La prise en compte de la demande
d’asile : des améliorations à poursuivre
_____________________
PRESENTATION
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La demande d’asile
qui avait fléchi depuis 2004 est repartie à la
hausse en 2008. En 2007, la France était, après la Suède, le deuxième
pays sollicité en Europe, avec 28 209 demandes nouvelles enregistrées,
sans compter les réouvertures d’instruction. Le nombre des admissions,
au terme de longues procédures administratives et juridictionnelles, ne
représente qu’une faible part de ces demandes. Ainsi, 8781 personnes ont
obtenu en 2007 le statut dont 130 926 réfugiés résidant bénéficiaient à la
fin de cette même année. La France s’engage à faciliter l’intégration de
ces réfugiés statutaires. En revanche, trois perspectives s’ouvrent aux
déboutés : repartir avec éventuellement une aide au retour, rechercher
une régularisation ou venir grossir la population des résidents irréguliers
dans notre pays.
Tout en prenant en compte cette importante contribution des
déboutés de l’asile au développement de l’immigration irrégulière dans
son rapport public de 2004 sur « l’accueil des immigrants et l’intégration
des populations issues de l’immigration », la Cour n’avait pas traité
spécifiquement de la politique de l’asile, qu’elle avait déjà analysée de
manière approfondie dans une observation à son rapport public de 2000.
La législation, l’organisation administrative et le dispositif
d’action sociale ont fortement évolué tout au long des dernières années,
en s’inspirant largement des recommandations faites précédemment par
la Cour. La création, en 2007, d’un ministère de l’immigration, de
l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement (aujourd’hui
développement solidaire), au sein duquel un service unifié de l’asile a été
organisé, n’est pas la moindre de ces évolutions. Elle a fait notamment
apparaître que les dépenses d’ordre social pour l’asile mobilisent la
moitié (soit 262 millions d’euros en 2008) de l’ensemble des crédits du
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
605
nouveau ministère. La Cour était ainsi d’autant plus justifiée à revenir
sur la politique de l’asile huit ans après sa dernière publication, que les
améliorations intervenues, en cours ou attendues, laissent subsister
d’importants problèmes, notamment en matière de délais de traitement
des dossiers et de disponibilité des places d’hébergement que la récente
remontée de la demande d’asile risque d’aggraver à nouveau.
I
-
Un cadre administratif largement rénové
Le cadre national dans lequel s’inscrit la prise en charge des
demandeurs d’asile a été défini par une loi du 10 décembre 2003,
modifiant celle du 25 juillet 1952 qui faisait elle-même suite à la
Convention de Genève (28 juillet 1951). Il a également intégré la
transposition
des
directives
d’une
politique
qui
s’est
fortement
communautarisée au cours de la dernière période
Le parcours du demandeur d’asile
Dans les pays de l’Union européenne, les conditions d’accueil et les
procédures relatives aux demandeurs d’asile font désormais l’objet de normes
communes. Elles imposent l’hébergement systématique des demandeurs
d’asile ou, à défaut, une prise en charge. De même, en vertu des « accords de
Dublin », le premier pays qui enregistre la demande d’asile a compétence
pour la traiter. Pour autant, certains pays sont des plus réticents à accepter les
dépôts de demandes. D’autres appliquent des règles restrictives quant au
choix de la résidence dans le pays d’accueil pendant l’instruction de la
demande. La France, qui n’oriente pas de manière autoritaire et contraignante
l’hébergement est, à cet égard, plus libérale.
L’étranger, entré régulièrement ou irrégulièrement sur le territoire,
s’adresse
à un service de premier accueil, le plus souvent associatif, qui le
conduit à la préfecture pour déposer sa demande d’asile. Pourvu d’un titre de
séjour provisoire, la question lui est posée de savoir s’il désire un
hébergement en centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). En cas de
refus, il perd ses droits à l’allocation temporaire d’attente (ATA). S’il en a
accepté le principe, il doit s’engager à accepter aussi l’une des propositions
qui lui seront faites. S’il n’est pas possible de lui accorder un hébergement, il
recevra l’ATA pendant toute la durée de l’instruction de sa demande.
Le demandeur d’asile est en effet en position d’attente, et ne peut ni
travailler, sauf dérogation, ni en principe accéder à des formations, pendant la
période d’instruction. Celle-ci, assurée par l’Office français de protection des
réfugiés et apatrides (OFPRA), est fondée principalement sur un entretien
avec un officier de protection. La décision de refus prise par le directeur
général de l’OFPRA est portée par l’intéressé, dans près de 90 % des cas,
606
COUR DES COMPTES
devant une juridiction, la Cour administrative du droit d’asile (CNDA) qui a
remplacé en 2007 la Commission des recours des réfugiés (CRR) et qui
statue en premier et dernier ressort (hors cassation devant le Conseil d’Etat).
A l’issue de la procédure, le demandeur d’asile devient réfugié statutaire (ou
bénéficie de la protection subsidiaire
246
) et entre dans le processus
d’intégration avec notamment
le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) et
ses difficultés (langue, emploi, logement) comme tout primo-immigrant. S’il
est débouté, souvent au terme d’une période de plusieurs mois ou années, il
doit rechercher une voie de régularisation ou solliciter une aide au retour, s’il
veut éviter la clandestinité.
A - La mise en place d’une administration nouvelle
1 -
La création d’un service de l’asile
La Cour avait recommandé l’unification des services chargés de
définir et mettre en oeuvre la politique de l’asile, de l’immigration, de
l’aide au retour et de la naturalisation. C’est chose faite maintenant avec
la création, en 2007, d’un ministère de l’immigration, de l’intégration, de
l’identité nationale et du développement solidaire.
Au sein de ce nouveau ministère un service unifié, composé
essentiellement d’agents provenant, d’une part, de la direction des libertés
publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), d’autre part, de la direction
de la population et des migrations (DPM)
247
, est chargé de la
réglementation relative au droit d’asile et aux réfugiés et de la prise en
charge sociale des personnes concernées.
Les dotations d’ordre social pour l’asile en loi de finances pour 2008
Les centres d’hébergement des demandeurs d’asile (CADA
192, 9 M€
Les dispositifs d’hébergement d’urgence
35, 5 M€
L’allocation temporaire d’attente (ATA)
28, 0 M€
Les plateformes d’accueil
5, 3 M€
Total
261, 7 M€
Ensemble des crédits du ministère
632 M€
246) La protection subsidiaire est accordée aux personnes qui ne remplissent pas les
conditions d’octroi du statut de réfugié mais qui sont sous le coup de menaces graves
(peine de mort, torture….).
247) La DLPAJ conserve toutes ses autres attributions au ministère de l’intérieur, de
l’outre-mer et des collectivités territoriales, alors que la DPM, auparavant au ministère
chargé des affaires sociales, a été dans sa totalité reprise par le nouveau ministère
chargé de l’immigration et éclatée dans ses directions et services.
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
607
Ce premier budget s’est trouvé sous-doté du fait de la reprise de
la demande d’asile en 2008 et de l’établissement des prévisions sur des
données non actualisées
de dépense 2007.
Les synergies résultant de cette création sont cependant limitées
par l’imprécision qui subsiste sur les relations de l’Etat avec les services
déconcentrés et avec les opérateurs. Aucun texte ne traite en effet des
relations entre le nouveau ministère et les services déconcentrés de l’Etat,
qu’il s’agisse des agents des services des étrangers des préfectures et de
ceux de la police aux frontières qui concernent plus directement le service
de l’asile, ou encore de ceux des services des visas ou des services de la
main d’oeuvre étrangère du ministère chargé du travail.
2 -
La séparation de l’organisme instructeur et de l’instance
juridictionnelle
La demande d’asile est traitée en premier lieu par l’Office français
pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), établissement
public administratif et, ensuite, le cas échéant, par la Cour nationale du
droit d’asile (CNDA).
Dépenses de l’OFPRA, intégrant les dépenses de la CNDA :
42, 7 M€ pour 2007
- 28, 4 M€, 67 % pour les services communs, essentiellement la
rémunération des personnels (26, 4) et l’informatique (0,9)
- 7, 3 M€, soit 17 % pour l’OFPRA, dont 4,3 de locations immobilières et
1,2 d’interprétariat
- 7 M€, soit 16 % pour la CNDA, dont 3,5 de locations immobilières et 1,2
d’interprétariat
Sur 655 agents en poste au 31 décembre 2007, 215 travaillent à la CNDA
Source : OFPRA et CNDA ; le budget est commun jusqu’à l’exercice 2008
inclus.
La Cour des comptes avait attiré l’attention sur la situation de cette
juridiction. Placée administrativement
auprès d’un établissement public
(l’OFPRA) qui gérait les moyens humains et financiers nécessaires à son
fonctionnement, elle dépendait ainsi entièrement, en termes de moyens,
de l’organisme dont elle devait juger les décisions. Le rattachement de la
juridiction administrative du droit d’asile au ministère de la justice par
l’intermédiaire du Conseil d’Etat et à son insertion à partir de 2009 au
sein
du
programme
« Conseil
d’Etat
et
autres
juridictions
administratives » de la mission « conseil et contrôle de l’Etat » qui relève
de
la
responsabilité
du
Premier
ministre,
répond
donc
à
la
recommandation de la Cour de lui donner un statut indépendant.
608
COUR DES COMPTES
Un récent rapport « de la CRR à la CNDA »
248
comporte une série
de propositions visant à préparer cette séparation qui est intervenue au
1
er
janvier 2009. A cet égard, la Cour des comptes estimait que la rupture
du lien statutaire avec l’OFPRA ne devrait pas se traduire par des charges
supplémentaires de gestion qui résulteraient de la mise en place de
services
redondants.
Elle
renouvelle
cette
recommandation.
La
comparaison sera cependant difficile si la CNDA, comme elle paraît s’y
engager, s’oriente vers un fonctionnement différent, et notamment si les
présidents de formation de jugement deviennent progressivement des
magistrats à plein temps.
Le nouveau ministère est désormais le tuteur de l’OFPRA. Le
contrat d’objectifs et de moyens, en cours d’établissement avec l’Etat,
devra clarifier les modalités de pilotage et fixer les allocations de
ressources. La résorption du stock de demandes doit demeurer prioritaire
et surtout, ainsi que le recommandait la Cour en 2007, l’établissement
doit savoir faire preuve d’une plus grande réactivité aux variations de
l’activité.
3 -
Le pilotage de l’opérateur en charge du dispositif d’accueil
La Cour, puis les rapporteurs parlementaires du premier budget du
nouveau ministère, ont souligné l’importance d’un pilotage fort des
structures intervenant en matière d’asile. Ils visaient notamment l’agence
nationale pour l’accueil des étrangers et les migrations (ANAEM
249
) qui a
pris, en 2006, la suite de l’OMI (Office des migrations internationales) et
coordonne seule la gestion de l’hébergement dans les centres d’accueil
pour demandeurs d’asile.
Le nouveau service de l’asile considère en effet que le pilotage du
dispositif d’accueil relève désormais de sa compétence, le rôle de
l’ANAEM devant se limiter à la mise en place « d’
un système
informatique de gestion des places de centres d’accueil des demandeurs
d’asile (CADA)
» qui lui avait été assigné à l’origine.
248) Remis au Premier ministre par M. Jacky Richard, conseiller d’Etat, au printemps
2008.
249) L’ANAEM a succédé à l’Office des migrations internationales (OMI).
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
609
L’exploitation du logiciel DN@, achevé à l’automne 2008 après trois
ans de développement sous la responsabilité de l’ANAEM, qui permet le
recensement et la gestion du dispositif d’hébergement, implique, pour le
ministère, la communication au service de l’asile de tout élément
d'observation,
d'analyse, de
diagnostic
et d'appréciation disponible
permettant de connaître et de suivre l'offre et la demande d'hébergement,
aux niveaux national, régional et départemental, ainsi que la situation des
personnes hébergées dans le DNA. Dans ces conditions, le rôle de
l’ANAEM se limite désormais à celui d’un prestataire de services.
Toutefois, les cartes seront encore rebattues à l’occasion du projet de fusion
entre l’ANAEM et les services de l’ACSé
250
qui gèrent les formations
linguistiques dans un Office français de l’immigration et de l’intégration
(OFII) qui devrait être mis en place en 2009. Cette perspective répond aux
recommandations de la Cour qui avait souligné, en 2004, la complexité du
paysage administratif et demandé une simplification des structures
existantes.
B - Une plus grande cohérence dans le traitement et du
premier accueil et de l’admission au séjour
1 -
La rationalisation du premier accueil
En fin d’année 2007, dans un contexte de baisse de la demande
d’asile et de réduction des crédits dédiés au financement des plates-formes
de premier accueil, la décision a été prise de supprimer les plates-formes
associatives de 37
départements à faible flux (nombre moyen de
demandeurs d’asile inférieur à 10 par mois) après une période intermédiaire
de trois mois. Les demandeurs d’asile y seront pris en charge par des
structures généralistes accueillant l’ensemble des personnes en difficulté.
Par ailleurs, l’ANAEM doit développer son activité d’accueil des
demandeurs d’asile lorsqu’elle en a les moyens. Son réseau ne lui permet
pas de remplacer partout les structures associatives fermées, mais elle
interviendra désormais dans 25 départements. Dans 8 d’entre eux où les
flux sont importants, elle sera en outre chargée de la demande
d’hébergement en articulant son activité avec celle de la plate-forme
associative existante, qui ne sera maintenue qu’avec des missions redéfinies
et un budget réduit. L’agence estime pouvoir assurer toutes les tâches
relevant du premier accueil des demandeurs d'asile, à l'exception de la
domiciliation, de l'aide à la rédaction des demandes d'asile, de la gestion de
l'hébergement d'urgence et enfin, de l'aide à la rédaction des demandes de
régularisation pour les déboutés.
250) Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.
610
COUR DES COMPTES
Cette évolution s’inscrit, pour le ministère, dans une perspective de
réforme globale permettant de renforcer le rôle des services régionaux
de
l’Etat dans la gestion du premier accueil. A terme, ne subsisterait ainsi
qu’une plate-forme par région, dans le cadre d’une convention avec
l’Etat. Les moyens mis au service de cette mission par l’ANAEM (futur
OFII) devront être évalués précisément.
2 -
La régionalisation de l’admission au séjour
La régionalisation de la gestion des procédures d’admission au
séjour des demandeurs d’asile a commencé en juin 2006 avec deux
régions, puis trois autres en 2007. Six nouvelles régions sont entrées en
2008 dans l’expérimentation, sans que l’on enregistre pour autant une
concentration des nouvelles demandes dans les départements chefs-lieux
de région
251
.
Le regroupement du traitement des demandes au chef-lieu de
région garantit une meilleure qualité et une meilleure sécurité juridique. Il
concourt également à réduire la dépense en nombre de bornes Eurodac
252
.
Enfin, en rassemblant le pilotage du dispositif d’accueil et l’admission au
séjour sous la responsabilité du préfet de région, cette réforme devrait
avoir un effet positif sur le coût de l’accompagnement social.
La généralisation de l’expérience de régionalisation des nouvelles
demandes est prévue en 2009. Mais les capacités des préfectures de
région à assurer efficacement l’accueil des demandeurs d’asile devraient
être plus précisément évaluées.
II
-
La difficile maîtrise des délais de traitement
des demandes
Le demandeur d’asile doit, s’il y a droit, bénéficier de la protection
au plus tôt. En outre, une procédure trop longue a un coût social évident
et encourage le dépôt de demandes ayant pour unique but de prolonger le
séjour sur le territoire national : plus l’instruction est lente, et plus la
reconduite à la frontière est difficile.
251) la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile est
actuellement effective dans 11 régions : Haute Normandie et Bretagne (depuis 2006),
Champagne-Ardenne,
Basse-Normandie
et
Aquitaine
(depuis
2007),
Poitou-
Charentes, Franche-Comté, Auvergne, Picardie, Limousin et Lorraine (depuis 2008).
Une expérimentation est prévue en 2009 dans 5 nouvelles régions (Bourgogne,
Centre, Languedoc-Roussillon, Nord-Pas de Calais, Pays de Loire).
252) Dispositif permettant l’échange d’informations entre Etats basé sur la prise
d’empreintes des demandeurs d’asile (accords de Dublin).
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
611
A - Les efforts de réduction encore insuffisants
L’impératif de réduction, déclaré prioritaire dès le 14 juillet 2002
par le Président de la République, a été rappelé en 2006. Il est inscrit dans
le plan de performance de son ministère de tutelle en 2007.
1 -
Une période de rattrapage
La réduction, que le ministère qualifie de spectaculaire, de la durée
du traitement (instruction et recours) de la demande d’asile a été atteinte
par différents moyens, et notamment par les modifications de textes
intervenues en 2003 et 2004. Par ailleurs, l’augmentation des moyens en
personnels, locaux et crédits, a permis de résorber les stocks de dossiers,
tant à l’OFPRA qu’à la CNDA. Il n’en reste pas moins que le délai actuel
est de 17 mois.
Plusieurs propositions parlementaires qui visaient la réduction des
délais n’ont pas abouti en raison d’une forte opposition des associations.
La diminution de la demande nouvelle (jusqu’au premier semestre
2008) et la résorption des dossiers anciens ont contribué à faire diminuer
fortement la durée de traitement des dossiers. Mais les perspectives
d’évolution des délais doivent être tracées avec prudence. C’est ainsi
qu’en 2006 et 2007 la poursuite de la résorption du stock de dossiers en
instance à la CNDA se traduit par un allongement mécanique, mais
modéré, des délais dû à la prise en compte des dossiers anciens.
L’OFPRA entend adapter la formation professionnelle de ses
agents, renforcer le rôle de la documentation dans la phase d’instruction,
accroître la représentation devant la juridiction, et assurer de nouvelles
missions dans les pays d’origine. Il prévoit l’aboutissement du projet de
numérisation des documents avec la mise en oeuvre en 2008 d’une
application pilote, et des études de faisabilité de logiciels de
reconnaissance vocale et de traitement informatisé du courrier, mais il
serait utopique d’attendre de ces mesures d’amélioration de la
productivité des évolutions majeures.
612
COUR DES COMPTES
2 -
Le recours à des procédures spécifiques
a)
La procédure prioritaire
Le préfet peut demander à l’OFPRA de statuer en procédure
prioritaire
253
, dans un délai de 15 jours, lorsque l’autorisation provisoire
ou son renouvellement est refusée. Ces délais sont difficiles à tenir,
notamment par l’organisation des entretiens. Pour 64 %, les procédures
prioritaires appliquées à des premières demandes sont traitées dans un
délai de 15 jours en 2006. Le délai médian est de 14 jours.
Par ailleurs, le classement en procédure prioritaire des demandes
de réexamen, considérées souvent comme un mode de recours abusif dès
lors
qu’aucun
élément
nouveau
n’est
intervenu,
explique
une
augmentation du recours à cette procédure.
Il est difficile d’évaluer l’impact de la réduction des délais
d’instruction dans la mesure où la part des procédures prioritaires tend à
diminuer par rapport à la demande d’asile globale (moins 21 % en 2007).
En 2007, le nombre de dossiers traités en procédure prioritaire à
l’OFPRA a été de 8 376 soit 28 % de la demande d’asile hors mineurs
accompagnants. Sur le total, 3 448 demandes examinées en procédure
prioritaire étaient des premières demandes.
La procédure prioritaire est utilisée pour 30 % des dossiers instruits
par l’OFPRA, dont 16 % en raison de leur provenance des pays d’origine
sûrs.
b)
Les pays d’origine sûrs
La notion de « pays d’origine sûrs » est européenne : les
demandeurs d’asile, ressortissants de ces pays, peuvent, depuis l’arrêt du
Conseil d’Etat du 16 juin 2008, bénéficier de l’ATA ; leur recours
éventuel devant la CNDA n’est pas suspensif.
Les désaccords persistants entre les Etats membres ont conduit
plusieurs d’entre eux à établir des listes nationales. C’est le cas de la
France qui a introduit cette procédure par la loi du 10 décembre 2003. Le
conseil d’administration de l’OFPRA a, en liaison avec les ministères
intéressés, élaboré successivement deux listes de douze pays en 2005 et
253) Procédure d’examen accéléré concernant les personnes ressortissants des pays
d’origine sûrs, ou dont la présence en France est une menace grave pour l’ordre
public, ou dont la demande d’asile est considérée comme dilatoire, abusive ou
frauduleuse.
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
613
cinq autres pays en 2006. Toutefois, la seconde a été partiellement mise
en cause par le Conseil d’Etat le 13 février 2008 pour les demandeurs
provenant d’Albanie et du Niger.
Par circulaire du 7 mars 2008, le ministère a invité les préfets à
placer les demandeurs d’asile provenant de ces pays en procédure
normale. Mais il a admis que les listes pourront être complétées et
modifiées par le conseil d’administration de l’OFPRA. Une révision à
périodicité régulière de la liste par cette instance permettrait d’actualiser
la situation des dits pays, dans l’attente de la liste européenne.
La demande en provenance de ces pays sûrs a fortement baissé,
pratiquement dans tous les pays concernés, puisqu’elle ne dépasse pas
5 % du total des demandes en 2007 avec 1 519 dossiers (réexamens
compris) : elle était de 6 % en 2006.
Les procédures prioritaires et le dispositif des pays d’origine sûrs
contribuent ainsi à réduire les délais. Leur mise en oeuvre doit être suivie
avec attention.
3 -
Le développement des missions et audiences foraines
L’OFPRA a renoncé à la « déconcentration » partielle de ses
services, notamment en raison de la difficulté d’assurer partout
l’interprétariat dans les diverses langues concernées. Il a cependant
installé en Guadeloupe une antenne pour les trois départements français
d’Amérique. Par ailleurs, l’Office n’exclut pas la possibilité de se rendre
temporairement sur place en cas d’afflux massif de réfugiés. C’est ainsi
qu’au premier semestre, il a traité directement des demandes à Mayotte et
à la Réunion, suite aux évènements d’Anjouan. De même, ces dernières
années, la CNDA a tenu en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte, des
audiences foraines dont
les résultats ont été positifs
B - Les incidences de l’évolution des procédures
juridictionnelles
1 -
L’augmentation du nombre de renvois
Le taux moyen de renvoi d’affaires lors des audiences par les
formations de jugement de
la CNDA, 23 % en 2005 et 24,4 % en 2006,
atteint 28,5 % en 2007. La tendance à l’accroissement se confirme, au
point que le retour au taux de 2002 (30 %) pourrait intervenir dès cette
année. De plus, l’établissement des audiences, deux mois à l’avance,
reporte au minimum de quatre mois une affaire renvoyée.
614
COUR DES COMPTES
Cette évolution est due principalement à la qualité croissante des
dossiers, du fait de l’intervention des travailleurs sociaux en CADA, de
l’action de nombreuses associations ainsi que de celle des avocats.
Sur 2 737 dossiers enrôlés aux 182 audiences de mars-avril 2008,
755, soit 27,6 %, ont fait l’objet d’un renvoi. Le problème n’a pas échappé
au président de la CNDA, qui a alerté les présidents de section et tenté de
poser des règles susceptibles de limiter les renvois.
2 -
Les incidences des réouvertures
Les réouvertures en raison d’éléments nouveaux postérieurs à la
décision d’origine de refus, dont le nombre n’est pas négligeable (6 088 en
2007), sont parfois utilisées comme un moyen de demeurer en France en
faisant obstacle à l’autorité de la chose jugée. Indépendamment de cet
aspect, elles peuvent constituer un facteur de charges supplémentaires pour
l’Etat.
Lorsque l’OFPRA est saisi, soit le débouté peut à nouveau
bénéficier du dispositif social du demandeur d’asile s’il dispose d’une
nouvelle autorisation provisoire de séjour délivrée par le préfet ; soit le
plus fréquemment, il statue en procédure prioritaire, ce qui interdit, dès
lors, l’hébergement en CADA ou le versement de l’ATA.
En pratique la réalité est différente : le débouté, qui a pu rester
hébergé en CADA, peut faire valoir les difficultés de trouver un logement
pendant la période de l’instruction de sa demande de réouverture. Si la
pression pour les entrées dans le CADA n’est pas trop forte, il aura toutes
chances d’y demeurer.
Plus le dossier d’un demandeur d’asile sera traité rapidement après
son entrée sur le territoire national, moins la demande de réouverture, sauf
moyen dilatoire, interviendra.
3 -
Des audiences de plus en plus lourdes
Le taux de recours à un avocat continue d’augmenter : 61,4 % des
dossiers enrôlés en 2007 en ont bénéficié contre 53,9 % en 2006.
La même progression se retrouve dans le taux de constitution d’avocat
pour les affaires jugées (61,4 % en 2007 contre 46,2 % en 2006, et autour
de 70 % en 2008). Alors que sur une audience traitant actuellement
15 demandes, 7 au plus étaient appuyées par un avocat en 2006, la norme
est aujourd’hui de 11, ce qui influe sur les taux de renvoi et sur la durée
des audiences.
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
615
Les variations du nombre de demandes d’aide juridictionnelle n’ont
eu jusqu’alors que peu d’effet ; la CNDA avait entrepris, depuis trois ans,
un travail important de mise à jour qui a porté ses fruits, malgré le fait que
le projet d’une informatisation intégrée de la chaîne de traitement n’ait pas
encore abouti. La situation se complique toutefois avec l’augmentation
prévisible de la demande suite à l’abandon au 1
er
décembre 2008 de
l’exigence de l’entrée régulière sur le territoire national pour en bénéficier.
Les incidences de cette modification, due à la transposition d’une directive
européenne, sont multiples : répercussions en nombre de demandes d’aide
juridictionnelle à traiter par le bureau concerné de la CNDA, conséquences
sur le traitement des recours, le nombre d’affaires plaidées devant la
juridiction augmentant fortement, entraînant au moins dans un premier
temps, un allongement des délais à la CNDA.
En définitive, la durée de traitement des dossiers va inévitablement
augmenter. Il est illusoire de penser obtenir une réduction du délai global
de traitement OFPRA/CNDA, sauf à réduire les délais de procédure par
des textes, ce qui n’est pas actuellement envisagé.
III
-
L’optimisation de l’occupation des capacités
d’hébergement
A - La persistance des problèmes d’hébergement
1 -
Un effort incontestable d’augmentation des capacités
Afin de respecter au mieux les règles européennes imposant
l’hébergement des demandeurs, le nombre des centres est passé de 151 en
2002 à 274 en 2008 et celui des places de 10 317 à 20 410. Tous les
départements métropolitains, sauf la Corse, disposent aujourd’hui de
CADA.
Cette
sensible
augmentation
des
capacités
d’accueil
s’est
accompagnée d’un
ensemble de décisions destinées à améliorer la gestion
du dispositif : pilotage du dispositif par les préfets de région, gestion
informatique des capacités d’hébergement, et réforme de l’allocation
d’insertion (AI) devenue allocation temporaire d’attente (ATA) qui n’est
désormais plus versée en cas de refus de l’ hébergement proposé.
Quatre
organismes,
ADOMA
(anciennement
SONACOTRA),
l’Association française pour les travailleurs africains et malgaches
(AFTAM), France terre d’asile (FTDA) et l’associations Forum réfugiés
(FR) gèrent plus de la moitié des places de CADA. ADOMA, qui assume
616
COUR DES COMPTES
en outre la gestion du dispositif d’urgence dans des accueils d’urgence des
demandeurs d’asile (AUDA), est devenu un opérateur majeur du dispositif
d’hébergement en matière d’asile.
254
2 -
La réduction de la demande nouvelle
Dans le même temps, la réduction des délais de traitement des
demandes par l’OFPRA et la CNDA, se conjuguait avec une réduction du
nombre de primo-demandeurs d’asile qui passait de 52 204 en 2003,
compte non tenu de l’asile territorial dans les préfectures, abandonné
depuis, à 28 209 en 2007 (mineurs accompagnants compris). Cette
baisse
du flux des demandeurs d’asile (- 15 % en 2005 et - 38 % en 2006) s’est
poursuivie en 2007 quoiqu’ à un rythme moins soutenu (- 4 %).
3 -
L’insuffisance des résultats
En dépit de cette conjonction d’augmentation des capacités et de
réduction de la demande, seuls 11 507 demandeurs d’asile ont été admis en
CADA au cours de l’année 2007 sur 20 410 places. Ainsi l’augmentation
des capacités et la baisse du flux global de demandes d’asile ont
simplement permis le maintien du taux d’accès au dispositif au niveau
atteint en 2006 soit 38 % (admission en CADA rapportées au flux des
premières demandes mineurs compris). La situation risque en conséquence
de se détériorer avec la nouvelle hausse prévisible des arrivées.
Au demeurant, le taux d’accès à l’hébergement est supérieur à la
moyenne dans 15 régions totalisant 48 % du flux global de l’asile et
dépasse même 50 % dans 11 régions totalisant 37 % de ce flux ; à
l’inverse, il est inférieur dans 6 régions.
Cette situation tient à certaines rigidités dans les conditions
d’occupation :
a) Environ 1 920 places de CADA, soit 9,4 %, étaient occupées
indûment fin mars 2008, alors que seule une bonne rotation des occupants
en CADA peut permettre l’accueil des nouveaux arrivants.
b) Des centres sont sous-occupés, notamment dans les départements
à très faible flux de demandeurs d’asile. Cette sous-occupation est d’autant
plus critiquable qu’elle oblige au maintien des demandeurs d’asile qui
pourraient y accéder dans les dispositifs d’accueil d’urgence des
départements sous tension.
254) ADOMA : 4 308 places et 1 500 places d’accueil d’urgence, AFTAM 2 748,
FTDA 2 306 et FR 440.
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
617
c)
L’évolution
fréquente
des
configurations
familiales
des
demandeurs (familles avec enfants ou personnes isolées) rend parfois
difficile l’occupation optimale des CADA. Le fait que le ministère ne
dispose pas de crédits d’investissement et qu’il ne puisse financer les
CADA que par des crédits de fonctionnement inscrits dans leur dotation
globale, nuit sans aucun doute à la rapidité de l’exécution de travaux qui
permettraient une plus grande souplesse d’adaptation à ces évolutions.
L’amélioration de la situation due à l’augmentation des capacités
des CADA risque donc d’être partiellement ou totalement annulée par les
effets mal anticipés de la garantie d’hébergement prévu par la loi du 10
décembre 2003 et la nouvelle hausse de la demande. Il est peu probable
que la décision de créer de nouveau 500 places de CADA en 2010 puis à
nouveau en 2011 suffira à répondre à cette conjonction.
4 -
Une conséquence financière : le coût de l’allocation temporaire
d’attente (ATA)
Une allocation spécifique est accordée aux demandeurs d’asile qui
ne peuvent bénéficier d’un hébergement. L’octroi de l’ATA, par l’Unédic,
doit être accompagné de l’acceptation par le demandeur d’un hébergement
en CADA, dès lors qu’une disponibilité se présente et quelle qu’en soit la
localisation sur le territoire. Elle est versée tant que l’hébergement dans un
centre n’est pas assuré.
Il arrive cependant que le versement de la prestation soit prolongé
de quelques mois après l’entrée des demandeurs d’asile dans les CADA
alors que le bénéfice de l’hébergement est exclusif de l’allocation, au
risque de la création d’indus que l’Unédic a le plus grand mal à recouvrer.
Le ministère a indiqué prendre la mesure de ces divers phénomènes,
alors que la demande d’asile recommence à croître et que le financement
de
l’allocation
risque
de
s’alourdir.
Le
budget
est
d’ailleurs
vraisemblablement sous-doté : le programme 303 prévoit 28 M€ à ce titre
en 2008, alors que les crédits consommés en 2007 ont atteint 47,1 M€ pour
38 M€ prévus en loi de finances initiale.
Le circuit de transmission des données à l’Unédic devrait également
être revu et modifié de façon à améliorer la gestion de l’ATA, notamment
après l’entrée en CADA.
Enfin, un décret en préparation devrait traiter de la récupération des
indus. Toutefois, il ne semble pas envisagé de lier la récupération de ces
indus au circuit financier de versement de l’allocation mensuelle de
subsistance (AMS) aux demandeurs d’asile en CADA, alors qu’il s’agit
618
COUR DES COMPTES
des mêmes personnes. Il est vrai que ce financement ne dépend pas de
l’Unédic, mais de la dotation globale attribuée aux centres.
L’ATA étant conçue comme une alternative à l’hébergement en
CADA, il reste nécessaire de présenter rapidement des propositions
d’hébergement à tous les bénéficiaires.
B - Les améliorations nécessaires
1 -
La coordination des démarches d’accompagnement
administratif, social et médical
La réforme en cours de la procédure du premier accueil pouvait
laisser subsister diverses formes de doublons dans l’accompagnement,
financé à la fois au titre de l’accompagnement social du premier accueil
par le ministère et des dépenses générales des CADA en faveur des
demandeurs d’asile ayant obtenu leur autorisation provisoire de séjour ; ce
point devait être clarifié.
La circulaire du 24 juillet 2008 relative à la prise en charge des
demandeurs d’asile dans les CADA apporte quelques correctifs à celle du
29 mars 2000. Par ailleurs, la rationalisation et l’harmonisation de la
gestion des plates-formes, notamment leur gestion par l’ANAEM, devrait
contribuer
à
séparer
encore
davantage
les
deux
étapes
de
l’accompagnement social et administratif. C’est en tout cas un objectif à
atteindre, notamment dans un contexte d’accroissement prévisible de la
demande d’asile, afin d’éviter les doubles financements.
En matière d’accompagnement médical, les réflexions sont moins
avancées. Une même personne peut ainsi devoir passer plusieurs visites
médicales obligatoires, dont les financeurs sont différents, en l’espace de
quelques mois. Le ministère, qui a lancé des travaux, convient que ces
diverses obligations sont à la fois difficilement respectées et redondantes ;
il devrait avant tout viser à mieux les articuler
.
2 -
Une meilleure gestion des sorties
Un décret du 23 mars 2007 relatif aux CADA insiste ainsi sur la
nécessité de veiller à ce que les réfugiés et déboutés sortent des centres
dans des délais assez courts (trois mois renouvelables une fois après
l’obtention du statut, ou un mois pour les déboutés sauf demande de retour
volontaire. Toutefois la sortie définitive nécessite l’accord du préfet, qui
peut ne pas l’accorder, et dépend de conditions telles que l’accès des
réfugiés au logement ou des déboutés à l’aide au retour volontaire.
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
619
a)
La sortie des réfugiés statutaires
Pour sortir des CADA, les réfugiés doivent pouvoir disposer d’un
logement. Or l’accès au logement, dans un contexte national déjà
difficile, est encore compliqué par l’entrée en vigueur du droit au
logement opposable.
Une première solution pourrait être de recourir aux places des
centres provisoires d’hébergement (CPH), mais l’entrée et la sortie y sont
de plus en plus restreintes, d’autant que le ratio de places de CPH par
rapport aux places de CADA s’est dégradé avec le développement de ces
dernières. De 5,8 en 2005, il est passe
à 5,2 en 2006, puis à 5 en 2007.
Rétablir l’équilibre de ce ratio éviterait l’engorgement en amont
des CADA, notamment si le nombre des places prévues doit encore
croître de 1 000 unités. Toutefois, les perspectives budgétaires pour la
période 2009-201l ne permettent pas d'anticiper l'augmentation de la
capacité des CPH dans des proportions comparables à celles que le parc
de CADA a connues au cours des dernières années.
Une autre voie consisterait à
recourir davantage à l’article 30 de la
loi du 20 novembre 2007, qui prévoit un accompagnement personnalisé
pour l’accès à l’emploi et au logement des réfugiés ayant signé un contrat
d’accueil et d’intégration (CAI). Cette possibilité d’accompagnement
individuel n’est pas suffisamment utilisée. Développer davantage l’accès
aux droits des réfugiés nécessite des mesures concrètes, au-delà de
l’affirmation de la nécessaire mobilisation des outils de droit commun et
de la conclusion de conventions entre l’ensemble des parties prenantes.
Dans ces conditions, en matière de logement, le service de l’asile
compte beaucoup plus sur les actions déjà financées par l’Etat, innovantes
mais moins coûteuses pour lui, telles que les projets « Accelair » de
Forum Réfugiés ou « RELOREF » développé par FDTA. Il privilégie
également la conclusion de partenariats entre acteurs concernés (bailleurs
publics et privés, collectivités locales, etc.) : le dispositif mis en place en
Ille-et-Vilaine pour l’accès au logement des réfugiés statutaires lui semble
pouvoir servir de référence, ainsi que les dispositifs d'hébergement et
d'accompagnement des réfugiés et bénéficiaires de la protection
subsidiaire en Ile-de-France (DPHRS) et en Rhône-Alpes (CADA-IR).
Mais rien n’assure que la mise en oeuvre de ces actions alternatives soit
susceptible de pallier le trop faible recours aux solutions précédentes.
620
COUR DES COMPTES
b)
La sortie des déboutés
Plus de 50 % des déboutés ne reçoivent aucun titre de séjour.
Même si certains réussissent au cas par cas à obtenir une régularisation ou
une admission exceptionnelle au séjour, la plupart n’ont aucun droit au
maintien sur le territoire. Dans ces conditions, leur retour dans le pays
d’origine devrait être organisé d’une façon beaucoup plus systématique et
rapide que par le passé, afin d’éviter leur glissement vers la clandestinité
et le renforcement de l’immigration illégale.
Le
ministère
semble
vouloir
confier
au
futur
opérateur
ANAEM/OFII la mission d’'augmenter substantiellement le nombre de
retours volontaires pour les déboutés, particulièrement ceux hébergés en
CADA.
L'opérateur
pourrait
notamment
garantir
de
proposer
systématiquement l'aide au retour à l'ensemble des déboutés. Des visites
d'information fréquentes, assurées par l'opérateur, seraient organisées
dans les CADA et une convocation écrite des déboutés non hébergés leur
serait adressée par les directions territoriales. En outre, en coordination
avec les préfectures, la notification d'une obligation de quitter le territoire
serait liée à la proposition d'une aide au retour volontaire. L'opérateur
pourrait améliorer son système d'information et être en mesure de
produire des données statistiques régulières relatives à ce dispositif.
3 -
Le suivi du financement des CADA
Le système de financement des centres incite peu à la fluidité de
l’occupation. Les CADA fonctionnent en effet avec une dotation globale
de fonctionnement, comme le prévoit l’article R.314-105 du code de
l’action sociale et des familles (CASF) qui continue à aligner leur régime
financier sur ceux des centres d’hébergement et de réinsertion sociale
(CHRS). Une fois la dotation attribuée, les gestionnaires n’ont pas
d’intérêt particulier à modifier la structure de la population qu’ils
accueillent, puisqu’elle est totalement neutre financièrement.
Tout en maintenant le financement sous dotation globale de
financement, le ministère s’attache cependant à renforcer le pilotage du
préfet de département. Lors de l'examen des comptes administratifs des
CADA relatifs à l'année n, le préfet peut ainsi
minorer la dotation
budgétaire de l'année n+2 à concurrence des dépenses de prise en charge
au cours de l'année n de personnes indûment maintenues dans la structure.
Cette disposition n'a pas ou très peu été utilisée jusqu'à présent.
La
circulaire du 24 juillet 2008 relative aux missions des CADA et aux
modalités de pilotage du DNA appelle à son application immédiate afin
de réduire, dès les dotations globales 2009, les présences indues. Sinon, et
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
621
bien que le ministère n’y soit pas favorable, le passage à un financement
au
prix de journée risque de s’imposer à terme.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La Cour constate de nombreuses améliorations dans la prise en
compte des demandes d’asile. La définition d’un nouveau cadre
administratif permettant à un service unique de piloter l’ensemble du
système ainsi que l’amélioration de certaines procédures sont de nature à
simplifier la prise en compte des dossiers. Elle souligne cependant que
l’effort entrepris pour clarifier les rôles respectifs des divers intervenants
doit être poursuivi, alors même que la création d’un nouvel opérateur
(OFII) est envisagée. Le traitement des dossiers dans des délais aussi
brefs que possible conditionne largement le bon fonctionnement du
système, et doit faire l’objet d’une vigilance constante : une adaptation
des moyens en cas de tension doit être possible. L’effort entrepris pour
améliorer les conditions d’hébergement doit également être poursuivi.
L’indispensable
fluidité
des
entrées/sorties
en
CADA
doit
être
recherchée.
Sur l’ensemble du sujet, la Cour formule les recommandations
suivantes :
Pour le ministère, les services déconcentrés et les opérateurs
1) malgré la difficulté des prévisions en matière de flux de
demandeurs d’asile, s’attacher à présenter un budget sur des bases
réelles : durée de séjour en CADA, délai d’instruction des dossiers par
OFPRA/CNDA ;
2) préciser
les
relations
du
ministère
avec
les
services
déconcentrés de l’Etat et avec les opérateurs, notamment clarifier la
répartition des rôles entre le ministère et l’ANAEM ;
3) définir avec précision les missions de l’ANAEM/OFII en
matière d’asile, évaluer précisément les moyens qui devraient être mis au
service de la mission de premier accueil et préciser le rôle de l’opérateur
en matière d’aide au retour volontaire ;
4) analyser de manière systématique la qualité de l’accueil des
demandeurs d’asile dans les préfectures de région ;
622
COUR DES COMPTES
Pour l’OFPRA et la CNDA
5) poursuivre la résorption du stock de demandes et surtout
permettre à l’OFPRA et à la CNDA d’avoir une grande réactivité aux
variations de leur activité ;
6) suivre attentivement l’évolution de la durée de traitement des
dossiers, en veillant également à ce que la séparation des deux
organismes n’ait pas d’impact sur ce point ;
7) veiller à ce que la
rupture du lien statutaire de la CNDA avec
l’OFPRA
ne se
traduise pas par des charges supplémentaires ;
8) réviser à périodicité régulière la liste des pays d’origine sûrs
dans l’attente d’une liste européenne et suivre avec attention la mise en
oeuvre des procédures prioritaires ;
Pour l’entrée, l’hébergement et la sortie des CADA
9) présenter rapidement des propositions d’hébergement à tous les
bénéficiaires de l’ATA, celle-ci n’étant conçue que comme une alternative
à l’hébergement en CADA ;
10) mettre fin à la sous-occupation des CADA de quelques
départements, et rechercher la meilleure adaptation possible des CADA
aux configurations familiales évolutives (familles avec enfants, personnes
isolées) ;
11) appliquer, dès les dotations globales 2009, la règle de
diminution des budgets de l’année n+2 pour réduire les présences indues
en CADA ;
A défaut, envisager un autre mode de financement,
éventuellement sur prix de journée ;
12) séparer davantage les deux étapes de l’accompagnement
social et administratif, afin d’éviter les doubles financements au titre des
plates-formes de premier accueil et des CADA,
et mener à bien la
coordination des visites médicales ;
13) rétablir l’équilibre du ratio places de CPH sur places de
CADA pour éviter l’engorgement en amont des CADA ;
14) recourir davantage à l’article 30 de la loi du 20 novembre
2007, qui prévoit un accompagnement personnalisé pour l’accès à
l’emploi et au logement des réfugiés ayant signé un contrat d’accueil et
d’intégration.
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
623
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DE
L’INTÉGRATION, DE L’IDENTITÉ NATIONALE ET DU
DÉVELOPPEMENT SOLIDAIRE
L’ insertion de la Cour des comptes « La prise en charge de la
demande d’asile : des améliorations à poursuivre » appelle un certain
nombre de remarques de la part du ministère de l’immigration, de
l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.
Le contexte dans lequel s’exerce la mission d’accueil et de prise en
charge sociale des demandeurs d’asile est extrêmement changeant. Après
une baisse importante de la demande constatée entre 2005 et 2007, on
constate une hausse sensible des flux depuis le début de l’année 2008, de
près de 15 %.
En dépit de ces évolutions, le ministère chargé de l’immigration, qui,
pour la première
fois, regroupe l’ensemble des compétences en matière
d’asile auparavant dispersées entre trois
ministères,
poursuit
avec
constance le double objectif :
- de garantir l’exercice du droit d’asile en mettant en oeuvre des
procédures d’instruction impartiales et approfondies des demandes
dans des délais maîtrisés ;
- d’améliorer les conditions de prise en charge des demandeurs d’asile.
Plusieurs axes de travail importants peuvent être mentionnés au titre
de l’amélioration des procédures :
- la prochaine conclusion du contrat d’objectifs et de moyens avec
l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui
mettra l’accent sur la nécessaire réactivité de l’établissement face aux
fluctuations, par hypothèse difficilement prévisibles, de la demande
d’asile ;
- la réforme, en cours, de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA)
constituera également un volet important de la politique d’asile dans
l’année qui vient : le ministère accordera ainsi une attention
particulière à cette réforme menée par le Conseil d’Etat, le
fonctionnement de cette juridiction ayant des conséquences directes
sur le budget qu’il gère ; à cet égard, les mesures de réorganisation
préconisées
par
M.
Jacky
Richard
et
notamment
la
professionnalisation d’une partie des présidents de formations de
jugement devraient permettre une réduction sensible des délais de
procédure ;
- l’extension à de nouvelles régions de la régionalisation de l’admission
au séjour, après une période d’expérimentation permettant d’effectuer
un bilan de la réforme ;
624
COUR DES COMPTES
- la révision à échéances régulières, et sous le contrôle du juge, de la
liste des pays d’origine sûrs (le réexamen de la situation de l’ensemble
des 15 pays figurant actuellement sur la liste est en cours).
Dans ce cadre, la modernisation des procédures d’accueil repose sur
l’accélération des procédures d’admission dans les centres d’accueil pour
demandeurs d’asile et sur un pilotage renforcé du dispositif national
d’accueil.
1. Les relations entre l’Etat et l’Agence nationale de l’accueil des
étrangers et des migrations (ANAEM) : le pilotage par l’Etat, la coordination
par l’ANAEM
Les relations entre l’Etat et l’Agence nationale de l’accueil des
étrangers et des
migrations (ANAEM) en matière de prise en charge des
demandeurs d’asile sont clairement établies : en effet, depuis 2004, le
ministère chargé de l’immigration assure le pilotage du dispositif national
d’accueil des demandeurs d’asile, tandis que l’ANAEM en assure la
coordination et la gestion.
Cette mission de coordination et de gestion, confiée à l’opérateur en
vertu des articles L. 5223-1 du code du travail et L. 348-3 du code de l’action
sociale et des familles dépasse la simple mission de mettre en place un
système d’information, et requiert une technicité et une connaissance du
terrain très fines qu’un opérateur de l’Etat doté de structures territoriales est
le mieux à même de posséder. La gestion et la coordination du DNA ainsi
organisées sont satisfaisantes et le ministère entend confirmer le futur Office
français de l’immigration et de l’intégration (OFII), qui succédera au début
de 2009 à l’ANAEM dans cette mission.
La mise en oeuvre du système d’information, de gestion et de pilotage
du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DN@), permet de
conforter le rôle de l’ANAEM, l’Agence bénéficiant désormais d’une vision
exhaustive de l’activité des centres d’accueil pour demandeurs d’asile
(CADA) lui permettant d’affiner sa gestion et son suivi des centres.
2. Le premier accueil des demandeurs d’asile : la rationalisation en
cours des missions et du réseau
Les plates-formes d’accueil, tout comme les CADA, assurent une
mission
d’accompagnement
administratif
et
social
des
demandeurs
d’asile ;
il
est
essentiel
de
rappeler
que
ces
interventions
sont
complémentaires et en aucun cas redondantes, l’intervention des
plates-
formes et des CADA se situant à différents moments de la procédure.
En effet, les plates-formes accueillent les demandeurs d’asile au
premier stade de la procédure et les délais d’admission en CADA peuvent
dépasser le délai laissé aux demandeurs d’asile pour déposer leur dossier
auprès de l’OFPRA ; il est donc indispensable de prévoir un soutien
administratif avant l’admission en centre.
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
625
En outre, certains demandeurs d’asile (personnes en procédure
prioritaire ou sous convocation Dublin) ne peuvent prétendre à un accès en
CADA et ne peuvent par conséquent bénéficier que des prestations sociales
administratives proposées par les plates-formes. Dès l’entrée en CADA, la
plate-forme
perd
bien
entendu
sa
compétence
d’accompagnement
administratif et social au profit du centre.
De manière générale, la réforme engagée des modalités d’accueil et
d’accompagnement des demandeurs d’asile poursuit un double objectif
d’économies budgétaires et de rationalisation d’un réseau de structures
associatives d’accueil très hétérogènes.
3. Le pilotage renforcé du dispositif national d’accueil : des résultats
significatifs
La directive européenne 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003
relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans
les Etats membres prévoit que les « conditions d’accueil matérielles peuvent
être fournies en nature ou sous la forme d’allocations financières ou de bons
ou en combinant ces deux formules. » (article 13-5). La France a retenu cette
troisième option, en organisant l’hébergement des demandeurs d’asile en
CADA et en prévoyant, au bénéfice des demandeurs d’asile qui ne peuvent
pas être hébergés en centres, le versement de l’allocation temporaire
d’attente (ATA).
L’accès aux CADA et la rotation des personnes hébergées dans les
centres
s’améliorent sensiblement d’année en année.
En effet, le taux
d’hébergement en CADA des demandeurs d’asile en cours de procédure
remplissant les conditions d’accès à ce type d’hébergement est de 55 % au
30 septembre 2008, contre 50 % au 31 décembre 2007, 46 % au 31 décembre
2006 et 27 % au 31 décembre 2005. De même, le pourcentage des
demandeurs d’asile hébergés en CADA sur la totalité des personnes en cours
de procédure hébergées dans un dispositif pour demandeurs d’asile financé
par l’Etat s’élève à 74 % au 30 septembre 2008, contre 68 % au 31 décembre
2007, 58 % au 31 décembre 2006 et 48 % au 31 décembre 2005.
En outre, les efforts réalisés permettent de prendre en charge en
CADA une part
plus importante des demandeurs d’asile
: au 30 septembre
2008, 19 769 places de CADA étaient occupées, alors qu’un stock de 28 436
dossiers était en attente à l’OFPRA ou à la CNDA à cette même date, ce qui
représente un rapport de 69 %
(62 % au 31 décembre 2007). Ces chiffres
peuvent être comparés à ceux du 31 décembre 2005 : 16 148 places de
CADA occupées sur un total de 41 000 dossiers en cours de procédure, soit
un rapport de 39 %.
Enfin, les résultats globaux de l’occupation des CADA au 30
septembre 2008
traduisent une nouvelle évolution positive
par rapport à
ceux du trimestre précédent. En effet,
alors que le taux d’occupation avait
connu une baisse importante au cours du dernier trimestre 2007, à l’issue
626
COUR DES COMPTES
duquel il s’établissait à 94,7 %, celui-ci a de nouveau dépassé le niveau
optimal de 95 % en atteignant 95,8 % au 30 juin 2008, puis 96,9 % au 30
septembre dernier.
Le taux de déboutés en présence indue connaît quant à lui une
nouvelle diminution
: il est en effet de 5,4 % au 30 septembre 2008, contre
6,2 % au 30 juin 2008 et 7,2 % au 31 décembre 2007. Cette évolution est très
positive, même si
l’indicateur reste
trop élevé par rapport au taux cible de
4 %.
Le taux national de présence indue des réfugiés
,
de
4 % au
31 décembre 2007, se maintient à 3 % au 30 septembre 2008, valeur à
laquelle il s’était établi au 30 juin dernier, et respecte très largement
l’objectif fixé à 8 %.
Afin de poursuivre dans cette voie positive, le ministère de
l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement
solidaire encourage les solutions de sortie des personnes arrivées en fin de
procédure, et assure notamment la promotion des mesures d’accès au
logement et à l’emploi des réfugiés. A cet égard, dans le cadre de
l’application de l’article L. 711-2 du code de l’entrée et du séjour des
étrangers et du droit d’asile (article 30 de la loi n° 2007-1631 du
20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à
l’asile), le ministère s’appuie sur les initiatives existantes et
soutient
des
démarches innovantes visant à améliorer et accélérer l’intégration des
réfugiés.
Ainsi, outre la capitalisation des projets Accelair ou RELOREF, dont
une articulation avec le dispositif national d’accueil est recherchée, le
ministère a lancé, le 22 octobre dernier, un appel à projet d’un montant
global de 750 000 € visant à soutenir des actions d’aide à l’accès au
logement et à l’emploi des réfugiés. Les crédits du Fonds européen pour les
réfugiés
(FER) soutiennent également ce type d’actions.
Enfin, l’augmentation de l’aide au retour volontaire des personnes
hébergées en CADA dont la demande d’asile a fait l’objet d’une décision
définitive de rejet est un axe de travail important avec l’ANAEM et sera
maintenu avec le nouvel opérateur.
4. L’allocation temporaire d’attente (ATA)
Par un arrêt du 16 juin 2008, le Conseil d’Etat a annulé partiellement
le décret n° 2006-1380 relatif à l’allocation temporaire d’attente sur trois
points : l’exclusion du bénéfice de
l’allocation des ressortissants de pays
considérés comme des pays d’origine sûrs (article L. 5423-9 1° du code du
travail), l’exclusion des demandeurs d’asile en réexamen (article R. 5423-22)
et la limitation à 12 mois de la durée de versement de l’ATA aux
bénéficiaires de la protection subsidiaire (article R. 5423-19). Si un article
du projet de loi de finances pour 2009 permet d’exclure du bénéfice de
l’allocation les demandeurs d’asile en réexamen, en revanche les
ressortissants de pays d’origine sûrs peuvent dorénavant percevoir l’ATA. En
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
627
outre, les bénéficiaires de la protection subsidiaire peuvent bénéficier de
l’allocation pendant toute la durée de leur protection.
Par ailleurs, le circuit de transmission des données à l’Unédic est en
cours de révision avec, d’une part, la rédaction d’un nouvel arrêté
fixant
l’organisation du système de transmission des données énoncées aux articles
R. 5423-31 à R. 5423-34 du code du travail et, d’autre part, la conclusion
d’une convention de gestion relative
aux modalités de transmission
d’informations nécessaires à la gestion de l’allocation temporaire d’attente
(ministère, OFPRA, ANAEM, Unédic). Ces textes sont en cours d’élaboration
et donnent lieu à une mise à plat des procédures afin d’en rationaliser la
gestion. En particulier, l’entrée en CADA doit entraîner une interruption
sinon immédiate, du moins très rapide, du versement de l’ATA.
5. Les modalités de gestion des crédits
La consommation prévisionnelle des crédits relatifs à l’action 2
« Garantie de l’exercice du droit d’asile » du programme 303 « Immigration
et asile » pour l’exercice 2008 (hors OFPRA) fait apparaître un montant de
302 M€, dont 192 M€ pour les CADA, 52,6 M€ pour l’hébergement
d’urgence et 51 M€ pour l’ATA.
Si d’importants efforts sont consentis par le ministère pour
rationaliser la gestion des crédits d’hébergement d’urgence et d’ATA, les
dépenses liées à l’accueil et à l’hébergement des demandeurs d’asile sont
largement fonction des fluctuations de la demande, qui peuvent difficilement
être anticipées. La demande d’asile a ainsi augmenté de 15,1 % entre le
30 octobre 2007 et le 30 octobre 2008.
En ce qui concerne la tarification des CADA, le ministre a souhaité
mettre en application l’article R. 314-52 du code de l’action sociale et des
familles prévoyant la minoration de la dotation budgétaire en fonction des
résultats obtenus par les établissements. A cet effet, la circulaire du 24 juillet
2008 relative aux missions des CADA et aux modalités de pilotage du
dispositif national d’accueil invite les préfets à mettre en oeuvre cette
disposition à l’égard des centres hébergeant de façon durable un nombre
excessif de personnes en présence
indue. De plus, le ministère a récemment
donné instruction à plusieurs préfets d’appliquer cette mesure à certains
centres spécifiquement désignés se trouvant dans cette situation. L’extension
de cette procédure à d’autres CADA du territoire est envisagée, selon des
modalités visant à retenir un taux de minoration réaliste, adapté au contexte
local et ne mettant pas en péril la pérennité du centre.
Une tarification fondée sur un prix de journée a été écartée pour
l’instant par le ministère dans l’attente des résultats obtenus par la mise en
oeuvre des mesures de minoration budgétaire.
628
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA COUR NATIONALE
DU DROIT D’ASILE
L’insertion au rapport public annuel de la Cour des comptes sur « La
prise en compte des demandes d’asile » appelle de ma part les observations
suivantes.
La Cour nationale du droit d’asile (CNDA), nouvelle appellation
depuis 2007 de la Commission des recours des réfugiés (CRR), statue sur les
recours formés contre le décision du directeur général de l’Office français de
protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) refusant ou retirant au
requérant le bénéfice de l’asile. Statuant en premier et dernier ressort sous le
contrôle du Conseil d’État, juge de cassation, la Cour soit rejette le recours,
soit annule la décision du directeur général de l’OFPRA en reconnaissant au
requérant la qualité de réfugié au titre des dispositions de la Convention de
Genève du 28 juillet 1951 ou lui accordant la protection subsidiaire prévue à
l’article 712-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit
d’asile.
Sur 27 242 décisions rendues en 2007, 21 827 (80,12 %) ont conclu
au rejet du recours et 5 415 (19,9%) à la reconnaissance de la qualité de
réfugié ou à l’octroi de la protection subsidiaire. L’issue de la procédure est
donc loin d’avoir le caractère certain que la rédaction du projet d’insertion
(page 3) semble lui conférer.
Inscrit dans la loi de finances pour 2008, le rattachement
administratif de la CNDA au Conseil d’État sera effectif au 1er janvier 2009.
Depuis sa création en 1953, la CRR devenue la CNDA dépendait pour
son fonctionnement, ainsi qu’il est rappelé dans le projet d’insertion (page
4), des moyens humains et matériels mis à sa disposition par l’OFPRA. Si la
Cour souligne à juste titre le caractère anormal de cette situation qui rendait
la juridiction tributaire de l’une des parties à l’instance, il conviendrait aussi
de préciser qu’elle n’altérait en rien l’indépendance des formations de
jugement dont les présidents sont nommés, selon le corps auquel ils
appartiennent, par le Vice-président du Conseil d’État, le Premier président
de la Cour des comptes ou le ministre de la Justice, et les deux assesseurs
respectivement par le Vice-président du Conseil d’État et le Haut-
commissaire des Nations-Unies pour les réfugiés. Cette indépendance n’a
d’ailleurs jamais été sérieusement contestée.
La cour estime que la rupture du lien fonctionnel avec l’OFPRA ne
devrait pas se traduire par des charges supplémentaires qui résulteraient de
la mise en place de services redondants.
En ce qui concerne le système informatique, il a été décidé,
conformément aux conclusions du rapport établi par Monsieur Richard à la
demande du Premier ministre, de dissocier la CNDA de l’OFPRA et de
l’intégrer dans le dispositif mis en place par le Conseil d’État pour
LA PRISE EN COMPTE DE LA DEMANDE D’ASILE
629
l’ensemble des juridictions administratives. Cette intégration, actuellement
en cours, permettra à la CNDA de bénéficier d’applications plus
performantes et, notamment pour le suivi des dossiers, mieux adaptées aux
besoins d’une juridiction.
En ce qui concerne la documentation, l’OFPRA et la CNDA ont
toujours eu leurs propres services d’information juridique et géopolitique, le
maintien de la distinction entre le juge et le défendeur interdisant dans ces
domaines touchant au coeur de leurs compétences respectives, la mise en
commun des moyens. Sur ce point, la séparation avec l’OFPRA ne changera
donc rien à la situation antérieure qui n’empêchait pas, pour autant,
l’existence de relations entre les services et l’échange des productions
documentaires. Cette coopération se poursuivra dans un cadre actuellement
en cours de définition. En outre, le raccordement au réseau informatique des
juridictions administratives donnera désormais à la CNDA le plein accès aux
bases de données jurisprudentielles du Conseil d’État, de même que les
juridictions administratives, dont le contentieux des étrangers représente une
part importante de l’activité, auront le plein accès aux ressources
documentaires de la CNDA.
La partition de l’OFPRA et de la CNDA a été opérée à budget
constant, compte tenu du transfert de quatre emplois de soutien de
l’établissement public à la juridiction dont le président deviendra
ordonnateur secondaire des crédits qui lui seront délégués par le Vice-
président du Conseil d’État.
Pour 2009, les crédits transférés sur le programme « Conseil d’État et
autres juridictions administratives » se sont élevés :
- sur le titre 2 « personnel » à 12 619063 € pour un effectif de 273
EPTP, y compris les dix magistrats affectés à la CNDA, sur des emplois à
créer en 2009, pour exercer à titre permanent, en plus des présidents
vacataires, la fonction de président de formation de jugement ;
- sur les autres titres, à 7 135245 € en autorisations d’engagement et
en crédits de paiement.
Dans le projet de budget 2009, établi avec le Conseil d’État, les
crédits du titre 2 sont finalement de 12 769 063 €, la majoration de 150 000 €
par rapport au montant des crédits transférés correspondant à des mesures
indemnitaires.
En ce qui concerne les autres titres, les autorisations d’engagement
s’établissent à 11 800 000 € et les crédits de paiement à 7 935245 €. La forte
augmentation des autorisations d’engagement (+ 4,6 millions €) s’explique
pour l’essentiel par la programmation des dépenses d’investissement
nécessaires à la mise à niveau des locaux de la CNDA et par la prise en
compte du renouvellement des marchés d’interprétariat pour la période
2009-2010. La réévaluation des crédits de paiement (+800 000 €) tient
630
COUR DES COMPTES
principalement au dépenses de travaux prévues pour 2009, dont l’inscription
demandée au budget 2008 de l’OFPRA n’avait pu être réalisée.
La deuxième partie de l’insertion est consacrée à la maîtrise des
délais de traitement des demandes d’asile. Sur cette question, qui est pour
elle d’autant plus importante que le délai de jugement constitue pour toutes
les juridictions le principal indicateur de performance, la CNDA souscrit aux
observations de la Cour auxquelles, cependant, elle souhaite ajouter
quelques précisions.
Les efforts accomplis et la baisse du nombre des recours après le pic
de la période 2000-2004 ont permis de ramener le stock des dossiers en
instances, qui dépassait 50 000 à fin cette dernière, à 20 692 en novembre
2008. Il est à noter que, dans ce total, il ne restait plus que 5 749 dossiers
(28%) ayant une ancienneté supérieure à un an. Comme l’observe la Cour, la
priorité donnée au traitement des dossiers les plus anciens s’est traduite par
une augmentation du délai moyen de jugement, qui est passé de 10 mois en
2006 à 13 mois en 2008 au 31 octobre.
Il faut noter que ces chiffres, qui mesurent le nombre moyen de jours
écoulés entre le dépôt d’un recours et la décision le concernant, ne sont pas
directement comparables l’objectif de 10 mois fixé dans le projet annuel de
performances annexé au projet de loi de finances, lequel est calculé, par
analogie avec le Conseil d’État et les juridictions administratives, à partir du
nombre de dossiers en stocks divisé par la capacité de jugement.
La Cour se préoccupe avec raison de la progression du nombre des
renvois, qui sont un facteur important d’allongement des délais et dont le
taux pourrait effectivement atteindre 30% en 2008.
Ainsi qu’elle le relève, il existe une corrélation entre progression du
nombre des renvois et celle du nombre des affaires plaidées dont la part dans
le total des affaires jugées, qui était déjà de 61,4% en 2007 (et non 55,4%
comme indiqué page 11), pourrait approcher 70% en 2008 et continuer de
croître en 2009 du fait de l’extension de l’aide juridictionnelle aux
requérants entrés irrégulièrement sur le territoire français. Par ailleurs,
cette extension devrait avoir des conséquences sur l’organisation des
audiences dans la mesure où l’un des traits spécifiques de la CNDA,
comparée à d’autres juridictions administratives, est la place essentielle de
l’oralité du débat devant les formations de jugement.