Les autorités de contrôle et de
régulation du secteur financier
_____________________
PRESENTATION
____________________
La politique publique de régulation bancaire et financière répond
à des objectifs de sécurité et de stabilité du système financier et de
protection des épargnants, des assurés et des investisseurs. A ce titre elle
concerne l’ensemble des français. Elle est mise en oeuvre par des
autorités indépendantes, mode d’organisation de l’Etat destiné à garantir
une meilleure efficacité de l’action publique.
La Cour a contrôlé, à partir de juillet 2006, les trois principales
autorités de contrôle et de régulation financière résultant de la loi
bancaire du 24 janvier 1984 et de la loi de sécurité financière du
1
er
août 2003 : la Commission bancaire qui assure le contrôle des
établissements de crédit et entreprises d’investissement, l’Autorité de
contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM) qui contrôle les
entreprises d’assurance relevant de trois codes différents (assurances,
mutualité et sécurité sociale), enfin l’Autorité des marchés financiers
(AMF) qui veille à la protection de l’épargne financière, à l’information
des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés financiers.
Les vérifications de la Cour n'ont pas porté sur les établissements
bancaires assujettis au contrôle de la Commission bancaire compte tenu
de l'interprétation que celle-ci fait des règles de secret qui lui sont
applicables.
La Cour a communiqué le résultat de ses travaux à la ministre de
l’économie, de l’industrie et de l’emploi, au Parlement et aux autorités
administratives compétentes dans trois référés et trois lettres du président
qui leur ont été adressées entre janvier 2008 et décembre 2008, avec de
très nombreuses recommandations, après une large consultation des
acteurs et personnes intéressés par la régulation.
388
COUR DES COMPTES
L’examen comparé des trois principales autorités de contrôle et de
régulation fait ressortir que le dispositif modifié en 2003, malgré les
progrès constatés, constitue un ensemble encore trop cloisonné et trop
hétérogène face aux mutations des activités financières. Une coordination
plus étroite entre ces autorités, la recherche d’une plus grande cohérence
de leurs méthodes et la réaffirmation du rôle global de l’Etat sont
nécessaires pour améliorer l’efficacité du système français et lui
permettre de jouer pleinement son rôle dans le renforcement des
structures de coopération au niveau européen et international dont la
crise financière actuelle montre l’urgente nécessité.
I
-
Une organisation encore trop cloisonnée et trop
hétérogène
A - L’importance des activités régulées en France
L’importance
des
activités
financières
en
France
rend
particulièrement importante la question de leur régulation par les
institutions publiques.
Le secteur représente 4,9 % du PIB en 2007, soit un taux nettement
inférieur à celui du Royaume-Uni qui est de 8,2 % mais légèrement
supérieur à celui de l’Allemagne. Il employait près de 750 000 personnes
fin 2007 et l’emploi financier est passé en dix ans de 3,1 % à 4,5 % de
l’emploi total.
Dans un contexte de concurrence très vive entre les places
financières de Londres et de New York, la compétitivité de la place de
Paris, qui occupe le deuxième rang derrière Londres dans l’Union
européenne mais le premier dans la zone euro devant Francfort, est un
enjeu économique important dont la régulation est une dimension forte.
Ce secteur financier regroupe principalement les établissements de
crédit (775 fin 2007) et les entreprises d’investissement (149 fin 2007)
relevant du champ de compétence de la Commission bancaire, les
organismes d’assurance assujettis au contrôle de l’ACAM (1 522 dont
389 sociétés d’assurance ou de réassurance, 63 institutions de prévoyance
et 1 070 mutuelles du code de la mutualité), les sociétés de gestion
d’actifs pour le compte de tiers (536 fin 2007) relevant de l’AMF
119
.
119) Le total de bilan des établissements de crédits fin 2007 s’élevait à 7 065 Md€
d’euros, celui des organismes d’assurance à 1 676 Md€, et les encours bruts des
OPCVM à 1 415 Md€.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
389
Il a connu dans les dix dernières années un fort mouvement de
concentration (les cinq premiers groupes bancaires représentaient fin
2007 plus de la moitié du bilan total des établissements de crédit),
d’interpénétration de la banque et de l’assurance et d’internationalisation
des entreprises (trois groupes bancaires parmi les cinq premiers comptent
plus de 50 % de leurs effectifs à l’étranger).
Si
l’interdépendance
des
marchés
de
capitaux
et
l’internationalisation
des
établissements
financiers
ont
facilité
la
propagation de la crise internationale, le secteur financier français dispose
d’atouts pour en limiter les conséquences : en particulier le modèle de
banque universelle qui demeure un facteur de stabilité, les règles relatives
à la gestion des sociétés d’assurances et une exposition comparativement
plus limitée que d’autres pays aux produits les plus risqués. Des incidents
récents ont cependant mis en évidence la nécessité d’assurer une gestion
plus performante des risques opérationnels dans les établissements de
crédit français, fondée sur des principes plus rigoureux de gouvernance et
sur un contrôle externe renforcé.
B - Une architecture complexe héritée du passé
Le choix de recourir à des autorités indépendantes pour la
supervision et la régulation du secteur financier est déjà ancien en France,
comme dans d’autres pays. Les motifs en sont l’indépendance par rapport
au pouvoir politique, la compétence technique, la réactivité, la possibilité
d’associer les professionnels à la détermination des règles applicables.
Ces autorités concentrent à des degrés divers une pluralité de pouvoirs
d’attribution : réglementation, contrôle, sanction.
1 -
Un dispositif fragmenté
a)
Un modèle d’organisation qui sépare la régulation des marchés
financiers et le contrôle prudentiel des acteurs
La loi de sécurité financière du 1
er
août 2003 a choisi de ne pas
remettre en cause l’orientation antérieure qu’il y ait un régulateur par
secteur. Elle a ainsi maintenu des organismes distincts pour la régulation
des marchés financiers (AMF), pour le contrôle des établissements
bancaires et des entreprises d’investissement (Commission bancaire) et
pour le contrôle, désormais unifié, des organismes d’assurance et des
mutuelles (ACAM).
390
COUR DES COMPTES
Ce choix est motivé par deux considérations :
- la recherche d’une plus grande efficacité grâce à des champs de
contrôle plus délimités, de nature à mieux prévenir les conflits d’intérêt,
et à la juxtaposition de deux logiques de contrôles complémentaires, l’une
à partir des marchés (AMF) et l’autre à partir des établissements
(Commission bancaire et ACAM) ;
- la volonté de conserver une forte proximité entre la Banque
centrale et le contrôleur bancaire, bien que celui-ci ait les attributs d’une
autorité indépendante. La France est un des pays d’Europe où les liens de
l’autorité de contrôle des banques avec la Banque centrale sont les plus
forts. Cette proximité assure un partage d’information et une bonne
articulation entre la conduite de la politique monétaire et les différents
niveaux de régulation, micro-prudentielle et macro-prudentielle, dont la
crise financière a montré la pertinence, notamment pour pouvoir réagir
très rapidement aux problèmes de solvabilité et traiter les questions de
liquidité en connaissance de cause.
Cette organisation se démarque à la fois du modèle d’autorité
unique en vigueur au Royaume-Uni avec la Financial Services Authority
(FSA) ou en Belgique avec la Commission bancaire, financière et
d’assurance, et du modèle de rapprochement poussé comme en
Allemagne, avec la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht
(BaFin), compétente pour le contrôle des banques, des entreprises
d’investissement et des entreprises d’assurance. La crise financière
démontre clairement l’importance cruciale du partage de l’information
financière entre les autorités et la Banque centrale. Elle ne permet pas
pour autant de trancher, parce que toutes les conséquences n’en sont pas
encore connues, la question de l’efficacité comparée des modèles.
b)
La constitution de trois pôles qui laisse subsister des autorités
d’agrément distinctes
La régulation a été structurée autour de trois pôles :
- la Commission bancaire, maintenue dans son statut de 1984 ;
- l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles
(ACAM)
120
, qui a fusionné la Commission de contrôle des assurances et
la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de
prévoyance, créées en 1989 ;
120) Dénommée dans un premier temps Commission de contrôle des assurances, des
mutuelles et des institutions de prévoyance (CCAMIP).
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
391
- l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui s’est substituée à la
Commission des opérations de bourse (créée en 1967), au Conseil des
marchés financiers (autorité professionnelle créée par la loi de
modernisation des activités financières de 1996) et au Conseil de
discipline de la gestion financière (créé en 1998).
A ces trois pôles s’ajoutent des autorités d’agrément, le Comité des
établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI)
121
et
le Comité des entreprises d’assurance (CEA).
La séparation entre l’agrément et le contrôle prudentiel est une
exception française qui ne se justifie plus. En effet, le CECEI s’appuie sur
la
direction
des
établissements
de
crédit
et
des
entreprises
d’investissement qui est un service de la Banque de France, et les services
de l’ACAM instruisent les dossiers d’agrément, de fusion, de changement
d’actionnaire et de transfert de portefeuilles pour le compte du CEA. Le
maintien de collèges et de secrétariats généraux distincts est source de
surcoûts, de morcellement de la capacité d’expertise, voire de risques
juridiques dans les procédures.
2 -
Des statuts hétéroclites
L’AMF et l’ACAM se sont vu reconnaître le statut d’autorité
publique indépendante dotée de la personnalité morale et de l’autonomie
financière par la loi du 1
er
août 2003, ce qui les distingue de simples
autorités administratives indépendantes (AAI).
En revanche, la Commission bancaire est demeurée une simple
autorité administrative indépendante, sans personnalité juridique ni
autonomie financière
122
.
3 -
Des
instances collégiales de composition disparate
Une seule des trois autorités, l’AMF, dispose d’une commission
des sanctions distincte du collège, composée de magistrats et de
professionnels, tandis que les collèges respectifs de
la Commission
bancaire et de l’ACAM cumulent les missions de surveillance avec celles
de sanction aux manquements professionnels.
121) A l’exception des sociétés de gestion de portefeuille qui sont agréées par l’AMF,
laquelle est également compétente pour l’approbation des programmes d’activité de la
gestion de portefeuille pour compte de tiers.
122) La loi du 24 janvier 1984 l’a qualifiée de « juridiction administrative »,
lorsqu’elle délibère sur des griefs passibles d’une sanction disciplinaire, ce qui n’est
pas le cas des deux autres autorités lorsqu’elles délibèrent sur des griefs similaires.
392
COUR DES COMPTES
Les effectifs et la composition des collèges font apparaître des
différences importantes. L’AMF a un collège de seize membres et une
commission des sanctions de douze membres. Le collège de l’ACAM
compte neuf membres, et celui de la Commission bancaire seulement sept
membres, tous à temps partiel, ce qui paraît trop faible par rapport à
l’ampleur et à la complexité des sujets de supervision bancaire.
Des représentants désignés ou proposés par les hautes juridictions
sont présents dans les trois autorités : Conseil d’Etat et Cour de cassation
pour les trois, Cour des comptes pour l’AMF et l’ACAM. Les écarts
proviennent des personnalités qualifiées, qui sont au nombre de dix à
l’AMF mais seulement de quatre à l’ACAM et de deux à la Commission
bancaire. Parmi les dix personnalités qualifiées du collège de l’AMF,
trois sont désignées par les présidents des assemblées parlementaires et
du Conseil économique et social et sept par le ministre chargé de
l’économie,
après
consultation
des
organisations
représentatives
concernées, dont un représentant des salariés actionnaires. Il n’y a, en
revanche, aucun représentant des particuliers épargnants.
La présence de professionnels en activité à l’AMF, comme au
CECEI et au CEA, est un gage d’expertise et de crédibilité. Une
application plus large de ce principe à la Commission bancaire et à
l’ACAM est souhaitable, même si elle nécessite une déontologie sans
faille, une gestion rigoureuse des conflits d’intérêt et une protection des
données confidentielles (modèles internes notamment) d’établissements
concurrents.
La situation des présidents diffère selon les autorités. Ceux de
l’AMF et de l’ACAM sont nommés par décret du président de la
République pour un mandat de cinq ans (renouvelable une fois pour
l’ACAM mais non pour l’AMF), tandis que la Commission bancaire est
présidée d’office par le gouverneur de la Banque de France ou, par
délégation, par l’un des deux sous-gouverneurs. Le gouverneur est
également membre de droit des deux autres autorités. Le président de
l’ACAM siège à la Commission bancaire mais pas à l’AMF ; le président
de l’AMF ne siège ni à la Commission bancaire ni à l’ACAM ni au CEA
mais est présent au CECEI ; le président du Conseil national du Crédit
n’est membre de droit que de l’AMF.
Les trois autorités ne disposent d’aucun membre permanent, à
l’exception, pour l’AMF et l’ACAM, de leurs présidents. Le sous-
gouverneur, qui préside la Commission bancaire par délégation du
gouverneur, assume par ailleurs d’autres responsabilités au sein de la
Banque de France. Cette dernière situation contraste avec celle des
autorités de régulation dans d’autres secteurs économiques, dont certains,
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
393
voire la totalité, des membres exercent le plus souvent leurs fonctions à
temps plein.
Le secrétaire général de l’AMF est nommé par son président,
tandis que celui de l’ACAM l’est par le ministre, dans les deux cas après
avis du collège. Le secrétaire général de la Commission bancaire est
nommé par le ministre de l’économie sur proposition du gouverneur, et le
poste est traditionnellement confié à un directeur de la Banque de France.
Le directeur général du Trésor et de la politique économique est
resté membre de droit de la Commission bancaire, alors qu’il participe en
tant que commissaire du gouvernement au collège des deux autres
autorités. Seule cette dernière position est conforme au principe
d’indépendance des autorités.
L’harmonisation de la composition des collèges paraît souhaitable
sur le modèle de l’AMF. Elle implique un accroissement des effectifs du
collège de la Commission bancaire et la désignation d’un président à
temps plein dans cette autorité
123
, la recherche systématique de
participations croisées pour compenser le cloisonnement du système, la
désignation de professionnels en activité en s’assurant que leur présence
ne soit pas porteuse de conflits d’intérêt, enfin l’adoption d’une charte de
déontologie et d’un règlement intérieur par chaque collège.
C - Des moyens dispersés
Avec 1 071 personnes réparties comme l’indique le tableau ci-
dessous, les effectifs restent de taille modeste.
CB
AMF
ACAM
Total
2003
486
304
151
941
Fin 2007
509
369
193
1 071
Evolution
+ 23
+ 65
+ 42
+130
Source : Cour des comptes
Cette situation garantit un bon niveau d’efficience individuelle. En
revanche, la France n’affecte pas au contrôle et à la régulation financière
les effectifs importants qu’y consacrent ses principaux partenaires : 2 535
agents à la FSA au Royaume-Uni, 1 693 agents à la BaFin en Allemagne.
Cela conduit à s’interroger sur l’adéquation des moyens à l’ampleur et à
la nature des problèmes à traiter.
123) Quitte à revoir la répartition des responsabilités des deux sous-gouverneurs.
394
COUR DES COMPTES
1 -
Les moyens budgétaires et financiers
a)
Des organisations diversifiées
La Banque de France met à la disposition du secrétariat général de
la Commission bancaire des agents sous statut de la Banque ainsi que la
délégation aux contrôles sur place des établissements de crédit dédiée aux
inspections sur place pour le compte du secrétariat général. Cet appui en
personnels et en logistique est très appréciable mais rend la Commission
bancaire dépendante des arbitrages budgétaires de la Banque. La Cour a
demandé que le budget annuel de la Commission bancaire soit soumis à
l’approbation du collège et que la convention de moyens conclue avec la
Banque le soit par le collège et non plus par le secrétaire général. Cette
recommandation a été entendue. La nouvelle procédure de discussion et
d’approbation du budget par le collège a été précisée dans un avenant à la
convention d’origine, le résultat de l’examen du budget de l’année
suivante par le collège étant désormais consigné au procès-verbal de la
Commission.
L’allocation de ressources à la Commission bancaire connaît des
tensions avec la multiplication des travaux et des responsabilités dévolues
au secrétariat général et à son service d’inspection. Un plan sur quatre ans
(2006-2009) a accru de façon substantielle les effectifs, mais l’ajustement
s’est effectué avec retard par rapport au programme initial
124
et le niveau
attendu en 2009 semble d’ores et déjà insuffisant pour faire face aux
développements croissants en matière de surveillance et de concentrations
européennes et internationales de groupes bancaires. Si la Banque de
France a indiqué à la Cour avoir la capacité, dans les années qui viennent,
de doter le contrôle bancaire de moyens adéquats, notamment par
redéploiement de postes au profit de la Commission, une nouvelle
planification pluriannuelle s’avère nécessaire.
L’AMF et l’ACAM doivent, elles, assumer seules l’intégralité des
tâches tant en matière de gestion des personnels que de fonctionnement
courant. Si cette indépendance et les ressources financières dont elles
disposent leur apportent une large marge d’action, la taille limitée de leur
organisation les expose à des difficultés dans le recrutement et le
déroulement de carrière de leurs personnels.
124) Effectif réel de 511 à fin 2006 sur les 530 inscrits au tableau des effectifs et
effectif réel de 509 à fin 2007 sur les 539 budgétisés.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
395
b)
Des ressources financières à réexaminer
L’Etat n’intervient pas dans l’allocation des moyens des trois
autorités, sauf pour fixer par décret, dans le cadre défini par la loi, les
seuils des droits fixes perçus sur les acteurs professionnels et des
contributions perçues sur des opérations de marché dont l’AMF tire ses
recettes ainsi que les taux des cotisations assises sur les primes des
entreprises d’assurance et des mutuelles qui financent l’ACAM.
Une réforme du financement du contrôle bancaire n’est pas à
exclure. La Banque de France est attachée au système actuel qui
contribue à conforter l’adossement du superviseur bancaire à la banque
centrale. Toutefois, sans remettre en cause les liens organiques et de
gestion qui les unissent, la nature de la supervision bancaire en fait une
mission d’intérêt général qui devrait à l’avenir, comme la Cour l’a déjà
dit dans son rapport public particulier sur la Banque de France
(mars 2005), faire l’objet d’une convention de service avec l’Etat, à
l’instar de missions comme la gestion du surendettement. Une autre
possibilité, qui n’a pas la faveur de la Banque de France, pourrait être
d’harmoniser le financement des différents régulateurs au moyen de
contributions professionnelles du secteur contrôlé. Au demeurant, les
frais supportés par la Banque de France diminuant à due concurrence le
dividende versé à l’Etat, la Commission bancaire bénéficie indirectement
d’un financement public.
Le système des droits et contributions de l’AMF, hérité du Conseil
des marchés financiers et de la COB, présente le triple inconvénient
d’être source de disparités entre contributeurs, lourd à gérer et affecté
d’une forte volatilité qui conduit à maintenir une réserve financière
importante.
L’ACAM a encaissé des recettes importantes avant de supporter
l’intégralité de ses charges. Entre 2004, date de son démarrage et 2007,
elle a ainsi connu une croissance très rapide de ses ressources, de l’ordre
de 13% par an, tandis que les dépenses ne progressaient pas au même
rythme. La réserve financière, à plus de 35 M€ à la fin de 2007,
correspond à près d’une année et demie de dépenses. Une partie pourrait
donc être reversée au budget de l’Etat, même s’il convient de tenir
compte de la baisse attendue des taxes perçues.
396
COUR DES COMPTES
2 -
La gestion des ressources humaines
Malgré le renforcement des effectifs depuis 2003, les trois autorités
sont restées en deçà de leurs objectifs de recrutement, notamment en
raison d’un taux de rotation élevé tant à l’AMF qu’à l’ACAM. Cette
situation s’explique à la fois par une gestion endogène, voire
malthusienne, des statuts des personnels et par des politiques de
rémunération trop cloisonnées.
a)
Des statuts des personnels qui conduisent parfois à une gestion
endogène
A l’ACAM, les effectifs du corps de commissaires-contrôleurs
n’ont pas varié, alors que le secteur des assurances se développait et que
les produits se diversifiaient. Cette situation résulte des caractéristiques
d’un corps très étroit, celui des commissaires contrôleurs recruté à partir
de l’école polytechnique et de l’école normale supérieure, qui ne permet
pas à lui seul de répondre aux besoins de l’ACAM et dont l’insuffisance
numérique, malgré les efforts en cours, n’a pas été compensée par des
recrutements extérieurs.
La Banque de France privilégie aussi, bien que dans une moindre
mesure, les corps internes et ne recourt à des recrutements extérieurs de
spécialistes qu’avec parcimonie. A l’AMF, la recherche d’expertises sur
le marché a été, au contraire, active, mais cette politique s’est heurtée à la
difficulté de fidéliser des cadres recrutés jeunes auxquels l’institution ne
peut offrir des carrières longues.
b)
Des politiques de rémunération insuffisamment tournées vers la
performance et des viviers d’emplois trop étroits.
Du fait de l’adossement à la Banque de France, les services de
supervision bancaire n’ont pas de politique de rémunération spécifique.
La Cour a recommandé cependant l’individualisation, notamment pour
les cadres dirigeants, d’une prime d’objectifs et de performance.
A l’ACAM, la gestion du personnel qui comporte majoritairement
des fonctionnaires ou des contractuels de droit public suit des modes
classiques, l’évaluation et la rémunération variable individualisée n’ayant
été généralisées pour l’ensemble du personnel que récemment.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
397
La politique de l’AMF est plus originale. En effet, un cadre
juridique dérogatoire a été, de fait, mis en oeuvre, tant pour les
contractuels de droit privé que pour ceux de droit public. Il a
principalement consisté à étendre certains avantages sociaux découlant du
code du travail à une population essentiellement composée de
contractuels publics. Il en est résulté des pratiques de gestion contestables
sans pour autant permettre d’atteindre l’objectif de fidélisation des cadres.
Il conviendrait de revenir aux textes qui régissent les salariés selon le
droit de leur contrat, seul moyen de faire coexister un régime de droit
public et un régime de droit privé conformes à la volonté du législateur.
Les avantages de rémunération ou sociaux spécifiques instaurés
par les trois institutions peuvent freiner le passage de l’une à l’autre, qui
est d’ailleurs exceptionnel. En outre, ils n’ont pu empêcher un taux de
rotation élevé de personnels très spécialisés à l’AMF et à l’ACAM, ce qui
explique des vacances de postes parfois de longue durée
125
.
L’étroitesse des viviers d’emplois constitue un handicap qui ne
pourra être surmonté qu’en faisant appel à des solutions novatrices.
II
-
Une régulation insuffisamment efficace face
aux mutations des activités financières
A - Une régulation en constant retard sur les
mutations des activités financières
Les autorités de régulation sont confrontées depuis le début de la
décennie à l’accélération de trois évolutions qu’il importe d’analyser pour
bien comprendre le cadre dans lequel elles doivent désormais inscrire leur
action : la rapidité des innovations financières, l’internationalisation des
acteurs et la brutalité des mouvements de marché.
1 -
La rapidité des innovations financières
Le mouvement de déréglementation et de globalisation des
marchés financiers s’est amplifié dans les années 2000. Il a pu faciliter le
financement de l’économie mais a créé des facteurs de vulnérabilité
croissante.
125) En revanche, la Commission bancaire a un taux faible de rotation vers l’extérieur
des personnels spécialisés.
398
COUR DES COMPTES
Les instruments financiers à terme (produits dérivés) ont connu
une véritable explosion au cours des années 2000 dans des domaines
variés (pétrole et autres matières premières, crédits, actions, devises, taux
d’intérêt), au point de représenter un marché de 600 000 Md de dollars
avant la crise. Ces produits ont permis la couverture de certains risques,
mais les marchés où ils s’échangent sont dominés par une finalité
spéculative. Les cours sont d’ailleurs affectés d’une forte volatilité dans
les périodes d’incertitude, comme en 2001-2002, puis de nouveau à partir
de 2006 et 2007. A ce jour, ces produits sont, pour leur plus grande part,
échangés sur des marchés de gré à gré qui, n’étant pas réglementés,
échappent à la surveillance des autorités de régulation. Les risques pour
les intervenants sont donc élevés et peuvent compromettre la confiance
sur ces marchés en période de tensions.
De même le développement de la
titrisation
des créances a
contribué à l’émergence d’un nouveau modèle de financement, qualifié
« d’octroi puis de cession », reposant sur le transfert du risque de crédit à
grande échelle avec toute une chaîne de transformation en produits dont
la liquidité a été fortement incertaine. Si le marché du crédit s’est trouvé
stimulé, ce mécanisme a déresponsabilisé, en revanche, le prêteur et a
rendu plus difficile l’identification des risques sous-jacents et de leur
évolution dans le temps. La dispersion des risques au sein du système
financier ne permet pas de les suivre correctement et peut déclencher une
défiance généralisée. Ce phénomène a échappé en partie aux autorités de
régulation. En effet, la chaîne de titrisation faisait intervenir de nouveaux
acteurs non supervisés, en particulier les « arrangeurs » qui formatent les
produits, les responsables de la syndication qui mettent les produits sur le
marché ou réalisent leur placement, les agences de notation qui analysent
le risque de crédit et notent les parts émises au passif des fonds, les
rehausseurs de crédits qui apportent de façon inconditionnelle et
irrévocable une garantie de paiement des intérêts et du principal liée à un
emprunt, le plus souvent obligataire. En outre, au plan comptable, des
structures
ad
hoc,
qualifiées
de
« véhicules »
ou
« conduits »,
permettaient aux banques de ne pas porter les risques à leur bilan.
Parmi les nouveaux acteurs, les fonds dits spéculatifs ou de gestion
alternative (« hedge funds ») occupent une place croissante. Ils utilisent
souvent des effets de levier d’endettement importants. La quasi-faillite du
fonds spéculatif Long Term Capital Management (LTCM) en septembre
1998 aux Etats-Unis avait alerté très tôt sur les risques que de tels fonds
comportent pour le système financier dans son ensemble d’autant qu’ils
n’entrent pas directement dans le champ des autorités de régulation,
même lorsqu’ils ne sont pas localisés dans des paradis fiscaux.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
399
2 -
Un décalage croissant entre la dimension internationale des
activités et le cadre de la régulation
Les activités financières sont de plus en plus internationales. Les
grands groupes bancaires et d’assurance ont fortement développé leur
présence à l’étranger. Pourtant, ce mouvement ne s’est pas accompagné
d’un renforcement de la régulation au niveau européen et international, ce
qui a eu pour effet de limiter l’action des régulateurs nationaux.
Ainsi l’AMF a seulement l’obligation de produire un rapport
annuel sur les agences de notation sans portée pratique contraignante. De
même, l’interconnexion croissante entre les fonds de gestion alternative
ou la multi-gestion alternative basés sur le territoire national et les fonds
non-résidents rend nécessaire une nouvelle approche de la réglementation
nationale.
a)
Une absence de règles internationales contraignantes
Au niveau international, à la différence de l’Organisation mondiale
du commerce qui édicte des règles et se charge de les faire respecter grâce
à un organe de règlement des différends, il n’existe pas de règles
contraignantes qui s’imposent aux Etats en matière de régulation
financière. Le FMI exerce depuis l’origine la surveillance des politiques
macro-économiques, monétaires et de change de ses membres, mais n’a
pas de compétence directe de régulation financière. Les organisations
sectorielles (Comité de Bâle pour les banques, Association internationale
des contrôleurs d’assurance, Organisation internationale des commissions
de
valeurs)
jouent
un
rôle
important
dans
la
définition
des
réglementations et l’établissement des codes de bonne conduite mis en
oeuvre par les autorités nationales, mais ne sont investies d’aucune
autorité supranationale.
Le Forum de stabilité financière (FSF), créé après la crise asiatique
de 1998 et réunissant le FMI, la Banque mondiale, la Banque des
règlements internationaux, 13 pays dont ceux du G8, et la Banque
centrale européenne, ne dispose que d’une faculté de recommandation, au
même titre que le G8 ou le G20.
L’existence d’une quarantaine de centres financiers « off-shore »,
qui se caractérisent par une fiscalité très faible, la préservation du secret
bancaire et un faible degré de coopération avec des autorités de pays tiers,
constituent une limitation sérieuse à toute régulation internationale et une
facilité pour les circuits de blanchiment de fonds.
400
COUR DES COMPTES
b)
Des directives européennes centrées sur l’achèvement
du marché intérieur
Au sein de l’Union européenne, les efforts d’harmonisation des
législations nationales se sont intensifiés dans le contexte du marché
unique avec l’adoption, en 1999, du plan d’action pour les services
financiers (PASF) et, en mars 2001, d’une méthode de concertation
spécifique pour la production des normes dans le secteur de la finance
(«
procédure Lamfalussy
»)
126
. Celle-ci permet d’associer aux travaux des
institutions européennes les représentants des Etats et les trois comités
sectoriels qui regroupent respectivement les régulateurs des marchés de
valeurs
mobilières,
les
contrôleurs
bancaires
et
les
contrôleurs
d’assurance et de pensions privées.
Ce programme d’harmonisation financière s’est achevé pour
l’essentiel en 2007 mais reste insuffisant, du fait des différences
d’interprétation dans les transpositions au niveau national et des
différences de culture de régulation entre les Etats membres. L’accent n’a
pas été suffisamment mis sur le renforcement de la coopération et de la
convergence entre les autorités de contrôle nationales afin d’améliorer
l’efficience du cadre actuel des contrôles et de prendre en compte les
risques transfrontières.
3 -
Un décalage que confirment les premières réponses
apportées à la crise financière
a)
Le durcissement en cours des normes prudentielles et le
développement de la transparence de l’information financière
Dans son référé à la ministre de l’économie, de l’industrie et de
l’emploi du 29 janvier 2008, la Cour avait appelé à un durcissement des
exigences de fonds propres des banques en fonction des risques sous-
jacents aux types de produits qu’elles élaborent et commercialisent ou
utilisent pour leur propre compte.
La Commission bancaire est directement concernée par les travaux
de révision de la directive de 2006 sur les fonds propres réglementaires,
qui recouvre les deux premiers piliers de Bâle II (exigence de fonds
126) Des travaux d’un comité des sages présidé par M. Alexandre Lamfalussy, est née
la procédure dite «
Lamfalussy
» qui est devenue «
le socle procédural sur lequel est
désormais bâtie la législation adoptée dans le cadre du plan d’action des services
financiers
». Quatre niveaux sont distingués : le niveau 1 correspond à l’élaboration
de la législation ; le niveau 2 à l’élaboration des mesures d’exécution ; le niveau 3 à la
coopération entre régulateurs et le niveau 4 au contrôle du respect de la règle de droit.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
401
propres mesurée par un ratio de solvabilité et procédure de surveillance
de la gestion des fonds propres). Deux volets de cette directive sont
actuellement en cours de révision. Le premier concerne le durcissement
des exigences de fonds propres applicables aux lignes de liquidité
octroyées aux véhicules de titrisation et vise à imposer aux banques
organisatrices de conserver une fraction des risques qu’elles cèdent aux
investisseurs. Le second vise à faciliter la convergence des pratiques des
contrôleurs nationaux et la supervision des groupes transfrontières.
Si les modifications relatives aux deux premiers piliers de Bâle II
visent à s’adapter à la crise financière internationale, elles ne sont pas de
nature à remplacer le pilier 3 relatif à la transparence financière, qui aurait
eu une utilité certaine dans la prévention et la gestion de la crise actuelle
mais qui ne se met en place que progressivement. Il est donc nécessaire
d’accélérer sa mise en oeuvre qui, pour des sociétés qui font appel public
à l’épargne, se situe au confluent des compétences de la Commission
bancaire et de l’AMF.
A cet égard, le Forum de stabilité financière (FSF) a formulé au
G7, le 7 avril 2008, des recommandations en matière de transparence qui
visent à améliorer l’information financière relative à certains risques. Ces
recommandations ont été identifiées par les ministres des finances et les
gouverneurs des banques centrales du G7 comme revêtant un rang de
priorité immédiate à mettre en oeuvre dans les 100 jours.
En France, un groupe de travail associant le secrétariat général de
la Commission bancaire, la Fédération bancaire française et l’AMF, a
préparé un jeu indicatif de grilles d’informations financières sur les
expositions liées à la crise, à communiquer au plus tard dans les comptes
au 30 juin 2008. Ce délai a été respecté. L’analyse qu’en a faite le
secrétariat général sur les plus grands établissements de crédit français a
montré que leur communication financière avait été enrichie mais qu’il
subsistait une marge de progression importante pour permettre aux
lecteurs de leurs comptes d’apprécier l’adéquation du niveau de leurs
fonds propres, leur exposition aux risques et leurs procédures
d’évaluation et de gestion des risques.
L’ACAM a récemment fait un effort d’information en direction de
la profession des assureurs en cherchant à l’éclairer sur les évolutions
réglementaires ou sur les enseignements à tirer des études transversales
menées par son secrétariat général. Cette démarche doit être approfondie
pour aboutir à une véritable concertation avec les opérateurs, concertation
qui sera exigée dans le cadre du nouveau dispositif de Solvabilité II.
Ces travaux normatifs doivent permettre de mieux prendre en
compte le risque de liquidité des marchés, qui a été sous-estimé.
402
COUR DES COMPTES
b)
Une extension du champ de la régulation
La Cour a relevé, au cours de ses enquêtes, les risques que fait
courir aux établissements assujettis l’absence de régulation d’un certain
nombre d’acteurs importants du marché qui ont une activité financière ou
qui contribuent à l’information financière.
D’ores et déjà se dessine une volonté partagée par tous les Etats
membres de l’Union européenne d’étendre le champ de la régulation à de
nouveaux acteurs, qu’il s’agisse des véhicules portant des produits
complexes, des fonds de gestion alternative à caractère spéculatif
(« hedge funds ») ou encore des agences de notation.
C’est
ainsi
que
la
Commission
européenne
a
adopté
le
12 novembre 2008 une proposition de règlement visant à encadrer les
agences de notation. Elle introduit une procédure d’enregistrement afin de
permettre aux autorités de surveillance européennes de contrôler leurs
activités, puisque les notations sont utilisées par les banques, entreprises
d’investissement, entreprises d’assurance, organismes de placement
collectif et fonds de pension à l’intérieur de l’Union européenne.
Il est vraisemblable que d’autres mesures seront prises par les
autorités communautaires afin de renforcer le cadre de la régulation
financière. La question de l’encadrement des effets de levier et des
marchés de gré à gré sur lesquels s’échangent les produits dérivés ne
manquera pas de se poser désormais.
B - Des processus de surveillance, d’enquête et de
sanction qui doivent être revus
1 -
Une fonction de surveillance et d’enquête primordiale dans
une optique de prévention et de traitement des risques
Les textes ont reconnu aux autorités de régulation des pouvoirs
importants de surveillance et de contrôle, tant sur les acteurs
professionnels (ACAM, Commission bancaire et AMF) que sur le bon
fonctionnement
des
marchés
financiers
réglementés
(AMF).
Les
améliorations déjà apportées dans la programmation et les méthodes
doivent être généralisées à toutes les autorités et poursuivies. La gestion
par la performance doit être généralisée.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
403
a)
La nécessité d’une surveillance des marchés plus
anticipatrice des risques
L’AMF doit amplifier la démarche engagée en 2006, en
concertation avec les professionnels, qui a consisté à alléger sa
réglementation sur les questions bien appréhendées par les marchés et sur
les acteurs déjà régulés, et doit redéployer des ressources sur des
domaines de risques mal maîtrisés (effets de levier, ventes à découvert,
dérivés de crédit), voire négligés jusqu’en 2008 (activités de post-
marché), ou sur l’encadrement d’acteurs non ou mal régulés qui exigent
une approche commune européenne, voire internationale, dans le cadre
d’une mise en réseau des régulateurs.
b)
Des règles de contrôle bancaire qui exigent
une nouvelle allocation des ressources
La Commission bancaire a acquis une réelle expérience dans
l’évaluation pratique des obligations nouvelles de supervision liées à la
mise en oeuvre des règles de Bâle II qui ont été transposées, en droit
européen, par les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE et, en droit
français, par les ordonnances des 12 et 19 avril 2007, ces dernières ayant
été
ratifiées
par
le
Parlement
par
la
loi
n°2007-1774
du
17 décembre 2007. Elle module ses contrôles en fonction de la notation
des risques des établissements de crédit et exerce les pouvoirs de
surveillance globale sur les têtes de groupes transfrontaliers domiciliées
en France.
L’enquête de la Cour a fait apparaître cependant que les missions
récurrentes ciblées sur le contrôle des risques ont diminué en 2006 et
2007, les ressources étant mobilisées sur la validation des modèles de
calcul des ratios prudentiels. Elle a aussi montré qu’un nombre
significatif d’établissements, certes généralement de taille réduite,
n’avaient pas fait l’objet d’une inspection sur place récente et que 10 %
d’entre eux appartenaient à des réseaux dont l’organe central assurait,
selon les textes, le contrôle administratif, technique et financier. Elle a
enfin mis en évidence des lacunes dans le contrôle rapproché des filiales
et succursales de groupes étrangers dont la tête relève d’une autre autorité
de contrôle, en raison des règles communautaires et internationales, ce
que le plan de sauvetage récent d’une banque européenne a amplement
montré.
404
COUR DES COMPTES
Pour améliorer la performance et la fiabilité des contrôles, la Cour
a recommandé les actions suivantes qui ont commencé à être prises en
compte :
- la poursuite de la modernisation du système de notation interne
des risques par établissement afin de moduler la note par type de risque
inhérent pondéré par le niveau d’efficacité du contrôle interne ;
- la programmation des interventions autour de la notion de « cycle
d’inspection pertinent » permettant de moduler le rythme des contrôles
sur place en fonction de la notation des risques ;
- le développement d’enquêtes thématiques centrées sur la
prévention des risques ;
- l’inclusion, dans le programme d’inspection des filiales et
succursales françaises, de groupes étrangers.
c)
Pour l’ACAM, un effort accru de préparation aux futures
obligations de Solvabilité II
La directive Solvabilité II, qui est toujours en cours de négociation
dans les enceintes communautaires, est inspirée du dispositif de Bâle II.
Elle vise à mieux adapter les fonds propres des compagnies d’assurances
et de réassurance aux risques liés à leur activité. Elle nécessitera pour
l’ACAM, comme Bâle II l’a exigé pour la Commission bancaire, une
adaptation de ses méthodes de contrôle, ce que d’ailleurs elle a
commencé à entreprendre. Il s’agira en effet de passer d’un contrôle
individuel à un contrôle global par groupe qui amènera les commissaires
contrôleurs à siéger, comme c’est déjà le cas pour les conglomérats de
bancassurance, dans des collèges de superviseurs, tantôt en tant que chef
de file, tantôt en tant que simple participant
127
. L’échéance d’entrée en
vigueur est encore éloignée, mais il devient urgent de formaliser une
stratégie couvrant à la fois l’adaptation de l’organisation et des méthodes
de contrôle et l’accompagnement des opérateurs aux nouvelles exigences
prudentielles.
Au titre du pilier 2
128
, le collège de l’ACAM devra fixer des
normes qualitatives de suivi des risques, interne aux sociétés, ainsi que les
modalités d’exercice de ses pouvoirs de surveillance dans ce nouveau
contexte. Les contrôleurs devront vérifier l’ensemble des éléments
127) Les propositions sur le régime spécifique de contrôle des groupes transnationaux
n’ont pas
été acceptées à la fin de l’année 2008.
128) Le pilier 2 vise à vérifier que la compagnie est bien gérée, est en mesure de
maîtriser ses risques et est bien capitalisée.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
405
techniques et financiers qui fondent la robustesse et la pertinence des
modèles internes retenus par les grands groupes pour le calcul de leur
capital cible. Le niveau de vigilance rendu nécessaire sur les nouvelles
données des compagnies et les charges de travail qui en résulteront pour
le superviseur, devront être planifiés. Le collège devra autoriser
l’utilisation des modèles de contrôle interne conformément à la
réglementation.
Le secrétariat général devrait se rapprocher de celui de la
commission bancaire pour bénéficier de son expérience de Bâle II et
examiner la transposition au contrôle des entreprises d’assurance des
outils d’évaluation qui ont été développés pour le contrôle bancaire : en
particulier, le système SAABA de simulation sur les risques, le système
ORAP d’organisation et de renforcement de l’action préventive, les
études sectorielles de risques, les scenarii de crise, les inspections.
Le pouvoir d'imposer une marge de solvabilité complémentaire,
sous certaines conditions, dans le cas où il aura été jugé que les risques
ont été mal appréciés par la compagnie, constitue une responsabilité
majeure, car le superviseur fixera le « curseur » de la marge de solvabilité
complémentaire selon son propre jugement. Ce jugement sera largement
fondé sur des diagnostics qualitatifs à effectuer sur les nombreux
paramètres qu’il faudra observer dans les compagnies.
L’ACAM doit donc accentuer et accélérer son effort de préparation
à la mise en oeuvre de cette nouvelle directive européenne et en tirer les
conséquences dans son organisation, en réallouant l’ensemble de ses
moyens opérationnels vers la mission de contrôle.
2 -
Une gestion par la performance insuffisante
a) L’absence de pilotage par objectifs
Les dispositifs de pilotage par objectifs et de suivi de la
performance de la gestion sont encore peu développés tant à la
Commission bancaire qu’à l’ACAM, qu’il s’agisse des tableaux de bord
et d’indicateurs de performance par fonction. Toutefois, le secrétariat
général de la Commission bancaire a, en 2008, élaboré une méthodologie
destinée à mieux définir les objectifs stratégiques de la supervision et les
indicateurs de suivi, comme le recommandait la Cour.
A l’AMF, où ces instruments constituent un réel moyen de pilotage
et de dialogue avec les services sous le contrôle du secrétaire général, la
situation est plus satisfaisante, mais le contenu des tableaux de bord reste
perfectible, tant en ce qui concerne la fixation des objectifs assignés que
la fiabilité des indicateurs de mesure.
406
COUR DES COMPTES
Parmi les instruments de pilotage, la mesure de l’effectif pertinent
de la fonction de contrôle permet d’apprécier l’intensité et la fréquence
des contrôles à opérer en fonction du niveau de risque avéré ou pressenti.
Elle est encore peu développée pour la surveillance des acteurs
professionnels.
b) Une comptabilité analytique de qualité inégale
Les trois autorités disposent d’une comptabilité analytique par
grande activité, mais leur niveau d’élaboration est inégal. A cet égard,
l’ACAM a une marge de progression importante dans la fiabilisation de
sa méthode d’analyse des coûts.
3 - Une politique de sanction insuffisamment dissuasive et des
procédures qui ne sont pas exemptes de fragilité juridique
Les
trois
autorités
disposent
d’un
pouvoir
de
sanction
administrative qui constitue une originalité des pratiques de régulation en
Europe et dans le monde et qui n’est pas exclusif d’une sanction pénale
prononcée par une juridiction de l’ordre judiciaire, comme par exemple
contre les abus de marché. La sanction administrative, pécuniaire et
parfois disciplinaire, permet de réagir rapidement à une situation de
manquement à caractère objectif et sans élément intentionnel. L’AMF est
l’autorité qui sanctionne le plus avec la particularité de le faire souvent à
l’encontre de personnes physiques.
Les instruments de sanction mis en oeuvre par les trois autorités ne
sont cependant adaptés ni en diversité ni en puissance. La politique de
sanction demeure beaucoup moins sévère que celle pratiquée par les
autorités de régulation d’autres secteurs économiques.
a)
L’absence de pouvoir d’injonction de l’ACAM
La Commission bancaire dispose d’un pouvoir d’injonction qui
couvre un champ très étendu de mesures. Mais elle utilise rarement elle-
même le pouvoir de recommandation individuelle qui est davantage le fait
de son secrétariat général dans la surveillance des établissements. L’ACAM
n’a
pas
de
pouvoir
d’injonction
et
ne
peut
émettre
que
des
recommandations individuelles.
Or, l’utilisation de l’injonction et de la recommandation est appelée à
se renforcer avec la mise en oeuvre des règles de Bâle II et de Solvabilité II.
Une réflexion commune à l’ACAM et à la Commission bancaire serait
nécessaire pour adapter les procédures à ce nouveau cadre.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
407
b)
Un montant de
sanctions peu dissuasif
Jusqu’en 2008, le montant des sanctions n’était pas suffisamment
dissuasif par rapport aux coûts des investissements nécessaires que les
établissements financiers devaient engager pour améliorer le contrôle de
leurs risques.
La Cour avait demandé que les amendes prononcées par les autorités
de régulation et de contrôle ne soient pas déductibles du bénéfice imposable
de l’entreprise sanctionnée. La loi de finances initiale pour 2008 du
24 décembre 2007 a donné suite à cette recommandation. La Cour a aussi
demandé que le plafond des sanctions soit relevé.
S’agissant de la Commission bancaire, la loi de modernisation de
l’économie du 4 août 2008 a porté le plafond de sanction pour les
établissements de crédit de 5 M€ au décuple du capital minimum des
sociétés, permettant ainsi d’aller jusqu’à 50 M€, et pour les entreprises
d’investissement de 500 000€ à 3,8 M€ tandis que la sanction touchant les
changeurs manuels demeurait au maximum de 1 M€. Pour l’AMF, ladite loi
de 2008 a porté à 10 M€ le montant maximum des sanctions. En revanche,
à l’ACAM, les dispositions prévoyant que la sanction ne peut excéder 3 %
du chiffre d’affaires (5 % en cas de nouvelle violation de la même
obligation) sont demeurées inchangées.
Il n’est pas certain que les nouveaux plafonds, même ceux qui ont été
majorés, répondent complètement à l’exigence d’exemplarité des sanctions.
La référence au chiffre d’affaires pour les entreprises, comme c’est le cas
pour l’Autorité de la concurrence, paraît plus pertinente à condition que son
niveau assoie la crédibilité de la sanction.
Il apparaît aussi que les établissements sanctionnés redoutent surtout
la publicité de la sanction et le risque de réputation qui lui est associé.
L’anonymat des sanctions, qui est le plus souvent demandé par les
établissements à la Commission bancaire et à l’ACAM, devrait être d’une
application exceptionnelle et la jurisprudence des autorités devrait être
infléchie en ce sens
129
.
La sanction des abus de marché par l’AMF se heurte à deux
difficultés principales. La première concerne la matérialité de la preuve
d’un manquement. A cet égard, l’introduction de la procédure de clémence
qui existe dans le domaine des ententes en droit de la concurrence
faciliterait la collecte des éléments probants. La seconde difficulté concerne
l’évaluation des profits réalisés par les personnes proches de l’auteur direct
129) Entre 2003 et 2008 environ la moitié des décisions de sanction prononcées par la
Commission bancaire sont demeurées anonymes lors de leur publication.
408
COUR DES COMPTES
du délit. La loi devrait préciser les conditions dans lesquelles il est possible
de majorer le montant de la sanction compte tenu du profit réalisé.
Au-delà du montant maximum des sanctions autorisé, il importe que
les autorités fassent preuve de plus de sévérité dans leur politique de
sanctions.
A l’AMF qui sanctionne les manquements de marchés, le nombre de
sanctions est passé de 44 en 2004 pour un montant de 8,6 M€ à 65 en 2007
pour 19,9 M€. Le montant moyen a été de 331 500€ en 2007.
Comparativement, l’activité de sanction de l’ACAM est plus
restreinte. Depuis 2004, elle n’a prononcé que neuf sanctions pécuniaires
pour un montant total de moins d’un million d’euros.
Entre 2003 et 2008, les sanctions prononcées par la Commission
bancaire ont été peu nombreuses et peu sévères, avec un total de
66 décisions de sanction pour un montant global de 14,7 M€.
c)
Des progrès à poursuivre pour la modernisation des procédures
Fruits d’histoires différentes, les procédures de sanction sont
hétérogènes entre les trois secteurs de la régulation financière. En outre,
toutes les conséquences du droit à un procès équitable et impartial n’ont pas
été encore tirées.
L’AMF constitue le degré le plus achevé d’une organisation qui a dû
prendre en compte les exigences récentes de ce droit. Elle comprend, de
façon séparée, une autorité d’enquête qui est le secrétariat général, une
autorité de poursuite, le collège, qui notifie les griefs, et une instance
indépendante qui sanctionne, la commission des sanctions. La sécurité
juridique qui en résulte au regard de la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme a pour contrepartie une lourdeur et une complexité
des procédures.
L’organisation actuelle de la Commission bancaire où le secrétariat
général contrôle, prépare la notification des griefs et assure une grande
partie de la procédure contradictoire, et où le collège est à la fois organe de
contrôle et autorité de sanction ne va pas aussi loin que pour l’AMF dans
l’exigence de séparation des fonctions pour le respect d’un procès
équitable. La procédure devant l’ACAM est encore différente puisque c’est
le collège qui notifie les griefs. Le contrôleur qui a conduit l’enquête, et non
pas le secrétaire général, rapporte devant le collège siégeant en formation
de jugement.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
409
Sans doute la validité des procédures de l’ACAM et de la
Commission bancaire n’a-t-elle pas été mise en cause jusqu’à présent par le
Conseil d’Etat, juge de cassation, mais la pression de la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’Homme pour l’organisation d’un procès
équitable n’est pas près de se relâcher et l’attention portée au respect des
droits de la défense ira de pair avec l’aggravation des sanctions.
Dans ce contexte des adaptations de procédures paraissent
souhaitables. Ainsi, il est préférable que le collège de l’ACAM ne notifie
pas lui-même les griefs. De même la formule en vigueur à la commission
des sanctions de l’AMF et consistant à désigner parmi les membres de
ladite commission un rapporteur chargé d’instruire le dossier et de veiller
au bon déroulement de la procédure contradictoire offre des garanties
d’impartialité qui sont conciliables avec l’exigence de rapidité du traitement
des dossiers de griefs. Enfin la réflexion concernant le rapprochement entre
l’ACAM et la Commission bancaire pourrait englober la question de la
création d’une commission des sanctions commune.
Pour ce qui concerne l’AMF, des lacunes sont apparues dans la mise
en oeuvre des procédures de sanctions que la loi de sécurité financière du
1
er
août 2003 avait établies pour l’AMF. Certaines viennent d’être corrigées.
Ainsi, des dispositions récentes ont prévu la possibilité de récuser un
membre de la commission des sanctions pour défaut d’impartialité (loi du
17 décembre 2007) et la présence de l’autorité de poursuite, à savoir le
collège, au soutien des griefs devant la commission des sanctions (décret du
2 septembre 2008).
Toutefois, toutes les réformes utiles n’ont pas été menées à leur
terme. Le droit n’a pas été reconnu par la loi au président de l’AMF
d’exercer un recours incident devant la Cour d’appel de Paris. Une
procédure de « composition administrative » ou transaction destinée à
préserver l’équilibre institutionnel entre les pouvoirs du collège et ceux de
la commission des sanctions n’a pas non plus été introduite.
En outre, des solutions concrètes restent à trouver pour résoudre les
problèmes d’articulation qui existent entre l’AMF et l’autorité judiciaire en
raison de la double qualification des abus de marché qui sont à la fois des
manquements
administratifs
et
des
délits
dans
les
domaines
de
l’information financière trompeuse, de la manipulation des cours de bourse
et du délit d’initié.
La Cour préconise de créer des procédures de coopération qui
répondent aux critiques qui se sont exprimées sur l’existence d’enquêtes
susceptibles d’être menées en double à la fois par l’AMF et le juge
judiciaire à l’encontre des entreprises. De nouvelles procédures pourraient,
par exemple, prévoir une reconnaissance de force probante aux procès-
410
COUR DES COMPTES
verbaux établis par les enquêteurs de l’AMF, la suspension de la
prescription pénale par l’enquête de l’AMF, en renforçant parallèlement les
droits de la défense dans cette dernière (cotation et transmission de toutes
les pièces à la commission des sanctions). En revanche, il ne paraît pas
approprié de remettre en cause la dualité des sanctions qui existe en l’état
actuel du droit : le délit d’initié peut être parfois connexe à d’autres délits et
les comportements graves qu’ils traduisent parfois ne s’accommoderaient
pas d’une dépénalisation. Il revient à l’AMF et au Parquet de coordonner et
d’adapter leurs modalités d’information et d’action dans ces circonstances.
Au total, les adaptations de procédures que la Cour préconise sont de
nature à faire progresser une pratique plus homogène et protectrice pour les
personnes physiques ou morales mises en cause, et une plus grande
efficacité des enquêtes. Elles sont cohérentes avec le relèvement des
plafonds de sanction qui est destiné à accroître le caractère dissuasif de
l’intervention des autorités.
III
-
Une coordination renforcée sous l’autorité de
l’Etat
A - Un choix à faire entre une coopération renforcée et un
rapprochement institutionnel plus poussé
1 -
Un exemple d’insuffisante coopération : la mission de protection
de l’épargne financière
La Commission bancaire a pour mission générale la sécurité des
dépôts bancaires. L’AMF est responsable d’une mission générale de
protection de l’épargne financière. L’ACAM doit s’assurer que tous les
organismes du marché français de l’assurance soient en mesure de tenir à
tout moment les engagements qu’ils ont contractés envers les assurés ou les
adhérents et connaît des plaintes des assurés.
Le cloisonnement des responsabilités qui en résulte n’est pas
adapté à un contrôle global de l’offre financière aux épargnants. C’est le
cas pour les contrats d’assurance-vie dits multi-supports qui comprennent
une « enveloppe » dans laquelle l’assuré a le choix d’investir dans des
fonds OPCVM ou dans des fonds étrangers. L’AMF surveille les
prestataires en services d’investissement qui gèrent ou commercialisent
les OPCVM français. L’ACAM, pour sa part, surveille le cadre
prudentiel, la conception et la mise en oeuvre des contrats ainsi que les
conditions de leur distribution par les intermédiaires en assurance et le
respect des droits des assurés.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
411
La coordination en vue d’assurer une protection globale des
épargnants financiers est insuffisante et devrait être renforcée, tant pour
s’assurer que les règles prudentielles par type de produits ou d’acteurs
sont à même de protéger les intérêts personnels des épargnants qui
prennent des risques d’investisseur, sans d’ailleurs en avoir toujours
conscience, que pour surveiller la publicité et la commercialisation, par
tous les distributeurs en France, des produits financiers qui font appel à
plusieurs types d’investissements « sous-jacents », y compris d’origine
étrangère. Il serait logique que l’AMF, qui a une mission générale de
protection de l’épargne de par la loi, puisse être chargé du contrôle de la
commercialisation de l’ensemble des produits d’épargne et veille à ce que
soient données à l’épargnant toutes les informations nécessaires à la
pleine compréhension des risques que celui-ci est amené à prendre en tant
qu’investisseur.
2 -
Les termes de l’alternative : une coopération institutionnalisée
renforcée ou un rapprochement organique plus poussé
Dans un environnement de marchés globaux, les passerelles mises en
place entre la Commission bancaire, l’ACAM et l’AMF se révèlent
aujourd’hui insuffisantes. L’Etat a le choix entre deux orientations : soit une
coopération institutionnalisée renforcée entre les autorités sous son
pilotage, soit un rapprochement organique des autorités.
a)
L’option d’une coopération institutionnalisée renforcée
La BCE et les banques centrales nationales ont la responsabilité de la
stabilité financière au titre des compétences que le traité instituant la
Communauté européenne leur a reconnues, avec la garantie d’indépendance
qui s’y attache, dans la conduite de la politique monétaire et dans la
surveillance macro-prudentielle. Elles ont besoin de l’information que
détiennent les autorités de contrôle micro-prudentiel sur les situations
individuelles des établissements de crédit. Il existe ainsi des accords entre
les banques centrales nationales et la Banque centrale européenne. Une
charte lie la Banque de France et la Commission bancaire et un
mémorandum a été signé entre les autorités de contrôle bancaire et les
banques centrales de l’Union.
Un collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur
financier (CACES) a été institué par le code monétaire et financier (art.
L. 631-2). Présidé par le ministre chargé des finances ou son représentant, il
réunit au moins trois fois par an le gouverneur de la Banque de France,
président de la Commission bancaire, le président de l’ACAM et le
président de l’AMF. Mais la mission qui lui a été assignée se limite à la
412
COUR DES COMPTES
facilitation des échanges d’information entre les autorités de contrôle des
groupes financiers ayant à la fois des activités de crédit, d’investissement
ou d’assurance et à toute question d’intérêt commun relative à la
coordination de ces mêmes groupes. Le CACES n’a, en outre, pas connu
une activité très soutenue ces dernières années, même s’il a eu à connaître
des premiers exercices de gestion de crise en 2007 et 2008.
A la fin de 2007, les autorités de contrôle et de régulation financière
avaient commencé à définir un cadre multilatéral d’échange d’informations
pour le traitement des crises, mais celui-ci n’associait pas l’Etat qui est
pourtant garant en dernier ressort. Au premier semestre 2008, la
coopération a pris la forme d’un exercice pratique de gestion de crise, avec
la participation des trois autorités, de la Banque de France et de la direction
générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE), sans rapport
véritable avec l’ampleur de la crise actuelle.
Par la suite, les développements de la crise ont conduit à intensifier
les remontées d’information des établissements assujettis sur les produits
structurés. Celles-ci sont aujourd’hui quotidiennes et permettent de
consolider les expositions aux contreparties en difficulté.
La coopération qui s’est ainsi nouée pour faire face à la crise doit
cependant devenir permanente pour assurer la meilleure prévention possible
de ces risques. Le CACES pourrait être l’instance de référence qui fait
défaut pour assurer une vision globale des risques systémiques et élaborer
des recommandations et des plans d’action communs aux autorités
nationales de régulation et de contrôle. Il pourrait publier chaque année un
rapport présentant une vision consolidée du secteur financier, de ses
dysfonctionnements, des risques identifiés et des préconisations d’actions
publiques
130
. Cette instance ne peut fonctionner correctement que si l’Etat
s’y investit et en assure la présidence et le secrétariat.
Le CACES pourrait aussi être une instance appropriée pour préparer
sous le contrôle de l’Etat les positions françaises à défendre dans les
instances européennes et les forums ou comités internationaux, avec toute
l’efficacité qui peut résulter d’une position commune relayée ensuite par les
différents canaux, comme ce fut le cas récemment pour l’aménagement de
normes comptables.
130) Parmi les autorités du secteur financier, seule l’AMF a l’obligation d’établir
chaque année un rapport au Président de la République et au Parlement.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
413
b)
L’option d’un rapprochement organique
Des réunions conjointes des deux collèges de la Commission
bancaire et de l’ACAM sont organisées deux fois par an. Mais les textes ne
l’ont pas prévu pour le collège de l’AMF.
Les textes ont organisé des procédures communes. C’est le cas pour
l’agrément des commissaires aux comptes ou pour les procédures de
consultation ou d’autorisation croisées sur les conglomérats financiers de la
bancassurance
131
. De même, les services de contrôle de certaines autorités
peuvent être sollicités pour la conduite de certains contrôles. C’est le cas
pour les sociétés de gestion dont certains contrôles sur place sont pris en
charge par le secrétariat général de la Commission bancaire. Mais les
méthodes de contrôle ou de programmation des contrôles en fonction des
niveaux de risques ont donné lieu à peu d’échanges de bonnes pratiques, et
la gestion des moyens est demeurée cloisonnée.
Le rapprochement entre la Commission bancaire et l’ACAM, dont le
principe a été décidé par la loi de modernisation financière du 4 août 2008,
trouve une justification dans la similitude de leurs missions et de leurs
modes opératoires (supervision des établissements financiers et contrôle
prudentiel) et l’intérêt d’avoir une vue globale sur les conglomérats
financiers de bancassurance. Il est déjà préparé par les liens institutionnels
entre les collèges, une charte de coopération, quelques contrôles sur place
communs et une concertation dans la lutte contre le blanchiment.
Des précautions doivent, certes, être prises dans ce rapprochement. Il
est essentiel de maintenir l’adossement du contrôle bancaire à la Banque de
France. Il importe aussi de ne pas reculer par rapport à la réforme de 2003
qui a unifié les contrôles sur les entreprises d’assurance, les mutuelles et les
institutions de prévoyance. Or, une fusion de la Commission bancaire et de
l’ACAM pourrait difficilement s’étendre au contrôle des mutuelles gérant
principalement ou spécifiquement des oeuvres sanitaires et sociales.
131) La directive 2002/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre
2002 sur les conglomérats financiers, qui a été transposée par l’ordonnance n° 2004-
1201 du 12 novembre 2004, interdit le double emploi des fonds propres au sein du
conglomérat et organise la notification périodique des concentrations de risques et des
transactions intra-groupe, mais ne va pas jusqu’à harmoniser les limites quantitatives
et qualitatives aux opérations intra-groupe. C’est dans ce cadre qu’a été signée une
convention entre la Commission bancaire et l’ACAM.
414
COUR DES COMPTES
Ce rapprochement pourrait, en revanche, se traduire,
a minima
par un
resserrement des liens existants prenant la forme de contrôles conjoints et
d’échanges
de
personnel
et,
de
manière
préférentielle,
par
un
rapprochement des structures. Les dispositions suivantes pourraient être
prises :
−
favoriser la mutualisation des compétences professionnelles
différentes qui existent, d’un côté, au sein du corps de contrôle
des assurances, et de l’autre, dans l’inspection de la Banque de
France ;
−
aligner
la
rédaction
des
dispositions
législatives
et
réglementaires concernant l’exercice du contrôle par l’ACAM
sur celles de la Commission bancaire dans le code monétaire et
financier,
y
compris
pour
la
communication
de
toute
information utile à l’exercice de leur mission ;
−
redéfinir les rôles respectifs des secrétariats généraux et des
collèges ;
−
enfin, chercher à constituer des organes collégiaux communs ou
aussi proches que possible dans leur composition.
Les mesures retenues doivent, en toute hypothèse, être de nature à
permettre que les meilleures pratiques des deux autorités de contrôle ne
s’excluent pas mais s’additionnent. Ce rapprochement pourrait même
aller jusqu’à la création d’une commission des sanctions commune,
comme évoqué supra.
Ce rapprochement devrait en tout état de cause laisser à part la
régulation des marchés financiers.
B - Un Etat qui doit limiter la délégation de
son pouvoir de régulation
L’Etat
détient
le
pouvoir
réglementaire
et
doit
veiller
à
l’harmonisation des règles entre les trois secteurs de supervision (marchés
financiers, banques et entreprises d’investissement, assurances, mutuelles et
institutions de prévoyance). Il lui revient d’avoir une vue d’ensemble des
risques et des vides éventuels dans le contrôle. Il doit aussi veiller au
respect de l’ordre public financier, à la protection de l’épargnant individuel,
à la transparence de l’information financière et, par voie de conséquence, à
la détection et à la sanction des asymétries d’information. Il est directement
responsable en cas de faute lourde d’une autorité de régulation (
arrêt
Kechichian du Conseil d’Etat du 30 novembre 2001 relatif à une faute
lourde de la Commission bancaire
). Il assume le rôle de garant et prêteur en
dernier ressort.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
415
L’Etat ne dispose pas nécessairement, avec les effectifs actuels du
service de financement de l’économie de la DGTPE (55 emplois en
équivalent temps plein pour les questions relatives à la régulation
financière), de moyens dimensionnés à ses responsabilités de pilotage
général et de réglementation. En tant que de besoin, des redéploiements
devraient permettre de disposer des ressources adéquates.
Le Parlement ne dispose pas d’informations suffisantes pour exercer
son contrôle sur les autorités indépendantes.
1 -
Une répartition des rôles dans le domaine réglementaire
à revoir
L’élaboration de la réglementation appelle une concertation élargie
avec les acteurs professionnels de chaque secteur qui tend à devenir, en
raison d’une matière très technique et sensible, le processus le plus normal
de confection de la règle de droit et de son interprétation. Elle ne peut pas
pour autant échapper à l’Etat qui doit être à même d’arbitrer entre des
positions divergentes, faire prévaloir l’ordre public financier, fixer les
règles générales.
C’est dans les missions dévolues à l’AMF qu’a été poussée le plus
loin la remise à une autorité du soin d’animer en amont le processus
réglementaire, bien qu’homologué ensuite par l’Etat, et d’en assurer
l’application par une interprétation et une « jurisprudence » très codifiées
dans son règlement général, tandis qu’elle édictait des règles de bonne
conduite et favorisait l’émergence de bonnes pratiques.
A l’inverse, la Commission bancaire n’a jamais eu qu’un pouvoir
réglementaire limité aux documents et informations à lui fournir en
application de l’article L. 613-8 du code monétaire et financier. L’ACAM
n’a même pas le pouvoir de définir les informations requises des
organismes contrôlés, et c’est sans base législative qu’elle s’est engagée
dans la publication de recommandations de portée générale (six ont été
diffusées à ce jour) dont certaines ont été contestées par la profession.
Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation
financière (CCLRF) a remplacé le Comité de la réglementation bancaire et
financière (CRBF) et le Conseil national des assurances (CNA). Il donne un
avis sur les textes relatifs à l’assurance, aux banques et aux entreprises
d’investissement mais n’est pas compétent sur les textes relevant de l’AMF.
Cette différenciation ne semble pas justifiée et une remise en ordre
dans le respect de la hiérarchie des normes s’impose. Le CCLRF devrait
avoir une compétence consultative sur l’ensemble de la réglementation
financière, ce qui conduira à mieux préciser la portée réelle du règlement
416
COUR DES COMPTES
général de l’AMF. Les trois autorités devraient toutes disposer du pouvoir
réglementaire relevant de l’instruction ou de la circulaire et d’un pouvoir de
recommandation de portée générale.
2 -
Une répartition des rôles dans le domaine européen et
international à homogénéiser
En raison du caractère très international des activités financières et
de la libre circulation des capitaux, les autorités nationales de régulation
doivent être en mesure de participer activement à la coopération
internationale et européenne.
Or, la représentation des autorités à ces deux niveaux n’est pas
homogène.
Dans ce domaine, le législateur a assigné explicitement à l’AMF une
obligation de concourir à la régulation des marchés financiers au niveau
européen et international, mais il n’a pas confié une mission équivalente à
la Commission bancaire ni à l’ACAM. Cependant, la dynamique de
concertation très marquée entre les contrôleurs bancaires nationaux, comme
la comitologie codifiée sous la forme de la procédure Lamfalussy
,
a permis
au secrétariat général de la Commission bancaire d’exercer une influence
importante et de faire prévaloir, le cas échéant, des options nationales plus
rigoureuses au sein du comité européen des contrôleurs bancaires. Le
président de l’ACAM ne participe à aucune réunion européenne ou
internationale à la différence du président de l’AMF qui y joue au contraire
un rôle très actif. Les échanges d’information entre la DGTPE, présente au
niveau 2, et l’ACAM, qui siège au niveau 3 dans le Comité européen des
contrôleurs d’assurance et de pensions privées, sont insuffisants.
La composition des délégations françaises dans les enceintes
communautaires et les obligations de circulation de l’information entre
l’administration et les autorités de contrôle devraient être homogénéisées.
3 -
Des informations accrues à communiquer au Parlement pour lui
permettre d’exercer son contrôle
L’indépendance des autorités de régulation financière ne signifie pas
qu’elles doivent se trouver dispensées de la recherche d’une meilleure
efficience ou que l’évaluation par le Parlement de la politique publique à
laquelle elles contribuent s’avère impossible.
Ne recevant pas de crédits budgétaires, les trois autorités
indépendantes ne sont pas soumises, à la différence des autres autorités
administratives indépendantes, aux obligations de dépôt de projets annuels
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
417
et de rapports annuels de performances en mode LOLF. Cette situation est
d’autant plus anormale que l’ACAM et l’AMF disposent de ressources
affectées ayant un caractère d’impositions de toute nature et que les
ressources de la Commission bancaire lui viennent de la Banque de France
qui dispose du revenu monétaire lié à son statut de banque centrale.
Sans aller jusqu’à les rattacher à une mission au sens de la LOLF, il
serait nécessaire de leur imposer de justifier au premier euro leurs dépenses
dans leur rapport annuel et d’y rendre compte de la performance de leur
gestion, sous la forme d’objectifs et d’indicateurs. En outre, afin de mieux
informer le Parlement sur les résultats et les perspectives de la politique
publique de régulation financière, la DGTPE pourrait être chargée de
rédiger un rapport de l’Etat régulateur financier sur le modèle du rapport de
l’Etat actionnaire que l’agence des participations de l’Etat établit chaque
année à l’automne.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Sans
attendre
le
nécessaire
renforcement
des
règles
internationales, l’évolution du système français de contrôle et de
régulation est indispensable.
L’ampleur prise dans l’économie par les activités financières et les
risques induits par les innovations constantes en matière d’instruments
financiers et de produits financiers commercialisés confrontent la
régulation financière à de nouveaux défis qui nécessitent une vigilance
accrue des autorités publiques en charge de la régulation. L’Etat doit
rester fortement impliqué dès lors qu’il est garant en dernier ressort de la
stabilité financière et de la résolution des crises.
Le dispositif issu de la loi de sécurité financière de 2003 doit être
rationalisé et renforcé, à la hauteur d’enjeux désormais encore plus
évidents. L’habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par voie
d’ordonnance aux, termes de la loi de modernisation de l’économie du
4 août 2008, en fournit le cadre. Les principales recommandations de la
Cour sont les suivantes :
1/ Des réformes de structures pour limiter le morcellement :
- Resserrer les structures existantes par la fusion des deux autorités
d’agrément avec les autorités de supervision correspondante, le CECEI
avec la Commission bancaire et le CEA avec l’ACAM, celle-ci héritant
aussi des mêmes compétences exercées par les ministres chargés de la
sécurité sociale et de la mutualité pour les organismes régis par le code
de la sécurité sociale ou par le code de la mutualité ;
418
COUR DES COMPTES
- Poursuivre le rapprochement entre la Commission bancaire et l’ACAM
en l’accompagnant par un recentrage des activités sur leur coeur de
métier, ce qui suppose un transfert
à d’autres organismes ou services des
tâches particulières telles que le contrôle des changeurs manuels ou
l’établissement de statistiques de marché ;
- Etendre les compétences du collège des autorités de contrôle du secteur
financier (CACES) à l’ensemble de la
coordination entre les autorités, à
la surveillance générale des risques dans la sphère financière et à la
préparation des positions françaises dans les enceintes européennes et
internationales ; celui-ci serait aussi chargé de remettre chaque année au
Président de la République et au Parlement un rapport présentant une
vision consolidée du secteur financier, de ses dysfonctionnement et de ses
risques et des préconisations d’actions publiques ;
- Renforcer le rôle des collèges en en harmonisant la composition, en
nommant à la tête de chaque autorité qui n’en dispose pas un président à
temps plein et en organisant systématiquement les représentations
croisées.
2/ La clarification des compétences des autorités et de l’Etat :
- Clarifier la répartition des responsabilités entre l’ACAM et l’AMF pour
la protection des épargnants, notamment dans le domaine de la publicité
et de
la commercialisation des produits financiers avec un chef de file
qui pourrait être l’AMF ;
- Redéfinir les frontières du pouvoir réglementaire entre l’Etat et les
autorités de régulation pour les rendre plus homogènes ;
- Développer les outils et les plans de gestion des crises systémiques sous
l’autorité de l’Etat et en associant la Banque de France ;
3/ Les moyens d’une action plus efficace :
- Rapprocher les statuts des personnels et mutualiser leur gestion pour
disposer d’un vivier plus large de compétences au service de la
régulation financière ;
- Etendre à toutes les autorités la démarche de gestion par la
performance et charger l’Etat de remettre chaque année au Parlement un
rapport de l’Etat régulateur financier ;
- Renforcer les pouvoirs de sanction et la sécurité juridique des
procédures de sanction afin de mieux asseoir la crédibilité de la politique
de sanctions en matière de contrôle bancaire et financier et de régulation
des marchés financiers.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
419
RÉPONSE DU GOUVERNEUR DE LA BANQUE DE FRANCE,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION BANCAIRE
Introduction
La Commission bancaire relève à titre liminaire que l’accumulation
de qualificatifs péjoratifs dans de nombreux titres et sous-titres de ce
document, (« une organisation encore trop cloisonnée et trop hétérogène »,
« un dispositif fragmenté », « des statuts hétéroclites », « des instances
collégiales de composition disparate », « des moyens dispersés », « une
régulation insuffisamment efficace face aux mutations des activités
financières », « une politique de sanction insuffisamment dissuasive et des
procédures qui ne sont pas exemptes de fragilité juridique ») donne au
lecteur une impression générale négative sur l’efficacité des autorités de
surveillance du secteur financier.
Elle est d’autant plus regrettable qu’elle estompe les points positifs
reconnus par la Cour, tels que la force du lien entre le superviseur bancaire
et la Banque centrale, la qualité des outils du contrôle bancaire, les atouts du
secteur financier français. Ces éléments favorables
sont
particulièrement
importants dans le contexte actuel et mériteraient d’être davantage mis en
valeur, dans la perspective, évoquée par la Cour, « que le système français
joue pleinement son rôle dans le renforcement des structures de coopération
au niveau européen et international ».
L’efficacité du
dispositif français de supervision bancaire (cf. I.B.1)
Après avoir relevé que la France est l’un des pays d’Europe où la
proximité entre l’autorité de contrôle du secteur bancaire et la Banque
centrale est la plus forte, que la crise financière a montré la pertinence de ce
lien et l’importance cruciale du partage de l’information financière entre les
autorités et la Banque Centrale, que l’organisation qui en découle, séparant
la régulation des marchés et le contrôle prudentiel des acteurs, se démarque
de celle observée dans d’autres pays où une autorité unique, séparée de la
Banque centrale, concentre les missions comme le Royaume-Uni, la Belgique
ou l’Allemagne, la Cour conclut que la crise financière ne permet pas pour
autant de trancher, parce que toutes les conséquences n’en sont pas encore
connues, la question de l’efficacité comparée des modèles.
La Commission observe que cette conclusion paraît en décalage avec
les développements précédents. Sans aborder les comparaisons avec les
développements dans d’autres pays, qui lui paraissent avoir confirmé
l’importance des liens entre régulation prudentielle et fonctions de banque
centrale, elle tient à souligner que le système bancaire et financier français,
qui ne saurait être considéré isolément du contexte mondial, compte tenu de
son haut degré de développement et d’internationalisation, a montré une
bonne capacité de résistance
par rapport aux systèmes des autres pays, y
compris ceux cités par la Cour.
420
COUR DES COMPTES
La composition de la Commission bancaire (cf. I.B.3)
S’agissant de
la Commission bancaire, la Cour estime que le nombre
de membres de son
collège, sept, paraît trop faible par rapport à l’ampleur
des sujets de la supervision bancaire. Si une légère augmentation du nombre
de membres du collège lui paraît envisageable, la Commission souligne que
la composition actuelle de son collège est gage de réactivité et de cohésion et
lui permet de disposer d’expertises variées.
En ce qui concerne la présidence de la Commission bancaire, il paraît
conforme au souci de synergie entre la banque centrale et la supervision
bancaire que le sous-gouverneur qui préside la Commission bancaire
participe aux autres composantes de l’activité d’une banque centrale.
Les moyens budgétaires et financiers
(cf. I.C.1)
La Cour estime que le niveau des effectifs du contrôle bancaire
attendu en 2009 semblerait d’ores et déjà insuffisant.
La Commission
bancaire souligne l’importance des efforts de renforcement qui sont
intervenus en 2008 (32 agents supplémentaires) et qui vont se poursuivre en
2009, année pour laquelle est prévu le recrutement de 39 personnes (dont
27 cadres), ce qui portera les effectifs du contrôle bancaire à 580 personnes
(dont 400 cadres). Elle a par ailleurs demandé que soient prises en compte
dès que possible les prévisions de renforcement qui pourront s’avérer
nécessaires au regard des évolutions en cours, et en particulier des
modifications
réglementaires qui pourraient être adoptées à la suite de la
crise.
Le
programme d’enquête (cf. II.B.1b)
La Commission bancaire tient à souligner que les contrôles sur place
ont
continué à suivre de très près ces dernières années
les questions
relatives aux contrôles des risques, et que
les missions de validation des
modèles de calcul des ratios prudentiels comportent justement une
composante importante relative à leur insertion effective dans les procédures
de contrôle des risques.
Elle ne voit pas par ailleurs quelles lacunes auraient pu être mises en
évidence par l’enquête de la Cour dans le contrôle rapproché des filiales et
succursales de groupes étrangers (qui ont fait l’objet de nombreuses
enquêtes pendant cette période, de l’ordre d’une trentaine par an, en 2006 et
2007 comme en 2008), compte tenu de la répartition des compétences entre
les différentes autorités.
La politique de sanction
(cf. II.B.3)
Selon la Cour, l’anonymat des sanctions devrait être d’une
application exceptionnelle. Cette éventualité n’est envisagée que si
l’établissement faisant l’objet d’une procédure demande l’absence de mesure
de publicité. La Commission statue alors sur cette demande et cela fait partie
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
421
du dispositif de la décision qu’elle arrête, comme toute juridiction, au vu des
faits de l’espèce. Ainsi, comme le relève au demeurant la Cour, plus de la
moitié des décisions de sanction prononcées par la Commission entre 2003 et
2008 ont fait l’objet d’une information publique.
Par ailleurs, le nombre total de décisions de sanction prononcées par
la Commission bancaire entre 2003 et 2008 est de 98, dont 66 assorties
d’une sanction pécuniaire. S’agissant de l’appréciation portée par la Cour
sur le caractère peu sévère des sanctions prononcées par la Commission, il
convient tout d’abord de rappeler qu’elles ne sont pas la compensation d’un
préjudice subi (soit par d’autres acteurs concurrentiels, soit par les
intervenants sur un marché financier) comme dans le cas des sanctions
infligées par d’autres autorités, dont la fonction
répressive n’est donc pas
comparable. En outre, bien entendu, la détermination aux cas d’espèce du
quantum approprié de la sanction relève de l’appréciation souveraine de la
juridiction, dans le cadre de la loi, sous le contrôle du Conseil d’État.
S’agissant
des
modalités
de
l’exercice
de
cette
activité
juridictionnelle, il appartient aux pouvoirs publics de déterminer s’ils
souhaitent des évolutions en la matière. La Commission tient simplement à
souligner, concernant les procédures actuelles, qu’elles sont en tous points
conformes à la
jurisprudence du Conseil d’État relative à l’application tant
des principes généraux du droit administratif français que de la Convention
européenne des droits de l’homme.
La coordination des autorités (cf. II.B.3)
Cette dernière partie contient notamment des propositions d’évolution
institutionnelle qui n’appellent pas de commentaires de la Commission
bancaire dans la mesure où celle-ci a considéré que ses observations
devaient s’inscrire
dans le cadre législatif actuel de sa mission.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’AUTORITÉ DES MARCHÉS
FINANCIERS (AMF)
L’Autorité des marchés financiers a pris connaissance avec le plus
grand intérêt des observations de la Cour des Comptes sur « les autorités de
contrôle et de régulation du secteur financier ».
Les conclusions et propositions de la Cour, même si elles dépassent le
cadre strict des missions actuelles de l’AMF, rejoignent dans une très large
mesure les préoccupations et réflexions de son Collège comme de ses
services.
Cette convergence porte en particulier sur les réformes de structure
envisagées qui écartent, à juste titre, la tentation du régulateur unique,
cumulant régulation prudentielle et supervision des marchés et de la gestion
d’actifs, et privilégient un resserrement du pôle prudentiel avec un
422
COUR DES COMPTES
rapprochement entre la Commission Bancaire et l’ACAM. L’AMF se félicite
de l’appréciation positive portée par la haute juridiction sur la gouvernance
de l’AMF et la composition de son Collège telles qu’elles résultent de la loi
de sécurité financière et de sa mise en oeuvre depuis 5 ans et ne saurait
naturellement être en désaccord avec la proposition d’harmoniser la
composition des Collèges de l’ensemble des autorités de régulation sur le
modèle de l’AMF qui paraît avoir donné satisfaction.
L’Autorité a cependant relevé que les intitulés des parties et chapitres
des observations de la Cour laissaient présager une sévérité des
appréciations que l’on ne retrouve pas dans les développements plus
détaillés. Par exemple, l’organisation qualifiée tout d’abord de « cloisonnée
et hétérogène » de la régulation financière française et constituant un
« dispositif fragmenté » présente tout de même de sérieux atouts que souligne
ensuite la Cour :
- Meilleure prévention des conflits d’intérêt et recherche d’une plus
grande efficacité grâce à des champs de contrôle plus délimités.
- Conservation d’une forte proximité entre Banque centrale et
contrôle bancaire qui s’est révélée précieuse en temps de crise.
On peut certes comprendre la prudence de la Cour pour qui « la crise
financière ne permet pas pour autant de trancher, parce que toutes les
conséquences n’en sont pas encore connues, la question de l’efficacité
comparée des modèles ».
Qu’il soit cependant permis au régulateur français de marché, qui
participe depuis sa création aux travaux du Forum de stabilité financière
(FSF) aux côtés de la DGTPE et de la Banque de France, de souligner que la
France paraît avoir, en ce domaine, évité deux écueils qui ont fait vaciller les
deux systèmes de régulation anglo-saxons tenus jusque là pour des modèles
au plan international :
Elle a maintenu, comme le souligne d’ailleurs la Cour, un lien étroit
entre la Banque de France et la régulation prudentielle permettant une
réactivité face à la crise qui paraît avoir fait défaut en Grande Bretagne au
début de l’affaire Northern Rock. Cette réactivité a aussi reposé sur les liens
étroits entre la Banque de France, le CECEI et l’AMF, que les
représentations croisées au sein des collèges de ces institutions ont permis de
tisser.
Elle a conservé une régulation prudentielle unique et cohérente des
banques, approche d’autant plus nécessaire que les grands établissements
français pratiquent des activités relevant de plusieurs autorités.
Ces remarques n’empêchent pas l’AMF de partager les remarques de
la Cour sur les réels défis posés aux régulateurs par l’internationalisation,
les mutations rapides des activités financières, et la fréquence regrettable de
leur localisation dans des centres off shore.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
423
Au total, l’AMF estime qu’à un moment où de nombreux pays
souhaitent réorganiser leur régulation financière et la développer, la France
dispose d’un acquis important qui, certes ne lui a pas permis d’échapper à
une crise mondiale dramatique, mais qui l’a mise en état d’y faire face et de
pouvoir procéder aux réformes nécessaires sans rupture majeure, comme le
suggère la Cour. L’Autorité est confortée par la lecture des travaux de la
Cour dans son opinion que le système français est économe des deniers
publics et supporte la comparaison avec des organisations disposant de
davantage de moyens et s’inscrivant dans une orgueilleuse tradition
historique.
Elle est prête à participer aux ajustements nécessaires pour élargir le
périmètre de la régulation en vue de restaurer la confiance du public
gravement entamée par la crise actuelle.
A - La mesure et le pilotage de l’efficacité de l’AMF
La mise en place d’un contrôle interne en 2004 a permis de renforcer
l’efficacité du pilotage de l’action de l’AMF pour l’atteinte de ses objectifs.
L’AMF partage le souci de la Cour d’amplifier la démarche dans le domaine
du contrôle des intermédiaires de marché.
La Cour invite à amplifier le redéploiement en cours des moyens vers
le contrôle de la distribution des produits financiers où se joue largement la
protection des épargnants. Elle se montre favorable à ce qu’un rôle de chef
de file soit confié en ce domaine à l’AMF.
L’AMF entend poursuivre sa mobilisation sur la commercialisation
des OPCVM. Si des arbitrages étaient arrêtés par les pouvoirs publics pour
lui confier un rôle de chef de file, voire des attributions couvrant la
distribution des produits et services en matière de banque et d’assurance,
elle est bien évidemment prête à mettre en place l’organisation et les moyens
nécessaires. L’enjeu serait important et délicat pour une structure ne
disposant pas d’implantation territoriale mais pourrait être relevé avec
succès au prix d’une forte mobilisation et de l’organisation de coopérations,
par exemple avec le réseau de la Banque de France ou celui de la DGCCRF
B - La définition des règles applicables aux opérations financières et
à l’activité des PSI
On rappellera utilement que le législateur de 2003, en organisant la
fusion du CMF et de la COB, a entendu créer un régulateur de marché en
mesure d’élaborer et de faire évoluer les règles applicables aux activités
financières au plus près du terrain et en coopération avec les experts des
différents métiers dont le poids s’est accru au sein du Collège.
Sur cette base, l’AMF a mis beaucoup de soin à définir des
procédures de consultation précises pour l’élaboration de son Règlement
général qui est délibéré par le Collège mais n’entre en vigueur qu’après
l’homologation du ministre chargé de l’Economie. C’est ainsi qu’ont été
refondus les textes anciens pour créer le Règlement général, puis introduites
424
COUR DES COMPTES
les très nombreuses dispositions d’harmonisation du droit français avec un
impressionnant ensemble de directives européennes.
Une grande majorité d’observateurs et d’acteurs considère que cette
réforme a donné satisfaction ; l’AMF n’a pas trouvé dans les analyses de la
Cour d’arguments décisifs conduisant à en remettre en cause les acquis.
C - L’action répressive
La Cour semble porter une appréciation positive sur la réforme
intervenue en 2003 avec la création de la Commission des Sanctions et sur le
dynamisme de l’AMF en ce domaine, même si elle se prononce en faveur
d’un alourdissement des sanctions dans les cas les plus graves dans le
prolongement de la démarche du législateur qui a récemment relevé le
plafond des sanctions à concurrence de 10M€.
L’Autorité partage les propositions de la Cour d’introduire une
faculté de recours incident du Collège, une procédure de transaction
administrative, voire une procédure de clémence qui mériterait d’être
expérimentée en matière d’infractions de marché.
Elle est également favorable à la recherche pragmatique d’une
meilleure coordination avec le Parquet de Paris, domaine dans lequel
l’acquis est loin d’être négligeable même s’il est discret. En particulier, une
réflexion commune avec la Chancellerie et le Parquet de Paris devrait
permettre une utilisation plus aisée, dans le cadre des enquêtes pénales, des
procès-verbaux établis par les enquêteurs de l’AMF, et plus généralement
des rapports de l’Autorité.
Elle note enfin avec intérêt que la Cour se prononce en faveur du
maintien d’une dualité des procédures pénales et administratives qui ont
chacune leur logique. Elle tient à réaffirmer que privilégier la voie pénale
aboutirait en pratique à affaiblir la répression effective des abus de marché,
en raison de l’encombrement des rôles et de la longueur des procédures
inhérentes à la voie pénale mais aussi de la grande technicité de la plupart
des abus de marché, alors même que des sanctions efficaces et rapides sont
nécessaires à la sécurité et à la protection des épargnants.
D - La gestion des moyens et ressources de l’AMF
Les ressources de l’AMF présentent effectivement une forte volatilité
qui est la conséquence de leur lien étroit avec les opérations financières et la
gestion d’actifs. Elles permettent de constituer des réserves au cours des
années les plus actives, qui financent l’activité de l’AMF, sans peser sur les
sociétés cotées, dans les conjonctures plus difficiles. Quant à la nécessaire
amélioration de l’équité de la charge entre les différents contributeurs que la
Cour appelle de ses voeux, l’AMF a formulé un certain nombre de
propositions en ce sens, dont elle espère qu’elles pourront être effectivement
mises en oeuvre lorsque la conjoncture de marché sera meilleure.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
425
La politique de gestion des ressources humaines mise en oeuvre par le
secrétaire général de l’AMF, dans le cadre approuvé par le Collège est
qualifiée d’originale par la Cour qui regrette, cependant, qu’elle n’ait pas
permis de fidéliser davantage de jeunes cadres pour des carrières longues.
Effectivement, l’AMF a réformé de façon radicale les règles de rémunération
et de promotion des agents par rapport au système hérité de la fonction
publique qui était en vigueur à la COB. L’avancement à l’ancienneté a été
supprimé, un système d’évolution des rémunérations au mérite a été introduit
puis complété par l’instauration d’une part variable pour une partie des
cadres.
L’AMF a ainsi pu recruter dans le secteur privé de nombreux cadres
experts et faire progresser une partie d’entre eux en responsabilité dans la
durée. Au surplus, le fait que des collaborateurs ne passent qu’une partie de
leur carrière au sein de l’AMF doit être regardé de manière positive, comme
favorisant une diffusion des enjeux et objectifs de la régulation en direction
de la place et une représentation du modèle français dans les enceintes
internationales, et permettant à l’AMF de recruter des experts formés aux
techniques opérationnelles les plus récentes.
Par ailleurs, cette politique a reposé sur l’unification de la gestion des
personnels, indépendamment de la nature juridique de droit privé ou public
du contrat. Ceci paraît la seule approche réaliste pour des personnels
recrutés pour l’essentiel sur le marché et destinés à rejoindre à terme le
secteur privé. L’Autorité n’y voit aucune pratique de gestion contestable,
même si l’alignement sur les pratiques du secteur privé (intéressement,
oeuvres sociales confiées au CE, régime complémentaire maladie) a
incontestablement eu un coût, d’ailleurs largement anticipé lors de la
préparation de la réforme de 2003.
Enfin, l’AMF poursuivra sa politique active d’ouverture et de
présence à l’international. On connaît la forte présence de l’AMF au sein des
instances du Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières – le
CESR- et de l’Organisation internationale des commissions de valeurs
(OICV), et l’importance de sa participation aux différents groupes de travail
qu’ils ont constitués. La coopération quotidienne, tant bilatérale que
multilatérale, avec les superviseurs prudentiels français et les régulateurs
des principales places est également très active. Au-delà des échanges
d’informations, elle prend également la forme d’échanges et de détachements
de personnels. C’est ainsi notamment que l’AMF accueille une dizaine de
collaborateurs venus de la Banque de France, qu’elle a mis à disposition
cinq experts auprès de la Commission et du Parlement européen, du (CESR)
et du régulateur britannique, la FSA. Par ailleurs, de très nombreux
échanges de formations ont lieu chaque année avec la SEC, -le régulateur
américain-, la Commission bancaire et la Banque de France, sans compter
l’organisation à Paris de sessions de formation des régulateurs tant
européens qu’internationaux, et la participation aux sessions organisées par
les régulateurs britanniques et allemands.
426
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE
L’AUTORITÉ DE CONTRÔLE DES
ASSURANCES ET DES MUTUELLES (ACAM)
L’ACAM souhaite apporter les réponses suivantes aux appréciations
de la Cour des Comptes sur le contrôle exercé sur le secteur des assurances.
Ces réponses porteront essentiellement sur des points qui lui paraissent
discutables, étant entendu que nombre d’autres observations de la Cour
paraissent fondées et rencontrent son assentiment.
Organisation et architecture
La Cour relève que coexistent plusieurs autorités d’agrément, de
réglementation et de contrôle du secteur financier. Outre l’ACAM, la
Commission Bancaire et l’AMF, contrôlées par la Cour, sont également
évoqués le CEA, le CECEI, le CCLRF et le CACES, à quoi il faudrait ajouter
le CNC et le CRC pour les questions comptables, ainsi bien entendu que le
Gouvernement, détenteur du pouvoir réglementaire.
Ces diverses autorités certes nombreuses forment un ensemble jugé
hâtivement par la Cour « encore trop cloisonné et trop hétérogène ». Comme
le rappelle la Cour, les collèges des trois premières ont des membres
communs (dans le cas de l’ACAM et de la Commission Bancaire, il s’agit du
président), assurant une représentation croisée, et le Gouvernement est
représenté à leurs séances. Elles sont toutes les trois membres du CCLRF, du
CACES, du CNC et du CRC, ainsi que le Gouvernement. Les services des
trois autorités, qui sont déliés du secret professionnel les uns envers les
autres, travaillent de concert. En particulier, le Secrétariat général de la
Commission Bancaire et celui de l’ACAM ont des liens de travail étroits et
leurs Collèges tiennent deux réunions communes par an. Ainsi, la
préconisation de la Cour de poursuivre le rapprochement de l’ACAM et de la
Commission Bancaire s’inscrit simplement dans le prolongement de la
pratique actuelle.
La Cour recommande de transférer à l’ACAM les compétences
dévolues au CEA pour les organismes d’assurance régis par le code des
assurances. L’ACAM ne voit pas d’objection à cette évolution naturelle,
compte tenu de l’étroite coopération qui existe déjà entre l’ACAM et le CEA.
En effet, le Président et le Secrétaire général de l’Autorité sont déjà membres
du CEA, tandis que les services de contrôle conduisent déjà de fait
l’instruction au plan technique des dossiers d’agrément, de fusions, de
changements d’actionnaire et de transferts de portefeuille pour le compte du
CEA.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
427
Cependant, par cohérence, un même transfert de compétences des
ministres chargés de la sécurité sociale et de la mutualité vers l’ACAM serait
également souhaitable s’agissant des agréments, fusions et transferts de
portefeuille des organismes régis par le code de la Sécurité sociale et le code
de la Mutualité.
La composition du collège de l’ACAM, intermédiaire entre celle du
Collège de la Commission Bancaire et celle de l’AMF, apparaît équilibrée.
Quatre de ses neuf membres sont des personnalités qualifiées du monde de
l’assurance, de la réassurance, de la prévoyance et de la mutualité. L’entrée
de professionnels en activité que recommande la Cour n’apporterait pas
véritablement de compétence supplémentaire ; ce serait en revanche, comme
le relève elle-même la Cour, et comme l’AMF en a pu faire l’expérience
concrète, une source de contentieux potentiels non négligeable sur la
question de l’impartialité des personnes statuant sur les sanctions. Une
simple procédure de récusation serait sans doute une mesure de prévention
insuffisante – comme l’exemple de l’AMF, là encore, l’a montré. Par
ailleurs, outre les décisions de sanction qu’il est amené à prendre, le collège
est informé de multiples secrets commerciaux, comme des projets de
rapprochement d’entreprises, des difficultés financières parfois graves, et
demain des modèles internes détaillés.
La présence au collège de dirigeants
ou collaborateurs de sociétés concurrentes ne pourrait manquer de créer des
conflits d’intérêts que la gestion de la confidentialité ne suffit pas à résoudre.
Seules les procédures d’autorisation et d’agrément, aujourd’hui conduites
par le CEA, ne soulèvent pas de difficultés. Au total, il semble qu’il y a bien
plus à perdre, en insécurité juridique et en complexité, qu’à gagner, à
remplacer les professionnels en retraite par des professionnels en activité
dans le collège. Une voie intermédiaire serait de nommer au collège des
professionnels dont la cessation d’activité est récente.
Efficacité et moyens
a)
Efficacité
La Cour reconnait aux trois autorités « un bon niveau d’efficience
individuelle ». Il aurait été souhaitable cependant que la Cour cherche à
mesurer cette efficience à l’aune de la protection dont ont bénéficié les
assurés, déposants et épargnants français depuis l’instauration en 2003 du
système actuel. A l’inverse d’autres pays (disposant le plus souvent
d’autorités de régulation intégrées), la France a su protéger ses assurés,
dont aucun n’a été lésé par une défaillance d’entreprise d’assurance. On
peut ainsi constater qu’en assurance-vie, une seule défaillance, minime,
d’une petite entreprise est intervenue en un demi-siècle, sans léser aucun
assuré
132
, alors qu’au moins deux faillites spectaculaires d’assureurs se sont
produites en Grande-Bretagne ces dernières années (affaires Equitable Life,
132) Il s’agit d’Europavie, dont les pertes totales n’ont pas dépassé 18 millions
d’€uros et n’ont entraîné aucune perte d’indemnisation pour les assurés.
428
COUR DES COMPTES
qui a fait l’objet d’un rapport sévère du Parlement Européen, et
Independent). En assurance-dommages, quelques défaillances limitées se
sont produites, dont une seule (celle de la MARF) depuis la création de
l’ACAM, dont l’intervention permet d’envisager que les assurés seront
totalement remplis de leurs droits. Sauf accident toujours possible, on doit
constater qu’à ce stade, la mission essentielle du régulateur, c'est-à-dire
protéger les intérêts des assurés, a été mieux réalisée en France qu’ailleurs.
L’ACAM conteste donc l’affirmation d’une efficacité insuffisante
des
autorités de contrôle, dont la Cour fait état sans fournir d’explication dans le
titre de sa seconde partie (« une régulation insuffisamment efficace »). Cette
critique ne s’appuie dans le corps du rapport d’aucune mesure d’efficacité,
ni de comparaisons avec la situation à l’étranger, qui seules pourraient
fonder une telle appréciation, mais se borne à une présentation des marchés
dérivés et de la titrisation. A cet égard, pour s’en tenir au secteur de
l’assurance, force est de constater combien les entreprises françaises
soumises au contrôle de l’ACAM – dont, à l’époque, elles ont critiqué
l’ouverture insuffisante à leurs yeux aux techniques nouvelles de titrisation
notamment… - ont été à ce jour peu touchées par les problèmes liés aux
innovations financières décrites par la Cour et, plus généralement, ont
montré leur capacité de résistance face à la crise, ce qui n’a pas toujours été
le cas à l’étranger.
b)
Moyens humains
La Cour relève justement que les effectifs des trois autorités sont plus
faibles que ceux de leurs homologues étrangers. Sachant que les trois
autorités ont néanmoins su remplir leur mission au service du public avec ces
moyens mesurés, il apparaît curieux que la Cour mette en cause l’adéquation
des moyens mis à la disposition des autorités françaises en les comparant
aux effectifs plus élevés d’autorités étrangères qui n’ont pas toujours su
protéger aussi bien leurs assurés et déposants. Il faudrait d’ailleurs tenir
compte, dans une telle comparaison, du nombre d’organismes contrôlés. Il
paraît de même peu pertinent de titrer « moyens dispersés » la présentation
de moyens qui sont par nature affectés à chacune des trois autorités, qui
doivent au demeurant employer des qualifications différentes.
Le descriptif des effectifs de contrôle de l’ACAM nécessite une
rectification. En effet, l’ACAM a procédé à des recrutements nombreux de
contrôleurs non membres du corps de contrôle des assurances. Ces derniers
forment actuellement environ un tiers des effectifs de contrôle et contrôlent
aujourd’hui entreprises d’assurance, institutions de prévoyance, mutuelles et
intermédiaires d’assurance.
Concernant la politique de rémunération, il est inexact d’écrire que
l’évaluation et la rémunération variable n’ont été introduites que récemment
à l’ACAM. D’une part, l’évaluation individuelle est pratiquée depuis la
création de l’ACAM pour l’ensemble du personnel. D’autre part, il est
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
429
rappelé que le principe des rémunérations variables existait dans les textes
avant le décret de 2002 cité par la Cour. Ce principe est ainsi appliqué par
exemple pour les membres du corps de contrôle des assurances depuis bien
avant la création de l’ACAM et le décret précité. En outre, c’est à compter de
l’année 2006, soit un peu plus d’un an seulement après la création de
l’ACAM, que la mise en oeuvre de la rémunération variable individualisée a
été étendue à l’ensemble du personnel.
Les échanges de personnels entre autorités sont encouragés, et
l’ACAM bénéficie du concours de plusieurs agents issus du Secrétariat
général de la Commission Bancaire à des postes variés, incluant des
responsabilités élevées ; d’autres échanges sont prévus pour 2009. C’est
ainsi que les autorités s’attachent à diversifier les carrières et les viviers
d’emplois, indépendamment du statut du personnel. La recommandation de
la Cour de rapprocher le corps de contrôle des assurances avec les corps de
la Banque de France doit s’analyser dans le cadre des réflexions en cours
sur la haute fonction publique, notamment par la mission de MM. Canepa et
Folz. Par ailleurs, les corps de la Banque de France ne relèvent pas du statut
de la fonction publique, alors que le corps de contrôle des assurances est un
corps de fonctionnaires relevant du Ministre chargé de l’économie. La
gestion des carrières des commissaires contrôleurs doit en tout état de cause
s’envisager aussi au regard des perspectives de carrière dans les ministères,
notamment ceux de l’Economie et du Budget, qui emploient déjà un nombre
significatif de commissaires contrôleurs.
c)
Moyens financiers
La Cour note que l’ACAM a bénéficié d’une année de recettes en
2004 alors qu’elle a commencé de fonctionner en cours d’année. C’est en
toute connaissance de cause que le législateur a souhaité que l’ACAM, ne
bénéficiant d’aucune dotation initiale, reçoive au titre de l’année 2004 une
année pleine de contributions des organismes contrôlés alors que l’Autorité
n’était installée qu’en cours d’année. Le législateur a ainsi voulu doter
l’ACAM de moyens lui permettant de remédier au retard en équipements et
en ressources de toute nature dont avaient souffert jusqu’alors la
Commission de contrôle des assurances et la Commission de contrôle des
mutuelles et des institutions de prévoyance. Le rapport de M. Goulard au
nom de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan de
l’Assemblée Nationale sur le projet de loi de sécurité financière était
éloquent à cet égard.
C’est également en connaissance de cause que le gouvernement a fixé,
pour les années ultérieures, le taux de contribution des organismes aux frais
de contrôle. Les deux commissaires du gouvernement ont eu connaissance
des rapports du Comité d’Audit et des projections financières établies par les
services. Les excédents relevés au cours des exercices 2005 à 2007 ne sont
pas structurels : ils seront très probablement compensés au cours des
exercices suivants en raison de la baisse des taxes perçues liée à la baisse de
430
COUR DES COMPTES
leur assiette (chiffre d’affaires du secteur), - ce fait est déjà acquis pour 2009
(recettes assises sur le chiffre d’affaires 2008 des assureurs, qui a baissé de 9
% en assurance-vie) ; à l’inverse, la masse salariale de l’ACAM connaît un
net accroissement tendanciel par l’effet conjugué de la hausse des effectifs
(nécessaire pour rejoindre l’organigramme-cible fixé à 235 agents, qui n’est
pas encore atteint du fait des difficultés de recrutement, d’ailleurs relevées
par la Cour) et du coût salarial moyen.
Le niveau de fonds propres, qui s’établit en fait à un peu plus d’une
année de dépenses, permettra au gouvernement de ne pas accroître le taux de
contribution des organismes contrôlés dans la période économique difficile
qui a commencé.
Incidence du projet de directive Solvabilité 2 sur le contrôle des
organismes d’assurance
a)
Méthodes de contrôle
La Cour décrit les contours de la directive Solvabilité 2, qui, si elle est
adoptée sous la présidence tchèque, pourrait entrer en vigueur en 2013, et
appelle l’ACAM à un « effort de mise à niveau » pour se préparer à adopter,
lors de la transposition de cette directive en droit français, des pratiques de
contrôle de groupe, de modulation de la marge de solvabilité, d’études
sectorielles de risque et de validation de modèles internes.
Or il faut souligner que l’approche par les risques qui sous-tend le
projet Solvabilité 2 correspond tout à fait à la pratique du contrôle français,
qui ne s’est jamais borné à fonder ses actions sur le seul examen de ratios
prudentiels. Aussi l’ACAM dispose-t-elle aujourd’hui de l’expérience et du
personnel compétent pour mettre en oeuvre le nouveau dispositif prudentiel
envisagé, à l’élaboration duquel ses équipes ont largement participé,
notamment à travers la conception et la conduite des tests d’impact (QIS).
Aussi la Cour méconnait que les futures pratiques de contrôle qu’elle
brosse dans son rapport sont en fait déjà en vigueur. L’ACAM n’a en effet
pas attendu le projet de directive pour les mettre en oeuvre. Le contrôle des
groupes nationaux et internationaux, et, pour les groupes européens, la
participation ou l’organisation de réunions du collège des superviseurs
concernés est déjà une partie consubstantielle de la pratique du contrôle
depuis la création de l’Autorité. Ceci est d’ailleurs prévu tant par les
directives européennes en vigueur que par un protocole d’accord entre
autorités de contrôle d’assurance de l’Union Européenne. En 2008, l’ACAM
a même créé un collège de superviseurs ad hoc pour un groupe d’assurance
opérant en France et aux Etats-Unis, en signant avec un homologue
américain un protocole d’accord.
De même, les directives en vigueur, transposées en droit français,
autorisent l’ACAM à augmenter les exigences de marge de solvabilité d’un
organisme d’assurance lorsqu’il lui apparaît que les intérêts des assurés
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
431
dudit organisme sont susceptibles d’être compromis, et à déduire des
éléments de couverture de cette marge. La directive Solvabilité 2, quand elle
sera adoptée, viendra donc simplement étendre un pouvoir déjà consenti à
l’ACAM.
Enfin, l’ACAM a déjà pris en compte le rôle crucial que les modèles
internes seront amenés à jouer. Ainsi, dans la mesure où le processus
d’approbation des modèles internes prévus par Solvabilité 2 doit commencer,
au plan informel, bien avant l’approbation formelle, des travaux de contrôle
ont déjà été réalisés
sur des projets existants de modèles internes. L’ACAM
s’appuie à ce titre sur les compétences mathématiques et actuarielles de ses
contrôleurs, dont la Cour rappelle que la plupart sont issus de l’Ecole
Polytechnique, et qui sont parfaitement qualifiés pour mener ces études.
Un séminaire s’adressant aux organismes contrôlés s’est tenu en
septembre 2008 et un groupe de travail du Secrétariat général examine
depuis septembre 2008 les mesures d’organisation interne à envisager. Avec
les quatre études d’impact et les orientations nationales complémentaires
rédigées par les services de l’ACAM qui ont accompagné la dernière en date,
c’est donc depuis sa création que l’ACAM accompagne les opérateurs aux
futures exigences prudentielles ; l’exhortation de la Cour en ce sens est donc
dépourvue de portée pratique.
Ces efforts se poursuivront et s’amplifieront une fois la directive
votée, et que les mesures de niveau 2 et de niveau 3, qui viendront
accompagner cette directive-cadre de niveau 1, se préciseront (avec
d’ailleurs comme aujourd’hui une très forte mobilisation des services de
l’ACAM pour y contribuer au niveau européen). C’est pourquoi il est difficile
de souscrire à l’opinion de la Cour quand à l’urgence qu’il y aurait « de
formaliser une stratégie d’adaptation des méthodes de contrôle aux nouvelles
exigences du contrôle prudentiel », qui ne se comprendrait que si ce qui
précède ne témoignait pas au contraire de la préadaptation du contrôle
français, depuis longtemps déjà tourné vers un contrôle prospectif des
risques, à ce projet de directive. Au total, Solvabilité 2 constituera une
modification profonde de la réglementation applicable plus que des méthodes
de contrôle.
b)
Organisation
De même l’urgence alléguée par la Cour quand à la réorganisation
de l’ACAM ne semble pas correspondre ni aux délais réels d’entrée en
vigueur ni aux circonstances.
La réflexion interne menée en 2007 sur l’organisation de l’ACAM a
conduit au constat que l’incertitude quant aux contours définitifs du texte, qui
ne sera mis en oeuvre qu’au plus tôt en 2013, devait amener à surseoir les
décisions en ces matières, à l’exception du sujet du contrôle interne
mentionné plus haut.
432
COUR DES COMPTES
A cet égard, le régime spécifique de contrôle des groupes
transnationaux, rejeté sans appel par 12 pays, ne fait aujourd’hui plus partie
du compromis adopté par le Conseil des ministres européens. Or
l’organisation du contrôle sera différente selon que cette partie de la
directive sera adoptée ou non. L’adoption du texte tout entier, fondé sur la
notion aujourd’hui disputée de juste valeur généralisée et sur un horizon à
court terme (un an), est rendue moins certaine par la crise financière, et
pourrait être retardée, éventuellement de plusieurs années.
Une réflexion d’organisation ne peut d’ailleurs être conduite sur les
contours de la seule ACAM en faisant abstraction de la question du
rapprochement avec la Commission Bancaire, sur laquelle le gouvernement
pourrait légiférer par ordonnance en 2009.
Enfin, il va de soi que l’ensemble des moyens opérationnels de
l’ACAM sont au service du contrôle et des assurés ; ils ne nécessitent donc
pas d’être réalloués en ce sens.
Les procédures de sanction
La Cour reconnaît justement qu’aucune décision de l’ACAM n’a été
infirmée par le Conseil d’Etat, malgré une dizaine de recours. Elle préconise
cependant que le Collège cesse de notifier les griefs, et qu’un rapporteur soit
désigné en son sein, voire qu’une commission des sanctions distincte soit
créée.
Or ces préconisations créeraient des lourdeurs, des difficultés
pratiques préjudiciables aux assurés et une insécurité juridique alors que le
système actuel est satisfaisant et éprouvé.
a)
Sur la notification des griefs
Le Secrétaire général de l’ACAM participe déjà aux échanges avec
les organismes contrôlés, notamment par l’envoi de lettres de suites après un
contrôle sur place, et a entièrement en charge l’instruction. Lui confier la
notification des griefs une fois ceux-ci retenus par le Collège, loin de
clarifier la séparation de l’instruction et du jugement, introduirait une
nouvelle confusion des genres.
Au demeurant, à la lecture de la jurisprudence du Conseil d’Etat, il
apparait que le fonctionnement actuel de l’ACAM est conforme au principe
d’impartialité objective tel qu’énoncé par la CEDH et le Conseil d’Etat.
En effet, le Conseil d’Etat juge de manière constante que l’exigence
d’impartialité est garantie dès lors que la lettre par laquelle le président fait
connaître à la société que des poursuites disciplinaires étaient engagées
contre elle ne donne pas à penser que « les faits visés sont d’ores-et-déjà
établis ou que leur caractère répréhensible au regard des règles ou principes
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
433
à appliquer est d’ores-et-déjà reconnu »
133
. La solution énoncée pour la
Commission Bancaire vaut pareillement s’agissant de l’Autorité de contrôle
des assurances et des mutuelles
134
.
Le cumul des fonctions de poursuite et de jugement ne constitue donc
pas une méconnaissance du principe d’impartialité, à condition que les griefs
susceptibles d’être retenus soient énoncés au conditionnel, afin de garantir
l’absence de pré-jugement au stade des poursuites.
b)
Sur la désignation d’un membre comme rapporteur
La procédure suivie devant la commission des sanctions de l’AMF,
consistant à désigner un rapporteur parmi ses membres emporterait des
risques de conflits d’intérêt non négligeables.
Même si sur ce point le fonctionnement actuel de l’ACAM n’a jamais
été mis en cause par le Conseil d’Etat, rien ne s’opposerait juridiquement à
ce qu’un membre du Collège soit désigné en qualité de rapporteur. Il
convient toutefois de relever les contraintes pratiques qu’induirait ce choix.
En premier lieu, les deux ordres de juridiction ont une position
différente sur la question. La Cour de cassation a jugé que la simple
présence du rapporteur au délibéré méconnaît l'exigence d'impartialité
135
.
Or, le Conseil d’Etat a considéré, dans une affaire Didier, que le rapporteur
ne saurait entacher de partialité la procédure en participant au délibéré
136
.
La Cour européenne des droits de l’homme, saisie de cette affaire, s’est
prononcée dans le même sens que la juridiction administrative française
137
.
En second lieu, si les textes devaient malgré tout être modifiés dans le
sens de ceux applicables à la commission des sanctions de l’Autorité des
marchés financiers (AMF)
138
, lesquels excluent du délibéré le membre
rapporteur, un problème de quorum est susceptible de se poser dans
certaines affaires, notamment lorsque celles-ci donnent lieu à des renvois
pour supplément d’instruction. Actuellement, en effet, le collège de l’ACAM
ne peut délibérer, en matière disciplinaire, que si au moins six de ses
membres sont présents
139
, et il doit s’agir des mêmes d’un bout à l’autre de
la procédure.
133) Conseil d’Etat, Sect., 20 octobre 2000,
Société Habib Bank Limited
,
req. n° 180122.
134) Conseil d’Etat, Sect., 17 novembre 2006,
Société CNP Assurances
,
req. n° 276926.
135 ) ass, Ass. plén.,
COB c/Oury
, 5 février 1999
136 ) conseil d’Etat, Ass., 3 déc. 1999,
Didier
, req. n° 207434.
137 ) EDH, 2ème sect., 27 août 2002,
Didier c/ France
, req. n° 58188/00.
138 ) § IV de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier.
139) Article R. 310-11 du code des assurances.
434
COUR DES COMPTES
c)
Sur la création d’une commission des sanctions
La création d’une commission des sanctions n’est ni nécessaire, ni
souhaitable. La jurisprudence du Conseil d’Etat reconnaît la possibilité
d’auto-saisine des autorités de régulation, tandis que les nombreuses
annulations contentieuses prononcées à l’encontre des décisions de la
commission des sanctions de l’AMF
140
, montrent les difficultés nées de ce
modèle.
Il convient d’ailleurs de rappeler que de nombreuses autorités
administratives investies d’un pouvoir de sanction sont dépourvues d’une
commission de sanctions distincte. Il en est ainsi notamment de la CADA, du
CSA, de l’ARCEP et de l’ACNUSA. Faisant le tour de la question, le rapport
parlementaire sur les autorités administratives indépendantes (AAI), publié
en juin 2006 sous la signature du sénateur Gélard, indique à ce titre que « la
création de deux collèges distincts ne saurait être étendue à toutes les AAI
dotées de pouvoirs de sanction. »
En outre, s’agissant de l’ACAM, les principales mesures de sanction
prévues par la loi sont indissolublement des mesures de sauvegarde des
droits des assurés. Il en est ainsi :
‐
de l’interdiction d’effectuer certaines opérations et toutes autres
limitations dans l’exercice de l’activité
‐
de la suspension temporaire d’un ou plusieurs dirigeants de
l’entreprise
‐
du retrait partiel ou total d’agrément
‐
du transfert d’office de tout ou partie du portefeuille de contrats.
Pour le contrôle d’organismes d’assurance, la création d’une
commission des sanctions paraît donc à l’ACAM juridiquement inutile, voire
dangereuse, et pratiquement inopportune. Sans accroître la sécurité
juridique des décisions rendues, elle risquerait de créer de fâcheuses
divergences de jurisprudence entre la Commission des sanctions et le
Collège, qui resterait chargé des mesures administratives d’urgence
nécessaires justement à la sauvegarde des droits des assurés (telles que la
nomination d’un administrateur provisoire), qui, juridiquement, ne sont pas
des sanctions tout en pouvant faire grief.
140 ) Conseil d’Etat, Sect., 27 octobre 2006, M. Eric B. et Société Next Up SA,
req. n° 276069 ; Conseil d’Etat, 30 mai 2007, Société Europe Finance et Industrie et
M. A., req. n° 288538 et n° 293408 ; Conseil d’Etat, 26 juillet 2007, Société Global
Equities, M. Gilles Boyer, Société Global Gestion et M. Patrick Piard,
req. n° 293624, n° 293626, n° 293627 et n° 293908.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
435
Le contrôle de la publicité et de la commercialisation des contrats
d’assurance-vie
La Cour considère que la répartition des responsabilités entre
l’ACAM et l’AMF « n’est pas adapté[e] à un contrôle global de l’offre
financière aux épargnants ». Cette affirmation n’est cependant pas étayée. La
Cour décrit à cet égard les contrats d’assurance-vie en unités de compte
comme des « enveloppes » dans lesquelles l’assuré aurait le choix d’investir
dans des fonds OPCVM ou dans des fonds étrangers. La Cour recommande
de confier la surveillance de la publicité et la commercialisation des
« produits d’épargne » à l’AMF.
Cette recommandation n’apparaît pas adaptée. Il faut d’abord
rappeler que les contrats d’assurance-vie, qu’ils soient ou non libellés en
parts d’investissements sous-jacents, ne sont pas des enveloppes ou des
produits d’épargne cessibles : ce sont des contrats stipulés pour autrui régis
par un droit spécifique. Ce sont également des engagements dont l’exécution
dépend de la durée de la vie humaine, et du risque de mortalité. Cette
dimension a pris un relief très sensiblement accru avec la chute des cours
boursiers – nombre de contrats multi-supports présentent aujourd’hui des
capitaux sous risques très significatifs, traduction des garanties planchers
accordées. C’est pourquoi le « risque d’investisseur » n’est pas totalement
pris par l’assuré : ce risque est en fait partagé entre le preneur d’assurance
(ou ses bénéficiaires) et l’organisme d’assurance.
Le contrat d’assurance-vie lui-même, même à composante épargne,
est essentiellement composé de dispositions assurantielles pour lesquelles
l’AMF aujourd’hui n’est pas compétente : rédaction de la clause
bénéficiaire, règlement des avances, traitement des déclarations de décès,
modalités de prélèvement des frais d’assurance par réduction éventuelle du
nombre
de
parts,
coût
et
prélèvement
de
la
garantie
plancher,
fonctionnement du support en euros, niveau d’intérêt technique, calcul et
mécanisme d’attribution de la participation aux bénéfices, etc. Tout ceci est
distinct de la gestion collective des valeurs mobilières dont l’AMF a à
connaître, et l’empêcherait de mener à bien la surveillance de la publicité et
de la commercialisation des contrats d’assurance-vie.
En outre, la Cour ne dit pas qui surveillerait les contrats d’assurance-
vie mêlant composante épargne et prévoyance (les contrats dits « mixtes » les
contrats d’assurance-vie diversifiés, les rentes en unités de compte (pourtant
libellées en parts de produits financiers sous-jacents), etc. On pourrait en
déduire qu’un démembrement du contrôle devrait être opéré, l’AMF et
l’ACAM contrôlant les mêmes intermédiaires en assurance, la première au
nom de la commercialisation de certains contrats d’assurance-vie, la
seconde pour la commercialisation des autres contrats d’assurance. Le
contrôle des intermédiaires d’assurance, agents et courtiers, serait ainsi
doublonné, s’agissant par exemple de leurs obligations en matière de
contrôle interne, ou de lutte contre le blanchiment.
436
COUR DES COMPTES
Rappelons enfin que la loi de 2003 confie le contrôle de tous les
contrats d’assurance, vie et non-vie, à l’ACAM seule. Cette compétence
exclusive a permis qu’aucun conflit d’autorités n’ait été à déplorer. Elle est
aussi
cohérente
avec
les
choix
faits
au
niveau
européen :
la
commercialisation des contrats d’assurance relève en effet de dispositions
distinctes de celles applicables aux produits financiers, et suivies par le
comité européen des superviseurs d’assurance (CEIOPS) comme par
l’association internationale des contrôleurs d’assurances
Répartition des rôles dans la régulation
a)
La responsabilité de l’Etat
La Cour des comptes énonce que « l’Etat (…) est directement
responsable en cas de faute lourde d’une autorité de régulation ».
Cette
affirmation,
appuyée
sur
une
jurisprudence
visant
la
Commission Bancaire, n’est pas applicable aux autorités publiques
indépendantes dotées de la personnalité morale, telles que l’AMF et l’ACAM.
En effet, à la différence de la Commission bancaire, l’ACAM est
juridiquement et directement responsable de ses actes, et ce sur son budget
propre. L’Assemblée générale du Conseil d’Etat a d’ailleurs rendu un avis
sans équivoque à propos précisément de la CCAMIP, devenue ACAM. Il en
ressort qu’il appartient à cette dernière « d’assumer les conséquences des
actions en responsabilité qui pourraient être engagées contre elle à
l’occasion des fautes commises dans l’exercice de [ses] missions »
141
.
b)
Le pouvoir de recommandation de l’ACAM
La
Cour
souhaite
que
l’ACAM
dispose
d’un
pouvoir
de
recommandation générale tout en notant que l’ACAM a émis des
recommandations sans base législative explicite.
Pour l’ACAM, la publication de recommandations - dont il est bien
précisé qu’elles ne sont pas obligatoires et n’ont donc pas de caractère
réglementaire mais seulement indicatif – correspond à une stratégie suivie
avec constance, avec l’approbation et la publication de sept textes de ce
type
142
. En effet, le rôle de l’ACAM, comme d’ailleurs de la Commission
Bancaire et de l’AMF, n’est pas seulement un rôle de surveillance et de
141) Conseil d’Etat, Ass., avis n° 371558 du 8 septembre 2005.
142) Les sujets traités par ces recommandations ont été les suivants : contenu des
rapports de solvabilité (mars 2005) ; bonnes pratiques en matière de lutte contre le
blanchiment (avril 2005) ; mode de désignation des commissaires aux comptes (juin
2006) ; méthodes recommandées en matière de gouvernance (septembre 2007) ;
réassurance limitée (« finite ») (février 2008) ; comptabilisation d’actifs (octobre et
décembre 2008). La recommandation d’octobre 2008 a d’ailleurs été publiée sous
timbre commun ACAM-AMF-CNC-Commission Bancaire.
LES AUTORITÉS DE CONTRÔLE ET DE RÉGULATION
DU SECTEUR FINANCIER
437
sanction, mais aussi un rôle de prévention qui implique d’indiquer aux
organismes contrôlés l’interprétation qu’il convient de donner aux lois et
règlements, et les « bonnes pratiques » à suivre en la matière.
Certes, à la différence de ce qui est prévu dans d’autres secteurs
d’activité, la loi n’autorise pas expressément l’ACAM à adresser des
recommandations impératives de portée générale aux organismes placés
sous son contrôle. Investie par le législateur du seul pouvoir de décision
individuelle, l’ACAM ne dispose, en effet, d’aucun pouvoir réglementaire à
l’égard des entreprises d’assurance, des mutuelles et des institutions de
prévoyance.
L’ACAM conserve, cependant, même sans texte, la faculté de publier
des avis ou des recommandations générales non contraignants, qui
constituent de simples indications de bonnes pratiques, laissant aux
organismes contrôlés le soin d’apprécier l’opportunité et les conditions de
leur éventuelle mise en oeuvre, ou la clarification de l’interprétation donnée
aux textes législatifs et réglementaires applicables.
Quant au régime contentieux de ce type d’acte, il semble que le
Conseil d’Etat applique désormais aux recommandations la solution
dégagée
dans
l’affaire
Duvignères
143
à
propos
des
circulaires
administratives.
A
l’instar
des
circulaires
administratives,
les
recommandations ne seraient ainsi susceptibles de faire l’objet d’un recours
pour excès de pouvoir que lorsqu’elles présentent un caractère impératif.
Dans ses conclusions sous les décisions du Conseil d’Etat du 13 juillet
2007 Société Editions Tissot, SARL Riviera et Mme Ghislaine Abric, concernant
des recommandations de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et
pour l’égalité (HALDE), le commissaire du gouvernement, Luc Derepas, relevait
que « la jurisprudence est désormais relativement fixée à propos de ce type
d’acte, et elle en distingue schématiquement deux catégories. La première est
celle des décisions qui, sous couvert de l’appellation de "recommandations", ont
en réalité en vertu d’un texte législatif un caractère contraignant et s’imposent à
leurs destinataires (…). La recevabilité des recours dirigés contre de telles
décisions ne fait aucun doute. La seconde catégorie est celle des avis et
recommandations sans caractère contraignant, pris par les organes consultatifs
chargés de conseiller les collectivités publiques ou les personnes privées et dont
le contenu n’est qu’un guide parmi d’autres de l’action des unes et des autres
(…). Ces décisions sont dépourvues de portée contraignante et ne peuvent par
suite être contestées devant le juge de l’excès de pouvoir. Il se pourrait toutefois
que celles qui sont rédigées en termes impératifs tombent sous le coup de la
jurisprudence Duvignères (…), ainsi que vous l’avez jugé à propos des
143) Conseil d’Etat, Sect., 18 décembre 2002, Mme Duvignères, req. n° 233618.
438
COUR DES COMPTES
recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé (…), mais la
combinaison de ces deux lignes jurisprudentielles reste encore à préciser »
144
.
En conclusion, l’ACAM peut, par conséquent, émettre à l’attention
des organismes des recommandations au caractère indicatif ou optatif. Ces
recommandations, rédigées en termes non-impératifs, constituent, ainsi, un
simple guide de bonnes pratiques, auquel les organismes concernés sont
invités à se référer et dont ils peuvent s’inspirer dans leur action, sans y être
contraints.
c)
Dans le domaine européen
Il est vrai que les services de l’ACAM sont peu associés par le
ministère de l’Economie aux travaux préparatoires du Conseil ECOFIN et,
plus largement, à l’ensemble des travaux du Comité « de niveau 2 » dans le
langage de la « comitologie » de M. Lamfalussy. On peut le regretter. De
plus, le Collège de l’Autorité n’est associé à aucun de ces contacts
européens, ni internationaux. Il serait de bonne pratique que la DGTPE
invite l’ACAM à assister aux réunions du Comité de niveau 2 (EIOPC) pour
assurer une meilleure liaison avec le comité de niveau 3 (CEIOPS), consulté
pour avis sur les mesures prises aux niveaux 1 et 2.
144) Conseil d’Etat, 13 juillet 2007, Société Editions Tissot, SARL Riviera et
Mme Ghislaine Abric, req. n° 294195, n° 295761 et n° 297742 (3 espèces),
conclusions Luc Derepas.