Sort by *
4.
L’accès des jeunes
des territoires ruraux
à l’enseignement
supérieur : l’exemple
du Grand Est et de la
Bourgogne-Franche-
Comté
L’égal accès à l’instruction, à la formation professionnelle
et à la culture est, depuis 1946, un principe à valeur
constitutionnelle dans notre pays. C’est aussi un fondement
du pacte républicain. La mise en œuvre effective de ce
principe est d’autant plus nécessaire que l’ensemble des
données disponibles montrent que le diplôme demeure le
principal déterminant de la position et de la mobilité sociales
des jeunes
1
. Le taux de diplômés de l’enseignement supérieur
195
1.
France Stratégie,
La géographie de l’ascension sociale,
note d’analyse n° 36, novembre 2015 ;
Les
politiques publiques en faveur de la mobilité des jeunes,
rapport pour l’Assemblée nationale, octobre 2023.
196
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
des jeunes de 25 à 34 ans (49,4 %) est plus élevé en France que la moyenne des
pays de l’organisation de coopération et de développement économique (45,6 %).
Toutefois ce taux varie selon les régions et
diminue à mesure que l’on s’éloigne des
grandes métropoles, comme la Cour l’a déjà relevé
2
.
L’enquête dont est issu le présent chapitre a été conduite pour mesurer si les jeunes
issus des territoires ruraux disposent des mêmes chances d’accès à l’enseignement
supérieur que les jeunes des espaces urbains.
Afin de répondre à cette question, la Cour et les chambres régionales des
comptes Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté ont conduit des investigations
dans quatre départements, la Haute-Marne, la Meuse, les Vosges et la Haute-
Saône. Géographiquement proches, ces quatre départements sont néanmoins
représentatifs de la situation que connaissent la plupart des territoires ruraux
au niveau national.
Le champ de l’enquête
Les quatre départements ne sont pas constitués en totalité de territoires
ruraux car leurs chefs-lieux (Chaumont, Bar-le-Duc, Épinal et Vesoul)
sont au centre de petites agglomérations urbaines. Leur situation illustre
toutefois certaines des difficultés de la ruralité et notamment une faible
offre de formation de niveau supérieur.
Ces quatre départements présentent, outre une démographie en déclin,
une densité de population inférieure à 50 habitants au km², excepté dans
les Vosges (61,7 habitants au km²), alors que la densité moyenne s’élève à
120,4 habitants par km² en France métropolitaine (données Insee - 2021).
Selon les dernières données disponibles de l’Insee (2020), le taux de
diplômés dans la population y est inférieur à la moyenne des deux régions
dans lesquels ils sont situés. Il est aussi largement en retrait, de 10 à
13 points, de la moyenne de la France métropolitaine (31,9 %). Loin de se
résorber, cet écart tend à s’aggraver : il a ainsi significativement augmenté
depuis 2009, date à laquelle l’écart avec la moyenne nationale n’était que
de 8 à 11 points.
Les jeunes des territoires ruraux auxquels s’intéresse cette enquête
sont les personnes de 18 à 25 ans résidant ou originaires de ces quatre
départements.
2.
Cour des comptes,
Universités et territoires,
rapport public thématique, février 2023.
197
Chiffres clés
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
autour de
20
%
de diplômés de l’enseignement supérieur dans les territoires ruraux
en 2020, contre près de 32 % en France métropolitaine :
18,6 % en Haute-Marne, 20,3 % dans la Meuse, 21,5 % dans les
Vosges, 22 % en Haute-Saône.
en Haute-Saône
67 %
en Haute-Marne
dans les Vosges
63 %
58 %
de formations de niveau
bac + 2 dans la Meuse en 2024
75 %
16
%
des jeunes de Haute-Saône étudient
dans leur département. Ce taux est
de 25 % dans la Meuse, 23 % dans
les Vosges, 22 % en Haute-Marne,
contre 46 % en Moselle et 57 %
en Meurthe-et-Moselle (pôles
universitaires lorrains)
50
%
des jeunes de Haute-
Marne étudient hors de
leur académie. Ce taux
est de 35 % dans les
Vosges, 39 % dans
la Meuse et de 22 %
au niveau national
de
1 000
à
1 550
 €
c’est le coût, par mois, de la mobilité étudiante
à la rentrée 2023, selon les villes
Source : enquête Unef - rentrée 2023 - présentation le 22 août 2023
Au terme de leurs investigations, et de la contradiction réalisée avec un large panel
de parties prenantes, les juridictions financières soulignent la diversité des obstacles
auxquels sont confrontés les jeunes issus des territoires ruraux pour accéder à des
formations de niveau supérieur (I). Elles notent que les jeunes ruraux sont
moins
nombreux que les jeunes urbains à accéder à l’enseignement supérieur mais qu’ils
y réussissent généralement mieux (II). Cette situation justifie de renforcer les
dispositifs ayant pour objet de favoriser leur accès à l’enseignement supérieur (III).
I.
Des jeunes ruraux confrontés à davantage
d’obstacles que les jeunes urbains pour
accéder à l’enseignement supérieur
Les difficultés d’accès des jeunes ruraux à l’enseignement supérieur résultent
à la fois des caractéristiques des territoires où ils résident et de freins individuels.
A.
Une offre d’enseignement de niveau supérieur
moins développée, malgré la présence de quelques
formations de pointe
Le premier obstacle rencontré par les jeunes ruraux dans leur parcours d’accès à
l’enseignement supérieur est l’éloignement géographique des formations. En effet,
l’offre de formation supérieure est marquée en France par une « spécialisation
territoriale » entre, d’une part, les grandes agglomérations, qui concentrent les
filières les plus prestigieuses ainsi que les cycles longs
3
et, d’autre part, les espaces
ruraux et les villes petites et moyennes, qui accueillent surtout des cycles courts
et professionnalisants mais également quelques filières d’excellence.
1.
Une offre de formation peu abondante et principalement orientée
vers les cursus professionnels
Les formations postbac présentes dans les territoires ruraux ayant fait l’objet
de l’enquête sont essentiellement organisées dans les lycées, publics ou privés
sous contrat, préparant les brevets de technicien supérieur (BTS), ainsi que les
centres de formation d’apprentis (CFA), pour la plupart portés par les chambres de
commerce et d’industrie et les chambres des métiers et de l’artisanat.
Le réseau des maisons familiales rurales (MFR) propose également aux jeunes
des territoires les plus ruraux une alternative de proximité mais l’offre postbac
y est plus marginale.
198
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
3.
Marie Lauricella,
Jeunesses rurales et enseignement supérieur : des choix sous contraintes, Édubref, n° 16,
2023.
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
199
TABLEAU N° 1 | Établissements proposant une offre d’enseignement supérieur
Principaux offreurs
d’enseignement supérieur
Haute-
Marne
Meuse
Haute-
Saône
Vosges
Université (hors Inspé)
1
1
1
-
Instituts supérieurs du professo-
1
1
1
1
rat et de l’éducation (Inspé)
Instituts de formation en soins
2
1
4
2
infirmiers (Ifsi)
Antenne de l’institut régional du
-
-
1
1
travail social (IRTS)
-
1
1
-
École de commerce
-
-
-
-
École d’ingénieurs hors université
-
-
-
1
École d’art hors université
6
10
8
13
Lycées
1
1
2
2
Maisons familiales rurales (MFR)
Centres de formation d’apprentis
5
4
12
4
(CFA)
1
1
-
-
Campus connecté
16
22
18
35
Total
Source : données de l’Observatoire régional de l’emploi et de la formation (Oref), Parcoursup et
données locales (collectivités)
L’offre universitaire est généralement peu présente dans les territoires ruraux
étudiés, à l’exception des instituts supérieurs du professorat et de l’éducation
(Inspé) et des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Seul le département
des Vosges propose une offre universitaire développée, avec la présence de sept
composantes de l’université de Lorraine (facultés de droit, de sciences et de
technologies, école nationale supérieure des technologies et industries du bois,
etc.), à Épinal et à Saint-Dié-des-Vosges.
En conséquence, le nombre de diplômes proposés est faible : 28 dans la Meuse,
40 en Haute-Marne, 48 en Haute-Saône et 120 dans les Vosges. Peu étoffée, cette
offre est essentiellement orientée vers des cursus courts et professionnalisants,
notamment les BTS. Les formations de niveau bac + 2 prédominent dans les quatre
départements : ils représentent 75 % des formations de niveau supérieur dans la
Meuse, 67 % en Haute-Saône, 63 % en Haute-Marne et 58 % dans les Vosges.
200
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
GRAPHIQUE N° 1 | Nombre de formations par niveau de diplôme en 2023
0
21
3
4
0
0
25
10
5
0
1
70
35
12
2
0
32
12
4
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Bac + 1
Bac + 2
Bac + 3
Bac + 5
Bac + 6
Meuse
Haute-Marne
Vosges
Haute-Saône
Source : CRC BFC et GE d’après les données de l’Oref, Parcoursup et des données locales (collectivités)
Enfin, les domaines de formation sont concentrés sur un nombre limité de filières :
l’économie-commerce-vente, l’industrie, le génie civil-construction et bâtiment
et l’agriculture.
Ainsi, les cursus proposés sont limités à 10 domaines dans la Meuse et en
Haute-Saône, à 12  domaines en Haute-Marne et à 20  domaines dans les
Vosges, principalement dans les filières professionnelles ou technologiques.
Comparativement, les jeunes du département voisin de la Meurthe-et-Moselle
peuvent accéder, grâce au pôle universitaire nancéen, à des formations dans
28 grands domaines, portées par les facultés de lettres, de sciences humaines,
de droit-économie-sciences politiques, de gestion-management, de sciences,
de médecine et de sciences des activités physiques et sportives (Staps).
Ils peuvent également suivre des cursus dans des écoles d’ingénieurs, des
écoles de commerce, des instituts universitaires de technologie (IUT) et des
classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). Cette offre s’ajoute à celle
de BTS des lycées et des centres de formation d’apprentis présents dans le
département.
L’offre de formation réduite qui caractérise les territoires ruraux s’accompagne
d’une présence très limitée des services de vie étudiante  : dans les quatre
départements examinés, seules les villes d’Épinal et de Vesoul accueillent des
restaurants universitaires.
2.
Un déclin démographique peu propice au développement de l’offre
La situation démographique des quatre départements étudiés se caractérise par
une baisse continue de la population depuis les années 1970. Entre 2009 et 2020,
la Meuse, la Haute-Marne et les Vosges ont perdu de 5 à 7 % de leurs habitants.
La diminution de la population de 15 à 29 ans a été encore plus prononcée. Bien
que moins marquées, les évolutions s’inscrivent dans le même sens en Haute-
Saône, où l’on observe une baisse de 2,2 % de la population et de 9 % du nombre
de jeunes de 15 à 29 ans. Selon l’Insee, les quatre départements pourraient encore
perdre entre un quart et un tiers de leur population de 15 à 29 ans d’ici 2070.
Ce déclin démographique constitue un frein majeur au développement de l’offre
d’enseignement supérieur dans ces territoires. Il s’accompagne en outre d’un faible
dynamisme économique qui réduit les possibilités d’insertion professionnelle des
jeunes dans les départements où ils résident.
Cette situation conduit à une orientation précoce des jeunes vers les voies
professionnelles et technologiques, plus prononcée que dans les départements
limitrophes urbains. Ainsi, alors qu’en Meurthe-et-Moselle et en Moselle, la filière
générale regroupait en 2023 un peu plus de 55 % des effectifs dans les lycées, elle n’en
représentait que 52 % dans les Vosges et en Haute-Saône, 51 % en Haute-Marne
et 49 % dans la Meuse.
3.
Le développement de filières d’excellence et d’innovations
territoriales
Quoique peu étoffée, l’offre de formation des territoires ruraux comporte quelques
filières d’excellence. Il s’agit notamment du pôle technologique spécialisé de
l’université technologique de Troyes (UTT) à Nogent (Haute-Marne) et de l’école
nationale supérieure des technologies et industries du bois à Épinal (Vosges). Ces
formations attirent des étudiants originaires d’autres départements et participent
à l’attractivité du territoire.
Plusieurs initiatives visent en outre à favoriser le développement de l’offre locale
en mobilisant le soutien des collectivités territoriales et du monde économique.
C’est le cas, par exemple, du pôle Émilie du Châtelet à Chaumont, qui héberge
déjà le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et le campus connecté.
L’agglomération et la ville de Chaumont projettent de transformer le pôle en
laboratoire de l’enseignement et de l’apprentissage à distance, en y intégrant
notamment les équipes de l’institut supérieur du professorat et de l’éducation.
L’université de Lorraine mène également une politique d’implantation territoriale
dans des villes éloignées des métropoles (notamment à Épinal) avec le soutien des
collectivités et acteurs locaux, afin d’y développer des campus de plein exercice,
attractifs à la fois pour les étudiants et les équipes pédagogiques.
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
201
202
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
B.
Des freins individuels à l’accès à l’enseignement
supérieur
1.
Un accès difficile à l’information sur l’offre de formation
supérieure et la vie étudiante
La qualité de l’accès à l’information sur les métiers et les débouchés en matière
d’insertion professionnelle, sur les formations existantes et sur la vie étudiante
(aides et bourses, logement, transport, etc.), est déterminante pour permettre aux
jeunes d’élaborer un projet d’études supérieures.
À cet égard, comme tous les lycéens, les jeunes des territoires ruraux ont à
leur disposition les informations diffusées par les acteurs nationaux  (Onisep,
Parcoursup), régionaux (plateforme des collectivités régionales, site internet des
chambres consulaires, des maisons familiales rurales, etc.) ou locaux (site des
collectivités de proximité). Ces informations sont toutefois morcelées et ne sont
pas toujours facilement accessibles. Ainsi, aucun site n’offre l’accès à l’ensemble
des formations disponibles à l’échelle du département.
Dans les établissements scolaires, les jeunes peuvent bénéficier du dispositif
«  Parcours Avenir  »
qui a pour objet d’apprendre aux élèves du secondaire à
s’orienter. Celui-ci est toutefois diversement mis en œuvre. Enfin, les autres
relais informationnels comme les centres d’information et d’orientation (CIO), les
Points Info Jeunes (PIJ) ou les missions locales présentent, dans les départements
ruraux, un maillage clairsemé, et sont souvent plus difficilement accessibles qu’en
territoire urbain.
L’orientation vue par des jeunes Meusiens et Haut-saônois
Dans le cadre de leur enquête, les juridictions financières ont réalisé
un sondage auprès de lycéens. Il a permis de collecter les réponses de
75 élèves de terminale du lycée Poincaré de Bar-le-Duc et des maisons
familiales rurales du département (taux de réponse 19 % sur un
échantillon de 400 lycéens) ainsi que de 352 élèves de terminale du lycée
agricole Munier et du lycée Belin de Vesoul.
Ces réponses permettent de comprendre comment les jeunes
hiérarchisent les sources d’information dont ils disposent pour préparer
leur orientation : les visites d’établissements d’enseignement supérieur
(91 % pour la Meuse et 66 % pour la Haute-Saône), Parcoursup
(respectivement 84 % et 80 %), les visites de salons étudiants ou de
l’orientation (78 % et 69 %) et les sites internet des universités (77 % et
80 %). La plateforme Orient’Est de la région Grand Est est moins citée
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
203
(45 %), comme celles de la région Bourgogne-Franche-Comté, Cléor
4
(19 %) et
« Explore demain »
(11 %).
Le recours limité aux enseignants et à l’équipe éducative (27 % pour la
Meuse, 31 % pour la Haute-Saône) ou à un psychologue de l’Éducation
nationale (respectivement 5 % et 12 %) dans l’accompagnement à la
construction du projet d’orientation ressort également des réponses.
Un autre obstacle, relevé par les différents acteurs dans le Grand Est, est l’absence
de forums généralistes sur l’enseignement supérieur dans les territoires ruraux.
Les métropoles voisines (Nancy et Metz) accueillent le salon
«  Oriaction  »
de
l’académie de Nancy-Metz ou le forum
« Cap sur l’enseignement supérieur »
, porté
par l’université de Lorraine. Toutefois, en raison de leur éloignement géographique,
ces manifestations sont peu fréquentées par les jeunes ruraux. Il en va de même des
journées portes ouvertes organisées par les grandes universités. Le coût du transport
apparaît comme le frein principal. La région Grand Est peut participer au financement
des déplacements mais sa contribution n’est pas systématique et ne couvre pas la
totalité de leur coût. Il résulte de cet ensemble d’éléments que les jeunes issus des
territoires ruraux disposent d’un accompagnement moindre, pour élaborer leur
projet de poursuite d’études, que celui qui est proposé aux jeunes urbains.
2.
Des caractéristiques socioéconomiques aggravant les difficultés
d’accès des jeunes ruraux à l’enseignement supérieur
Dans son rapport susmentionné, publié en février 2023
5
, la Cour relevait que
« l’origine sociale des étudiants reste la cause principale des inégalités d’accès à
l’enseignement supérieur. En effet, parmi les jeunes âgés de 20 à 24 ans, 77 % des
enfants de cadres, de professions intermédiaires ou d’indépendants étudient ou
ont étudié dans le supérieur, contre 52 % des enfants d’ouvriers ou d’employés, soit
1,5 fois plus »
.
Ces obstacles socio-économiques se cumulent avec ceux liés au territoire. Ainsi,
dans les quatre départements ruraux examinés dans le cadre de l’enquête, les
populations disposent de ressources financières globalement plus modestes que
la moyenne régionale et
a fortiori
nationale
6
 : les revenus médians en Haute-
Marne (21 350 €), dans la Meuse (21 890 €) et dans les Vosges (21 550 €) sont tous
inférieurs à celui de la région Grand Est (22 330 €) qui est lui-même moins élevé
que le revenu médian national (25 720 €). Au sein de la région Bourgogne-Franche-
Comté, la Haute-Saône est dans la même situation (21 860 €).
La capacité financière plus réduite des familles influence directement l’orientation
postsecondaire en raison du coût d’un cursus en zone urbaine. Ainsi, la faible offre
de transports en commun dans les territoires ruraux conduit 76 % des jeunes qui en
4.
Clés pour l’évolution et l’orientation en région.
5.
Cour des comptes,
Universités et territoires, rapport public thématique, février 2023.
6.
Données Insee, 2021.
sont issus
7
à recourir à des véhicules individuels pour leurs déplacements. Au-delà
des coûts qu’implique ce mode de transport (obtention du permis de conduire,
achat d’un véhicule et dépenses de carburant), cet éloignement a des conséquences
en termes de qualité de vie. Ainsi, les jeunes ruraux de 18 ans et plus issus de
communes très peu denses passent en moyenne 2 h 37 dans les transports chaque
jour, soit 42 minutes de plus que les jeunes urbains majeurs
8
.
Le choix d’une résidence sur le lieu des études se heurte aux mêmes obstacles
financiers dans les cas où une place en internat ou en résidence universitaire n’a pu être
trouvée. Le coût élevé de la vie (évalué entre 1 000 et 1 550 € par mois dans des villes
comme Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg, Nancy et Metz)
9
, l’éloignement familial,
ainsi que la qualité de vie (temps de transport, conditions d’hébergement) sont alors
autant de facteurs qui freinent l’accès des jeunes ruraux aux études supérieures.
3.
Des freins culturels spécifiques aux jeunes des territoires ruraux
Un dernier frein, évoqué par l’ensemble des acteurs, est celui de l’autocensure de
certains jeunes issus des territoires ruraux face aux études supérieures. Ce frein
d’ordre psychologique résulterait de l’absence de modèle estudiantin dans
l’entourage familial ou amical et de la crainte de se retrouver isolé en ville
ou d’être éloigné de son milieu
10
. Un sondage effectué en novembre 2023 par
l’Institut
ViaVoice
pour six associations promouvant l’égalité des chances a
ainsi montré qu’à 15-16 ans, seulement 18 % des jeunes ruraux issus des milieux
les plus modestes pensent pouvoir intégrer une grande école, contre 37 % des
jeunes urbains issus de la même catégorie sociale. Cette différence se retrouve
dans les milieux les plus aisés, où ces proportions s’élèvent respectivement à 48 %
et 56 % pour jeunes ruraux et les jeunes urbains
11.
Ce constat d’une forme d’autocensure d’une partie des jeunes ruraux au regard
des études supérieures doit toutefois être examiné au regard de la diversité des
modèles de réussite sociale. En effet, pour une part des jeunes ruraux, la réussite
sociale n’est pas nécessairement associée à l’accès aux études supérieures et à
la vie urbaine
12
. Certains lui préfèrent une insertion sociale et professionnelle
locale, valorisant davantage les emplois manuels ou techniques. Ce faisant, ils
bénéficieront d’une accession facilitée à la propriété en raison d’un foncier moins
onéreux qu’en ville et pourront maintenir les solidarités de proximité.
204
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
7.
Enquête Institut
Terram et Chemins d’avenirs, Jeunesse et mobilité : la fracture rurale, mai 2024.
Cette
enquête souligne que
« les transports en commun ne permettent pas de compenser l’éloignement : 53 %
des jeunes ruraux déclarent être mal desservis par le réseau de bus, contre seulement 14 % chez les jeunes
urbains, soit 39 points d’écart. Même estimation pour le train, avec 62 % des jeunes ruraux qui s’estiment mal
desservis contre 24 % des jeunes urbains »
.
8.
Ibid.
9.
Rentrée 2023 : dans quelles villes les études coûtent-elles le moins cher ? (lefigaro.fr)
10.
Selon le sociologue Benoît Coquard,
« pour « partir » faire des études supérieures, il faut être doté d’un
certain nombre de ressources, matérielles et culturelles, qui permettent à la fois de s’aventurer loin de son
espace connu et de maîtriser a minima ce qui se joue dans l’enseignement supérieur » ;
Benoît Coquard,
Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, La Découverte, 2022, p. 76. 
11.
Donzelot Jules,
Pour un meilleur accès aux études supérieures, lançons une stratégie nationale avec des
moyens financiers, Le Monde, 2024.
12.
Selon l’enquête Jeunesse et mobilité, lorsque l’on interroge les jeunes ruraux sur le lieu où ils souhaitent
mener leur vie, il apparaît que la part de ceux qui désirent rester dans leur territoire (48 %) est quasiment
égale à celle de ceux qui veulent le quitter (52 %).
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
205
II.
Un accès moins fréquent mais de meilleurs
résultats dans l’enseignement supérieur
Bien que les jeunes des territoires ruraux accèdent moins aisément à l’enseignement
supérieur que les jeunes des territoires urbains, leurs choix d’études sont relativement
similaires. Par ailleurs, ils sont plus mobiles géographiquement et obtiennent souvent
de meilleurs résultats à l’université.
A.
Un accès plus réduit à l’enseignement supérieur
La part de la population ayant un diplôme de niveau supérieur est globalement
inférieure dans les territoires ruraux à ce qu’elle est dans les territoires urbains.
Dans la Meuse, en Haute-Marne et dans les Vosges, l’écart à la moyenne régionale
est de 6,5 à 8,5 points. Il est plus réduit en Haute-Saône, où l’écart à la moyenne
régionale est de 3,5 points seulement.
CARTE N° 1 | Taux de diplômés de l’enseignement supérieur
N
FRANCE
31,9%
Région Grand Est
27,1 %
Région Bourgogne-Franche-Comté
25,5 %
0
40km
Meuse
20,3 %
Haute-
Marne
18,6 %
Haute-
Saône
18,6 %
Vosges
21,5 %
Source : Cour des comptes d’après Insee (données 2020)
206
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Cette situation est à rapprocher de la situation démographique et économique de
ces départements : vieillissants et peu dynamiques économiquement, ils attirent
moins que d’autres territoires des diplômés du supérieur. En tout état de cause,
l’écart ne s’explique pas par une performance différente des élèves au stade des
études secondaires. En effet, les taux de réussite au brevet des collèges des élèves
ruraux sont légèrement supérieurs aux taux nationaux
13
. Par ailleurs, les résultats
au baccalauréat sont globalement identiques dans les territoires ruraux et les
territoires urbains. Dans le Grand Est, les taux de réussite moyens au baccalauréat
entre 2018 et 2023 étaient ainsi de 90 % en Haute-Marne, de 91 % dans la Meuse
et de 93 % dans les Vosges, à comparer avec une moyenne régionale de 92 % et
nationale de 91 %. En 2023, le taux de réussite toutes voies confondues des lycéens
haut-saônois (91 %) était proche de la moyenne nationale (91 %) et de l’académie
(92 %). En revanche, les bacheliers en voie générale étaient moins nombreux dans
les territoires ruraux, au profit des voies technologique et professionnelle.
GRAPHIQUE N° 2 | Répartition des bacheliers en 2022 (en %)
46,36
49,20
53,47
54,30
55,14
55,25
54,57
24,20
23,83
19,12
20,72
20,31
20,27
19,78
29,44
26,97
27,41
24,98
24,54
24,48
25,65
0
20
40
60
80
100
Meuse
Haute-Marne
Vosges
Moselle
Meurthe et Moselle
Région Grand Est
France
Série générale
Série technologique
Série professionnelle
Source  : région académique Grand Est, direction de l’évaluation, de la prospective et de la
performance pour les données France
Le taux de poursuite des études après le baccalauréat laisse en revanche apparaître
des différences sensibles entre jeunes issus des territoires ruraux et urbains. En
2022, ce taux était inférieur dans les trois départements ruraux du Grand Est
(89 % en Haute-Marne et dans la Meuse et 92 % dans les Vosges) par rapport au
taux des départements de Meurthe-et-Moselle et de Moselle, où il se situait aux
13.
Daniel Even et Bertrand Coly,
Place des jeunes dans les territoires ruraux, Avis du Conseil économique,
social et environnemental, janvier 2017.
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
207
alentours de 93 %
14
. De même, en Haute-Saône, le taux de poursuite des études
après le baccalauréat s’établissait à 70 %
15
, à un niveau inférieur à celui des autres
départements de l’académie de Besançon : Jura (73 %), Doubs (78 %) et Territoire
de Belfort (80 %).
Les raisons de ces écarts sont diverses. Ils peuvent s’expliquer par le fait que les
vœux exprimés par les jeunes
dans Parcoursup n’ont pas été satisfaits mais aussi
par des raisons matérielles ou personnelles conduisant plus souvent les jeunes
issus des territoires ruraux à renoncer aux études supérieures.
B.
Des choix de filière globalement similaires
entre jeunes ruraux et jeunes urbains
Au-delà de ces écarts d’accès à l’enseignement supérieur, les choix des néo-bacheliers
par type de diplôme sont relativement identiques entre jeunes ruraux et jeunes
urbains, excepté pour les licences et les BTS.
GRAPHIQUE N° 3 | Choix par type de diplôme dans la région Grand Est en 2022
(en %)
32,5
33,0
25,8
23,3
20,7
19,3
18,2
10,2
11,2
12,8
11,7
12,2
11,4
8,8
39,1
34,2
42,6
43,2
47,1
45,9
45,7
6,3
6,3
5,9
5,7
4,2
7,5
8,6
3,2
7,2
6,3
6,8
6,9
5,7
6,1
8,7
8,2
6,6
9,3
8,9
10,2
12,6
0
20
40
60
80
100
Meuse
Haute-Marne
Vosges
Moselle
Meurthe et Moselle
Région Grand Est
France
BUT*
Licence (y compris LAS**)
Études de santé (Pass*** +
Ifsi)
CPGE
BTS
Autres
Source  : région académique Grand Est d’après Parcoursup 2022 - *bachelor universitaire de
technologie **licence accès santé ***parcours d’accès spécifique santé
14.
Données région académique Grand Est.
15.
Données région académique Bourgogne-Franche-Comté.
La licence, en tant que formation universitaire généraliste, reste le premier choix
de tous les bacheliers du Grand Est. Cependant les jeunes des territoires ruraux
sont moins nombreux à s’y inscrire. Leurs choix se reportent dès lors en majorité
vers les BTS, qui ont l’avantage d’être proposées sur des sites plus proches de leur
résidence et de permettre une formation courte et professionnalisante sur deux
années. Les mêmes constats peuvent être faits en Haute-Saône, où la répartition
des étudiants est similaire à celle observée dans les départements ruraux du
Grand Est (46 % en licence, 36 % en BTS et IUT et 6 % en classes préparatoires aux
grandes écoles).
Comme le soulignent certains travaux sociologiques
16
, les BTS constituent,
notamment pour les jeunes ruraux, un premier accès à l’enseignement supérieur.
Une part d’entre eux pourra ensuite se diriger vers un diplôme de niveau supérieur,
à mesure que se lèveront les freins matériels, économiques ou symboliques leur
permettant de poursuivre leur cursus.
Les classes préparatoires aux grandes écoles demeurent attractives pour les
jeunes issus des territoires ruraux. Dans le Grand Est, les jeunes Vosgiens et encore
plus les jeunes Haut-marnais y sont proportionnellement plus nombreux que dans
l’ensemble de la région et aussi nombreux que dans les deux départements plus
urbains de Meurthe-et-Moselle et de Moselle. De même, dans les sondages réalisés
en Meuse et en Haute-Saône, 49 % des élèves du lycée meusien ont positionné
une classe préparatoire en deuxième choix, juste après la licence générale (81 %).
Celle-ci arrivait en troisième choix dans le sondage réalisé en Haute-Saône (22 %),
juste derrière les bachelors universitaires de technologie (BUT, 25 %).
C.
Des jeunes ruraux qui affichent des résultats plus
favorables que les autres étudiants à l’université
1.
Des jeunes ruraux plus mobiles que les urbains
La faiblesse de l’offre de formation locale conduit les jeunes des territoires ruraux
accédant à l’enseignement supérieur à quitter leur territoire bien plus souvent
que les jeunes urbains. Ainsi, à la rentrée 2022, alors qu’au niveau national 22 %
des néo-bacheliers quittaient leur académie à l’occasion de leur entrée dans
l’enseignement supérieur
17
, ils étaient de 35 % à 50 % dans les trois départements
ruraux du Grand Est.
208
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
16.
Sophie Orange,
L’autre enseignement supérieur, les BTS et la gestion des aspirations scolaires, Presses
Universitaires de France, 2013.
17.
Note d’information n° 2023-03,
La mobilité géographique à l’entrée dans l’enseignement supérieur,
systèmes d’information et études statistiques du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche,
mars 2023.
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
209
SCHÉMA N° 1 | La mobilité comparée entre étudiants de départements urbains
et étudiants de départements ruraux en 2022 dans le Grand Est
22 %
Meuse
15 %
Haute - Marne
22 %
Meurthe -
et - Moselle
57 %
Vosges
23 %
30 %
35 %
39 %
50 %
FRANCE
% des étudiants quittant leur académie
% des étudiants poursuivant leurs études
dans leur département
Moselle
46 %
35 %
Départements ruraux
Départements urbains
Source : Cour des comptes d’après les données de la région académique Grand Est
Seuls 15 % à 23 % poursuivent leurs études dans leur département alors qu’ils sont
46 % en Moselle et 57 % en Meurthe-et-Moselle, les deux départements urbains
de la région Grand Est. Les bacheliers de la Haute-Saône sont également mobiles
puisque seuls 16 % d’entre eux restent dans leur département.
Cette mobilité s’effectue très majoritairement vers les pôles universitaires
régionaux les plus proches. L’orientation à proximité immédiate concerne
principalement les élèves issus des voies professionnelle et technologique qui
poursuivent leurs études en BTS.
2.
Des résultats supérieurs à la moyenne pour les étudiants issus
des territoires ruraux
Les étudiants issus des territoires ruraux ont de meilleurs résultats aux examens.
Ainsi, l’université de Lorraine a enregistré en 2022 des taux de réussite supérieurs
à la moyenne pour les étudiants ayant obtenu leur baccalauréat en Haute-Marne
(100 % de réussite en licence professionnelle et en diplôme d’ingénieur, 96 %
en master) et dans la Meuse (92 % de réussite en licence et 100 % en diplôme
d’ingénieur). La même année, les étudiants de Meurthe-et-Moselle validaient leur
licence à 88 %, leur licence professionnelle à 92 %, leur master à 96 % et leur
diplôme d’ingénieur à 90 %.
Bien que l’accès à l’enseignement supérieur soit plus difficile pour les jeunes
ruraux, ils semblent ainsi mieux y réussir que les jeunes urbains.
210
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Témoignage d’Alixia (22 ans), diplômée d’un master de management
public
« Je suis originaire de Mirecourt, dans les Vosges où j’ai fréquenté le lycée
de ma ville sans avoir d’objectif professionnel clair. En terminale s’est
posée la question des études supérieures : j’ai pu aller au salon Oriaction à
Nancy mais c’est surtout l’initiative de ma professeure d’économie d’inviter
d’anciens élèves, étudiants en première année de fac, qui m’a permis de
faire mon choix. J’ai opté pour une licence économie/gestion à la faculté
de droit. Cet accompagnement a été important car je suis la première à
faire des études supérieures dans ma famille qui m’a soutenue dans ce
parcours.
Grâce à ma bourse je me suis installée en cité U à Nancy, Paris étant
inabordable. Les deux premières années ont été très difficiles : il y avait la
pression de devoir réussir, la solitude de la vie étudiante et les conditions
de logement pas toujours adaptées à ma santé. J’ai failli abandonner.
Heureusement, les choses se sont arrangées en 3
ème
année, à mon arrivée
à l’IAE [institut d’administration des entreprises]. La structure était plus
petite, le soutien pédagogique plus important et j’ai pu enfin nouer des
amitiés. J’ai obtenu mon Master en 2024 et dans la foulée un contrat d’un
an au CNRS.
Cette année, mon petit frère rentre lui aussi à l’université et mon
expérience a permis de lui ouvrir la voie ».
III.
Améliorer l’accès des jeunes ruraux à l’offre
de formation
L’amélioration de l’accès des jeunes issus de territoires ruraux à l’enseignement
supérieur repose sur la mobilisation de deux types d’instruments : le soutien au
développement d’une offre de formation de proximité et les aides directes aux
étudiants. Alors que le premier de ces leviers voit son impact limité par les moyens
que les acteurs locaux peuvent y consacrer et la relative faiblesse des publics
concernés, le second ne fait pas, dans les territoires étudiés, l’objet de mesures de
nature à prendre en compte la situation spécifique des jeunes issus des territoires
ruraux.
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
211
A.
Mieux articuler l’action des collectivités locales avec
les initiatives des établissements d’enseignement
supérieur
L’enseignement supérieur est, pour l’essentiel, une compétence de l’État.
Toutefois, les collectivités locales et leurs groupements ont la possibilité de
contribuer au financement des sites et établissements d’enseignement supérieur
et de recherche implantés sur leur territoire, ainsi qu’aux œuvres universitaires
et scolaires
18
. L’exercice de cette compétence facultative repose sur des moyens
limités, notamment en raison de la relative faiblesse des effectifs concernés.
Il a
toutefois permis de soutenir, avec des résultats variables, le maintien d’une offre
de formation de proximité dans les territoires ruraux des deux régions étudiées.
Dans le Grand Est, la communauté d’agglomération d’Épinal (CAE) a ainsi soutenu
un projet de développement d’une offre de formation de niveau supérieur d’une
certaine ampleur. Aujourd’hui troisième pôle universitaire du sillon lorrain, cette
agglomération accueille 2 700 étudiants
19
. Les formations dispensées concernent
tant des cursus généralistes que des formations professionnelles et technologiques
répondant plus directement aux besoins du tissu économique local. La CAE offre
également un guichet unique en matière de vie étudiante (logement, restauration,
santé, vie culturelle). Avec l’appui du département, elle consacre en moyenne
3 M€ par an à l’enseignement supérieur et à la vie étudiante, dont 240 000 à
300 000 € pour le logement universitaire et 150 000 et 200 000 € de subventions
aux deux restaurants universitaires. Cette mesure s’est appuyée sur la démarche
volontariste d’un établissement d’enseignement supérieur, l’université de Lorraine,
qui a souhaité développer une politique territoriale reposant sur plusieurs pôles.
L’exemple d’une politique territoriale portée par l’université :
le cas de l’université de Lorraine
Depuis 2021, l’université de Lorraine développe une politique territoriale,
s’appuyant notamment sur une « 
conférence universitaire territoriale
 ».
Cette instance réunit l’ensemble des collectivités où l’université est
implantée, c’est-à-dire la région Grand Est, le pôle métropolitain du Sillon
Lorrain, les deux métropoles de Metz et de Nancy, les quatre départements
ainsi que douze communautés d’agglomération et de communes, les
collectivités locales partenaires et les instances de l’université.
En 2022, les actions de cette conférence ont été prolongées par la
désignation d’un vice-président à la stratégie territoriale pilotant la mise en
place de schémas de déploiement universitaire territoriaux sur les campus
hors métropoles. Ces schémas visent à améliorer le taux d’accès aux
18.
Article L. 216-11 du code de l’éducation.
19.
Données CAE, moyenne sur la période 2017-2022.
212
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
études supérieures des jeunes Lorrains, notamment en facilitant l’entrée à
l’université des jeunes vivant dans des zones rurales distantes
des métropoles.
Menée en parallèle de la révision du schéma de la région, la stratégie
territoriale de l’université n’a pas vocation à s’y substituer mais s’articule
avec celles des collectivités locales concernées.
D’autres mesures de soutien ont concerné des effectifs de moindre ampleur. En
Haute-Marne, le soutien à l’offre de formation dans le périmètre de la communauté
d’agglomération de Chaumont a abouti à l’installation en 2011 du pôle technologique
spécialisé de Nogent (formation de 300 ingénieurs sur 10 ans) et à l’implantation à
Chaumont de la
South Champagne Business School
, qui délivre un diplôme bac + 3
en management. En l’absence de restaurant universitaire, la ville de Chaumont
propose, quatre soirs par semaine, une offre de restauration à une quarantaine
d’étudiants.
En Haute-Saône, le département et la région ont soutenu l’antenne universitaire
de Vesoul en finançant d’importants travaux de rénovation du pôle universitaire
depuis 2014 (2,7 M€ pour regrouper l’IUT et l’Inspé et 4,1 M€ (montant estimé)
pour la future rénovation énergétique du site). De son côté, l’université de Franche-
Comté a pris en charge les dépenses de fonctionnement du site à hauteur de 2,7 M€
sur la période 2018-2023. Le lycée Belin a créé pour sa part, avec notamment
l’école nationale supérieure de mécanique et des microtechniques de Besançon, un
parcours de formation allant jusqu’au diplôme d’ingénieur (31 étudiants aiguillés
grâce à ce dispositif sur les 38 admis dans le parcours depuis 2020).
Les résultats ont été plus modestes dans la Meuse, où la principale alternative aux
BTS repose sur l’existence d’un « campus connecté » à Bar-le-Duc. Celui-ci avait
pour objet de proposer à des étudiants locaux de suivre une formation à distance.
Ce campus n’a pas trouvé son public et ne compte aujourd’hui que deux étudiants.
Il continue pourtant de bénéficier d’un soutien annuel de 50 000 € de la région
Grand Est jusqu’en 2026.
B.
Des aides directes aux étudiants, un effort à cibler
pour mieux répondre aux spécificités des étudiants
ruraux
Il n’existe pas, dans les territoires observés, d’aide spécifique prenant en compte
les difficultés rencontrées par les jeunes ruraux pour suivre des études supérieures.
En effet, les dispositifs identifiés s’adressent à l’ensemble des jeunes et relèvent de
la typologie commune des aides proposées aux étudiants.
1.
Des aides à la mobilité sociale et culturelle s’adressant à l’ensemble
des jeunes
Dès le secondaire, différentes actions visent à favoriser une ouverture au-delà des
espaces scolaire et social de proximité : politique active de voyages scolaires, visites
de lycées urbains qui proposent des classes préparatoires, stages de troisième et
de seconde. Des initiatives associent la culture comme le projet « 
Ramassage des
rêves et des peurs de l’orientation »
en Bourgogne-Franche-Comté
.
Les universités de Lorraine et de Franche-Comté se mobilisent également en faveur
de l’orientation pré-universitaire des élèves avec l’intervention d’étudiants auprès
des lycéens
20
, l’organisation de journées d’immersion
21
ou encore l’utilisation d’un
jeu en réalité virtuelle permettant de découvrir la vie étudiante et universitaire de
l’université de Lorraine.
D’autres actions sont conduites afin d’améliorer l’égalité des chances dans l’accès
à l’enseignement supérieur, en plus des
« Cordées de la réussite »
22
présentes sur
tout le territoire. La fédération « Des territoires aux grandes écoles » intervient en
Haute-Marne et en Haute-Saône
via
son antenne « De la Haute-Saône aux grandes
écoles ». Elle propose des séances collectives ou du mentorat individuel afin de
permettre à des lycéens issus de milieux ruraux d’intégrer des cursus sélectifs.
2.
L’insuffisante prise en compte de l’éloignement géographique dans
les dispositifs d’aide aux étudiants
Différentes aides peuvent être allouées aux étudiants en fonction de leur
situation : bourses sur critères sociaux du Crous, bourses versées par les régions
aux étudiants des formations sanitaires et sociales ou à ceux qui effectuent une
mobilité internationale à partir de bac + 3. Des tarifs préférentiels sont également
proposés aux jeunes de moins de 26 ans (voyages illimités ou occasionnels) sur
le réseau TER. D’autres aides peuvent être octroyées par différents organismes
(caisses d’allocations familiales, centres de formation d’apprentis, opérateurs
de compétences
23
, collectivités locales) pour le transport, le logement ou
l’accompagnement à l’apprentissage. Le département de la Haute-Saône délivre
depuis 1989 une « allocation familiale départementale étudiant » aux familles les
plus démunies dont les jeunes souhaitent poursuivre leurs études. Modulée en
fonction du quotient familial et de l’âge de l’étudiant, elle s’élève entre 250 € et
1 000 € par an. Sur la période 2018-2023, 5 349 étudiants en ont bénéficié pour un
montant total de 2,5 M€.
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
213
20.
Étudiants ambassadeurs à l’université de Lorraine (12 000 lycéens rencontrés pour un taux de
satisfaction de 98 %) ou
« tutorat Besançon Santé »
pour présenter l’année de Pass-LAS.
21.
En 2022-2023, accueil de 1 972 lycéens à l’université de Lorraine.
22.
Dispositifs de développement de l’ambition scolaire et de lutte contre l’autocensure qui permet
l’accompagnement des élèves de la 4
ème
jusqu’à l’enseignement supérieur.
23.
Organismes agréés par l’État, chargés d’accompagner la formation professionnelle et de financer
l’apprentissage.
214
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Ces aides ne tiennent que faiblement compte du critère d’éloignement
géographique des étudiants. Ainsi, les bourses sur critères sociaux du Crous ne
pondèrent ce critère qu’à hauteur de 2 points maximum sur un total de 17.
Le mode de calcul des bourses d’enseignement supérieur sur critères
sociaux
Sous réserve du respect des conditions d’éligibilité, le montant des bourses
est calculé en fonction d’un barème de points de 0 à 17 et du revenu net
global de la famille.
Le barème de points prend en compte, d’une part, la composition de la
famille pour un maximum de 15 points (deux par enfant à charge autre
que l’étudiant, quatre pour un autre enfant dans l’enseignement supérieur)
et, d’autre part, la distance entre le lieu d’étude et le domicile pour un
maximum de deux points (un point de 30 à 249 km, deux points à partir
de 250 km).
La faiblesse ou l’absence de prise en compte de l’éloignement géographique dans
l’attribution des aides tend à défavoriser les jeunes issus des zones rurales. Ainsi,
en Haute-Saône, le montant moyen des bourses perçues par les jeunes issus des
territoires ruraux est inférieur de 648 € à celui perçu par les étudiants boursiers
urbains. En outre, l’existence de guichets multiples, l’éparpillement de la gestion
des bourses entre plusieurs acteurs et la complexité de certaines procédures
administratives peuvent entraîner un phénomène de non-recours aux droits
par les jeunes et leur famille, notamment dans les territoires ruraux où l’accès à
l’information sur ces dispositifs est le plus difficile.
Ces constats plaident pour simplifier la gestion des différentes aides en confiant
leur paiement à un guichet unique et à en revoir les modalités d’attribution afin de
mieux prendre en compte l’éloignement géographique qui représente aujourd’hui
une part trop limitée dans le mode de calcul, alors qu’il demeure l’un des principaux
freins rencontrés par les jeunes ruraux les plus modestes.
215
Conclusion et
recommandations
L’accès des jeunes issus des territoires ruraux à l’enseignement
supérieur est un enjeu majeur de cohésion sociale et territoriale.
Or, cette problématique est aujourd’hui faiblement prise en
compte par les politiques publiques.
Le développement local de l’offre de formation constitue un
élément de la réponse aux besoins des jeunes des territoires
ruraux. Toutefois celui-ci ne peut être que d’ampleur limitée
au regard des effectifs concernés et restera, pour l’essentiel,
concentré sur un petit nombre de cursus spécifiques. Dans ce
contexte, l’amélioration de l’accès des jeunes ruraux passe par
des mesures visant à favoriser leur mobilité vers les pôles de
formation de leur choix. Cela suppose notamment une meilleure
prise en compte de la distance géographique dans l’attribution des
aides qui leur sont destinées, notamment les bourses sur critères
sociaux, et une simplification pour les bénéficiaires des procédures
d’obtention et de versement de ces aides auprès des différents
financeurs.
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
simplifier les modalités de versement des aides aux
étudiants avec, le cas échéant, la création d’un guichet
unique
(ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche, centre national des œuvres universitaires
et scolaires, départements et régions)
 ;
2.
renforcer le poids du critère d’éloignement géographique
dans le calcul des bourses sur critères sociaux pour
tenir compte du surcoût de la mobilité pour les
jeunes des territoires les plus éloignés
(ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche, centre
national des œuvres universitaires et scolaires)
.
L’ACCÈS DES JEUNES DES TERRITOIRES RURAUX À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
216
COUR DES COMPTES
| RAPPORT PUBLIC ANNUEL
Réponse reçue
à la date de la publication
Destinataires n’ayant pas répondu
Madame la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation
Madame la ministre de l’éducation nationale
Monsieur le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche