment utilisé par des retraités ayant liquidé leur retraite à taux
plein, majoritairement à l’âge minimal de 62 ans, et dont la pension est
relativement élevée.
En outre, une proportion importante des retraités en cumul emploi-
retraite a bénéficié
d’une retraite anticipée
pour carrière longue ou
d’une
retraite pour inaptitude. Ceci pose la question de la cohérence de la reprise
d’une activité par ces personnes au regard de l’aménagement de leur départ
à la retraite lorsqu’il a été justifié par une usure professionnelle ou une
incapacité de continuer à travailler.
Enfin, à l’issue de la succession des réformes décrites plus haut la
distinction entre cumul plafonné et cumul intégral a perdu son sens initial.
En effet, le cumul intégral bénéficie à plus de 90 % des retraités en cumul
emploi-retraite
323
.
Permettre à des retraités modestes de compléter leur pension grâce à
une activité rémunérée ou à des retraités âgés à travailler s’ils le souhaitent
322
Ainsi, la création de la seconde pension par la réforme de 2023 a été principalement
appréhendée comme
l’
une des contreparties au report de l'âge minimum de la retraite.
323
Seuls sont en cumul plafonné les retraités ayant liquidé leur pension pour carrière
longue qui reprennent une activité avant 62 ans (4,3 % du total des personnes en cumul
emploi retraite) et les personnes parties avec une décote (4,7 % des personnes en cumul
emploi-retraite) ayant entre 62 et 67 ans.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
246
présente un intérêt social. Celui-ci apparaît moins évident pour les personnes
les mieux insérées
dans la vie active, d’autres dispositifs leur permettant de
prolonger leur activité sans liquider leur pension.
B -
Une remise en ordre nécessaire
Les paramètres actuels du cumul emploi-
retraite sont à l’origine de
contradictions au sein du système social. Ils doivent être aménagés dans
l’objectif d’inciter les assurés à reporter la liquidation de leur pension.
1 -
Des contradictions croissantes au sein du système
de protection sociale
Les contradictions portent sur le bénéfice d’autres prestations sociales,
ainsi que sur la concurrence entre le cumul emploi-
retraite et d’autres
dispositifs de transition vers la retraite (surcote et retraite progressive).
a)
Une insuffisante articulation
avec d’autres droits sociaux
Les
retraités
en
cumul
emploi-retraite
peuvent
bénéficier
d’
indemnités journalières en cas de maladie. Avant 2021, il était possible
à un retraité d
’être
indemnisé
jusqu’à la durée maximale de prise en charge
par l’assurance maladie
, soit 36 mois, tout en continuant de percevoir sa
pension. La dépense
d’indemnités journalières au bénéfice des
retraités
atteignait 35
M€ en 2019.
Des garde-fous ont limité les abus permis par cette législation.
Depuis le 1
er
janvier 2021, un retraité ne peut bénéficier des indemnités
journalières maladie que dans la limite de soixante jours, consécutifs ou
non, ce qui a permis de réduire la dépense à 12,6
M€ en 2023
. Ce plafond
maintient la possibilité de bénéficier d'indemnités journalières pour des
arrêts ponctuels mais
empêche l’
indemnisation d
arrêts de longue durée,
qui ne conduisent pas à une reprise d'activité dans la majorité des cas.
La
pension d’invalidité
est transformée en pension de retraite pour
inaptitude au travail, servie à taux plein, à
l’âge
minimal d
’ouverture des
droits (62 ans, âge inchangé par la réforme de 2023). Cela est justifié par
le fait que les bénéficiaires sont reconnus
hors d’état de travailler
. Leur
ouvrir la possibilité, comme le permet la réglementation actuelle, de
cumuler sans limite leur pension
avec des revenus d’activité
est donc
contradictoire dans la mesure où cela suppose qu’ils soient aptes au travail
.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
247
L’allocation de solidarité aux personnes âgées, qui a remplacé le
minimum vieillesse, est une prestation sociale différentielle sous conditions
de ressources versée à partir de 65
ans. Les revenus d’activité entraînent donc
sa réduction. Toutefois, un abattement forfaitaire sur les revenus
professionnels est prévu dans sa base ressources et maintient le bénéfice de
l’
allocation à un retraité en cumul emploi-retraite jus
qu’à un niveau qui peut
être jugé contradictoire avec la nature assistancielle de cette prestation
324
.
Autre dispositif, le minimum contributif permet que la pension de
base d’un retraité ayant cotisé au régime général ne soit pas inférieure à un
montant min
imum s’il bénéficie du taux plein. Son montant n’est pas remis
en cause par la perception ultérieure de revenus d’activité. Il ne sera pas non
plus révisé lors de la liquidation d’une seconde pension après une période de
cumul emploi-retraite, ce qui ne pa
raît pas cohérent avec l’objectif poursuivi.
La pension de réversion des régimes de base des salariés,
indépendants et professionnels libéraux est versée à partir de 55 ans sous
condition de ressources
325
.
Lorsque le bénéficiaire d’une pension de
réversion est en situation de faire valoir ses droits propres à retraite, le
montant de la pension est recalculé une fois pour toutes. Cette
« cristallisation » vise à donner au conjoint survivant une visibilité sur ses
ressources, mais e
n cas d’obtention d’une seco
nde pension, il pourrait être
justifié d’
en ajuster le montant.
b)
Une concurrence avec deux autres dispositifs de transition
entre l’emploi et la retraite
L’augmentation de l’âge effectif de départ
à la
retraite est l’objectif
prioritaire poursuivi par les réformes des retraites successives. Afin de
permettre à chaque assuré d’ajuster la transition entre sa vie active et sa
retraite selon ses préférences, la réglementation prévoit trois options de
poursuite de l’activité
: la surcote, la retraite progressive et le cumul
emploi-retraite. Parmi ces trois dispositifs, seule la surcote nécessite la
poursuite de l’activité sans liquidation préalable de la pension.
324
Le cumul de l’
allocation de solidarité aux personnes âgées
et d’un revenu d’activité
peut atteindre 1 542
€ par mois
en 2024 pour un célibataire et 2 375
€ par mois pour un
couple, soit plus de 150 % du m
ontant de l’
allocation.
325
Ces conditions de ressources ne s’appliquent pas aux régimes spéciaux ni aux
régimes complémentaires (sauf pour les indépendants, dont le plafond de ressources est
de 87 984
€ en 2024).
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
248
Surcote et retraite progressive
La
surcote est une majoration du montant de la pension. Chaque
trimestre cotisé au-delà de l'âge
minimal d’ouverture des droits à retraite
et
du nombre de trimestres nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein
augmente le montant de la retraite de base de 1,25 % (soit 5 % par année
travaillée supplémentaire). En général, les régimes complémentaires, qui
fonctionnent par points, ne prévoient pas de surcote mais permettent
l’acquisition de points supplémentaires en cas de prolongation d’activité
. La
surcote concerne environ 15 % des nouveaux retraités du régime général
(entre 80 000 et 90 000 assurés par an).
La retraite progressive permet de travailler à temps partiel tout en
percevant une partie de ses retraites (de base et complémentaires).
L’assuré
peut en bénéficier deux ans avant
l’âge minimal d’ouverture des droits à
retraite
326
s’il
justifie d'une durée d'assurance minimum de 150 trimestres et
continue d’exercer une activité à temps réduit comprise entre 40
% et 80 %
d’un temps complet. La fraction de la pension de retraite versée
pendant la
période de retraite progressive en complément du revenu d’activité est
remplacée par la pension définitive à la fin de cette période. La retraite
progressive a concerné 22 600 assurés au régime général en 2021.
Il est utile de
comparer l’intérê
t de ces dispositifs du point de vue de
l’individu mais aussi pour
le système de retraite.
À partir de cas-types de salariés du secteur privé à carrière complète,
la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
(Drees) a comp
aré les cotisations versées par l’individu et les pensions
perçues jusqu’au décès pour les trois options de poursuite de l’activité. Le
cumul emploi-retraite apparaît plus avantageux que la surcote mais un peu
moins que la retraite progressive.
Par exemple, un non-cadre du secteur privé qui souhaite prolonger
son activité pendant quatre ans après l’âge minimal d’ouverture des droits
a le choix entre bénéficier d’une surcote ou liquider sa pension puis
continuer son activité pendant quatre ans en cumul emploi-retraite à temps
plein. Le cumul emploi-retraite est plus favorable puisque la différence
entre les pensions perçues et les cotisations versées est plus élevée
d’environ 50
000
327
en cas de cumul
qu’en cas de surcote.
326
L’a
ccord national interprofessionnel du 14 novembre 2024
prévoit que l’âge
minimal d’ouverture du droit à retraite progressive soit maintenu à 60
ans, alors qu’il
devait passer progressivement à 62 ans à la suite de la réforme des retraites de 2023, ce
qui suppose une modification règlementaire du code de la sécurité sociale.
327
Avec un taux d’actualisation, permettant d’estimer la valeur actuelle de montants
financiers futurs, égal à 3,4 %.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
249
Au-delà de ce bilan limité à la pension, il est possible de comparer les
sommes des revenus (salaires et pensions nets) perçus par l’individu jusqu’à
son décès. La somme dépend de la quotité de travail : elle est élevée en cas
de surcote à temps plein, et plus faible en cas de retraite progressive, qui est
nécessairement à temps partiel. Pour le cumul emploi-
retraite, l’avantage est
d’autant plus important que la quotité du travail est plus élevée.
Le cumul emploi-retraite dégrade donc plus la situation financière
des régimes de retraite que la surcote, comme la Cour
l’a
déjà souligné en
2010
328
. Il crée aussi des besoins supplémentaires en trésorerie du fait du
versement immédiat des pensions, qui sont encore renforcés par la création
d’un droit à
seconde pension.
Même si le choix de l’individu entre les trois options dépend aussi
de facteurs non-financiers contribuant à son bien-être (préférences pour les
loisirs et le présent, etc.), l’avantage matériel procuré par le cumul emploi
-
retraite par rapport à la surcote peut constituer un déterminant essentiel.
L’analyse des données de la Cnav en 2020 confirme que la
législation du cumul emploi-retraite permet le cumul de revenus salariaux
importants avec des pensions élevées à partir d’un âge précoce. Près de
10 % des personnes en cumul emploi-retraite de moins de 67 ans en 2020
bénéficiaient ainsi d’un montant annuel de pension supérieur à la moyenne
(18 000
€) tout en percevant des revenus salariaux excédant celle
-ci, ce qui
leur permettait de doubler
a minima
leur revenu total.
Le recours des cadres au cumul emploi-retraite
Environ 2,5 % des personnes en cumul emploi-retraite salarié en
2020 (soit 3 800 personnes) percevaient des revenus salariaux supérieurs au
plafond annuel de la sécurité sociale
329
, correspondant à des emplois à plein
temps de cadres ou de professionnels très qualifiés. La somme des pensions
servies à ces personnes s’élevait à 168
M€.
328
Cour des comptes,
Décotes et surcotes dans les pensions de retraite
,
rapport sur
l’application des lois de
financement de la sécurité sociale, chapitre XIV,
septembre 2010.
329
Soit 41
136 € en 2020
.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
250
20
% d’entre eux avaient 62 ou 63 ans, dont beaucoup continuaient
probablement de travailler chez le même employeur tout en ayant liquidé
leur pension. Plus de 15 % avaient des revenus salariaux annuels supérieurs
à 100 000
€ tout en bénéficiant d’un montant annuel moyen de pension de
61 000
€, très supérieur à la moyenne (18
000
€).
Dans ses paramètres actuels, le cumul emploi-retraite constitue un
élément de désincitation au report de l’âge effectif de liquidation
de la
pension
, dès lors qu’il concurrence la surcote
,
dont l’objet est de
valoriser
ce report.
2 -
Une nécessaire mise en cohérence avec l’objectif d’inciter
les assurés à reporter leur départ à la retraite
Le plafonnement actuel est trop complexe pour être contrôlé de
manière exhaustive et continue au cours de la période de cumul. Il est
nécessaire d’en simplifier les paramètres.
À l’i
mage de ce qui est pratiqué dans la plupart des autres pays, le
régime du cumul intégral pourrait être réservé aux retraités ayant dépassé
l’âge d’obtention automatique du taux plein
, soit 67 ans
330
. En deçà de cet
âge,
le cumul serait plafonné afin d’
inciter les personnes aux rémunérations
élevées à poursuivre leur carrière sans liquider leur pension
à l’âge minimal
et en privilégiant l’acquisition d’une surcote.
L
es personnes ayant bénéficié d’un départ avant l’âge minimum
d’ouverture des droits dans le cadre des régimes de droit co
mmun (62 ans
début 2023) pourraient voir leur pension écrêtée à 100 % dès le premier
euro de revenu d’activité
331
. Cette mesure pourrait convaincre certains
assurés éligibles à la retraite anticipée pour carrière longue, mais désireux
de continuer à travailler, de surseoir à la liquidation de leur pension. Elle
limiterait ainsi l’effet d’aubaine pour certaines personnes qui cumulent
avant 62 ans leur pension de retraite et un salaire élevé, parfois chez leur
dernier employeur.
À partir de l’âge minimal d’ouve
rture des droits, les modalités de
l’écrêtement
des revenus
d’activité
mériteraient d’
être simplifiées. Le
plafond actuel, inchangé depuis la loi de 2003,
n’est pas compréhensible.
Il inclut les pensions et les revenus d’activité, de sorte qu’aucun assuré ne
330
Le droit à seconde pension, conditionné au cumul intégral, serait alors ouvert pour
les périodes d’activité en cumul emploi
-retraite postérieures à cet âge.
331
En cas de bénéfice d’une retraite anticipée, certains pays,
comme
l’Italie, prévoient
la suspension de la pension en cas de reprise d’activité avant l’âge légal.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
251
peut en calculer simplement le montant. Sa complexité en rend le contrôle
difficile. Un plafond unique exprimé en montant monétaire et concernant
les s
euls revenus d’activité
, tel que pratiqué par de nombreux pays, serait
plus facilement compréhensible.
Pour être mis en cohérence avec l’objectif d’inciter les assurés à
opter pour la surcote, ce plafond pourrait être fixé entre 7 000
et 10 000
par an, ce qui est un ordre de grandeur proche de ce qui se pratique à
l’étranger
332
. Cela permettrait de ne pas contraindre les retraités
recherchant un complément de revenu limité, notamment comme salarié de
particuliers-
employeurs ou en tant qu’auto
-entrepreneur, puisque les trois
quarts des personnes en cumul emploi-retraite ont des revenus annuels
d’activité inférieurs à 10
000
€.
C
e plafond pourrait être levé en cas d’importante pénurie de main
d’œuvre
, comme cela a été le cas en Allemagne, le cas échéant dans
certains secteurs seulement, ou du fait de circonstances exceptionnelles
comparables à la pandémie de covid 19.
Par ailleurs, le plafond actuel fonctionne de manière différentielle :
son dépassement entraîne l’écrêtement de la pension à due concurrence
des
revenus d’activité additionnels. Comme dans d’autres
pays, la pension
pourrait n’être écrêtée qu’à hauteur d’une
fraction
des revenus d’activité
,
par exemple 50
% des revenus d’activité au
-delà du nouveau seuil ; cela
permet
trait d’atténuer la logique
actuelle de plafonnement en laissant une
liberté de choix aux personnes qui souhaitent reprendre le travail après
avoir liquidé leur retraite.
332
Avec un plafond de 10 000
€, 75
% des retraités en situation de cumul ne subiraient
pas d’écrêtement. Les retraités concernés par l’écrêtement seraient surtout des cadres et
des personnes reprenant un emploi à temps plein.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
252
Schéma n° 4 :
fonctionnement du plafonnement simplifié du cumul
emploi-retraite de droit commun proposé par la Cour
Note :
en application de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, l’âge minimal
d’ouverture des droits (62 ans) est relevé à compter du 1er
septembre 2023, pour atteindre 64 ans en 2030 pour
les personnes nées en 1968 et après. L’âge d’obtention automatique du taux plein est maintenu à 67
ans.
Source : Cour des comptes
La Cour préconise de privilégier les modalités les plus efficientes et
les plus équitables pour atteindre l’objectif général d’augmentation du taux
d’activité des senior
s. La réforme proposée serait favorable à la progression
de l’âge effectif de liquidation de la pension en limitant l’intérêt des plus
favorisés au cumul emploi-
retraite par rapport à une poursuite d’activité
avec surcote. Sans empêcher le cumul emploi retraite, la réforme pourrait
modifier les comportements.
En supposant que les retraités ayant les revenus d’activité les moins
élevés
333
opteraient pour le cumul emploi-retraite et que ceux concernés
par l’écrêtement privilégieraient la surcote, la réforme
produirait deux
types
d’économies
: d’une part, l’écrêtement des pensions des personnes
optant pour le cumul emploi-
retraite et, d’autre part, le non
-versement des
pensions de celles qui reporteraient leur départ à la retraite.
333
Moins de 20 000
€ de revenu d’activité par an.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE :
UN COÛT ÉLEVÉ, UNE COHÉRENCE À ÉTABLIR
253
Selon la Cour, ces économies r
eprésenteraient de l’ordre de 500 à
550
M€ par an pour l’ensemble des régimes selon les modalités retenues
334
.
En contrepartie, une telle réforme conduirait à des coûts
supplémentaires découlant de la surcote au régime général et des points au
régime complémentaire acquis par les personnes ayant reporté la liquidation
de leur pension
335
. Ces coûts, dont le montant augmenterait au fil du temps,
pourraient à long terme représenter environ un tiers des économies.
Par ailleurs, la simplification du plafond rendrait superflu le
maintien d’un délai de carence
à
la reprise d’activité chez l’ancien
employeur en cas de cumul plafonné. Cela permettrait de supprimer une
condition dont la justification devient discutable si l’âge du cumul intégral
est reporté à 67 ans.
La réforme pourrait s’appliquer aux fonctionnaires retraités, après
étude des spécificités de la réglementation qui leur est applicable.
Grâce à l’utilisation
du dispositif de ressources mensuelles ou du
répertoire de gestion des carrières unique
, les reprises d’activité seraient
automatiquement signalées aux caisses de retraite par l’émission d’une
déclaration sociale nominative portant le
numéro d’inscription au
répertoire des personnes physiques du
retraité. Les revenus d’activité étant
connus
par
le
même
moyen,
la
pension
servie
pourrait
être
automatiquement écrêtée à proportion du dépassement du plafond.
334
Ces chiffrages ont été réalisés pour les retraités du régime général âgés de moins de
67 ans en cumul emploi-retraite en 2020. Les écarts dépendent des règles de
plafonnement à 10 000
€ ou à 7
000
€.
335
Coûts minorés par le fait que ces personnes ne bénéficieraient plus des secondes
pensions associées au cumul emploi-retraite.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
254
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
L’application de la réglementation du cumul emploi
-retraite a
longtemps été secondaire pour les pouvoirs publics et les caisses de
retraite. L’importante augmentation du nombre de retraités concernés et
les incohérences de ce dispositif au sein de notre système de protection
sociale invitent à en réexaminer les paramètres, ainsi que la manière dont
les contrôles sont appliqués.
Souvent inspirées par des considérations d’opportunité, les
réformes successives n’ont pas fait l’objet d’évaluations. Plus d’un quart
des retraités en cumul sont partis à la retraite avant l’âge minimal ou sans
justifier de la durée d
’assurance requise. La majorité d’entre eux bénéficie
de pensions sensiblement plus élevées que la moyenne. Le cumul de ces
revenus additionnels avec d’autres prestations sociales peut apparaître
contestable. L’âge à partir duquel le plafonnement des ressources n’est
plus appliqué apparaît trop précoce et le niveau du plafond est trop élevé.
Ces conditions peu restrictives induisent une concurrence problématique
avec la surcote, qui vise à augmenter les montants perçus par les assurés
qui prolongent leur vie active sans liquider leur pension.
Afin de permettre la poursuite de l’augmentation de l’âge effectif de
liquidation des retraites et la réalisation d’économies pour la sécurité
sociale, une réforme des modalités du cumul emploi-retraite de droit
commun et des conditions de son contrôle apparaît donc nécessaire. La
Cour formule les recommandations suivantes :
21.
simplifier la réglementation du cumul emploi-retraite de droit commun
en prévoyant l’écrêtement des pensions servies par les régimes de base
à hau
teur de tout ou partie des revenus d’activité tant que l’assuré n’a
pas atteint l’âge d’obtention automatique du taux plein (ministère du
travail, de la santé, des solidarités et des familles) ;
22.
organiser l’automatisation du contrôle des revenus d’activité
et de
l’écrêtement des pensions servies (ministère du travail, de la santé, des
solidarités et des familles).
____________________________________
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes