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L’Etat et les fédérations sportives face
aux mutations du sport
_____________________
PRESENTATION
____________________
Partant du constat de la forte implication de l’Etat dans
l’organisation et le financement du sport, et de l’imbrication des
responsabilités des services du ministère chargé des sports avec celles
des fédérations sportives, la Cour a entrepris, en 2006 et 2007, une série
de contrôles sur des grandes fédérations sportives dotées d’un secteur
professionnel (football, rugby, basket-ball, handball et athlétisme) afin
d’analyser l'organisation et le fonctionnement du « modèle » sportif
français,
ainsi
que
l’efficience
et
l’efficacité
d’une
politique
d’intervention à laquelle le ministère consacre globalement près d’un
demi milliard d’euros.
La mutation que connaît aujourd’hui le secteur sportif, en
particulier le développement du sport professionnel, l’importance des
ressources tirées des droits de télévision et du sponsoring, l’émergence
des acteurs privés dans le sport de haut niveau et l’internationalisation
des enjeux conduisent en effet à s’interroger sur le rôle de l’Etat dans le
financement du sport et sur les adaptations qui doivent être apportées au
« modèle » français d’organisation du sport pour en préserver les atouts
essentiels.
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
479
I
-
Une organisation confrontée au développement
du marché du spectacle sportif
A - Un « modèle » qui associe l’Etat et les fédérations
sportives
Apparu à la fin du XIX
ème
siècle, le développement du mouvement
sportif a dépendu à l’origine de la seule initiative privée, notamment lors
de la création des premières fédérations sportives. Le gouvernement du
Front populaire a posé les bases d’une administration publique du sport
traduisant l’implication de l’Etat dans le financement et la promotion
d’une activité considérée comme relevant de l’intérêt général. Par la suite,
à la Libération, le sport est devenu une mission de service public dont
l’Etat déléguait l’exercice aux fédérations sportives. Enfin, l’échec des
athlètes français aux Jeux olympiques de Rome en 1960 a conduit à un
renforcement du ministère de la jeunesse et des sports, à la mise en place
d’une organisation de la préparation olympique, et à la création du cadre
des conseillers techniques et sportifs (CTS), fonctionnaires placés auprès
des fédérations sportives pour assurer la promotion des activités
sportives, la détection des athlètes de haut niveau, ainsi que la formation
et l’entraînement de l’élite sportive.
Compte tenu de ces évolutions, le sport est aujourd’hui organisé en
France sur un modèle original s’appuyant à la fois sur l’intervention de
l’Etat et sur un mouvement sportif indépendant, dont l’organisation et le
fonctionnement s’inscrivent pour l’essentiel dans le cadre du droit des
associations. Ce modèle repose en pratique sur une cogestion du sport,
assurée d’une part par l’Etat qui remplit des missions régaliennes, et
d’autre part par le mouvement sportif qui gère et organise la pratique
sportive. Il fait l’objet d’un consensus qui a été confirmé lors des « Etats
généraux du sport » tenus en 2002 et qui a trouvé jusqu’ici son expression
dans les politiques ministérielles successives.
1 -
Un Etat qui exerce de fortes responsabilités dans
l’organisation du sport
Les moyens d’intervention de l’Etat sont essentiellement constitués
par le programme budgétaire
« Sport »
et par un établissement public, le
centre national de développement du sport (CNDS), qui inscrit également
son action dans le cadre des orientations générales fixées par le ministre
chargé des sports : le CNDS exerce cette mission en attribuant des
480
COUR DES COMPTES
concours financiers au comité national olympique et sportif français
(CNOSF), aux associations sportives, aux collectivités territoriales, ainsi
qu'aux associations et groupements d'intérêt public qui interviennent dans
le domaine des activités physiques et sportives.
Moyens d’intervention de l’Etat (hors conseillers techniques sportifs)
en M€ - 2008
Programme
« Sport »
CNDS
Total
Promotion du sport pour le plus grand nombre
28
230
258
Développement du sport de haut niveau
147
31
178
Prévention par le sport et protection des
sportifs
15
3
18
Promotion des métiers du sport
18
2
20
Total
208
266
474
Source : ministère de la santé, de la jeunesse et des sports
Pour leur part, les fédérations sportives disposent d’un réseau
déconcentré avec des échelons régionaux et départementaux (ligues,
comités, districts). Leur mission s’inscrit dans le cadre d’un agrément qui
consacre et organise leur activité de service public, tout en leur ouvrant
l’accès aux concours de l’Etat. 90 fédérations sportives unisport sont
aujourd’hui agréées, auxquelles l’Etat verse environ directement 88 M€ et
qui bénéficient de la présence en leur sein d’environ 1700 conseillers
techniques et sportifs (CTS) représentant un coût budgétaire de 85 M€.
Ces moyens sont apportés dans le cadre de conventions d’objectifs qui en
précisent l’emploi et les modalités d’évaluation.
Une délégation du ministre chargé des sports confère aux
fédérations sportives certaines prérogatives qui sont énumérées à l’article
L. 131-15 du code du sport, aux termes duquel «
les fédérations
délégataires : 1°) organisent les compétitions sportives à l'issue
desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou
départementaux ; 2°) procèdent aux sélections correspondantes ;
3°) proposent l'inscription sur les listes de sportifs, d'entraîneurs,
d'arbitres et juges de haut niveau, sur la liste des sportifs Espoirs et sur
la liste des partenaires d'entraînement.
». Ces pouvoirs exclusifs
attribuent aux fédérations une place centrale dans l’organisation des
disciplines. Certes, l’agrément et la délégation accordés par le ministère
ont pour corollaire un pouvoir de tutelle exercé par l’Etat et la faculté
pour ce dernier, en cas de manquements constatés, de procéder à leur
retrait. Toutefois, le code du sport dispose clairement que les fédérations
exercent leur activité en toute indépendance.
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
481
Tant au niveau des fédérations que des échelons locaux,
l’organisation du mouvement sportif repose fondamentalement sur le
recours au statut associatif. Le développement du professionnalisme
sportif a toutefois amené récemment certains responsables à envisager sa
remise en cause. La direction des sports estime cependant que le cadre
associatif doit être maintenu, car non seulement la dimension associative
du projet sportif fait l’objet d’un très fort consensus parmi les fédérations
et les licenciés, mais le cadre de la loi du 1
er
juillet 1901 n’est pas
incompatible avec une coopération des acteurs publics et privés, ainsi
qu’avec la promotion d’activités à caractère commercial, notamment à
travers les ligues professionnelles mises en place par les fédérations
sportives
(
170
)
.
Plus généralement, le ministère chargé des sports a précisé à la
Cour qu’il souhaitait que le domaine sportif ne soit pas assimilé
uniquement à un marché sur lequel les pouvoirs publics se cantonneraient
à édicter et à faire respecter les règles assurant la libre concurrence. A
titre d’exemple, il indique ainsi que, sans sous-estimer le poids
économique du football professionnel, la fédération française de football,
avec ses 2 150 000 licenciés, ne saurait se confondre avec le spectacle
sportif, d’autant moins qu’elle n’est pas directement en charge de
l’organisation et de la gestion du sport professionnel. Par ailleurs, les
fédérations sportives ont aussi un rôle éminent dans le développement de
la fonction sociale et éducative du sport.
A contrario, si le ministère chargé des sports n’entend pas
intervenir directement dans le sport professionnel, il joue un rôle de
régulateur juridique et économique. Ainsi, les dispositions du code du
sport prévoient une procédure d’agrément ministériel des centres de
formation des clubs professionnels. De même, le ministère a règlementé
l’exercice de la profession d’agent sportif et incité les fédérations à mettre
en place un contrôle de l’exercice de cette profession. En ce qui concerne
les droits d’exploitation audiovisuelle, le code du sport garantit également
«
l’intérêt général et les principes d’unité et de solidarité entre les
activités à caractère professionnel et à caractère amateur
» en posant
l’obligation de répartition des produits entre la fédération, la ligue et les
sociétés sportives. L’aide au développement du sport amateur est
renforcée par l’établissement d’une contribution de 5 %
171
sur la cession
des droits d’exploitation audiovisuels, qui alimente en partie le CNDS.
170) L’article L. 132-1 du code du sport dispose que «
les fédérations sportives
délégataires peuvent créer une ligue professionnelle, pour la représentation, la
gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des
associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives
».
171) dite « taxe Buffet ».
482
COUR DES COMPTES
De même, pour leur inscription aux compétitions, les fédérations
autorisent les sociétés formées par les clubs sportifs professionnels à faire
usage du numéro d’affiliation délivré aux associations sportives qui leur
sont liées : ce numéro, propriété de l’association sportive et non du club
professionnel, est la marque et l’une des garanties de la solidarité entre le
secteur professionnel et le secteur amateur
172
.
2 -
Un « modèle » confirmé à la suite des Etats généraux du sport
A la fin de l’année 2002, l’Etat s’est engagé à conduire un
ensemble de réformes visant à « faire franchir une nouvelle étape à
l’organisation du sport français afin de le mettre en capacité de répondre
aux enjeux du sport de demain dans le respect des principes
fondamentaux réaffirmés lors des Etats Généraux
(
173
)
» organisés cette
même année. Ces principes fondamentaux étaient ainsi énoncés : « le
maintien de l’unité du sport et de la nécessaire solidarité entre le sport
amateur et le sport professionnel, le soutien au socle associatif sur lequel
s’appuie le sport français, et la constante exigence de préservation de
l’éthique sportive »
(
174
)
.
Cette orientation s’est traduite par un ensemble de réformes
législatives destinées à moderniser « l’encadrement juridique du sport
français, en permettant aux fédérations sportives de s’ouvrir sur leur
environnement social et économique et aux clubs professionnels français
de disposer de nouvelles marges de développement pour accroître leur
compétitivité »
175
. De 2003 à 2008, un ensemble de sept lois et de cinq
décrets en Conseil d’Etat
176
consacrés en tout ou partie au sport est venu
adapter les aspects du dispositif jugés obsolètes. Le champ très large des
modifications ainsi intervenues porte aussi bien sur le statut des
fédérations que sur les clubs sportifs professionnels, les arbitres, les
conseillers techniques et sportifs, la création du CNDS ou celle de
l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD).
Ces évolutions normatives, qui ont conforté les principes du
modèle français, témoignent de la volonté de l’Etat et du mouvement
sportif d’adapter celui-ci aux évolutions en cours. Mais l’ampleur et la
172) L’hypothèse d’un double numéro d’affiliation, l’un attribué à l’association
sportive pour les compétitions amateurs et l’autre à la société sportive pour les
compétitions professionnelles, qui a été envisagée, amoindrirait cette solidarité.
173) Plaquette de présentation du bilan de la mise en oeuvre des mesures pour le
développement du sport à l’issue des Etats généraux du sport, page 5.
174)
idem
175)
idem
176) Non compris les décrets d’application des lois relatives respectivement à la lutte
contre le dopage et à la lutte contre les violences
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
483
diversité de ces réformes révèlent simultanément les tensions qui
s’exercent sur lui et qui ont rendu indispensables des ajustements qui
devront être poursuivis.
3 -
La convention d’objectifs est au coeur du dialogue entre l’Etat
et les fédérations sportives
L’Etat et les fédérations sportives négocient des conventions
d’objectifs qui précisent les actions particulières que celles-ci s’engagent
à conduire, à la demande du ministère et moyennant le versement d’une
subvention, dans le cadre de leur mission de service public.
Ces conventions ont récemment évolué pour s’inscrire dans le
cadre budgétaire fixé par la loi organique du 1
er
août 2001 relative aux
lois de finances (LOLF). Les subventions accordées et les actions qu’elles
financent sont désormais rattachées aux quatre objectifs assignés dans le
cadre du programme «
Sport
» : la promotion du sport pour le plus grand
nombre, le développement du sport de haut niveau, la prévention par le
sport et la protection des sportifs, la promotion des métiers du sport. Les
actions à mettre en oeuvre sont assorties d’indicateurs de performance
destinés à mesurer l’atteinte d’objectifs quantitatifs et qualitatifs
déterminés conjointement par le ministère et chaque fédération.
La convention d’objectifs offre ainsi, selon la réponse adressée à la
Cour par le ministère chargé des sports, la possibilité d’aborder
l’ensemble des sujets considérés comme prioritaires et de vérifier
l’engagement des fédérations à les traiter. Au cours des dernières années
ont été évoqués dans ce cadre les thèmes de la représentation des femmes
dans les instances dirigeantes des fédérations, de la lutte contre les
violences et les incivilités dans le sport, ou de la protection des arbitres.
Le ministère chargé des sports a indiqué à cet égard que les conventions
d’objectifs pour la prochaine olympiade (2009-2012) devront poser les
bases d’une intervention publique plus efficace, en continuant l’effort
déjà entrepris pour passer d’une pratique de simple reconduction des
moyens à une politique fondée sur l’atteinte d’objectifs.
L’analyse de la performance gagnerait cependant en lisibilité si,
d’une part, les conventions d’objectifs et, d’autre part, les indicateurs de
suivi du programme sport consolidaient l’ensemble des moyens consentis
par l’Etat, dont les subventions versées par le ministère, mais aussi le coût
des CTS placés auprès des fédérations et les moyens alloués par le
CNDS. Une telle démarche reste à entreprendre.
484
COUR DES COMPTES
B - Le débat suscité par le développement du marché du
spectacle sportif au sein de l’Union européenne
1 -
Le sport professionnel constitue un marché en forte croissance
L’économie du sport professionnel se développe rapidement sous
l’impulsion d’acteurs privés qui investissent massivement dans le
spectacle
sportif.
A
l’échelle
mondiale,
ce
marché
(droits
de
retransmission télévisuelle et parrainage) progresserait de 6 à 10 % par
an : il atteindrait 82 milliards d’euros en 2006
(
177
)
, contre 16 milliards en
1997. A titre d’exemple, le chiffre d’affaires du football professionnel
(hors transferts) aurait atteint en France 1.178 M€ pour la saison 2006-
2007, soit une augmentation de 50 % par rapport à 2003-2004
(
178
)
.
Cette croissance attire des opérateurs privés qui ne se limitent plus
à une politique de mécénat ou de parrainage mais investissent dans le
sport avec une perspective de rentabilité directe. Ainsi, un important
groupe français a récemment créé une branche sport et développé une
stratégie d’investissement et d’intégration sur toute la chaîne de création
de valeur du spectacle sportif, depuis la formation, l’entraînement et la
rémunération
des
sportifs
eux-mêmes,
jusqu’à
l’organisation
de
manifestations sportives et leur exploitation dans les médias - dont
Internet -, sans compter la gestion et la commercialisation des droits
sportifs.
Ce marché voit par ailleurs apparaître de nouveaux acteurs. Ainsi,
lors de la dernière attribution des droits de retransmission télévisée des
championnats de France de Ligue 1 et de Ligue 2 de football, les offres
des opérateurs audiovisuels classiques se sont trouvées concurrencées par
celles de fournisseurs d’accès à Internet ou de gestionnaires de sites.
Certains lots de diffusion de matchs de football ont ainsi été attribués à
ces nouveaux opérateurs.
L’arrivée de ces investisseurs offre de nouvelles perspectives de
financement aux fédérations en charge des sports les plus médiatiques,
dans la mesure où celles-ci disposent des droits de commercialisation des
équipes de France relevant de leur discipline. Pour autant, la pérennité de
ces financements commerciaux n’est pas certaine et expose les
fédérations qui en bénéficient le plus à des risques de crises de
financement, notamment en cas de retournement du marché.
177) Jean-François Bourg –
Le sport en France
– La Documentation française - 2008
178)
Situation du football professionnel français 2006-2007
– Ligue de football
professionnel – février 2008.
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
485
2 -
L’émergence d’un débat au sein de l’Union européenne
Le développement du marché du spectacle sportif a conduit
l’Union européenne à considérer que le sport constituait une activité
économique
à
part
entière,
soumise
comme
telle
aux
normes
communautaires. Or, si le sport fait l’objet, dans la majorité des pays
européens, de règles particulières définies par le droit interne, le traité sur
l’Union européenne ne comporte en revanche aucune disposition
spécifique sur ce sujet. Celui-ci s’inscrit, comme toutes les activités
économiques, dans le cadre général des libertés de circulation définies par
le traité sur l’Union européenne et doit respecter les règles de concurrence
soumises au contrôle de la commission européenne et de la Cour de
justice des communautés européennes (CJCE). Avec le développement du
marché sportif intra-communautaire, les procédures juridictionnelles se
sont multipliées, tout particulièrement dans le football, traduisant les
tensions entre les acteurs du sport et conduisant à un renforcement de
l’action d’harmonisation juridique entre les Etats membres dans de
nombreux domaines.
L’application des textes communautaires a des répercussions
importantes sur les règles fixées par les instances sportives elles mêmes
(composition des équipes en fonction des nationalités, règlementation des
transferts, commercialisation des droits de retransmission…). Ces
évolutions
soulignent
la
fragilité
pour
l’avenir
d’un
modèle
d’organisation du sport qui serait exclusivement national et dont les
caractéristiques ne seraient pas suffisamment partagées par les différents
Etats membres.
Face au développement du sport professionnel, la Commission
européenne a estimé que « le sport doit faire face à de nouvelles menaces
et de nouveaux problèmes apparus dans la société européenne, tels la
pression commerciale, l’exploitation des jeunes sportifs, le dopage, le
racisme, la corruption et le blanchiment d’argent ». Partant de ce
constat, l’Union européenne a, depuis une dizaine d’années, développé
une réflexion conduisant à reconnaître la fonction éducative et sociale du
sport et la nécessité d’en sauvegarder les structures d’organisation,
fondées, selon la Commission européenne
(
179
)
, sur le respect de principes
parmi lesquels figurent notamment la lutte contre le dopage, la solidarité
entre les clubs sportifs ainsi qu’entre le sport professionnel et le sport
amateur, le système de promotion et de relégation en usage dans les
179) Rapport de la commission au conseil européen dans l’optique de la sauvegarde
des structures sportives actuelles et du maintien de la fonction sociale du sport dans le
cadre communautaire
486
COUR DES COMPTES
compétitions - qui garantit l’existence de compétitions ouvertes -, ou
encore l’exigence de formation des jeunes sportifs.
Dans ce cadre, un livre blanc sur le sport a été présenté en juillet
2007, visant à poser les jalons d’une politique européenne du sport. Ce
document reconnaît en particulier l’existence d’une spécificité dans
l’organisation du sport, notamment en ce qui concerne les règles sportives
et la définition des structures sportives, en renvoyant à une analyse au cas
par cas la question de l’application au secteur sportif des règles du traité
sur l’Union européenne.
La reconnaissance de cette spécificité du sport résulte aussi de
l’inscription dans le projet de constitution européenne, puis dans le projet
de traité adopté à la fin de l’année 2007 à Lisbonne, de dispositions visant
à faire figurer le sport parmi les compétences d’appui, de coordination et
de complément de l’Union européenne. Ces évolutions, bien qu’encore
inabouties, pourraient à l’avenir permettre à l’Union européenne de
promouvoir une action coordonnée dans le domaine du sport. Certes, ces
dispositions,
relevant
de
simples
« compétences
d'appui »,
ne
permettraient pas l'adoption de dispositions d'harmonisation législative.
Les réflexions en cours pourraient cependant permettre au mouvement
sportif de développer de nouvelles initiatives visant à l’élaboration d’un
modèle européen d’organisation du sport. Il convient d’observer, à cet
égard, que les principes définis à l’échelon européen dans le livre blanc
du sport ne sont pas antinomiques de ceux qui ont été prônés en France
dans le cadre des « Etats généraux du sport ».
II
-
Des mutations qui entraînent des tensions sur
le « modèle » sportif français
Si la réflexion conduite depuis dix ans au sein de l’Union
européenne met en lumière les enjeux qui s’attachent à la préservation et
au développement du sport, elle témoigne aussi de l’ampleur des
mutations en cours et des difficultés rencontrées pour déterminer un cadre
adapté dans un contexte fortement évolutif. La Cour, à l’occasion de ses
contrôles, a ainsi constaté la tension qui s’exerce entre les principes
d’organisation du sport et les évolutions qui se dégagent de l’observation
des fédérations contrôlées et des disciplines qu’elles gèrent.
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
487
A - L’effort d’amélioration de la gestion et de
l’organisation des fédérations
1 -
La gestion des fédérations contrôlées progresse
Si un nombre encore élevé de fédérations enregistre toujours des
difficultés financières
(
180
)
, les fédérations contrôlées par la Cour ont, sur
la période la plus récente, fait évoluer leurs modes d’organisation et de
gestion sous l’effet conjugué de la qualification croissante de l’effectif
salarié qu’elles emploient et de l’augmentation de leurs ressources.
Le renforcement des effectifs salariés de ces fédérations est
marqué : elles employaient au total 426 salariés en 2007 contre 311 en
2001, soit une augmentation de 37 % en 6 ans. Au siège de la fédération
française de football, l’effectif salarié a par exemple augmenté de 50 %
entre 2001 et 2006, et l’effectif total de la fédération, qui atteignait 170
personnes à fin 2006, s’est encore accru pour dépasser aujourd’hui les
190 salariés. Cette croissance des moyens humains, qui a été notamment
consacrée aux domaines techniques les plus spécialisés (finances,
marketing, services juridiques), a permis aux fédérations d’élever leur
capacité d’expertise et d’améliorer leur gestion.
Les responsabilités qu’exercent les salariés au sein des fédérations
doivent toutefois s’articuler avec le cadre associatif qui demeure la
référence institutionnelle de ces organismes et qui confère aux élus la
responsabilité de la gestion. Il en résulte une organisation qui peut se
révéler complexe, comme dans le cas des fédérations de rugby et de
handball, caractérisées par une répartition et parfois même une
superposition des fonctions entre élus, fonctionnaires affectés auprès de la
fédération et cadres salariés, l’ensemble aboutissant à un partage peu
explicite des responsabilités. Les élus, dont l’activité est en principe
bénévole, peuvent depuis 2004, sous certaines conditions, bénéficier
d’une rémunération : les fédérations de rugby, d’athlétisme et de basket-
ball ont adopté un tel dispositif, et la fédération de football étudie un
projet allant dans ce sens.
Par ailleurs, le développement économique des fédérations les
conduit à se rapprocher des pratiques des entreprises commerciales. Elles
sont ainsi soumises à la TVA et à l’impôt sur les sociétés et sont
assujetties aux règles de transparence financière fixées pour les sociétés
180) Un indicateur présenté par le rapport annuel de performance 2007 du programme
219
Sport
indique que 9 fédérations sportives présentaient alors une situation
financière « fragile » (fonds propres inférieurs à 10 % de l’actif) et 9 autres une
situation « dégradée » (fonds propres négatifs).
488
COUR DES COMPTES
anonymes par le code de commerce, dès lors qu’elles atteignent un niveau
de développement défini par la loi : trois des cinq fédérations contrôlées
par la Cour sont concernées par ces dispositions.
2 -
Les fédérations renforcent le pilotage des échelons locaux
Le statut associatif des échelons régionaux et départementaux
(ligues et comités) leur confère une indépendance restreignant les leviers
d’action dont disposent les responsables fédéraux pour garantir la
cohérence des actions conduites. Compte tenu de l’accroissement des
financements locaux obtenus par le biais du CNDS, les fédérations
manifestent toutefois la volonté de renforcer le pilotage de leurs
structures locales.
Dans cette perspective, la fédération d’athlétisme a ainsi développé
des contrats tripartites fédération/ligue régionale/conseil régional dans le
cadre d’une stratégie de développement territorial. La fédération de
handball a pour sa part entrepris de conclure des conventions d’objectifs
bilatérales avec ses ligues régionales. Quant à la fédération de football,
c’est par le biais de l’élaboration d’un plan stratégique commun avec ses
échelons déconcentrés qu’elle cherche à mieux coordonner l’action de
l’ensemble des structures fédérales.
Les systèmes d’information mis en place contribuent aussi à la
cohérence des actions conduites aux différents échelons. La fédération
française
de
handball
a,
par
exemple,
développé
un
système
d’information (
Gest’hand
)
,
qui permet à tous les niveaux de suivre et
gérer les licences, les compétitions, l’arbitrage, ou les carrières des
joueurs comme des techniciens. Le partage d’information qui en résulte
ouvre à la fédération la voie d’une meilleure maîtrise de son activité.
Ces différentes évolutions doivent être poursuivies : elles exigent
davantage encore qu’auparavant que les dirigeants associatifs soient
formés aux responsabilités qu’ils exercent. Le ministère chargé des sports
pourrait par ailleurs valoriser de façon plus dynamique et diffuser les
bonnes pratiques mises en oeuvre et identifiées dans les fédérations.
B - Un développement inégal des ressources propres
1 -
Les structures de financement hétérogènes des fédérations
Les fédérations sportives disposent de trois ressources principales :
les subventions publiques, les ressources statutaires (produits des licences
en particulier…) et les recettes commerciales, issues de la billetterie des
compétitions qu’elles organisent, de la cession des droits audiovisuels et
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
489
des droits de marketing dérivés. La part relative de ces ressources au sein
du budget des fédérations contrôlées par la Cour varie significativement :
les ressources non commerciales sont légèrement majoritaires dans trois
fédérations (
athlétisme
,
basket-ball
,
handball
), et marginales dans les
deux autres.
Taux de dépendance aux ressources non commerciales
(licences, recettes statutaires et subventions de l’Etat)
en % du budget
2001
2005-2006
Différence
FFF (football)
9 %
7 %
-2
FFR (rugby)
7 %
6 %
- 1
FFA (athlétisme)
68 %
51 %
- 17
FFBB (basket-ball)
45 %
50 %
5
FFHB (hand-ball)
51 %
55 %
6
Source : Comptes des fédérations contrôlées – retraitement Cour des comptes
L’évolution depuis 2001 de la structure de financement de ces
fédérations est contrastée : les trois fédérations dont le secteur
professionnel s’est le plus développé (football, rugby, athlétisme) ont vu
la part de leurs ressources non commerciales dans leur budget diminuer.
Inversement, la croissance des budgets des fédérations de basket-ball et
de handball résulte principalement de celle des licences, de sorte que le
taux de dépendance de ces deux fédérations par rapport à leurs ressources
non commerciales a augmenté.
Développement des ressources propres (hors licences et recettes
statutaires et hors subventions de l’Etat)
en milliers €
2001
2005-2006
variation
FFF (football)
77 454
104 419
35 %
FFR (rugby)
42 300
64 800
53 %
FFA (athlétisme)
4 094
5 417
32 %
FFBB (basket-ball)
8 586
9 095
6 %
FFHB (hand-ball)
4 801
5 578
16 %
Total
132 434
183 731
39 %
Source : Comptes des fédérations contrôlées
Exprimée en volumes financiers, la dynamique de croissance des
ressources commerciales se révèle très inégale : les deux fédérations
bénéficiant des ressources commerciales les plus importantes (football et
rugby) sont aussi celles dont le taux de croissance est le plus élevé sur la
période. Les écarts s’accroissent de ce fait : la fédération de football
490
COUR DES COMPTES
obtenait ainsi en 2006 des recettes commerciales plus de onze fois
supérieures à celles de la fédération de basket-ball, contre neuf fois en
2001. Il convient par ailleurs d’observer que la croissance de ces
ressources entraîne parfois celle des charges fixes, ce qui peut exposer les
fédérations concernées à un risque financier en cas de diminution de leurs
recettes commerciales.
2 -
Des stratégies différenciées de développement des ressources
commerciales
Trois des cinq fédérations contrôlées (football, rugby et athlétisme)
sont parvenues ces dernières années à développer leurs ressources propres
à un rythme annuel moyen supérieur à 5 %. Cette évolution s’est inscrite
dans le cadre d’une stratégie de développement des ressources
commerciales, dont la mise en oeuvre, par delà la gestion des droits de
retransmission audiovisuelle et des droits de marketing, peut prendre des
formes très variées.
Ainsi, la fédération d’athlétisme a par exemple pris en charge
l’organisation annuelle de deux évènements internationaux : une
compétition par équipes en plein air dénommée
Décanation
et une
réunion en salle au palais omnisport de Paris-Bercy. Ces manifestations,
qui nécessitent l’engagement de moyens financiers importants, ne sont
organisées que depuis peu et ne dégagent pas encore de bénéfices.
La fédération française de rugby s’est, quant à elle, engagée dans
la construction d’un centre d’entraînement pour ses équipes de France : le
centre national du rugby à Marcoussis, en région parisienne. Ce centre
n’est pas exclusivement un outil d’entraînement, puisqu’il comprend
également une infrastructure hôtelière permettant d’y organiser, entre
autres, des séminaires d’entreprises et des stages au profit de clubs
professionnels de rugby ou d’autres fédérations. Cet investissement
permet à la fédération d’obtenir des recettes commerciales croissantes
qui, sans couvrir encore le coût complet de l’infrastructure, permettent
néanmoins aux équipes de France de disposer d’un centre technique
performant.
En sens inverse, la fédération de football n’a, en ce qui la
concerne, pas recherché au cours de la période de ressources
complémentaires par l’organisation de compétitions ou la mise en oeuvre
de projets d’infrastructures sportives : la croissance de ses ressources
résulte essentiellement de la renégociation en forte hausse des contrats
commerciaux qui étaient arrivés à échéance.
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
491
Certaines fédérations ont enfin tiré fortement parti des ressources
commerciales résultant des évènements mondiaux qui ont été organisés
en France au cours des dix dernières années : Coupe du monde de football
en 1998, Coupe du monde de rugby en 2007, Mondiaux d’athlétisme en
2003. Cependant, par définition, ces ressources - même importantes - sont
de nature ponctuelle.
3 -
Une présence déterminante sur les télévisions à accès libre
pour le développement des ressources des fédérations
L’évolution
contrastée
des
ressources
commerciales
des
fédérations sportives est directement corrélée avec la diffusion de leurs
compétitions sur les chaînes de télévision à accès libre.
a)
Un accès très inégal à la diffusion télévisée
Le football bénéficie de 35 % du temps d’antenne consacré au
sport sur les chaînes à accès libre. Le rugby représente pour sa part 12 %
de ce temps d’antenne en 2007, année de Coupe du Monde, soit autant
que le cyclisme, contre 7 % seulement pour l’athlétisme. Le basket-ball et
le handball sont, quant à eux, tout simplement quasiment absents des
programmes, alors qu’ils représentent respectivement 457 000 et 360 000
licenciés.
Exposition télévisuelle des principaux sports
sur les chaînes à accès libre en 2007
heures de diffusion
% du total
Football
355
35 %
Rugby
124
12 %
Athlétisme
70
7 %
Basket-ball
-
0 %
Hand-ball
-
0 %
Cyclisme
121
12 %
Tennis
172
17 %
Sports mécaniques
49
5 %
Autres sports
125
12 %
Total
1 016
100 %
Source : Conseil supérieur de l’audiovisuel
492
COUR DES COMPTES
Les fédérations dont les sports bénéficient de la meilleure visibilité
télévisuelle en retirent d’importantes recettes, qu’il s’agisse des droits de
diffusion eux-mêmes ou de la commercialisation des droits dérivés dont
la valeur résulte largement de l’exposition médiatique (utilisation de
l’image des équipes de France, par exemple). Au-delà des seules
ressources commerciales, la diffusion des compétitions entraîne en outre
des retombées positives sur le nombre de licenciés et en conséquence sur
les recettes statutaires.
Ainsi, les fédérations de football et de rugby ont vu leur budget
total progresser respectivement de 33 % et 43 % en cinq ans. Les
fédérations d’athlétisme et de basket-ball ont, quant à elles, atteint une
croissance nettement plus modeste de respectivement 4 % et 11 %. La
hausse plus importante du budget de la fédération de handball (26 %)
résulte enfin de l’augmentation des ressources non commerciales et,
ponctuellement, en 2006, de l’effet de recettes non récurrentes.
Evolution des produits des fédérations de 2000-2001 à 2005-2006
(hors produits exceptionnels)
en milliers d’€
2000-2001
2005-2006
variation
FFF (football)
94 059
124 895
33 %
FFR (rugby)
53 424
82 265
54 %
FFA (athlétisme)
13 634
14 227
4 %
FFBB (basket-ball)
16 720
18 590
11 %
FFHB (hand-ball)
9 857
12 403
26 %
Total
187 694
252 380
34 %
Source : Comptes des fédérations contrôlées
b)
L’absence d’un dispositif garantissant la diversité de l’offre
sportive sur les télévisions à accès libre
Alors que l’exposition télévisuelle est déterminante pour le
développement des sports, il n’existe à l’heure actuelle qu’un seul
mécanisme de régulation, au demeurant peu efficace, visant à favoriser la
diffusion sur les chaînes à accès libre des évènements qualifiés par le
législateur « d’évènements d’importance majeure » dans le domaine
sportif. Ce dispositif, mis en place en 2004, impose au diffuseur ayant
acquis des droits exclusifs de retransmission pour certaines compétitions
- parfois uniquement dans l’hypothèse où l’équipe de France atteint le
stade de la finale ou des demi-finales - de permettre l’accès du plus grand
nombre à ces compétitions en rétrocédant à un service de télévision à
accès libre les droits de diffusion en direct.
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
493
Outre que ce mécanisme apparaît limité dès lors qu’il ne porte que
sur 21 évènements, sa mise en oeuvre suppose que le titulaire du droit de
diffusion fasse une offre «
selon des termes et conditions de marché
équitables, raisonnables et non discriminatoires »
et que cette offre soit
acceptée par le diffuseur à accès libre. Or, à trois reprises depuis 2004
(championnats du monde handball masculin et féminin, championnat
d’Europe de basket masculin), aucun accord n’a pu être trouvé entre les
diffuseurs sur une telle cession de droits : la victoire de l’équipe de
France de handball au championnat d’Europe le 5 février 2006 n’a ainsi
été vue en direct que par les seuls abonnés d’une chaîne payante.
Le ministère chargé des sports reconnaît, dans ses réponses à la
Cour, que le sport télévisuel est essentiellement un marché économique
ouvert où la compétition est féroce, et que les chaînes ne recherchent que
les disciplines susceptibles de générer une audience conséquente. Il
estime pourtant que, dans une société ouverte, où les règles de la
concurrence régissent pour une grande part le sport professionnel, l’Etat
ne saurait intervenir dans les rapports commerciaux entre acteurs
économiques.
La préservation du principe d’unité du sport supposerait cependant
de promouvoir un traitement moins hétérogène des différentes disciplines
par les chaînes télévisées à accès libre. Or, la mise en place dans les
« cahiers des missions et des charges » des chaînes à accès libre d’un
dispositif visant à garantir une plus grande diversité de l’offre sportive et,
en conséquence, un accès plus large aux ressources susceptibles d’en être
retirées, n’a pas été étudiée. Il offrirait pourtant aux sports en bénéficiant
un levier de développement dont ils sont aujourd’hui privés. A cet égard,
le ministère chargé des sports a fait état d’une étude en cours au sein du
Conseil supérieur de l’audiovisuel «
sur l’accès aux médias de
fédérations plus nombreuses
».
C - Les relations avec le secteur professionnel
1 -
La solidarité entre le secteur professionnel et le secteur
amateur demeure limitée
Le législateur a entendu consacrer une solidarité, au sein de chaque
sport, entre les secteurs professionnel et amateur. L’article L.333-3 du
code du sport dispose ainsi que, «
afin de garantir l'intérêt général et les
principes d'unité et de solidarité entre les activités à caractère
professionnel et les activités à caractère amateur, les produits de la
commercialisation par la ligue des droits d'exploitation des sociétés sont
répartis entre la fédération, la ligue et les sociétés ».
Les reversements
494
COUR DES COMPTES
bruts opérés, en application de dispositions conventionnelles, par les
ligues professionnelles à leurs fédérations doivent cependant être
relativisés.
Ainsi, dans le cas du rugby professionnel, seulement 5 % des
recettes commerciales nettes de la ligue professionnelle (soit 1,2 M€ en
2005-2006) sont reversées à la fédération.
Evolution des ressources commerciales reversées par la LNR
à la FFR de 2000-2001 à 2004-2005
en €
2001-
2002
2002-
2003
2003-
2004
2004-
2005
5 % recettes commerciales
nettes
874 393
743 244
1 132 007
1 207 519
Source : contrôle de la fédération française de rugby
Dans le cas du football, un fonds d’aide à l’investissement a été
constitué en 2001. Il est destiné à financer conjointement avec les
collectivités locales des projets d’infrastructure sportive au profit des
clubs amateurs. A ce fonds d’investissement, s’est récemment ajoutée une
contribution complémentaire dénommée « aide ciblée football amateur »
pour un montant de 2,5 M€ en 2005, 4,5 M€ en 2006 et 6 M€ en 2007.
Au total, sur la saison 2006-2007, la ligue professionnelle de football
(LFP) a reversé près de 20 M€ à la fédération française de football (FFF)
au profit direct du football amateur. Ce montant ne représente toutefois
qu’environ 3 % des produits tirés la même année par la ligue de la
commercialisation des droits audiovisuels du football professionnel
(646 M€ en 2006-2007).
Contribution de la LFP au fonds d’aide à l’investissement de la FFF
en milliers €
2001-2002
6 100
2002-2003
9 140
2003-2004
10 670
2004-2005
12 200
2005-2006
17 740
2006-2007
19 740
Total sur la période
75 590
Source : protocole financier adopté le 11 janvier 2003 entre la FFF et la LFP et
accord-cadre annexé au protocole financier 2002-2007
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
495
En sens inverse, des reversements sont effectués par les fédérations
au profit des ligues professionnelles, en contrepartie de la mise à
disposition de joueurs professionnels dans les équipes nationales. Ces
reversements viennent réduire, voire rendre négative, la charge nette des
ligues.
Ainsi, la fédération française de rugby verse à sa ligue
professionnelle 10 % des recettes nettes encaissées en matière de droits de
télévision, marketing et multimédias (hors coupe du monde), soit un
montant nettement supérieur aux sommes précitées versées au titre de la
solidarité. La coupe de monde de rugby est en outre l’objet d’une
négociation
spécifique,
tous
les
quatre
ans,
pour
déterminer
l’indemnisation à verser à la ligue professionnelle : en 2007, ce
dédommagement
s’est
élevé
à
un
montant
de
12
M€,
versé
progressivement jusqu’en juin 2009.
Evolution des ressources commerciales reversées par la FFR à la
LNR de 2000-2001 à 2004-2005
en €
2001-2002
2002-2003
2003-2004
2004-2005
10 % recettes nettes marketing
1 883 652
1 988 000
1 960 800
1 999 252
Source : contrôle de la fédération française de rugby
De même, la fédération française de football reverse à sa ligue
professionnelle la moitié des recettes nettes tirées de la commercialisation
des droits de l’équipe de France et des matchs organisés « hors
protocole », c'est-à-dire au-delà d’un nombre prédéterminé de rencontres
par saison. A ce titre, la
fédération de
football
a ainsi reversé en 2005-
2006 plus de 5 M€ à sa ligue professionnelle.
Evolution des ressources commerciales reversées par la FFF à la LFP
de 2002-2003 à 2005-2006
en milliers d’€
2002-2003 2003-2004 2004-2005 2005-2006
50 % solde net droits équipe de France
1 973
2190
1 174
1 098
50 % sur les matchs « hors protocole »
1 040
1 630
2 812
4 000
Total
2 078
3 820
5 393
5 098
Source : contrôle de la fédération française de football
En définitive, les flux financiers nets entre les fédérations et leurs
ligues, traduisant l’application concrète de la solidarité entre le sport
professionnel et amateur, se révèlent modérément favorables à la
496
COUR DES COMPTES
fédération dans le cas du football, et même favorables à la ligue dans le
cas du rugby. Dans le cas de l’athlétisme et du handball, la création des
ligues professionnelles est encore récente : les flux financiers nets,
essentiellement orientés de la fédération vers la ligue, ne sont pas encore
significatifs. Enfin, la fédération de basket-ball est dans une situation
particulière dans la mesure où elle n’a pas cédé à sa ligue les droits de
retransmission du championnat : l’article L. 333-3 du code du sport n’est
par conséquent pas applicable.
L’ensemble de ces constats amène à considérer que le ministère
chargé des sports devrait engager une réflexion sur les modalités d’une
solidarité plus accentuée, conformément aux principes qui orientent le
modèle sportif français. Le ministère chargé des sports a confirmé, dans
sa réponse à la Cour, que le statu quo n’était pas de mise, car la montée
en puissance du sport professionnel et du « sport spectacle », de même
que la contrainte qui pèse sur les financements publics, conduisaient
inévitablement à une modification des équilibres existants.
2 -
Un mécanisme inchangé de taxation des produits de cession
des droits de diffusion des compétitions sportives
Parallèlement à ces flux financiers résultant des protocoles
obligatoirement
conclus
entre
les
fédérations
et
leurs
ligues
professionnelles, un mécanisme de mutualisation des ressources entre le
sport professionnel et le sport amateur a été institué en 2000 par le biais
du dispositif de la « taxe Buffet », qui prévoit une contribution de 5 % sur
le montant de la cession des droits de diffusion de manifestations ou de
compétitions sportives. Le produit de cette taxe est reversé au centre
national de développement du sport (CNDS) : les ressources ainsi
collectées ont atteint 40 M€ environ en 2007, dont 30 M€ provenaient de
la ligue professionnelle de football.
Le bilan de ces transferts financiers montre cependant qu’ils
portent sur des montants modestes au regard des sommes gérées par les
principales ligues professionnelles et de la dynamique de croissance
soutenue de leurs ressources. Les droits de retransmission audiovisuelle
du championnat de ligue 1 de football ont ainsi augmenté de près de
120 % entre 2001 et 2006 ; les droits équivalents pour le top 14 de rugby
ont augmenté de 50 % sur la même période. Cette croissance a, certes,
bénéficié au secteur amateur par le biais de la taxe précitée, mais le
constat d’une augmentation des ressources sans rapport avec l’évolution
des coûts d’organisation des compétitions concernées aurait pu conduire
l’Etat à modifier le taux de la taxe précitée, voire à instaurer une certaine
progressivité : une modulation du taux de contribution du sport
professionnel au sport amateur en fonction des montants atteints par la
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
497
commercialisation des droits sportifs serait en effet concevable. De
même, il serait envisageable de tenir compte à l’avenir du développement
des paris sportifs en ligne, comme de toute autre ressource qui serait
appelée à se développer. Le principe de solidarité entre sport
professionnel et sport amateur justifierait à tout le moins qu’une réflexion
fût engagée par les pouvoirs publics sur le mécanisme de la «
taxe
Buffet
», resté inchangé depuis 2000 en dépit des évolutions importantes
intervenus depuis lors sur le marché du spectacle sportif.
D - La recherche d’une meilleure adéquation des
moyens de l’Etat aux politiques mises en oeuvre
1 -
Des moyens d’action traditionnels qui s’affaiblissent
Les relations entre les fédérations sportives et l’Etat s’inscrivent
essentiellement dans le cadre de la négociation de la convention
d’objectifs pluriannuelle et d’une veille administrative et économique
assurée par la direction des sports. La capacité d’intervention de l’Etat
résulte aussi de la faculté qui lui est reconnue, en cas de manquements
graves et répétés d’une fédération, de prononcer un retrait de la
délégation accordée à celle-ci. Plusieurs fédérations ont ainsi été
sanctionnées au cours des dix dernières années. Toutefois, en dépit de son
effet dissuasif, cette mesure radicale manque de souplesse et n’est que
très rarement envisagée. Le ministère chargé des sports privilégie plutôt
un dialogue dans la durée et un contrôle a minima des fédérations, dont
seul l’échec avéré peut le cas échéant conduire à un retrait de délégation.
Dès lors, ce sont, d’une part, les financements que le ministère
octroie dans le cadre des conventions d’objectifs et, d’autre part, son rôle
de régulation normative qui constituent les principaux instruments
disponibles pour que l’Etat puisse piloter l’action des fédérations.
Or, la portée de ces instruments tend à s’affaiblir. L’action
normative de l’Etat à l’égard du sport professionnel s’inscrit tout d’abord
désormais dans le cadre européen, voire mondial. Ainsi, pour le football,
les règles relatives aux professions d’agents sportifs et aux modalités de
transfert des joueurs relèvent avant tout des instances internationales
comme la FIFA et l’UEFA. De même, la lutte contre le dopage illustre
combien les dispositions législatives et règlementaires à caractère
national ont une portée limitée, si elles ne sont pas soutenues par des
mesures prises au niveau international. En outre, l’Etat éprouve de plus en
plus de difficultés à financer seul les moyens de cette lutte : de nouveaux
financements publics pourraient être recherchés en concertation avec le
mouvement sportif et l’agence française de lutte contre le dopage, telles
498
COUR DES COMPTES
qu’une quote-part prélevée sur le montant des licences ou bien une
contribution financière des organisateurs de compétitions au delà d’un
certain seuil de chiffre d’affaires.
Par ailleurs, la proportion des ressources issues du budget de l’Etat
s’est notablement réduite dans le cas de trois des cinq fédérations
contrôlées (football, rugby et athlétisme), et sont même désormais
négligeables dans le cas des deux fédérations en charge des sports les plus
médiatisés (football et rugby), puisqu’elles représentent moins de 6 % des
ressources : de façon significative, les bénéfices dégagés par ces
fédérations en 2006 ont été supérieurs aux subventions publiques qui leur
avaient été accordées.
Taux de dépendance des fédérations par rapport à l’Etat
181
en % du budget
2001
2008
FFF (football)
4%
4%
FFR (rugby)
8%
6%
FFA (athlétisme)
53%
48%
FFBB (basket-ball)
28%
30%
FFHB (hand-ball)
34%
45%
Source : direction des sports MJSVA
Certes, le ministère chargé des sports fait valoir l’utilité de ces
financements qui, dans le cadre des conventions d’objectifs, ont une
fonction incitative et visent à exercer un effet de levier pour mettre en
oeuvre des actions d’intérêt général qui pourraient, en l’absence de
l’intervention de l’Etat, ne pas être considérées comme prioritaires par les
instances dirigeantes des fédérations. Pour autant, la place des
financements de l’Etat tend manifestement à se marginaliser dans les
fédérations bénéficiant le plus de ressources commerciales.
La présence de l’Etat à travers les 1700 conseillers techniques
sportifs mis à la disposition des fédérations est également parfois mise en
cause. Ces fonctionnaires, qui contribuent à la promotion de la pratique
sportive, à la structuration et à l’encadrement des politiques du sport de
haut niveau, jouent un rôle important dans la mise en oeuvre des
politiques contractualisées entre le ministère et les fédérations. Le
ministère chargé des sports estime qu’un désengagement marqué de l’Etat
dans ce domaine serait inopportun : les conseillers techniques sportifs
constituent les relais privilégiés de mise en oeuvre des orientations
181) Le taux de dépendance traduit la part que représentent les ressources publiques
(subventions de l’Etat et CTS) dans le budget de la fédération
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
499
prioritaires de l’Etat dans le domaine sportif et contribuent à assurer une
cohérence entre les politiques sportives fédérales et les objectifs
ministériels. En effet, selon le ministère, l’apport de l’Etat n’est pas
seulement un facteur d’équilibre financier ou d’expertise sportive, mais
également de soutien aux missions d’intérêt général et de service public
(organisation
des
compétitions,
préparation
au
haut
niveau,
développement territorial, structuration du lien social,...) dévolues aux
fédérations sportives.
Pour autant, le ministère indique également qu’il tient compte
depuis plusieurs années du développement du sport professionnel pour
l’affectation des conseillers techniques sportifs, et que, compte tenu des
contraintes budgétaires, leur répartition au sein des fédérations, reposant
sur des critères dépassés, sera prochainement réexaminée en concertation
avec le mouvement sportif. Il serait à cet égard nécessaire d’inciter les
fédérations les plus riches, fortes d’un secteur sportif professionnel
puissant, à assurer progressivement la charge d’une partie plus nombreuse
de leurs cadres techniques.
Ressources accordées par l’Etat en 2007 et 2008
(subventions et CTS)
en milliers €
2007
2008
Football
dont CTS
7 242
4000
6 801
4000
Rugby
dont CTS
6 212
2750
5 064
3650
Athlétisme
dont CTS
9 590
5450
9 502
5350
Basket-ball
dont CTS
6 207
3500
6 243
3600
Handball
dont CTS
7 409
3150
7 150
3050
Source : direction des sports
Le ministère chargé des sports écarte toutefois, à ce jour,
l’éventualité, qui a été suggérée par le président de la fédération française
d’athlétisme dans ses réponses à la Cour, de transférer aux fédérations la
gestion directe des conseillers techniques sportifs, par l’attribution dans le
cadre des conventions d’objectifs d’une subvention correspondant à leur
masse salariale, afin que les fédérations maîtrisent totalement les
500
COUR DES COMPTES
recrutements et les évolutions de carrière. De même, le ministère prend
ses distances avec l’éventualité, suggérée également par la fédération
française d’athlétisme, de professionnaliser les entraîneurs bénévoles : il
rappelle que, dans la plupart des disciplines, les clubs n’ont pas les
ressources financières pour recruter des entraîneurs salariés.
Plus généralement enfin, par delà la question de la nécessaire
justification du recrutement, de l’emploi, et de l’affectation des CTS, une
répartition plus différenciée entre les fédérations des moyens budgétaires
dont disposent l’Etat et le CNDS devrait faire l’objet d’une analyse
approfondie par le ministère.
2 -
Une redistribution insuffisante des ressources commerciales
entre fédérations
Les fédérations dotées des budgets les plus importants tirent
l’essentiel de leurs ressources de la commercialisation de droits qui
proviennent de la délégation prévue aux articles L. 131-14 à L. 131-21 du
code du sport. Qu’il s’agisse en effet de la vente des droits de diffusion
des matchs de l’équipe nationale, de la conclusion de contrats avec des
équipementiers ou d’autres partenaires des équipes de France, ou de la
commercialisation des droits attachés aux compétitions, ces ressources
proviennent en définitive toutes des droits qui ont été concédés à titre
exclusif par l’Etat
(
182
)
dans le cadre de sa délégation.
Une réflexion pourrait donc être engagée sur l’intérêt de la mise en
place éventuelle d’un mécanisme de solidarité entre les sports, qui
porterait sur l’ensemble des ressources commerciales, et non plus
seulement sur les droits de retransmission télévisée. Un tel mécanisme,
qui élargirait l’assiette de la « taxe Buffet » en confortant l’unité du sport,
pourrait être progressif. Les ligues professionnelles, en tant que
subdélégataires de tels actifs, pourraient aussi être concernées. Ce
dispositif permettrait d’allouer de nouveaux moyens destinés à préserver
le modèle sportif français : ces ressources pourraient ainsi abonder celles
du CNDS, de même que celles découlant des paris en ligne, et lui
permettre d’élargir ses missions, à un moment où les contraintes
budgétaires - tant du point de vue de l’octroi des subventions que de
l’affectation des conseillers techniques sportifs - sont extrêmement fortes.
182) Article L131-14 du code du sport : «
Dans chaque discipline sportive et pour une
durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé
des sports
». Seules les fédérations sportives délégataires peuvent utiliser l'appellation
« fédération française » ou de « fédération nationale », ainsi que décerner celle
d'équipe de France ou de champion de France.
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
501
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Six ans après les états généraux du sport, la Cour constate que le
modèle français d’organisation du sport, dont les principes ont été
réaffirmés avec force, est désormais soumis à de fortes tensions. Ses
contrôles menés sur cinq fédérations dotées d’un secteur professionnel
ont mis en évidence l’anticipation par le mouvement sportif d’un éventuel
désengagement de l’Etat, qui s’est effectivement traduit en 2008 par une
diminution de 10 à 30 % du montant de la subvention publique accordée
aux fédérations les plus importantes. Cette évolution s’inscrit dans un
environnement
économique
marqué
par
les
mutations
du
sport
professionnel, qui conduit ces fédérations à privilégier une stratégie de
croissance
fondée
sur
le
développement
de
leurs
ressources
commerciales. Simultanément, les fédérations dépourvues d’un secteur
professionnel puissant ne disposent d’aucun relais de croissance et
subissent par conséquent un effet de paupérisation.
Ces tendances divergentes peuvent menacer à terme les principes
actuels d’organisation du sport en France. Le principe d’unité du
mouvement sportif est remis en cause par l’écart de richesse qui s’accroît
entre les grandes fédérations bénéficiant de financements privés
importants et les autres. Au sein d’un même sport, le principe de
solidarité entre sport professionnel et sport amateur ne joue efficacement,
dans des proportions toutefois modestes, qu’au sein du football.
Dans ce nouveau contexte, la capacité d’intervention de l’Etat est
réduite, dès lors que ses moyens de régulation et de pilotage sont liés aux
financements qu’il accorde et que ceux-ci sont limités, de même que sa
capacité à user de façon autonome de son pouvoir normatif, le cadre
juridique de référence étant désormais devenu européen, voire mondial.
Dans son premier article, le code du sport rappelle que « les
activités physiques et sportives constituent un élément important de
l'éducation, de la culture, de l'intégration et de la vie sociale ». Compte-
tenu de cette dimension sociétale et sociale,
la Cour estime nécessaire de
fixer plus précisément le rôle futur de l’Etat vis-à-vis des fédérations
sportives, et en particulier de celles qui ont un secteur professionnel
développé et des recettes commerciales largement majoritaires. A cet
égard, par delà les réflexions en cours sur la présence d’un plus grand
nombre de disciplines sportives sur les chaînes de télévision, trois
orientations doivent - de façon non exclusive - être définies en
502
COUR DES COMPTES
concertation avec le mouvement sportif :
- une répartition plus différenciée des moyens de l’Etat
(subventions et conseillers techniques sportifs) entre les fédérations ;
- le renforcement de la mutualisation, au sein de chaque
discipline, entre le secteur professionnel et le secteur amateur ;
- la mise en place d’une plus grande solidarité entre les sports par
le biais d’un mécanisme prenant en compte l’ensemble des droits
commerciaux obtenus dans le cadre de la délégation accordée aux
fédérations sportives.
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
503
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA SANTÉ, DE LA JEUNESSE,
DES SPORTS ET DE LA VIE ASSOCIATIVE
Le ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie
associative remercie la Cour pour ses observations d’une grande pertinence
concernant les mutations du sport et leurs conséquences sur les relations
entre l’Etat et les fédérations sportives.
Le ministère constate que le modèle d’organisation du sport fondé sur
l’unité du sport et la solidarité entre le secteur professionnel et le secteur
amateur, entre la pratique de masse et la recherche du haut niveau, n’est pas
remis en question par les analyses de la Cour qui invite les pouvoirs publics
à rénover l’exercice de la tutelle et sécuriser les financements.
En effet, ce modèle, parfois idéalisé, mais porteur de valeurs sociales
fortes a non seulement fait l’objet d’un consensus lors des Etats généraux du
sport en 2002, mais a été depuis lors porté par les différentes instances
européennes (Livre Blanc de juillet 2007 de la Commission européenne et
Plan d’action Pierre de Coubertin ; déclaration commune des ministres des
sports de l’Union européenne à Biarritz en novembre 2008).
I - L’autonomie financière des fédérations n’est pas toujours
assurée
En mettant l’accent sur cinq fédérations sportives (football, rugby,
athlétisme, basket-ball, handball) qui ont mis en place des structures
administratives et financières de plus en plus performantes, fédérations
dotées d’un secteur et de ligues professionnelles et, pour certaines, dotées de
moyens financiers puissants grâce à des droits audiovisuels, notamment la
fédération française de football, la Cour met en évidence les facteurs de
transformation du modèle sportif français et la modification d’équilibres
progressivement constitués entre sport professionnel et sport amateur, entre
sport de masse et sport de haut niveau, entre la diversité des pratiques et des
disciplines et la concentration des ressources privées sur quelques sports
susceptibles de forte audience médiatique. Dans ce contexte, la montée du
secteur professionnel et sa puissance économique et commerciale pourraient
relativiser de fait la capacité d’intervention
régulatrice des pouvoirs publics
et pourraient faire douter de l’efficacité des subventions accordées par
l’Etat.
***
Les analyses de la Cour concernant les cinq
fédérations contrôlées
peuvent être interprétées comme l’anticipation d’une évolution globale du
sport, et à ce titre, invitent à la recherche de réponses novatrices adaptées au
nouveau contexte ; toutefois, elles ne sont pas immédiatement généralisables
à la réalité plus modeste des 130
fédérations agréées ou délégataires. Si la
part de l’aide directe (conventions d’objectifs) apportée par le ministère
n’équivaut qu’à 2% du budget de la fédération française de football (FFF),
504
COUR DES COMPTES
à 3%
pour le rugby et le golf, à 1% pour le tennis, l’apport n’est pas
marginal pour l’ensemble des 130 fédérations agréées ou délégataires. Ainsi,
pour les 85 fédérations unisports, le taux de soutien médian de l’Etat s’élève
à 30% et monte à 50% si l’on y ajoute le financement des cadres techniques
sportifs (CTS) mis à disposition de la fédération. L’Etat continue donc à
jouer un rôle important voire décisif dans les équilibres fédéraux, même en
ce qui concerne
des fédérations solides financièrement (5% de subventions
pour l’équitation, 11 % pour le karaté, 13% pour basket-ball, 21% pour le
handball), car la santé économique d’un sport et des clubs ne se confond pas
avec la solidité de la structure fédérale.
II - Une tutelle légère mais non dénuée d’efficacité pour la mise en
oeuvre du service
public
La Cour souligne la difficulté de l’exercice de la tutelle de l’Etat sur
des fédérations (associations loi 1901)
fondées sur le principe électif,
traversées d’intérêts contradictoires, mais dotées pour l’exercice de leurs
missions de prérogatives de puissance publique.
Le retrait de l’agrément
(qui a pu concerner par le passé la fédération française d’équitation ou celle
d’haltérophilie) est effectivement une arme de dissuasion difficilement
maniable et qui ne peut guère s’appliquer de façon durable.
C’est pourquoi le dialogue autour des conventions d’objectifs et
l’intervention des directeurs techniques nationaux et des cadres techniques,
agents de l’Etat placés auprès de la fédération restent privilégiés. La tutelle
de l’Etat, qui se traduit aussi par une relation périodicisée et formalisée
entre les responsables de l’administration des sports et ceux de la fédération,
garantit le bon usage des prérogatives de puissance publique conférées aux
fédérations sportives.
Je suis convaincue de la fonction structurante des conventions
d’objectifs, lesquelles ont engagé l’ensemble des fédérations, y compris les
fédérations les plus autonomes financièrement, à ordonner leurs actions en
fonction des axes du programme budgétaire « sport » (développement de la
pratique du sport de haut niveau, protection et santé des sportifs, formation
et emploi), et à mettre en place des instruments de contrôle et de mesure
(comptabilité analytique, indicateurs). L’intervention de l’Etat, forte ou
modeste, conduit les fédérations à s’impliquer dans des politiques publiques
que les assemblées fédérales pourraient ne pas souhaiter prendre en
considération. L’affectation des aides du ministère, déterminées précisément
lors de la négociation des conventions d’objectifs, permet de préciser
les
obligations et les conséquences du service public sportif : développement des
pratiques sur le territoire, promotion des valeurs éducatives et sociales du
sport, prise en compte des politiques gouvernementales en faveur des publics
cibles et
des quartiers, organisation cohérente du haut niveau.
L’ETAT ET LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES
505
III - Dialogue approfondi sur la base de projets sur l’olympiade
Pour
garantir
un
système
sportif
à
même
de
concilier
le
développement de la pratique pour tous et la réussite olympique (40
médailles à Pékin en 2008), en tenant compte de la contrainte financière qui
pèse sur les finances publiques et des exigences de la réforme de l’Etat au
travers de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le ministère
en charge des sports, conformément à l’esprit des recommandations de la
Cour, a défini en vue de la nouvelle olympiade 2009-2012 des formes
d’action qu’il souhaite encore plus efficaces.
C’est ainsi que les prochaines conventions d’objectifs seront
négociées à partir du projet sportif fédéral pluriannuel. L’Etat concentrera
son aide directe sur certaines actions particulièrement structurantes,
soumises à une évaluation sur la base d’indicateurs.
Parallèlement, la suppression du PNDS (programme national de
développement du sport) en 2009, liée à la rationalisation des compétences
entre l’Etat et CNDS (centre national pour le développement du sport)
confirme la position du ministère en tant que seul interlocuteur et financeur
des fédérations nationales, le CNDS ayant vocation à se recentrer sur
l’accompagnement du mouvement sportif local et le soutien à la construction
et à la rénovation des équipements sportifs. Par ailleurs, la question du
redéploiement des conseillers techniques sportifs selon des critères actualisés
sera abordée à l’occasion de la négociation des conventions d’objectifs, afin
d’améliorer la cohésion du soutien de l’Etat qui soit financier ou humain.
IV - Sécurisation financière et unité du sport
Cet enjeu est pris en compte au niveau gouvernemental.
Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique
a présenté en
juin 2008 en conseil des ministres une communication relative
à l’ouverture maîtrisée du marché des paris sportifs et hippiques ainsi que
des jeux d’argent en ligne. Le Gouvernement a décidé de procéder à cette
ouverture afin de canaliser des pratiques aujourd’hui illégales et de se
mettre en conformité avec les règles européennes. L’ouverture du marché des
jeux en ligne sera mise en oeuvre dans le respect des impératifs d’ordre
public et social (lutte contre la fraude, la corruption, les activités de
blanchiment, prévention
des comportements addictifs, protection des
mineurs).
A partir d’un cahier des charges précis, des agréments devront être
délivrés aux nouveaux opérateurs par une autorité de régulation. Le principe
d’un retour financier vers le sport est pris en compte dans le cadre du projet
de loi en cours de préparation. Un prélèvement spécifique en faveur du sport
sera notamment appliqué à l’ensemble des paris sportifs selon des modalités
qui seront contenues dans le projet de loi. La reconnaissance d'un droit de
propriété aux organisateurs de manifestations sportives pour l’exploitation
506
COUR DES COMPTES
de paris sur ces événements pourra également leur permettre de bénéficier
de contreparties financières.
La sécurisation des financements du sport a aussi fait l’objet de
réflexions à l’initiative de la France dans le cadre de la présidence française
de l’Union européenne (juillet-décembre 2008).
Enfin, les études et rapports récents sur le sport professionnel
(Rapport du secrétaire d’Etat Eric Besson sur la compétitivité des clubs de
football,
rapport de la commission présidée par M. Philippe Seguin sur les
stades de football), envisagent des dispositions juridiques renforçant les
capacités financières des clubs professionnels afin de leur donner les moyens
de leur performance sportive au sein des compétitions européennes. Ces
propositions,
sont
examinées
avec
beaucoup
d’attention
par
le
Gouvernement.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE
RUGBY
La lecture de l’insertion de la Cour des comptes
n’appelle pas de ma
part de remarques fondamentales. Toutefois il me parait intéressant de
préciser que le temps d’antenne consacré au rugby en 2007 atteint un
pourcentage qu’il convient de qualifier d’exceptionnel puisqu’il s’agit
comme vous l’indiquer de l’année de la Coupe du Monde.
Par ailleurs, le mécanisme de solidarité entre les sports dont il est fait
état, suppose une réflexion générale quant à sa définition et plus
généralement quant à son application.