1.
L’accès des jeunes
au sport
L’année 2024 a été marquée par l’organisation des Jeux
olympiques et paralympiques de Paris et par la promotion
de l’activité physique et sportive en grande cause nationale.
La dépense publique totale en faveur du sport était
estimée en 2022 à 15,8 Md€. Elle est portée quasiment
à parts égales par l’État (7,6 Md€, dont 6,3 Md€ relevant
des ministères chargés de l’éducation nationale et de
l’enseignement supérieur pour lesquels les 15-25 ans sont
les bénéficiaires directs) et par les collectivités territoriales
(8,2 Md€, essentiellement issus du bloc communal dont les
jeunes profitent prioritairement compte tenu notamment
de leur fort engagement associatif). Selon Eurostat, la
dépense publique française en faveur du sport est la plus
élevée de l’Union Européenne (UE) en valeur absolue. Elle
représente 0,6 % du produit intérieur brut, contre 0,4 %
en moyenne pour les pays membres de l’UE.
Avec 79 % des 15-24 ans considérés comme sportifs
réguliers en 2024, contre 55 % pour les plus de 40 ans, les
jeunes sont les premiers pratiquants en France. Ils se situent
dans la moyenne européenne (81 %).
9
Leur pratique sportive recouvre des enjeux de cohésion sociale (mixité sociale,
inclusion par le sport), d’éducation (partage de valeurs, apprentissage des règles)
ou encore de santé publique (lutte contre la sédentarité, l’obésité ou les maladies
cardio-vasculaires). Elle repose sur trois axes : le sport licencié, l’éducation phy-
sique et sportive (EPS) et la pratique libre.
Plus de 2,7 millions de licences sportives sont octroyées aux jeunes, dont certains
sont multi pratiquants. Les fédérations multisports scolaires comme l’Union
nationale du sport scolaire (UNSS) et l’Union générale sportive de l’enseignement
libre (UGSEL) rassemblent à elles deux près de 600 000 licenciés et constituent le
premier lieu d’exercice de la pratique sportive encadrée. Parmi les fédérations uni-
sport, le football (415 000 licenciés), le tennis (87 000) et le basket (75 000) sont
les plus représentés chez les jeunes hommes. Chez les jeunes femmes, l’équitation
(128 000 licenciées), le football (51 000) et le tennis (35 000) arrivent en tête.
Les activités suivies au sein de l’Éducation nationale,
via
l’éducation physique et
sportive, contribuent à développer la pratique chez les 15-25 ans au lycée, puis
dans l’enseignement supérieur.
Enfin, une partie de la pratique sportive des jeunes est libre. Elle prend la forme
de sports de nature, pratiques urbaines ou loisirs sportifs marchands (escalade,
padel, foot à cinq, fitness).
Le constat d’une jeunesse française sportive masque cependant des disparités ou
des spécificités relevant du genre, du territoire ou encore de l’origine sociale. Le
sport est en effet perméable aux courants qui façonnent la société et constitue une
clé d’entrée pour analyser les grands enjeux transversaux propres à la jeunesse.
La Cour des comptes s’est intéressée à la problématique de l’accès des jeunes de
15-25 ans au sport en métropole. Les travaux scientifiques publiés récemment et
les enseignements tirés d’entretiens conduits au niveau national sont illustrés par
des contrôles de collectivités et associations réalisés en Auvergne-Rhône-Alpes.
L’enquête s’est concentrée sur les principaux leviers de la politique sportive fran-
çaise en direction des jeunes, en s’attachant à identifier les principaux éléments
favorables et les obstacles au développement de la pratique sportive.
L’enjeu du développement des infrastructures sportives est central dans l’accès
des jeunes au sport (I). Il n’est cependant pas suffisant et nécessite l’intervention
d’une pluralité d’acteurs (II) qui privilégient majoritairement la dimension com-
pétitive et prennent insuffisamment en compte les publics éloignés du sport (III).
10
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
11
Chiffres clés
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
79
%
des jeunes
de 15 à 24 ans sont
considérés comme
des sportifs
réguliers
Source : statistiques eurobaromètre 2024, p44
36
%
des licenciés entre 15 et 24 ans
sont des femmes
Nombre de licenciés
15 ans
18 ans
21 ans
La pratique
sportive licenciée
est divisée
par quatre entre
15 et 25 ans.
I.
Le rôle essentiel des infrastructures
dans l’accès des jeunes au sport
La première condition pour l’accès des jeunes au sport tient à l’existence
d’infrastructures sportives nombreuses, aux normes, dotées de larges plages
d’ouverture et diversifiées. Cette politique de l’offre, essentiellement portée par
le bloc communal, varie selon les territoires et ne répond qu’imparfaitement aux
attentes et aux besoins des 15-25 ans.
A.
Le bloc communal, principal porteur
des équipements sportifs
Selon la base de données du ministère des sports (DATA ES) en cours d’actualisation,
la France comptait, en janvier 2025, 332 754 équipements sportifs dont notamment
41 780 terrains de grands jeux, 6 373 bassins de natation, 18 557 salles multisports
et 38 775 courts de tennis
1
. L’ensemble représente un taux de 49 équipements pour
10 000 habitants, dont 37 %, souvent liés aux activités de nature ou d’extérieur,
sont en accès libre. Le parc des équipements sportifs est plutôt âgé : 86 % des
équipements recensés ont plus de 20 ans et 32 % de ceux construits avant 1985
n’ont jamais fait l’objet de rénovation majeure
2
. Les différences méthodologiques
au sein de l’Union Européenne ne permettent pas de comparer la situation de la
France par rapport à ses voisins.
Il n’existe pas d’étude au niveau national, ni au niveau local, sur l’occupation
effective et les profils des utilisateurs des installations sportives extérieures,
notamment pour les 15-25 ans. Cette carence, que le ministère des sports sou-
haite combler, limite la capacité des acteurs publics, et particulièrement des
financeurs, à évaluer la performance de leurs dépenses, notamment en direction
des jeunes. L’enquête a également mis en évidence les difficultés rencontrées par
les communes pour associer les jeunes en amont d’un projet. Les besoins sont
généralement définis par les associations, qui ne représentent qu’une partie de
cette tranche d’âge.
Les communes ou leurs groupements sont propriétaires de près de 80 % des équi-
pements sportifs et financent plus de 93 % des dépenses d’investissement sportifs
des collectivités locales
3
. Encouragées sur la période récente par le plan de relance
et par les impératifs de transition énergétique, les rénovations, modernisations
ou extensions d’équipements anciens constituent la majorité des investissements.
S’agissant des constructions nouvelles, les équipements de proximité en pratique
libre, dont une partie vise spécifiquement les jeunes, ont récemment connu une
croissance forte : aires de fitness extérieures (ou
« street workout »
), city-stades,
12
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
1.
Le solde correspond essentiellement à des équipements de proximité de moindre envergure ou de pleine nature.
2.
Rapport Belhaddad,
Pour un investissement massif de l’État dans les équipements sportifs
, mars 2022.
3.
France Urbaine,
Le sport dans les grandes villes, agglomérations et métropoles
, 2020.
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
13
terrains de basket 3 × 3,
skate parks et pump tracks
4
par exemple. Le choix de ce
type d’équipements s’explique par leur faible coût, la possibilité de les implanter
en proximité, leur polyvalence, leur succès auprès des jeunes, et par le soutien
financier apporté par l’État, comme l’illustrent les plans
« 5 000 terrains de sport
2022-2023 » et « 5 000 Équipements Génération 2024 – 2024/2026 »
déployés par
l’Agence nationale du sport.
GRAPHIQUE N° 1 | Nombre de terrains multisport et de city-stades recensés
selon la période de leur mise en service
832
1 902
2 804
3 640
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
7 000
1945-1964
1965-1974
1975-1984
1985-1994
1995-2004
À partir
de 2005
5 929
5 646
Source : Data ES, retraitement CRC – actualisation en cours de la période « à partir de 2005 »
Données : France entière.
Une politique nationale volontariste en matière d’équipements sportifs
L’État,
via
le fonds national pour le développement du sport (depuis
1978), le Centre national pour le développement du sport (CNDS) entre
2006 et 2019, puis l’Agence nationale du sport (ANS) à partir de 2019,
soutiennent financièrement les projets portés par des collectivités locales.
Entre 2017 et 2023, 1 451 projets structurants
5
ont été cofinancés, dont
un tiers portent sur des nouveaux équipements, pour un montant total
de plus de 420 M€. S’y sont ajoutés plus de 7 000 nouveaux équipements
de proximité. Ces aides se sont inscrites dans différents dispositifs comme
le plan de relance (rénovation et modernisation des équipements), la
préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, le plan
de rattrapage des équipements sportifs dans les quartiers prioritaires de
la politique de la ville (QPV) et le plan
« 5 000 terrains de sport 2022-2023 »
.
Les jeunes, par leur engagement associatif plus important que la moyenne
de la population, en sont les principaux bénéficiaires.
4.
Terrain extérieur aménagés pour la pratique du BMX, de rollers, de trottinettes.
5.
Équipement d’envergure offrant la possibilité de pratiquer une ou plusieurs disciplines à l’échelle
d’un territoire, comme une piste d’athlétisme ou une piscine.
14
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
GRAPHIQUE N° 2 | Nombre et répartition des 1 451 équipements sportifs
structurants cofinancés par le CNDS/ANS
123
61
236
263
367
401
Salles multisports
Terrains de grands jeux
Piscines
Salles spécialisées
Équipements d'athlétisme
Autres
Source : ANS
Initié en 2022 pour les territoires urbains et ruraux carencés puis
élargi à tous les territoires en 2023, le plan
« 5 000 terrains de sport
2022-2023 »
était doté d’un budget de 195 M€. Il a été essentiellement
concentré sur les équipements extérieurs de proximité (27 % plateaux
multisports, 14 % d’aires de fitness, 8 % de terrains de basket 3 × 3),
soit des équipements moins onéreux et plus compacts que des
gymnases traditionnels et surtout utilisés par les jeunes.
Son succès (5 507 équipements ont été construits en deux ans) a justifié la
poursuite de cet effort financier sur la période 2024-2026, avec une nouvelle
enveloppe
« Plan 5000 Équipements Génération 2024 – 2024/2026 »
de
300 M€, orientée vers les équipements sportifs de proximité
6
(3 000), les
cours d’école actives
7
(1 500) et les équipements structurants (500).
B.
Des fortes disparités d’accès pour les jeunes
selon les territoires
Le nombre important d’équipements sportifs en France masque des disparités
entre territoires, en termes de répartition comme de diversité de l’offre.
1.
En ville : une offre importante mais saturée
Plus des deux tiers des équipements sportifs sont situés dans des zones urbanisées.
Plus nombreux, les équipements sportifs en ville sont également plus variés et
permettent donc à leurs utilisateurs d’accéder à un plus grand nombre de disciplines.
C’est notamment le cas pour les équipements spécialisés comme les agrès de gym-
nastique
8
, les salles d’escalade ou les dojos. La proximité est un facteur clé dans le
6.
Accessible à pied et permettant une pratique sportive gratuite.
7.
Aménagements favorables à la pratique physique et sportive des élèves : petits équipements,
marquages au sol.
8.
Poutre, barres asymétriques, cheval d’arçon, tapis de sol, etc.
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
15
développement du sport des jeunes, qui ne disposent pas tous d’autres moyens de
transport que la marche, les mobilités douces ou les transports en commun.
Cependant, si les équipements sont plus nombreux, la population et les besoins
le sont également. Le Rhône, très urbain, compte par exemple douze fois plus de
licenciés que le Cantal
9
mais seulement trois fois plus d’équipements sportifs. Dès
lors, les créneaux sont rapidement saturés, complexifiant la pratique des élèves
et des associations sportives, voire entravant le développement des clubs. Ainsi,
28 % des jeunes de moins de 25 ans se sont vus refuser une inscription dans un
club au moins une fois dans les cinq dernières années
10
, en partie à cause de ces
contraintes.
Les mutualisations entre collectivités locales et établissements scolaires
doivent être recherchées pour alléger la pression sur les équipements en zone
urbaine. La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France oblige
les collectivités maîtres d’ouvrage à permettre aux autres utilisateurs potentiels
d’accéder aux équipements sportifs scolaires neufs ou faisant l’objet d’une
rénovation lourde. Au-delà des cas prévus par ce texte, un effort doit être
engagé au sein des établissements scolaires propriétaires d’équipements sportifs
pour les mettre à disposition des collectivités et/ou des associations qui en feraient
la demande. Un courrier commun des ministères des sports et de l’éducation
nationale, adressé aux recteurs en septembre 2024, est allé dans ce sens. Dans les
zones en tension, des partenariats entre établissements scolaires et acteurs privés,
dont les taux d’occupation des structures en journée sont faibles, pourraient
être recherchés.
La plaine des sports de Montélimar : un modèle d’installation sportive
orientée vers la pratique des jeunes
Composée d’une aire de
fitness
, d’un
skate park
, d’un
pump track
et d’un terrain de basket 3 × 3, la plaine des sports de Montélimar a fait
l’objet d’une consultation du conseil des jeunes de la ville en mars 2023.
L’installation –d’un montant de 750 000 € cofinancée par l’ANS, le
département de la Drôme et la ville de Montélimar– a été conçue de façon
transverse pour répondre aux exigences de plusieurs politiques : mobilité
(desserte par une voie verte, facilement accessible), sécurité (vidéo-
surveillance et lumières programmables en soirée), jeunesse (animation
de créneaux par la ville sur la période estivale 2024), sports (pratique libre
et mise à disposition gratuite pour trois clubs de la ville) et vivre ensemble
(parcours intergénérationnel, agrès adaptés aux niveaux des pratiquants).
9.
Injep,
Recensement des licences sportives
, 2022.
10.
CREDOC-injep,
baromètre de la pratique sportive
, 2024.
2.
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV),
des équipements plus nombreux mais moins diversifiés
Les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) bénéficient
d’une couverture plus importante que la moyenne nationale. Ainsi 99 % de la popu-
lation y résidant a accès à pied à au moins un équipement, contre 90 % pour la
France métropolitaine
11
. Les acteurs publics déploient une politique volontariste de
développement de la pratique sportive, dans des quartiers où les moins de 25 ans
représentent 39 % de la population, soit 10 points de plus que la moyenne constatée
en France métropolitaine
12
.
Toutefois, les infrastructures sportives y sont moins diversifiées qu’ailleurs. Les
salles multi-activités (ou gymnases) sont ainsi quatre fois plus nombreuses dans les
QPV que dans les autres quartiers urbains. Les terrains de grands jeux sont deux
fois plus accessibles qu’ailleurs, mais 90 % d’entre eux sont des terrains de football.
À l’inverse, les bassins aquatiques et les courts de tennis y sont sous-représentés,
et proportionnellement moins accessibles que pour le reste de la population.
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les pratiques sportives des
jeunes sont moins variées et l’accès de certains publics, notamment des jeunes
femmes, moins aisé.
3.
En milieu rural, des infrastructures en croissance mais peu variées
et difficilement accessibles
La variété des installations sportives dans les territoires ruraux est moindre qu’en
zone urbaine. Cette situation s’explique, d’une part, par les coûts inhérents à la mul-
tiplication d’équipements et, d’autre part, par la faiblesse, dans certains territoires,
du nombre de pratiquants, notamment chez les jeunes qui poursuivent des études
loin du domicile familial et pratiquent souvent hors de leur commune de résidence.
Pour autant, le nombre d’équipements sportifs en milieu rural a progressé. Ainsi,
dans un département rural comme le Cantal, la moitié des équipements sportifs du
département (860) a été construite ces 25 dernières années. Pour les équipements
structurants, le portage des intercommunalités y contribue
13
.
Les infrastructures sportives dans les territoires ruraux se caractérisent par :
-
la prédominance des « sports de préau », c’est-à-dire des disciplines bénéficiant
d’installations disponibles dans les établissements scolaires. Le basket, le hand-
ball et le football, en pratique libre ou encadrée, sont ainsi sur-représentés, ce
qui limite l’offre et donc la diversité des sports pratiqués ;
-
le rôle de sociabilisation ou de convivialité des équipements sportifs, autour
desquels les jeunes du territoire se retrouvent et se forgent une identité
16
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
11.
Observatoire national de la politique de la ville,
L’accessibilité à pied aux équipements sportifs dans les
quartiers prioritaires
, 2019.
12.
Observatoire des Territoires,
Jeunesse et mobilité dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville :
quelles spécificités ?
2022.
13.
42 % des piscines du bloc communal sont gérées par les intercommunalités, source RES.
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
17
collective. Cette pratique, plus répandue qu’en ville, implique l’existence de
locaux spécifiques, adossés aux terrains eux-mêmes (buvette, vestiaires, salle
de repas par exemple)
14
;
-
la nécessité de penser les projets d’infrastructures structurants à l’échelle d’un
territoire en y associant les modalités de transport adéquates, l’absence de
moyens de mobilité constituant un frein à la pratique régulière et à la découverte
de nouvelles disciplines. Ainsi, dans les zones les moins accessibles, la politique
d’accès au sport est souvent d’abord une politique de mobilité pour accéder
aux infrastructures et aux clubs situés dans les communes alentour, même si
le recours aux salles polyvalentes peut apporter une solution complémentaire.
Moins fréquente et moins variée
15
, la pratique sportive des jeunes ruraux gagnerait
à être davantage portée à l’échelle d’un territoire intercommunal.
Les jeunes ruraux et le sport : l’illustration cantalienne.
Parmi les six communes cantaliennes contrôlées dans le cadre de l’enquête
16
,
les situations convergent. Elles se caractérise par la faiblesse de la tranche
d’âge des 15-25 ans, qui partent étudier et pratiquer dans les pôles urbains,
une évolution des infrastructures vers des équipements plus polyvalents afin
de diversifier l’offre, l’importance du bénévolat pour l’animation voire l’entretien
des infrastructures de proximité, le souhait de soutenir le tissu associatif par
des mises à disposition et des subventions – même modestes – permettant
de préserver la vitalité du territoire, la part prépondérante du football dans
les disciplines pratiquées. À titre d’illustration, seules trois des six communes
contrôlées accueillent des clubs de sport collectif, tous de football.
II.
Une pluralité d’acteurs pour accompagner
les jeunes vers le sport
Bien qu’essentielles, les infrastructures sportives ne doivent pas constituer une
finalité mais un outil adossé à la mise en place d’un encadrement ou d’un accom-
pagnement. Compte tenu du caractère obligatoire de l’éducation physique et
sportive (EPS) au lycée, l’Éducation nationale reste le principal acteur d’un accès
large et égalitaire au sport. En complément, quoique variable selon les territoires,
la densité du tissu associatif sportif offre aux jeunes de nombreuses possibilités de
pratiquer un ou plusieurs sports à des tarifs abordables et de façon encadrée. Le
monde associatif répond toutefois de moins en moins à leurs attentes, ce qui favo-
rise la croissance du secteur privé, et ne parvient pas à toucher tous les publics.
14.
DIETSCH,
Les jeunes et le sport,
2024.
15.
Eurostat : les jeunes ruraux pratiquent moins que les jeunes urbains des activités de renforcement
musculaire (- 10 points).
16.
Anglards-de-Saint-Flour, Coltines, Ussel, Vabres, Val d’Arcomie, Valuéjols.
18
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Pas d’équipement sans accompagnement :
la doctrine de
« Sport dans la ville »
Créée à Lyon en 1998, l’association
« Sport dans la ville »
s’est développée
par la construction dans les quartiers sensibles de terrains de sport,
essentiellement de football et de basket, et dans l’accompagnement
des jeunes à la pratique. Présente dans 35 villes avec 70 centres et
360 personnels d’encadrement dont 180 éducateurs sportifs, elle propose
des créneaux de pratique encadrée sur des équipements accessibles à tous
gratuitement. Elle noue par ailleurs des partenariats avec les associations
locales et encourage la pratique féminine avec son programme
« Elle
dans la ville »
. Elle initie enfin, avec les jeunes volontaires, un programme
d’insertion professionnelle et d’entreprenariat.
A.
L’enseignement secondaire et supérieur :
garantir un accès large et égalitaire au sport
Obligatoire au lycée
via
l’éducation physique et sportive et reposant sur une offre
importante dans l’enseignement supérieur, le sport des jeunes est encouragé par
le système éducatif. Bien que large et égalitaire, son accès est cependant entravé
par plusieurs obstacles.
1.
L’Éducation nationale, acteur incontournable de l’accès des jeunes
au sport
Héritée d’une vision tant hygiéniste et éducative que sportive au début de
XX
e
siècle
17
, l’éducation physique et sportive (EPS) constitue l’une des matières
socles de l’enseignement. De par son caractère obligatoire, elle touche 2,25 millions
de lycéens et favorise l’accès au sport par l’exercice d’une pratique encadrée et la
transmission de clés pour s’y engager et y persévérer.
Les activités proposées, mêlant sports, jeux corporels et exercices de motricité,
dispensent les fondamentaux pour une pratique en autonomie et offrent la possibilité
aux élèves de pratiquer des disciplines peu ou pas accessibles en dehors du cadre
scolaire. Cette mixité des pratiques compense les effets de la reproduction sociale
sportive observée dans le sport associatif. Elle est également associée à une mixité
de genre, peu commune à l’extérieur de l’enceinte scolaire pour des jeunes de cet âge.
En 2023, plus de 9 000 enseignants d’EPS sont employés dans les lycées professionnels
et généraux/technologiques. Le coût de l’EPS est estimé à 840 M€ dans les lycées
18
.
17.
Préface d’Isabelle Queval,
in Dietsch, Les jeunes et le sport
, 2024.
18.
Jaune budgétaire 2023,
Enseignement scolaire public du second degrés (lycée professionnel,
général et technologique)
.
En complément des enseignements obligatoires, une participation aux associa-
tions sportives des établissements est proposée aux élèves. Ces dispositifs leur
permettent de pratiquer dans un cadre connu, encadré par des professeurs, à
des tarifs réduits, des activités sportives variées, y compris en compétition. Ils
rendent également possible un premier engagement associatif des élèves et le
partage de valeurs civiques. L’Union nationale du sport scolaire (UNSS) pour le
public et l’Union générale sportive de l’enseignement libre (UGSEL) pour le privé
constituent les deux principales fédérations du sport scolaire. Le succès de ces
fédérations multisport repose sur l’attractivité des horaires proposés (pause méri-
dienne, mercredi), sur le sentiment d’appartenance à un établissement dans les
compétitions inter-établissements et sur la pratique de disciplines peu accessibles
comme le VTT. À titre d’illustration, au sein de l’académie de Lyon
19
, 86 disciplines
sont proposées aux 13 700 lycéens inscrits à l’UNSS, dont un tiers de lycéennes.
L’inscription à l’UNSS reste cependant minoritaire, les licenciés ne représentant
que 12 % des élèves de l’académie.
2.
Réduction des heures, disparités entre filières et évitements :
des difficultés pour contrer le décrochage des jeunes
Dispensée à hauteur de quatre heures hebdomadaires en 6
e
et trois heures à
compter de la 5
e
, l’EPS est réduite à deux heures au lycée. Cette diminution,
expliquée par des programmes déjà chargés, intervient à un âge, autour de 15 ans,
où le décrochage de la pratique sportive est le plus important. Elle constitue donc
un facteur d’accélération du phénomène.
Par ailleurs, alors que l’EPS est obligatoire pour tous les lycéens quelle que soit
leur filière, en pratique, les lycéens professionnels n’y ont accès que de façon
discontinue, notamment en raison des stages en entreprise ou des périodes
d’apprentissage. Or, ces difficultés touchent des élèves qui, en moyenne, compte
tenu de leur origine sociale
20
, sont déjà plus susceptibles de se détourner de la
pratique sportive.
De plus, la diversité des disciplines proposées dépend de la disponibilité des
infrastructures sportives situées à proximité de l’établissement et de son
emplacement géographique, particulièrement pour les activités de pleine
nature ou nécessitant des équipements spécialisés.
Le caractère général, égalitaire et mixte de l’EPS est enfin atténué par le recours aux
inaptitudes (totale ou partielle, définitive ou temporaire) prévues sur présentation
d’un certificat médical, et aux « dispenses », acte administratif d’exonération du suivi
du cours sur demande des parents. Au sein du rectorat de Lyon, en 2023, les taux
d’absence et d’inaptitude aux examens atteignaient respectivement 20 % et 6 %
pour les CAP et 7 % et 11 % pour les bacs professionnels. Le taux d’inaptitude était
de 11 % pour les bacs généraux et technologiques.
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
19
19.
Départements de l’Ain, du Rhône et de la Loire.
20.
En lycée professionnel, l’origine sociale des élèves relève à 32,4 % d’ouvriers et 6,9 % des cadres
et professions libérales, contre 18,3 % et 26,4 % en lycée général et technologique, en 2023.
Le volume des inaptitudes peut révéler une dégradation de l’état de santé global
des élèves ou traduire des freins socio-culturels ou religieux qui contreviennent
au principe de laïcité et aux objectifs de mixité sociale et de genre
21
. Il n’existe
pas, à ce jour, de suivi académique ou national des absences, justifiées ou non,
en cours d’EPS. Un arrêté du 13 septembre 1989 rappelle qu’
« en cas d’inaptitude
partielle, le médecin mentionne sur ce certificat, dans le respect du secret médical,
toutes indications utiles permettant d’adapter la pratique de l’éducation physique et
sportive aux possibilités de l’élève »
. En plus d’un suivi statistique et pédagogique,
une sensibilisation des médecins pourrait être conduite à ce titre.
3.
Le sport dans l’enseignement supérieur : un bilan mitigé
La promotion de la pratique sportive à l’université repose sur les services uni-
versitaires d’activités physiques et sportives (SUAPS). Ces services sont chargés
notamment de proposer des activités ponctuelles, faciliter les pratiques collectives
autogérées, développer le sport santé ou bien-être et organiser des compétitions
via
la fédération française de sport universitaire (FFSU).
Pour autant, selon une enquête de l’Observatoire national de l’activité physique
et de la sédentarité (ONAPS)
22
, 20 % des étudiants pratiquent le sport à l’université
par le biais du SUAPS et 8 % dans le cadre d’une unité d’enseignement libre, avec des
disparités selon les filières : les sciences humaines et sociales sont plus éloignées de
la pratique sportive que les filières scientifiques. Ce constat est dressé alors même
qu’en 2021, 21 % du produit de la contribution de la vie étudiante et de campus
(CVEC) a été alloué au sport par les établissements
23
.
Dans les classes préparatoires aux grandes écoles, les enseignements d’EPS sont
facultatifs. Ils sont absents des BTS et IUT alors que les élèves se situent précisément
à l’âge du second décrochage constaté autour de 18 ans. Plusieurs explications sont
données, parmi lesquelles l’indisponibilité des équipements, le manque de temps ou
la méconnaissance des dispositifs proposés.
Pour remédier à cette situation, la mutualisation des équipements sportifs avec les
collectivités locales, le développement des pratiques en accès libre, le convention-
nement avec les salles privées, le renforcement du sport santé et la bonification
des notes par la pratique sportive facultative constituent des pistes à approfondir
24
.
B.
Le mouvement sportif : un tissu associatif dense
qui doit engager sa mutation
1.
Un réseau associatif dense
Avec 120 fédérations, 325 000 structures associatives
25
liées au sport, dont la
moitié affiliée à une fédération et 16,5 millions de licenciés
26
, la France dispose
d’un maillage d’associations sportives très dense.
20
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
21.
Sénat, Conseil des sages de la laïcité,
L’évitement des cours d’éducation physique et sportive et le recours
à des certificats médicaux non justifiés
, 2022.
22.
ONAPS,
Enquête Pratique d’activités physiques et sportives à l’université
, 2021-2022.
23.
Jaune budgétaire sport projet loi de finances (PLF) 2024.
24.
France université,
Une ambition pour le sport
, 2023.
25.
Insee 2018, jaune budgétaire sport.
26.
Injep,
Recensement des licences sportives
, 2022.
42 % des jeunes Français âgés de 15 à 30 ans sont membres d’associations sportives
ou de clubs, ce qui les classe nettement au-dessus de la moyenne européenne
(33 %)
27
. Les zones urbaines sont les mieux dotées et permettent de pratiquer,
souvent à des tarifs compétitifs, des activités sportives variées.
Le nombre de licences sportives octroyées n’a cessé de croître depuis 2000, sauf
lors de la crise sanitaire. Ainsi, entre 2000 et 2023, leur nombre a augmenté de 22 %
quand la population générale n’a crû que de 11,9 %, témoignant d’un attrait pour
la pratique encadrée sur le temps long. La baisse du bénévolat et les difficultés
de recrutement d’éducateurs sportifs constituent néanmoins des vulnérabilités.
2.
Des pouvoirs publics plus financeurs que stratèges
Les collectivités locales, en particulier les communes et leurs groupements,
soutiennent fortement les associations sportives. Le budget moyen des associations
sportives affiliées à une fédération nationale s’établit à 52 700 €, dont 16 % provient
de subventions financières publiques
28
. À ces soutiens financiers s’ajoutent, souvent
pour des montants encore plus importants, les concours en nature comme la mise
à disposition des équipements ou de locaux associatifs. Ainsi, à titre d’illustration, la
valeur des mises à disposition par la ville de Saint-Etienne représentait en 2023 plus
du triple (4,3 M€) des subventions financières allouées aux associations sportives
(1,2 M€).
Cet important soutien revient parfois à déléguer la politique sportive aux
associations sans vision stratégique d’ensemble. Rares sont les collectivités,
en particulier parmi les petites et moyennes communes, qui formalisent
leurs ambitions pour le sport en général, et pour l’accès au sport des jeunes en
particulier. Un nombre très réduit utilise les conventions financières et le levier
des subventions pour soutenir ou prolonger des politiques ciblées sur certains
publics (les jeunes femmes, les jeunes défavorisés, les jeunes éloignés du sport).
Un effort de formalisation de la politique sportive des collectivités, prévoyant une
approche par public ou par enjeu, est nécessaire. Le plan sportif local, dispositif
facultatif créé par la loi du 2 mars 2022, est pour le moment peu répandu.
Au plan national, l’État assure un soutien aux pratiquants, notamment à travers le
dispositif Pass’sport, et le financement des fédérations. Ainsi l’ANS a-t-elle financé
en 2023 le fonctionnement des fédérations et de leurs associations affiliées
à hauteur de 46,8 M€.
Grâce au dispositif
Pass’sport
, les pratiquants peuvent bénéficier d’aides financières
portant sur les coûts d’inscription. Il est parfois complété localement par des dispositifs
similaires mis en place au profit des jeunes.
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
21
27.
Commission européenne, Youth democracy
report
, 2023.
28.
DLA ESS, Le financement des associations sportives, incluant les financements de l’Agence nationale du
sport, 2023.
22
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Pass’sport
: une aide financière à la pratique sportive
Accessible sous condition de ressources aux jeunes de six à 18 ans, et jusqu’à
30 ans pour certains jeunes en situation de handicap, le
Pass’sport
a été
mis en place en 2021. Il consiste en une aide financière à l’inscription dans
une structure sportive d’un montant de 50 €, qui représente une dépense
annuelle de 75 M€
29
pour l’État.
Début 2024, près d’1,4 million de jeunes en bénéficiaient dont 38 % de filles
sur une population éligible de 6,5 millions, soit un taux de recours de 21 %.
Parmi les bénéficiaires, 250 000 ont plus de 15 ans, 150 000 résident dans
un quartier prioritaire de la politique de la ville et 225 000 dans une zone de
revitalisation rurale. Les fédérations françaises de football (30 %), de basketball
(8 %) et d’arts martiaux (7,3 %) en sont les principales bénéficiaires.
L’État a élargi en 2022 les critères d’éligibilité aux structures du secteur
marchand et aux clubs sportifs non agréés et non affiliés à une fédération (MJC,
foyers ruraux, centres sociaux). D’après une enquête réalisée auprès des familles
bénéficiaires par l’Injep, l’effet levier du
Pass’sport
semble toutefois faible,
80 % des familles bénéficiaires indiquant qu’elles auraient inscrit leurs enfants
sans cette aide (90 % chez les étudiants). La pratique sportive étant moins
développée chez les familles modestes, et l’effet de levier plus fort, le dispositif
pourrait être davantage ciblé sur les jeunes éligibles les plus précaires ou les
plus éloignés du sport. Les modalités d’obtention de cette aide sont également
critiquées par certaines communes et associations pour leur complexité.
En complément, certaines collectivités locales proposent des dispositifs
similaires, comme le
Pass Région Auvergne-Rhône-Alpes
, qui octroie à
tous les lycéens une participation de 30 € minimum aux frais d’inscription
à un club
30
, sans condition de ressources, ou le Pass’agglo de la communauté
d’agglomération de Vichy, destiné aux adolescents jusqu’à 18 ans.
3.
Une offre répondant de moins en moins aux attentes des jeunes
La pratique sportive licenciée présente deux décrochages importants autour de
15 ans puis après 17-18 ans, correspondant à l’apparition de nouvelles contraintes
(déménagement pour suivre des études, charge du travail scolaire, emploi, début
de vie conjugale) ainsi que de nouvelles attentes et façons de pratiquer. Le début de
la vie professionnelle détériore la pratique des jeunes actifs. La faiblesse du sport
dans le milieu professionnel s’explique par plusieurs facteurs concernant à la fois
29.
En crédits de paiements 2023, pour 85 M€ en autorisation d’engagement.
30.
Doublée pour les jeunes en situation de handicap et les femmes pratiquant un sport de self-défense.
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
23
les salariés (absence de vestiaires, manque de temps, volonté de ne pas mélanger
temps personnel et professionnel), les employeurs (difficulté à formaliser un projet,
absence d’espace consacré ou de vestiaires, coût financier) ou l’environnement (absence
ou saturation des équipements). Seuls 9 % des Français pratiquent une activité
physique et sportive au travail, contre 12 % en Belgique et 14 % en Allemagne.
GRAPHIQUE N° 3 | Nombre de licences par âge, tous sexes confondus
0
100 000
200 000
300 000
400 000
500 000
600 000
700 000
800 000
900 000
1
4
7 10
13
16
19
22
25
28
31
34
37
40
43
46
49
52
55
58
61
64
67
70
73
76
79
82
85
88
91
94
97
Source : recensement des licences 2022
Plusieurs travaux
31
montrent que de nombreux jeunes cherchent une pratique
sportive plus souple dans ses modalités d’organisation : amplitude des créneaux,
multiplicité des lieux de pratiques, appartenance à une communauté de pairs. Le
mouvement associatif peine à répondre à ces nouvelles attentes. Les créneaux
sont fixes et dépendent de la disponibilité des équipements et des entraîneurs ou
de la répartition entre catégories d’âge. Les compétitions grèvent les week-ends.
Les inscriptions sont annuelles et le plus souvent dans une seule discipline. Les
groupes constitués et les règles de mutation entre clubs rendent compliqué le
rassemblement d’une communauté préexistante. Par ailleurs, la gouvernance des
associations sportives repose rarement sur des jeunes, dont les préoccupations
sont souvent insuffisamment relayées : seul un président d’association sur 25 a
moins de 30 ans
32
.
Face à ces contraintes et à la tendance au
« zapping
33
»
, certains jeunes se détournent
des clubs sportifs associatifs au profit d’acteurs privés davantage en phase avec leurs
attentes et habitudes de consommation, de nouvelles disciplines moins axées sur
la compétition ou des pratiques en autonomie. Entre 2016 et 2022, le nombre de
15-25 ans licenciés a reculé de 2 %, passant de 2,682 millions en 2016 à 2,623 millions
en 2022 alors que cette catégorie de la population a augmenté de près de 5 %
34
.
31.
Notamment Dietsch,
Les jeunes et le sport
, 2024 ; CREDOC-Injep,
Baromètre des pratiques sportives
,
2023, confirmés par plusieurs contrôles d’organismes locaux.
32. Injep, Chiffres clés des associations, 2023, p. 13.
33.
CDES,
Diagnostic sur le décalage entre l’offre et la demande de pratique sportive en France, 2016.
34.
Insee – POPB1 : 7,8 millions en 2016, 8,2 millions en 2023.
24
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
C.
La croissance du secteur des loisirs sportifs
marchands : une nouvelle façon de pratiquer le sport
Les loisirs sportifs marchands proposent une offre diversifiée d’activités physiques et de
loisirs dans des enceintes privées comme le fitness, le yoga, l’escalade ou le foot à cinq.
Les jeunes de 15 à 25 ans constituent le principal levier de croissance d’un secteur
qui a accueilli près de 18 millions de Français en 2023
35
. Les structures privées de
foot à cinq et d’escalade ont accueilli respectivement près de 4 et 2 millions de pra-
tiquants en 2023. La moitié des nouveaux pratiquants sont âgés de moins de 25 ans.
Les entreprises du secteur proposent des modalités de pratiques très différentes
de celles des associations traditionnelles : elles proposent de nombreux créneaux
de pratique, ont recours aux nouvelles technologies (
coaching
numérique, appli-
cation de suivi des performances, possibilité de réservation de créneaux en ligne,
etc.), constituent des communautés
via
les réseaux sociaux, les plateformes des
opérateurs ou la mise à disposition de lieux de convivialité.
Cette offre nouvelle s’est inscrite dans le paysage et les acteurs publics marquent
un intérêt pour l’articuler avec leur offre. Ainsi, des accords entre collectivités
locales et clubs privés existent pour faciliter l’accès des élèves aux équipements
sportifs, promouvoir le para-sport ou mettre des équipements à la disposition des
maisons sport santé
36
. Le renforcement de cette complémentarité pourrait favoriser
l’accès de certains jeunes au sport.
Le secteur du
fitness
en pleine expansion, particulièrement chez les jeunes
En France, le chiffre d’affaires du marché du
fitness
est estimé à 2,17 Md€
en 2023
37
et s’appuie sur environ 6,5 millions d’abonnés, répartis entre
5 300 salles sur le territoire. Son développement s’est accéléré à la suite de
la crise sanitaire mais révèle une tendance de fond.
Une telle offre dans le secteur public ou parapublic est quasi-inexistante,
notamment en raison des coûts induits par ces attentes, tant en termes
d’investissement (coût moyen d’une salle
Fitness Park
: 1,3 M€) que de
fonctionnement (ouverture de six heures à 23 heures, sept jours sur sept, rotation
fréquente des matériels) et de maillage territorial. Outre le critère financier, les
organismes publics, de par leur mission d’intérêt général, doivent proposer des
offres pour le plus grand nombre quand le secteur privé peut les limiter à une
clientèle cible. Le développement des aires de
fitness
extérieures constitue ainsi
une réponse concentrée sur des publics limités, généralement déjà sportifs et
très masculins, et ne répondant pas totalement aux attentes d’autres pratiquants
comme les jeunes femmes ou les jeunes éloignés du sport.
35.
Union Sports et Cycle.
36.
Lieux d’accompagnement personnalisé par des professionnels de la santé et du sport.
37.
Deloitte, Le marché européen du fitness en 2023
, 2024.
III.
Des politiques orientées vers la performance
au détriment d’une approche par publics cibles
Les jeunes déjà sportifs constituent les principaux bénéficiaires des dispositifs
de droit commun. Des profils structurellement plus éloignés de la pratique
sportive comme les jeunes femmes, les jeunes en situation de handicap ou
en difficultés socio-économiques, pourraient et devraient en être la cible
prioritaire.
D.
Une politique du sport orientée vers la performance,
favorable aux jeunes déjà sportifs
La politique sportive française repose principalement sur deux piliers : le déve-
loppement du sport pour tous et la performance, considérant qu’il existe un
continuum
entre l’un et l’autre. Cette vision, déclinée au sein du mouvement
sportif, se traduit par une concentration des moyens vers les clubs dont la
priorité est le plus souvent donnée à la pratique compétitive plutôt qu’au
sport plaisir ou bien-être. Les critères d’attribution des subventions retenus
par les communes contrôlées dans le cadre de l’enquête, qui conduisent souvent
à les moduler en fonction du niveau de pratique des équipes, participent à ce
paradigme.
Au sein de la catégorie des clubs compétitifs, les clubs dits « élite », c’est-à-dire
disposant d’une équipe évoluant à haut niveau, sont particulièrement soutenus,
soit par le financement d’infrastructures permettant leur développement, soit par
l’attribution de subventions plus importantes.
Les différences de soutien public peuvent en partie s’expliquer par des coûts
de fonctionnement plus importants pour les clubs axés vers la performance
(encadrement supérieur, déplacements plus lointains par exemple). Elles tra-
duisent cependant aussi une volonté politique de soutenir l’approche compétitive
plutôt que le sport bien-être ou le sport plaisir. Dès lors, les moyens mobilisés
bénéficient davantage aux jeunes déjà sensibilisés et adeptes de la pratique
sportive, plutôt qu’à ceux qui s’en éloignent ou recherchent des alternatives
plus coopératives ou conviviales.
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
25
26
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
GRAPHIQUE N° 4 | Budget et nombre de licenciés par type de club
% des licenciés en France
% poids économique en France
0 %
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
60 %
70 %
Clubs de proximité
(< 100 licenciés)
Clubs intermédiaires
(100 à 500 licenciés)
Clubs élite
(>500 licenciés)
66 %
31 %
46 %
3 %
48 %
6%
Source : centre des ressources du sport, dispositif local d’accompagnement de l’ESS, Comité national
olympique, fiche sur le financement des associations sportives, mars 2023
E.
Des publics hétérogènes, insuffisamment ciblés
par les politiques sportives en dépit d’efforts récents
La prédominance de la compétition a pour effet d’exclure des jeunes ne pratiquant
pas ou peu. Ces derniers relèvent de plusieurs catégories de population qui parfois
s’entremêlent : jeunes femmes, jeunes en mauvaise santé, jeunes en situation de
handicap, jeunes précaires.
Le ministère des sports a pris conscience de la nécessité de cibler davantage ces
publics. À compter de la fin 2022, il a adopté des feuilles de route notamment en
matière d’insertion par le sport, de développement du sport féminin, de promotion
de la pratique étudiante ou de celle des personnes en situation de handicap.
Ces initiatives trouvent pour l’heure insuffisamment d’échos. Au niveau local, les
communes se saisissent peu de ces enjeux. Les initiatives portées par les fédéra-
tions en faveur de publics identifiés ne sont pas prioritaires et ne sont pas toujours
reprises par leurs comités ou ligues locaux–qui disposent d’une autonomie–ni par
les clubs, dont les priorités sont majoritairement centrées sur la performance.
Le vecteur des clubs et des fédérations, qui se sont développés par la compétition,
paraît à ce titre peu judicieux pour promouvoir une approche non compétitive du
sport.
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
27
1.
Des jeunes femmes qui pratiquent moins
Quel que soit l’âge concerné, les jeunes femmes font moins de sport que les jeunes
hommes, en pratique encadrée comme en pratique libre.
GRAPHIQUE N° 5 | Jeunes femmes et jeunes hommes licenciés entre 15/24 ans
1 597 264
900 486
0
200 000
400 000
600 000
800 000
1 000 000
1 200 000
1 400 000
1 600 000
Jeunes hommes
Jeunes femmes
Source : recensement des licences 2022
Les jeunes décrochent de la pratique sportive encadrée autour de
15 ans. Le phénomène est, en proportion, plus marqué, chez les jeunes femmes.
Ainsi, quand 100 hommes de 15 à 19 ans sont licenciés, seulement 61 femmes le
sont également. Entre 20 et 24 ans, le
ratio
passe à 45 femmes pour 100 hommes.
Cet écart entre les hommes et les femmes s’observe encore plus nettement pour les
pratiques régulières ou très régulières (au moins trois fois par semaine), en particulier
à l’approche de la maternité
38
.
GRAPHIQUE N° 6 | Répartition des licenciés selon le sexe et l’âge
0
500
000
1 000
000
1 500
000
2 000
000
2 500
000
De 5 à 9 ans
De 10 à 14 ans
De 15 à 19 ans
De 20 à 24 ans
De 25 à 29 ans
De 30 à 34 ans
De 35 à 39 ans
Hommes
Femmes
Source : recensement des licences 2022
Plusieurs freins à la pratique féminine ont été identifiés.
38.
Injep,
Les pratiques physiques et sportives en France
, 2020.
28
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Tout d’abord, les disciplines les plus pratiquées par les femmes nécessitent un
accès à des équipements spécifiques, peu propices à la pratique libre. C’est le cas
pour l’équitation (84 % de licenciées féminines) et l’accès à un centre équestre,
la natation (54 %) et l’accès à une piscine, la gymnastique (83 %) et l’accès aux
agrès spécialisés, les sports de glace (87 %) et l’accès à une patinoire. Le soutien
public à ces disciplines est coûteux en équipements et en ressources humaines.
La danse (85 %) échappe à ce constat mais se heurte à l’absence d’infrastructures
sécurisées en accès libre, ainsi qu’à une sensibilité particulière du rapport au corps
après 15 ans, qui peuvent en limiter la pratique
39
.
Certaines disciplines (rugby, boxe, football) tout comme les infrastructures
de pratique libre (
fitness
,
skate park
) sont, quant à elles, sous-investies par les
femmes, principalement en raison de freins socio-culturels. C’est particulièrement
le cas dans les territoires où la pratique sportive des femmes peut faire l’objet d’une
déconsidération, comme dans certains quartiers urbains ou territoires de grande
ruralité
40
.
Enfin, en cas de tensions sur les équipements sportifs, les clubs peuvent avoir
tendance à refuser ou limiter les inscriptions féminines, soit parce qu’elles
permettent un rayonnement moindre, soit parce qu’elles peuvent nécessiter
des aménagements supplémentaires (mise en place de vestiaires séparés par
exemple), soit parce que le nombre de jeunes filles engagées n’est pas suffisant
pour créer une section entière.
Des initiatives locales en faveur de la pratique féminine
Certaines communes ont instauré des dispositifs spécifiques à la pratique
féminine. Ainsi, la ville de Saint-Etienne octroie une subvention de 500 €
supplémentaires pour des manifestations 100 % féminines. La charte
associative de la ville d’Annonay comporte des objectifs d’égalité
femmes-hommes et prévoit des soutiens plus importants aux clubs
promouvant la pratique féminine. Les départements de l’Isère et de
l’Ardèche soutiennent par leurs subventions les clubs promouvant la
pratique féminine.
Les fédérations et acteurs du secteur privé marchand ont cherché à développer
leurs offres en faveur de ce public, qui constitue, au-delà des enjeux d’égalité et
de mixité, des réservoirs de nouveaux adhérents. Ainsi les licences féminines sont
dynamiques, progressant de 11 % entre 2016 et 2023 contre 2 % pour les hommes,
pour les 15-24 ans. La fédération française de football a ainsi misé depuis plus
39.
Injep,
Les freins à la pratique des Français peu ou non sportifs : des situations hétérogènes
, 2023, M.-C.
Garcia, séminaire du 8 mars 2024.
40.
Maruéjouls, Raibaud,
Filles/garçons : l’offre de loisirs. Asymétrie des sexes, décrochage des filles
et renforcement des stéréotypes
, 2012.
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
29
de 10 ans sur le développement de la pratique féminine, reposant autant sur le
football à 11 que sur des nouvelles disciplines comme le futsal ou le foot à cinq
qui, en se pratiquant dans des espaces connus et sécurisés (gymnase, salle de sport
du collège ou lycée), favorise l’engagement des jeunes femmes. L’Union française
des œuvres laïques d’éducation physique (Ufolep) a, de son côté, modifié les
règles d’habillement des compétitions de gymnastique pour autoriser des tenues
plus amples répondant aux réticences de certaines jeunes femmes à porter des
juste-au-corps.
2.
Les jeunes éloignés du sport : le caractère excluant
de la dimension compétitive
Pour des raisons physiques (surpoids
41
, faible endurance, faible développement
musculaire) ou psychologiques (mal-être, aversion à l’effort, pudeur), certains
jeunes ne se retrouvent pas dans l’offre compétitive et s’éloignent de toute
pratique sportive. En réponse, deux approches ont été encouragées : médicale
et sport-plaisir.
Toutefois, les dispositifs comme les maisons sport santé –573 dénombrées
en 2023 – ou les prescriptions de sport sur ordonnance, sont insuffisants,
voire stigmatisants, et souffrent souvent de faiblesses dans l’identification et
l’orientation des jeunes concernés.
Par ailleurs, ils répondent imparfaitement aux attentes de jeunes qui, sans
problème de santé manifeste, se sentiraient plus à l’aise dans une pratique
hédoniste, conviviale, voire mixte du sport.
L’Ufolep : objectif « sport pour tous »
L’Ufolep porte plusieurs dispositifs en faveur du sport pour tous, non
ou faiblement compétitifs et adaptés à différents publics. Des séjours
socio-sportifs destinés aux jeunes issus de l’aide sociale à l’enfance ou
de la protection judiciaire de la jeunesse, aux femmes ou aux jeunes
primo-arrivants ont rassemblés 2 110 jeunes de 16 à 25 ans en 2023-24.
L’Ufolep mène aussi des actions de promotion du sport pour tous comme
le
Playa tour
, consistant à proposer sur la période estivale et de façon
itinérante des activités multisports. Elle propose enfin de l’encadrement et
des animations sur des infrastructures de pratiques libres, visant à répondre
aux attentes et aux besoins des jeunes,
via
le programme
Ufostreet
.
41. La part des 15-24 ans en situation d’obésité a quadruplé entre 1997 et 2020 selon une étude de 2023
menée par la ligue contre l’obésité et le centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier.
30
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
3.
Les jeunes en situation de handicap : une politique bien identifiée
par les pouvoirs publics
Les jeunes en situation de handicap sont mieux identifiés par les acteurs publics,
à la fois comme composante d’une politique générale en faveur du handicap,
mais également en tant que cibles spécifiques. Ainsi, les impératifs de mise en
accessibilité des infrastructures publiques imposés par la loi du 11 février 2005
pour l’égalité des droits et des chances ont permis de faciliter l’accès physique aux
équipements sportifs. Au niveau national, 52 % des aires de jeux seulement
sont accessibles aux personnes à mobilité réduite. Cependant des efforts sont
menés par les collectivités locales, au gré des opérations de rénovation et
de modernisation des équipements. En complément, des mesures de soutien
sont mises en œuvre comme le développement de sections para-sport au sein
des fédérations, l’organisation de manifestations sportives d’initiation ou de
pratique mixte ou l’attribution d’aides financières à l’achat d’équipements
adaptés.
En dépit de ces avancées, les structures permettant d’accueillir et de développer
les activités de para-sport demeurent rares. Le nombre de licences délivrées aux
15-25 ans par les fédérations de handisport et de sport adapté
42
est resté stable
voire s’est réduit entre 2016 et 2022, en partie du fait de la crise sanitaire, passant
de 17 313 en 2016 à 16 945 en 2022. Des jeunes en situation de handicap sont,
par ailleurs, licenciés au sein d’autres fédérations, sans être recensés en tant que
tels. Les personnes en situation de handicap demeurent plus nombreuses à ne pas
pratiquer de sport que la moyenne de la population (48 % contre 33 % en 2018
43
).
Des actions portées par des clubs professionnels en faveur
des jeunes en situation de handicap.
Dans le cadre de leur responsabilité sociale d’entreprise, certains clubs
professionnels ont mis en place des actions en faveur des jeunes en
situation de handicap.
Ainsi,
via
l’association
Cœur vert
, le club de football de l’
AS Saint-Étienne
organise des initiations au foot-fauteuil et porte deux équipes de
compétition dans cette discipline. Dans le cadre du programme
« One
Team »
porté par l’Euroleague, le club de basket de l’ASVEL à Villeurbanne
a créé en 2018 une section sport adapté, qui accueille une cinquantaine de
personnes autistes par an, jeunes comme adultes, au sein de la
Tony Parker
Adequat Academy
.
42.
MEDES, Injep,
Statistiques des licences 2016-2022
, licences Fédération handisport
et Fédération Sport adapté.
43.
Eurobaromètre 2024.
4.
Les jeunes confrontés à des obstacles socio-économiques
Quel que soit l’âge, la pratique sportive est moindre au sein des catégories
défavorisées
44
. Selon l’Enquête nationale sur les pratiques physiques et sportives
(ENPPS),
« 65 % des employés et ouvriers pratiquent régulièrement une activité
physique et sportive, contre 73 % des cadres et professions intermédiaires.
Ces derniers sont par ailleurs surreprésentés parmi le cinquième des Français
constituant le « noyau dur » des sportifs, dont la pratique est la plus assidue,
diversifiée et institutionnalisée ».
Alors que les personnes résidant dans des quartiers prioritaires de la politique de la
ville représentent 8 % de la population française, elles ne comptent que pour 3,8 %
des licenciés. En termes de dynamique, la tendance est « au recul de l’importance
de la pratique sportive en QPV par rapport au reste du territoire »
45
.
Le critère financier peut constituer un obstacle, comme l’indiquent 30 % des
jeunes interrogés dans le cadre d’une enquête sur les freins à la pratique. Plusieurs
dispositifs ont été mis en place pour lever les barrières à la pratique des jeunes en
situation de précarité socio-économique : priorisation des quartiers prioritaires de
la politique de la ville dans les plans « 5
000 terrains sportifs 2022-2023 » et « Plan
5000 Génération 2024 – 2024/2026 »,
mise en place de conditions de ressources
pour l’obtention du
Pass’sport,
etc. Ils sont cependant souvent insuffisamment
ciblés.
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
31
44.
CREDOC-Injep,
Baromètre de la pratique sportive
, 2023.
45.
Injep,
La pratique sportive licenciée dans les QPV
, 2024.
Conclusion et
recommandations
L’État et les collectivités locales disposent de plusieurs leviers
pour assurer le développement de la pratique sportive des
jeunes. Les infrastructures en sont une pierre essentielle et le
développement des équipements de proximité sur la période
récente l’illustre. Toutefois, la seule présence d’équipements
sportifs ne permet pas de garantir une pratique effective.
Un accompagnement, qu’il soit scolaire ou associatif, est
nécessaire, en particulier pour les jeunes éloignés du sport. En
effet, si les jeunes Français enregistrent en moyenne une pratique
régulière élevée, la prédominance du sport en compétition et
la tendance des pouvoirs publics à soutenir des politiques qui
s’adressent à des jeunes déjà sportifs constituent des obstacles à
la promotion du sport pour tous.
S’y ajoutent des disparités territoriales, sociales, physiques
ou de genre qui contribuent à éloigner plus encore une frange
de la jeunesse déjà fragilisée, ainsi qu’une inadéquation croissante
entre les attentes des nouvelles générations et l’offre publique.
Cette politique de l’offre peine à corriger les inégalités de chances
entre jeunes et à toucher ceux qui en sont les plus éloignés.
32
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
prévoir des créneaux d’accompagnement à destination
des jeunes, notamment les plus éloignés de la pratique
sportive, sur les équipements sportifs en accès libre
(Agence
nationale du sport, communes et intercommunalités)
;
2.
développer les partenariats entre les collectivités locales et
les acteurs privés pour élargir l’accès, physique et financier,
des jeunes à une plus grande variété d’équipements
sportifs
(communes et intercommunalités)
;
3.
accroître le taux de pratique des élèves en EPS en
assurant un suivi statistique des inaptitudes et en
ajustant les séances en fonction des capacités des élèves
concernés
(ministère de l’éducation nationale)
;
4.
cibler davantage le Pass’sport sur les jeunes les
plus éloignés de la pratique sportive
(ministère des
sports, de la jeunesse et de la vie associative)
.
33
L’ACCÈS DES JEUNES AU SPORT
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
34
Réponses reçues
à la date de la publication
Réponse de la ministre de l’éducation nationale
........................................................
34
Réponse du ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
...............
34
Destinataire n’ayant pas répondu
Monsieur le président de l’Agence nationale du sport
Réponse de la ministre de l’éducation nationale
Vous m’avez adressé un chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel
2025 de la Cour des comptes.
Je souhaite porter à votre connaissance mes remarques sur la recommandation
n° 3 adressée à mon département ministériel, et formulée en conclusion de ce
projet de chapitre, par laquelle la Cour préconise
« d’accroître le taux de pratique
des élèves en éducation physique et sportive en assurant un suivi statistique
des inaptitudes et en ajustant les séances en fonction des capacités des élèves
concernés »
.
Lorsqu’ils sont sollicités par un chef d’établissement ou un infirmier à propos d’une
inaptitude de plus de trois mois qui suscite une interrogation, les médecins de
l’éducation nationale examinent l’élève et donnent leur avis. Ils prennent toutes
les mesures nécessaires afin de permettre à ces élèves de reprendre une activité
physique, en fournissant aux enseignants d’éducation physique et sportive les
éléments leur permettant d’ajuster l’activité aux capacités de l’élève.
Les enseignants d’éducation physique et sportive en lycée sont très attentifs à ces
questions et adaptent leurs séquences de cours autant que nécessaire.
Réponse du ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Vous m
'
avez adressé un chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel
2025 de la Cour des comptes.
Je souhaite porter à votre connaissance mes observations sur trois des
recommandations formulées par la Cour en conclusion de son projet de chapitre (l) et
sur les remarques de la Cour concernant le sport dans l
'
enseignement supérieur (Il).
1. Sur les recommandations :
La recommandation n° 1 préconise de
« prévoir des créneaux d'accompagnement à
destination des jeunes, notamment les plus éloignés de la pratique sportive, sur les
équipements sportifs en accès libre »
.
Je partage cette recommandation, qui est déjà mise en œuvre dans le cadre des
financements octroyés par l
'
Agence nationale du sport (ANS) pour la construction
de nouveaux équipements sportifs. En effet, la seule présence des infrastructures
sportives dans les territoires carencés n
'
étant pas suffisante pour permettre
l
'
accès des publics éloignés de la pratique sportive, l
'
ANS ne finance que la
construction d
'
équipements qui remplissent certaines conditions, précisées dans
une convention d
'
utilisation et d
'
animation de l
'
équipement. Cette convention doit
être signée par le porteur de projet, l
'
utilisateur de l
'
équipement et le propriétaire
foncier et précise les créneaux prévisionnels réservés en accès libre. La convention
doit en outre garantir des créneaux en accès libre pour les jeunes filles ainsi que
pour les personnes en situation de handicap et leur en assurer l
'
exclusivité.
La recommandation n° 2 invite à
« développer les partenariats entre les collectivités
locales et les acteurs
privés pour élargir l'accès, physique et financier, des jeunes à
une plus grande variété d'équipements sportifs »
.
Je souscris à cette recommandation qui rejoint les objectifs de mutualisation
des équipements sportifs et de partenariats renforcés entre les acteurs. La
préconisation de la Cour fait directement écho à la disposition prévue par l
'
article
L. 2122-22 du code général de la propriété des personnes publiques, créé par
l
'
article 13 de la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en
France.
Le cadre juridique de l
'
utilisation des locaux des établissements d
'
enseignement
publics exige la passation d
'
une convention tripartite entre la collectivité
territoriale de rattachement, le chef d
'
établissement (qui doit y avoir été autorisé
par le conseil d
'
administration) et le bénéficiaire.
La convention détermine :
-
« la prise en charge des responsabilités et de la réparation des dommages
éventuels »
, qui, dans la plupart des cas, doit être mise à la charge de la
personne bénéficiaire ;
-
« les conditions financières de l'utilisation des locaux et équipements dans le
respect du code général de la propriété des personnes publiques »
, c
'
est-à-dire
la redevance exigée de la part du bénéficiaire, sur qui doit en principe reposer
le coût du dispositif.
Un modèle de convention type a été élaboré, afin d
'
accompagner et de faciliter
l
'
engagement des établissements scolaires, dont la mobilisation est essentielle.
À ce jour, sur 27 700 équipements recensés par le ministère, plus de 4 700 sont
d
'
ores et déjà accessibles à des publics hors temps scolaire.
RÉPONSES REÇUES À LA DATE DE LA PUBLICATION
35
La recommandation n° 4 suggère de
« cibler davantage le Pass'sport sur les jeunes
les plus éloignés de la pratique sportive »
.
Le Pass
'
Sport est principalement destiné aux publics éloignés de la pratique
sportive. Les personnes éligibles sont les jeunes en situation de handicap (6-30 ans
bénéficiaires de l
'
allocation d
'
éducation de l
'
enfant handicapé ou de l
'
allocation
aux adultes handicapés), les jeunes bénéficiant de l
'
allocation de rentrée scolaire et
les étudiants boursiers. Le Pass
'
Sport répond également aux nouvelles demandes
de pratique des jeunes en s
'
ouvrant aux loisirs sportifs marchands.
Si le taux de recours au Pass
'
Sport augmente chaque année (1,7 million de
bénéficiaires prévus en 2024), il y a lieu de réfléchir, en vue de la campagne 2025,
à son évolution afin d
'
augmenter son effet levier et réduire ses effets d
'
aubaine.
2. Sur le sport dans l
'
enseignement supérieur
Le 7 avril 2023, le ministère chargé des sports et le ministère chargé de
l
'
enseignement supérieur, en partenariat avec France Universités, la Conférence des
Grandes Écoles et la Conférence des directeurs des écoles françaises d
'
ingénieurs,
ont élaboré une feuille de route afin de promouvoir la pratique étudiante.
À ce titre, trois leviers d
'
actions sont identifiés, qui visent à lever les obstacles et à
répondre aux freins rencontrés par les étudiants.
Il convient tout d
'
abord de développer l
'
offre et la diversification des pratiques,
notamment par :
-
la rédaction d
'
un vademecum sport santé à destination des établissements de
l
'
enseignement supérieur
afin de développer les offres de sport santé, lutter
contre la sédentarité et promouvoir l
'
activité physique et sportive ;
-
la facilitation de l
'
accès aux infrastructures sportives par le biais du
développement de la pratique libre sur les campus universitaires et
l
'
élargissement des créneaux d
'
ouverture ;
-
le renforcement d
'
une offre accessible aux étudiants en situation de handicap ;
-
le renforcement des offres hors campus : fédérations sportives et loisirs
sportifs marchands ;
-
l
'
organisation de
« villages sport »
, manifestations
« portes ouvertes »
au
sein des universités présentant toutes les offres proposées en début d
'
année
universitaire. Plus de 70
« villages sport »
ont été organisés à la rentrée 2024.
Il s
'
agit également de valoriser la pratique sportive et l
'
aménagement du temps
universitaire, notamment par :
-
l
'
octroi de crédits ECTS, la bonification de la notation, ou encore le
développement d
'
unités d
'
enseignement afin de valoriser le sport dans le
cursus universitaire,
-
l
'
aménagement des emplois du temps pour dédier des créneaux à la pratique
sportive,
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
36
RÉPONSES REÇUES À LA DATE DE LA PUBLICATION
37
-
l
'
accentuation de la visibilité du sport universitaire par le biais de l
'
organisation
d
'
un événement sportif inter-étudiants au printemps 2024 soutenu dans
le cadre de la Grande Cause Nationale : 24 équipes issues de 12 écoles et
12 universités, engagées dans un challenge pendant 3 jours, sur le site du
centre de ressources, d
'
expertise et de performance sportives de Vichy.
Enfin, de manière transversale, le renforcement des moyens, de la gouvernance et
de l
'
évaluation de la pratique sportive étudiante doit favoriser un cadre propice au
développement de la pratique, notamment par :
-
la valorisation de la contribution à la vie étudiante et de campus à destination
du sport
-
la mobilisation du Pass
'
Sport, mesure de pouvoir d
'
achat envers les étudiants
boursiers ou en situation de handicap ;
-
l
'
amélioration et la mutualisation des équipements sportifs destinés à la
pratique étudiante ;
-
le renforcement d
'
une gouvernance sur la thématique sport au sein des
établissements
— L
'
évaluation des pratiques et des besoins des étudiants.
L
'
ensemble de ces mesures fait l
'
objet d
'
un suivi attentif et concerté de la part
des acteurs du monde sportif et de l
'
écosystème de l
'
enseignement supérieur.