Les politiques de soutien à la parentalité
_____________________
PRESENTATION
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Les difficultés que peuvent rencontrer certains parents dans leur
rôle éducatif, mais aussi l’inquiétude liée aux transformations de la
famille et à leurs conséquences dans le comportement social des jeunes,
ont conduit les pouvoirs publics à mettre en oeuvre des actions de soutien
parental. De nature préventive, celles-ci reposent sur le volontariat et
sont gratuites ou peu coûteuses pour les intéressés. Les mesures de
responsabilisation parentale, plus coercitives, constituent la dernière
étape avant une sanction et visent à intervenir rapidement pour remédier
à des situations déjà détériorées (contrat de responsabilité parentale
pour le département, accompagnement parental pour la commune). Peu
mises en oeuvre, elles ne seront pas abordées dans la présente insertion.
Diverses et mal connues, les mesures préventives de soutien à la
parentalité sont financées principalement
par l’Etat et la branche famille
de la sécurité sociale, à hauteur de 75 M€ sur un total estimé à 100 M€.
L’examen de ces dispositifs par la Cour l’a conduite à porter une
appréciation sur leur pilotage, tant national que local.
Les actions de soutien à la parentalité visent à appuyer et à soutenir
les parents en difficulté durable ou passagère dans leur rôle au quotidien
vis-à-vis de leurs enfants. Elles se différencient des dispositifs de
responsabilisation parentale qui ont pour objet d’inciter sinon à obliger
les parents à assumer leurs responsabilités éducatives.
L’empilement de dispositifs dispersés géographiquement et sans
articulation entre eux, le défaut d’une réflexion sur l’accès des parents à
l’information, ne peut garantir une réponse adéquate et une prise en
compte globale des besoins des familles. Au demeurant, aucune
évaluation ne permet de connaître l’impact des nombreuses actions
menées.
LES POLITIQUES DE SOUTIEN A LA PARENTALITE
633
Par ailleurs, les financements sont épars, mal connus et les
ressources de certains dispositifs frappées d’incertitude.
Se pose dès lors la question du pilotage, notamment local, qui doit
avant tout être uniformisé pour devenir commun à l’ensemble des
démarches de prévention, pour que les décisions, y compris celles
relatives à leur financement, soient prises au plus près des besoins des
parents.
I
-
Un empilement de dispositifs mal ou pas évalués
A - Une juxtaposition d’initiatives pilotées par l’Etat
Seule démarche gratuite et s’adressant à tous les parents, les
réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents
(REAAP),
créés en 1998, ont pour but de faciliter l’accès des parents à l’information
et de promouvoir rencontres et échanges pour leur permettre de
mutualiser leurs expériences. Les REAAP demeurent très attachés à leur
vocation généraliste et les souhaits exprimés par les financeurs d’en cibler
les actions vers l’amélioration des relations entre les familles et l’école
(2001), le respect de l’obligation scolaire (2003) ou la protection de
l’enfance (2008) sont largement demeurés sans suite. La situation des
réseaux n’a guère évolué depuis un rapport d’inspection
255
qui critiquait,
en 2004, les lacunes du pilotage national et départemental.
En effet, la direction générale de l’action sociale (DGAS), qui
apporte les financements délégués aux DDASS, et la délégation
interministérielle à la famille exercent un double pilotage. Le pilotage
départemental souffre quant à lui de la difficulté à fédérer sous l’égide
d’un pilote - subventionné pour cette tache - les actions de l’ensemble des
acteurs locaux de la parentalité qui ne constituent que rarement le réseau
attendu. D’autre part, même si le nombre des comités de financement
départementaux des REAAP a augmenté de 33 à 73 de 2004 à 2007, la
séparation du comité de pilotage et de celui qui devrait être appelé à
réunir les financeurs n’est pas toujours garantie.
En ce qui concerne l’accompagnement à la scolarité
, de
nombreuses initiatives coexistent dans le cadre des contrats locaux
d’accompagnement à la scolarité (CLAS), dispositif dont le comité
national est piloté par la, délégation interministérielle à la famille ou de la
politique de la ville. Avec l’objectif d’aider les élèves à mieux s’intégrer à
255) Evaluation du dispositif des réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des
parents (REAAP), Inspection générale des affaires sociales, mars 2004.
634
COUR DES COMPTES
l’école, elles visent aussi à restaurer le dialogue entre les parents et cette
dernière. Il n’existe pas d’articulation de ces démarches avec les mesures
récentes prises par le ministère de l’éducation nationale pour accueillir les
enfants après la fin des cours, d’où, selon la CNAF, un risque
d’émiettement de l’action publique et de manque de lisibilité pour les
familles.
La médiation familiale
a été inscrite dans la loi du 4 mars 2002
relative à l’autorité parentale ; elle a pour objectif, avec l’aide d’un tiers
indépendant, d’aider les parents à l’exercice consensuel de l'autorité
parentale en prévenant les conflits (médiation extrajudiciaire) ou en
atténuant leurs effets dans l’intérêt des enfants (médiation judicaire).
La médiation familiale fait l’objet d’un partenariat entre les
ministères de la justice et de la famille et la caisse nationale d'allocations
familiales (CNAF) pour financer et structurer, au niveau départemental, un
maillage territorial satisfaisant. Un processus de professionnalisation des
médiateurs a abouti en 2003 à la création d’un diplôme spécifique mais la
création tardive, en 2006, de la coordination nationale et l’implication
financière modeste (voir infra) du ministère de la justice n’ont, notamment,
pas facilité la mise en place des comités départementaux. Pourtant,
l’éparpillement des services de médiation familiale augmente leur coût de
fonctionnement et leur concentration devrait être encouragée. La branche
famille a engagé par ailleurs plusieurs chantiers pour améliorer ce
dispositif (analyse des activités, revalorisation de la prestation de service,
convention de financement pluriannuelle et multi-partenariale) mais leur
réussite suppose un réengagement des autres partenaires.
Le conseil conjugal et familial
, dont est responsable la DGAS, n’a
pas su, quant à lui, améliorer ses prestations en dépit d’un rapport de
l’IGAS de 2006
256
préconisant d’accroître le professionnalisme des
conseillères. Au nom de la spécificité du dispositif, les différents acteurs se
déclarent malgré tout réticents à un rapprochement avec la médiation
familiale et notamment à l’instauration d’un diplôme commun.
Différents
lieux
d’accueil
des
familles
(lieux
d’accueil
enfants-parents, espaces-rencontres, maisons des adolescents) comportent
une dimension de soutien à la parentalité : la place que devrait y tenir ce
soutien mériterait toutefois d’être clarifiée.
256) Le statut des conseillères familiales et conjugales, IGAS, octobre 2006.
LES POLITIQUES DE SOUTIEN A LA PARENTALITE
635
Enfin, seules 54 maisons des adolescents ont été créées depuis 2005,
alors que l’objectif était d’une maison par département. Pour ce qui
concerne les espaces-rencontres, leur vocation à traiter des situations
conflictuelles justifie des synergies avec la médiation familiale, mais les
textes réglementaires d’application de la loi du 5 mars 2007 portant
réforme de la protection de l’enfance relatifs à leur agrément et à leur
saisine par les départements sont encore attendus.
B - Une information imparfaite des parents
Les actions de soutien à la parentalité sont mises en oeuvre par des
associations, familiales ou du secteur social, qui recrutent des bénévoles
ou des professionnels rémunérés pour cette tâche mais qui exercent le
plus souvent, pour la majorité de leur temps, une activité salariée (avocat,
travailleur social, psychologue, médecin…). Sur un même territoire le
manque de coordination des acteurs et les initiatives dispersées des
collectivités territoriales favorisent, ici, la prolifération, ailleurs, l’absence
d’offre de telle ou telle démarche. L’information des familles, notamment
des plus défavorisées, constitue donc un élément essentiel de cette
politique de prévention.
Les “points info famille” (PIF), dont la création a été décidée à la
conférence de la famille de 2003 et dont le pilotage est lui aussi confié à
la DIF, visent quant à eux à informer et orienter les parents, notamment
s’ils souhaitent s’engager dans une démarche de soutien à la parentalité.
Mais les 485 points info aujourd’hui labellisés ont une répartition
géographique peu satisfaisante (certains départements en comptent 10,
d’autres un seul) et l’aide financière apportée par l’Etat, limitée au
démarrage, fragilise le dispositif. Les points info famille offrent ainsi des
services d’ampleur très inégale (qui va d’une simple liste d’adresses à la
gestion d’un site internet) et atteignent difficilement les familles en
situation de précarité, d’autant que leur articulation avec les autres
structures d’information des familles reste de qualité variable. Si ces
points info ont vocation à intégrer le comité départemental de pilotage des
réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, ce n’est pas
toujours le cas.
Au total, l’organisation d’une information de proximité répondant
aux besoins des parents, notamment ceux en difficulté, demeure à
construire.
636
COUR DES COMPTES
C - Les systèmes de remontée d’informations sont
lacunaires
L’impact réel des actions de soutien à la parentalité est mal connu
et il n’est pas rare qu’une même action fasse l’objet de données
contradictoires.
Les réticences de certains partenaires associatifs ont longtemps
freiné
une
évaluation
indépendante
des
REAAP.
La
délégation
interministérielle à la famille a organisé jusqu’en 2006 une remontée
d’informations qui a fourni des données sur l’implantation des réseaux,
leurs actions et leurs publics, mais l’IGAS a regretté dès 2004 les
imperfections de ce système et préconisé la mise en place d’indicateurs de
résultat et l’étude d’actions précises.
Pour les autres dispositifs de soutien à la parentalité, outre les
informations dont disposent les cours d’appel, même si la CNAF a
récemment engagé un effort en ce sens, les données sont rares, éparses et
insuffisantes pour définir une politique cohérente.
II
-
Des financements éparpillés, mal connus et
fragiles
A - Les financements des acteurs du champ de la famille
La CNAF est le principal financeur des mesures en faveur de l’appui
à la parentalité
257
. Entre 2004 et 2007, ces financements ont crû d’environ
40 %. Par ses prestations de service et sur les fonds sociaux des CAF, elle
a affecté, en 2007, 48,6 M€ aux différentes actions contre 39,2 M€ en
2006, 35,6 M€ en 2005 et 34,8 M€ en 2004. On peut notamment
distinguer, sur 2007, les REAAP (3,8 M€), la médiation familiale (8,6 M€,
cf. infra), l’accompagnement à la scolarité (24,5 M€), les lieux d’accueil
parents-enfants (4,9 M€), les espaces rencontre (1,2 M€).
En
2006,
au
titre
de
l’action
1
du
programme
106,
“l’accompagnement des familles dans leur rôle de parents”, le ministère
chargé des affaires sociales et de la famille contribuait quant à lui à hauteur
de 23 M€ de crédits consommés se décomposant en 11,5 M€ aux REAAP
et aux PIF, 3 M€ à la médiation, 2,5 M€ au conseil conjugal, 2 M€ à
l’accompagnement à la scolarité, 2,5 M€ aux maisons des adolescents,
1,5 M€ aux autres actions.
257) En excluant les mesures d’aide aux parents mises en oeuvre par les départements
dans le cadre de la protection de l’enfance.
LES POLITIQUES DE SOUTIEN A LA PARENTALITE
637
Le ministère de la justice a également apporté, en 2006, 1,24 M€.
L’effort des ministères est donc faible, comme l’illustre particulièrement le
cas de la médiation familiale.
Selon la CNAF, le coût de la médiation familiale aurait été de
11,7 M€ en 2006, tous financeurs confondus, dont 7 M€ assumés par la
branche famille, 1,5 M€ par les collectivités territoriales et seulement
0,86 M€ par le ministère de la justice. La Chancellerie considère que le
faible nombre de mesures de médiation familiale prescrites par l’institution
s’explique par un cadre juridique ne permettant pas au juge de l’imposer,
juge qui serait même parfois réticent à proposer une telle mesure lorsque
les relations entre les époux en instance de divorce ne lui paraîtraient pas le
permettre. Selon la CNAF, outre ces raisons, la faiblesse des crédits du
ministère de la justice conduirait les juges à orienter les parents vers la
médiation extrajudiciaire, mais la maigre prescription des mesures
judiciaires justifierait alors la faiblesse de l’engagement financier de la
Chancellerie.
Pour pérenniser ce dispositif de médiation familiale dont le besoin
s’accroît, l’élaboration d’un tarif de la prestation constitue un impératif. En
effet, le financement des services de médiation représenterait actuellement
environ 40 % des charges réelles de fonctionnement, ce qui peut provoquer
l’abandon de l’activité ou faire porter l’effort sur des parents en conflit et
s’avérer alors dissuasif.
La CNAF a appelé l’attention du ministère de la justice, au moment
où elle envisage de revaloriser la prestation de service, sur les risques de
transfert des crédits affectés par les cours d’appel aux médiations
familiales judiciaires
sur les espaces-rencontres.
B - Les financements des collectivités territoriales
L’éclatement des financements est le reflet de l’hétérogénéité des
actions. Les crédits apportés par les collectivités locales au financement
des divers dispositifs préventifs sont très mal connus et ne sont pas
toujours différenciés. Tout en tenant compte de la difficulté qu’il y a
recenser ces financements, la délégation interministérielle à la famille les
évalue globalement (REAAP, PIF, médiation familiale, CLAS, LAEP…) à
12,6 M€ en 2006. La délégation estime que les régions apportent 1,4 M€,
les départements 5 M€, les communes, 6,2 M€. Les crédits affectés à la
politique de la ville et les autres sources de financement représentent une
part non négligeable, de l’ordre, toujours selon la délégation, de 9,2 M€ en
2006. Les acteurs associatifs redoutent que ces crédits ne soient réorientés
vers les dispositifs de responsabilisation parentale récemment mis à la
charge des municipalités et des départements, au détriment des démarches
préventives.
638
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Le pilotage des actions de soutien à la parentalité doit être repensé
et confié aux acteurs de terrain les plus proches des familles, notamment
de celles en difficulté.
- A cet égard, les collectivités territoriales pourraient jouer un rôle
déterminant dans la définition et la conduite des politiques locales de
soutien aux parents, notamment les plus démunis. À ce jour, leur
mobilisation reste toutefois hésitante et les financements qu’ils accordent
aux acteurs de la parentalité, dans de nombreux cas, sont aléatoires.
- Les CAF, quant à elles, se déclarent prêtes à assumer ce rôle en
s’appuyant notamment sur l’expérience qu’elles ont capitalisée, en
particulier dans le pilotage ou le copilotage des REAAP et de la
médiation familiale. Si tel était le choix retenu, il conviendrait de prévoir
l’articulation avec les départements, qui définissent et mettent en oeuvre
la politique d'action sociale.
- Cette réorganisation du pilotage local, qui devrait en tout état de
cause fédérer l’ensemble des dispositifs, en particulier en fusionnant les
comités spécifiques existants, en y associant l’ensemble des acteurs parmi
lesquels les magistrats délégués à la politique associative et à l’accès au
droit, doit s’accompagner d’une évaluation de ces démarches, processus
dans lequel, pour certains d’entre eux, la CNAF s’est déjà engagée.
LES POLITIQUES DE SOUTIEN A LA PARENTALITE
639
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, DE L’OUTRE-MER
ET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Dans son insertion « les politiques de soutien à la parentalité », la
Cour des comptes a souhaité concentrer son analyse sur les dispositifs de
soutien à la parentalité pilotés par l’Etat et n’a pas, en regard de leur
développement modeste, fait porter son contrôle sur les mesures de
responsabilisation parentale conduites sous la responsabilité des collectivités
territoriales.
J’observe qu’au nombre des critiques formulées à l’endroit des
dispositifs de l’Etat, la Cour s’interroge sur la question du pilotage local, ces
dispositifs ne lui apparaissant pas suffisamment coordonnées.
Le rapport rejoint sur ce point d’autres contributions, notamment
celle du sénateur de l’Orne, Monsieur Alain Lambert, dans le cadre de la
révision générale des politiques publiques (RGPP), qui mettent en exergue
les difficultés du pilotage des politiques d’action sociale au niveau local.
La contribution de la Cour alimentera donc opportunément les
travaux engagés par le Gouvernement pour clarifier les compétences des
différentes collectivités publiques et optimiser l’efficacité d’une action
publique essentielle car elle s’adresse aux plus fragiles de nos concitoyens.
RÉPONSE DE LA
GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE
Vous trouverez ci-après les éclairages à l’insertion de la Cour des
comptes « les politiques de soutien à la parentalité » qu’il m’a semblé utile
de porter à votre connaissance
I. Sur l’empilement de dispositifs mal ou pas évalués
Il convient en premier lieu de rappeler que le ministère de la justice
n’est partie prenante que pour une part seulement des dispositifs existants en
matière de politiques de soutien à la parentalité : il s’agit de la médiation
familiale et des espaces de rencontre.
Le projet d’insertion indique que : « Sur un même territoire le manque
de coordination des acteurs et les initiatives dispersées des collectivités
territoriales favorisent, ici, la prolifération, ailleurs, l’absence d’offre de
telle ou telle démarche… ».
Il est exact que la répartition des services sur le territoire national est
inégale. A titre d’exemple, la cour d’appel de Bastia dispose de 2
associations, alors que la cour d’appel de Paris en compte 24. Par ailleurs,
dans le ressort de cette dernière cour, la répartition est telle que si la ville de
640
COUR DES COMPTES
Paris dispose sur son territoire de 12 services, les départements de la Seine
Saint Denis et de l’Essonne ne comptent chacun que 2 associations. La cour
d’appel de Metz, qui couvre un seul département, compte 7 associations,
alors que la cour d’appel de Colmar, qui couvre deux départements, dispose
de 4 services.
Cependant, à l’exception d’Angoulême, Morlaix, Dax et Saverne, les
TGI disposent tous soit d’un service de médiation familiale, soit d’un service
d’espace de rencontre ou des deux à la fois.
Il convient de souligner que la multiplication des structures et leur
éparpillement a pour corolaire la multiplication des frais de fonctionnement.
La mutualisation de la gestion administrative des services, ceux-ci étant
souvent de petite taille, pourrait être une solution. Le groupement des
services en est une autre mais le mouvement associatif n’y semble
aujourd’hui pas spontanément disposé.
En tout état de cause, la Justice ne peut être l’acteur essentiel de ces
rapprochements dans la mesure où elle n’est qu’un partenaire modeste des
politiques de soutien à la parentalité.
L’évaluation de la participation de la Justice aux politiques de
médiation familiale et de recours aux espaces rencontre fait l’objet
d’entretiens annuels entre le service de l’accès au droit et à la justice et de
l’aide aux victimes et l’ensemble des cours d’appel. Ils portent sur les
financements accordés aux structures associatives et sur le nombre de
mesures réalisées. Parallèlement, la mise en place d’un dispositif
d’évaluation général de la médiation familiale est actuellement en cours
d’étude dans le cadre des travaux du comité national de suivi de la médiation
familiale avec l’ensemble des autres co-financeurs.
1) Le ministère de la justice ne s’est pas désengagé du dispositif de
médiation familiale et des espaces rencontre
La Cour indique que : « Un processus de professionnalisation des
médiateurs a abouti en 2003 à la création d’un diplôme spécifique mais la
création tardive, en 2006, de la coordination nationale et le désengagement
financier (voir infra) du ministère de la justice n’ont, notamment, pas facilité
la mise en place des comités départementaux ».
Le ministère de la justice contribue financièrement à ces deux
dispositifs. Sa participation atteint environ 10 % du coût de fonctionnement
des services.
En 2008, les crédits du ministère de la justice affectés à ce secteur ont
augmenté de 11 %. Les crédits attribués aux cours d’appel pour la médiation
familiale et les espaces de rencontre se sont élevés à 1.814.916 €
en 2007 et
à 2.050.416 € en 2008 (2.172.013 € avec les financements complémentaires
opérés en cours d’année).
LES POLITIQUES DE SOUTIEN A LA PARENTALITE
641
2) les textes relatifs à l’agrément des espaces-rencontre relevant du
ministère de la justice ont été élaborés
La Cour indique que : « Pour ce qui concerne les espaces de
rencontre, leur vocation à traiter des situations conflictuelles justifie des
synergies avec la médiation familiale, mais les textes relatifs à leur agrément
et à leur saisine par les départements sont encore attendus ».
Les lieux d’accueil pour le maintien des liens entre enfants et parents
– les espaces de rencontre - se sont développés en France dans les années
1980 à partir d’initiatives locales du secteur associatif.
Les lieux d’accueil font partie intégrante du dispositif d’aide et de
soutien à la parentalité et sont pleinement reconnus par l’institution
judiciaire comme l’un des outils essentiels du maintien des liens familiaux,
notamment pendant les périodes de crise. Ces structures sont également
utilisées en dehors de toute procédure judiciaire.
La nécessité de définir un cadre juridique pour l’activité de ces
structures a conduit à ce que la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la
protection de l’enfance consacre l’activité des espaces de rencontre dans les
nouveaux articles 373- 2-1 et 373- 2-9 du code civil.
Le dispositif règlementaire qui encadre leur activité doit reposer sur
deux textes :
- un
décret relevant du ministère de la justice qui règlementera le
recours à ces structures par le juge aux affaires familiales ;
- un décret relevant du ministre du travail, des relations sociales et de
la solidarité qui mettra en place une procédure d’agrément, en principe par
le président du Conseil Général.
Le bon fonctionnement du dispositif des espaces de rencontre
nécessite que soient publiés en même temps les deux décrets qui sont
complémentaires. La mesure ordonnée par le juge ne peut prendre effet que
dans un service qui aura été agréé.
Le premier texte a été
rédigé par la chancellerie. Il est prêt à être
soumis au Conseil d’Etat dès que le second texte sera élaboré.
II . Des financements éparpillés, mal connus et fragiles
La Cour indique que « la faiblesse des crédits du ministère de la
justice (0,86 M€) conduit les juges à orienter les parents vers la médiation
extrajudiciaire, mais la maigre prescription des mesures judiciaires justifie
alors la faiblesse de l’engagement financier ».
S’agissant des espaces de rencontre, les magistrats confient aux
associations gestionnaires un nombre relativement élevé de mesures. Il n’en
est pas de même pour la médiation familiale où il ressort des bilans adressés
par les cours que ce dispositif reste sous utilisé par les juridictions comparé
642
COUR DES COMPTES
aux espaces de rencontre : 4 331 mesures de médiation familiale contre
17 692 mesures concernant le droit de visite parent/enfants en 2007.
Durant l’année 2007, les associations de médiation familiale ont
dispensé 5 716 séances d’information générale, 10 206 entretiens
d’information préalables ayant débouché ou pas sur une médiation et 23.397
entretiens de médiation familiale. 37 structures ont pris en charge moins de
10 mesures dans l’année, 30 services n’ont pris en charge que 10 à 20
mesures. A peine 5 structures dépassent les 100 mesures.
Le faible nombre de mesures de médiation familiale ordonné par les
juges s'explique essentiellement par le cadre juridique dans lequel
s'inscrivent les mesures judiciaires de médiation familiale. En effet, les
articles 255 et 373-2-10 du code civil subordonnant la mise en oeuvre de la
médiation à l'accord préalable des parties. Le juge aux affaires familiales
(JAF) n'a donc pas le pouvoir d'imposer cette mesure. Il peut seulement
enjoindre les parties de rencontrer un médiateur qui les informera sur l'objet
et le déroulement de la mesure.
Dans ce contexte, il est certain que le nombre de médiations
judiciaires ne peut être très élevé. Les magistrats ne prononcent pas
d’injonctions de rencontrer un médiateur lorsque les parties ne paraissent
pas d'emblée prêtes à accepter l'idée d'une médiation, dans la mesure où cela
rallonge la procédure sans garantie aucune que la médiation pourra
apporter une solution au conflit. Enfin, il convient d'observer qu'au stade de
la procédure où elle est susceptible d'intervenir, la médiation judiciaire n'est
pas toujours envisageable, le JAF étant souvent saisi à un moment où le
conflit est cristallisé et où les parties refusent toute idée de dialogue.
Cet obstacle, inhérent à la médiation, explique le recours limité à ce
dispositif plus que le montant des crédits qui y sont consacrés. Il convient
d’ailleurs de souligner que, comme toutes les mesures ordonnées en matière
civile, le coût de la médiation a vocation à être pris en charge par les parties,
sauf si celles-ci bénéficient de l’aide juridictionnelle.
En revanche, le dispositif des services gérant des espaces de
rencontre est très sollicité par les juridictions puisqu’il permet aux JAF et
aux juges des enfants d’organiser des droits de visite médiatisés. Il répond,
en outre, à une demande des familles pour que le parent qui ne vit pas avec
son ou ses enfants puisse conserver un lien familial avec eux.
Ainsi, durant l’année 2007, les associations gérant un espace de
rencontre ont accueilli 14 315 familles et 17 261 enfants dans leurs locaux ;
22 cours disposant d’une ou plusieurs structures ont pris en charge de 100 à
plus de 300 mesures, et même plus de 700 pour un service.
La Cour indique que « la CNAF s’inquiète également, au moment où
elle envisage de revaloriser la prestation de service, d’un transfert de crédits
de la médiation familiale vers les espaces de rencontres ».
LES POLITIQUES DE SOUTIEN A LA PARENTALITE
643
Les cours d’appel ne font pas de différence entre les services de
médiation familiale et d’espaces rencontre. Les crédits sont répartis de façon
équitable en tenant compte des besoins à satisfaire et de la déontologie des
structures.
III. Sur les conclusions et les recommandations
La Cour indique qu’« à cet égard, les collectivités territoriales
pourraient jouer un rôle déterminant dans la définition et la conduite des
politiques locales de soutien aux parents, notamment les plus démunis. A ce
jour, leur mobilisation reste toutefois hésitante et les financements qu’ils
accordent aux acteurs de la parentalité, dans de nombreux cas, sont
aléatoires ».
Le ministère de la justice n’a pas connaissance du montant de la
participation financière des collectivités territoriales.
La Cour préconise que « cette réorganisation du pilotage local, qui
devrait en tout état de cause fédérer l’ensemble des dispositifs, en particulier
en fusionnant les comités spécifiques existants, doit s’accompagner d’une
évaluation de ces démarches, processus dans lequel, pour certains d’entre
eux, la CNAF s’est déjà engagée ».
La Justice participe à la plupart des instances de coordination en
matière de médiation familiale. Sa représentation se fait par le biais du
magistrat de la cour d’appel délégué à la politique associative et à l’accès au
droit (MDPAAD). Dans certaines cours, cette tâche a été déléguée aux
présidents des TGI ou aux JAF. Les comités départementaux de médiation
familiale se réunissent plusieurs fois par an. Les réunions sont suivies par le
MDPAAD en lien avec le JAF de chaque juridiction.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a innové dans ce domaine en
étendant les comités départementaux de coordination de la médiation
familiale aux espaces de rencontre, initiative qui semble bien accueillie par
les partenaires de la justice et qui pourrait être étendue à d’autres cours
d’appel intéressées par cette organisation.
Il n’existe pas à ce jour de structure de coordination nationale ou
locale dans ce domaine.
644
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CAISSE NATIONALE
DES ALLOCATIONS FAMILIALES
La CNAF partage la plupart des observations formulées par la Cour
des comptes dans son insertion sur « Les politique de soutien à la
parentalité » et souhaite apporter les précisions suivantes.
* Concernant la médiation familiale :
Il est important de mentionner que la caisse centrale de mutualité
sociale agricole est également partie prenante de ce partenariat.
* Concernant les recommandations de la Cour :
La CNAF confirme qu’elle est prête à s’impliquer dans une
réorganisation du pilotage en vue de fédérer les différents dispositifs relatifs
à l’appui à la parentalité.
Elle partage l’analyse de la cour sur la nécessité de mettre en place
un comité de pilotage commun à la médiation familiale, aux réseaux
d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (Reaap) et aux contrats
locaux d’accompagnement à la scolarité (Clas), levier qui lui paraît
indispensable pour donner de la cohérence et de la visibilité à cette politique
tant au niveau des acteurs que des familles elles-mêmes.
Cette instance permettrait de coordonner les financements et de
mailer, au plus près des besoins des familles, l’ensemble des actions de
soutien à la parentalité.
La branche Famille confirme qu’elle est prête, dans le cadre de la
future convention d’objectifs et de gestion qui doit être signée entre la Cnaf
et l’Etat pour la période 2009-2001, à s’impliquer plus fortement en
assumant la gestion et l’animation d’un tel dispositif.
Pour la branche Famille, cette fonction de pilotage s’inscrirait dans
une logique d’animation du dispositif et de coproduction des actions avec les
autres acteurs, les collectivités territoriales et les associations locales en
particulier.