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Les dispositifs de formation à l’initiative
des salariés
_____________________
PRESENTATION
____________________
Issue dans ses fondements de l’accord national interprofessionnel
du 9 juillet 1970 et de la loi du 16 juillet 1971, la formation
professionnelle continue des salariés s’est dès l’origine organisée selon
une double logique : l’insertion dans l’emploi d’une part, la mobilité
sociale et professionnelle d’autre part. A cette double préoccupation a
correspondu la création de deux dispositifs distincts dans leur
philosophie comme dans leur mise en oeuvre.
La formation des actifs occupés s’inscrit à titre principal dans le
cadre du plan de formation de l’entreprise, de la seule responsabilité de
l’employeur dans son élaboration et sa réalisation. Mais tout salarié
engagé dans la vie professionnelle depuis une certaine durée a droit
également, à sa seule initiative et à titre individuel, à bénéficier d’une
autorisation d’absence, le congé individuel de formation (CIF), pour lui
permettre de suivre une formation à finalité de développement personnel
ou de reconversion professionnelle.
La loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout
au long de la vie et au dialogue social, qui a retranscrit dans le code du
travail les conclusions de l’accord national interprofessionnel signé par
l’ensemble des partenaires sociaux le 5 décembre 2003, a par ailleurs
créé au bénéfice des salariés une troisième voie d’accès à la formation :
le droit individuel à la formation (DIF). Ce nouveau droit est également
mobilisable par chaque salarié selon des modalités très originales.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
565
Dans le prolongement de ses récents travaux consacrés à la
formation professionnelle
222
, la Cour a ainsi examiné la place de ces deux
dispositifs de formation à l’initiative des salariés que constituent le DIF
d’une part
223
, et le CIF d’autre part, cherché à apprécier leurs résultats,
et analysé leur mode de financement. Elle a dans ce cadre procédé au
contrôle de différents organismes qui interviennent dans la gestion du
CIF : le Fonds de gestion du congé individuel de formation pour l’Ile-de–
France (FONGECIF-IDF), qui constitue la plus importante institution à
cet égard, l’Association de gestion du congé individuel de formation des
industries électriques et gazières (AGECIF-IEG), spécifique aux salariés
de ce secteur,
et le Fonds unique de péréquation (FUP), notamment
chargé d’une fonction de mutualisation financière.
La Cour, à l’issue de ces enquêtes, constate que ces dispositifs
n’apportent qu’une contribution très incomplète à la correction des
inégalités d’accès à la formation professionnelle continue et à la
sécurisation des parcours professionnels en raison notamment de leur
absence de complémentarité, d’un faible nombre de bénéficiaires, et de
leur absence de ciblage sur les publics les plus fragiles. Pour autant, sur
un plan financier, ils se révèlent, et tout particulièrement le DIF,
particulièrement lourds d’enjeux, faisant peser des risques considérables
sur le financement du système de formation professionnelle.
I
-
Des dispositifs sans articulation
en dépit d’une inspiration commune
A - Une même logique de droit individuel généralisé
mobilisable selon des modalités contrastées
Centrés sur la personne plus que rattachés à l’entreprise, le CIF et
le DIF relèvent d’une même inspiration: celle de l’ouverture aux salariés
de droits individuels à la formation, mobilisables à leur initiative et
opposables, selon une mesure variable, à l’employeur, comme le fait
apparaître le tableau ci-après.
222) Rapport public annuel 2007 (pp. 249 à 284) : «
la collecte de la contribution des
entreprises à la formation professionnelle » ; rapport public thématique sur « la
formation professionnelle tout au long de la vie » (octobre 2008)
223) L’enquête sur le droit individuel à formation a été réalisée en application des
dispositions de l’article 58-2° de la loi organique sur les lois de financement. Elle a
donné lieu à une audition le 24 juin 2008 par la commission des finances de
l’Assemblée nationale. Ces débats et les travaux de la commission ont été publiés en
octobre 2008 sous forme d’un rapport d’information n° 1129, qui reprend la
communication de la Cour.
566
COUR DES COMPTES
Tableau n°1 : Conditions de mise en oeuvre du CIF et du DIF
DIF-CDI
DIF-CDD
CIF-CDI
CIF-CDD
CONDITION
D’ANCIEN-
NETE
- Minimale
d’un an
- Quatre mois,
consécutifs ou
non, en CDD
au cours des
douze derniers
mois
-Minimale
de deux ans
dont une
année au
service de
l’employeur
(36 mois
pour les
entreprises
de – de 10
salariés)
-24 mois,
consécutifs ou
non d’activité
salariée au cours
des 5 dernières
années, dont au
moins 4 mois,
consécutifs ou
non, sous CDD
au cours des 12
derniers mois.
INITIATIVE
Initiative du
salarié et
accord de
l’employeur
Initiative du
salarié et
accord de
l’employeur
Initiative du
salarié
Initiative du
salarié
CALCUL
DES DROITS
Vingt heures
chaque année
cumulables sur
six ans, dans
la limite de
cent vingt
heures
Au prorata de
la durée du
(des) contrat(s)
En fonction
de la
formation
demandée
(plafond
d’heures -
1200h -
et
de durée- un
an)
En fonction de la
formation
demandée
(plafond d’heures
– 1200h et de
durée- un an)
MODALITES
DE
FORMATION
POSSIBLE
-Actions de promotion
-Actions d’acquisition,
d’entretien ou de
perfectionnement des
connaissances
-Actions de qualification
-Actions dans le cadre des
accords de branche
- formation hors temps de travail
ou sur le temps de travail
Accéder « à un niveau supérieur
de
qualification,
changer
d’activité ou de profession et
s’ouvrir plus largement à la
culture et à la vie sociale ».
-formation hors temps de travail
PRISE EN
CHARGE
Employeur et
OPCA
OPACIF
OPACIF
OPACIF
Source : Cour des Comptes
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
567
1 -
Le CIF : un droit très largement ouvert, mobilisable sans
concertation avec l’employeur pour des formations longues
Le CIF a été conçu d’emblée comme un droit inconditionnel aux
modalités d’accès très larges : tout salarié peut en bénéficier quels que
soient l’effectif de son entreprise et la nature de son contrat de travail, à
durée indéterminée (CIF-CDI) comme à durée déterminée (CIF-CDD),
sous
la
seule
réserve
d’une
condition
d’ancienneté
très
peu
contraignante
224
. L’initiative de la demande est de l’entière liberté du
salarié qui n’a nulle obligation d’en saisir au préalable son employeur ni
sur le principe, ni sur le contenu, ni sur la durée. L’employeur est en
revanche tenu d’accorder l’autorisation d’absence nécessaire à la
formation et ne peut que la reporter pour une période limitée s’il estime
que ce départ est préjudiciable à la bonne marche de l’entreprise ou si
plusieurs salariés sont simultanément absents. Pendant le congé de
formation, le contrat de travail est maintenu avec obligation de
réintégration dans l’emploi occupé antérieurement, quelle que soit la
longueur de la formation suivie.
Le CIF autorise en effet la prise en charge de formations lourdes,
dans la double limite, sauf dérogation, de 1200 heures et d’une année
d’absence.
Une contribution dédiée, acquittée par les seules entreprises de
plus de dix salariés
225
et mutualisée au sein d’organismes paritaires
collecteurs particuliers (OPACIF), permet la prise en charge de la
rémunération du salarié et du coût de la formation, ainsi que, selon des
règles qui varient, des frais éventuels de transport et d’hébergement.
L’exercice du droit est ainsi garanti par un financement mutualisé et
sécurisé.
Au sein du système de formation professionnelle continue, le CIF
apparaît dans ces conditions comme un dispositif autonome
et aux
caractéristiques très spécifiques.
224) Pour le CIF-CDI, deux ans en tant que salarié, dont un dans l’entreprise dont on
relève lors de la demande
225) A hauteur de 0,2% de la masse salariale pour le CIF-CDI, et de 1% pour le CIF-
CDD
568
COUR DES COMPTES
2 -
Le DIF : un droit capitalisable qui ne peut s’exercer qu’avec
l’accord de l’employeur pour des formations courtes
Le DIF s’inscrit dans la même logique de droit personnel et
généralisé à la formation que le CIF, mais dans une relation différente à
l’employeur. Comme le CIF, il est ouvert à tout salarié, indépendamment
de la nature de son contrat de travail
et de l’effectif de l’entreprise
226
.
Comme lui, il n’exige que très peu d’ancienneté
pour en bénéficier
227
.
Mais alors que le droit au CIF est aussitôt intégralement accessible,
le DIF se caractérise par son caractère capitalisable, très novateur : il
permet en effet à chaque salarié d’acquérir un crédit annuel de 20 heures de
formation et de le capitaliser dans la limite de 6 ans et de 120 heures.
Le DIF donne ainsi accès à des formations courtes, contrairement
au CIF. Celles-ci peuvent se réaliser pendant le temps de travail, avec
maintien de la rémunération, ou hors temps de travail, avec alors le
versement par l’entreprise d’une allocation de formation
228
. La Cour a
toutefois constaté que la quasi-totalité des formations liées à l’exercice du
DIF se déroulaient pendant le temps de travail, d’un commun accord
entre le salarié et l’employeur.
Mobilisable en effet à la seule initiative du salarié, le DIF suppose
toutefois pour sa mise en oeuvre effective un accord du chef d’entreprise
sur le choix de la formation, selon un processus de co-investissement, sans
que les textes ne précisent les motifs de refus qui peuvent être opposés à la
demande du salarié de l’exercer. Il se distingue fortement en cela du CIF, à
l’entière discrétion du salarié qui n’a nulle obligation de solliciter une
autorisation préalable de son employeur. Contrairement également au CIF,
le DIF ne dispose d’aucun financement spécifique : sa prise en charge est
assurée soit par l’organisme collecteur de la contribution générale de
l’entreprise à la formation professionnelle (OPCA) dès lors que la
formation retenue correspond aux priorités définies par un accord de
branche, soit directement par l’entreprise dans les autres cas.
Le DIF constitue ainsi un dispositif profondément original. Son
caractère capitalisable qui ne fait pas obstacle à son objectif de faciliter
l’accès à des formations courtes, sa mobilisation par le salarié mais avec la
nécessité d’un accord de l’entreprise qui inscrit la formation comme un
enjeu partagé entre l’employeur et le salarié, la souplesse de ses modalités
226) Différents textes spécifiques ont également ouvert le DIF aux agents des
fonctions publiques de l’Etat, des collectivités locales et des hôpitaux.
227) Pour le DIF-CDI, un an dans l’entreprise.
228) 50% du salaire net.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
569
de mise en oeuvre, sur le temps de travail ou en dehors de celui-ci, sont
autant de novations qui s’inscrivent en fort contraste avec le CIF.
B - Des objectifs similaires de correction des inégalités
de formation poursuivis selon des voies différentes
Ouverts très largement et de manière indiscriminée à la quasi totalité
des actifs occupés, sans ciblage de principe par les textes qui les instituent
sur des publics prioritaires, DIF comme CIF poursuivent non sans
paradoxe le même objectif
de remédier aux inégalités considérables qui
caractérisent le système de formation professionnelle. De fait, les sorties de
la
formation
professionnelle
initiale
sans
qualification
demeurent
importantes,
sans
que
la
formation
continue,
qui
bénéficie
préférentiellement
aux salariés les plus diplômés et à ceux des grandes
entreprises, soit en mesure d’apporter aux
personnes pas ou peu formées,
notamment dans les TPE/PME
229
, une amélioration de leur qualification
indispensable pour faire face aux mutations économiques.
Les dispositifs individualisés de formation reposent sur la
conviction qu’en faisant du salarié un acteur de sa formation par la
mobilisation de droits propres, il pourra être porté remède à ces inégalités
par une demande accrue de formation chez ceux que l’échec d’une
formation initiale a souvent durablement détournés de tout intérêt à cet
égard. Mais ils portent cette même ambition selon des voies différentes.
Le CIF se situe ainsi explicitement dans une dynamique de
« deuxième chance », avec pour finalité revendiquée de permettre à des
salariés pas ou peu qualifiés l’acquisition en cours de carrière d’une
nouvelle qualification dans le cadre le plus souvent de la préparation d’une
réorientation professionnelle. Il privilégie de ce fait la prise en charge de
formations lourdes
(754 heures en moyenne pour le CIF-CDI en 2007),
débouchant dans l’immense majorité des cas sur une
qualification
reconnue par un titre ou un diplôme.
Axé sur des formations de courte durée ciblées préférentiellement
sur l’entretien, le perfectionnement, ou le développement des compétences,
le DIF s’inscrit pour sa part dans une logique de prévention des difficultés
d’adaptation des salariés les plus fragiles aux changements des métiers et
de sécurisation des parcours professionnels, dans une dynamique de
formation tout au long de la vie. La Cour a de fait constaté qu’il favorisait
à cet égard l’émergence de nouvelles modalités de gestion des ressources
humaines au sein de l’entreprise : l’entretien professionnel obligatoire
229) Cf. rapport public thématique sur «
la formation professionnelle tout au long de
la vie » pp.17 à 20 et 35 sqq.
570
COUR DES COMPTES
depuis 2004 devient souvent le moment d’un dialogue sur la formation
dans une problématique partagée de gestion prévisionnelle des emplois et
des compétences. Le DIF a également contribué à nourrir le dialogue social
dans l’entreprise en faisant
de la formation une thématique de négociation
avec les partenaires sociaux pour définir ses modalités de mise en oeuvre.
Au sein des
branches également, la mise en place du DIF a fortement
contribué au renouveau de la négociation sur la formation professionnelle :
elle a constitué le troisième thème le plus important des négociations pour
l’application de la loi du 4 mai 2004, le quart des 855 accords ou avenants
conclus ayant précisé actions et publics prioritaires. Ce dynamisme de
négociation installe ainsi de façon novatrice la formation professionnelle
comme un élément central du dialogue social, selon une approche qui
rejoint à certains égards celle constatée en Allemagne
230
où la formation
professionnelle est au coeur du dialogue entre les partenaires sociaux.
C - Une complète absence d’articulation
Bien que partageant une même finalité, le CIF et le DIF
n’échappent pas à la difficulté récurrente du système de formation
professionnelle du cloisonnement des dispositifs. Ils demeurent en effet
juxtaposés : l’absence d’harmonisation des conditions d’ancienneté
pour
l’ouverture de droits, pourtant proches, est à cet égard révélatrice.
De fait, le seul lien établi par les textes entre CIF et DIF apparaît
privé de toute réelle portée. La possibilité pour le salarié qui a connu deux
refus successifs de DIF de la part de son employeur de déposer une
demande de CIF auprès de l’organisme collecteur auquel contribue son
entreprise ne constitue nullement un droit d’accès prioritaire à ce dernier.
L’OPACIF chargé d’instruire cette demande la traitera en fonction des
critères d’acceptation qu’il s’est fixés et au regard des financements par
nature limités dont il dispose : le salarié n’est aucunement assuré dans ces
conditions que satisfaction, même partielle, sera donnée à sa demande.
Certes, compte tenu de la mise en place effective encore très récente du
DIF, cette difficulté n’est pas encore sensible, mais elle va devenir plus
aigüe au fur et à mesure de la montée en charge du dispositif.
L’absence de chaînage entre ces dispositifs est d’autant plus
singulière que par ailleurs chacun d’entre eux développe
des logiques de
complémentarité avec d’autres actions. Le CIF peut prendre ainsi en
charge les dépenses liées aux congés de bilans de compétences et de la
validation des acquis de l’expérience (VAE). Le DIF pour sa part
230) Cf. rapport thématique sur « la formation professionnelle tout au long de la vie »,
annexe 1 « étude du système de formation professionnelle en Allemagne », pp.129
sqq.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
571
s’articule parfois également avec la VAE, mais se situe essentiellement
dans une relation
étroite avec le plan de formation de l’entreprise avec
lequel les frontières sont incertaines. La Cour a constaté à cet égard que
ce flou permettait le développement dans certaines entreprises d’une
stratégie de substitution d’actions financées sur le DIF à celles
traditionnellement du ressort du plan.
Le cloisonnement entre CIF et DIF apparaît particulièrement
dommageable au regard en particulier de l’ambition de sécurisation des
parcours professionnels des actifs occupés qui leur est conjointement
assignée. Aucune possibilité n’existe notamment pour un salarié
sollicitant un CIF de mobiliser à titre complémentaire son DIF capitalisé
pour faciliter la prise en charge de la formation sollicitée. Même si un
DIF de 120 heures ne représente en termes d’heures de formation qu’une
contribution de l’ordre de 16% à un CIF de durée moyenne, cet apport ne
traduirait pas seulement une mutualisation éminemment souhaitable, mais
permettrait concrètement de mieux satisfaire une demande de CIF en
augmentation et qui se heurte souvent à des insuffisances de réponse.
II
-
Des résultats très imparfaits
A - Un faible nombre de bénéficiaires
Alors même que ces dispositifs sont ouverts à la quasi-totalité des
salariés, ils ne bénéficient dans les faits qu’à très peu d’entre eux.
Le CIF, malgré son ancienneté, reste fort mal connu et peu utilisé.
Les demandes restent à un niveau extrêmement modeste : en 2007,
68 482 demandes de CIF-CDI et 10 359 demandes de CIF-CDD auraient
été effectuées
231
, sans que ces données puissent être assurées d’une totale
fiabilité faute d’une méthodologie commune. Le nombre des bénéficiaires
a certes augmenté dans la période récente, mais demeure très faible : pour
les salariés en CDI, 38 406 dossiers ont été acceptés en 2007 contre
20 589 en 1997, et 7 941 contre 6 314 pour ceux en CDD, soit des taux
d’acceptation de respectivement 68% et 89%. Cependant, le nombre total
de bénéficiaires, 46 347, demeure marginal. Même à considérer que le
bénéfice du CIF ne peut être accordé qu’une seule fois dans une carrière
professionnelle de 40 ans, le dispositif ne concerne chaque année qu’une
population très réduite : selon le FONGECIF-IDF, sur les 3 200 000
salariés potentiellement éligibles en Ile-de-France, le flux annuel des
bénéficiaires devrait ainsi s’élever à 80 000 personnes. Mais de 8 000 à
231) Source : annexe au PLF 2009 sur la formation professionnelle
572
COUR DES COMPTES
9 000 CIF seulement sont financés chaque année, soit un taux d’accès
effectif qui n’est que d’environ 10%.
En contraste, malgré des données qui n’apparaissent ni exhaustives
ni fiables et comportent des marges d’imprécision importantes, la montée
en charge du DIF apparaît dynamique, avec 28 735 bénéficiaires en 2005,
166 000
en 2006, plus de 303 000 en 2007, et une prévision de 500 000
en 2008. Ces chiffres, qui témoignent d’un début positif d’appropriation
du dispositif par les salariés et les entreprises, sont toutefois à rapporter à
une population éligible de l’ordre de 12 millions de salariés et définissent
un taux d’accès encore extrêmement modeste.
B - Une contribution très limitée à la réduction des
inégalités de formation
Le nombre très réduit de bénéficiaires du CIF et du DIF suffit à
expliquer par lui même que ces dispositifs ne puissent être en mesure de
corriger fondamentalement des inégalités d’accès à la formation très
fortement marquées. Mais au delà de cette dimension quantitative, leur
contribution à cet objectif
demeure incomplète du fait même de leurs
caractéristiques propres.
Se voulant l’instrument par excellence de la « deuxième chance »,
le CIF s’est orienté très prioritairement vers la prise en charge de
formations lourdes à caractère qualifiant, qui préparent effectivement à
une évolution ou à une reconversion professionnelle : 67,7% des
formations suivies
conduisent à l’obtention d’un diplôme d’Etat ou à un
titre ou diplôme
homologué, et 4% à une qualification reconnue par les
branches professionnelles. Les cursus suivis sont de ce fait en règle
générale particulièrement longs (26% dépassent 1200 heures pour une
moyenne
de
754 heures
pour
un
CIF-CDI)
et
par
là même
particulièrement onéreux : le coût moyen du CIF-CDI atteignait 21 028
euros en 2007 et celui du CIF-CDD 21 464 euros. Les formations à
caractère
de
développement
personnel
sont
corrélativement
peu
importantes.
Pour autant, l’inégale sélectivité du traitement des demandes fait
obstacle à ce que le CIF remplisse de façon pleinement satisfaisante
le
rôle qui lui est assigné.
Chaque OPACIF fixe en effet librement, et de manière
inégalement transparente, ses priorités en termes de profil des
bénéficiaires et au regard des moyens financiers dont il dispose. Il en
résulte une considérable hétérogénéité dans la prise en compte des
demandes et les niveaux des financements accordés, faute qu’ait été
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
573
défini un coût moyen et qu'ait été harmonisé le reste à charge souvent
laissé au
salarié. Le FONGECIF-IDF a été ainsi en mesure d’accorder
aux salariés en CDI un CIF d’une durée moyenne de 992 heures en 2006,
supérieure de 22% à la moyenne nationale pour un coût moyen de 26 000
euros, qui dépasse très sensiblement également les 21 000 euros constatés
sur le plan national. L’AGECIF-IEG est plus généreuse encore, puisque
les financements dont elle dispose la mettent en mesure de pouvoir ne
refuser aucune demande, quelle que soit la nature de la formation
envisagée, tout en acceptant de financer des cursus pluriannuels
exceptionnellement longs, bien que le
code du travail fixe une durée en
principe maximale, sauf accord particulier, d’une année ou de 1200
heures de formation : en 2006, elle a ainsi entre autres pris en charge une
formation aux arts plastiques de 4431 heures, près de six fois supérieure à
la durée moyenne constatée sur le plan national, pour un montant de
218 513 euros, dix fois plus élevé que la prise en charge moyenne.
L’AGECIF-IEG
L’association de gestion du congé individuel de formation des
industries électriques et gazières assure spécifiquement, grâce à un agrément
dérogatoire, la collecte des contributions dédiées au CIF des entreprises de ce
secteur, principalement EDF et GDF. Le montant de sa collecte, de 12,24 M€
en 2007, inférieur au seuil d’agrément de droit commun, mais sensiblement
analogue à celui de l’AGECIF-SNCF (10,73 M€) la situe au 30
ème
rang des
OPACIF. Au-delà de son rôle de collecteur, elle gère directement les
demandes de CIF des salariés et décide de leur prise en charge.
Cet organisme sui generis fonctionne en très étroite liaison avec les
grandes entreprises du secteur électrique et gazier, dont les représentants
constituent, aux côtés des administrateurs désignés par les organisations
syndicales, la moitié de son conseil d’administration et dont sont issus par
mise à disposition les agents qui assurent son fonctionnement. Un
fonctionnement largement autarcique et la faible taille de l’association sont à
l’origine de nombreuses faiblesses de gestion.
L’AGECIF-IEG se singularise par l’extrême générosité de ses
décisions : la durée moyenne des CIF accordés a atteint en 2007 1293 heures,
contre 665 heures à la SNCF et 754 heures au plan national ; le coût moyen
des formations suivies s’élevait à 41 531 €, contre 17 827 € à la SNCF, et
21 028 € en moyenne nationale.
De fait ses pratiques aboutissent à ce que la
quasi-totalité
des demandes finissent par recevoir satisfaction : les priorités
d’accès affichées en termes de niveau de qualification sont très peu sélectives
et la nature des formations envisagées ne constitue en rien un critère
d’acceptation ou de refus.
574
COUR DES COMPTES
Les formations prises en charge, très hétérogènes, témoignent de ces
critères d’attribution peu rigoureux. Ont été ainsi financés les cursus les plus
divers : techniques graphiques et communication visuelle
pour 103 653 € et
1996 heures, bureautique pour 61 093
€ et 1218 heures, professeur de yoga
pour 16 353 € et 128 heures, licence de pilote d’avion privé pour 9353 € et
130 heures, ou encore formations de professeur de danse pour couple, de
moniteur de croisière, ou d’accompagnateur de tourisme équestre…
Ces formations ne bénéficient dans les faits qu’aux agents statutaires :
un seul salarié en contrat à durée déterminée a bénéficié
d’un CIF en 2006.
L’hétérogénéité des OPACIF fait ainsi obstacle à ce que le ciblage
prioritaire du CIF, souvent revendiqué par les responsables de ces
organismes, sur des publics particulièrement fragiles - salariés sans
aucune qualification initiale, seniors -, soit toujours confirmé dans les
faits. D’une manière générale, les salariés sans aucune qualification
mobilisent très peu le CIF. Mais comme le fait apparaître le tableau
suivant, celui-ci bénéficie en revanche principalement aux employés et
ouvriers, en général titulaires d’un niveau V ou IV. Toutefois, le nombre
des bénéficiaires appartenant à ces catégories est trop modeste pour
infléchir significativement la caractéristique d’un accès globalement
limité de ces salariés à la formation.
Tableau n°2 : Taux d’accès au CIF des salariés en CDI par CSP en 2006
comparé à leur représentation dans la population active
Catégories Socio
Professionnelles
Part dans la population
active
Taux d’accès au CIF
Cadres
13 %
8 %
Techniciens
20 %
14 %
Employés
29 %
49 %
Ouvriers
38 %
29 %
Source : Cour des comptes, d’après étude qualitative CIF FUP synthèse 2006
Un même constat peut être fait en ce qui concerne le taux de
pénétration du CIF dans les PME/TPE : 23% des CIF bénéficient à des
salariés d’entreprises de moins de 20 salariés, et 16% sont attribués à des
salaries d’entreprises de moins de 10 salariés qui sont exemptés de toute
contribution financière. Mais là aussi le nombre des bénéficiaires
appartenant à ce type d’entreprises - de l’ordre au total en 2006 de 7000
salariés seulement - reste beaucoup trop limité
pour remédier aux
inégalités d’accès à la formation de cette population.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
575
Les bénéficiaires de CIF de plus de 45 ans ne sont pour leur part
que 14% en moyenne nationale. Le CIF est de fait majoritairement
mobilisé par les 25 à 44 ans : 81% des bénéficiaires appartiennent à cette
tranche d’âge alors qu’ils ne constituent que 53% de la population
éligible.
Le dispositif du CIF ne parvient pas dans ces conditions à réduire
notablement les disparités d’accès à la formation et par là même ne
contribue
qu’imparfaitement
à
la
sécurisation
des
parcours
professionnels. Une enquête réalisée à la demande du FONGECIF-IDF
sur le devenir des bénéficiaires du CIF deux ans après leur formation
232
met à cet égard en lumière que si 38% des sondés avaient changé de
profession ou de poste après leur CIF et si 31% d’entre eux avaient connu
une augmentation de rémunération, une part non négligeable de 16%
demeurait sans emploi.
Les premières données sur les bénéficiaires du DIF sont encore très
fragmentaires faute qu’un dispositif spécifique de suivi et d’évaluation ait
été mis en place à la création de ce nouveau droit. Sous ces réserves, elles
font apparaître que les salariés qui ont déjà mobilisé leur DIF ne se
distinguent guère pour l’essentiel des habituels bénéficiaires de la
formation continue. Les secteurs où le taux d’accès à la formation est
parmi les plus élevés sont généralement ceux où le taux d’accès au DIF
est le plus important: banque, automobile, chimie…
233
.. Comme le montre
le tableau ci-après, le DIF a aussi bénéficié en priorité aux salariés des
grandes entreprises : même s’il commence à se diffuser dans les PME, les
salariés des petites entreprises étaient en 2007, en proportion, cinq fois
moins nombreux à avoir utilisé leur DIF que ceux des très grandes.
Tableau n° 3 : Répartition des salariés des entreprises de plus de 10
salariés bénéficiaires de
DIF en fonction de la taille des entreprises (2007)
10 – 19
salariés
20 – 49
salariés
50 – 249
salariés
250 – 499
salariés
500 – 1999
salariés
2000
salariés et
plus
Total
% de salariés
bénéficiant
d’un DIF
1,6
2,1
3,2
3,6
5,9
8,2
4,7
%
des
entreprises
concernées
6,9
14,1
33,1
61,2
80,4
87,8
18,7
Source: annexe au PLF 2009
232) Enquête
CSA, septembre 2006
233) Source : Centre d’études et de recherche sur les qualifications (CEREQ), Bref n°
255, août 2008
576
COUR DES COMPTES
De même, selon différentes enquêtes réalisées notamment par des
collecteurs, le DIF serait surtout mobilisé par des salariés de 35 à 44 ans,
les plus âgés n’y ayant que faiblement recours alors même qu’ils sont les
plus menacés par l’évolution des métiers et les plus concernés par le besoin
de maintenir et d’approfondir leurs compétences. Il serait également très
faiblement utilisé par les ouvriers non qualifiés, mais aurait bénéficié à
hauteur de 23% à des cadres : de fait dans les petites entreprises, les
ouvriers accèdent 4 fois moins souvent au DIF que les cadres et 2,1 fois
moins souvent dans les très grandes
234
.
Pour autant, se distinguant davantage en cela de la plupart des
autres dispositifs de formation, mais se rapprochant du CIF, le DIF aurait
été exercé majoritairement par des ouvriers qualifiés et des employés. Par
ailleurs, la moitié de ses utilisateurs seraient des femmes. Il semblerait
enfin que le recours au DIF soit de nature à stimuler la formation dans les
entreprises qui l’utilisent, et notamment parmi les plus petites d’entre
elles : 65% des entreprises de 10 à 19 salariés qui ont utilisé le DIF ont vu
le taux d’accès de leurs salariés à la formation croitre plus vite que la
moyenne des entreprises de même taille, cette diffusion de la formation
bénéficiant de manière légèrement plus importante aux catégories d’emploi
les moins qualifiées
235
.
Ces premières données, certes parcellaires en l’absence d’enquêtes
systématiques, font apparaître que malgré quelques évolutions les publics
cibles précisés dans les
accords de branche
n’ont été qu’encore très
insuffisamment pris en compte. De fait ces accords ont également défini
des actions de formation prioritaires éligibles au financement mutualisé par
les collecteurs, quel que soit le public concerné. La combinaison de ces
priorités d’ordre différent semble avoir contribué à rendre malaisé le
ciblage souhaité sur les salariés les plus fragiles.
CIF comme DIF connaissent ainsi des résultats pour le moins en
demi-teinte au regard de leur ambition commune d’être des instruments de
correction des inégalités. Les constats faits peuvent interroger sur la
pertinence même du recours à de tels outils pour lutter contre des disparités
profondément ancrées dans le système de formation professionnelle. Par
nature, des dispositifs indiscriminés fondés sur des droits individuels
mobilisables à leur initiative par la quasi-totalité des salariés ne peuvent
être fermés à ceux qui sont les principaux bénéficiaires des actions de
formation organisées dans d’autres cadres. La définition de critères
préférentiels d’accès, au demeurant peu précis, pour des publics prioritaires
n’apporte qu’un correctif très incomplet à des difficultés qui résultent de la
logique même des dispositifs en cause.
234) Source: étude CEREQ
235) Source: étude CEREQ
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
577
C - L’échec des dispositifs spécifiques ouverts aux
titulaires de contrats à durée déterminée
Les besoins souvent importants de formation des titulaires de
contrats à durée déterminée pour leur permettre une insertion durable
dans l’emploi ont conduit à chercher à adapter à leur situation particulière
les modalités d’ouverture et d’exercice du CIF, puis du DIF. A des degrés
variables et pour des motifs différents, ces dispositifs se révèlent l’un
comme l’autre des échecs.
Créé en mars 1990, bénéficiant d’un financement spécifique
nettement plus important proportionnellement que le CIF-CDI
236
,
accessible dans des conditions d’ancienneté peu contraignantes
237
, le CIF-
CDD présente également la spécificité d’être mis en oeuvre, sauf accord
de l’employeur, en dehors de l’exécution du contrat de travail, dans le
délai d’une année après le terme de ce dernier.
La facilité d’accès et la grande souplesse du dispositif, son
financement important et mutualisé, le renvoi de la formation à
l’expiration du contrat de travail semblent de nature à garantir son
appropriation par les salariés concernés. Force est pourtant de constater
que, malgré un taux d’acceptation des demandes élevé, de 89%, le CIF-
CDD n’a
bénéficié qu’à 7 941 salariés en 2007, soit une part plus que
marginale de ceux qui y sont éligibles. Les OPACIF ne réussissent
d’ailleurs pas à consommer intégralement
les fonds dont ils disposent à
ce titre et ont reversé de ce fait au FUP cette même année 14,66 M€. Au
regard de l’ancienneté du dispositif, qui devrait
faciliter sa diffusion, de
la population éligible et des besoins importants de salariés en situation
précaire,
ces
chiffres
traduisent
une
situation
particulièrement
préoccupante,
moins
due
à
l’inadaptation
de
l’outil
qu’à
sa
méconnaissance manifeste. De fait, alors même que depuis 2003 les
OPACIF se sont vu reconnaître une mission très large de communication
et de conseil et ont fortement accru leurs budgets dédiés à cette fonction,
aucun dispositif efficace d’information des salariés en CDD n’a été
mis
en place.
Cinq ans après l’accord interprofessionnel qui l’a institué en
décembre 2003, le DIF-CDD est pour sa part complètement inexistant :
seule une trentaine de salariés en a bénéficié alors que les titulaires de
236) La contribution des entreprises est portée à 1% de la masse salariale concernée
au lieu de 0,2% pour le CIF-CDI
237) 24 mois consécutifs ou non en qualité de salarié au cours des 5 dernières années,
dont 4 mois consécutifs ou non sous CDD au cours des 12 derniers mois
578
COUR DES COMPTES
contrats à durée déterminée figuraient initialement parmi les destinataires
prioritaires de la réforme. La mesure, pourtant largement ouverte à cette
catégorie de salariés par des conditions d’ancienneté plus généreuses que
pour le CIF-CDD
238
, ne parvient pas à s’appliquer. Les modalités de
financement permettant son déroulement à l’issue du contrat demeurent
imprécises : la négociation ouverte en avril 2007 entre les partenaires
sociaux pour définir la contribution nouvelle complémentaire
qui devait
être instituée à cette fin n’est toujours pas conclue. Les conditions de
computation du crédit d’heures restent également floues, la loi n’ayant
pas précisé comment les périodes de travail en CDD réalisées dans
différentes entreprises doivent être prises en compte dans le calcul des
droits ouverts.
Ce considérable retard dans la mise en oeuvre effective du DIF-
CDD est d’autant plus anormal que plus encore que les autres salariés les
titulaires de contrats à durée déterminée ont besoin d’avoir accès à la
formation pour sécuriser leurs parcours professionnels. L’absence de
toute approche commune entre CIF-CDD et DIF-CDD apparaît à cet
égard particulièrement préjudiciable : le CIF-CDD reste très méconnu de
ceux auxquels il s’adresse, mais ses modalités techniques sont bien
adaptées à la population visée et auraient dû inspirer la définition du DIF-
CDD pour assurer sa mise en place rapide.
238) 4 mois consécutifs ou non en CDD au cours des 12 derniers mois
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
579
D - Une ouverture inaboutie aux salariés en situation de
transition professionnelle
Droits individuels, CIF comme DIF ne sont pas à proprement parler
des droits personnels du fait même que leur exercice est conditionné par la
présence du salarié au sein de l’entreprise. Cet ancrage statutaire
qui en
réserve le bénéfice aux seuls salariés en activité ne connaît que des
aménagements limités, en dépit d’une dynamique récente.
Le CIF apparaît à cet égard comme particulièrement restrictif.
Le
lien avec l’entreprise n’est desserré que dans le cas du CIF- CDD, dont
l’exercice est reporté sauf exception au terme du contrat de travail.
Toutefois la convention du 18 janvier 2006 relative au retour à l’emploi,
prise dans le cadre de l’assurance-chômage, a prévu que les demandeurs
d’emploi qui ne remplissent pas les conditions de droit commun pour
l’accès au CIF-CDD en raison d’un contrat trop court peuvent bénéficier
de la prise en charge
d’un congé individuel de formation spécifique,
cofinancé par l’Unédic et par l’OPACIF auquel était rattaché son dernier
employeur. Cette forme de portabilité reste toutefois extrêmement modeste
et n’a pas été étendue au CIF-CDI.
Le DIF en revanche a innové en prévoyant dès l’origine la
possibilité de mobiliser ce droit en cas de rupture du contrat de travail pour
licenciement économique ou licenciement pour faute (à l’exception de la
faute grave ou lourde)
239
, sans que l’employeur puisse s’y opposer, mais
selon des modalités très strictement encadrées : le bénéfice du DIF doit
en
particulier être demandé pendant la période de préavis, même si la
formation peut s’exécuter après celui-ci. Cette transférabilité limitée aux
situations de licenciement a été élargie dans 35 branches professionnelles
par des accords qui vont
au-delà des dispositions de droit commun et qui
prévoient fréquemment que le salarié changeant d’entreprise voit ses droits
capitalisés repris, parfois intégralement, par l’entreprise qu’il rejoint.
Cette dynamique qui inscrit le DIF comme un dispositif clef pour
faciliter par la formation les transitions professionnelles a été généralisée
au niveau national interprofessionnel par l’accord du 11 janvier 2008 sur la
modernisation du marché du travail. Ce dernier a prévu en effet qu’en cas
de rupture du contrat de travail non consécutive à une faute lourde, les
salariés peuvent mobiliser leur crédit d’heures capitalisé au titre du DIF
afin d’abonder en cas de chômage le financement d’actions de formation,
de bilans de compétence ou de validation des acquis de l’expérience
239) En cas de démission, le salarié peut également demander le bénéfice du DIF,
mais dans des conditions plus restrictives.
580
COUR DES COMPTES
prescrites par le
service public de l’emploi. Si le salarié est directement
recruté par une autre entreprise sans chômage interstitiel, il pourra
également utiliser le solde de son DIF dans son entreprise d’accueil avec
l’accord de cette dernière pendant les deux années suivant son embauche.
Cette portabilité du DIF apparaît très profondément novatrice. Elle
le transforme de droit individuel dans le cadre d’une entreprise donnée en
un droit personnel demeurant attaché au salarié au-delà de celle-ci, certes
pour une période limitée, et à même d’être mobilisé pour faciliter son
retour à l’emploi ou son intégration dans un nouveau contexte
professionnel, dans une logique de formation tout au long de la vie
susceptible de bénéficier à un nombre considérable de salariés : les
bénéficiaires potentiels peuvent en effet être estimés à environ 1 500 000
personnes par an.
Les stipulations sur ce point de l’accord du 11 janvier 2008 n’ont
cependant pas été reprises par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation
du marché du
travail
qui en a retranscrit dans le code du travail les autres
dispositions.
Les salariés en transition ou en mobilité professionnelle ne
peuvent de ce fait accéder à cet outil nouveau de sécurisation des parcours
professionnels qui, il est vrai, viendrait encore renforcer les importantes
difficultés de financement à terme rapproché du DIF
240
.
III
-
Des enjeux financiers considérables
A - Le CIF est particulièrement onéreux
Le CIF mobilise des financements importants : en 2007, le coût
global du dispositif s’est élevé à 1 112,98 M€, dont 919,50 M€ au titre du
CIF-CDI et 193,48
M€
pour le CIF-CDD
241
. Ceux-ci reposent quasi-
exclusivement
sur
les
contributions
obligatoires
spécifiques
des
entreprises, à l’exception de subventions d’un volume modeste parfois
apportées par d’autres institutions. Ils représentent une part significative,
de 12,1 %, de leur effort financier total pour la formation professionnelle
240) Selon les estimations de la Cour, validées par les services du ministère chargé de
l’emploi, les dépenses
liées à ce dispositif s’élèveraient à près de 290 M€ par an dans
l’hypothèse de 20 heures transférées par salarié et à 1,72 milliard € dans l’hypothèse
du transfert d’un droit capitalisé de 120 heures.
241) Source : annexe au PLF 2009 sur la formation professionnelle.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
581
continue de leurs salariés
242
, alors même que les 46 347 bénéficiaires du
CIF ne constituent qu’une part infime de ces derniers.
Ce coût considérable est certes d’abord lié aux particularités du
dispositif : le CIF finance essentiellement, à hauteur de 66%, les
rémunérations de salariés partis en formation de longue durée, seule 26%
de la dépense étant consacrée à la couverture de frais pédagogiques. Mais
son mode de gestion
n’est pas en lui-même facteur d’efficacité.
La multiplicité des OPACIF et leur importance très inégale se
traduisent par une grande dispersion des coûts de collecte de la
contribution des entreprises et
de gestion des dossiers, dans un contexte
général d’aisance financière parfois importante : le FONGECIF-IDF a pu
ainsi
récemment
procéder
à
l’acquisition
de
son
siège
social
essentiellement par autofinancement et pour le complément par un emprunt
qui a pu faire l’objet d’un remboursement rapide. La mission générale
d’information et de conseil des salariés dans l’élaboration d’un projet
professionnel, qui leur a été reconnue en 2003, a par ailleurs alourdi leur
fonctionnement au détriment relatif de la prise en charge des formations :
ainsi au FONGECIF-IDF, la très grande majorité des 120 salariés se
consacre sous des formes diverses aux missions d’information, de
documentation et de communication. Rapporté aux seuls bénéficiaires
effectifs, il en résulte globalement un ratio de fonctionnement élevé qui
atteint pour ce dernier organisme 2073 euros par CIF attribué et s’élève
encore à 1203 euros, si on prend également en compte les accords de prise
en charge de bilans de compétences.
La dispersion des collecteurs du CIF
-
26
OPCA
exclusivement
gestionnaires
du
CIF
avec
une
compétence interprofessionnelle et régionale sont regroupés sous la
dénomination de FONGECIF. Ils collectent près de 650 M€. Le FONGECIF
Ile-de-France collecte à lui seul 3O% de l’ensemble.
-
10 OPCA de branche dont le champ de compétences est national et
professionnel. Leurs ressources se montent à 161,6 M€.
-
5 associations pour la gestion des congés individuels de formation
(AGECIF), compétents pour les personnels de certaines grandes entreprises
essentiellement publiques qui collectent 40 M€.
La collecte moyenne par OPACIF se monte à 20 M€
en 2007 et
s’étage de 0,64M€ pour le FONGECIF Guadeloupe à 209 M€ pour le
FONGECIF Ile de France.
242) 9,19 Md€, hors apprentissage et dépenses pour l’insertion professionnelle des
jeunes, toutes dépenses et toutes tailles d’entreprises confondues (PLF 2009).
582
COUR DES COMPTES
Eclaté entre de multiples organismes d’importance très variable, le
système de gestion et de financement du CIF vient au total aggraver les
inégalités de prise en charge déjà relevées liées à l’absence de priorités et
de méthodes partagées dans le traitement des dossiers. Pour les
organismes interprofessionnels régionaux que sont les FONGECIF, la
collecte dépend du potentiel économique de chaque région qui n’est
aucunement corrélé avec le besoin et la demande de formation. Pour les
autres OPACIF, la collecte est davantage encore cloisonnée parce que
située dans un cadre qui fait obstacle à toute forme de péréquation
intersectorielle et autorise de ce fait une plus grande générosité dans
l’acceptation des demandes et le niveau des prises en charge.
La dispersion considérable des OPACIF et l’absence d’une
véritable mutualisation entre eux contribue de fait à renforcer un
contingentement financier qu’impose en dépit des ressources importantes
apportées par la contribution dédiée des entreprises la lourdeur même des
prises en charge. La mutualisation en principe assurée depuis 2004 par le
FUP ne joue en effet qu’à la marge. En raison de l’absence de fongibilité
des ressources qui lui sont affectées - aucun transfert de financement n’est
même possible entre CIF-CDI et CIF-CDD -
et des règles très restrictives
de redistribution dont il est doté qui ne l’autorisent qu’à couvrir des
insuffisances constatées de trésorerie au rebours de toute action
d’impulsion volontariste, le FUP n’a reversé aux OPACIF que des
sommes plus que modestes -2,8 M€ en 2006
243
-, en forte régression même
par rapport au dispositif antérieur de péréquation. Il thésaurisait
cependant par ailleurs dans le même temps des sommes considérables qui
ont atteint 343 M€ en 2006 et 434,9 M€ en 2007.
B - Le DIF n’apparaît pas soutenable financièrement
à terme
La loi du 4 mai 2004 qui a notamment institué le DIF n’a été
accompagnée d’aucune étude d’impact qui aurait permis de mesurer le
coût prévisionnel de ce nouveau dispositif. Aucun système de suivi
approprié
n’a été non plus mis en place lors de sa création. Il en résulte
une impossibilité de procéder à ce stade à une
estimation complète des
dépenses exposées au titre du DIF
par ses différents financeurs.
243) Complétées par un versement de 23,3M€ au titre d’un accord avec l’Etat,
spécifiquement destinés au financement non pas du CIF, mais des bilans de
compétence et de la validation des acquis de l’expérience (VAE).
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
583
Contrairement en effet au CIF, le DIF n’est pas assis sur une
contribution spécifique, mais est financé soit par les OPCA qui assurent
la prise en charge des dépenses pédagogiques exposées pour les publics et
les actions prioritaires, soit directement par les entreprises par imputation
sur le plan de formation pour les autres salariés et le reste des formations
et, surtout, au titre de la rémunération maintenue pour les formations
pendant le temps de travail ou du versement d’une allocation en cas de
formation en dehors du temps de travail. Si les dépenses pédagogiques
prises en charge par les OPCA sont précisément connues , ce n’est pas le
cas des dépenses exposées pour le DIF par les entreprises qui ne sont
qu’imparfaitement reprises dans la déclaration qu’elles sont tenues de
faire aux services fiscaux sur les montants consacrés à la formation
professionnelle de leurs salariés
244
.
Cette situation est d’autant plus anormale que l’enjeu financier de
la montée en charge du DIF est majeur.
Certes, les sommes en cause apparaissent à ce stade relativement
modestes : les seules dépenses pédagogiques liées au DIF ont pu être
évaluées à 131 M€ pour 2006 sur la base d’un coût moyen par
bénéficiaire de 711 euros. Le faible nombre de bénéficiaires et leur
mobilisation d’un crédit d’heures encore peu important n’ont eu
également à ce stade qu’un impact limité en termes de rémunération
maintenue.
Mais le coût
global deviendrait potentiellement impossible à
soutenir à terme si l’ensemble des salariés éligibles utilisaient sur leur
temps de travail leur DIF à hauteur du crédit dont ils bénéficient
annuellement.
Ce ne sont pas moins
en effet de
12 millions environ de
salariés en contrats à durée indéterminée qui compte tenu de leur
ancienneté acquièrent chaque année un tel droit à formation. S’ils
mobilisaient intégralement leur crédit de 20 heures, la dépense
supplémentaire qui en résulterait s’élèverait, selon les estimations
réalisées par la Cour et validées par les services du ministère chargé de
l’emploi, à près de 13 milliards d’euros par an, répartie entre prise en
charge de frais pédagogiques à hauteur de 8,5 milliards
245
et couverture
des rémunérations pendant le temps de formation à hauteur de 4,45
milliards.
244) Cf. rapport thématique sur « la formation professionnelle tout au long de la vie »,
p.107 sq.
245) 12,085 millions (salariés avec un an d’ancienneté) * 711 euros (coût moyen
d’une formation) soit 12,95 milliards d’euros.
584
COUR DES COMPTES
Ces montants représentent près de la moitié des dépenses annuelles
nationales de formation professionnelle, de 27,1 milliards d’euros en
2007, et sont très largement supérieurs aux dépenses que les entreprises
consacrent annuellement à la formation continue de leurs salariés, soit 9,4
milliards d’euros en 2007. L’effort des entreprises ferait ainsi largement
plus que doubler.
Si tous les salariés du secteur privé capitalisaient leurs heures pour
ne les utiliser comme ils en ont la possibilité qu’au bout de six ans, la
charge potentielle cumulée pour les entreprises atteindrait 77 milliards
d’euros.
Parallèlement, l’ouverture récente du DIF aux agents de la
fonction publique fait également peser un risque considérable sur les
finances publiques.
Le coût du DIF dans la fonction publique
Etendu successivement aux agents de la fonction publique de l’Etat
(loi du 2 février 2007 et décret du 15 octobre 2007), puis de la fonction
publique territoriale (loi du 19 février 2007 et décret du 26 décembre 2007),
et en dernier lieu de la fonction publique hospitalière (décret du 21 août
2008),
le
DIF leur ouvre comme
pour les salariés du secteur privé un crédit
annuel de 20 heures de formation, capitalisable sur six ans, et mis en oeuvre
avec l’accord de l’employeur
Ce nouveau droit, qui vient compléter les dispositifs de formation
traditionnels, se traduit, toutes choses égales par ailleurs, par le doublement
potentiel de la durée moyenne annuelle de formation constatée dans les trois
fonctions publiques, qui est de 19,8 heures. La dépense annuelle
supplémentaire qui en résulterait après montée en charge, si la totalité des
agents concernés en demandait le bénéfice, peut être estimée à 5,5 milliards
d’euros, dont environ la moitié pour les fonctionnaires de l’Etat. La dépense
de formation des administrations publiques serait ainsi multipliée par deux.
En cas de report d’utilisation par tous les agents au terme des six ans de
capitalisation, la charge cumulée s’élèverait à 33 milliards d’euros.
Ces estimations définissent certes un risque potentiel maximal :
tous les salariés ne mobiliseront vraisemblablement pas leur DIF ou ne
l’utiliseront que partiellement ; l’employeur pourra user de son pouvoir
de refus pour chercher à réguler la dépense ; les coûts pédagogiques
peuvent être notablement réduits ; surtout, de forts effets de substitution
entre DIF et actions traditionnellement financées au titre du plan de
formation sont à attendre en raison de l’imprécision de leurs frontières,
certaines entreprises cherchant même d’ores et déjà à réaliser une
fongibilité complète entre les financements consacrés à ces deux voies
d’accès à la formation pour ne pas augmenter leur charge globale. Mais
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
585
en tout état de cause la montée en charge du DIF au cours des prochaines
années ne pourra que se traduire par une augmentation considérable de
l’effort des entreprises et des administrations.
Est clairement posée de ce fait la question de la soutenabilité
financière à terme rapproché de ce nouveau droit, d’autant que selon
diverses enquêtes les actifs concernés semblent privilégier son utilisation
au terme de la période de capitalisation plutôt qu’au fil des six années
d’acquisition
.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Dispositifs à l’ancienneté contrastée, le premier remontant aux
origines, le second constituant une innovation très récente, CIF et DIF
illustrent, malgré certaines caractéristiques positives les difficultés
récurrentes du système français de formation professionnelle à mettre en
oeuvre une stratégie coordonnée et efficace de formation tout au long de
la vie. L’ouverture indifférenciée à la quasi-totalité de la population
salariée de droits propres à formation mobilise des moyens considérables
au bénéfice d’un nombre très réduit de bénéficiaires sans véritablement
remédier comme espéré aux inégalités de formation. Le public le plus
fragile, celui des salariés pas ou peu formés ou des titulaires de contrats
à durée déterminée, au statut le plus précaire, qui a le plus besoin d’un
accès à la formation, n’est pas celui sur qui se concentre l’effort, au
rebours de l’objectif prioritaire de sécurisation de leurs parcours
professionnels. L’absence d’articulation des dispositifs, leurs priorités
imprécises, leur ouverture plus que
limitée aux salariés en transition
professionnelle, le cloisonnement des organismes gestionnaires du CIF,
l’insuffisance de leur mutualisation financière expliquent un tel constat
d’échec.
Mais au-delà même de ce dernier, le risque considérable que fait
peser à brève échéance sur le système de financement de la formation
professionnelle continue et sur les finances publiques la montée en
charge du DIF appelle une réorientation profonde et immédiate de ces
dispositifs, sauf à accepter de laisser s’accumuler des droits à formation
dont le financement se révèlera rapidement insupportables, avec toutes
les conséquences désastreuses qui pourraient en résulter sur le plan
social et économique.
Dans un contexte de
réforme de la formation professionnelle
et
dans le prolongement
des préconisations de ses travaux antérieurs, la
Cour formule ainsi les recommandations suivantes :
1) Recentrer sans délai et très fortement le DIF, en revenant sur le
principe d’une ouverture généralisée qui creuse les inégalités de
formation plus qu’elle ne les corrige,
et en le réservant exclusivement
586
COUR DES COMPTES
aux seuls publics les plus fragiles pour des formations permettant
effectivement de sécuriser leurs parcours professionnel : salariés qui
n’ont pas bénéficié d’une formation initiale débouchant sur une
qualification,
salariés des PME et TPE,
séniors… ;
2) Dédier au financement du DIF ainsi recentré une fraction de la
contribution acquittée par les entreprises au titre du CIF, dans une
logique de sécurisation et de mutualisation ;
2) Articuler étroitement CIF et DIF selon une logique de droit
différé à la formation pour les publics fragiles en situation de
reconversion ou de mobilité professionnelle, en rendant obligatoire la
mobilisation du DIF en cas de demande de CIF, et en mettant en place
une portabilité limitée du CIF en cas de transition professionnelle, selon
des modalités analogues à celles prévues pour le DIF par l’accord du 11
janvier 2008 ;
3) Fusionner les dispositifs du CIF-CDD et du DIF-CDD, en
majorant la contribution des entreprises au CIF-CDD, pour élargir sans
nouveaux délais les possibilités d’accès à une formation des titulaires des
contrats à durée déterminée ;
4) Reconfigurer le réseau des OPACIF en centralisant l’ensemble
de la collecte au sein d’un organisme à caractère national et
interprofessionnel
permettant
une
mutualisation
complète
des
financements dédiés au CIF, en supprimant les AGECIF et collecteurs
spécifiques, et en confiant aux seuls FONGECIF régionaux une mission
d’instruction des demandes selon des priorités, des critères et des niveaux
de prise en charge harmonisés ;
5) Mettre plus largement en place un système de mutualisation
effectif des fonds de la formation professionnelle sur le plan national,
notamment en permettant la fongibilité des réserves du FUP au profit du
financement de parcours de formation pour les salariés prioritaires, et
par la création de « fonds régionaux pour la formation tout au long de la
vie » au niveau régional.
A défaut d’une réarticulation d’ensemble, profonde et rapide, la
suppression du CIF s’imposerait. Les financements généreux qui lui sont
consacrés au profit seulement de quelques uns pourraient alors être
redéployés au bénéfice de ceux, trop nombreux, qui restent encore exclus
de tout accès à la formation.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
587
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DE L’INDUSTRIE
ET DE L’EMPLOI
A l’issue
de ses investigations, la Cour a souhaité que les dispositifs
du congé individuel de formation et du droit individuel à la formation
n’apportaient qu’une contribution incomplète à la correction des inégalités
d’accès à la formation professionnelle continue et à la sécurisation des
parcours professionnels en raison notamment de leur absence de
complémentarité, d’un faible nombre de bénéficiaires et de leur absence de
ciblage sur les publics les plus fragiles.
D’une manière générale, je souscrits aux observations de la Cour.
Ainsi que j’ai pu l’indiquer dans le document d’orientation sur la réforme de
la formation professionnelle adressé aux partenaires sociaux, le marché du
travail a connu ces dernières années de profondes évolutions du fait
notamment de l’accélération des mutations économiques. L’efficacité du
système de formation professionnelle revêt de ce fait un enjeu considérable
pour les individus, salariés comme demandeurs d’emploi, dans une logique
d’évolution
et
d’adaptation
des
compétences,
de
renforcement
des
qualifications et de sécurisation des parcours professionnels.
La réforme de notre système de formation professionnelle est apparue
comme une priorité pour le Gouvernement et les partenaires sociaux ont été
invités à négocier à ce sujet. Il s’agit notamment de rendre l’individu acteur
de son parcours professionnel en faisant évoluer le congé individuel de
formation et le droit individuel à la formation et en favorisant une meilleure
allocation des moyens existants de façon à ce que ces dispositifs contribuent
plus efficacement à la sécurisation des parcours professionnels.
Au regard des recommandations de la Cour, il est notamment prévu
l’instauration d’un fonds de sécurisation des parcours professionnels afin de
mieux orienter et cibler l’effort de formation vers les publics qui en ont le
plus besoin. La forme de ce fonds et ses modalités de fonctionnement devront
être envisagées en concertation avec les partenaires sociaux qui sont en
cours de négociation, de même que l’articulation entre le niveau national et
le niveau régional.
Il est également envisagé, ainsi que le recommande la Cour, de
reconfigurer le réseau des organismes paritaires du congé individuel de
formation en centralisant l’ensemble de la collecte au sein d’un organisme à
caractère national et interprofessionnel. De la même manière, il est aussi
envisagé de fusionner les dispositifs du congé individuel de formation et du
droit individuel à la formation pour les salariés sous contrat à durée
déterminée.
588
COUR DES COMPTES
En revanche, en ce qui concerne les salariés sous contrat à durée
indéterminée, il m’apparaît que l’articulation du droit individuel à la
formation peut être envisagée avec d’autres dispositifs que celui du congé de
formation tel que le plan de formation, de telle sorte que les ressources des
fonds mutualisés de la professionnalisation soient recentrées sur des
formations qualifiantes en direction notamment des personnes les plus
vulnérables.
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET
DE LA FONCTION PUBLIQUE
J’ai pris connaissance avec le plus grand intérêt de l’insertion de la
Cour des comptes « Les dispositifs de formation à l’initiative des salariés » ,
ainsi que de l’ensemble des travaux déjà menés par la Cour des comptes sur
les dispositifs de formation professionnelle au cours de l’année 2008,
particulièrement dans le cadre de son rapport public thématique consacré à
la formation professionnelle tout au long de la vie.
Concernant plus particulièrement le congé individuel de formation
(CIF) et le droit individuel à la formation (DIF), qui font l’objet du projet
d’insertion, je partage pleinement le constat de la Cour d’un cloisonnement
important des dispositifs entre eux, mais aussi d’un cloisonnement du
système de financement. Le très grand nombre d’organismes collecteurs, leur
hétérogénéité (leur plus ou moins grande spécialisation, mais aussi leur plus
ou moins grande générosité), l’absence de pilotage unifié et de règles de
gestion communes expliquent sans doute en partie les résultats très mitigés
obtenus par ces dispositifs. La Cour le souligne à juste titre en pointant le
faible nombre de bénéficiaires et le peu d’impact de ces mécanismes de
formation dans la réduction des inégalités comme dans la sécurisation des
parcours professionnels.
Concernant les risques financiers attachés au DIF, j’avais déjà eu
l’occasion de faire part de mes remarques concernant les projections
chiffrées réalisées par la Cour des comptes, dans le cadre du rapport
adressé, en juin dernier, à la Commission des finances, de l’économie
générale et du plan de l’Assemblée Nationale, sur le DIF. La Cour présente
désormais ces chiffres (13 Md€ de dépenses potentielles dans la sphère
privée, 5,5 Md€ de dépenses potentielles dans la fonction publique), dans son
projet d’insertion, comme un « risque potentiel maximal », ce qui me semble
plus conforme à la réalité. Je constate par ailleurs qu’elle mentionne les
réserves importantes que j’avais formulées sur la possibilité de voir un tel
risque se réaliser, puisque ces estimations se fondent sur trois hypothèses,
selon lesquelles tous les salariés concernés demanderaient à bénéficier du
DIF, que l’ensemble des demandes soient satisfaites et qu’elles viennent
strictement s’ajouter aux actions de formation déjà existantes.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
589
Je partage enfin la plupart des recommandations de la Cour, qui vont
dans le sens d’un recentrage des dispositifs de la formation professionnelle
vers les publics les plus fragiles et une mutualisation renforcée des
financements qui y sont consacrés. Plus généralement, l’analyse de la Cour,
qui rejoint celle de récents rapports sur le sujet de la formation
professionnelle, renforce encore le caractère indispensable et urgent d’une
réforme d’ampleur de la formation professionnelle.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE ET DU VICE-PRÉSIDENT DU
FONDS UNIQUE DE PÉRÉQUATION
1/
Les dispositifs
La Cour
souligne «
l’absence de complémentarité des dispositifs
(
CIF
et
DIF
), le faible nombre de bénéficiaires, leur absence de ciblage sur
les publics les plus fragiles. Pour autant, sur un plan financier, ils se
révèlent, et tout particulièrement le
DIF
, particulièrement lourds d’enjeux
faisant peser des risques considérables sur le financement du système de
formation professionnelle ».
Il s’agit effectivement de deux dispositifs bien distincts :
- Le
CIF
, dans sa conception actuelle, repose sur une initiative
individuelle du salarié et sur un parcours individuel de celui-ci, financé par
une contribution collective des employeurs.
- Le
DIF
est aussi à l’initiative du salarié, mais suppose l’acceptation
de l’employeur qui en supporte le financement, soit dans le cadre du plan de
formation, soit dans le cadre de la professionnalisation.
Si ces deux dispositifs reposent sur des initiatives individuelles, ils
n’ont pas été conçus pour être complémentaires, et ils ne répondent pas aux
mêmes situations ni aux mêmes objectifs. Le
DIF
(
120
heures maximum)
permet surtout de combler une lacune ou d’acquérir une connaissance
supplémentaire dans une discipline. Le
CIF
, d’une durée beaucoup plus
longue est souvent utilisé pour se reconvertir ou pour une évolution
professionnelle. Comme il s’agit de formations longues (
754
heures en
moyenne pour le
CIF CDI
en
2007
– Annexe Formation Professionnelle au
PLF
2009
) qui doivent correspondre à de véritables projets professionnels,
elles ne peuvent bénéficier à de très nombreux salariés, en tout cas pas dans
les mêmes proportions que celles qui s’inscrivent dans le plan formation et
dont la durée moyenne avoisine les
30
heures par an pour les salariés qui en
bénéficient (Annexe au
PLF
2009
).
590
COUR DES COMPTES
Si par définition le
CIF
n’est pas ciblé et concerne bien tous les
salariés, les
FONGECIF
ont été amenés à mettre en place des critères de prise
en charge en charge et à définir annuellement des priorités. Cette faculté que
leur confère la règlementation leur a permis de favoriser des demandes
émanant en majorité d’ouvriers et employés (à
80 %
en
2007
) et à favoriser
les publics ayant des niveaux de formation
VI
,
V
et
IV
(qui représentent
61 %
des bénéficiaires). S’il ne peut à lui seul modifier totalement la donne, le
CIF
contribue donc bien à réduire en partie les inégalités d’accès à la formation.
Le
CIF CDD
quant à lui ne cesse de progresser pour, en
2007
,
atteindre
7 941
bénéficiaires, soit
17 %
de l’ensemble des dossiers
CIF
de
l’année
2007
(
46 347
bénéficiaires dont
7 941
au titre du
CIF CDD
et
38 406
au
titre du
CIF CDI
). Il s’agit là de salariés fragilisés ; le réseau des
OPACIF
démontre ainsi sa capacité et sa volonté de s’occuper des publics les plus
éloignés d’un emploi stable.
2/
Les enjeux financiers
Quelques précisions sur les chiffres :
La Cour note qu’en
2007
, selon l’annexe formation professionnelle au
PLF 2009
, le coût global du dispositif
CIF
s’est élevé
à 1 112,98 M€
dont
919,50
M€
pour le
CIF CDI
et
193,48 M€
pour le
CIF
CDD
.
Il s’agit là de
charges comptabilisées sur l’année
2007
, dont une
bonne part trouve son origine antérieurement à l’année
2007
.
Si nous raisonnons en terme d’engagements pris sur l’année, ils
s’élèvent en
2007
à
882 M€
sur le
CIF CDI
, et à
178 M€
sur le
CIF CDD
.
Il est noté en titre du paragraphe A « Le
CIF
est particulièrement
onéreux ». Le
CIF
est « onéreux » car il s’agit d’une formation longue, mais
quand on considère le coût horaire moyen d’un
CIF
(28 €
de l’heure pour un
CIF CDI
et
27 €
de l’heure pour un
CIF CDD
), il est inférieur au coût horaire
moyen d’un stagiaire dans le cadre du plan de formation pour les entreprises
de plus de
10
salariés (
31 €
de l’heure – Annexe Formation Professionnelle
au projet de loi de Finances
2009
). Certes le nombre de bénéficiaires peut
paraître « infime » par rapport à l’ensemble de la population salariée.
Cependant, compte tenu du fait qu’il s’agit de formations longues, qui ne
sont mobilisées en général qu’une fois dans une vie professionnelle, il
faudrait apprécier le nombre de bénéficiaires sur
40
ans afin d’avoir une
vision plus conforme. Sur la base de
40 000
bénéficiaires annuels sur
40
ans,
nous obtenons
1 600 000
bénéficiaires. Nous ferons également observer que la
durée moyenne d’un
CIF
est de
754
heures (
CIF CDI
Annexe Formation
Professionnelle au
PLF
2009
). La durée moyenne des stages dans le cadre du
plan de formation est de
30
heures, soit à peine
4 %
de la durée d’un
CIF
.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
591
Sur le nombre de collecteurs : c’est l’Etat qui agréé les collecteurs, et
le
FUP
ne peut endosser la responsabilité de la « dispersion » des
collecteurs. Nous remarquerons cependant que les
FONGECIF
ont un
ancrage territorial qui leur permet de s’adapter aux spécificités régionales et
aussi de réagir rapidement aux sollicitations du terrain (nous le constatons
actuellement avec la multiplication des faillites d’entreprises). Cet ancrage
territorial semble d’ailleurs correspondre aux recommandations de certains
rapports (Rapport « Carle » par exemple), enjoignant aux
OPCA
et
OPACIF
de travailler au plus près du terrain et au plus près des individus.
Sur la collecte moyenne : Elle n’est pas calculée par
CIF
mais par
OPACIF
. Elle est bien égale par
OPACIF
à
20 M€,
avec une grande disparité
que souligne la Cour, entre les plus petites collectes (
0,640 M€
collectés par
la Guyane en
2007
) et les plus importantes (
209 M€
collectés par le
FONGECIF
Ile de France, au lieu de
206 M€
comme indiqué par le rapport).
Cette disparité n’est pas de la responsabilité du
FUP
puisqu’elle découle de
l’organisation même qui a été mise en place : un
FONGECIF
par région. Les
moyens des
FONGECIF
sont donc corrélés au nombre de salariés que
comporte la région.
Le taux d’accès au
CIF
ne nous permet pas d’affirmer que les régions
les plus fortes en termes de salariés soient celles où le taux d’accès au
CIF
soit le meilleur : Selon le rapport
IGAS RM2008
-
002A
du
14
mars
2008
, le taux
d’accès au
CIF
est de
0,19 %
en Ile de France et de
0,48 %
en Guyane.
La mutualisation :
Pas de véritable mutualisation entre
OPACIF
. Il est vrai que si la
mutualisation ne devait s’effectuer qu’entre
OPACIF
, ces derniers en
bénéficieraient peu : en
2006
, les excédents reversés par les
OPACIF
représentaient
10 M€,
et
18 M€
en
2007
. Il y a bien cependant une péréquation
qui s’exerce au bénéfice des
OPACIF
:
En
2006
, les
OPACIF
ont perçu
2,8 M€
de fonds réservés et
23,3 M€
au
titre de l’accord Etat
CPNFP
(prise en charge des bilans et
VAE
, soit au total
26,1 M€
). Cette somme prouve que la péréquation s’est plutôt exercée des
OPCA
en direction des
OPACIF
.
En
2007
, les
OPACIF
ont perçu
3,4 M€
de fonds réservés et
53,5 M€
pour prendre en charge bilans de compétence et
VAE
, soit
56,9 M€
au total,
soit là encore une somme bien plus importante que les seuls excédents versés
par les
OPACIF
.
En
2006
et en
2007
, les
OPACIF
ont donc bien bénéficié d’une réelle
mutualisation des fonds non utilisés par les
OPCA
sur la professionnalisation.
Et nous avons poursuivi en
2008
, puisque les sommes affectées par le Conseil
d’administration du
FUP
au titre des fonds réservés pour les
OPACIF
représentent un total de
89 M€
pour les seuls
CDI
.
592
COUR DES COMPTES
La fongibilité :
Les sommes gérées par les dispositifs
CDD
et
CDI
ne sont pas
fongibles. Elles ne sont d’ailleurs pas du tout du même niveau puisque le taux
de contribution dû au titre du
CIF CDD
est 5 fois plus important que le taux
du
CIF CDI
. Cette non fongibilité constitue la garantie que les sommes
destinées au CDD sont bien utilisées au bénéfice des CDD, donc des salariés
plus fragilisés que les CDI.
Par ailleurs les excédents non utilisés par les
CDD
remontent au
FUP
,
en quantité de plus en plus faibles, et bénéficient à l’ensemble des
OPACIF
sur l’ensemble des dispositifs (cf. chapitre sur la mutualisation).
La trésorerie du
FUP
:
Nous rappellerons tout d’abord que les sommes dont dispose le
FUP
proviennent à
95 %
des excédents dégagés par la professionnalisation, ainsi
que de la contribution versée par les
OPCA
(
5 %
de la contribution légale au
titre de la professionnalisation). Les excédents sur ce dispositif étaient très
importants en
2005
et
2006
, date de démarrage du dispositif. Ils sont en forte
baisse. Ainsi les
OPCA
qui avaient versé
220 M€
en
2007
, au titre des
excédents, ont versé
115 M€
en
2008
au titre des mêmes excédents. Ils
verseront moins en
2009
. Par contre, leurs demandes de couverture
d’engagements sont en forte hausse. Elles ont doublé entre
2007
et
2008
passant de
150 M€
à
300 M€.
Il s’agit là de demandes qui devront être
ajustées selon les réalisations en fin d’année.
La trésorerie du
FUP
est importante, mais il faut mettre en face les
engagements du
FUP
:
- 343 M€
en trésorerie au
31
décembre
2006
, et
239,3 M€
d’engagements actés et notifiés aux organismes.
- 434,9 M€
en trésorerie au
31
décembre
2007
, et
297,7 M€
d’engagements actés
et notifiés aux organismes.
- Au
31
décembre
2008
, la trésorerie du
FUP
ne lui permettra pas de
faire face à la totalité de ses engagements. La trésorerie est en effet estimée à
303,1 M€
au
31
décembre
2008
, et le montant des engagements est estimé à
469,1 M€.
Le verbe « thésauriser » employé par la Cour (
page
4
, avant dernière
ligne du
2
è
§
) laisse supposer que le
FUP
accumulerait de la trésorerie. En
fait, le
FUP
ne dispose pas d’excédents. Le
FUP
ne gère que des fonds dédiés
en instance de règlement et actuellement les fonds dont il dispose ne lui
permettraient pas, s’il devait arrêter son activité au
31
décembre de l’année
en cours, de répondre à la totalité de ses engagements, compte tenu
notamment des prélèvements très importants opérés par l’Etat :
175 M€
en
2007
,
200 M€
en
2008
.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
593
Sur l’ensemble du dispositif :
« Le CIF a démontré, au cours des trente dernières années son
utilité sociale et son apport essentiel dans le fonctionnement de l’ascenseur
social. C’est également un outil utile à la construction d’un projet de
création et de reprise d’entreprise »
(Rapport
IGAS
, page
33
).
En accompagnant les salariés dans leur recherche d’évolution
professionnelle, en sécurisant les transitions professionnelles, les
FONGECIF
font la démonstration de la pertinence de cet outil au quotidien dans les
régions, au plus près des salariés.
Bien conscients des avantages, mais aussi des contraintes, d’une
organisation territoriale efficiente, le
FUP
et les
FONGECIF
ont entrepris en
2008
une démarche qui doit les conduire à une plus grande homogénéité
d’action et une meilleure lisibilité pour les salariés et les entreprises dès
l’exercice
2009
.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION DE GESTION DU
CONGÉ INDIVIDUEL FORMATION
DES PERSONNELS DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUE ET GAZIÈRE
(AGECIF-IEG)
Notre association a été auditionnée le 27 octobre dernier devant la
5
ème
chambre dans le cadre d’un contrôle de sa gestion par la Cour des
Comptes. Nous avons fourni à cette occasion, outre les éclairages oraux lors
de l’audition proprement dite, deux documents écrits. Le premier traitait
directement des questions qui nous étaient posées dans le rapport
d’observations provisoires et le second faisait état de nos nombreuses
observations sur le contenu du relevé d’observations provisoires de la Cour
des Comptes relatif à ce contrôle.
De nombreux éléments inclus dans ces documents répondent,
corrigent et/ou contredisent directement certaines observations de la Cour
contenues dans les extraits du rapport « Les dispositifs de formation à
l’initiative des salariés » que vous nous avez transmis.
Tout en reconnaissant la pertinence de certaines questions soulevées,
nous considérons que les observations concernant les OPACIF et plus
précisément l’AGECIF IEG :
- portent sur des considérations de gestion qui, selon nous, sont très
souvent non fondées,
- auraient du intégrer au moins quelques éléments de nos précédentes
réponses à la Cour afin d’apprécier au mieux la valeur ajoutée de notre
organisme dans le contexte légal actuel et pour le profil particulier des
salariés dans notre périmètre d’action.
594
COUR DES COMPTES
1. Des considérations de gestion non fondées pour l’AGECIF IEG
Priorités et gestion des refus
Nous contestons l’interprétation faite par la Cour, en page 3 dans la
partie « II B– Des résultats très imparfaits », de la gestion par notre
association des demandes de prises en charges de CIF à travers la définition
de nos priorités et la gestion des refus.
En effet, en application de l’article R 6322-12 du Code du travail,
nous définissons tous les ans des priorités (public à bas niveau de
qualification -file PA-, ouverture à la culture et à la vie sociale –file PB-,
bilans de compétences et VAE ainsi que des demandes non prioritaires – file
PC-). Nous faisons figurer dans ce document, disponible pour les salariés et
les employeurs, y compris la part de notre collecte affectée pour chacune de
ses files. Bien entendu ces priorités respectent les articles R 6322-22 et 23
définissants les règles à respecter en terme de répartition.
L’AGECIF IEG, à travers ses priorités, a fait clairement le choix de
financer le plus de demandes possibles pour tous les niveaux de qualification,
quitte à générer un peu d’attente pour certains demandeurs. Que la Cour
veuille bien noter tout de même qu’une part très significative de notre
budget, 37%, est affectée à :
« des agents dont le niveau de formation est inférieur ou égal au
niveau IV pour suivre une formation ou à un cursus conduisant à un diplôme
ou à un titre homologué, à l’exception des formations à caractère sportif »
(chapitre II – 2 .1 de nos priorités)
D’autre part dans ce même document annuel, nous rappelons les
conditions de refus de prise en charge car nous n’acceptons pas toutes les
formations contrairement à ce qui est affirmé par la Cour. Les raisons de
refus, conformément à l’article L6322-31 du Code du travail, sont les
suivantes :
Si la demande du salarié n’est pas susceptible de se rattacher à une
formation telle que définit par le Code du travail (organisme de
formation non-agréé ou exclusions explicitement rappelées en
paragraphe 9.6 du document « priorités 2008 » qui a été communiqué
à la Cour)
Si toutes les demandes ne peuvent être satisfaites simultanément pour
des raisons budgétaires.
Spécificité de l’AGECIF IEG et « dépendance aux entreprises adhérentes »
L’existence de l’AGECIF IEG repose sur le fait qu’elle soit hors du
champ d’application de l’ANI (Article R6332-6 et 10 du Code du travail), ce
qui justifie la dérogation accordée en particulier au seuil de collecte
actuellement défini par la loi.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
595
Nous contestons la position de la Cour sur la question de la
dépendance de notre association avec les entreprises adhérentes. De manière
factuelle, nous avons montré lors de l’audition que cette dépendance n’est en
aucun cas prouvée et ne citerons ici que les éléments principaux de notre
réponse.
1.
Notre Conseil d’Administration est paritaire et donc composé à part
égal de représentants des salariés et des employeurs. Pour assurer
leur mission de collecteurs des fonds de la formation professionnelle,
les OPCA et les OPACIF doivent obligatoirement être paritaires dans
la gestion des fonds avec le conseil d'administration (Article L6332-1
du Code du travail). Il s’agit donc d’une obligation légale.
2.
Aucun Procès-verbal ne permet d’accréditer la thèse de cette
dépendance alors même que, et vous en conviendrez, seul le CA
détermine les choix politiques de notre organisme.
3.
Si le personnel de l’association est bien mis à disposition par certaines
entreprises de la branche, il n’en demeure pas moins qu’il est choisi
par les administrateurs après un appel à candidature dans la bourse
de l’emploi de la branche et qu’une convention tripartite officielle est
signée entre les parties. Ceci a pour finalité de permettre au personnel
de l’AGECIF IEG un parcours professionnel que ne peut offrir une
structure de notre taille.
4.
La responsabilité « managériale » sur le personnel de l’AGECIF IEG
est assurée par le Président de l’association, en liaison avec la cadre
administrative de l’association pour les gestionnaires, sans aucune
intervention de la part des entreprises en particulier pour les
entretiens d’évaluation, l’évolution des rémunérations et la gestion des
congés.
5.
Les salaires et charges du personnel sont intégralement supportés par
l’AGECIF IEG
Par ailleurs, nous ne pouvons souscrire à l’avis de la Cour soulignant
« nos nombreuses faiblesses de gestion et notre fonctionnement largement
autarcique ». Nous avons démontré lors de notre audition et dans les
documents remis en support, que cet avis n’est étayé par aucun fait avéré et
s’appuie de nombreuses fois sur des méconnaissances légales (exemple de
l’observation concernant le bilan de formation des entreprises adhérentes
par exemple) ou des confusions de la part de la Cour des Comptes (confusion
entre les rémunérations des salariés partis en CIF à rembourser aux
entreprises et le coût des salaires et charges du personnel de l’AGECIF par
exemple). Nous ne comprenons également pas en quoi notre fonctionnement
est autarcique, ni à quelle obligation légale la Cour se réfère, nous tentons
de gérer au mieux les CIF des salariés qui sont dans notre périmètre de
gestion en conformité avec l’agrément qui nous a été donné par la puissance
publique et dans le strict respect des contraintes légales.
596
COUR DES COMPTES
« Des financements qui seraient trop généreux »
La Cour nous reproche de financer des « cursus pluriannuels
exceptionnellement longs bien que le code du travail fixe une durée en
principe maximale, sauf accord particulier, d’une année ou de 1200 heures
de formation». Si la durée prévue au code du travail ne doit pas excéder un
an à temps plein ou 1200 heures, le même article L 6322-12 prévoit
également que « Ces dispositions ne font pas obstacle à la conclusion
d’accords stipulant des durées plus longues pour les congés».
Nous sommes
donc plus favorables que le droit du travail,, ainsi que cela est explicitement
prévu et autorisé.
Les raisons sont à chercher en particulier dans la structure CSP de la
population que nous gérons, qui est composée à 77% de cadres et techniciens
contre seulement 33% dans la population active, donc avec un niveau de
formation initiale plus élevé et un coût horaire en terme de rémunération
nettement supérieur. On sait par ailleurs que, dans le coût global d’une
formation, c’est la partie rémunération qui pèse le plus, celle liée aux frais
pédagogiques et annexes restant marginale. Enfin il nous semble devoir
indiquer à la Cour que si certaines formations sont particulièrement longues,
c’est que la part budgétaire consacrée aux salariés ayant un faible niveau de
qualification est de 37% et que, en conséquence, ces formations induisent des
durées plus longues.
Nous tenons également à rappeler que pour les dossiers pluriannuels,
une demande de renouvellement accompagnée de la justification de passage
dans l’année supérieure doit être validée tous les ans par notre Conseil
d’administration, en cas d’échec ou de manquement à cette procédure, à
l’initiative du salarié, dans les délais prévus, le financement est
immédiatement suspendu.
Pour illustrer son propos sur notre « générosité », la Cour fait
référence à « une formation aux
arts et plastiques de 4.431 heures,
six fois
supérieure à la durée moyenne constatée sur le plan national ». Outre la
pertinence de la comparaison qui reste à démontrer, une moyenne identique
pouvant recouvrir des situations très diverses en terme d’écart type, cette
formation constitue un cas exceptionnel ne représentant que 1% de la durée
totale de formation financée dans l’exercice considéré. L’intitulé exact de la
formation, que la Cour a un peu trop condensé, est « arts plastiques
graphiques pédagogie associée » visant à obtenir une compétence de
pédagogue dans ce domaine et lié à un projet associatif du salarié concerné
qui doit prochainement partir en inactivité. Nous rappelons d’autre part à la
Cour qu’il est interdit à un COPACIF de refuser une demande de
financement pour une raison autre que celles mentionnées à l’Article L6322-
31 du Code du travail.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
597
« Des critères peu rigoureux »
La Cour prend prétexte de la prise en charge de formations telles que
techniques graphiques et communication visuelle, bureautique (Word, Excel,
…), professeur de yoga, etc., pour considérer nos critères d’attribution
comme peu rigoureux.
Hormis le fait que ces formations (yoga, pilote d’avion, professeur de
danse pour couple, moniteur de croisière, accompagnateur de tourisme
équestre) démontrent bien le fait qu’il n’y a pas dépendance aux entreprises
du secteur électrique et gazier, (voir plus haut) nous nous permettons de
renvoyer la Cour aux textes légaux traitant de l’attribution des CIF en lui
précisant que nous ne contrevenons en rien à la législation actuelle, mais
qu’au contraire nous sommes garants de leur pleine et entière application.
En effet de nombreux OPACIF limitent leur champ d’action aux deux
premiers volets du CIF en violation de l’article L6322-31 du Code du travail,
même si la motivation principale des salariés dont nous finançons les
formations
reste
majoritairement
professionnelle
nous
appliquons
strictement la loi en acceptant toutes les formations répondant à la définition
légale du CIF. Si la législation devait évoluer nous adapterions nos priorités
et nos pratiques en conséquence, bien entendu.
Sixième Partie Livre III Titre II Chapitre 2 Section 1 « congé individuel de
formation » Art L6322-1 du Code du travail
Le congé individuel de formation a pour objet de permettre à tout
salarié, au cours de sa vie professionnelle, de suivre à son initiative et à titre
individuel, des actions de formation, indépendamment de sa participation
aux stages compris, le cas échéant, dans le plan de formation de l'entreprise
dans laquelle il exerce son activité.
Ces actions de formation doivent permettre au salarié :
1° D'accéder à un niveau supérieur de qualification ;
2° De changer d'activité ou de profession ;
3° De s'ouvrir plus largement à la culture, à la vie sociale et à
l'exercice des responsabilités associatives bénévoles.
Par ailleurs, il nous est reproché que « ces formations ne bénéficient
dans les faits qu’aux agents statutaires : un seul salarié en contrat à durée
déterminée a bénéficié d’un CIF en 2006. »
Nous contestons ce point et précisons à la Cour que tous les salariés
en CDI, statutaires ou non, sont susceptibles d’être financés par l’AGECIF
IEG et la nature du contrat de travail n’est en rien un critère discriminatoire.
Concernant les salariés en CDD, si nous n’avons financé qu’une seule
formation de salarié en CDD en 2006, c’est que nous n’avons reçu qu’une
seule demande en 2006. Comme le prévoit la législation, le solde du budget
598
COUR DES COMPTES
CDD a été reversé au FUP, permettant ainsi une mutualisation des fonds
vers des secteurs où la demande serait plus grande et nous contribuons ainsi
à l’effort pour cette population particulière.
2. La valeur ajoutée de l’AGECIF IEG
En conclusion de notre réponse, nous ajouterons juste quelques
données que la Cour n’a pas cru devoir mettre en avant ou qui n’étaient pas
encore disponible au moment de notre audition et souhaitons ainsi apporter
notre modeste éclairage à la réflexion en cours sur la formation
professionnelle.
Afin de montrer l’efficacité du système mis en place à l’AGECIF IEG,
et au-delà de cela, mieux cerner les effets du CIF sur la population des IEG
partie en CIF, quelques données issues de l’enquête « Devenir 2006 »
portant sur les salariés partis en CIF entre 1999 et 2006 dont nous venons
d’avoir les résultats :
- 91% des salariés ayant passé un examen dans le cadre de leur CIF
l’ont réussi.
- 66% ont réussi un examen d’un niveau de qualification supérieur au
niveau possédé avant le CIF (73% pour les agents d’exécution, 72% pour les
agents de maîtrise et 20% chez les cadres)
Tous CIF confondus (y compris ceux touchant à la vie culturelle et
associative) 36% des salariés partis en CIF possèdent un niveau d’études
supérieur après le CIF. Certes les volumes restent modestes, comme le note
la Cour des comptes, mais l’efficacité est au rendez-vous.
1 salarié sur 4 ayant effectué un CIF a changé de collège (pour le
collège exécution le taux approche 1 sur 2) sous l’action reconnue du CIF,
donc non seulement la qualification est obtenue mais elle trouve une
concrétisation en terme de reconnaissance.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT ET DU VICE-PRÉSIDENT DU FONDS DE
GESTION DU CONGÉ INDIVIDUEL DE FORMATION (FONGECIF) –
ILE-DE-FRANCE
Le Fongecif Île-de-France
accueille avec une grande attention
les
remarques de la Cour des Comptes dans son rapport public annuel
concernant le dispositif de financement de formation continue qu’il gère.
Le
Fongecif Île-de-France
se fera l’écho des préoccupations
exprimées par la
Cour
auprès des instances compétentes
pour faire évoluer, en tant que de
besoin, les missions qui sont les siennes, voulues par le législateur depuis
1983, régulièrement confirmées et renforcées depuis.
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
599
Le Fongecif Île-de-France souhaite
apporter à la Cour quelques
précisions utiles
au débat auquel elle contribue par son rapport annuel. Ces
précisions sont de nature à faire une claire distinction entre ce qui relève de
la qualité de la gestion du Fongecif Île-de-France, saluée par le rapport
particulier qui lui a été consacré par la 5
e
chambre de la Cour des comptes
en 2008
, et les dispositions qui relèvent par nature du système de formation
continue dont le Fongecif Île-de-France n’est qu’un des acteurs et dont il ne
peut être tenu responsable pour l’ensemble des insuffisances. Le Fongecif
Île-de-France saisit ainsi l’occasion qui lui est donnée par le rapport annuel
pour apporter une
contribution factuelle et objective
se fondant notamment
sur le ROP de la 5
e
chambre qui dresse un bilan particulièrement satisfaisant
de la gestion du Fongecif Île-de-France tout en soulevant des questions de
fond relevant de la responsabilité des autorités compétentes.
Les dispositifs de formation à l’initiative des salariés : le Fongecif
est et demeure l’unique outil de la 2
e
chance pour les salariés actifs
« Le CIF a démontré, au cours des trente dernières années, son utilité
sociale et son apport essentiel dans le fonctionnement de « l’ascenseur
social. C’est également un outil utile à la construction d’un projet de
création et de reprise d’entreprise.» (Rapport de l’IGAS sur l’Évaluation du
service rendu par les organismes collecteurs agréés, mars 2008).
Créé en 1983 pour gérer le CIF, le Fongecif a été voulu par les
partenaires sociaux et les pouvoirs publics comme un outil interprofessionnel
et régional de financement des projets de reconversion et de qualification des
salariés. Il
tient sa place unique dans le dispositif parce qu’il est activé à
l’initiative du salarié et qu’il finance des projets de long terme nécessitant
des formations longues et qualifiantes, donnant ainsi tout son sens à la
notion même de mobilité choisie. En 2004, ces mêmes partenaires sociaux et
pouvoirs publics ont confié aux Fongecif une mission d’accompagnement,
complémentaire des missions d’information, de conseil, d’accréditation des
centres de bilan de compétences, de collecte des fonds et de financement,
partant d’un consensus général sur son caractère indispensable comme
condition de réussite des projets individuels. Par conséquent, les coûts de
l’accompagnement ne peuvent nullement entrer dans le calcul du ratio des
frais de gestion des dossiers, contrairement à ce qui est indiqué dans le
rapport de la Cour.
Depuis 1983, le Fongecif Île-de-France travaille dans le sens de la
responsabilisation des salariés pour les rendre acteurs de leur vie
professionnelle, en leur permettant de se qualifier et d’accéder ainsi à de
nouveaux métiers, de nouveaux emplois et de nouvelles responsabilités. Il
s’agit d’un travail de fond, inscrit dans le moyen terme, anticipant les
évolutions du marché du travail et les besoins des bassins d’emploi.
À ce titre, le CIF n’est pas le DIF. La comparaison fait apparaître une
importante différence de nature : le CIF est un investissement sur le long
terme dans une optique de modification structurante de la trajectoire
600
COUR DES COMPTES
professionnelle ; le DIF permet lui une adaptation de court terme, avec des
formations de courte durée, non qualifiantes en lien le plus souvent avec les
besoins de l’emploi occupé. Comme le souligne le document d’orientation du
gouvernement sur la réforme de la formation publié en juillet 2008, « Le
Congé individuel de formation comme le droit individuel à la formation
constituent des outils importants de la sécurisation des parcours pour les
actifs. »
10 millions d’heures de formation financées et 250 000 salariés
informés annuellement par le Fongecif Île-de-France
Des priorités affichées qui privilégient les employés et les ouvriers
ayant un projet d’évolution professionnelle
Les formations financées par le Fongecif Île-de-France sont par
nature des formations longues puisqu’elles répondent à des besoins de
qualification et de reconversion. Chacun sait que ces processus nécessitent
un grand nombre d’heures de formation réparties sur une période longue,
d’autant plus lorsque les personnes sont peu qualifiées au départ. Cet
investissement pour l’avenir représente près de 10 millions d’heures de
formation financées chaque année. Dans un souci de rééquilibrage et
d’égalité d’accès, le Fongecif Île-de-France s’est doté de priorités qui
conduisent à répondre favorablement à la quasi totalité des demandes de
CIF des catégories socioprofessionnelles les plus modestes : 88,6 % des
bénéficiaires de CIF sont ouvriers, employés ou agents de maîtrise.
Par ailleurs, si chaque salarié a un accès égal au CIF une fois dans
sa vie professionnelle, faut-il pour autant considérer que la totalité de la
population salariée a le même besoin de formation de reconversion, d’une
mobilité interprofessionnelle ou d’une formation qualifiante ? Faut-il
considérer que 100 % des salariés doivent bénéficier d’un CIF, ce qui
suppose d’autres moyens de financement de masse et une politique
d’incitation drastique. Le coût n’en serait évidemment pas le même. Le
Fongecif Île-de-France serait tout à fait intéressé par une réflexion sur le
nombre de bénéficiaires considéré comme satisfaisant eu égard à la
population de référence et à ses moyens de financement.
L’accompagnement des salariés : une mission indissociable de la
recherche d’efficacité
La mission d’accompagnement confiée aux Fongecif par les pouvoirs
publics et les partenaires sociaux est fondée sur un constat unanime des
acteurs de l’emploi et de la formation : c’est grâce à un conseil et à une
orientation sur mesure que l’efficacité des dispositifs est garantie et que les
financements sont utilisés au mieux par les salariés. Il leur donne les
meilleures chances d’atteindre leurs objectifs. Dans le même esprit que
l’accompagnement individuel pour favoriser le retour à l’emploi, il est
développé par le Fongecif Île-de-France de manière renforcée depuis la
réforme de 2004 et permet chaque année à 250 000 salariés franciliens de
bénéficier d’une information, d’une orientation ou d’une prestation de
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
601
conseil et d’accompagnement. Toutes ces prestations sont fournies dans un
espace dédié à l’élaboration du projet professionnel. Cet Espace Projet
reçoit ainsi plus de 80 000 visites par an. C’est pour faciliter l’accueil de
salariés de plus en plus nombreux que le Fongecif Île-de-France a décidé
d’investir dans des locaux appropriés permettant à la fois de baisser les
coûts, et ainsi de réserver les financements à la formation, d’offrir des
espaces adaptés à l’accueil et au conseil et de faciliter l’accès au plus grand
nombre en étant dans Paris intra muros. Enfin, le site Internet du Fongecif
Île-de-France est consulté chaque année par plus d’1 million d’internautes.
Réduire les inégalités d’accès à la formation est un enjeu majeur
pour tous.
Le Fongecif Île-de-France considère comme majeur l’enjeu d’amener
à la qualification ceux qui n’en ont pas bénéficié en formation initiale et de
permettre des reconversions à ceux dont l’emploi ou le métier est menacé. Le
CIF permet un accès aux salariés qui en ont le plus besoin, tout en restant
ouvert à tous. L’inégalité repose sur la capacité des salariés à mobiliser les
dispositifs de FPC. Les salariés les moins qualifiés sont ceux qui,
spontanément,
y
ont
le
moins
recours. Une
multitude
de
facteurs
sociologiques influencent l’usage du droit à la formation professionnelle.
Comme le note la Dares (Document d’études « pourquoi les moins qualifiés
se forment-ils moins » - juillet 2006) entrent par exemple en ligne de compte
une « moindre motivation, des difficultés matérielles ou financières pour
s’organiser, une moindre maîtrise des réseaux. » C’est notamment une des
raisons qui ont poussé le Fongecif Île-de-France à conduire des actions
volontaristes et régulières d’information des salariés pour les inciter à
réfléchir à leur projet professionnel. Concrètement, différentes actions de
sensibilisation et de mobilisation ont été expérimentées afin de toucher les
salariés dans leur lieux de vie et de passage (gares, centres commerciaux,
partenaires territoriaux…). C’est ainsi que le Fongecif Île-de-France a pu
significativement peser sur le profil des demandeurs (+ 19 % de demandes de
salariés les moins qualifiés, + 16 % de demandes de salariés âgés de 40 à 49
ans par exemple) et sur le nombre de demandes (+ 18 % de demandes en 2
ans et + 15 % de visites à l’Espace Projet). Ces actions de mobilisation se
poursuivront dans les années à venir afin de maintenir cette dynamique
d’évolution qualitative des flux.
Au titre de la sécurisation des parcours professionnels, le devenir des
personnes à l’issue d’un CIF est un thème de préoccupation du Fongecif Île-
de-France. Il a ainsi conduit des études pour connaître le devenir des
personnes formées et ajuster ses moyens et ses priorités en fonction des
résultats constatés. Ces études montrent que 86 % des bénéficiaires
obtiennent la qualification qu’ils visaient ; qu’ils sont 84 % à considérer que
leur situation post CIF est meilleure que celle antérieure pour les personnes
en CDI et 88 % pour celles en CDD. Enfin, si 16 % des personnes ayant suivi
un CIF sont sans emploi 12 mois après celui-ci, il faut regarder avec
précision la décomposition de
ce pourcentage. La majeure partie de ces 16
602
COUR DES COMPTES
% de demandeurs d’emploi est ou bien dans un départ négocié avec
l’employeur (donc en transition vers un nouvel emploi visé à l’issue de la
formation) ou en congé maladie ou en congé parental. Ils ne sont finalement
que 3,75 % à être dans une situation de perte d’emploi subie dont encore la
moitié est en fin de CDD. Le CIF tient ainsi sa promesse d’être au service
d’une mobilité choisie et non subie.
Pour autant,
le CIF a-t-il la responsabilité, à lui seul, de rééquilibrer
les voies d’accès à la formation professionnelle continue (FPC) ? La
question de l’inégalité d’accès des salariés à la FPC dépasse le cadre du
CIF et des Fongecif. Rappelons que la vocation première du CIF est plutôt
l’évolution professionnelle que la correction des inégalités d’accès. Il joue
un rôle préventif en faveur de la mobilité professionnelle et du maintien dans
l’emploi à moyen voire long terme. La formation initiale et la FPC sont
d’autres contributeurs déterminant à cette réduction des inégalités.
Le Fongecif Île-de-France est prêt à contribuer à une réflexion sur les
critères d’évaluation de la sécurisation des parcours et à adapter son action
sur la base d’indicateurs mesurables et partagés.
Les financements à la mesure de l’enjeu en Île-de-France
Le retour sur investissement d’un CIF est mutualisé, ce qui justifie
d’ailleurs le caractère paritaire de sa gestion : les salariés développent leur
carrière professionnelle et leur employabilité ; les bassins d’emploi et les
employeurs
trouvent
une
main
d’oeuvre
qualifiée
et
plus
mobile
professionnellement. Aux critères quantitatifs d’évaluation, il convient
d’ajouter des critères de qualité et de pertinence de la rencontre entre des
projets individuels et des dynamiques d’emploi. La taille de l’Île-de-France
est en soi un sujet très large ; son hypertrophie se vérifie dans tous les
secteurs et la complexité de son tissu économique et social contribue à la
complexité du système. La collecte du Fongecif en Île-de-France correspond
à la taille du bassin d’emploi : 30 % de la collecte nationale pour 30 % de la
masse salariale du secteur privé. Quel autre critère pourrait être pris en
compte ? Sur quelle base autre que la masse salariale peut-on asseoir la
collecte et sa répartition à l’échelle des territoires, sachant en particulier que
70 % du coût d’un CIF correspond à l’indemnisation de l’employeur, pour le
maintien de la rémunération ?
Dans bien des cas et particulièrement pour les salariés des PME et
TPE, les dispositifs d’accompagnement, de conseil et d’orientation proposés
par le Fongecif Île-de-France jouent un rôle concret de pilotage des
compétences
et
de
qualification,
palliant
ainsi
l’absence
fréquente
d’interlocuteurs spécialisés dans les entreprises de cette taille. L’efficacité du
système doit s’apprécier aussi au regard de ce qui se passerait si ces
missions n’existaient pas et si les salariés étaient totalement livrés à eux-
mêmes, sans interlocuteur qualifié pour les aider.
La Loi impose aux Fongecif de prendre en charge la totalité de la
rémunération (soit 70 % du coût d’un CIF). Le Fongecif Île-de-France
LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’INITIATIVE DES SALARIÉS
603
respecte la Loi qui ne prévoit aucun co-investissement en la matière. Le
Fongecif Île-de-France invite ainsi la Cour à opérer
la distinction entre la
régularité de la gestion, l’optimisation de l’utilisation des fonds et la
nécessité d’agir dans le respect de l’environnement réglementaire et
législatif.
Le Fongecif Île-de-France se tient à la disposition des instances de
tutelle pour organiser et favoriser le partage de bonnes pratiques entre les
Fongecif.
À ce titre le Fongecif Île-de-France s’appuie sur ce qui a été salué par
le ROP de la 5
e
chambre de la Cour des comptes comme étant innovant, en
particulier en matière de :
Collecte : « des dispositifs sécurisés et audités » ; « le fonds a défini
des outils professionnels qui fonctionnent bien »
Productivité : « Le Fongecif Île-de-France s’est posé en initiateur de
nouvelles démarches en matière d’information et de communication,
en matière d’accompagnement et il est normal que ces innovations
soient d’abord coûteuses avant d’être rentables ».
Information : « … fondé sur l’initiative du salarié. Dans ce contexte,
l’information devient un enjeu majeur. La Cour a pris note de la
multiplicité des vecteurs qui sont utilisés, destinés à des cibles larges
quand ils concernent près d’un million de consultations du site ou à
des cibles spécialisées quand il s’agit d’organiser des réunions…. »
Démarche qualitative : « …on peut considérer que le fonds présente
des pratiques innovantes au sens de l’article 9-13 de l’ANI. »
Méthodologie et traitement des demandes : « Le Fongecif Île-de-
France a formalisé et mis en oeuvre un ensemble d’outils qui constitue
un indéniable acquis méthodologique…. Les dispositifs ont été
élaborés selon des méthodes transparentes, connues de tous et
formalisées. »
En conclusion, le Fongecif Île-de-France ne prétend nullement être
exemplaire à tout point de vue. Il convient que des améliorations sont
nécessaires et s’emploie, pour ce qui relève de sa responsabilité, à les
imaginer et à les mettre en oeuvre dans un processus continu de progrès. Il
entend poursuivre dans ce sens. En revanche, le Fongecif Île-de-France
refuse d’être stigmatisé pour des dysfonctionnements ou insuffisances qui
ne relèvent en aucune manière de sa gestion ni de sa responsabilité. Il se
tient à la disposition de la Cour ou de tout autre acteur de la formation
pour
contribuer aux réflexions dans un domaine où l’essentiel reste de
donner aux salariés les moyens d’acquérir de nouvelles qualifications, de
les rendre plus mobiles et responsables dans la gestion de leur parcours
professionnel. La sécurisation des parcours passe par un investissement à
long terme de la Collectivité nationale et par un engagement responsable
de chaque salarié. Il entend contribuer à l’un et favoriser l’autre.