Chapitre V
Le personnel non soignant
à l’hôpital public :
repenser les fonctions support
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
La question de l’importance du personnel non soignant dans les
hôpitaux publics est un
thème d’enquête proposé sur la plateforme
citoyenne de la Cour des comptes
219
. Ceci est la preuve qu’elle correspond
à une interrogation forte de nos concitoyens.
Selon certains, une proportion trop élevée, comparativement aux
cliniques privées ou aux établissements hospitaliers d’autres pays, serait
la manifestation d’une moindre efficacité de l’hôpital public français.
Un
amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2025 prévoyait ainsi que «
la proportion des effectifs non soignants par
rapport à l’effectif total des établissements de santé ne
[puisse]
excéder
25 %
[du personnel hospitalier] »
220
alor
s qu’elle atteint 29,4
% en 2023.
Il n’existe pas de définition normée du personnel non soignant.
La
Cour a fait le choix de prendre en compte les trois catégories suivantes :
le personnel administratif, dans lequel figurent les agents des secrétariats
médicaux chargés de l’accueil
du patient, le personnel logistique, dont les
agents des services hospitaliers qualifiés qui assurent le bionettoyage ou
la distribution de repas dans les services de soins, et le personnel technique
(électricité, plomberie, sécurité informatique, etc.). La Cour n’a pas retenu
dans sa définition le personnel médico-technique
221
, les éducateurs et les
assistantes sociales
, compte tenu de leur proximité avec l’activité de soins
.
L’examen
des activités du personnel non soignant confirme
qu’il est
indispensable au bon
fonctionnement de l’hôpital public et les difficultés
de comparaison de son importance avec le secteur privé ou avec
l’étranger
(I). Pour autant, des marges d’efficience doive
nt être
recherchées dans les fonctions support auxquelles contribue le personnel
non soignant (II).
219
Cette plateforme, ouverte chaque année au mois de septembre, permet à toute
personne de proposer des thèmes de contrôle et d’enquête
à inscrire au programme des
juridictions financières.
220
Amendement n° 2298 de M. Philippe Vigier, adopté lors de la première lecture du
projet de loi à l’Assemblée nationale, abandonné du fait de la censure du Gouvernement
sur ce texte.
L’
amendement renvoyait à u
n décret en Conseil d’État
la fixation de la
liste des professions considérées comme soignantes et non soignantes.
221
Personnel concourant à la réalisation des soins pour le dépistage, le diagnostic et la
thérapeutique (techniciens de laboratoire, manipulateurs
d’
électroradiologie, personnel
de pharmacie, etc.).
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
181
Chiffres-clés
En 2023
222
, le personnel dans les hôpitaux publics se décomposait en :
-
14 % de personnel soignant médical (médecins, internes, sages-femmes) ;
-
57 % de personnel soignant non médical (infirmiers, aides-soignants) ;
-
29 % de personnel non soignant.
En 2021, la masse salariale du personnel non soignant représentait
23 % de la masse salariale nette totale, soit environ 7
Md€.
En 2023, le montant de la sous-traitance des fonctions support dans
les hôpitaux publics était de 4,7
Md€
223
, hors activités médico-techniques.
I -
Le personnel non soignant, indispensable
au bon fonctionnement des hôpitaux
Le personnel chargé des fonctions support au sein des hôpitaux
publics est souvent mal appréhendé, faute de statistiques fiables et de
comparabilité des organisations.
Cela s’explique aussi par l’imbrication
des
fonctions
soignantes
et
non
soignantes,
qui
constitue
une
caractéristique du fonctionnement des hôpitaux, et impose une étroite
coordination entre les services.
A -
Des fonctions diverses, des comparaisons
à manier avec prudence
Les fonctions support sont indispensables au fonctionnement de
l’hôpital public. Il est difficile d’en comparer le poids par rapport au secteur
privé ou à d’autres pays.
222
Données issues de la statistique annuelle des établissements de santé, gérée par la
direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).
223
Extraction des
comptes financiers 2023, agence technique de l’information sur
l’hospitalisation (ATIH).
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
182
1 -
Des fonctions diverses, une évolution de l’effectif contenue
Les fonctions non soignantes recouvrent des métiers et des secteurs
d’activité très
différents. Le personnel logistique est chargé des prestations
hôtelières
(bionettoyage
224
,
restauration,
blanchisserie)
et
des
approvisionnements pour la prise en charge des patients
225
. Le personnel
administratif comprend les agents réalisant des missions concourant
directement au parcours du patient (accueil, admission, secrétariat médical)
et des agents nécessaires à la gestion de l
’
hôpital (gestion de la paie,
comptabilité, etc.). Le personnel technique et ouvrier assure l’entretien et la
maintenance des l
ocaux, garantissant leur continuité d’activité la journée
comme la nuit, tous les jours de la semaine, y compris les
week-ends
.
Graphique n° 22 :
évolution du personnel non soignant, soignant
non médical et médical en équivalents temps plein (ETP)
dans les hôpitaux publics depuis 2014
226
(indice 100 en 2014)
Source : Cour des comptes d’après les données issues du système d'information sur les agents des
services publics (SIASP)
224
Le bionettoyage désigne l
’
ensemble des opérations réalisées afin d
’
assainir un
environnement et
d’
éviter le risque d
’
infection ou de contamination.
225
Les agents des services hospitaliers qualifiés fournissent les repas aux patients mais
si une assistance à la prise de repas est nécessaire, elle est assurée par un aide-soignant.
226
Ce graphique a été établi à partir des données sociales issues de la base SIASP,
disponibles jusqu’en 2021, plutôt qu’à partir des données de la SAE qui présentaient un biais.
En effet, les observations de terrain réalisées dans le cadre de cette enquête ont montré que,
dès lors qu’elles ont servi de référence pour l’octroi d’u
n complément de financement en
2020, les données ont été renseignées de manière plus exhaustive par les établissements dans
la SAE, ce qui fausse l’évolution entre les deux périodes 2011
-2019 et 2020-2023.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
183
Entre 2014 et 2019, l’effectif du personnel non soignant a peu
évolué sous l’effet des mesures d
e maîtrise des dépenses. À partir de 2020,
la gestion de l’épidémie de covid 19 a nécessité des renforts pour la mise
en place de flux logistiques puis pour décharger le personnel soignant
d’activités annexes aux soins (approvisionnements, transports, etc.
), dans
un contexte de difficultés accrues de recrutement, notamment pour le
personnel infirmier.
Entre 2014 et 2021, la part du personnel non soignant dans la masse
salariale nette du personnel hospitalier est restée stable, à 23 %. Le montant
des
dépenses correspondantes est passé de 6,2 Md€ en 2014 à 7,3 Md€ en
2021. Les données d’effectif 2023 pour les hôpitaux publics sont
récapitulées dans le tableau ci-dessous.
Tableau n° 22 :
effectif en équivalent temps plein
dans les hôpitaux publics en 2023
Catégorie de personnel
ETP
Part dans
les effectifs
totaux
Personnel administratif (dont direction)
71 425
8 %
Secrétaires médicales
29 486
3 %
Agents des services hospitaliers qualifiés (ASHQ)
62 167
7 %
Personnel logistique (hors ASHQ), technique
et ouvrier
102 051
11 %
Total personnel non soignant
265 129
29 %
Total personnel soignant
645 418
71 %
dont personnel médical
126 118
14 %
Note : Effectif moyen annuel rémunéré
Source : Cour des comptes à partir des données de la SAE 2023
La proportion de personnel non soignant dans les hôpitaux publics
varie entre 26 et 32 % selon la région
227
. La taille de l’établissement n’est
pas un facteur explicatif de ces variations, qui tiennent à des choix
d’organisation, entre régie ou externalisation.
227
À l’exception de La Réunion qui présente une pro
portion de personnel non soignant
particulièrement basse (23 %) et de Mayotte qui présente une proportion
particulièrement élevée (39 %).
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
184
2 -
Des statistiques à interpréter avec prudence
Les données disponibles sont difficiles à comparer entre secteurs
public et privé et entre pays, faute de connaître les modalités de
construction des bases dont elles sont issues et de disposer d’une analyse
des organisations existantes.
a)
Des comparaisons faussées avec les établissements de santé privés
Les données de la statistique annuelle des établissements de santé
(SAE) ne sont pas établies sur les mêmes bases pour les cliniques privées
à but lucratif et pour les hôpitaux publics. Dans les cliniques privées,
86 %
228
des médecins exercent à titre libéral. N’étant pas salariés des
établissements qui les emploient, ils ne sont pas décomptés en équivalents
temps plein dans la SAE. Il en va de même du personnel des secrétariats
médicaux, majoritairement salarié des médecins libéraux et non de leur
établissement d’exercice
229
.
Par ailleurs, l’effectif des sièges ou des groupements d’intérêt
économique (GIE)
230
des groupes d’hospitalisation privés, qui n’a pas
d’activité hospitalière, n’est pas non plus pris en compte dans la statistique
annuelle des établissements de santé ou ne l’est que partiellement. Par
exemple, en application des modalités de renseignement de la SAE, les
groupes privés Ramsay santé et Elsan ne comptabilisent pas une partie des
effectifs mutualisés, soit environ 300 équivalents temps plein chacun.
Ces différences compliquent les comparaisons entre hôpitaux
publics et cliniques privées à but lucratif.
b)
Des comparaisons internationales délicates à interpréter
L’Organ
isation de coopération et de développement économiques
(OCDE) publie des indicateurs sur la santé de la population et la
performance des systèmes de santé de ses pays membres
231
. Parmi ces
données figure la répartition du personnel hospitalier selon cinq catégories
définies par l’OCDE et renseignées par les pays eux
-mêmes
232
:
228
Drees,
Panorama des établissements de santé
, 2024.
229
Cette difficulté se retrouve quelle que soit la base de données considérée, SAE ou
SIASP.
230
Un GIE est un cadre juridique qui permet à ses membres de se regrouper pour faciliter ou
développer leur activité économique par la mise en commun de moyens et de compétences.
231
OCDE,
Panorama de la santé 2023
, décembre 2023.
232
Pour la France, les données sont renseignées par la Drees.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
185
« médecins », « infirmiers et sages-femmes », « aides-soignants », « autres
prestataires de services de santé » et « autre personnel ». Cette dernière
catégorie intègre le personnel non soignant.
Pour la France, le taux de personnel non soignant dans le personnel
hospitalier ressort ainsi à 34 %, contre 21 % en Allemagne.
La comparaison de ces ratios n’est cependant pas pertinente. D’une
part, les volumes et périmètres d’externalisation de
chacun des pays, qui
minorent par voie de conséquence les effectifs salariés, ne sont pas
identifiés. D’autre part, la classification des effectifs entre pays est
différente, avec des frontières entre personnel soignant et non soignant qui
ne sont pas toujours précises. Pour faire face à la pénurie de personnel
soignant, l’évolution convergente est de le décharger de tâches
administratives ou logistiques pour le recentrer sur son cœur de mission.
Dans plusieurs pays européens, le personnel polyvalent recruté dans ce but
est enregistré, dans les données de l’OCDE, dans la catégorie des
« autres
prestataires de services de santé » et donc décompté comme du personnel
soignant. À l’inverse, la France enregistre
les agents de services
hospitaliers qualifiés dans la catégorie « autre personnel » et les considère
donc comme du personnel non soignant.
L’émergence de fonctions à la frontière du soin
En
Allemagne,
la
fonction
d’assistant
médico
-administratif
représentait 4 % du personnel hospitalier en 2021
233
.
En Grande-Bretagne, dans un contexte de crise du
National Health
Service
(NHS) et de pénurie de personnel soignant aggravée par le
Brexit
,
il est envisagé d’investir davantage dans le personnel de soutien, occupant
des emplois d’accompagnement dans le parcours de
soin, sans diplôme
répertorié ni statut réglementé. Cette catégorie compte aujourd’hui
389 000 agents représentant 28
% de l’effectif du NHS et a vocation à
atteindre 662 000 professionnels d’ici 2036
-2037
234
. Leurs conditions de
reconnaissance et de formation devront être prises en compte dans la
nouvelle réforme en cours du NHS
235
.
233
Rapport hospitalier 2023
, Édition Springer, mars 2023.
234
D’
après
le Long Term Workforce Plan
(plan stratégique sur les ressources humaines
en santé), juin 2023.
235
King's College London,
The Cavendish Review Ten Years On : Are NHS support
workers still « invisible »?
, juillet 2024.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
186
Au Danemark, le métier polyvalent d’assistant social et sanitaire
inclut des fonctions variées, allant du brancardage à l’accompagnement
administratif du parcours de soin. Les agents concernés représentent 5 % du
personnel hospitalier
236
, disposent en général d’une formation dans
l’enseignement technique et professionnel et bénéficient d’une formation
diplômante, une fois recrutés. Le Danemark formalise une coopération avec
l’Inde et
les Philippines pour recruter des ressortissants de ces deux pays.
Au Pays-Bas, la pénurie de personnel soignant amène les hôpitaux à
diffuser des annonces de recrutement sur des postes hors diplômes,
polyvalents et nécessitant des qualités relationnelles, en proposant une
formation une fois en poste.
Afin de se rapprocher des pratiques des autres pays, la direction de
la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de
la santé devrait enregistrer ces agents, qui réalisent pour plus de 85 %
d’entre eux des tâches logistiques au sein des services de soins
237
, dans la
catégorie « autres prestataires de services de santé
» de l’OCDE au lieu de
la catégorie « autre personnel »
238
. Il devrait en aller de même pour le
personnel médico-technique, directement impliqué dans le parcours de soin
du patient. Avec ces retraitements, la proportion de personnel non soignant
dans les hôpitaux publics en France serait de l’ordre de 20 %, comparable
à celle de l’Allemagne.
B -
Le personnel non soignant, un appui nécessaire
aux fonctions soignantes
Le rôle des fonctions support dans le soutien qu’elles apportent au
personnel soignant s’est accru afin de permettre à ce dernier de se recentrer
sur son activité de soins, dans un contexte de complexification des normes.
1 -
La coordination des fonctions soignantes et non soignantes :
condition de la fluidité du parcours du patient
Le parcours d’un patient, tel que schématisé ci
-dessous, est complexe.
236
Autorité danoise des données de santé,
Les employés des hôpitaux publics
, 2024.
237
Données 2024 de l’association nationale pour la formation permanente du personne
l
hospitalier, à partir d’extractions issues des entretiens professionnels saisis par les
établissements. Cette association est l’organisme paritaire agréé, collecteur de fonds de
formation de la fonction publique hospitalière.
238
Dans la SAE, la Drees classe les agents de services hospitaliers qualifiés dans le
personnel soignant, à la différence des données transmises à l’OCDE.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
187
Schéma n° 1 :
parcours administratif d’un patient en hôpital
Source : Cour des comptes
Il peut se dérouler dans une dizaine d’espaces au sein de l’hôpital et,
en l’absence de système d’information permettant de gérer à la fois le dossier
administratif et le dossier médical, nécessiter autant d’applicatifs différents.
Il peut être
différent entre deux hôpitaux ou même entre deux services d’un
même établissement. Dans ce contexte, la bonne articulation entre personnel
soignant et personnel non soignant est essentielle à la fluidité des parcours et
à leur qualité. À titre d’exemple, l
a fonction de secrétariat médical se situe à
l’interface entre le patient et les équipes soignantes
239
.
En 2024, la Cour a appelé les hôpitaux à recentrer les équipes
soignantes sur leur cœur de métier, soulignant que «
plus de 50 % du temps
de travail des infirmiers et des aides-soignants
» était consacré à des tâches
239
Anap,
Synchroniser les temps médicaux et non médicaux auprès du patient
hospitalisé,
mai 2017.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
188
administratives ou logistiques
240
. Elle a recommandé de mieux estimer
cette proportion dans un contexte de raréfaction des ressources soignantes,
qui conduisait à des fermetures importantes de lits.
Pour redonner du temps au personnel soignant et garantir une
affectation adaptée des moyens humains, l’agence nationale d’appui à la
performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) a
élaboré en 2023 un guide sur les activités logistiques dans les étages
241
.
Partant du constat que les organisations étaient disparates d’un hôpital à un
autre, elle a mis au point un applicatif
242
mesurant le temps passé par le
personnel soignant à des tâches autres que du soin. Cette donnée est ensuite
exprimée en équivalent temps plein pour permettre aux hôpitaux de
réexaminer leur organisation en fonction de leurs besoins.
Le travail mené par la clinique Pasteur de Toulouse sur les admissions
et la programmation des parcours des patients constitue un exemple de
meilleure répartition des tâches entre le personnel soignant et le personnel non
soignant. L’établissement a constitué deux équipes : une non soignante, qui
réalise la préadmission du patient et la constitution de son dossier administratif
et une seconde, soignante, responsable des démarches préhospitalières, qui
vérifie la complétude du dossier médical et le parcours du patient, en amont de
son admission. L’établissement a ainsi gagné du temps de personnel soignant
dans les services et optimisé l’occupation de ses capacités d’accueil.
Depuis la mise en œuvre du projet en 2022, il estime avoir réalisé
un gain d’environ 5 % de prises en charge complémentaires, à capacité
constante. La réorganisation du parcours d’admission et de planification ne
s’est néa
nmoins pas réalisée à effectif constant ; elle a conduit à créer des
postes supplémentaires de personnel non soignant et a par ailleurs nécessité
le développement d’un outil informatique adapté.
De la même manière, l’Assistance publique
-Hôpitaux de Paris
s’est
dotée en 2023 d’un plan d’action
243
dont l’un des objectifs est de répondre
aux besoins de soutien administratif, logistique, technique ou informatique
exprimés par le personnel soignant en lui permettant de se recentrer sur son
cœur de métier et ainsi
d’améliorer l’accompagnement des patients. À cette
fin, par redéploiement interne, la création de 600
postes d’agents non
soignants auprès des services de soins a été décidée en 2023 et 2024.
240
Cour des comptes,
La réduction
du nombre de lits à l’hôpital –
Entre stratégie et
contraintes
,
rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité
sociale, chapitre VIII, mai 2024.
241
Anap,
Logistique d’étage –
Libérez du temps pour les soignants
, décembre 2023.
242
Cet applicatif (Effilog) doit être mis à disposition des établissements début 2025.
243
Plan d’actions
30 leviers pour agir ensemble
, janvier 2023.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
189
2 -
Des exigences administratives renforcées
Le personnel non soignant exerce également des fonctions
essentielles pour permettre aux hôpitaux de faire face à des exigences
administratives qui se sont renforcées ces dernières années.
La politique de qualité et de sécurité des soins fait ainsi reposer sur
les hôpitaux des exigences procédurales croissantes de certification et de
contractualisation
244
. Les hôpitaux doivent désormais répondre à de
nombreux indicateurs destinés à mesurer et à évaluer la qualité et la sécurité
des soins, qui conditionnent une partie de leur financement
245
.
La tarification à l’activité, créée en 2004, a accru la charge médico
-
administrative pesant sur les établissements. Dans une démarche
d’enregistrement fidèle de l’activité médicale donnant lieu à remboursement
de l’assurance maladie, un médecin
de l’information médicale est chargé de
la supervision du codage des actes médicaux
246
. Il est assisté par des
techniciens de l’information médicale relevant du personnel non soignant.
Les hôpitaux doivent aussi répondre aux nouveaux enjeux de
responsabilité sociale et environnementale, qui exigent le respect de normes
et leur contrôle. Par exemple, la mise en œuvre d’un décret de réduction de
la consommation d’énergie
247
va nécessiter, selon l’inspection générale des
affaires sociales
248
, un accompagnement renforcé des hôpitaux en ressources
humaines et en investissements pour atteindre les objectifs fixés.
244
L’o
rdonnance n° 96-346 du 24 avril 1996
a mis en place la procédure d’accréditation
(certification aujourd’hui) et la conclusion de contrats pluriannuels d’objectifs et de
moyens signés avec les agences régionales d’hospitalisation alors nouvellement créées.
La loi « hôpital, patients, santé et territoires » de 2009 a consacré la généralisation de
cette politique d’amélioration continue.
245
Le dispositif d’incitation financière à l’amélioration de la qualité a été généralisé en
2016. Les résultats d’indicateurs relatifs à la qualité de la prise e
n charge, la prévention,
l’organisation des soins, etc. permettent de déterminer pour chaque établissement un
score de rémunération qui fonde le versement de subventions.
246
Environ 3 000 groupes homogènes de malades sont dénombrés, nécessaires pour
assurer la tarification des hôpitaux.
247
Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019. Son calendrier prévoit une réduction de la
consommation d'énergie finale de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par
rapport à l’année de référence choisie.
248
Inspection générale des affaires sociales,
La transition énergétique des
établissements sanitaires et médico-
sociaux et impact du Ségur de l’investissement sur
ces enjeux
, rapport n° 2023-102R, avril 2024.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
190
Par ailleurs la multiplication des cyberattaques dans les hôpitaux les
conduit à renforcer leur niveau de sécurité avec des équipes qualifiées
249
,
comme l’exig
e la règlementation européenne
250
.
Enfin, l’activité de recherche se développe dans les centres hospitaliers
universitaires (CHU), qu’il s’agisse d’études cliniques ou de gestion de
projets. Elle induit d’importants besoins de soutien administratif et techni
que.
Dans les CHU, une activité dynamique de recherche
et d’innovation
L’Assistance publique
-Hôpitaux de Paris évalue à 2,4 % la part du
personnel non soignant dans le personnel hospitalier intervenant en soutien
des projets de recherche médicale. Cela représente 2 000 agents, pour moitié
affectés à la direction de la recherc
he clinique et de l’innovation (DRCI) et
pour l’autre dans les groupements hospitaliers.
Pour répondre à des appels à projets sur fonds européens et nationaux
et mener les travaux de recherche clinique, l’effectif de la DRCI a connu
une progression de 33 % depuis 2019. Les recrutements ont concerné des
emplois de chargé de mission recherche, de bio-informaticien, de
biostatisticien, de
data manager
, de chef de projet d’études cliniques, de
coordinateur d’études cliniques, d’ingénieur d’études hospitalier,
de
technicien d’études cliniques, d’administratif en support de la recherche,
etc. Les groupements hospitaliers universitaires conduisent aussi des
travaux de recherche clinique, financés par des appels à projets.
Les directions recherche et appui recherche des Hospices civils de
Lyon comptaient 513 ETP en 2023. 127 ETP (principalement assistants de
recherche clinique, chefs de projet recherche clinique, coordinateurs
d’études cliniques) ont été recrutés entre 2019 et 2023, dont environ 20 %
financés par Fr
ance 2030 et par l’Union européenne.
249
Cour des comptes,
La sécurité informatique des établissements de santé
,
observations définitives, janvier 2025.
250
Directives UE 2016/1148, dite NIS 1 et
2022/2555, dite NIS 2.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
191
II -
Des pistes
d’efficience
à rechercher
La recherche d’une efficience accrue des fonctions support des
hôpitaux repose sur des choix d’organisation interne. Quelle que soit
l’organisation retenue, les hôpitaux doivent au
ssi moderniser leurs
fonctions support afin de soutenir plus efficacement les missions de soins.
A -
Des choix d’organisation des
fonctions support
à mieux piloter
Les données relatives aux coûts des unités d’œuvre
251
, qui
permettraient de comparer l’efficien
ce de la gestion des fonctions support
entre hôpitaux, sont exploitées de façon inégale, en fonction de leur
disponibilité. Elles sont pourtant essentielles pour déterminer les choix
d’organisation entre le maintien en interne, l’externalisation ou la
mutu
alisation avec d’autres hôpitaux de tout ou partie des fonctions
exercées par le personnel non soignant.
1 -
Une amélioration de la connaissance des coûts,
indispensable à la transformation des fonctions support
Pour aider à la transformation des fonctions support et prendre des
décisions éclairées sur leur organisation, les hôpitaux doivent disposer
d’unités d’œuvre comparables, partagées par le plus grand nombre.
Deux bases de recensement des unités d’œuvre existent aujourd’hui
:
la base d'Angers
252
et celle issue du retraitement comptable (base RTC),
suivie par l’agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH).
La base d’Angers est renseignée annuellement par les hôpitaux publics
volontaires
253
. Seuls 80 des 1
100 hôpitaux publics l’alimentent,
ce qui est
insuffisamment représentatif pour obtenir des éléments de comparaison
pertinents. La base RTC est une enquête annuelle et nationale, obligatoire
pour les établissements publics et privés non lucratifs, qui permet de mener
251
Une unité d’œuvre est une mesure comptable qui permet de répartir les charges sur
chaque service pour en calculer les coûts, par exemple le coût du mètre carré nettoyé,
le coût de la tonne de linge lavé ou le coût d’un repas.
252
La «
base d’Angers
» est un référentiel de coûts pour les
activités non cliniques d’un
hôpital
(plus d’une trentaine d’activités analysé
es). Ce référentiel est suivi par le centre
hospitalier universitaire
d’Angers
.
253
20 % des comptes ne sont pas retraités de la même façon dans ces deux bases.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
192
des analyses en fonction du mode de gestion. Cependant, les établissements
ne la renseignent pas avec le même niveau de détail, ce qui rend difficile la
comparaison pour certaines unités d’œuvre.
La Cour a relevé en 2023
254
que les comptes des établissements de
santé publics et privés ne sont ni structurés de la même manière ni transmis
automatiquement à l’ATIH, du fait de l’absence de décret d’application de
l’article L. 6161
-3 du code de la santé publique
255
. En effet, de manière
générale, les établissements privés ne transmettent pas systématiquement
leurs comptes aux agences régionales de santé (ARS)
256
et ces dernières ne
les exigent que ponctuellement quand un établissement exprime une
demande d’aide pour assurer son équilibre budgétaire.
Pour ces raisons, les calculs de coûts standard pour des prestations
telles que le mètre carré nettoyé, la tonne de linge lavé ou la prestation de
repas, ne peuvent être établis avec une précision suffisante pour permettre
des comparaisons fiables entre les établissements.
2 -
Des fonctions support à rationaliser
La recherche d’efficience amène les hôpitaux à externaliser leurs
fonctions support ou à les mutualiser avec d’autres établissements. Les
externalisations ont été historiquement décidées par les hôpitaux sans
pilotage national alors que les mutualisations, pourtant encouragées, ne
font l’objet d’aucun suivi.
254
Cour des comptes,
La tarification à l’activité
, observations définitives, juillet 2023
.
Recommandation n°2
: Harmoniser dès 2024, pour l’ensemble des établissements publics
et privés, les règles de la comptabilité analytique hospitalière et les rendre obligatoires,
afin de permettre, d’une part, à chaque établissement de comparer ses coûts aux tarifs et,
d’autre part, de favoriser les comparaisons des coûts entre les établissements de santé.
255
Article L. 6161-3 du code de la santé publique : «
Les comptes certifiés par le
commissaire aux comptes des établissements de santé privés ainsi que ceux de leurs
organismes gestionnaires sont transmis à l'autorité chargée de la tarification de ces
établissements pour les besoins de leur contrôle. Ils sont transmis à l'agence régionale
de santé ainsi qu'aux services d'inspection et de contrôle dans le cadre de leurs
contrôles, dans des conditions fixées par voie réglementaire
[…] »
.
256
L’ARS Bretagne est celle qui déclare recevoir le plus de comptes des éta
blissements
privés (70 %).
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
193
a)
Un degré d’externalisation souhaitable des fonctions logistique
et technique à mieux apprécier au cas par cas
Dans le secteur hospitalier, des externalisations ont été conduites
depuis l
es années 2000 pour améliorer l’efficacité de la gestion de certaines
activités ou pour permettre aux établissements de se concentrer sur leur
activité soignante, en valorisant au mieux leurs ressources et compétences.
Elles ont été encouragées par les agences régionales de santé dans les plans
de retour à l’équilibre des hôpitaux déficitaires
257
.
Un exemple d’externalisation est donné par le groupement
hospitalier de l’institut catholique de Lille, qui a transféré toute sa
restauration à un prestataire avec reprise du personnel. Il attend une
économie de 500 000 € par an de cette opération mise en œuvre depuis
décembre 2024.
Au
sein
du
groupe
Ramsay,
68 %
des
cliniques
(soit
84 établissements) ont externalisé leur bionettoyage auprès de deux
prestataires. Dans deux cas, toutefois, le périmètre initialement défini pour
cette sous-traitance était trop restreint, ce qui a entraîné une
désorganisation des équipes et conduit l’entreprise à procéder à une ré
-
internalisation du bionettoyage.
De la même façon, le CHU de Montpellier a partiellement
réinternalisé cette fonction (huit secteurs concernés) en 2023 pour
améliorer la qualité des prestations fournies.
Le degré d’externalisation des fonctions logistiques devrait faire
l’objet d’une analyse périodique dans les
hôpitaux, selon une démarche
structurée, afin d’être adapté à chaque situation particulière pour en
maximiser les effets positifs et en minimiser les inconvénients.
Afin d’assister les hôpitaux dans leurs démarches d’externalisation
du bionettoyage, le ministère chargé de la santé a, dans le cadre du
programme de performance hospitalière pour des achats responsables
(Phare), mis en place
un outil d’aide à la décision
258
, qui pourrait être
transposé à d’autres fonctions.
257
Un plan de retour à l'équilibre est un document stratégique visant à rétablir l'équilibre
financier d'un hôpital en situation de déficit. Il s'agit d'un ensemble de mesures et
d'actions concrètes élaborées par l'hôpital, généralement sur demande de l'ARS, pour
redresser sa situation financière.
258
Direction générale de l’offre de soins,
Méthodologie d’aide au choix du meilleur
modèle entre internalisation et externalisation,
2023.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
194
Le volume financier des externalisations conduites dans les hôpitaux
par type d’activité n’est aujourd’hui pas connu. En 2022, dans le cadre de
la collecte des données de la SAE, la Drees avait cherché à recenser le
personnel intermédié, employé par des tiers (groupements, prestataires
externes, etc.) et réalisant des missions pour un hôpital. Face aux difficultés
rencontrées en termes d’exhaustivité et de fiabilité des données collectées,
elle n’a pas reconduit leur recueil.
b)
Des mutualisations à encourager
Les mutualisations entre hôpitaux ont été encouragées dès la loi du
21 juillet 2009 dite « hôpital, patients, santé et territoires » par une
simplification de la règlementation en vigueur concernant la constitution
de groupements de coopération sanitaire (GCS)
259
. Début 2023, sur
700 GCS publics, seuls 300 avaient pour objet de mutualiser les fonctions
support et les investissements immobiliers. Les 400 autres avaient pour
finalité le partage d’équipements médicaux et d’activités de soins.
En 2009, le groupement audois de prestations mutualisées médico-
logistiques, plateforme logistique regroupant des activités de restauration,
blanchisserie, approvisionnement non médical et médical, pharmacie, a été
créé sous la forme d’un GCS de moyens, porté principalement par le centre
hospitalier de Carcassonne
260
. Après avoir connu d’importantes difficultés
financières en raison du coût du loyer prévu dans le contrat de partenariat
public-privé
261
, que son directeur est parvenu à résilier, le GCS fait aujourd’hui
figure de modèle organisationnel. Ses bénéficiaires, établissements de santé,
publics et privés, médico-sociaux et scolaires, dont le nombre progresse, se
déclarent satisfaits de la qualité et du prix des prestations délivrées.
La possibilité de créer des groupements hospitaliers de territoire
(GHT), prévue par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre
système de santé, a eu pour objectif d’encourager la définition de projets
médicaux partagés entre hôpitaux publics d’un même territoire et, pour les
mettre en œuvre, la mutualisation d
e fonctions
262
. Les effets de la création
des GHT sur la réduction de la masse salariale des fonctions support ne
sont cependant pas perceptibles dans les données statistiques disponibles.
259
Le GCS peut être de droit public ou de droit privé, en fonction de la nature juridique
de ses membres majoritaires, ce qui détermine les règles budgétaires et comptables qui
lui sont appliquées. Les GCS de moyens ne sont pas considérés comme des hôpitaux.
260
À sa création, ce GCS comprenait 6 hôpitaux ; il compte dorénavant 34 membres,
dont 12 hôpitaux et 9 établissements médico-sociaux.
261
Chambre régionale des comptes Occitanie,
Groupement de coopération sanitaire
« Groupement audois de prestations mutualisées médico-logistiques »,
2019.
262
L’article L
. 6132-3 du code de la santé publique inclut dans les fonctions devant être
obligatoirement assurées par l’établissement support la mise en œuvre d’un système
d’information hospitalier
commun et la fonction achats et, dans les fonctions pouvant
être facultativement mutualisées,
le groupement d’activités administratives, logistiques,
techniques et médico-techniques.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
195
Aucun suivi des mutualisations des fonctions support n’a ainsi
vérita
blement été établi, comme la Cour l’avait déjà constaté en 2020
263
.
La direction générale de l’offre de soins ne dispose pas d’une vue
d’ensemble sur leur mise en œuvre et les ARS y portent une attention
variable
264
. En dehors de la fonction achats
265
ou des systèmes
d’information, les rapprochements s’effectuent au gré de la situation
spécifique de chaque GHT et sans impulsion nationale.
Depuis 2011, les recompositions de l’offre hospitalière auraient dû faire
l’objet d’un rapport annuel contenant un bilan détai
llé des coopérations mises
en œuvre
266
. Ce rapport n’a été produit qu’une seule année et l’observatoire qui
devait être mis en place par l’agence technique de l’information sur
l’hospitalisation se résume à une déclaration par les ARS des GCS approuvés
par leurs soins, sans analyse ni précision sur leur objet ou sur leur effectif.
Il serait opportun de mettre en place un suivi consolidé des
mutualisations de fonctions support réalisées dans le cadre de groupements
de coopération sanitaire, incluant une analyse des difficultés rencontrées
par ces structures et de leur situation financière. Ce suivi permettrait
d’identifier les bonnes pratiques dont pourraient s’inspirer les hôpitaux.
3 -
Une association plus étendue des services de soins
à la gestion de l’hôpital
Le constat d’une certaine pesanteur du cadre administratif de
l’hôpital public a récemment été posé
267
. Des mesures d’assouplissement
et de rénovation de la gouvernance hospitalière ont été engagées
268
pour
inciter à la délégation des responsabilités au sein des services de soins.
263
Cour des comptes,
Les groupements hospitaliers de territoire
, communication à la
commission des affaires sociales du Sénat, octobre 2020.
264
L
’ARS Occitanie a réalisé une enquête approfondie en 2022 sur l’état des
mutualisations auprès des 14 GHT de la région.
L’ARS Auvergne
-Rhône-Alpes suit la
mise en œuvre des mutualisations prévues dans les conven
tions constitutives des GHT
et l’ARS Grand
-Est produit un tableau des mutualisations en cours.
265
La direction générale de l’offre de soins admet que la mutualisation de la fonction
achats, pourtant obligatoire, n’a pas encore abouti.
266
Article n° 17 de la loi n° 2011-940 du 10 août 2011 modifiant certaines dispositions
de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux
patients, à la santé et aux territoires.
267
Professeur Olivier Claris
, Mission sur la gouvernance et la simplification
hospitalières
, juin 2020.
268
Circulaire du 6 août 2021 de la
direction générale de l’offre de soins
relative à la
mise en œuvre du
pilier 3 du Ségur de la santé, recommandations et bonnes pratiques
sur la gouvernance et la simplification hospitalière à la suite de la mission menée par le
professeur Olivier Claris. Professeur Olivier Claris
, Mission sur la gouvernance et la
simplification hospitalières
, juin 2020.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
196
Dès 2007, le centre hospitalier de Valenciennes a mis en place un
large périmètre de délégation au profit des pôles
269
, qui concerne 90 % des
prérogatives de sa direction générale, dans les domaines budgétaires et des
ressources humaines médicales et non médicales. Cette délégation visait à
responsabiliser les acteurs par la signature de contrats en leur accordant
davantage d’autonomie pour l’atteinte des objectifs assignés. Elle a permis
à l’ensemble du personnel de s’impliquer davant
age dans la gestion de leur
pôle d’activité. Avec cette nouvelle gouvernance, l’hôpital a enregistré une
croissance d’activité de 45 % en cumul entre 2008 et 2024. Sur la même
période, le personnel a augmenté de 26 %, dont 19 % pour le personnel non
soignant. Sa situation financière est excédentaire
270
.
Malgré son intérêt et son bilan positif, et la volonté de développer
au niveau national des délégations de gestion aux responsables médicaux
et non médicaux
271
, cette innovation du centre hospitalier de Valenciennes
n’a pas été reproduite, sauf par le centre hospitalier universitaire de Nice,
qui l’a mise en place en 2023
272
. D’autres hôpitaux pourraient s’approprier
cette démarche.
B -
Moderniser les fonctions support
pour en améliorer la performance
L’amélioration
de la contribution des services support au parcours
du patient passe par diverses mesures de modernisation, notamment une
réforme des processus de facturation et de recouvrement, un recours accru
au numérique et une adaptation des formations dispensées aux nouveaux
besoins de compétences des personnels non soignants.
269
Les 60 services de l’hôpital ont été regroupés en 15 pôles hospitaliers : deux
administratifs, trois médico-techniques (imagerie, biologie, pharmacie) et 10 cliniques
(chirurgie, urgences-réanimation-anesthésie, médecine interne, etc.).
270
Dans son rapport de 2022, la chambre régionale et territoriale des comptes des Hauts-
de-
France notait l’organisation originale mise en place tout en relevant la
nécessité
d’une meilleure supervision de certaines fonctions par la direction générale et le pôle
chargé des moyens. Elle qualifiait la situation financière de satisfaisante.
271
Circulaire du 6 août 2021
de la direction générale de l’offre de soins déjà cit
ée.
272
Le directeur général du centre hospitalier universitaire de Nice, en poste depuis
janvier 2023, est l’ancien directeur du centre hospitalier de Valenciennes.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
197
1 -
Réformer les processus de facturation et de recouvrement
La mise en place de la tarification à l’activité a imposé une
transformation de la chaîne de facturation. Il a fallu s’assurer de l’ex
haustivité
des données recueillies, de la justesse du codage de l’activité, de la fluidité des
échanges financiers avec l’assurance maladie, les assureurs complémentaires
et les patients, et de l’efficacité du recouvrement avec le comptable public.
Le parcours financier du patient a été rendu plus complexe et la
multiplicité des intervenants crée des surcoûts
273
. Ce circuit a été identifié
par l’agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé
et médico-sociaux (Anap) comme présentant des
marges d’amélioration du
fait d’un fort cloisonnement entre les différents professionnels de la chaîne
de facturation et de l’absence d’un système d’information permettant un
pilotage d’ensemble.
En 2016, partant du constat que près de la moitié du reste à charge
des patients n’était pas recouvrée au bout d’un an
(soit environ 550
M€ par
an
274
), le ministère chargé de la santé a lancé un programme de
simplification du parcours hospitalier du patient et de numérisation des
informations échangées.
Depuis prè
s de dix ans, les hôpitaux s’efforcent ainsi d’améliorer
leur facturation et le processus de recouvrement des restes à charge, avec
encore des marges de progrès.
Le recouvrement serait amélioré par l’accélération du déploiement
du « protocole d’échanges s
tandard des avis des sommes à payer », proposé
par la direction générale des finances publiques (DGFiP) depuis 2019.
Cette application permet à la DGFiP d’éditer, pour le compte des hôpitaux
publics, les avis des sommes à payer et de les adresser directement aux
débiteurs. L’application traite de manière centralisée et automatisée la mise
sous pli, l’affranchissement et l’envoi des avis. Elle utilise un modèle
unique d’édition, permettant une harmonisation des pratiques et la
centralisation du traitement des chèques et des titres interbancaires de
paiement dans les centres d’encaissement.
Selon la DGFiP, cinq ans après son lancement, le taux de
déploiement de ce dispositif ne dépasse pas 30 %. Par défaut, les hôpitaux
publics continuent d’imprimer les titres
, remis à la DGFiP pour mise sous
273
Drees,
Les dépenses de santé 2022
, édition 2023.
274
Instruction du 18 mars 2016 relative au programme
Simphonie
, aux trois projets
portant sur le parcours administratif des patients et à la sélection des établissements de
santé
publics et privés non lucratifs pour l’année 2016
.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
198
pli et envoi postal. Certains hôpitaux sous-traitent cette opération à un
syndicat inter-hospitalier, rémunéré pour cette prestation.
Un autre dispositif vise à simplifier et à sécuriser le tiers-payant sur
la part
complémentaire en remplaçant l’ensemble des échanges papiers ou
dématérialisés existants avec les organismes complémentaires par un
format national unique d’échanges en temps réel. Selon la DGFiP, fin 2023,
ce dispositif était utilisé par 300 établissements, soit moins de 23 % du total
des hôpitaux publics. 137 virements ont été effectués en novembre 2023
par le canal de cet outil, soit seulement 0,007 % des flux.
2 -
Transformer les fonctions support grâce au numérique
Le ministère chargé de la santé a établi une carte du numérique en
santé qui détaille les potentialités de l’intelligence artificielle, dont l’impact
devrait être plus significatif pour le parcours de soins des patients que la
seule robotisation ne l’a été jusqu’à présent.
L’usage de l’intelligence artificielle en santé a d’abord été conçu
pour améliorer la prévention, le diagnostic et le suivi des patients. Elle
constitue aussi un levier de la transformation des fonctions support.
Le premier cas d’usage porte sur les tâches administratives répét
itives
et lourdes, consommatrices de temps et exposées à l’erreur humaine, telles
que les saisies d’identité et d’adresse, la rédaction de comptes rendus, l’envoi
des courriers et l’intégration des différents documents nécessaires dans le
dossier patient,
quel que soit leur support. Le recours à l’intelligence
artificielle permet également de franchir une étape supplémentaire dans
l’automatisation de la logistique avec une gestion prédictive des stocks et de
la pharmacie en matière d’analyse et de suivi des
ordonnances
275
.
Toutefois, aucun financement
spécifique n’a été prévu dans le cadre
du Ségur du numérique en santé alors même que le déploiement de
l’intelligence artificielle dans les établissements concourt au partage fluide
et sécurisé des données de santé entre professionnels et autour du patient. Le
CHU de Montpellier a donc dû proposer,
via
une réponse à un appel à projets
dans le cadre de France 2030, de développer l’usage de l’intelligence
artificielle sur un champ très large : optimisation des flux, planification des
ressources humaines, gestion des stocks médicaux, maintenance prédictive
des équipements et simulation d’infrastructures hospitalières.
275
Anap,
Panorama des métiers en émergence à l’international
, janvier 2025, et Haute
autorité de santé,
Sixième version du référentiel de certification des établissements de
santé
, janvier 2025, applicable à partir de septembre 2025.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
199
L’intégration de l’intelligence artificielle suppose par ailleurs sa bonne
appropriation par le personnel. Le CHU de Montpellier mobilise à cette fin
son école de la transformation hospitalière. Dans le même but, le centre
hospitalier de Lens a conclu un partenariat avec l’université de l’Artois, dont
la première étude de recherche appliquée concerne l’ai
de au codage avec la
recherche automatisée au sein des comptes rendus opératoires.
3 -
Adapter les formations aux nouveaux besoins de compétences
du personnel non soignant
L’évolution rapide des compétences attendues des agents exerçant
des fonctions non soig
nantes et l’émergence de nouveaux métiers
nécessitent un investissement en formation au sein des hôpitaux, qui doit
être encouragé au niveau national pour gagner en efficacité.
En 2021, les équipes administratives et techniques des hôpitaux
publics étaient
majoritairement constituées d’agents de catégorie C, payés
entre 1,2 et 1,4 fois le Smic, dont un tiers a le statut de contractuel. Ces
agents sont à plus de 90 % des femmes dans les secteurs administratif et
logistique et à plus de 90 % des hommes dans le secteur technique. Les
différences salariales varient entre 2 et 10 %, à fonction et ancienneté
équivalentes, en défaveur des femmes
276
.
Récemment, des mesures sectorielles ont été prises pour améliorer
l’attractivité de certains métiers relevant de la fo
nction publique
hospitalière. Les ingénieurs hospitaliers ont bénéficié d’une revalorisation
pour converger vers le statut des ingénieurs territoriaux. Cette mesure
d’accompagnement du volet numérique du Ségur de la santé a été prise
pour permettre aux hôpitaux de progresser en matière de cybersécurité.
Une réflexion est menée sur les conditions de travail des acheteurs dans le
cadre du programme Phare, avec pour but de limiter leur forte rotation. Ces
mesures ponctuelles concernent toutefois des cadres et ne répondent pas
aux enjeux de transformation des métiers du personnel non soignant.
L’association nationale pour la formation permanente du personnel
hospitalier a créé un outil de cartographie permettant aux établissements
adhérents de mieux connaître l
eur effectif par métier et d’anticiper les
effets de ces transformations. Au niveau national, la commission des
emplois et des métiers du conseil supérieur de la fonction publique
hospitalière
277
, qui a pour mission d’assurer le suivi de l’évolution
qualitative et quantitative des emplois et des métiers de la fonction
276
Cour des comptes d’après les données issues du SIASP 2021.
277
Créée en 2017 en re
mplacement de l’observatoire national des emplois et des métiers.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
200
publique hospitalière, s’est limitée jusqu’à présent à l’actualisation du
répertoire des métiers de la santé et de l’autonomie. Seules une quinzaine
de fiches ont été créées depuis 2021
278
et le r
épertoire n’est pas considéré
comme exhaustif par la direction générale de l’offre de soins.
Une démarche plus analytique et plus prospective de l’évolution des
métiers non soignants doit être engagée afin de promouvoir des axes de
formation adaptés.
Une
question devra faire l’objet d’un examen attentif
: dans le cas
d’une formation longue, et notamment pour les congés de formation
professionnelle, les agents perdent une part significative de leur régime
indemnitaire
279
, ce qui peut constituer un frein financier
280
.
278
Les archives du répertoire des métiers ne sont pas accessibles avant cette date.
279
Pour le personnel soignant, des compléments de traitement indiciaire sont versés
pour les études favorisant la promotion professionnelle et préparant aux diplômes ou
certificats du secteur sanitaire et social, ou en cas de préparation à un reclassement sur
des fonctions non soignantes.
L’article 42 de la loi n° 2021
-
1754, qui a complété l’article 48 de la loi
de financement
de la sécurité sociale pour 2021, prévoit ces compléments, qui ne concernent pas le
personnel non soignant.
280
Inspection générale des affaires sociales et inspection générale de l’éducation, du
sport et de la recherche,
La formation continue dans la fonction publique hospitalière
,
décembre 2021.
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LE PERSONNEL NON SOI
GNANT À L’HÔPITAL PU
BLIC :
REPENSER LES FONCTIONS SUPPORT
201
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Le nombre et le rôle du personnel non soignant dans les hôpitaux
publics suscitent l’intérêt des citoyens. L’absence de cadre fiable de
comparaison des données ne permet pas d’objectiver leur éventuelle trop
forte proportion dans le personnel hospitalier, par rapport aux
établissements privés ou à l’Allemagne, souvent citée.
L’enjeu principal est la qualité de l’apport du personnel non
soignant au personnel soignant pour l’exercice de missions toujours plus
complexes, en le déchargeant de tâches qui ne relèvent pas du soin.
Pour autant, une plus grande performance doit être recherchée dans
l’organisation des fonctions support en facilitant les comparaisons
d’efficience entre les hôpitaux, en déterminant le degré adéqua
t
d’externalisation et de mutualisation des compétences pour chaque
établissement, et en augmentant l’investissement dans les outils
numériques et dans l’évolution des métiers.
La Cour formule les recommandations suivantes :
13.
rendre obligatoire une méthode commune aux hôpitaux publics et
privés de calcul du coût des unités d’œuvre des principales fonctions
support (ministère du travail, de la santé, des solidarités et des
familles) ;
14.
assurer un suivi des mutualisations des fonctions support afin
d’identifie
r les bonnes pratiques (ministère du travail, de la santé, des
solidarités et des familles) ;
15.
accélérer dans tous les hôpitaux publics le déploiement des applicatifs
de
facturation
et
de
recouvrement
auprès
des
assurances
complémentaires (ministère du travail, de la santé, des solidarités et
des familles, ministère de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique) ;
16.
ouvrir les appels à projets financés dans le cadre du numérique en
santé à des applications relatives aux fonctions support (ministère du
travail, de la santé, des solidarités et des familles).
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes