Sort by *
1.
L’emploi des jeunes
L’insertion professionnelle étant l’une des conditions
essentielles de l’accès à l’autonomie, l’emploi des jeunes
fait l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics.
Ils sont en effet, davantage que les autres actifs, confrontés
au risque de chômage, pour deux raisons :
-
d’une part, les 15-24 ans déjà présents sur le marché
du travail sont globalement moins diplômés
que l’ensemble de la population ;
-
d’autre part, le risque de chômage est plus élevé
en phase d’insertion professionnelle.
Les jeunes présentent donc des besoins spécifiques,
notamment les plus éloignés de l’emploi : jeunes sans
qualification ou titulaires de diplômes peu adaptés à la
demande sur le marché du travail, et jeunes présentant des
freins dits « périphériques » (accès au logement, mobilité,
problèmes de santé, relations familiales dégradées). La
première et la meilleure garantie d’accès des jeunes à
l’emploi réside, en amont, dans l’efficience du système de
formation initiale et dans son adaptation aux besoins du
marché du travail. Cette question ne relève pas du présent
chapitre, qui se concentre sur les actions mises en œuvre,
223
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
224
en aval, par le ministère chargé du travail, pour accompagner vers l’emploi les
jeunes sortis de formation initiale, avec ou sans diplôme.
Ces actions sont traversées par une tension entre la politique de l’emploi, dont les
jeunes constituent une cible privilégiée, et la politique de la jeunesse, au sein de
laquelle l’insertion professionnelle revêt une place essentielle mais non exclusive.
L’État met en œuvre une large palette d’instruments, ciblés ou non sur les jeunes.
Ils peuvent être schématiquement regroupés en trois grandes catégories – qui se
recoupent en partie
1
 : l’accompagnement, la formation professionnelle et l’incitation
financière à l’embauche (cf. schéma ci-dessous). La période récente est marquée par
une priorité assumée en faveur des deux premières, au détriment de la dernière.
SCHÉMA N° 1 | Principaux dispositifs en faveur de l’emploi des jeunes
Formation professionnelle
PIC (formation des jeunes
demandeurs d’emploi)
Alternance
(contrat
d’apprentissage et de
professionnalisation)
Contrats aidés
(
[emplois d’avenir]
,
PEC CIE)
[Aide à l’embauche
des jeunes]
Emplois
francs
France
travail
EPIDE
E2C
CEJ
AIJ
IAE
Missions
locales
PACEA
[Garantie jeunes]
Incitation à l’embauche
Accompagnement
Source : Cour des comptes
Remarques : les dispositifs soulignés sont ceux qui ciblent spécifiquement les jeunes ; les [dispositifs
mentionnés entre crochets] n’existent plus aujourd’hui.
PIC : plan d’investissement dans les compétences
EPIDE : établissement pour l’insertion dans l’emploi
E2C : écoles de la deuxième chance
PACEA : parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie
CEJ : contrat d’engagement jeune
AIJ : accompagnement individualisé des jeunes
IAE : insertion par l’activité économique
PEC : parcours emploi compétences (secteur non-marchand)
CIE : contrat initiative emploi (secteur marchand)
1.
L’alternance relève à la fois de la formation et de l’incitation financière à l’embauche ; l’accompagnement
peut inclure des périodes de formation, d’immersion professionnelle ou d’emploi aidé ; les contrats aidés
comportent des obligations en matière d’accompagnement et de formation ; les écoles de la deuxième
chance combinent accompagnement, formation et expérience professionnelle ; etc.
Aux côtés de l’État, les collectivités territoriales exercent des compétences qui
contribuent, indirectement, à l’accès des jeunes à l’emploi, dans le domaine de la
formation professionnelle et du développement économique pour les régions, ou
dans celui de l’action sociale et de l’accompagnement pour les départements. Les
communes et leurs groupements interviennent également à travers des dispositifs
ciblés de soutien et d’accès aux droits.
Dans une note publiée en décembre 2021
2
, la Cour identifiait quatre « enjeux
structurels » majeurs pour cette politique publique :
mieux orienter les jeunes vers les dispositifs adaptés à leurs besoins ;
garantir la qualité et l’intensité de chacune des phases des parcours d’accom-
pagnement qui leur sont proposés ;
étendre la capacité du service public de l’emploi à s’adresser à tous les jeunes
qui en ont besoin, y compris les « invisibles » ;
améliorer la coordination des acteurs pour atteindre l’objectif d’un parcours
« sans couture ».
Depuis la publication de cette note, la situation globale des jeunes sur le marché de
l’emploi s’est améliorée et d’importantes réformes ont été conduites ou engagées :
création du contrat d’engagement jeune (CEJ) le 1
er
mars 2022, réforme des aides à
l’alternance, et surtout adoption de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi,
qui modifie l’organisation et la gouvernance du service public de l’emploi.
Pour autant, les défis auxquels les pouvoirs publics sont confrontés demeurent
en grande partie les mêmes. La progression de l’emploi des jeunes coïncide avec
un effort majeur de l’État en leur faveur, sans que le lien de causalité entre les
deux soit pleinement établi, ce qui invite à une clarification de la stratégie prenant
mieux en compte la conjoncture économique (I). L’amélioration du repérage et de
l’orientation des jeunes, du ciblage des moyens et des dispositifs, ainsi que de la
coordination des acteurs restent les trois conditions essentielles de la construction
de parcours sans rupture, adaptés aux besoins de chaque jeune (II).
L’EMPLOI DES JEUNES
225
2.
Cour des comptes,
L’insertion professionnelle des jeunes sur le marché du travail
, note sur les enjeux
structurels pour la France, décembre 2021.
en emploi
(29,2 en 2017)
35,2 %
au chômage
(9 en 2017)
inactifs
(2,3 en 2017)
soit 10,5 %
ni en études,
ni en emploi,
ni en formation
(11,3 en 2017)
}
7,
3 %
3,2 %
en études hors alternance
(59,6 en 2017)
54,3 %
313 000
c’est le nombre d’entrées
en contrat d’engagement
jeune (CEJ)
852 000
contrats d’apprentissage
conclus en 2023
(contre 305 000 en 2017)
226
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Chiffres clés
1
7
,2 %
de taux de chômage
chez les jeunes,
soit 2,4 fois plus que
celui de l’ensemble
des actifs
7
,3 Md€
de dépense liée aux
dispositifs ciblés
en 2023 (x 2,1 par
rapport à 2017)
Sauf mention contraire, les chiffres portent sur l’année 2023.
Les « jeunes » sont les personnes âgées de 15 à 24 ans.
Source : calcul de la Cour des comptes
sur la base des chiffres DGEFP et DB
Source : Insee
Source : DGEFP
Source : DGEFP
L’EMPLOI DES JEUNES
227
I.
Face à l’amélioration tendancielle de l’emploi
des jeunes, une stratégie à mettre à jour
La nette amélioration de la situation des jeunes sur le marché de l’emploi observée
depuis 2017 (A) résulte pour partie de l’effort financier massif consenti par l’État (B).
Elle repose toutefois avant tout sur des raisons exogènes, ce qui devrait conduire l’État
à mieux adapter sa stratégie à la conjoncture et à davantage cibler son effort (C).
A.
Un accès des jeunes à l’emploi marqué par une
amélioration tendancielle et des difficultés persistantes
1.
Une amélioration tendancielle depuis 2017
a)
Le recul du chômage des jeunes
Entre 2017 et 2023, le taux d’emploi des jeunes de 15 à 24 ans a augmenté de
six points, pour s’établir en 2023 à 35,2 %, son niveau le plus élevé depuis 1990.
Cette amélioration résulte à la fois d’une hausse du taux d’activité et d’une baisse
du taux de chômage
3
. Elle marque une rupture par rapport à la tendance des
quinze années précédentes : entre 2001 et 2016, le taux d’emploi avait diminué de
trois points, sous l’effet d’une hausse quasi continue du taux de chômage.
GRAPHIQUE N° 1 | Taux d’activité, d’emploi et de chômage des jeunes de 15 à 24 ans
(2017-2023)
38,1
38,8
38
36,8
39,9
42,2
42,5
29,2
30,2
30,1
28,9
32,4
34,9
35,2
23,5
22
20,8
21,5
18,9
17,3
17,2
10
15
20
25
30
35
40
45
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Taux d'activité
Taux d'emploi
Taux de chômage
Source : Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), enquête Emploi
3.
Le taux d’emploi correspond à la part des jeunes en emploi dans la population totale des jeunes, qu’ils
soient ou non actifs ; le taux d’activité correspond à la part des actifs (en emploi ou au chômage) dans la
population totale ; le taux de chômage correspond à la part des chômeurs dans la population active.
Cette amélioration tient, pour partie, au développement de l’alternance, qui
entraîne mécaniquement une hausse du nombre d’actifs en emploi et donc une
baisse du taux de chômage. L’essor de l’alternance explique aussi, à lui seul, plus de
la moitié de la hausse du taux d’emploi des jeunes observée depuis 2017.
La crise sanitaire et les conséquences économiques qui en ont résulté ont tempo-
rairement interrompu cette amélioration tendancielle. L’impact de cette crise a
toutefois été relativement contenu, notamment grâce aux mesures déployées au
bénéfice des jeunes : le taux de chômage des 15-24 ans a retrouvé, dès 2021, un
niveau nettement inférieur à celui de 2019.
Cette amélioration reflète celle de l’emploi en général. Entre 2017 et 2023, le
chômage des jeunes a reculé quasi parallèlement à celui de l’ensemble de la
population. En conséquence, le taux de chômage des jeunes reste deux fois et
demi plus élevé que celui de l’ensemble de la population.
L’année 2023 marque une inflexion, liée au ralentissement global de l’économie
française. Le taux de chômage des jeunes au premier trimestre 2024 (17,7 %) a
augmenté d’un point en un an.
b)
Des emplois plus qualifiés et plus durables
Depuis 2017, la part des jeunes relevant des cadres et professions intellectuelles
(+ 2,2 points) ou des professions intermédiaires (+ 4,6 points) tend à progresser,
tandis que celle des jeunes relevant des ouvriers qualifiés (- 1,1 point) et peu
qualifiés (- 4,7 points) recule.
La part des contrats à durée déterminée (CDD) et de l’intérim dans l’emploi des
jeunes diminue de huit points. Ce recul apparent de la précarité est principalement
imputable à la progression de l’alternance (+ 6 points). Les jeunes restent cependant
plus souvent en contrat court : en 2023, 6,6 % des jeunes en emploi sont en CDD de
moins de trois mois, contre 2 % dans l’ensemble de la population.
2.
Des difficultés persistantes
a)
Le maintien d’un nombre élevé de jeunes ni en emploi ni en formation
La part des jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET pour
« 
neither in employment nor in education or training
 ») diminue moins rapidement que
le taux de chômage des jeunes : elle s’établit en 2023 à 10,5 % parmi les 15-24 ans,
contre 11,3 % en 2017. La situation des 15-19 ans, notamment, demeure inchangée.
La persistance d’un nombre élevé de NEET (830 000 en 2023), malgré la baisse
du taux de chômage des jeunes, n’est paradoxale qu’en apparence. D’une part, le
nombre de jeunes chômeurs n’a que faiblement diminué depuis 2017, la baisse du
taux s’expliquant surtout par la hausse du nombre des jeunes actifs. D’autre part,
le nombre de jeunes inactifs qui ne sont pas en formation sans pour autant être
considérés comme chômeurs au sens statistique a augmenté.
228
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
L’EMPLOI DES JEUNES
229
GRAPHIQUE N° 2 | Part des « 
NEET
 » dans les 15-24 ans
5,8
5,6
5,1
5,8
5,7
5,7
5,8
17,3
16,9
16,4
17,2
15,9
14,9
15,5
11,3
11,0
10,5
11,3
10,6
10,1
10,5
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
15-19 ans
20-24 ans
15-24 ans
Source : Insee,
« Activité, emploi et chômage en 2022 et en séries longues »
, 29 juin 2023
b)
La persistance des inégalités devant l’emploi
L’accès à l’emploi demeure très dépendant du niveau de diplôme, même si les inégalités
selon le niveau de diplôme se sont légèrement réduites au cours des dernières années.
Ces inégalités sont, pour une large part, le reflet indirect d’autres inégalités et en
particulier de mécanismes de reproduction sociale. À l’inverse, à diplôme équivalent,
les jeunes dont les parents sont employés ou ouvriers ont moins de chances
d’accéder à un emploi de cadre que ceux dont les deux parents sont cadres
4
.
GRAPHIQUE N° 3 | Taux de chômage des 15-24 ans selon le diplôme
Diplôme supérieur
Baccalauréat + 2 ans
Baccalauréat ou brevet pro
Aucun diplôme, CEP ou brevet
CAP, BEP ou équivalent
10
15
20
25
30
35
40
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Source : Insee, enquête emploi 2022, séries longues sur le marché du travail
4.
Cf. Dabet, Epiphane, Personnaz,
Parcours scolaires et insertion professionnelle : l’implacable effet de
l’origine sociale,
Céreq Etudes, n° 51, 2023.
230
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Les inégalités sont également territoriales : en 2023, dans l’Hexagone, le taux de
chômage des 15-24 ans est supérieur à 20 % dans 18 départements ; dans les
quatre départements ultramarins, il est compris entre 28 et 40 %. Ces inégalités
concernent tout particulièrement les quartiers prioritaires de la politique de la ville
(QPV). Fin 2022, les résidents des QPV représentaient 15,7 % du nombre total des
demandeurs d’emploi de moins de 26 ans
5
, alors que leur part dans la population
totale de 15 à 24 ans est d’environ 10 %. La situation relative des jeunes des QPV
s’est toutefois améliorée par rapport à celle des jeunes des quartiers environnants.
Le chômage des jeunes dans les outre-mer
En 2023, le taux de chômage des jeunes est compris, dans les départements
ultramarins, entre 28 % (Martinique) et 40 % (Guadeloupe), alors que la
moyenne est inférieure à 17 % dans l’Hexagone.
Ces difficultés d’accès des jeunes à l’emploi sont le reflet d’une situation
globalement dégradée du marché de l’emploi : en outre-mer comme dans
l’Hexagone, le taux de chômage des jeunes est plus de deux fois supérieur
à celui de l’ensemble de la population.
TABLEAU N° 1 | Taux de chômage des jeunes en outre-mer (2023)
15-24 ans
Ensemble
Ratio
Guadeloupe
40,1
18,6
2,2
Martinique
28,0
10,8
2,6
Guyane
31,9
14,0
2,3
La Réunion
39,3
19,0
2,1
France métropolitaine
16,8
7,1
2,4
Source : Insee, enquête Emploi, chômage, revenus du travail, édition 2024
Enfin, le chômage touche en 2023 plus les jeunes hommes (18,1 %) que les jeunes
femmes (16,1 %), alors que c’était l’inverse en 2017. Cela s’explique notamment
par la progression de l’alternance, qui a proportionnellement davantage bénéficié
aux jeunes femmes.
c)
Des performances qui restent inférieures à celles des pays européens comparables
Depuis 2017, la situation s’améliore plus rapidement en France que dans la
moyenne des autres pays de l’Union européenne : le taux de chômage des jeunes
a reculé de plus de six points en France tandis que la moyenne européenne ne
diminuait que de quatre points.
5.
Insee, Données sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville, fiche
« insertion professionnelle 2023 »
.
L’EMPLOI DES JEUNES
231
Toutefois, la France continue d’afficher, en matière d’emploi des jeunes, des
performances moindres. En 2023, le taux de chômage des 15-24 ans est ainsi
plus élevé en France (17,2 %) que dans l’ensemble de l’Union européenne (14,5 %). Il
reste nettement plus haut qu’en Allemagne (5,9 %) ou au Danemark (11,5 %) ; il est
en revanche moins élevé qu’en Espagne (28,7 %) ou en Suède (22,1 %).
De même, la part des NEET de 15 à 24 ans reste, en 2023, plus élevée en France
(10,5 %) que dans l’Union européenne (9,2 %). Le taux français est comparable
à celui de l’Espagne ; il est supérieur de moitié à celui de l’Allemagne ou de la
Belgique, et s’élève à plus du double de celui de la Suède. Parmi nos voisins, seule
l’Italie compte un taux plus élevé.
CARTE N° 1 | Taux des NEET parmi les 15-24 ans dans l’UE (2023)
Data not available
˜ 3.3 to 6.5
˜ 6.5 to 7.43
˜ 7.43 to 8.7
˜ 9.83 to 12.23
˜ 8.7 to 9.83
˜ 12.23 to 22.4
Source : Eurostat, enquête sur les forces de travail
232
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
B.
Une forte progression des moyens consacrés
à l’emploi des jeunes
1.
Un effort financier total non mesuré par l’État
L’effort financier en faveur de l’emploi des jeunes est difficile à mesurer précisément,
même en se limitant aux dépenses de l’État. Faute d’outils adéquats, le ministère
chargé de l’emploi n’est pas en mesure de suivre, en temps réel, la dépense totale
en faveur de l’emploi des jeunes, qu’elle résulte des dispositifs ciblés ou de droit
commun. Le rétablissement du « document de politique transversale » relatif aux
politiques en faveur de la jeunesse
6
nécessite que l’administration se dote des outils
budgétaires permettant de suivre plus finement l’évolution des dépenses. Faute de
données disponibles, la Cour a retracé la dépense de l’État en retenant un périmètre
restreint, circonscrit aux seuls dispositifs qui ciblent spécifiquement les jeunes :
dispositifs d’accompagnement centrés sur ces publics (missions locales, contrat
d’engagement jeune,
Épide,
écoles de la deuxième chance, etc.), contrats aidés
réservés aux jeunes, aides à l’embauche d’apprentis.
2.
Un doublement des moyens ciblés sur l’emploi des jeunes depuis 2017
Sur ce périmètre restreint, qui ne rend pas compte de l’intégralité de l’effort
financier de l’État, la dépense totale s’établit en 2023 à 7,3 Md€, soit plus du
double de la dépense totale mesurée en 2017 (3,4 Md€).
GRAPHIQUE N° 4 | Évolution 2017-2023 de la dépense ciblée sur l’emploi des jeunes
(en M€)
Accompagnement
Aides à l'embauche
Formation et apprentissage
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
7 000
8 000
9 000
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Source : Cour des comptes, à partir des données budgétaires
6.
Ce document, qui avait été supprimé en 2022, a été rétabli par un amendement parlementaire et devra
être annexé au projet de loi de finances pour 2025.
Cette hausse globale masque en réalité trois périodes distinctes, marquées par
des fluctuations dont l’évolution des dépenses en faveur de l’alternance, à partir
de 2021, explique une large part :
la baisse de la dépense entre 2017 et 2019 (- 34 %) s’explique par la forte
contraction des dépenses d’aide à l’embauche, consécutive à la réduction
significative du recours aux contrats aidés ;
entre 2019 et 2021, la dépense totale a été multipliée par près de quatre, sous
l’effet des mesures massives mises en œuvre en réaction à la crise sanitaire dans
le cadre du plan
« un jeune, une solution »
(1J1S)
7
lancé à l’été 2020 ; l’Union
européenne, dans le cadre de la
« facilité pour la reprise et la résilience »
(FRR),
en a pris en charge une partie significative ;
la dépense totale reflue à partir de 2022 sous l’effet de la contraction des
dépenses d’aide à l’embauche ; en revanche, les dépenses d’accompagnement
se maintiennent à un niveau deux fois supérieur à celui d’avant la crise sanitaire ;
de même, les dépenses liées à l’alternance ne diminuent que faiblement, en dépit
de la réforme des aides à l’embauche de 2023. Au total, la dépense de l’État en
faveur de l’emploi des jeunes reste, en 2023, trois fois supérieure à celle de 2019.
C.
Un lien de causalité incertain entre l’effort financier
de l’État et l’amélioration de l’emploi des jeunes
1.
La conjoncture économique, principal déterminant de l’accès
des jeunes à l’emploi
Les jeunes sont plus exposés aux fluctuations conjoncturelles de l’emploi. En effet,
en période de contraction, ce sont les premières victimes de la hausse du chômage,
car ils subissent, plus que les autres actifs, le ralentissement des embauches et la
non-reconduction des contrats courts. Cette corrélation, bien établie par la littérature
économique
8
, n’est pas propre à la France.
Les évolutions récentes confirment que l’accès des jeunes à l’emploi dépend avant
tout de la conjoncture économique. La crise sanitaire a touché davantage les
jeunes malgré les mesures massives adoptées en leur faveur. Ce sont également
les principales victimes du récent ralentissement de la croissance : en 2023, le
nombre de demandeurs d’emploi de moins de 25 ans a augmenté de 4,5 %, contre
0,4 % dans l’ensemble de la population.
Le taux de chômage des jeunes est ainsi étroitement corrélé au taux de chômage
global, dont il amplifie les fluctuations. Les comparaisons territoriales et inter-
nationales confirment ce constat : les départements où le taux de chômage des
jeunes est élevé sont aussi, généralement, ceux qui enregistrent un taux de chômage
L’EMPLOI DES JEUNES
233
7.
Ce plan reposait à la fois sur des mesures nouvelles (aide exceptionnelle à l’embauche d’alternants,
aide temporaire à l’embauche des jeunes) et sur l’amplification de dispositifs existants (contrats aidés,
accompagnement).
8.
Voir par exemple : Yannick Fondeur et Claude Minni,
L’emploi des jeunes au cœur des dynamiques du
marché du travail,
Économie et statistiques n° 378-379, 2004.
global important ; si, chez nombre de nos voisins, les jeunes sont moins exposés au
chômage, c’est avant tout parce que le niveau global du chômage y est plus faible,
et non parce que la situation relative des jeunes y serait meilleure.
2.
Un impact des dispositifs encore mal connu
Le taux de sortie en emploi des jeunes bénéficiaires des dispositifs est, en règle
générale, suivi et fait l’objet de plusieurs indicateurs de performance dans les
documents budgétaires. Toutefois, ces données sont, à elles seules, peu éclairantes :
elles ne disent rien de l’efficacité du dispositif, ignorent les effets d’aubaine ou
de substitution et ne permettent pas de comparer les dispositifs entre eux. Peu
homogènes, elles mesurent l’accès à un emploi ou une formation, tantôt dès l’entrée
dans le dispositif, tantôt un mois ou six mois après la sortie du dispositif. Le ministère
chargé de l’emploi indique qu’un travail d’harmonisation est en cours.
L’évaluation des dispositifs est trop rarement intégrée à leur conception, comme
l’illustre la construction laborieuse de l’indicateur de performance relatif au
contrat d’engagement jeune (CEJ), stabilisé deux ans après le déploiement du
dispositif. Le plan d’investissement dans les compétences (PIC) fait, à cet égard,
figure d’exception. Le recours à l’expérimentation préalable à la généralisation,
comme pour la Garantie jeunes, reste aussi trop rare.
Certains dispositifs ont fait l’objet d’évaluations contrefactuelles, indispensables
pour apprécier leur plus-value, en comparant les trajectoires des bénéficiaires et
des non-bénéficiaires. Elles se heurtent toutefois à la dispersion et au manque
de fiabilité des données administratives des opérateurs, que seul le croisement
avec des sources plus robustes telles que la déclaration sociale nominative et la
conduite d’enquêtes
ad hoc
permet de pallier. Du fait de la nécessité d’apprécier la
situation des jeunes avec un recul suffisant par rapport à leur sortie du dispositif,
les évaluations publiées portent sur des données souvent anciennes et, parfois, sur
des dispositifs déjà modifiés voire abandonnés.
L’impact global, tenant compte des éventuels effets de substitution entre
bénéficiaires et non-bénéficiaires, n’est quant à lui jamais évalué, sinon dans
de rares travaux scientifiques. Il est donc impossible de dire si les mesures déployées
ont un quelconque impact sur le niveau d’emploi des jeunes et si elles emportent des
effets de substitution entre jeunes et non-jeunes sur le marché du travail.
En dépit de ces limites fortes, quelques enseignements généraux ressortent des
évaluations récentes :
les incitations financières à l’embauche ont un impact limité sur l’emploi des
jeunes, compte tenu des effets d’aubaine et de substitution. Sur les contrats aidés,
pourtant abondamment utilisés en réponse à la crise sanitaire, les évaluations
disponibles sont anciennes et portent sur les dispositifs antérieurs à la réforme de
2018. Les évaluations de l’aide à l’embauche des jeunes créée par le plan
1J1S
et
des emplois francs montrent que les incitations financières n’ont presque aucun
effet sur le taux d’emploi des jeunes. Elles peuvent, en revanche, contribuer à
la qualité de l’emploi en limitant le recours aux contrats précaires ;
234
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
les dispositifs d’accompagnement produisent des résultats plus significatifs.
Toutefois, il reste difficile de savoir si un accompagnement plus intensif, donc
plus coûteux, aboutit à une meilleure insertion, compte tenu de l’hétérogénéité
des indicateurs et des différences de caractéristiques entre les bénéficiaires de
chaque dispositif. Une étude interne de France Travail suggère que l’efficacité
d’un dispositif serait corrélée à sa spécialisation davantage qu’à son intensité :
en neutralisant les différences de caractéristiques observables entre leurs
bénéficiaires, le contrat d’engagement jeune et l’accompagnement individualisé
des jeunes
9
affichent un meilleur taux d’accès à l’emploi que l’accompagnement
de droit commun ;
plusieurs travaux montrent que les jeunes issus de l’apprentissage accèdent
plus facilement à l’emploi et occupent des emplois de meilleure qualité que
ceux issus de la formation initiale sous statut étudiant  ; la formation des
demandeurs d’emploi, quant à elle, semble avoir moins d’impact sur le retour
à l’emploi des jeunes que sur celui des chômeurs plus âgés.
3.
Une stratégie à formaliser
La politique en faveur de l’emploi des jeunes souffre d’une absence de stratégie
d’ensemble. Le plan
1J1S,
conçu comme une réponse à la crise sanitaire, ne constitue
plus une référence pertinente. Les pouvoirs publics devraient se doter d’un cadre
stratégique rénové et régulièrement actualisé à l’aune de la conjoncture économique.
Le CEJ et la nouvelle gouvernance issue de la loi pour le plein emploi en fournissent
l’occasion.
Cela suppose d’abord de définir plus clairement l’objectif poursuivi. Dès lors que
l’accès des jeunes à l’emploi dépend avant tout de la situation du marché du travail,
les dispositifs ciblés sur les jeunes devraient avoir comme principal objectif de lutter
contre les difficultés spécifiques qu’ils rencontrent : la réduction de l’écart entre le
taux de chômage des 15-24 ans et celui de l’ensemble des actifs et la diminution du
taux de NEET pourraient constituer les objectifs transversaux.
La formalisation de la stratégie permettrait également de mieux distinguer, parmi
les difficultés d’accès à l’emploi, celles qui sont spécifiques aux jeunes et justifient
le recours à des outils ciblés, et celles qui sont le reflet de dysfonctionnements plus
globaux, auxquelles les dispositifs de droit commun ont davantage vocation à répondre.
La sensibilité de l’emploi des jeunes à la conjoncture économique devrait, par
ailleurs, inciter l’État à privilégier des politiques contracycliques. La baisse de la
dépense entre 2017 et 2019 et l’effort financier massif consenti en 2020 et 2021
répondent à cette logique. En revanche, depuis 2022, le maintien de la dépense
totale à un niveau nettement supérieur à celui antérieur à la crise contraste avec
d’importantes tensions de recrutement, qui facilitent l’accès des jeunes à l’emploi.
L’EMPLOI DES JEUNES
235
9.
Il s’agit du dispositif d’accompagnement intensif réservé aux jeunes, déployé depuis 2014 par Pôle
Emploi/France Travail. L’AIJ s’adresse aux jeunes de moins de 26 ans inscrits comme demandeurs d’emploi,
qui rencontrent des difficultés récurrentes pour intégrer durablement l’entreprise ou pour lesquels un risque
de chômage de longue durée est précocement détecté.
236
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Certes, la persistance de difficultés structurelles justifie le maintien d’un effort
significatif : plus un jeune est éloigné de l’emploi, plus la dépense qu’il faut
consentir pour l’y insérer est élevée ; lorsque la conjoncture est favorable, les
jeunes qui restent à l’écart de l’emploi sont ceux qui requièrent un accompagnement
plus poussé. En outre, des à-coups trop brutaux dans la mise en œuvre des dispositifs
empêchent le déploiement d’une action de long terme.
Pour autant, les dispositifs doivent être adaptés à la conjoncture, tant dans
leur volume que dans leur nature, comme cela a été fait au niveau européen.
L’amélioration globale de l’emploi des jeunes observée depuis 2021 devrait
conduire les pouvoirs publics à ajuster la dépense globale et, surtout, à cibler
davantage leurs efforts vers les publics les plus éloignés de l’emploi, moins
susceptibles de bénéficier de l’amélioration de la conjoncture.
II.
Construire des parcours sans rupture
et adaptés aux besoins de chaque jeune
Tendre vers un tel objectif suppose d’améliorer les méthodes de repérage et
d’orientation (A), de cibler davantage les moyens sur ceux qui en ont le plus besoin
(B) et de renforcer la coordination des acteurs (C).
A.
Améliorer le repérage et l’orientation des jeunes
1.
Des outils de diagnostic et des critères d’orientation perfectibles
La palette des dispositifs, particulièrement complexe, manque de lisibilité, en
partie du fait de la dispersion des acteurs. Ainsi, les missions locales et France
Travail s’appuient chacun sur des dispositifs propres, tels que le parcours
contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) pour les
premières et l’accompagnement individualisé des jeunes (AIJ) pour le second. La
création du contrat d’engagement jeune, en 2022, a permis pour la première fois
de les doter d’un dispositif commun ; toutefois, elle ne s’est pas accompagnée
d’une refonte des dispositifs préexistants et l’offre globale demeure complexe.
Le contrat d’engagement jeune (CEJ)
La
Garantie Jeunes,
expérimentée à partir de 2013 puis généralisée en
2017, était un dispositif d’accompagnement mis en œuvre exclusivement
par les missions locales et s’inscrivait dans le Pacea, dont elle constituait
une modalité. Elle prenait la forme d’activités collectives et d’entretiens
individuels. Sa durée était de 9 à 12 mois, renouvelable jusqu’à 18
mois. Elle était assortie d’une aide financière mensuelle de 497,50 €
maximum, modulable selon la situation financière du bénéficiaire.
L’EMPLOI DES JEUNES
237
Lancé en mars 2022, le CEJ se substitue à la
Garantie Jeunes,
mais peut
quant à lui être proposé non seulement par les missions locales mais
également par Pôle Emploi. Il propose un accompagnement individuel
et intensif à des jeunes de 16 à 25 ans, ni étudiants ni en formation, et
présentant des difficultés d’accès à l’emploi durable ainsi qu’un risque
élevé d’exclusion professionnelle. Ses critères d’éligibilité ont été assouplis
par rapport à ceux de la
Garantie jeunes.
La motivation du jeune et
l’appréciation de ses besoins restent les critères principaux d’orientation.
D’une durée pouvant aller jusqu’à 12 mois, il se matérialise par une
obligation de réaliser 15 à 20 heures d’activités par semaine visant
à une insertion rapide dans l’emploi (ateliers collectifs, immersions
professionnelles, formations, démarches autonomes supervisées telles
que la préparation de CV, etc.). En contrepartie, le jeune peut bénéficier, en
fonction de ses ressources ou celles de son foyer, d’une allocation pouvant
aller jusqu’à 552,29 € par mois.
La multiplicité des dispositifs peut certes permettre d’adapter finement la réponse
aux besoins de chaque jeune et de la faire évoluer dans le temps. Encore faut-il pour
cela que les conseillers chargés de les accompagner puissent s’appuyer sur des outils
de diagnostic robustes et sur des critères d’orientation pertinents, complémentaires
des règles d’éligibilité fixées par les textes.
Or ces outils et critères font encore aujourd’hui défaut, malgré les efforts
déployés au niveau national et local. Certains opérateurs se sont dotés de supports
méthodologiques destinés à aider les conseillers ; c’est notamment le cas de France
Travail et de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi (Épide). Cependant, les outils
d’aide à la décision ne sont pas unifiés entre les réseaux et leur appropriation par les
conseillers chargés de l’orientation reste inégale. Il en résulte des choix d’orientation
hétérogènes, susceptibles d’être influencés par des considérations sans rapport avec
les besoins réels du jeune.
L’harmonisation des allocations associées aux différents dispositifs mis en œuvre
depuis 2022 a limité les effets de concurrence entre dispositifs : elle constitue un
progrès bienvenu.
En revanche, les biais liés aux cibles en volume fixées au plan national et réparties
territorialement demeurent : les opérateurs peuvent être incités à orienter un jeune
vers les dispositifs dont ils redoutent de ne pas atteindre la cible fixée,
a fortiori
lorsque l’atteinte de cet objectif conditionne une partie de leur financement. La
montée en charge du CEJ s’est par exemple opérée au détriment de l’AIJ (France
Travail) et du Pacea (missions locales), dispositifs préexistants et de moindre
intensité
10
 : il est possible qu’une partie des jeunes orientés vers le CEJ l’aient
été moins parce qu’ils avaient réellement besoin d’un accompagnement intensif
que parce que les prescripteurs étaient soucieux d’atteindre leurs objectifs.
10.
Entre fin 2021 et fin 2023, le nombre de bénéficiaires de l’AIJ et du Pacea (hors
Garantie Jeunes
) a
diminué respectivement de 43 000 et de 111 000 en deux ans, soit une baisse totale presque équivalente à
l’effectif total du CEJ (186 000 fin 2023).
De même, il est moins aisé de « remplir les quotas » définis nationalement et d’afficher
des « taux de sortie positive » élevés avec des jeunes plus éloignés de l’emploi, ce
qui risque de les reléguer au second plan en termes d’accompagnement.
La recommandation
11
formulée par la Cour en 2022 a donc été mise en œuvre
s’agissant de l’harmonisation des allocations mais reste d’actualité en ce qui concerne
l’élaboration de méthodes de diagnostic et de critères d’orientation communs. La
constitution du « réseau pour l’emploi » (cf.
infra
), qui vise notamment la mise en
œuvre de méthodes communes, pourrait y contribuer. Un référentiel commun de
diagnostic socio-professionnel et des critères d’orientation partagés ont ainsi été
adoptés le 21 juillet 2024 par le nouveau Comité national pour l’emploi.
2.
Des démarches de repérage des « invisibles » à inscrire
dans la durée
Les politiques d’insertion sont confrontées à la difficulté de repérer et d’atteindre
les publics dits « invisibles », qui ne franchissent pas ou plus le seuil du service public
de l’emploi. Les jeunes éloignés de l’emploi, et notamment ceux qui cumulent des
difficultés multiples, sont particulièrement sujets à cette « invisibilisation ».
Leur repérage et leur remobilisation figurent parmi les missions des opérateurs
du service public de l’emploi et en particulier des missions locales ou de l’Épide,
qui développent des actions en ce sens. Toutefois, conscients des difficultés de ces
opérateurs à « aller vers » les jeunes en rupture, les pouvoirs publics ont choisi
de s’appuyer sur le secteur associatif. Ils ont, à cette fin, lancé plusieurs appels à
projets successifs, d’abord en 2019, dans le cadre du plan d’investissement dans les
compétences (PIC), puis en 2022 et 2023, au titre du volet « Jeunes en rupture » du
CEJ : les structures lauréates doivent repérer les jeunes en rupture, les remobiliser
pour les amener vers le CEJ et les accompagner, conjointement avec la mission
locale, pendant et après le parcours en CEJ. Or ces appels à projets souffrent de
plusieurs limites
12
 :
des calendriers resserrés qui n’ont pas toujours permis de réaliser des diagnostics
territoriaux détaillés, de construire des projets innovants, ni de constituer des
consortiums solides ;
des incertitudes entourant les notions de « jeune en rupture » et de « co-accompa-
gnement », qui traduisent une forme de concurrence entre les structures lauréates
et les missions locales ;
des problèmes de coordination entre les nombreux acteurs de
« l’aller-vers »
,
confinant parfois à un embouteillage et provoquant, chez certains, une forme
de lassitude ;
238
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
11.
« Orienter les jeunes vers les dispositifs en fonction d’un diagnostic et de critères communs à l’ensemble
des opérateurs, et poursuivre l’harmonisation de l’indemnisation des bénéficiaires, de manière à limiter la
concurrence entre dispositifs »
Cour des comptes, Les acteurs publics face à la crise : une réactivité certaine,
des fragilités structurelles accentuées, rapport public annuel, chapitre 3, Le plan #1jeune1solution,
recommandation n° 1, pp. 135 et s., mars 2022.
12.
Cf. par exemple : Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ), Le CEJ – 2
ème
rapport d’étape, février 2024.
des difficultés à inscrire les jeunes repérés, souvent défiants à l’égard des
institutions et peu confiants en leurs possibilités, dans le cadre exigeant du CEJ.
Le repérage et la remobilisation des « invisibles » doivent désormais dépasser le
stade expérimental et s’inscrire dans une démarche plus structurelle et plus lisible,
indispensable à la conduite d’un travail de long terme et partenarial entre le service
public de l’emploi et les associations de quartier. La loi du 18 décembre 2023 pour
le plein emploi en fournit la possibilité, en consacrant une nouvelle catégorie
d’organismes spécialisés dans
« l’aller-vers »
13
 ; l’État pourra conclure des conventions
pluriannuelles avec ces organismes qui seront associés au réseau pour l’emploi.
B.
Cibler les moyens sur les jeunes les plus éloignés
de l’emploi
Plus l’économie tend vers le plein emploi, plus l’effort de l’État devrait être
ciblé sur les jeunes confrontés aux difficultés les plus lourdes, ayant besoin d’un
accompagnement intensif et d’incitations financières efficaces. Or ce ciblage n’est
aujourd’hui pas pleinement assuré.
1.
Des méthodes de fixation des cibles et de répartition
des moyens à améliorer
La Cour avait recommandé, en 2022, de mieux proportionner les cibles d’entrées
assignées à chaque dispositif à la réalité de l’évolution de l’emploi des jeunes dans
les territoires
14
. Cette recommandation reste pleinement pertinente.
Au niveau national, la détermination des cibles ne repose pas toujours sur une
évaluation rigoureuse des besoins. Les objectifs d’entrées en CEJ ont, par exemple,
reposé sur la reconduction, pour les missions locales, de la cible d’entrées en
Garantie jeunes
(doublée à l’occasion du Plan 1J1S), à laquelle s’est ajoutée, pour
France Travail, une cible arbitrairement fixée à la moitié de celle des missions
locales, soit un total de 300 000 entrées. Ces objectifs ambitieux, définis alors
que la conjoncture économique était favorable, n’ont reposé ni sur un diagnostic
formalisé ni sur une évaluation du nombre de jeunes éloignés de l’emploi et ayant
besoin d’un accompagnement intensif, dont le nombre de NEET ne fournit qu’une
indication partielle. Une réduction de l’objectif (- 15 000 entrées côté France
Travail) a été amorcée en 2024, mais les données provisoires disponibles laissent
entrevoir un dépassement de la cible, imputable aux missions locales.
L’EMPLOI DES JEUNES
239
13. Article L. 5311-6 du code du travail. 
14.
Cour des comptes, Les acteurs publics face à la crise :
une réactivité certaine, des fragilités structurelles
accentuées
, rapport public annuel, chapitre 3, Le plan #1jeune1solution, recommandation n° 4, pp. 135 et s.,
mars 2022.
Au niveau territorial, les cibles sont réparties selon une méthode propre à chaque
dispositif et à chaque acteur. Ces règles de répartition ne garantissent ni une
allocation optimale des ressources ni une cohérence d’ensemble de la stratégie
en faveur de l’emploi des jeunes. Ainsi :
s’agissant des moyens alloués aux missions locales, après la tentative avortée
de mise en place d’un financement à la performance, les règles de répartition
antérieures ont été rétablies dès 2021. Elles souffrent d’importants effets
d’inertie
15
qui aboutissent à reconduire, pour l’essentiel, la répartition de
l’année précédente et ne permettent ni de corriger les déséquilibres territoriaux
ni de prendre en compte la performance de chaque mission locale, comme le
prévoit pourtant la loi
16
 ;
en ce qui concerne la formation des demandeurs d’emploi, les objectifs d’entrée
en formation des jeunes demandeurs d’emploi n’ont été déclinés territorialement
que de manière éphémère, dans le cadre du plan 1J1S. La contractualisation avec
les régions gagnerait pourtant à être assise sur un diagnostic partagé avec les
opérateurs prescripteurs de formation.
De manière générale, le pilotage par l’offre reposant sur des cibles en volume pour
chaque dispositif devrait progressivement céder la place à un pilotage par les besoins
et les résultats. Les opérateurs pourraient ainsi disposer d’une plus grande latitude
dans le choix des moyens, en contrepartie d’une évaluation plus systématique de
leur performance, prise en compte dans les financements alloués. Cela implique
toutefois de prévenir les effets pervers en construisant une méthode robuste,
évaluant la performance en fonction des réalités locales du marché de l’emploi ainsi
que de la distance à l’emploi des publics suivis, dont la mesure est délicate (cf.
infra
).
2.
Un accompagnement à mieux adapter aux besoins
et à la motivation de chaque jeune
La montée en puissance du CEJ, au détriment des autres modes d’accompagnement
(AIJ, Pacea), traduit la priorité donnée par les pouvoirs publics à l’accompagnement
intensif des jeunes sans emploi. Ce choix est conforme au constat que, lorsque la
situation du marché de l’emploi s’améliore, les jeunes confrontés à des difficultés
lourdes restent à l’écart de l’emploi. Encore faut-il s’assurer de l’adéquation de
l’accompagnement aux besoins et aux motivations de chaque jeune.
À cet égard, l’analyse des caractéristiques des bénéficiaires confirme l’existence d’une
corrélation entre l’intensité de l’accompagnement et l’éloignement par rapport à
l’emploi, tel qu’il est généralement apprécié à travers les indicateurs d’âge, de niveau
de qualification ou de lieu de résidence. Ces chiffres ne donnent qu’une indication
partielle : la distance à l’emploi dépend aussi de facteurs moins facilement mesurables
tels que la confiance en soi, la motivation ou la maturité du projet professionnel.
240
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
15.
Au niveau national, l’enveloppe globale de fonctionnement est répartie entre les régions à 90 % en
fonction du poids historique de chaque région et à seulement 10 % selon des indicateurs de contexte et
d’activité, tandis que la part liée au CEJ est répartie en fonction des entrées en CEJ observées l’année
précédente. Au niveau régional, les services déconcentrés du ministère chargé de l’emploi répartissent
comme ils l’entendent ces enveloppes régionales entre les missions locales de leur ressort, mais la rigidité
de la répartition nationale limite leurs marges de manœuvre.
16.
Article L. 5314-2 du code du travail.
L’EMPLOI DES JEUNES
241
TABLEAU N° 2 |  Caractéristiques des bénéficiaires des dispositifs d’accompagnement
Pacea
(ML)
dont
GJ
CEJ
(ML)
CEJ
(FT)
AIJ
(FT)
Renforcé
(FT)
Epide
E2C
Période concernée
2019-2021
03/2022
- 12/2023
03/2022
– 09/2023
2023
2023
% des < 21 ans
70 %
81 %
74 %
55 %
n.d.
n.d.
76 %
80 %
% des diplômés
de niv. 3 ou <
65 %
73 %
66 %
49 %
26 %
49 %
92 %
89 %
% des résidents QPV
18 %
22 %
21 %
13 %
11 %
13 %
33 %
28 %
% des résidents ZRR
n.d.
n.d.
13 %
14 %
13 %
14 %
n.d.
n.d.
Sources : Dares (Pacea, GJ et CEJ), DGEFP (Epide et E2C) et France Travail (AIJ et Renforcé). QPV : quartiers
prioritaires de la politique de la ville. ZRR : zones de revitalisation rurale.
Le ciblage des dispositifs les plus intensifs–Épide et écoles de la deuxième chance
(E2C)–sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi, notamment les mineurs, a été
renforcé. À l’inverse, la substitution du CEJ à la Garantie jeunes en 2022 s’est traduite
par une dilution du ciblage : les bénéficiaires du CEJ, et en particulier ceux suivi par
France Travail, sont, en moyenne, moins éloignés de l’emploi que ceux de la Garantie
Jeunes au regard des critères rappelés ci-dessus. Il n’est pas certain que tous les
bénéficiaires du CEJ aient besoin d’un accompagnement aussi intensif.
En outre, l’individualisation des parcours peut encore progresser. En effet, la règle
des 15 heures d’activités hebdomadaires, fixée dans la circulaire relative au CEJ et
reprise dans la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, ne doit pas constituer
un cadre rigide qui briderait inutilement les conseillers et qui ne tiendrait compte
ni des besoins effectifs du jeune ni de la réalité de l’offre disponible localement. Au
demeurant, cette règle n’est aujourd’hui respectée que dans deux cas sur trois, et
pour une large part grâce aux démarches autonomes, comptabilisées de manière
forfaitaire et contrôlées de manière inégale. France Travail souligne que cette
durée constitue un repère mais « n’est pas une fin en soi ».
Ces constats devraient inviter les pouvoirs publics à une réflexion sur le
devenir du CEJ, que l’évaluation conduite par la direction de l’animation de
la recherche, des études et des statistiques (Dares) pourra alimenter. Il s’agit
à la fois d’asseoir le dimensionnement du dispositif sur un diagnostic précis
et de renforcer l’individualisation des parcours en fonction des besoins des
jeunes. La réduction du volume, assortie d’un recentrage sur les jeunes les
plus éloignés de l’emploi, et la modulation de la règle des 15 heures pourraient
à cet égard être envisagées.
3.
Un recentrage des contrats aidés sur les jeunes les plus éloignés
de l’emploi à poursuivre
Les évaluations disponibles montrent que les incitations financières à l’embauche
s’accompagnent d’effets d’aubaine importants et n’ont qu’un impact limité sur le
niveau global de l’emploi des jeunes. Elles doivent donc être réservées aux jeunes
les plus éloignés de l’emploi.
La dégradation de la conjoncture consécutive à la crise sanitaire a pu justifier un
recours plus massif et moins discriminé à ces incitations :
l’aide à l’embauche des jeunes (AEJ) était ainsi délibérément peu ciblée
puisqu’elle bénéficiait à toute embauche en contrat à durée indéterminée (CDI)
ou CDD de plus de trois mois d’un jeune payé jusqu’à deux fois le salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC) ;
la hausse des enveloppes de contrats aidés s’est traduite par une dilution du
ciblage de ces dispositifs, au sein desquels la part des diplômés du supérieur
s’est accrue transitoirement.
La sortie progressive du plan 1J1S, avec l’extinction de l’AEJ et la réduction des
contrats aidés, conduit à un recentrage des incitations financières sur les publics
les plus éloignés de l’emploi, qu’il convient de poursuivre.
La place de l’accompagnement et de la formation dans les contrats aidés, qui
conditionne leur efficacité et justifie le soutien financier de l’État, doit être
renforcée. Les actions de formation prévues par la quasi-totalité des contrats
ne semblent pas systématiquement mises en œuvre
17
et débouchent rarement
sur l’acquisition d’une qualification. Le renforcement des exigences qualitatives qui
guide la stratégie de l’État depuis 2018 reste donc inachevé et doit être poursuivi.
Les jeunes sont par ailleurs d’importants bénéficiaires de certaines incitations
financières de droit commun : emplois francs
18
, insertion par l’activité économique
(IAE), aide à la création ou à la reprise d’entreprise (Acre)
19
. Le recours à l’IAE a été
encouragé par le plan 1J1S et la part des jeunes a augmenté pour atteindre 25 % en
2022. Compte tenu des performances de ce dispositif en matière d’accès à l’emploi
durable et des caractéristiques des publics qu’il vise, marqués par des difficultés
d’insertion sociale et professionnelle lourdes, un resserrement des conditions
d’accès des jeunes à l’IAE, aujourd’hui très souples, mériterait d’être étudié.
242
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
17.
En 2019, seuls 70 % des salariés sortis d’un parcours emploi compétences (secteur non marchand)
déclaraient avoir suivi une formation ; ce taux a chuté sous l’effet de la crise sanitaire (52 % en 2021).
18.
La part élevée des jeunes parmi les bénéficiaires (23 %) s’explique avant tout par la démographie des QPV.
19.
Le nombre total des bénéficiaires de l’Acre diminue depuis 2020, mais la part des jeunes est en hausse et
dépasse les 30 % en 2022.
4.
Un effort en faveur de la formation professionnelle à mieux cibler
a)
L’absence de ciblage des aides à l’alternance
L’aide exceptionnelle à l’embauche d’apprentis
20
, instaurée en réponse à la crise
sanitaire et prolongée jusqu’à la fin 2022, a massivement contribué à l’augmentation
du nombre d’entrées en apprentissage, qui a doublé entre 2019 et 2021.
Sous l’effet de cette incitation financière renforcée et élargie, la part des jeunes
préparant un diplôme de niveau supérieur dans le total des entrées en apprentis-
sage a fortement augmenté, passant de 41 % en 2018 à 62 % en 2023. Les trois
quarts de la progression de l’apprentissage entre 2018 et 2022 sont imputables
à l’enseignement supérieur.
Comme la Cour l’a déjà souligné
21
, du point de vue de la politique de l’emploi,
l’incitation financière à l’embauche est justifiée par la plus-value que l’apprentis-
sage apporte en termes d’insertion professionnelle des jeunes. Le financement des
études supérieures constitue par ailleurs un objectif légitime mais relève d’une autre
politique publique et peut s’appuyer sur d’autres instruments (tels que les bourses).
Or, d’après les études disponibles, la contribution de l’apprentissage à l’insertion
professionnelle est plus forte à l’égard des jeunes les moins qualifiés, sur lesquels
les aides à l’embauche devraient donc être recentrées. La réforme des aides intro-
duite au 1
er
janvier 2023 constitue un premier pas dans cette direction : l’unification
du montant des aides bénéficie aux apprentis les plus jeunes, qui préparent, en
moyenne, les diplômes les moins élevés. Il conviendrait d’aller plus loin en ciblant
l’incitation financière sur les jeunes les moins diplômés, pour lesquels la valeur
ajoutée de l’apprentissage est documentée.
Une telle réforme contribuerait en outre à améliorer la soutenabilité budgétaire
du financement de l’apprentissage. Elle pourrait certes fragiliser l’atteinte de
l’objectif d’un million de nouveaux apprentis en 2027. La volonté d’atteindre cet
objectif ne devrait cependant pas exonérer les pouvoirs publics d’une réflexion sur
l’efficience de la dépense
22
.
b)
Le manque de traçabilité des fonds du PIC
La formation professionnelle des demandeurs d’emploi relève de la compétence
des régions ; l’État intervient donc de manière subsidiaire. Son rôle s’est toutefois
renforcé depuis la mise en œuvre du plan d’investissement dans les compétences
(PIC) présenté en 2017.
L’EMPLOI DES JEUNES
243
20.
À partir de juillet 2020, une aide exceptionnelle s’est ainsi substituée, pour la première année du contrat,
à l’aide unique instaurée en 2019 ; d’un montant plus élevé (5 000 € pour un mineur, 8 000 € pour un majeur,
contre 4 125 € pour l’aide unique), elle était assortie de conditions d’éligibilité assouplies, s’agissant en
particulier du niveau du diplôme préparé (jusqu’au master et non plus au seul bac), ainsi que de la taille de
l’entreprise (l’aide n’étant plus réservée aux PME).
21.
Cour des comptes, La formation en alternance : une voie en plein essor, un financement à définir,
rapport public thématique, juin 2022.
22.
Cour des comptes, rapport public thématique,
Les mesures d’aide exceptionnelles : une sortie de crise à
achever pour le budget de l’État,
novembre 2024
Les jeunes de moins de 26 ans peu diplômés (niveau infra-bac) constituaient, avec
les demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés, l’une des deux cibles initiales du PIC.
L’ambition était de former un million de jeunes demandeurs d’emploi en cinq ans.
La contractualisation sur laquelle repose le volet régional du PIC ne permet ni
d’évaluer précisément l’effet-levier de l’effort de l’État sur celui des régions
23
, ni
d’isoler la part des dépenses additionnelles ayant bénéficié aux jeunes peu diplômés.
Cependant, sur la période 2017-2022, la part des jeunes demandeurs d’emploi qui
accèdent à une formation a augmenté, tout particulièrement s’agissant des moins
diplômés
24
.
La loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi ayant conforté le principe d’une
intervention additionnelle de l’État, un nouveau cycle contractuel, en cours de
négociation, couvrira la période 2024-2027. Bien que doté de moyens inférieurs,
il sera ciblé sur un public élargi : en particulier, les jeunes seront éligibles jusqu’au
niveau bac+2. Moins ciblé, l’effort de l’État sera en revanche plus traçable : les pactes
comporteront des objectifs chiffrés sur la part des publics cibles dans les entrées
en formation, dont l’atteinte déclenchera une partie des financements de l’État.
C.
Coordonner les acteurs de l’emploi des jeunes :
l’objectif d’un parcours sans rupture
1.
Des parcours encore entravés par une coordination inaboutie
a)
Missions locales et France Travail : entre complémentarité et concurrence
L’accompagnement des jeunes vers l’emploi repose principalement sur deux réseaux
qui présentent des caractéristiques très différentes, en termes de gouvernance, de
modalités de financement, de maillage territorial, d’outils ou de culture professionnelle
et managériale :
le réseau des 437 missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des
jeunes, créé en 1982, dont le rôle ne se limite pas à l’accompagnement vers
l’emploi et comprend une dimension sociale (santé, logement, mobilité, culture,
citoyenneté, etc.) ; les financements alloués par l’État aux missions locales ont
fortement augmenté (+ 58 % entre 2018 et 2022) et s’élevaient en 2022 à 765 M€
(hors France Travail), soit 70 % de leurs ressources totalesl’opérateur Pôle Emploi,
devenu France Travail en 2024, dont les missions sont exclusivement tournées
vers l’emploi mais ne concernent pas spécifiquement les jeunes ; les moyens qui
leur sont consacrés sont en hausse (+ 54 % depuis 2020) : en 2023, Pôle Emploi
consacrait environ 4 700 ETP à l’accompagnement des jeunes demandeurs
d’emploi, dont une part croissante de conseillers spécialisés.
244
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
23.
Au total, entre 2019 et 2022, les régions auraient consenti un effort additionnel cumulé de 3,4 Md€,
ce qui correspond à une hausse d’environ 56 % par rapport aux dépenses socles (6 Md€), à comparer à la
dépense totale de l’État au titre du volet régional du PIC (7,4 Md€ engagés et 4,8 Md€ décaissés).
24.
Cf. comité scientifique d’évaluation du PIC, 4
ème
rapport d’évaluation, décembre 2023. Le taux d’accès à
la formation des jeunes de moins de 26 ans (mesuré sur 12 mois à compter de la date d’inscription comme
demandeur d’emploi) est passé de moins de 10 % pour ceux inscrits début 2017 à près de 12 % pour ceux
inscrits fin 2021. Il est supérieur à celui des 26-50 ans (10 %) et des plus de 50 ans (7 %).
Le partenariat noué entre ces deux réseaux vise à affirmer leur complémentarité et
promouvoir leur coopération : schématiquement, France Travail est chargé d’aider
les jeunes rencontrant principalement des difficultés d’accès à l’emploi tandis que
les missions locales accompagnent ceux qui cumulent des problèmes d’insertion
sociale et professionnelle (« freins périphériques »).
Ce partenariat présente un bilan mitigé, du fait d’un pilotage national trop lâche et
de projets locaux de coopération trop généraux, peu opérationnels et pas toujours
connus des conseillers. Le mécanisme de « délégation de parcours » est lourd,
complexe et peu fluide. La qualité de la relation entre les deux réseaux dépend
avant tout de la qualité des relations interpersonnelles au plan local.
La création du CEJ, qui a permis de doter les deux réseaux, pour la première fois,
d’un outil commun, les a, certes, conduits à intensifier leurs relations au plan local
comme national. Toutefois, elle a pu être vécue par les missions locales comme
le signe d’une immixtion de Pôle Emploi dans un champ qui leur était auparavant
réservé. Une partie des acteurs interrogés estime qu’elle a fragilisé la dynamique
commune instaurée dans le cadre du plan 1J1S et a exacerbé la concurrence entre
les deux réseaux, comme en témoigne la diminution du nombre des délégations
de parcours.
Ces tensions semblent s’être manifestées surtout lors des premiers mois de
déploiement du CEJ. Elles s’expliquent par la relative imprécision des critères
d’orientation fixés dans la circulaire, les modalités de répartition territoriale
des cibles qui n’ont pas permis l’élaboration de stratégies communes, et le
cloisonnement des systèmes d’information qui entrave le partage des données et
des indicateurs.
b)
Des passerelles entre dispositifs encore trop peu développées
La notion de « solution structurante »
25
a été créée en même temps que le CEJ afin
de mieux articuler les nombreux dispositifs d’insertion et de formation mis en œuvre
en dehors des missions locales et de France Travail au sein d’un parcours d’ensemble
dont le CEJ constitue le cadre global. En permettant aux deux réseaux d’orienter les
jeunes qu’ils accompagnent vers des solutions externes, sans perdre le lien avec eux,
ce mécanisme de parcours sans rupture vise à remédier aux effets de concurrence.
Il donne aujourd’hui de premiers résultats. En particulier, l’orientation des jeunes
vers certains opérateurs spécialisés (Épide et E2C notamment), qui était en déclin,
connaît un certain regain.
L’EMPLOI DES JEUNES
245
25.
Il s’agit d’un parcours ou d’un contrat mis en œuvre par d’autres organismes à visée d’insertion ou
de formation (art. R. 5131-16 du code du travail). Un arrêté du 9 mars 2022 en fixe la liste, qui comprend :
des actions de formation et des dispositifs préparatoires à l’entrée en formation (Prépa Compétences,
Prépa Apprentissage) ; des dispositifs d’accompagnement intensif spécifique externe (EPIDE, écoles de
la deuxième chance, service militaire adapté et service militaire volontaire, « Promo 16-18 », etc.) ; des
missions d’utilité sociale (service civique et service national universel) ; des périodes d’emploi aidé (contrat
unique d’insertion, CDD conclus avec une structure d’insertion par l’activité économique–IAE).
Cependant, la mobilisation des solutions structurantes demeure timide. En
octobre 2023, seuls 19 % des jeunes en CEJ en bénéficiaient. Cette proportion est
plus élevée en missions locales (22 %) qu’à Pôle Emploi (13 %), dont les publics,
moins éloignés de l’emploi, sont moins concernés.
La construction d’un « parcours global et sans rupture » demeure donc un défi. La
création du concept de « solution structurante » constitue une première réponse
intéressante mais insuffisante, dès lors que le CEJ n’a pas vocation, à ce stade,
à constituer le cadre unique et systématique de l’accompagnement de tous les
jeunes sans emploi.
c)
La coordination difficile entre acheteurs et prescripteurs de formations
La coordination entre l’État et les régions constitue un enjeu crucial, compte tenu
du rôle de chef de file reconnu aux régions en matière de formation professionnelle
et d’orientation, ainsi que de leur contribution importante au financement des
missions locales.
En particulier, la déconnexion partielle entre les prescripteurs et les acheteurs
d’actions de formation est parfois source de tensions. Les formations suivies par
les jeunes en recherche d’emploi sont généralement prescrites par France Travail
ou par les missions locales ; elles sont commanditées (achetées et financées) soit
par la région, soit par France Travail.
Certaines régions reprochent aux missions locales de ne pas orienter suffisamment
les jeunes vers l’offre régionale de formation, ce qui fragiliserait l’atteinte des
objectifs fixés dans le cadre du PIC. La région Île-de-France a ainsi décidé, en
2023, de conditionner 90 % de ses subventions aux missions locales au nombre
de jeunes orientés vers les dispositifs régionaux, avant de mettre en place, en
2024, un financement par appels à projets ouvert également aux structures
associatives et privées.
De leur côté, les missions locales soulignent qu’une partie des jeunes qu’elles
accompagnent ne sont pas prêts à s’engager dans une formation longue et
déplorent que les actions de formation qu’elles prescrivent ne soient pas toujours
mises en œuvre. Elles sont, par ailleurs, fortement mobilisées par l’atteinte des
objectifs qui leur sont assignés sur leurs propres dispositifs et peuvent être incitées
à les privilégier au détriment de la prescription d’actions de formation.
Les relations entre les régions et France Travail, qui est à la fois prescripteur et
acheteur, sont très variables : cinq régions n’autorisent pas France Travail à acheter
des formations collectives et trois n’ont pas souhaité déléguer à l’opérateur une part
des financements additionnels du PIC. Dans les deux régions qui n’ont pas conclu
de pacte régional avec l’État, c’est France Travail qui porte le PIC à leur place.
Certaines régions reprochent à France Travail de privilégier son propre catalogue
de formations, au détriment de l’offre régionale.
La coordination entre acheteurs et prescripteurs demeure donc insuffisante. Son
renforcement constitue l’un des enjeux majeurs du deuxième cycle du PIC et de la
nouvelle gouvernance instaurée par la loi pour le plein emploi.
246
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
L’EMPLOI DES JEUNES
247
2.
La loi pour le plein emploi : ambitions et conditions de réussite
La question de la coordination des acteurs de l’insertion professionnelle, soulevée
à plusieurs reprises par la Cour
26
, est au cœur de la loi du 18 décembre 2023 pour
le plein emploi
27
.
Plutôt qu’une fusion complète des réseaux, un temps envisagée, ou qu’une redistri-
bution des compétences, telle qu’esquissée par la Cour en décembre 2021, cette loi
vise une amélioration de la coordination entre les acteurs, dont la complémentarité
est réaffirmée ; elle s’inscrit, en ce qui concerne les jeunes, dans la continuité de la
création du CEJ.
Principales dispositions de la loi pour le plein emploi
-
Création du
« réseau pour l’emploi »
, constitué de l’État et des
collectivités territoriales compétentes, de l’opérateur France Travail et
« d’opérateurs spécialisés » (dont les missions locales). Les membres du
réseau
« coordonnent l'exercice de leurs compétences et favorisent la
complémentarité de leurs actions »
.
-
Transformation de l’opérateur Pôle Emploi, devenu France Travail au
1
er
 janvier 2024, chargé de la construction, pour le compte du réseau, d’un
« patrimoine commun » : locaux partagés, systèmes d’information, outils
numériques, tableaux de bord, référentiels méthodologiques.
-
Création, au niveau national et à chaque échelon territorial pertinent,
des « comités pour l’emploi », instances associant l’État, les collectivités
territoriales et les partenaires sociaux, ainsi que les organismes du
champ de l’emploi et de l’insertion et les associations représentatives
des usagers. Le comité national pour l’emploi définit un socle commun
de services et établit méthodologies et référentiels, ainsi que les
indicateurs de pilotage, de suivi et d’évaluation. Les comités régionaux,
départementaux et locaux doivent simplifier la gouvernance territoriale
en se substituant aux multiples instances territoriales existantes.
-
Inscription généralisée, auprès de France Travail, des personnes en
recherche d’emploi ou rencontrant des difficultés d’insertion. Cette règle
concerne tout particulièrement les jeunes sans emploi : près de la moitié
des jeunes suivis en mission locale ne sont pas inscrits à France Travail.
-
Réforme de l’orientation des personnes accompagnées, à travers la
notion d’« organisme référent ».
26.
Cour des comptes, L’insertion professionnelle des jeunes sur le marché du travail, note sur les enjeux
structurels pour la France, décembre 2021.
27.
L’entrée en vigueur des différents volets de la loi est progressive. Schématiquement, les dispositions
relatives aux acteurs et à la gouvernance sont entrées en vigueur au cours de l’année 2024, tandis que celles
relatives aux parcours et aux dispositifs le sont au 1
er
janvier 2025.
Cette réforme va dans le sens d’une meilleure coordination, dont les jeunes sans
emploi devraient bénéficier. Sa réussite demeure toutefois subordonnée à plusieurs
conditions :
la définition de la ligne de partage entre France Travail et les missions locales
constitue un enjeu crucial. Elle devra être suffisamment précise pour éviter de
placer les deux réseaux en situation de concurrence, tout en ménageant des
marges de manœuvre pour s’adapter aux spécificités de chaque territoire, et
tenir compte du maillage territorial respectif des deux réseaux, de leurs offres
de services et de leurs capacités d’accueil ;
la professionnalisation de la phase de diagnostic et d’orientation nécessite une
réflexion sur les critères qui permettent de mesurer la « distance à l’emploi ».
Il faut toutefois garder à l’esprit que celle-ci n’est pas toujours réductible à des
indicateurs chiffrés : elle ne dépend pas seulement du niveau de diplôme mais
aussi de sa nature, et de facteurs moins objectivables comme la motivation, la
confiance en soi, l’environnement familial ou la maturité du projet professionnel ;
l’amélioration de la coordination au sein du service public de l’emploi suppose
de poursuivre et approfondir les efforts de structuration du réseau des missions
locales, par nature décentralisé. Les initiatives entreprises depuis 2019 pour
garantir la qualité et l’homogénéité de l’offre de services, à travers le soutien
aux têtes de réseau nationales et régionales et les démarches de labellisation
et d’appui conseil, méritent d’être amplifiées ;
la clarification du rôle de chaque acteur devrait déboucher, à terme, sur une
rationalisation des dispositifs. En particulier, l’offre d’accompagnement, qui
repose sur six dispositifs différents, dont trois propres aux jeunes, gagnerait à
être simplifiée. L’indispensable individualisation des parcours devrait reposer,
plutôt que sur la création d’une multitude de dispositifs visant à répondre à
chaque besoin spécifique, sur une souplesse laissée aux opérateurs dans la
mise en œuvre des dispositifs, en contrepartie d’une exigence accrue quant
aux résultats obtenus ;
les liens entre le service public de l’emploi et le système éducatif, en amont, et
les entreprises, en aval, doivent être resserrés. Les initiatives visant à sensibiliser
les jeunes en formation initiale aux enjeux de l’entrée sur le marché du travail et à
les informer de l’offre de service dont ils peuvent bénéficier, à l’instar du dispositif
Avenir Pro
déployé dans un nombre croissant de lycées professionnels, méritent
d’être encouragées. Le recours à l’immersion professionnelle, qui permet aux
jeunes éloignés de l’emploi de se confronter à la réalité du marché du travail
et de mûrir leur projet, implique une mobilisation accrue des entreprises, en
particulier dans les territoires où le service public de l’emploi peine à trouver
des employeurs disponibles pour accueillir des jeunes en difficulté.
248
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
249
Conclusion et
recommandations
La loi relative au plein emploi crée les conditions d’une
gouvernance clarifiée et d’un pilotage efficace des politiques
en faveur de l’emploi des jeunes. Pour réussir pleinement, cette
réforme de l’organisation du service public de l’emploi doit
cependant s’accompagner d’une rationalisation des dispositifs,
d’une professionnalisation des méthodes de diagnostic et d’une
clarification des critères d’orientation.
Elle doit surtout être conjuguée à une mise à jour de la stratégie
de l’État ; le niveau historiquement faible du chômage des jeunes
devrait conduire les pouvoirs publics à recentrer leurs efforts sur
les publics les plus éloignés de l’emploi.
Il s’agit, en définitive, de passer d’une logique d’offre, fondée
sur un éventail complexe de dispositifs et un pilotage par
les cibles quantitatives définies au plan national et réparties
territorialement, à une logique de résultats, davantage orientée
vers les besoins, laissant plus de marges de manœuvre aux
opérateurs de terrain et permettant de mieux individualiser
les parcours, tout en établissant un lien clair entre performance
du dispositif et distance des jeunes à l’emploi.
La Cour adresse au ministre du travail et de l’emploi
les recommandations suivantes :
1.
formaliser le cadre stratégique de la politique en faveur
de l’emploi des jeunes, en organisant son caractère
contracyclique et son ciblage sur les jeunes les plus éloignés
de l’emploi, en articulant mieux les dispositifs ciblés et
de droit commun, et en fixant des objectifs globaux ;
L’EMPLOI DES JEUNES
2.
à l’issue de l’évaluation du contrat d’engagement jeune,
étudier la pertinence d’une réduction du nombre de
contrats assortie d’un recentrage sur les jeunes les
plus éloignés de l’emploi et celle d’un assouplissement
de la règle des 15 heures pour adapter l’intensité de
l’accompagnement aux besoins de chaque jeune ;
3.
moduler l’aide à l’embauche d’apprentis en
fonction du niveau du diplôme préparé.
250
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
RÉPONSE REÇUE À LA DATE DE LA PUBLICATION
251
Réponse reçue
à la date de la publication
Réponse de la ministre du travail et de l’emploi
.......................................................
251
Destinataires n’ayant pas d’observation
Monsieur le directeur général de France Travail
Monsieur le président de l’Union nationale des missions locales
Réponse de la ministre du travail et de l’emploi
Vous avez bien voulu me transmettre le chapitre relatif à l
'
emploi des jeunes et
destiné à figurer dans le rapport public annuel 2025 de la Cour des comptes. J
'
en
ai pris connaissance avec un vif intérêt.
L
'
emploi des jeunes compte parmi mes priorités, avec l
'
emploi des seniors,
l
'
adaptation de la formation professionnelle aux enjeux du marché du travail et
l
'
égalité professionnelle.
La Cour rappelle que le taux d
'
emploi des jeunes de 15 à 24 ans a augmenté de
6  points entre 2017 et 2023 pour s
'
établir à 35,2 %, son niveau le plus élevé depuis
1990. Les derniers chiffres de l
'
Insee indiquent toutefois qu
'
il est orienté à la
baisse depuis deux trimestres. Le taux de chômage des jeunes, déjà nettement
supérieur à celui du reste de la population, a augmenté de 1,8 points au troisième
trimestre 2024, à 19,7 %. Par ailleurs la part des NEET
(Neither in education, nor in
employment or training)
reste élevée, à 10,5 % en 2023, soit 830 000 jeunes, selon
les chiffres de la Cour.
Ce trop grand nombre de jeunes éloignés du marché du travail ou de la formation
est une perte pour notre économie et un risque pour notre cohésion sociale.
Je prends note des recommandations de la Cour relatives à une clarification du
cadre stratégique de la politique en faveur des jeunes, à une meilleure articulation
des dispositifs, et à la mise en place d
'
un pilotage par les résultats associés à une
souplesse laissée aux opérateurs dans la mise en œuvre des dispositifs. Je partage
entièrement ces orientations et mon action s
'
appuiera sur ces recommandations.
En matière de cadre stratégique, nous devons poursuivre et intensifier les efforts
menés ces dernières années. Il est primordial de continuer à dynamiser les
parcours d
'
insertion à toutes les étapes, en mesurant les effets des dispositifs en
matière d
'
accès à l
'
emploi durable, et en concentrant les efforts et moyens sur les
dispositifs qui, au regard de leur coût, fonctionnent le mieux. Il s
'
agit notamment
de travailler dès le lycée et le début des études supérieures sur l
'
accompagnement
des « décrocheurs » et jeunes sans perspective satisfaisante de formation ou
d
'
emploi, et c
'
est la raison pour laquelle le dispositif Avenir Pro mis en œuvre par
France Travail et les missions locales, qui produit des résultats très prometteurs en
matière d
'
accès à l
'
emploi, pour un coût maîtrisé, sera généralisé en 2025. Il s
'
agit
aussi de mieux articuler les dispositifs en les tournant résolument vers l
'
entreprise
et l
'
emploi. Le contrat d
'
engagement jeune (CEJ) doit ainsi jouer pleinement son
rôle de catalyseur vers l
'
emploi et l
'
apprentissage ou, lorsqu
'
elles sont un préalable
nécessaire, vers les solutions « structurantes » que peuvent être les centres EPIDE,
les écoles de la deuxième chance ou encore le service civique.
La loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi met en place les instances de
pilotage territoriale, les processus, les outils et les indicateurs partagés qui
favoriseront l
'
articulation des acteurs et la poursuite de ces objectifs.
Pour le reste, je souhaite, à la lecture de vos recommandations, vous adresser les
observations suivantes
I. Formaliser le cadre stratégique de la politique en faveur de l'emploi des
jeunes, en organisant son caractère contracyclique et son ciblage sur les jeunes
les plus éloignés de remploi, en articulant mieux les dispositifs ciblés et de droit
commun, et en fixant des objectifs globaux
Le CEJ pose un premier cadre d
'
articulation entre les différents dispositifs existants
ciblés et de droit commun, avec un objectif clair : l
'
accès à l
'
emploi durable des
jeunes qui en sont éloignés.
II s
'
agit d
'
un dispositif inédit, commun aux missions locales et à France Travail, qui
constitue dorénavant le cadre de droit commun de l
'
accompagnement intensif
des jeunes. L
'
ensemble des actions de nature à accompagner le jeune dans son
insertion peuvent s
'
y inscrire, quel que soit l
'
acteur qui les porte (école de la
seconde chance, EPIDE. Son déploiement a ainsi nécessité une coordination accrue
entre les missions locales et France Travail,
mais aussi plus largement entre tous
les acteurs qui interviennent dans le parcours des jeunes€ Le rôle « d
'
assemblier »
des conseillers d
'
un parcours articulé et global été renforcé, et nous devons veiller
à ce qu
'
il le soit encore davantage.
Par ailleurs, les nouveaux opérateurs prévus par les dispositions issues de l
'
article 7
de la loi pour le plein emploi ont pour objet de conforter et pérenniser les démarches
de repérage et « d
'
aller-vers » les « invisibles II s
'
agit de repérer et remobiliser ces
personnes puis de les accompagner vers l
'
emploi ou dans un premier temps vers
le service public de l
'
emploi, Le déploiement de ces actions, dès la fin de l
'
année
20241 doit participer à la diminution du nombre de NEET. Est ainsi répondue à la
recommandation de la Cour de dépasser le « stade expérimental » en la matière,
pour
« s'inscrire dans une démarche plus structurelle et plus lisible J »
.
Ces outils permettent de poser les fondements d
'
un cadre stratégique, fondé sur
la complémentarité et la coordination des actions des divers acteurs. Il se renforce
avec la mise en œuvre de la loi pour le plein emploi qui mobilise l
'
ensemble des
252
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
acteurs du service public de l
'
emploi de manière harmonisée et coordonnée dans
un cadre de gouvernance rénové. À ce titre, la recommandation faite par la Cour
d
'
une
« élaboration de méthodes de diagnostic et de critères d'orientation communs »
est en cours de mise en œuvre, le Comité national pour l
'
emploi ayant adopté, le
21 juillet 2024, des critères communs d
'
orientation et un référentiel de diagnostic.
Conformément à votre recommandation, ce cadre stratégique pourra faire l
'
objet
d
'
une meilleure formalisation d
'
ici
le début de l
'
année 2025.
II. À l'issue de l'évaluation du contrat d'engagement jeune (CEJ), étudier la
pertinence d'une réduction du nombre de contrats assortie d'un recentrage sur
les jeunes les plus éloignés de l'emploi et celle d'un assouplissement de ta règle
des 15 heures pour adapter l'intensité de l'accompagnement aux besoins de
chaque jeune
La Cour, tout en rappelant la persistance de difficultés justifiant le maintien d
'
un
effort financier significatif et la nécessité d
'
éviter des « à-coups » trop brutaux,
préconise que les dispositifs soient adaptés à la conjoncture, dans leur volumétrie et
leur nature, et que les efforts soient ciblés vers les publics les plus éloignés de remploi,
qui sont les moins susceptibles de bénéficier de l
'
amélioration de la conjoncture.
Comme rappelé plus haut le chômage des jeunes reste élevé, de même que le
nombre de NEET, et le taux d
'
emploi des jeunes ne progresse plus.
Par ailleurs la crise sanitaire, au-delà de ses effets immédiats sur la trajectoire
scolaire et d
'
insertion socioprofessionnelle des jeunes, a entraîné des conséquences
de long terme, en particulier à l
'
égard des jeunes les
plus fragiles et en matière de
santé mentale} qui perdurent encore aujourd
'
hui.
C’est notamment au regard de ces effets que le CEJ a été ouvert aux jeunes
travailleurs précaires, non éloignés de l
'
emploi stricto sensu mais, pour certains,
ne parviennent pas pour certains à s
'
insérer dans l
'
emploi durable.
Je rappelle par ailleurs qu
'
en 2023, près de 700/0 des jeunes en CEJ sont âgés de
moins de 21 ans, 18.6 % résident en QPV et 12,7 % en ZRR. 89 % d
'
entre eux ont un
niveau de diplôme bac ou
infra
bac. 46 % des jeunes en CEJ en 2023 n
'
avaient ainsi
aucun diplôme. Même avec l
'
adjonction des publics jeunes suivis par France Travail,
légèrement plus âgés et diplômés que ceux suivis par les missions locales, le CEJ a bien
atteint sa cible. Ce constat est confirmé par une récente étude de la DARES (Qui sont
les bénéficiaires du Contrat engagement jeunes DARES Analyses, n° 46, juillet 2024).
Ces éléments peuvent amener à s
'
interroger sur la recommandation de la Cour
d
'« étudier la pertinence d'une réduction de la volumétrie »
du CEJ.
Je prends note toutefois de la préconisation de la Cour de sortir d
'
une logique de
cible quantitative tout en laissant une relative souplesse aux opérateurs. À ce titre
les modalités de financement des missions locales au titre du CEJ, encore liées
aujourd
'
hui au nombre d
'
entrées dans le dispositif, pourront être interrogées pour
être rendues plus cohérentes avec ces objectifs de qualité, qu
'
il s
'
agisse de profil
des jeunes ou de sortie en emploi notamment,
RÉPONSES REÇUES À LA DATE DE LA PUBLICATION
253
254
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Concernant la règle des 15h, je rappelle qu
'
une grande diversité d
'
activités
peuvent être convenues entre le jeune et son conseiller et comptabilisées dans
le plan d
'
action du CEJ, dès lors qu
'
elles participent à l
'
accompagnement.
À titre
d
'
exemple, il peut être proposé à un jeune qui n
'
est pas encore prêt à suivre une
formation ou une courte expérience d’immersion professionnelle, de commencer
son accompagnement par des activités sportives ou culturelles. Les baromètres
réalisés par les opérateurs auprès des jeunes ont montré qu
'
ils étaient globalement
très satisfaits de l
'
accompagnement proposé.
De fait le principe des 15h, inscrit par ailleurs dans la loi pour le plein emploi, emporte
une exigence pour les jeunes intéressés mais aussi et d
'
abord pour les conseillers en
charge de l
'
accompagnement Il leur revient de s
'
approprier toutes les ressources
utiles pour faire varier et évoluer leurs plans d
'
action, en fonction des individus
de leurs ressources, objectifs et expériences. C’est au demeurant ce qui a justifié
l
'
augmentation significative des moyens dédiés à cet accompagnement depuis 2019.
La non-atteinte d
'
un volume horaire de 15h une semaine donnée n
'
emporte
aucune conséquence mécanique pour le jeune, et c
'
est bien le manquement à des
engagements qui peuvent justifier, sur la base d
'
une appréciation du conseiller et
d’un échange avec le jeune, une sanction portant par exemple sur son allocation.
Ainsi c’est d
'
abord dans cette souplesse} gage d
'
individualisation des parcours et
de modulation de l
'
intensité, que doit résider la capacité de l
'
outil CEJ à répondre
à son objectif et à s’adapter aux évolutions conjoncturelles.
III. Moduler l'aide à l'embauche d'apprentis en fonction du niveau
de diplôme préparé
Je rappelle la plus-value de l
'
apprentissage dans l
'
enseignement supérieur à la fois
pour l
'
insertion des apprentis, la qualité des emplois occupés et l
'
accès aux études
supérieures pour certains jeunes, l
'
apprentissage étant gratuit et rémunéré, ainsi
que pour l
'
image de l
'
apprentissage. Une étude de l
'
APEC l
'
a récemment souligné
Une étude récente du centre d
'
études et de recherches sur les qualifications
(CEREQ) démontre aussi l
'
intérêt particulier de l
'
apprentissage pour les jeunes
résidants en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), confirmant
l
'
impact du dispositif pour permettre la mobilité sociale.
Sur ce point, le rapport de France Stratégie sur le plan
« 1 jeune 1 solution »
évoqué
par la Cour souligne notamment que l
'
aide exceptionnelle
« a davantage bénéficié
aux plus petites entreprises en leur permettant de recourir davantage aux apprentis
les plus qualifiés par rapport à l'année 2019 ».
Cette évolution semble pertinente
afin de permettre à ces entreprises de développer leurs profils de recrutement et se
doter des compétences
nécessaires pour leur développement. Des réflexions sont en
cours pour la faire évoluer afin que cet investissement soit optimisé, mais les critères
de recentrage méritent d
'
être soigneusement soupesés, afin notamment de ne pas
pénaliser les petites et moyennes entreprises dans leur accès aux compétences.