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Les stations de montagne face
au changement climatique
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Le tourisme hivernal en montagne s’est développé dans les années 1960
et 1970 avec la construction des stations de sports d’hiver dans le cadre des
plans neige initiés par l’État. Outre la
modernisation des anciennes stations, les
plans neige ont conduit à la création de stations de montagne
ex nihilo
, intégrées
et souvent situées en haute altitude comme Les Arcs, Tignes ou Isola 2000. Ainsi,
150 000 lits ont été créés durant cette période,
permettant le développement d’un
tourisme hivernal de masse en montagne. Le tourisme montagnard représente
actuellement 22,4 % des nuitées touristiques en France.
Cette politique de développement a cependant conduit les territoires
de montagne à devenir
fortement dépendants d’un tourisme orienté très
largement vers la pratique du ski alpin.
Après moins d’un demi
-
siècle d’exploitation touristique, les acteurs
se retrouvent confrontés au changement climatique, qui fragilise le modèle
économique actuel en raison de la diminution irréversible des niveaux
d’enneigement moyens et de la répétition de plus en plus fréquente de
saisons défavorables à la pratique du ski. À l’échelle européenne, entre
53 % et 98 % des stations sont très fortement menacées selon les scénarios
de réchauffement retenus (+ 2 °C et + 4 °C)
253
.
253
François, H., Samacoïts, R., Bird, D.N. et al.,
Climate change exacerbates
snow-water-energy challenges for European ski tourism
,
Nat. Clim. Chang.
, 2023.
COUR DES COMPTES
212
Les juridictions financières se sont attachées à analyser l’impact du
changement climatique sur les stations de montagne et sur leurs
gestionnaires et opérateurs. L’échantillon a porté sur
39 contrôles
correspondant à 42 stations
254
et 43 organismes
255
, illustratifs de la
diversité des situations rencontrées et répartis sur le Massif Central, les
Pyrénées, les Alpes et le Jura.
Alors que le modèle économique des stations de montagne
s’essouffle face à la
réalité du changement climatique (I), l’enquête menée
par les juridictions financières montre que les politiques publiques
d’adaptation restent en
deçà des enjeux (II). Il convient aujourd’hui
d’approfondir un certain nombre de solutions pour permettre au
x acteurs
publics locaux, en charge de la gestion des stations de montagne, de
trouver rapidement des voies pertinentes d’adaptation (III).
I -
Un modèle économique qui
s’essouffle
Le changement climatique, très marqué en montagne, vient impacter
de façon inégale les stations, confrontées à des difficultés structurelles de
gouvernance et pour lesquelles le ski représente un enjeu financier
déterminant. Le recours au financement public devient inévitable.
A -
Les singularités du modèle français
Tout en tenant compte des retombées sur les territoires des stations
de ski (hébergements notamment), l’enquête des juridictions financières a
porté sur le service public des remontées mécaniques, qui représente un
chiffre d’affaires de 1,6 Md€ (saison 2022
-2023) et sur les modalités de sa
diversification au regard du changement climatique.
254
Albiez Montrond, Arêches Beaufort, Superbesse, Les Arcs , Chalmazel, Chamonix,
Chamrousse, La Clusaz,
Col du Rousset, Font-
d’Urle Chaud
-Clapier, Vassieux-en-
Vercors, Grand-Echaillon, Herbouilly, Lus-la-Jarjatte, Valdrôme, Les Gets, Mont-
Dore, Saint Pierre de Chartreuse, Thollon les Mémises, Val-Cenis, Gourette, La-Pierre-
Saint-Martin, Ax-Trois-Domaines, Boutx-le-Mourtis, Font-Romeu-Pyrénées 2000,
Goulier neige, Grand-Tourmalet, Formiguères, Porté-
Puymorens, Le Cambre d’Aze,
Val-
d’Azun, Val
-Louron, Isola 2000, Auron, Montgenèvre, Pra-Loup, Risoul, Sainte-
Anne, Sauze-Super Sauze, Larche, Vars, Métabief.
255
Communautés de communes, syndicats mixtes, communes, délégataires de service
public, régions (Occitanie, Provence-Alpes-Côte
d’Azur et Auvergne
-Rhône-Alpes),
départements (Drôme, Loire, Savoie), société publique locale et
sociétés d’économie
mixte (SEM).
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
213
Environ 68 pays disposent d’installations de remontées mécaniques.
Mais le marché mondial du ski est concentré pour l’essentiel sur un petit
nombre de destinations. Ainsi, le massif des Alpes regroupe 39 % des
journées-
ski et l’Am
érique du Nord 23 %
256
. Parmi les principaux pays du
ski, on retrouve les États-
Unis, le Canada, les pays situés sur l’arc alpin,
ainsi que le Japon. Avec 53,9 millions de journées-ski (saison 2021-2022),
la France se classe ainsi au 2
ème
rang mondial après les États-Unis
(61 millions)
257
.
Selon Atout France, les séjours touristiques des Français sur les
territoires de montagne représentent environ 22,4 % des nuitées, ce qui
constitue une part significative de l’activité touristique du pays. Cette
fréquentation provient en grande partie du tourisme hivernal. Le poids du
ski est toutefois inégal selon les massifs : il est plus important dans les
Alpes du Nord, qui concentrent la plupart des grands domaines skiables.
La Savoie et la Haute-Savoie représentent ainsi plus de 70 % du chiffre
d’affaires des remontées mécaniques.
Les retombées économiques du ski sur l’économie locale sont
souvent soulignées par les professionnels des remontées mécaniques. Un
ratio
est généralement mis en avant, celui du « un pour six » : un euro
investi dans un forfait de remontées mécaniques générerait six euros de
retombées sur l’économie locale (cours de ski, commerces, logements)
258
.
Cependant,
ces
chiffres
sont
issus
d’études
souvent
anciennes,
circonscrites sur le plan géographique et insuffisamment documentées.
Outre qu’elles présentent des biais méthodologiques, ces études
correspondent davantage aux grandes stations.
La gouvernance des stations en France, placée sous la responsabilité
des collectivités locales, est complexe car elle fait intervenir un grand
nombre d’acteurs économiques dans le cadre d’un modèle dit «
éclaté ».
Alors qu’à l’étranger, la gestion des domaines skiables relève du
secteur privé, dans le cadre de l’économie de marché, en France, la loi du
9 janvier 1985, dite « loi montagne », a qualifié le service des remontées
mécaniques de
« service public industriel et commercial »
. Cette
qualification est une spécificité française. Ce service est géré selon deux
256
2023 International report on snow and mountain tourism
, Laurent Vanat, moyenne
sur les cinq dernières années.
257
Domaines skiables de France,
Indicateurs et analyses 2022
, septembre 2022.
258
Ratio
calculé notamment par Domaines skiables de France dans son recueil des
indicateurs et analyses, 2022.
COUR DES COMPTES
214
modalités principales : en régie
259
, c’est
-à-dire directement par la collectivité
territoriale, ou confié à une société privée par un contrat de délégation de
service public
260
. Sauf exception motivée conformément à l’article L.
2224-2
du code général des collectivités territoriales, ce mode de gestion doit être
fi
nancé par l’usager (le skieur en l’occurrence) et non par le contribuable. La
loi réserve un rôle central à la commune dans la gestion des domaines
skiables, même si cette compétence peut être transférée à l’échelon
intercommunal ou à des syndicats mixtes. La « loi montagne » permet
également aux départements de gérer des domaines skiables.
B -
Un changement climatique très marqué en montagne
À la fin du XX
e
siècle, le modèle de croissance des stations reposait
sur trois piliers : la demande de loisirs des touristes-
skieurs, l’immobilier
touristique et les remontées mécaniques. Ces trois composantes ont permis
de générer une dynamique qui s’est auto
-alimentée pendant plusieurs
décennies : les infrastructures immobilières ont permis le financement de
nouvelles remontées mécaniques, lui-
même générateur d’un flux accru de
touristes en demande de nouveaux hébergements.
Cependant, depuis la fin des années 2000, la diminution de la clientèle
du ski alpin
261
et l’inadaptation croissante du patrimoine immobilier des
stations aux attentes des touristes et aux normes de consommation
énergétique
262
ont déstabilisé l’équilibre financier des exploitants de
remontées mécaniques et l’économie locale qui en découle pour partie.
Ce phénomène a été accentué par le changement climatique, qui se
manifeste en montagne par une hausse des températures plus marquée
qu’en plaine. Cette hausse s’accélère depuis les années 2010.
259
On distingue la régie simple
qui consiste en une gestion directe du service par
l’assemblée délibérante et l’exécutif de la collectivité concernée –
de la régie autonome
dont l’administration est assurée par un conseil d’exploitation et un directeur et qui
dispose d’un budget propre et distinct de celui de la collectivité qui l’a créé
e.
260
Le cas échéant, cette société peut être une société à capitaux majoritairement publics (société
d’économie mixte,
SEM), ou à capitaux entièrement publics (société publique locale, SPL).
261
Selon les professionnels du secteur, ceci s’expliquerait notamment par la
désaffection progressive des jeunes générations vis-à-vis de cette activité et de la baisse
tendancielle des « classes de neige ».
262
Selon une étude récente,
réalisée sur la base d’un échantillon de 70 stations de ski
(publiée en novembre 2022 par la société
Heero
), en moyenne près de 50 % des
logements situés dans ces stations ont un classement énergétique noté F ou G et peuvent
donc être considérés comme des
« passoires énergétiques »
; ce
ratio
est de 16,9 % en
moyenne nationale.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
215
Schéma n° 10 :
altération du moteur de la croissance des stations
de ski au début du XXI
e
siècle
Source : juridictions financières
Aujourd’hui, les projections climatiques des scientifiques font état
d’une accentuation du phénomène à moyen terme, avec des conséquences
irrémédiables sur la fiabilité de l’enneigement. Ce constat s’applique tant
à la neige naturelle qu’à la neige pro
duite.
Une projection datée de 2019
263
a ainsi établi une catégorisation des
stations de ski françaises des Alpes et des Pyrénées à deux horizons
temporels (2030-2050 et 2080-2100) et selon deux scénarios du GIEC (dits
RCP 2.6 et 8.5, voir le chapitre introductif). Il apparaît que les projections
ne divergent qu’à des échéances temporelles de long terme. Entre 2030 et
2050, fourchette adoptée par l’étude scientifique précitée, les résultats sont
proches, quelles que soient les hypothèses retenues. Ce n’est qu’à horizon
de la seconde moitié du XXI
e
siècle que les mesures d’atténuation
commenceront, le cas échéant, à produire leurs effets.
263
Spandre, P., François, H., Verfaillie, D., Pons, M., Vernay, M., Lafaysse, M., George, E.,
and Morin, S.,
Winter tourism under climate change in the Pyrenees and the French Alps:
relevance of snowmaking as a technical adaptation
,
The Cryosphere
, 13, 1325
1347.
COUR DES COMPTES
216
Selon ces études scientifiques, la quasi-totalité du massif des
Pyrénées et une large part de celui des Alpes présenteraient entre 2030 et
2050 une fiabilité d’enneigement trop faible pour permettre la pratique du
ski alpin dans un cadre économiquement viable pour les exploitants. Ces
constats sont corroborés par les études les plus récentes
264
.
Compte tenu des évolutions clima
tique, l’
État retient désormais un
scénario intermédiaire, dit RCP 4.5 du GIEC.
Les juridictions financières constatent ainsi que la viabilité
économique d’un grand nombre de stations est d’ores et déjà fortement
compromise à court terme. Statistiquement,
il s’agit de stations de petite et
de moyenne montagne. Si les stations les plus préservées ne seront menacées
par le réchauffement climatique que dans la seconde moitié du XXI
e
siècle,
d’autres le seront pendant la période 2030
-2050. Il importe donc que chaque
station tienne compte des perspectives climatiques qui lui sont propres car
les contrats de délégation de service public nécessitent par ailleurs un
engagement sur des durées longues, permettant l’amortissement des
immobilisations, en général de l’ordre d’une quinzaine d’années.
En outre, certaines stations de haute montagne sont également
affectées par la fragilisation du pergélisol
265
jusqu’ici cimenté par la glace.
Un rapport de trois services d’inspection de décembre 2022
266
confirme
que ce risque est croissant : 974 infrastructures sont présentes sur des
terrains à pergélisol, dont 74 % sont des remontées mécaniques. Une
meilleure connaissance du risque est nécessaire pour prévenir les impacts
sur la stabilité des infrastructures et la sécurité des personnes et des biens.
C -
Des stations inégalement vulnérables
La vulnérabilité des stations au changement climatique, et à la baisse
de fiabilité de l’enneigement qui en découle, recouvre des situations
complexes à appréhender mais dont l’analyse constitue un
préalable
nécessaire à toute politique d’adaptation.
264
François, H., Samacoïts, R., Bird, D.N. et al.,
Climate change exacerbates snow-
water-energy challenges for European ski tourism
,
Nat. Clim. Chang
., 2023.
265
Le pergélisol (
permafrost
en anglais) désigne les sols gelés en permanence et, de ce
fait, imperméables. On le trouve sous les hautes latitudes (
pergélisol polaire
) mais aussi
dans les hautes altitudes (
pergélisol alpin
).
266
Risques d’origine glaciaire et périglaciaire
- IGEDD, IGA et IGESR.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
217
La plupart des publications dresse un constat axé sous le seul angle
climatique. Dépassant ces seules projections, la Cour des comptes a
développé une approche par les risques, évaluant la vulnérabilité des
stations par un raisonnement multifactoriel. En effet, la vulnérabilité d’une
station ne dépend pas uniquement de la fiabilité de l’enneigement, mais
résulte également du poids socio-économique de la station (la population
de la commune concernée, les emplois liés au tourisme, la taille de la
station) et de la surface financière de l’autorité organisatrice
267
, et donc de
sa capacité à s’adapter.
Ces travaux montrent que les stations de montagne situées dans la
région Provence-Alpes-
Côte d’Azur présent
ent un niveau de vulnérabilité
plus important que celles d’Occitanie. Cette situation s’explique par les
enjeux socio-économiques plus importants pour les territoires situés dans
les Alpes du sud. Il n’en demeure pas moins que les Alpes du nord sont
également concernées. Ces constats montrent que les choix à opérer pour
déterminer les territoires à accompagner et à soutenir dans le cadre de
dispositifs nationaux ou régionaux d’adaptation au changement climatique,
nécessitent une analyse multifactorielle.
De
ce fait, l’accès aux données apparaît crucial pour identifier les
situations les plus critiques. Certaines données sont accessibles aux acteurs
via
un consortium privé
268
. Toutefois l’ensemble de celles concernant le
climat, le poids socio-économique des stations et la surface financière des
collectivités locales
sont actuellement éparses. Il est donc essentiel d’en
permettre le regroupement, sous le pilotage de l’
État
, et l’accès à
l’ensemble des acteurs
via
un observatoire national regroupant les données
de vulnérabilité en montagne, y compris celles relatives aux risques
d’origine glaciaire et périglaciaire
269
. Toutes ces données permettront aux
acteurs publics (autorités organisatrices, départements, intercommunalités,
régions), d’être en capacité de bâtir les bonnes stratégies d’adaptation.
267
L’autorité organisatrice est la collectivité territoriale compétente pour organiser le
service public. Elle peut en
confier tout ou partie à un tiers qu’elle contrôle.
268
Comme l’outil
Climsnow
mis à la disposition de la société
Dia4S
en utilisant les
données produites par l’INRAE.
269
Soutien au programme d’acquisition de connaissance du plan d’action sur les risques
d’origine glaciaire et périglaciaire, estimation de la sensibilité des
territoires menée
dans les Alpes en 2021 et dans les Pyrénées en 2023.
COUR DES COMPTES
218
D -
Le changement climatique affecte d’ores et déjà
les finances des collectivités territoriales
Le changement climatique a d’ores et déjà un impact significatif sur
les finances des collectivités publiques. L’activité de re
montées mécaniques
nécessite en effet de lourds investissements, amortis sur des durées longues,
pouvant aller jusqu’à 40 ans pour les télécabines les plus importantes.
L’enquête a permis de les estimer à
15
années en moyenne, à partir d’un
recensement des
dépenses d’investissement des stations de 2010 à 2022
270
.
Cette exigence requiert un niveau d’activité suffisant, permettant de dégager
les recettes nécessaires au renouvellement des immobilisations. Or la
diminution tendancielle du nombre de journées-skieurs combinée au manque
d’enneigement, exposent de plus en plus de stations à ne plus être en capacité
d’atteindre l’équilibre d’exploitation. Certaines stations dégagent un résultat
d’exploitation couvrant leurs amortissements (Les Arcs, Font
-Romeu).
Toutef
ois d’autres n’y parviennent pas (Isola 2000, Goulier), voire
présentent un résultat d’exploitation négatif (Auron, Val Louron).
Dans ces conditions, le recours au financement public est significatif
alors que la réglementation ne permet pas de faire reposer le financement
d’un service public à caractère industriel et commercial sur le
contribuable
: ce service doit s’équilibrer grâce aux seules redevances
acquittées par les usagers, sauf lorsque les exigences du service public
conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de
fonctionnement et sous réserve d’une délibération dûment motivée.
Face à cette dégradation financière, les collectivités territoriales ont
répondu par une augmentation des tarifs des forfaits, décorrélée du nombre
de pratiquants. Ainsi, entre 2001 et 2022, le chiffre d’affaires des stations
françaises a progressé de 49,3 %, alors même que le nombre de journées-
skieurs n’a augmenté que de 7,8
%. Mais cette politique ne pourra
durablement compenser la baisse de la fréquentation.
270
Source :
Montagne Leaders
.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
219
Graphique n° 7 :
évolution du chiffre d’affaires et de la fréquentation
des domaines skiables français depuis 2001
Source
: juridictions financières d’après les données de DSF
271
, Recueil indicateurs et
analyses 2022 exprimés en
M€ constants (axe de droite et histogramme) et en millions de
journées skieurs (axe de gauche et courbe rouge)
D’autres
collectivités
s’engagent
dans
des
investissements
importants pour moderniser les remontées mécaniques dont elles sont
propriétaires
ou
pour
développer
la
production
de
neige.
Ces
investissements risquent de fragiliser leur situation financière si elles ne
prennent pas en compte, au bon niveau, l’érosion de la fréquentation et si
le manque de neige ne permet pas de les amortir. Au contraire, les
collectivités locales doivent impérativement adapter leur politique
touristique aux impacts du changement climatique.
La réduction de l’enneigement et du nombre de skieurs sur le temps long
doit don
c conduire l’ensemble des stations de montagne, à plus ou moins courte
échéance, à ajuster leur modèle économique et à envisager des adaptations
voire, dans certains cas, une reconversion. Les juridictions financières ont déjà
fait des recommandations en ce sens dans de précédentes publications
272
.
271
Domaines skiables de France (DSF) est la chambre syndicale des exploitants de
remontées mécaniques et des domaines skiables de France. Elle est habilitée à négocier la
convention collective avec les syndicats de salariés et peut constituer l’un des interlocuteurs
des pouvoirs publics en matière technique, économique et environnementale.
272
Cour des comptes,
L’avenir des stations de ski des Pyrénées
: un redressement
nécessaire, des choix inévitables
, rapport public annuel, mars 2015 ;
Les stations de ski
des Alpes du Nord face au réchauffement climatique : une vulnérabilité croissante, le
besoin d’un nouveau modèle de développement
, rapport public annuel, mars 2018 ;
Le
soutien apporté aux stations de moyenne montagne des Pyrénées-Atlantiques
, rapport
public annuel sur
Les acteurs publics face à la crise : une réactivité certaine, des
fragilités structurelles accentuées
, février 2022.
COUR DES COMPTES
220
II -
Des politiques d’adaptation en deçà des
enjeux
Les stratégies d’adaptation au changement climatique de l’État et des
collectivités locales apparaissent peu opérantes et centrées sur le maintien
d’une activité de sk
i au détriment des autres voies de diversification.
A -
Une planification de l’État peu opérante et dispersée
Selon l’article 1
er
de la « loi montagne
», il revient à l’État «
de prendre
en compte et d'anticiper les effets du changement climatique en soutenant
l'adaptation de l'ensemble des activités économiques à ses conséquences,
notamment dans les domaines agricole, forestier et touristique
».
L
a planification écologique de l’État s’exerce
principalement à
travers la mise en œuvre du plan national d’adap
tation au changement
climatique (PNACC 2018-2022) et du plan avenir montagne (PAM).
Au regard de la baisse durable de l
’enneigement
, le PNACC
présente, dans sa version la plus récente, des lacunes importantes en
matière de planification écologique pour le tourisme en montagne. Seules
neuf mesures sur 470 concernent cette dernière. La plupart sont trop larges
et peu opérationnelles. Une seule est plus ciblée, mais elle est de faible
portée au regard des enjeux (amélioration de voirie dans les Vosges). En
matiè
re de gouvernance, la mise en œuvre du plan s’inscrit en parallèle de
stratégies définies à chaque échelon territorial : la multiplicité de ces
schémas nécessiterait une meilleure coordination
, ce que l’
État entend
améliorer en fixant une trajectoire nationale de réchauffement, servant de
référence pour toutes les actions d’adaptation, y compris locales
.
Le
plan avenir montagne
273
, mis en place pour accompagner la
réouverture des stations à la suite de la pandémie de covid 19 et pour accélérer
la transition écologique, présente aussi des insuffisances significatives. Les
actions prévues sont dispersées et très inégales dans leurs ambitions. La priorité
a été donnée aux projets les plus avancés. Mais ces derniers n’étaient pas
nécessairement portés par les territoires les plus exposés aux conséquences du
changement climatique. Dès lors, le plan n’est pas à la hauteur des enjeux
qu’imposerait la transition vers un modèle touristique «
quatre saisons ».
Enfin, avec une enveloppe d'investissement déjà consommée et
faute de nouveaux crédits, la réalisation de nombreux projets en cours et à
venir risque de se trouver entravée.
273
Plan d’un montant de 33
1
M€ sur un périmètre dépassant la seule adaptation au
changement climatique.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
221
B -
Des stratégies
d’adaptation
focalisées
sur l
’économi
e du ski
Avec des stratégies majoritairement fondées sur le « tout ski », les
mesures d’ad
aptation des collectivités territoriales se bornent souvent à
installer des enneigeurs ou à développer des équipements permettant
d’accéder plus rapidement à la partie haute des domaines skiables. Les
opérateurs misent ainsi sur un maintien de la clientèle de skieurs à moyen
et long terme, en dépit des projections d’enneigement dont ils ont
connaissance. Par exemple, Font-Romeu-Pyrénées 2000, dans les
Pyrénées-
Orientales, a acté un plan d’affaires correspondant à une clientèle
constante jusqu’en 2047 en dép
it des projections climatiques défavorables
et dont l’opérateur avait pourtant connaissance.
1 -
Un développement de la production de neige
trop systématique et de moins en moins soutenable
Si les installations de production de neige ont permis de sécuriser
dans un premier temps les zones stratégiques (retour en station, liaisons,
secteurs pour les débutants), certains opérateurs poussent cette logique en
couvrant davantage leur domaine skiable, y compris dans des zones de plus
haute altitude (Les Arcs). Certaines stations, comme Ax-Trois-Domaines
ou Isola 2000, justifient également la modernisation de leurs installations
par la possibilité de produire de la neige à des températures plus élevées.
L’ensemble de ces démarches, regroupées sous la notion de «
garantie
neige », vise à sécuriser les clients dans leurs réservations, faites souvent
très en amont de la saison hivernale.
Des exemples de mal-adaptation au changement climatique
La production de la neige de façon trop poussée, sans tenir compte
des paramètres climatiques prospectifs, peut dans certains cas conduire à
une mal-adaptation.
Ainsi, d
e nombreux opérateurs envisagent encore d’étendre leur
réseau de production de neige (Chalmazel dans le département de la Loire,
et
Le Cambre d’Aze dans les Pyrénées
-Orientales) voire de recourir à des
installations de production de neige à température positive (Super Besse),
très consommatrices d’énergie, sans tenir compte de la ressource en eau.
La
station de Super Besse a ainsi intensifié le recours à l’enneigement
artificiel
et accru sa consommation d’eau, alors que le schéma d’aménagement et de
gestion de l’eau de l’Allier préconise une baisse des prélèvements pour
limiter l’impact sur les cours d’eau en aval.
COUR DES COMPTES
222
La multiplication de ces équipements augmente la vulnérabilité de
ces stations, au lieu de la réduire : elle accroît leur dépendance aux
ressources locales en eau, et fragilise les territoires en aval. Elle aboutit de
ce fait à une mal-adaptation au changement climatique.
La course à l’équipement en productio
n de neige est coûteuse. Elle
représente en moyenne 13,6 % du montant total des investissements
274
,
auxquels
s’ajoutent les
coûts de maintenance, les fluides et les frais
salariaux. Elle menace plus particulièrement les petites stations situées à
basse altitude et qui consacrent une part proportionnellement plus
importante de leurs investissements à la production de neige. La contrainte
financière en est plus forte car leur situation financière est souvent la plus
fragile. Il apparaît ainsi nécessaire de veil
ler à ce que l’investissement dans
la production de neige n’enferme pas l’économie des sports d’hiver dans
un « sentier de dépendance », captant durablement les ressources
financières au détriment d’autres actions d’adaptation, plus durables.
Recourir aux enneigeurs suppose en outre que la ressource en eau soit
pérenne. Or, le rôle de château d’eau que joue la montagne est mis en danger
par le changement climatique. La ressource tend à se raréfier, alors que les
besoins augmentent. Selon une étude récente, les besoins annuels en eau pour
la production de neige progresseraient de + 23 % dans un scénario de
réchauffement à + 2 °C, et de + 32 % dans un scénario à + 4 °C en France
275
.
Dans le cadre de leurs contrôles, à une exception près (Saint-Pierre
de Chartreu
se), les juridictions financières n’ont relevé aucun projet
stratégique incluant un objectif de baisse des prélèvements à destination de
la production de neige. Ce constat va à l’encontre des objectifs nationaux
(baisse de 10 % de prélèvements à horizon 2030).
Certains territoires peuvent ainsi être individuellement affectés par
des conflits d’usage
: des épisodes de sécheresse hivernale ont notamment
empêché, durant l’hiver 2022
-
2023, l’alimentation en eau potable de
certaines populations des Pyrénées-Orientales.
Les juridictions financières rappellent, comme cela avait déjà été
évoqué dans un rapport sur la gestion quantitative de l’eau
276
, que face à
cette accentuation des conflits d’usage, le recours à l’eau doit
prioritairement être consacré à la consommation humaine, conformément
aux dispositions de l’article L.
211-
1 du code de l’environnement.
274
Source :
Montagne Leaders
(100 plus grandes stations sur les cinq dernières années).
275
François, H., Samacoïts, R., Bird, D.N. et al.,
Climate change exacerbates snow-
water-energy challenges for European ski tourism
,
Nat. Clim. Chang
., 2023.
276
Cour des comptes,
La gestion quantitative de l’eau en période de changement
climatique
, rapport public thématique, juillet 2023.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
223
Graphique n° 8 :
é
volution du nombre de départements de l’enquête
concernés par un arrêté sècheresse
Source : propluvia ; retraitement juridictions financières
Cette tension su
r la disponibilité de la ressource en eau n’a pas
empêché les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte
d’Azur de
financer des projets de développement de réseaux de production
de neige afin de maintenir
l’activité
de ski. En Occitanie, alors que la région
affirme ne pas financer de nouveau projet de production de neige, le
financement par apport au capital des stations est néanmoins parfois utilisé
à ces fins. Les contrôles des juridictions financières ont permis de constater
qu’aucun critère env
ironnemental sur la disponibilité de la ressource en eau
n’était
pris en compte et que les r
égions n’analysaient pas
nécessairement
la faisabilité environnementale des projets.
Le développement de la production de neige est également facilité
par un accès
peu onéreux à la ressource en eau. Il n’est pas rare que le seul
prix acquitté soit celui des redevances sur les prélèvements collectés par
les agences de l’eau, qui sont plafonnées à un niveau très faible. Il apparaît
donc nécessaire que les taux des redevances sur les prélèvements en eau,
collectées par les agences de l’eau
, puissent être augmentés afin de
renchérir le coût de la production de la neige, favorisant ainsi des arbitrages
plus soucieux de la préservation de cette ressource collective.
De plus, un renforcement du cadre normatif, permettant aux préfets
de tenir compte des évolutions à venir du climat et des perspectives de
raréfaction de la ressource en eau
pour l’attribution des autorisations de
prélèvements, pourrait utilement être recherché.
COUR DES COMPTES
224
2 -
La restructuration des domaines skiables en altitude :
des investissements très conséquents
Selon les données du Service technique des remontées mécaniques
et des transports guidés (service rattaché au ministère chargé des
transports), de nombreux opérateurs
font le choix d’installer des systèmes
téléportés aux capacités plus importantes afin de compenser le faible
enneigement en basse altitude, en transportant les skieurs plus en hauteur.
De telles solutions sont notamment envisagées par les stations de Val-
Cenis (Savoie) et d’Ax
-Trois-domaines (Ariège).
Restructurer les domaines en altitude permet certes de concentrer la
fréquentation sur les secteurs les mieux enneigés. Mais les projets des
stations contrôlées par les juridictions financières dans le cadre de
l’enquête
sont fréquemment décorrélés des prévisions climatiques, alors
qu’ils
mobilisent de lourds investissements.
Le projet de la station d’Auron
Dans la station d’Auron
(Alpes-Maritimes), dont la restructuration
du domaine skiable est en phase
de démarrage, l’installation d’une nouvelle
télécabine emmènera les skieurs sur le haut du domaine.
Le coût du projet de restructuration, de l’ordre de 50
M€
, est élevé,
alors que l’exploitation de la station rend déjà nécessaire une participation
financière des collectivités territoriales de 5 à 6
M€
par an.
Ce projet ne pourra être financé que par des contributions de ces dernières.
Pour autant, l’amortissement et la rentabilité d’une télécabine n’ont pas été évalués
au regard des conséquences du changement climatique sur le tourisme.
C -
Des stratégies de diversification encore limitées
Pour faire face au manque d’enneigement, les stations de montagne
se sont de plus en plus engagées dans une diversification de leur modèle
touristique, avec notamment le d
éveloppement d’une offre d’activités en
période estivale. Certaines stations ont historiquement une activité forte
l’été (Chamonix) quand d’autres réalisent des investissements significatifs
pour la développer (Les Gets, Le Mont Dore, Métabief).
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
225
La reconversion de la station de Métabief
La station de Métabief, située dans le Haut-Doubs, comprend 40 km
de pistes situées entre 900 et 1 400
m d’altitude. Elle est gérée par un syndicat
mixte qui regroupe, depuis 2019, le département du Doubs et la communauté
de communes des Lacs-et-Montagne-du-Haut-Doubs. Fortement déficitaire,
l’exploitation du ski était équilibrée par des contributions publiques, en
particulier celle du département. À compter de 2019, les élus locaux ont
souhaité s’engager dans une démarche
prenant davantage en compte le
changement climatique. Une étude a confirmé un déficit grave d’enneigement
dès 2030, auquel un recours accru à la production de neige, aujourd’hui de
40
%, ne remédierait qu’imparfaitement. Selon ces études, la pratique du s
ki
deviendrait quasiment impossible après 2050.
Le syndicat s’est donc engagé dans une démarche de transition à
l’horizon 2040
-
2050, visant à passer d’une «
station de ski » à une « station de
montagne ». Sa stratégie consiste à investir dans le tourisme « quatre saisons »
(activités de plein air), afin de minimiser la perte des retombées économiques
liées au ski, estimée à - 40 % pour le Haut-Doubs. Il est prévu de maintenir à
titre transitoire l’activité ski, en entretenant les remontées mécaniques
existantes. Un pôle ingénierie a été mis en place afin de définir les activités de
diversification à développer. Les acteurs socio-professionnels ont été associés à
la démarche, qui est portée à l’échelle du Haut
-Doubs. Le département du
Doubs la soutient fortement, en particulier sur le plan financier.
Dans toutes les stations, les fonds mobilisés pour la diversification
sont encore assez réduits au regard de ceux consacrés aux domaines
skiables. En outre, la diversification n’est que marginalement financée par
le ski, dès lors que bon nombre de stations peinent à équilibrer
l’exploitation hivernale. De plus, les stations qui sont encore bénéficiaires
consacrent l’essentiel de leurs revenus à la restructuration de leur domaine
skiable et à la fiabilisation de l’
enneigement.
De
nombreuses
autorités
organisatrices
négligent
souvent
l’équilibre économique de leur politique de diversification, faute d’étude
de clientèle et de plan d’affaires. Se situant sur des activités souvent
concurrentes (luges d’été), les projet
s parviennent tout juste à atteindre
l’équilibre d’exploitation (Chamrousse, Risoul), sans prendre en compte
l’amortissement des investissements.
Par ailleurs, les retombées économiques liées spécifiquement aux
activités estivales sont souvent mal appréhendées. En effet, elles concernent
un nombre d’acteurs beaucoup plus important, et sur un territoire plus vaste.
De plus, bon nombre d’activités sont encore émergentes, et leur importance
économique peut difficilement être anticipée. L’enquête a mis en évide
nce
une difficulté à appréhender les retombées estivales faute d’étude
suffisamment vaste et complète sur le sujet, ce qui constitue une lacune
majeure pour construire des actions de diversification pertinentes.
COUR DES COMPTES
226
Enfin, les actions de diversification sont très souvent réalisées au fil
de l’eau et sans vision stratégique. En Espagne, en Andorre ou en Italie, les
acteurs, davantage regroupés, parviennent à mettre en place des stratégies
plus cohérentes permettant d’éviter une concurrence mortifère entre
terri
toires. La mise en place de véritables plans locaux d’adaptation au
changement climatique paraît à ce titre nécessaire afin de définir de
manière plus cohérente les perspectives d’un aménagement raisonné des
domaines skiables au regard du changement climatique, ainsi que les voies
de diversification des activités économiques et touristiques. La conception
de ces plans pourrait être facilitée par un appui renforcé à l’ingénierie
locale, tant de l’
État et des régions que des départements.
Il est également nécessaire de conditionner tout soutien public au
contenu de ce
s plans d’adaptation au changement climatique
.
D -
Une absence de coordination des stratégies
locales par les régions et les départements
À ce jour, les départements comme les régions se limitent, pour
l’essentiel, à un rôle de financeur sans
contribuer à faire émerger une
stratégie précise, opposable, à l’échelle des territoires
.
Ainsi, le département de la Savoie est membre de plusieurs
syndicats mixtes gérant des stations. Il dispose aussi de participations dans
des sociétés d’exploitation par l’intermédiaire d’une société d’économie
mixte. Cependant,
il ne se saisit pas de ces moyens d’action pour impulser
une stratégie répondant aux enjeux du changement climatique.
De même, les régions sont des acteurs indispensables du
financement des projets des stations. Toutefois, en se limitant à un rôle de
pourvoyeur de subventions selon une logique de guichet, elles ne
parviennent pas à impulser une véritable dynamique de changement vis-à-
vis des autorités organisatrices
dont la gouvernance, centrée sur l’échelon
communal, est inadaptée. Le cadre régional en faveur de la montagne
s’avère souvent fluctuant voire contradictoire, et le suivi des orientations
fixées n’est pas assuré. Ce manque d’appui et de coord
ination des régions
contribue au décrochage des petites stations, qui sont majoritaires en
France et dont la faiblesse des moyens peut parfois être un frein pour
planifier la transition.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
227
Graphique n° 9 :
risque de décrochage commercial et financier
des petites stations de ski
Source : juridictions financières
Dans la région Provence-Alpes-C
ôte d’
Azur, le premier plan
« montagne » (2016-2020) a conduit à attribuer 49,2
M€
au volet « contrats
de stations » (dont 76 % ont financé les remontées mécaniques ou la
production de neige). Concernant la diversification touristique, la part
fléchée vers le dispositif « espaces valléens »
s’élève à 14,4
M€
.
S’agissant de la région
Auvergne-Rhône-Alpes, la première
génération des plans tourisme et montagne (2016-2021) a suivi la même
logique : sur les 68,8
M€ d’investissement au titre de l’adaptation au
changement climatique, 50,2
M€ ont été consacrés à la sécurisation de la
production de neige.
Pour sa part, la région Occitanie contribue au soutien des stations de
ski économiquement viables et finance par ailleurs de façon indistincte des
stations d’ores et déjà confrontées à un manque de fiabilité de l’enneigement.
En conclusion, les départements et les régions devraient mieux
assumer le rôle qui leur est imparti en matière de planification touristique.
COUR DES COMPTES
228
III -
Les conditions de l’adaptation d
es stations
de montagne aux évolutions climatiques
L’adaptation au changement climatique des statio
ns de ski
françaises nécessite d’en revoir le mode de gouvernance et d’affecter les
revenus du ski au financement de la transition.
A -
Mettre en place une gouvernance élargie
Avec une gouvernance centrée sur l’échelon communal et des
regroupements insuffisan
ts, l’organisation actuelle ne permet pas aux
acteurs de la montagne de s’adapter à l’échelle d’un territoire pertinent.
Parfois,
les
regroupements
sont
le
fait
de
certaines
intercommunalités (communautés de communes Vallée de l’Ubaye Serre
-
Ponçon pour les trois stations de Larche, Le Sauze et Sainte-Anne, ou
Haute Maurienne Vanoise Vallée de la Maurienne). Il peut s’agir
également des départements (la Drôme pour la gestion de six stations) ou
de sociétés publiques locales. Ainsi, la SPL Trio Pyrénées, créée en 2022
à l’initiative du département des Pyrénées
-Orientales, qui détient 70 % de
son capital, gère l’exploitation de trois stations de ski (Cambre d’Aze,
Formiguères et Porté-Puymorens)
dont le périmètre pourrait s’élargir à
l’avenir.
Bien qu’innovant
s et ambitieux, ces modèles, qui reposent
principalement
sur
la
clientèle
hivernale,
souffrent
de
limites
institutionnelles et territoriales qui freinent leur transition touristique.
L
es regroupements effectués à l’échelle régionale sont peu
nombreux. Ainsi la région Provence-Alpes-
Côte d’Azur comme la
région
Auvergne-Rhône-Alpes ne gèrent pas, et ne souhaitent pas gérer,
directement ou indirectement, de station de ski. Dans le massif pyrénéen,
en revanche, une démarche de mutualisation s’était déjà engagée
, au travers
de la marque «
N’Py
», au cours des années 2000, entre plusieurs stations
dont les marges de manœuvre financières se réduisaient. Devenue
aujourd’hui un levier de mise en œuvre de la stratégie de la
région
Occitanie, cette démarche ne regroupe
cependant pas l’ensemble des
acteurs du territoire, ni l’ensemble des stations pyrénéennes. À titre
d’illustration
, les Pyrénées-Atlantiques ont créé une structure de
mutualisation
ad hoc
, l’
établissement public des s
tations d’
altitude qui,
bien qu’action
naire de la Compagnie des Pyrénées, propriétaire de la
marque «
N’Py
», développe sa stratégie propre.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
229
À l’instar des autres grands pays du ski, la France aurait pourtant
tout intérêt à promouvoir une organisation fédérant l’ensemble des acteurs
concernés (collectivités locales, acteurs économiques privés, société civile)
autour de projets de territoires et d’une gouvernance élargi
s. Les exemples
d’Andorre et des Dolomites montrent que la fédération d’un ensemble de
stations de ski à une échelle plus large facilite la transition et la survie des
stations. Elle permet de développer des offres commerciales coordonnées,
non concurrentes entre elles, et de disposer de moyens plus importants pour
financer des projets à forte visibilité commerciale auprès du grand public.
Une gouvernance fédérative des stations de ski :
les exemples
d’Andorre et des Dolomites
En 2022, les stations andorranes de Grandvalira et de Vallnord Pal
Arinsal ont fusionné, formant ainsi le
« Grandvalira Resort »
, unique
station andorrane formé par un consortium de trois sociétés qui exploitent
chacune une partie du domaine skiable ainsi qu’une offre de restauration,
d’écoles de ski et de services aux entreprises. Une quatrième société est
chargée plus particulièrement de la commercialisation des produits des
sociétés exploitantes ainsi que du marketing, de la communication et des
réservations. La station, qui consiste en un
resort
global, propose un forfait
de ski unique permettant d’accéder,
en hiver, au domaine skiable unifié à
l’échelle de l’ensemble d’Andorre (303 km de pistes)
et, en été, aux
solutions développées pour le tourisme estival.
Dans le massif des Dolomites, en Italie, la société
Federconsorzi
Dolomiti Superski
constitue un consortium de 12 stations de sports d’hiver
associant
également
les
acteurs
socio-économiques
(hébergement,
restauration, loisirs). Cet ensemble couvre 450 remontées mécaniques et
1 246 kilomètres de pistes. La société assure la mutualisation de la fonction
commerciale,
permettant à chaque station d’être id
entifiée à travers la
marque commerciale
Dolomiti superski
ou
Dolomiti supersummer
. Le
consortium propose une seule et unique carte d’abonnement
. Le client est
ainsi dispensé
de s’acquitter des forfaits journaliers et peut
donc accéder à
l’ensemble des rem
ontées mécaniques.
Les élus locaux disposent d’outils institutionnels et d’espaces de
coordination qu’il leur appartient d’utiliser en fonction des réalités
locales et des spécificités de leurs territoires : intercommunalités,
syndicats mixtes, espaces valléens, sans exclure le renforcement du rôle
des départements et des régions. L’insertion des acteurs économiques
peut, en complément, être librement organisée au travers de sociétés
d’économie mixte ou de conventions.
COUR DES COMPTES
230
B -
Mieux préserver les ressources et valoriser
les espaces naturels
Pour les stations, l’adaptation au changement climatique met en tension
deux objectifs
a priori
antagonistes
: le développement de l’économie
touristique à court terme, d’une part, et la protection à long terme des
écosystèmes e
t des ressources naturelles, d’autre part. Parmi ces ressources
figurent l’eau (voir
supra
), mais aussi les paysages et les espaces naturels.
1 -
Préserver des marges financières pour réorienter
le développement des stations
L’équilibre entre enjeu
x économiques et transition écologique est
d’autant plus complexe à trouver que la concurrence entre les stations de
petite taille est demeurée importante, contribuant à minorer leurs recettes.
Cette situation résulte notamment du fait que la régulation de ce secteur ne
relève pas complètement d’une économie de marché car les collectivités
territoriales y jouent un rôle clef. Cela contribue à biaiser le libre jeu de la
concurrence, qui est la règle au niveau international, et à faire perdurer de
petites entités.
À tit
re d’illustration, pour les stations ariégeoises
277
en situation de
concurrence, les recettes encaissées entre 2012 et 2019 ont subi un
décrochage dès la saison 2014-
2015 par rapport à l’ensemble des stations
pyrénéennes et françaises. Selon la Compagnie des Alpes, qui a réalisé une
étude pour le compte de la Compagnie des Pyrénées et des acteurs publics
locaux,
« cette politique tarifaire apparaît mortifère à terme, ne permettant
pas de couvrir des coûts d’exploitation en croissance rapide, et
- hors
subventions - de dégager les ressources nécessaires au développement du
site et à l’innovation
».
277
L
e département de l’Ariège
compte cinq stations de ski alpin. Elles partagent toutes
une zone de chalandise très largement commune, qui a par ailleurs comme
caractéristique d’être faiblement peuplée.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
231
Graphique n° 10 :
recettes moyennes par journée-skieurs en base 100
pour la saison 2012-2013
Source : C
ompagnie des Alpes, Définition d’un nouveau cadre d’organisation et
d’exploitation des Stations de l’Ariège (février 2022)
2 -
Le démontage des installations est insuffisamment encadré
L’objectif de préserver les ressources et de valoriser les espaces
naturels est d’autant plus important que des friches industrielles
commencent à appa
raître à l’échelle du territoire national. En 2021, un
premier téléski en Haute-
Savoie et une gare de départ d’un téléski dans les
Vosges ont été démontés. Ces initiatives publiques locales se développent,
à l’instar de La Sambuy (
Haute-Savoie) qui a décidé, en septembre 2023,
la fermeture et le démontage de la station condamnée à terme par le
réchauffement climatique. L
e stock potentiel d’installations à démonter est
particulièrement important à l’échelle de l’ensemble des massifs. Ces
démarches, qui reposent actuellement sur des volontés isolées, gagneraient
à se développer dans un cadre plus contraignant.
COUR DES COMPTES
232
En effet, ce n’est que pour les seules installations construites après
2016 que la loi
278
impose aux autorités organisatrices l’obligation de
démanteler les remontées mécaniques définitivement inutilisées. Cela ne
représente qu’une proportion très limitée du parc existant compte tenu de
l’âge moyen de ces installations (30 ans dans les stations des Alpes). En outre,
aucune sanction n’est prévue en cas de
non-respect de cette prescription. Au
total, 194 installations sont à l’arrêt au niveau national, constituant un enjeu
sécuritaire, paysager et environnemental immédiat pour la montagne, d’autant
plus si l’on entend développer un tourisme «
quatre saisons ».
La responsabilité technique et financière du démantèlement et de la
remise en état des sites devenus obsolètes (installations et sols) mériterait
également d’être clarifiée dans les contrats de délégation de service public.
En l’absence de clause claire
, les coûts seront
in fine
entièrement supportés
par l’autorité publique délégante.
Dans ce contexte
, il conviendrait, d’une part, d’étendre l’obligation
de démontage à l’ensemble des installations définitivement arrêtées,
comme l’impose
le droit helvétiqu
e et, d’autre part, de prévoir des
sanctions en cas d’infraction. Pour les stations déjà fermées ou fragilisées,
un dispositif de solidarité pourrait être créé afin d’assurer le financement
et l’effectivité des
remises en état. Ce démontage des installations
inutilisées devrait être réalisé sous le contrôle de l’
État.
3 - Un parc immobilier à optimiser afin de préserver les espaces
Sur le plan de l’immobilier touristique, le modèle français a conduit
à une sur-représentation des résidences secondaires par rapport aux
résidences de tourisme. Or les premières sont peu fréquentées par leur
propriétaires ou mises en location (il s’agit alors de
« lits froids
279
»), alors
que les secondes, davantage occupées car gérées par des professionnels,
permettent d’accuei
llir un plus grand nombre de touristes (on évoque alors
des « lits chauds »
), indispensables à l’activité économique de la station.
Les acteurs de l’immobilier et les collectivités
locales peuvent donc être
tentés de construire davantage de nouvelles résidences de tourisme pour
apporter plus de clientèle. De ce fait, les résidences secondaires sont de
moins en moins entretenues, notamment sur le plan énergétique, au risque
de devenir des friches immobilières.
278
Article L. 472-
2 du code de l’urbanisme
.
279
O
n considère généralement qu’un lit est dit
« froid »
lorsqu’il
est occupé moins de
quatre semaines par an. Il est qualifié de « chaud »
s’il est occupé au moins 12
semaines
par an. Les lits occupés entre un et trois mois sont identifiés comme « tièdes ».
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
233
Or, les élus locaux manquent d’outils réglementa
ires pour contraindre
les copropriétaires à rénover leurs résidences secondaires. Pour autant, la
course vers de nouvelles constructions n’est pas une solution, compte tenu de
l’objectif de «
zéro artificialisation nette »
280
qui s’imposera progressivement
aux communes. Les mécanismes de défiscalisation autour des résidences
secondaires de montagne mériteraient en outre d’être réexaminés.
C - Affecter une part des revenus du ski
au financement de la transition
Les financements publics sont largement orientés
vers l’économie
du ski, en particulier pour les petites et moyennes stations majoritairement
déficitaires et dépendantes de subventions de fonctionnement. À partir de
l’échantillon des stations de ski contrôlées,
les juridictions financières ont
procédé à une évaluation du montant global de ces aides.
Méthodologie d’évaluation
Les juridictions financières ont cherché à appréhender le niveau des
contributions publiques annuelles versées, toutes administrations publiques
confondues, aux stations de ski françaises en situation déficitaire.
Face à l’absence d’antériorité d’une telle approche, l’option
méthodologique retenue a consisté à s’appuyer sur les travaux conduits par
les équipes de contrôle des chambres régionales des comptes participant à
l’enquête
. Ainsi, pour les stations de ski contrôlées, un ensemble de données
a été collecté :
chiffre d’affaires annuel moyen, dépenses de fonctionnement
et d’investissement annuelles moyennes compte tenu d’une durée moyenne
d’amortissement évaluée à 15
ans (cf.
supra
).
À partir de ces éléments, un montant d’aide publique total octroyé aux
stations a été déterminé sur la base de l’hypothèse que la différence entre les
dépenses annuelles moyennes toutes sections confondues et le chiffre
d’affaires annuel moyen était e
ntièrement compensé par une aide publique
281
.
280
La loi n° 2021- 1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et
renforcement de la résilience face à ses effets (dite « loi climat et résilience ») puis la loi
n° 2023-630
du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre
l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux ont établi une
trajectoire avec l’objectif de
« zéro artificialisation nette », en fixant une double cible :
diviser par deux le rythme de bétonisation entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie
précédente (de 250 000 à 125 000 hectares) et atteindre d'ici 2050 « zéro artificialisation
nette », c'est-à-dire au moins autant de surfaces renaturées que de surfaces artificialisées.
281
Les stations retenues dans
l’échantillon
ne sont pas en mesure d’obtenir un
financement bancaire pour assurer leurs investissements.
COUR DES COMPTES
234
Ce volume d’aide publique a, par la suite, été
extrapolé
à l’ensemble
des stations de ski françaises en s’appuyant sur un taux de corrélation de
70 % entre le moment de puissance
282
et les aides publiques perçues.
Cet exercice a été réalisé pour les 180 stations de ski dont le chiffre
d’affaire annuel était inférieur à 15
M€
. En effet, au-delà de 15
M€
, le cycle
d’exploitation permet, à de rares exceptions près, de dégager un excédent.
Ces 180 stations représentent 90 % des 201 stations de montagne recensées
dans la base de données élaborée par les juridictions financières.
Sur la base de la méthodologie décrite dans
l’encadré
ci-dessus, le
montant des subventions publiques versées (en investissement et en
fonctionnement) a été estimé à 124
M€
par an pour les exploitants des
remontées mécaniques dont le chiffre d’affaire
s est inférieur à 15
M€
; cela
correspond à près de 25 %
du chiffre d’affaire
s annuel total de ces stations
(529
M€)
.
Ces 180 stations sont les moins importantes économiquement. Elles
représentent tout de même 35 %
du chiffre d’affaires total de l’ensemble
des stations de montagne et également une part très importante des
territoires de montagne.
À cela s’ajoutent les subventions d’investissement versées aux plus
grandes stations (
dont le chiffre d’affaires
annuel est supérieur à 15 M
).
En effet, ces stations sont généralement rentables mais perçoivent
néanmoins des aides publiques à l’investissement. L’enquête n’a pas
permis
d’en établir
le montant global. Cependant les contrôles réalisés ont
montré
qu’elles sont généralement importa
ntes, car les grandes stations
portent les projets d’investissement les plus significatifs. Peuvent être
citées,
à titre d’exemple
s, les aides accordées par la région Auvergne-
Rhône-Alpes sur la période 2016-2022 dans le cadre de ses plans montagne
et tourisme :
la liaison téléportée Maurienne-Tarentaise entre Orelle et Val Thorens :
10
M€
sur un projet de 39
M€
;
d
es aides accordées pour l’aménagement de réseaux d’enneigement
(Méribel : 1,78
M€
; Les Arcs : 1,46
M€
; Val Thorens : 2,5
M€
; les
Deux Alpes : 1,06
M€
; Courchevel : 2,22
M€
;
Val d’Isère
: 1,12
M€
,
Châtel : 1,18
M€
).
282
Le moment de puissance est égal au produit du débit horaire autorisé de l’équipement
de remontée mécanique (exprimé en passagers par heure ou en skieurs par heure) par
son dénivelé (en kilomètres).
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
235
La difficulté à mettre en place un modèle « quatre saisons » rentable
résulte notamment d’un niveau insuffisant de ressources liées aux activités
estivales pour les opérateurs de stations et du caractère insuffisamment
redistributif des recettes liées à l’activi
té hivernale.
Aucune étude précise n’a été menée pour chiffrer globalement le
coût de la transition touristique des stations de montagne. Certaines
études permettent néanmoins d’en avoir une approche. Ainsi, l’
Institut
d’économie pour le climat (I4CE) a é
valué en 2022 une partie du coût de
l’adaptation au changement climatique dans les zones de montagne à
91,7
M€. Toutefois, cette somme ne couvre que les premières mesures
sans permettre une transition pleine et entière des stations vers
l’adaptation au cha
ngement climatique.
Afin d’amorcer le financement de cette adaptation, une piste
consisterait à étendre l’assiette de la taxe communale sur les remontées
mécaniques à l’intégralité du chiffre d’affaires des exploitants de
stations, et à augmenter son taux maximal
283
. Le produit supplémentaire
de la taxe, dont la plus grande part proviendrait des grandes stations,
pourrait alimenter un fonds d’adaptation au changement climatique,
orienté exclusivement vers les stations les plus touchées, dans une
logique de solidarité.
Sans couvrir l’intégralité du coût de la transition, ce fonds
permettrait de créer un effet de levier rendant possible le financement
d’actions de diversification et de déconstruction des installations obsolètes.
283
Le taux communal plafond actuel est de 3 % et le taux départemental de 2 %. Le
produit total de la taxe a atteint 64
M€ en 2022 (source DGCL et DGFiP). Le produit
supplémentaire d’un point de taxe communal peut être estimé à 14
M€.
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Alors qu’il pouvait compter à la fin du XX
e
siècle sur un moteur
alimenté par une croissance du tourisme de ski, entraînant celle des
infrastructures immobilières et des remontées mécaniques, le modèle
économique des stations de ski est durablement affecté par le changement
climatique depuis le début du XXI
e
siècle.
Les stations de montagne sont inégalement vulnérables selon leur
exposition au risque climatique, leur poids économique et la surface
financière de l’autorité organisatrice
. Cependant, elles seront toutes plus
ou moins touchées à horizon de 2050. Le changement climatique a d’ores
et déjà un impact significatif sur les finances des stations. À
l’instar des
grands pays du ski, la France aurait tout intérêt à réunir les conditions
d’une transition
vers un nouveau modèle en fédérant l’ensemble des
acteurs concernés autour de projets de territoires et d’une gouvernance
élargis permettant à la fois de préserver les ressources, de valoriser les
espaces naturels et de permettre le développement économiq
ue. Il s’agit
également de réorienter les financements publics en faveur de la transition
écologique des stations de montagne.
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
mettre en place un observatoire national regroupant toutes les données
de vulnérabilité en montagne accessibles à tous les acteurs locaux
(ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires) ;
2.
faire évoluer le cadre normatif afin que les autorisations de
prélèvements d’eau destinés à la production de neige tiennen
t compte
des prospectives climatiques (ministère de la transition écologique et
de la cohésion des territoires) ;
3.
formaliser des plans d’adaptation au changement climatique
déclinant les plans de massifs prévus par la loi climat et résilience
(autorités organisatrices, ministère de la transition écologique et de
la cohésion des territoires) ;
4.
conditionner tout soutien public à l’investissement dans les stations
au contenu des plans d’adaptation au changement climatique
(ministère de la transition écologique et de la cohésion des
territoires, régions, départements) ;
COUR DES COMPTES
238
5.
mettre en place une gouvernance des stations ne relevant plus du seul
échelon communal (m
inistère de l’intérieur et des outre
-mer,
collectivités territoriales) ;
6.
m
ettre en place un fonds d’adapta
tion au changement climatique
destiné à financer les actions de diversification et de déconstruction
des installations obsolètes, alimenté par le produit de la taxe sur les
remontées mécaniques (ministère de la transition écologique et de la
cohésion des t
erritoires, ministère de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique).
Réponses reçues
à la date de la publication
Réponse du ministre de l’économie, des finances
et de la souveraineté
industrielle et numérique
........................................................................
240
Réponse du ministre de la transition écologique et de la cohésion
des territoires
..........................................................................................
242
Réponse de la présidente de Régions de France
.....................................
242
Réponse du président de Départements de France
..................................
244
Réponse du président
de l’Association nationale des maires
des stations de montagnes (ANMSM)
....................................................
245
Réponse du
secrétaire général de l’Association nationale des élus
de montagne (ANEM)
............................................................................
249
Réponse du président de Domaines skiables de France (DSF)
...............
251
Réponse du président du conseil département de la Loire
......................
256
Réponse du maire de la commune de Besse-et-Saint-Anastaise
.............
257
Réponse du président du syndicat mixte des stations du Mercantour
.....
260
Réponse du président du syndicat intercommunal d’exploitation
du
Cambre d’Aze
....................................................................................
262
Destinataire n’ayant pas d’observation
Monsieur le ministre de l’intérieur et des outre
-mer
Destinataire n’aya
nt pas répondu
Monsieur le président du syndicat mixte du Mont d’Or
COUR DES COMPTES
240
RÉPONSE DU
MINISTRE DE L’ÉCONOM
IE, DES FINANCES
ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
Vous avez bien voulu me notifier le chapitre destiné à figurer dans
le rapport public annuel de la Cour des comptes intitulé « Les stations de
montagne face au changement climatique ». Celui-ci appelle de ma part
plusieurs observations.
En premier lieu, il convient de souligner l
orientation générale
souhaitée par le Gouvernement en matière de transformation du secteur du
tourisme (transition écologique, transition numérique, attractivité de l
emploi,
etc.). À ce titre, le Gouvernement a mis en place en novembre 2021 un « Plan
de reconquête et de transformation du tourisme » (PRTT) à l
horizon 2030,
officiellement nommé plan « Destination France ». Il vise à transformer le
secteur autour de cinq axes de développement, s
inspirant des meilleures
pratiques internationales. Dans te domaine de la transition durable, auquel la
montagne fait particulièrement face, le PRTT prévoit ainsi de nombreuses
actions tenant compte de la très grande hétérogénéité de la filière, de la
quantification et du suivi du phénomène, jusqu
à l
accompagnement financier
et en ingénierie des professionnels, en passant également par la diffusion de
bonnes pratiques. À titre d
illustration, le fonds « Tourisme Durable qui
finance à la fois des travaux de rénovation énergétique et encourage l
ancrage
dans les territoires, a été réabondé ou encore un appel à manifestation
d
intérêt a été lancé pour investir dans le tourisme durable et appuyer la
transformation durable de l
économie touristique.
En second lieu, à côté des mesures du PRTT lancées ou programmées,
la mise en œuvre d’
une stratégie nationale sur la transition écologique du
tourisme est prévue dans le cadre du Comité de filière du tourisme, pilotée
par le ministère en charge du tourisme. Cette instance, qui a été réunie le
9 novembre 2022, rassemble l
ensemble des acteurs publics et privés du
monde du tourisme, afin de créer un espace de concertation et visant à la
conception et à la mise en œuvre de projets concrets.
L
objectif est d
appréhender dans une démarche systémique l
ensemble
des facteurs dont
-
la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre de la
trajectoire définie par la stratégie nationale bas carbone ;
-
la réduction de la consommation de ressources (eau, etc.) et
d
énergie, ainsi que de production de déchets ;
-
la
limitation
de
l
impact
sur
l
environnement
(écosystèmes,
biodiversité, etc.) ;
-
l
acceptabilité par les populations locales.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
241
Plusieurs travaux existants pourront appuyer la démarche et favoriser
a fortiori
cette transition au profit des professionnels de la montagne. En effet,
des propositions concrètes pour répondre aux problématiques clés du secteur
(gouvernance, formation, impacts environnementaux, offre, gestion des flux,
etc.) ont déjà été formulées par l
Agence de la transition écologique dans le
cadre de la mission « Tourisme durable : 20 mesures pour une transition de la
première destination touristique mondiale ». Ces préconisations ont irrigué la
construction du PRTT. Ainsi, ta mesure 11 du plan prévoit de soutenir la
valorisation et le renforcement de l
ingénierie touristique pour les territoires
dont une partie des crédits a été déconcentrée aux préfets. La mesure 15
prévoit la mise en place des outils visant la réduction de l
empreinte
écologique du secteur. En parallèle de cela, la mesure 10 a permis de créer un
« fonds Destination France » consacré au soutien et au développement des
atouts touristiques français. Trois types de mesures ont été prises : en faveur
de l
aménagement des sites naturels (45
M€ de crédits portés par le ministère
de la transition écologique et de la cohésion des territoires), la valorisation
des itinéraires culturels du Conseil de l'Europe inscrits sur le territoire
français (1,2
M€) et le sou
tien à la filière du tourisme de savoir-faire (5
M€),
structuré autour d
un appel à manifestation d
intérêt auprès des conseils
régionaux qui peuvent venir abonder un fonds destiné à aider les entreprises
à ouvrir leurs portes au public. Le fonds relatif au tourisme durable permet de
répondre en partie aux besoins de la filière montagne en matière de conversion
des équipements des hôtels et restaurants, comme le souligne la Cour.
Ces moyens ont été couplés avec un travail mené par la direction
générale des Entreprises dans le cadre du comité de filière tourisme visant à :
-
faire évoluer le classement des communes touristiques et des stations
classées, pour lesquels l
État a souhaité renforcer les critères relatifs au
développement durable afin que ces communes participent à l
objectif du
Gouvernement de faire de la France la première destination touristique ;
-
mieux gérer les flux dans les sites et territoires touristiques : les
ateliers de concertation des acteurs publics et privés du tourisme ont
abouti à une feuille de route d
une quinzaine de mesures présentées
par la ministre en charge du tourisme en juin 2023, comprenant
notamment des actions de sensibilisation ou d
accompagnement des
territoires en termes d
observation et de bonnes pratiques.
Ces travaux se focaliseront en 2024 sur la sobriété hydrique dans le
secteur du tourisme, qui est un enjeu important pour les professionnels de
la montagne de par le recours de plus en plus fréquent à des canons à
neige, ou encore sur la question de la mobilité jusqu
au dernier kilomètre
pour permettre aux touristes de se rendre jusqu
à leur destination
touristique sans voiture individuelle. Là aussi, il s
agit d'un enjeu
important pour attirer les touristes toute l
année et réduire la dépendance
des territoires de montagne à la mono-activité ski.
COUR DES COMPTES
242
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
Comme la Cour des comptes le souligne, les stations de haute
montagne sont également particulièrement vulnérables à l
augmentation
des risques naturels. Mon ministère a coordonné la préparation du plan
d’actions interministériel pour la prévention des risques d’
origines
glaciaires et périglaciaires, et a d
ores et déjà engagé une démarche de
« levée de doute » pour identifier systématiquement les territoires habités
vulnérables et proposer les réponses adaptées.
Par ailleurs, il convient de noter que le rapport surestime largement
le nombre de remontées mécaniques concernées par la fonte du pergélisol,
Il s
agit d'un risque qui ne concerne qu
une cinquantaine d
installations,
qui est suivi par le Service technique des remontées mécaniques et des
transports guidés (STRMTG), et qui est maîtrisé techniquement.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE RÉGIONS DE FRANCE
Les observations formulées par la Cour appellent de ma part les
réponses suivantes sur le diagnostic de la Cour (I), l’absence d’approche
globale (II) et l’implication des Régions en application de leurs
compétences (III).
I- Partage du diagnostic de la Cour
Les Régions de France partagent le diagnostic de la Cour dans son
ensemble, notamment sur la modification avérée du climat et l’analyse de
son impact sur les stations de montagne. Quelques exemples sont
significatifs : le Parc National de la Vanoise, dont la calotte glaciaire
passe de 80 mètres d'épaisseur à 40 mètres en 40 ans ; le passage dans les
Pyrénées d’une saison de ski de 4
-5 mois à 2-3 mois en 50 ans ; la
transformation des stations de skis occasionnelles en grands « stades » de
neige dans le Massif central… Dans ces conditions, les modè
les
économiques viables doivent être refondés d’ici 10 à 15 ans,
particulièrement pour les stations à moins de 2
000 mètres d’altitude.
L’enjeu est de transformer les stations de ski en stations multi
-
activités
l'hiver
ou/et
4
saisons
(deux
notions
compatibles
et
complémentaires). Il s’agit donc d’une reconversion profonde de
l
industrie de l'activité de remontée mécanique. Les Régions de France ne
partagent pas la logique de rupture évoquée dans le projet de rapport, mais
se sont engagées dans une logique
d’accompagnement aux transitions.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
243
II-
Une absence d’approche globale
Comme le souligne le rapport de la Cour, la planification de l’État
pour des politiques d’adaptation a été jusqu’à présent peu opérante et
dispersée.
Régions de France souhaite toutefois alerter sur la tentation qui
pourrait consister à transférer une recherche de l’équilibre financier des
stations de montagne à un autre échelon de collectivité.
Un tel transfert aurait pour effet de déstabiliser significativement
l’équilibre budgétaire d
es Régions dont la situation financière est déjà
sensiblement affectée par les crises actuelles (sauf naturellement si celle-
ci était intégralement compensée par l’État).
III- Les Régions, par leurs compétences, sont naturellement pleinement
engagées dans
des stratégies d’adaptation au changement climatique
Le coût économique et social de l’inadaptation ou de la mal
-
adaptation est très élevé. L’articulation entre les niveaux nationaux,
régionaux et infrarégionaux est une réponse clé. Les Régions poursuivent
ainsi les efforts d’intégration des enjeux de l’adaptation au changement
climatique dans l’ensemble de leurs politiques publiques et dans leurs
documents de planification (SRADDET), et pour favoriser un consensus
territorial sur des objectifs partagés : observation (observatoires climat
avec des représentants des filières dont le tourisme), connaissance
scientifique
(études
de
vulnérabilités),
gouvernance
et
diffusion,
appropriation/information/sensibilisation, mobilisation.
Compte tenu de leurs compétences (aménagement du territoire,
transition écologique, développement économique, gestion de fonds
européens au titre des politiques de massifs), les Régions ont engagé des
stratégies et des plans d’actions en faveur de la
diversification des activités
de montagne, tout en préservant les ressources et la biodiversité.
Au-
delà d’une animation collective réalisée par les Régions, cela
aboutit à un accompagnement sur mesure et de manière personnalisée des
stations de montagne, en fonction des enjeux plus partic
uliers qu’elles portent.
Sans nécessité de formaliser systématiquement une évolution
particulière de la gouvernance des stations, sauf si celle-ci est construite
en concertation avec les acteurs du territoire eux-mêmes (exemple de la
création de la SPL Trio dans les Pyrénées-
Orientales), les régions et l’État
sont régulièrement associés aux travaux et aux décisions des stations pour
faire évoluer les modèles. Des dynamiques encourageantes ont été lancées,
du fait notamment de la bonne compréhension par les collectivités locales
des enjeux d’une gouvernance touristique élargie.
COUR DES COMPTES
244
Les régions sont attentives à ce que les réflexions des territoires soient
construites avec l’ensemble des parties prenantes : élus, citoyens, usagers,
acteurs économiques touristiques et agricoles, gestionnaires et défenseurs
des espaces naturels, etc. Les aides sont octroyées lorsqu’elles s’inscrivent
dans ces démarches collectives, et dans une volonté de regroupement.
Je souhaite enfin appeler votre attention sur le fait qu’une fois
de
plus, l’absence de clarification de la Loi NOTRe pour la compétence
tourisme, qui est partagée sans être coordonnée par aucun acteur public,
n’œuvre pas en faveur de la bonne gestion des finances publiques, avec
une dispersion de compétences. Il importe désormais de créer un cadre
d’action simplifié, plus agile et plus lisible, fondé sur une gouvernance
modernisée du secteur, en organisant mieux la compétence. En effet, la
mutualisation des acteurs touristiques français est indispensable.
Trop souvent, on constate une déperdition de moyens entre tous les
niveaux de collectivités publiques investies sur le champ du tourisme. Dans
un contexte de budgets contraints pour tous les acteurs, il convient de
revoir notre organisation nationale.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE DÉPARTEMENTS DE FRANCE
Je tenais à vous remercier pour la qualité de ces travaux. Toutefois,
je souhaiterais que soit apportée une modification [à la deuxième partie]
du rapport public annuel [chapitre] « Une absence de coordination des
stratégies locales par les Régions et les Départements ». En effet, si la
rédaction du rapport public thématique apparaît pondérée, la synthèse qui
en est issue dans le chapitre correspondant du rapport public annuel
semble parfois plus incisive, jusqu'à perdre le caractère équilibré de
l'appréciation initiale.
Il en va ainsi de la partie susvisée et, à cet égard, il est proposé deux
modifications dudit rapport public annuel :
-
Quant au deuxième paragraphe de la sous-partie D du Il : il serait
plus pertinent de rendre conforme la présentation du cas d'espèce
savoyard avec la réalité et de rappeler, à l'instar du rapport public
thématique, la « volonté (du Département de Savoie) réaffirmée de
diversifier l'offre touristique ». Il conviendrait même de pondérer
davantage la phrase « i/ ne se saisit pas de ces moyens d'action pour
impulser une stratégie répondant aux enjeux climatiques ». En effet,
le Département a pris de nombreuses décisions pour développer une
politique d'adaptation aux enjeux climatiques ;
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
245
-
Le dernier paragraphe de la sous-partie en D du Il serait aussi à
substituer sur le fondement du paragraphe correspondant du rapport
public thématique (Chapitre Il, Partie IV) ainsi rédigé : « En conclusion,
les régions et les départements ont tout intérêt à assumer le rôle qui leur
est imparti en matière de planification touristique et d'en tirer toutes les
conséquences s'agissant de leur politique de subventionnement et de
participation au capital des sociétés exploitantes ». Cette dernière
formulation me semble plus juste et conforme à la réalité que celle
retenue dans le rapport public annuel : « En conclusion, les
départements et les régions devraient mieux assumer le rôle qui leur est
imparti en matière de planification touristique ».
RÉPONSE
DU PRÉSIDENT DE L’AS
SOCIATION NATIONALE
DES MAIRES DES STATIONS DE MONTAGNES (ANMSM)
La Cour des comptes a souhaité entendre ces derniers mois les
acteurs de la montagne dans la perspective d’un rapport sur «
les stations
de montagne face au changement climatique ». Dans ce cadre, plusieurs
acteurs majeurs, dont l’Association Nationale des Maires des Stations de
Montagne, ont été auditionnés dans le but de mieux faire connaître
l’écosystème montagne.
Le rapport publié apporte certains éclairages intéressants et des
pistes de réflexion. Toutefois, il ne traduit pas selon nous la réalité de la
situation, que nous avions exposée à l’occasion de plusieurs auditions, et
la très grande complexité de l’écosystème montagne pour lequel élus et
professionnels se sont très fortement mobilisés durant la crise covid.
Plusieurs sujets traités dans ce rapport appellent de notre part un
certain nombre d’observations. En préambule, il est essentiel de rappeler
que le modèle des stations de montagne ne constitue pas un ensemble
homogène de communes et de stations qui y sont rattachées. Selon le
massif, l’altitude, le versant, la constitution de la commune ou de la station,
il n’existe pas de modèle unique. Nos massifs ont la chance de compter une
grande diversité de stations : des grandes stations internationales aux
stations villages voire aux petites stations ne comptant qu’une ou deux
remontées mécaniques. Il est donc illusoire d’analyser ce modèle de
manière uniforme et de vouloir mettre en place une solution unique.
COUR DES COMPTES
246
Investissements orientés vers la diversification des activités et des saisons
Les stations de montagne ont déjà amorcé un changement de
paradigme s’agissant de leurs investissements. Il est inexact de penser que
le tout ski est l’unique vision des stations de montagne. Une large majori
d’entre elles oriente dorénavant ses investissements également vers l’été.
Cependant toute transition nécessite un temps d’adaptation et il est exact
de constater qu’actuellement les recettes générées durant la saison d’hiver
permettent d’engager l’adap
tation des stations. Sans ces recettes, les
stations n’auraient pas les moyens de financer seules leur adaptation, dans
un contexte budgétaire très contraint.
Par ailleurs, les investissements orientés vers la diversification ne
nous semblent pas incompatibles avec la nécessité de sécuriser certains
espaces grâce à la neige de culture afin d’assurer la pratique des sports
de glisse là où cela s’avère nécessaire de même que les retours stations
afin de réduire les navettes. Depuis plusieurs années, les stations ne
sécurisent que ce qui doit l’être. Il est inenvisageable de sécuriser tout un
domaine skiable avec de la neige de culture. Qui plus est cette production
de neige de culture a fait l’objet de progrès très importants ces dernières
années en matière de
consommation d’énergie et d’eau. La ressource en
eau utilisée à cette fin est contrôlée en permanence et fait l’objet de
prélèvements à des périodes adéquates. Les études
Climsnow
réalisées par
Météo France et l’INRAE permettent d’anticiper l’impact du ch
angement
climatique sur les conditions d’enneigement des stations et ainsi de
toujours mieux cibler les investissements.
Il faut enfin rappeler que l’adaptation des stations de montagne se
fait dans un contexte budgétaire particulièrement difficile pour les
communes et en particulier les communes support de stations : baisse
régulière la DGF, progression constante du FPIC, suppression de la taxe
d’habitation, tout cela dans un contexte de crise énergétique qui frappe
durement les stations de montagne.
La diversification, déjà une réalité pour de nombreuses stations
La diversification des stations est bien engagée, depuis de
nombreuses années pour certaines, lesquelles enregistrent une forte
progression des nuitées en été. C’est notamment le cas pour la saiso
n
estivale 2023. Après les étés 2021 et 2022 en progression, l’été 2023
enregistre une hausse du taux d’occupation s’établissant à 50
% sur la
période allant de la mi-juin à la mi-septembre. Ce chiffre confirme la
bonne dynamique de la montagne l’été de même que l’allongement de la
saison au-
delà des seules vacances scolaires, c’est
-à-dire de juin à
septembre. Dans de nombreuses stations, les congés de la Toussaint sont
dorénavant des vacances à part entière avec des services ouverts en
nombre et des animations variées pour les vacanciers.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
247
La montagne l’été répond ainsi aux aspirations des vacanciers
:
nature, ressourcement, détente en famille mais également activités pour
tous les profils. L’altitude permet également d’échapper à la chaleur de
plus en plus
marquée l’été dans notre pays. Enfin, en période de forte
inflation, cette attractivité est la démonstration que la montagne est une
destination concurrentielle à cette saison.
S’agissant du sacro
-saint 4 saisons, les stations achèvent la saison
d’hiver entre la fin mars et la fin avril. Les stations d’altitude poursuivent
leur activité jusqu’à la fin avril voire début mai. À cette période, la plupart
des stations se retrouvent dans un entre-deux en pleine préparation de la
saison d’été. Les capacités d’acc
ueil ne sont pas optimisées, les activités pas
toutes en fonction et les personnels saisonniers ou autres pas encore présents
ou en congés. Il nous semble donc important de rappeler qu’il est essentiel
dans un premier temps de développer la saison d’été av
ec une saison
démarrant fin mai-
début juin et s’achevant fin septembre
-début octobre.
L’évolution est engagée et devra s’accélérer au regard de ce que
nous constatons tous en matière climatique. Cependant, il faut avoir à
l’esprit qu’il est très compliqué d’exiger une évolution brutale en quelques
années seulement d’un modèle établi depuis près de 70 ans. De même
aucun autre secteur économique n’est interpellé avec autant d’acuité sur
sa viabilité à l’échelle d’un siècle. Le demande
-t-
on à l’industrie
automobile ou au secteur aéronautique
? C’est ce qui est demandé à la
montagne depuis quelques années.
Ressource en eau, retenues collinaires et neige de culture
L’apport de la neige de culture s’avère nécessaire pour maintenir
viable un modèle économique et assurer son adaptation. En 2018 elle
représentait pour les massifs français 25 millions de m
3
d’eau. Il s’agit de
l’eau prise en très grande partie sur les précipitations et non dans les
nappes phréatiques. Par comparaison, les seules fuites sur le réseau d’
eau
national représentent en 2023 1 300 millions de m
3
(soit 50 fois plus que
la neige de culture). En France, 35 % à 40 % des pistes de ski sont
concernées par cette neige de culture alors que chez nos voisins il s’agit
de plus de 70 %. Les stations produisent principalement de la neige de
culture avant le début de saison, pour moitié entre la fin octobre et la fin
décembre, selon les températures. En effet cette neige n’est produite
qu’avec de l’eau et du froid. Par ailleurs l’usage des retenues d’eau est
strictement contrôlé. Enfin, cette neige de culture permet de refroidir le sol
et de fixer la neige naturelle pour l’hiver. Lorsqu’elle est rendue au sol par
infiltration au printemps sur ses bassins versants, l’eau revient en grande
quantité au milieu naturel.
COUR DES COMPTES
248
Tout l’intérêt des retenues collinaires est de capter temporairement
une eau tombée en surabondance à un moment donné, qui si elle n’était pas
retenue ruissellerait en aval pour se jeter dans la mer. La période très
abondamment pluvieuse que nous venons de connaître le confirme. Par
ailleurs, l’exploitation des retenues collinaires s’articule autour de la multi
-
activités. Elles constituent des points d’eau appréciés des vacanciers l’été
pour l’environnement paysagé de même que pour les activités naut
iques. Ces
retenues d’eau peuvent également s’intégrer aux solutions de production
d’énergie
hydroélectrique,
augmentant
progressivement
le
degré
d’autonomie énergétique des stations, au moyen d’énergies renouvelables.
Enfin, ces retenues constituent un po
int d’eau essentiel pour le pastoralisme
et pour éviter d’éventuelles sécheresses sur ces territoires, une réserve d’eau
pour alimenter si nécessaire les réseaux domestiques pour la population et
pour lutter contre les incendies. Plus aucune retenue collin
aire n’est
envisagée pour la seule production de neige de culture. D’une manière
générale, dans un contexte de changement climatique avec des précipitations
moins fréquentes mais plus intenses, il devient indispensable de stocker l’eau
de manière ponctuell
e pour l’utiliser puis la rendre à la nature.
L’échelon communal le mieux adapté au fonctionnement
des stations de montagne
La maitrise territoriale doit impérativement revenir aux élus locaux
et en premier lieu aux Maires. Les situations qu’ils ont à gére
r au quotidien
sont très diverses compte-tenu de la très grande variété des communes
support de stations de montagne. Les communes support de stations
doivent conserver la totalité de leurs prérogatives et de leur liberté
d’action. Or, il faut préciser que
les communes support de stations de
montagne qui sont intégrées à des Communautés de communes bas de
vallée rencontrent les plus grandes difficultés à exister en tant que
communes touristiques au sein de ces ensembles. Leurs spécificités ne sont
en effet très souvent pas prises en compte. La Communauté de communes,
établissement public de coopération intercommunale, est la bonne échelle
pour gérer les sujets de mobilité, d’énergie ou de gestion des déchets. En
revanche les stations de montagne sont des entreprises à gérer au plus près
et ont besoin d’un bon niveau d’autonomie.
Les élus locaux sont parfaitement conscients des évolutions en cours
et des enjeux considérables pour les communes support de stations de
montagne. Le rôle des pouvoirs publics est bien de les accompagner pour
accélérer l’adaptation du modèle économique sans toutefois mettre à mal
un écosystème qui fait vivre des centaines de milliers de personnes et
maintient les habitants sur ces territoires tout en rendant la montagne
encore plus attractive auprès des plus jeunes. Les différents sujets évoqués
ci-dessus doivent contribuer à nourrir la réflexion de votre institution.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
249
RÉPONSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRA
L DE L’ASSOCIATION
NATIONALE DES ÉLUS DE MONTAGNE (ANEM)
À titre liminaire, je souhaite ra
ppeler que le ski est l’élément
différenciant du tourisme en montagne. En la matière, la France a acquis
une réputation internationale tant pour la qualité de ses domaines skiables
et de son accueil que pour l’excellence de ses secours en montagne.
Votre rapport pointe une dépendance des stations de montagne au
ski et une insuffisance d’adaptation au changement climatique.
Sur le premier point, la filière représente plus de 11 milliards
d’euros de chiffre d’affaires annuel, 400 millions d’euros d’investiss
ement
et fait vivre un tissu d’entreprises locales qui emploie plus de
120 000
personnes. Le tourisme des sports d’hiver est indéniablement le
moteur économique des territoires de montagne, créateur d’emplois
directs et indirects. À titre d’exemple, alors
que le taux de chômage de la
région Provence-Alpes-
Côte d’Azur est de 8
% au premier trimestre 2023,
il est de 6,7 % dans le département des Hautes-Alpes (chiffre équivalent à
celui de Gap) et de 5,6 % seulement dans le briançonnais où se concentre
les stations de ski.
Le modèle des stations de ski ne peut pas être considéré comme un
modèle à bout de souffle. Les situations sont très différentes d’une station
à une autre et un certain nombre de stations de haute montagne ont encore
des belles perspectives d
’activité liées au ski à moyen et long terme.
S’agissant des stations en basse ou moyenne montagne, leur fermeture
n’est pas seulement la suppression de quelques emplois
: c’est avant tout
un équilibre économique qui est bouleversé.
L’adaptation des stati
ons de montagne, voire leur reconversion
pour certaines d’entre elles, est un enjeu majeur. L’adhésion de l’ensemble
des acteurs, élus et professionnels du tourisme, à cette nécessité est
primordiale. C’est pourquoi, l’ANEM souscrit totalement à votre
recommandation de créer un observatoire national regroupant toutes les
données de vulnérabilité en montagne accessibles à tous les acteurs
locaux. Les indices de vulnérabilité ne peuvent toutefois pas être arrêtés
arbitrairement de façon descendante : il est i
mpératif qu’ils soient
co-construits et partagés par tous pour être compris et acceptés. Par
ailleurs, il convient qu’ils intègrent les adaptations déjà entreprises par les
stations pour la diversification de leur activité touristique et la
préservation de leur environnement.
COUR DES COMPTES
250
Au-delà des vulnérabilités, les élus locaux doivent disposer de
connaissances à forte valeur ajoutée pour appréhender les dynamiques de
développement économique de leur territoire sur le temps long.
Indéniablement, les quelque 320 s
tations de sport d’hiver doivent préparer
l’avenir en opérant une diversification touristique (et parfois une
reconversion) mais aussi une diversification durable de leur économie.
Si le rapport indique que les retombées économiques des activités
estivale
s sont mal évaluées aujourd’hui faute d’étude, il n’en demeure pas
moins que le panier des dépenses par touriste l’été et l’hiver est
incomparable. Le succès populaire des vacances d’été n’a pas de retombées
économiques équivalentes. Selon Atout France, les dépenses touristiques en
stations seraient de 2,4
Md€ en été contre plus de 8
Md€ en hiver.
Il faut donc accompagner les territoires à identifier leurs atouts et
leurs leviers d’action pour créer des activités à forte valeur ajoutée en
parallèle du tourisme quatre saison en montagne.
Sur le deuxième point, l’ANEM n’adhère pas au constat d’une
insuffisance de prise en compte du changement climatique par les acteurs
locaux. Le rapport conteste notamment les investissements liés au maintien
d’une activité to
uristique tournée sur le ski en remettant en question la
pertinence des études
Climsnow
.
Il s’agit d’études scientifiques qui permettent de quantifier les
perspectives d’enneigement à moyen terme, qui donne une estimation des
quantités d’eau mobilisées po
ur la production de neige en climat actuel et
futur. La fiabilité de ces études n’a pas été remise en question. Il convient
de souligner que les décideurs publics ont besoin de données pour prendre
leur décision et qu’ils s’appuient sur des experts pour décider d’un
investissement au regard de sa durée d’investissement.
La pérennisation et le développement d’activités sur les domaines
skiables, même sur les territoires qui conservent des perspectives d’enneigement
suffisantes à moyen long terme, ne peuvent pas être rejetés sans nuance. La
nécessité de s’adapter et de se transformer a une portée extrêmement variable
d’un territoire à l’autre. Une station de haute montagne n’a pas les mêmes
perspectives ni les mêmes atouts qu’une station de moyenne montagne.
J’ajouterai par ailleurs que la montagne est précurseur dans
l’adaptation au changement climatique avec sa stratégie 4 saisons. Si les
changements ne sont toujours manifestes, c’est qu’ils prennent du temps pour
se mettre en place et porter leurs fruits. Une transition se fait sur du moyen
long terme. Ce n’est pas une spécificité française. À notre connaissance, on
ne trouve pas d’exemple de transition réussie non plus à l’étranger.
Je souhaiterais enfin revenir sur la proposition de la Cour des comptes
de mettre en place une gouvernance ne relevant plus du seul échelon communal.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
251
Au-delà de la gouvernance du domaine skiable et des remontées
mécaniques, il y a également l’écosystème autour de cette activité. Il s’agit
donc surtout d’instaurer des instances d
e dialogue, au sein desquelles
l’ensemble des acteurs économiques puissent se retrouver et échanger,
aptes à trouver ensemble les voies de l’adaptation.
Le sujet n’est pas tant la gouvernance que le dialogue que les
territoires arrivent à engager entre les différentes strates territoriales, et
les moyens qui leur sont offerts pour les accompagner. Diluer et changer
la gouvernance n’est pas toujours la solution. Il n’y a pas de réponse
unique. Certaines stations se sont par exemple construites sur des identités
fortes comme La Plagne ou Tourmalet. Élargir la gouvernance
présenterait le risque d’effacer progressivement l’identité de la station et
qu’elle se retrouve isolée dans les décisions prises à une échelle plus large.
À
l’inverse, d’autres stations ont
élargi leur gouvernance à un territoire
plus large comme par exemple le syndicat mixte « tourisme Hautes-
Vosges », les communes ne souhaitant plus limiter leur réflexion à leur
station de ski respective. L’objectif est d’assurer la promotion touristique
de
tout ce territoire sur l’ensemble de l’année.
Enfin, si la Cour insiste sur l’importance des financements publics
orientés vers l’économie du ski au détriment du financement de la
transition, ce propos mérite d’être nuancé. Les territoires de montagne
sont en effet confrontés à de plus en plus de risques naturels induits par le
changement climatique (écoulement de langues glaciaires ou du glacier
complet, écoulements d’eau brutaux, laves torrentielles de boue,
mouvements de terrain). Ces nouveaux risques entrainent une nécessaire
adaptation des territoires, comme la Cour le souligne également. Or, cette
adaptation appelle un soutien que les collectivités territoriales ne sont pas
en mesure de porter seules. Il est donc nécessaire d’accompagner les
collectiv
ités, par exemple par la mise en place d’un fonds de soutien dédié
à la transition de ces territoires particulièrement vulnérables.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE DOMAINES SKIABLES DE FRANCE (DSF)
Vous avez bien voulu nous transmettre, comme c’est la règle, pour
relecture contradictoire le rapport que la Cour des comptes prévoit de
publier sur les stratégies d'adaptation des stations de montagne au
changement climatique. À l’issue de l’audit de 42 stations, majoritairement
petites ou très petites, nous regrettons que les pouvoirs très étendus de la
Cour en matière d'accès à l'information ne lui aient pas donné l'occasion
ici de poser un constat plus nuancé et d'apporter davantage de clés utiles
sur un sujet aussi important.
COUR DES COMPTES
252
Certaines positions dogmatiques demeurent exprimées dans le
rapport malgré les éléments les contredisant et que nous vous avions
transmis, ce qui nous interpelle sur les objectifs que la Cour a poursuivis
dans sa recherche d’équilibre. Nous contestons également certaines
conclusions présentées c
omme générales mais qui ressortent d’exemples,
dans le meilleur des cas singuliers, et parfois erronés.
La France compte plus de 200 entreprises de domaines skiables. Si
on les sépare en deux moitiés, on constatera que les 100 premières
entreprises réalisent 98 % des recettes, quand les 100 suivantes réalisent
2 %. En raisonnant uniquement sur la seconde moitié, on peut construire
un discours qui concerne "plus de la moitié des stations de montagne" alors
même qu’elles ne représentent que 2
% de l'activité ski.
C'est un peu ce que fait la Cour des comptes quand elle prononce
des sentences sur le ski à partir d’un constat qu’elle dresse pour certaines
stations choisies parmi les plus modestes.
S'il existe, en effet, des stations de montagne dont le changement
climatique aggrave la situation au point d'assombrir leur avenir à court ou
moyen terme, il en existe de nombreuses autres dont les marchés, la santé
financière, les perspectives d'enneigement et les stratégies donnent
confiance en l'avenir. Or, la Cour n'en montre pas une seule.
De fait, le rapport de la Cour ne réussit jamais à tracer un trait net
entre les situations réellement problématiques à court terme et les
situations qui ne le sont pas. La Cour échoue, par exemple, à montrer
comment les techniques d'enneigement ont réduit de façon saisissante
l'aléa d'enneigement des pistes de ski ces 30 dernières années, et comment
les investissements réalisés dans ce domaine ont sécurisé l'emploi non
seulement au sein des domaines skiables et chez tous les acteurs impliqués
dans cette économie. Les stratégies de confortement du ski doivent aussi
s'analyser à la lumière de cette réalité, que les études
Climsnow
confirment
pour l'avenir nonobstant la hausse des températures.
La Cour, pointilleuse, discute les études disponibles sur les
retombées économiques du ski sans tenir compte des compléments
d’information que nous avons apportés. Elle constate aussi que près de la
moitié des clients sont quand même venus l'hiver 2020/21 alors que les
remontées mécaniques éta
ient fermées. Mais elle ne rappelle pas qu’il s’est
agi d’une fréquentation sous contrainte, pour des clients captifs d’un
contexte qu’il faut se remettre en mémoire : des vacanciers n’ayant pu
annuler ou ayant effectué un choix contraint par l’absence de
destinations
possibles hors de France, et des propriétaires qui occupent leurs
résidences secondaires devenues impossible à louer. Par surcroît, la Cour
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
253
confond fréquentation et activité économique : on doit à la vérité dire que
les dépenses touristiques ont chuté de 70 %, et que l'emploi a chuté dans
les mêmes proportions. Le ski demeure clairement le facteur principal
d'attractivité des stations de montagne
La Cour souligne la forte dépendance des territoires à l’activité
touristique, sans mentionner la chance que cela représente pour ces
territoires qui étaient jusqu’alors des territoires d’émigration massive.
Nous ne souscrivons pas du tout à la méthodologie établie par la Cour
pour attribuer des « scores de vulnérabilité » aux stations. Vu les incohérences
dans les résultats, nous pensons que la Cour aurait dû s’abstenir de publier un
tel classement, ou a minima lui donner, comme c’est normalement la règle une
lecture contradictoire avec les stations auditionnées.
Nous ne souscrivons pas non plus à la méthodologie établie par la
Cour pour extrapoler à 124
M€ le montant des subventions qui serait perçu
par
les
exploitants
de
remontées
mécaniques
chaque
année,
principalement sous forme de subventions d’exploitation. Écartant notre
avis, la Cour a en effet e
stimé que les exploitants dont le chiffre d’affaires
est compris entre 10
M€ et 15
M€ étaient «
en situation de fragilité
financière » et percevaient des subventions à hauteur de 15 % de leur
chiffre d’affaires en moyenne
284
. Ce chiffre ne nous parait pas
vr
aisemblable. Il est directement influencé par l’échantillon des stations
que la Cour a retenu dans cette tranche de chiffre d’affaires et qui n’est
pas représentatif de l’ensemble des stations de cette tranche.
Forte de cette (sur)estimation, la Cour propose que les subventions
d’exploitation versées aux domaines skiables chaque année soient
réorientés vers des investissements de diversification. C’est méconnaitre
les raisons qui amènent les visiteurs à séjourner en station : comme nous
l’avons rappelé plus
haut, le ski reste le facteur principal d’attractivité des
stations, les activités de diversification ne déclenchent pas le séjour
touristique. À l’inverse, la fréquentation induite par le ski génère de
l’emploi et des dépenses touristiques qui permettent
même à la collectivité
de se voir rembourser une partie de ce qu’elle a versé, ce dont la Cour
aurait pu mieux tenir compte en chiffrant les taxes de séjour, redevances
d’exploitation, taxes d’habitation, droits de mutations, et autres recettes
publiques induites par la fréquentation touristique.
284
Puisque percevant un montant évalué par la Cour à 37
M€ (précisément
: 124
87) alors
qu’elles réalisent ensemble 250
M€ de chiffre d’affaires
.
COUR DES COMPTES
254
Les actions de diversification mises en œuvre par les stations
auditées ne trouvent pas grâce aux yeux de la Cour. Elles sont déficitaires
(c’est vrai) et reposent sur le principe d’équipements nouveaux destinés
à
attirer du public.
Or, cette stratégie n’est visiblement pas celle attendue
par la Cour, pour qui le maintien de l’économie locale et de la
démographie ne sont pas des motivations suffisantes.
À la place la Cour propose de « changer de modèle de
développement ». La Cour ne dit pas, pour autant, concrètement quelles
activités de diversification seraient à conduire. La « transition » et la
« reconversion » deviennent ainsi des antiennes creuses, faute pour la
Cour d’en décrire le contenu. Elle en chiffre n
éanmoins le montant, et
propose même une taxe sur les remontées mécaniques (elle existe déjà)
pour alimenter un fonds d’adaptation sans jamais dire quelles actions il
pourrait financer.
La question de la gouvernance économique des stations méritait
mieux q
u’une nouvelle taxe sur les exploitants de remontées mécaniques,
au moment où la Cour souligne la fragilisation de leur modèle économique.
Ainsi, les nombreux exemples étrangers que présente la Cour comme
vertueux car plus fédérés économiquement (Dolomites, Andorre, Suisse,
Autriche) auraient pu inspirer à la Cour une assiette de financement
élargie à tous les acteurs qui vivent du ski en station.
Pour fédérer davantage, il conviendrait d’abandonner la vision
particulièrement négative que la Cour déploie à
l’encontre d’un secteur
privé qui serait forcément trop fort face aux collectivités, sans cesse à la
recherche de situations de rente, et qu’il faudrait davantage contrôler et
plus souvent remettre en concurrence. Ce parti pris est choquant tant il est
orthogonal aux succès que la Cour elle-même reconnaît aux modèles
étrangers dont les remontées mécaniques sont généralement la propriété
de sociétés privées, jamais remises en concurrence.
Pour être durable, une délégation de service public doit rechercher
un équilibre satisfaisant pour les deux parties. Au moment où le degré
d’aléa se renforce, vouloir en faire un objet d’asservissement pour
transférer encore plus de risques et de contraintes au privé (durées courtes,
obligations d’investissement, prise en charge d’activités déficitaires), est
une erreur tragique pour la montagne, qui a besoin d’investisseurs.
La Cour conteste l’étude réalisée en 2012 par Atout France et
d’autres partenaires dans les Alpes du Nord, puis mise à jour en 2015 dans
les Alpes du Su
d, concernant l’évaluation des dépenses touristiques en
station, rapportées aux dépenses dans le forfait de remontées mécaniques.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
255
Ainsi, le ratio selon lequel 1
€ dépensé dans le forfait de remontées
mécaniques génère en moyenne 6
€ supplémentaires dépensé
s en station,
s’il peut naturellement être affiné, comme le suggère la Cour, par type de
station, par période de la saison, etc. n’en constitue pas moins une
estimation honorable des dépenses touristiques moyennes totales générées
par le ski en général.
La Cour note que les années à faible enneigement constituent des
accidents dans la courbe de fréquentation des domaines skiables. Mais la
Cour ne relève pas l’extraordinaire réduction de l’exposition des domaines
skiables aux aléas d’enneigement, réalisé en
30 ans. Ainsi, les hivers
faiblement enneigés 1989/90, 2006/07, et 2022/23, ont respectivement vu
la fréquentation des domaines skiables baisser de 30
%, 15 % et 5 %, pour
des nivologies similaires.
La Cour consacre un important développement au sujet de l
’offre
d’hébergement des stations. Elle omet de souligner l’importance des
plateformes digitales et de la fiscalité qui permettent une mise en marché
des lits diffus (lits froids).
Dans sa description des effets du changement climatique (page 36
et suivan
tes), la Cour rend compte de l’évolution des températures en
moyenne annuelle, en précisant que l’augmentation est plus marquée en
montagne. Toutefois, s’agissant de l’activité hivernale des stations de
montagne, il eut été judicieux de s’intéresser spécif
iquement aux
températures de l’hiver qui augmentent moins vite, comme le rapporte par
exemple l’observatoire du changement climatique de la Savoie.
Concernant les risques associés à la fonte du pergélisol,
contrairement aux écrits de la Cour, cela ne représente pas plus de 50
remontées mécaniques, tous identifiés, repérés et sous surveillance
spécifique (les grandes inspections ayant lieu à 15, 10 et 5 ans et non pas
tous les 30 ans). Cela nous permet d’affirmer que le risque pour les usagers
et maîtrisé.
L
es éléments rapportés par la Cour pour s’inquiéter des volumes
d’eau prélevés pour la neige de culture sont grossièrement erronés.
Ainsi, rien ne permet d’affirmer, comme le fait la Cour que
« l
’impact de la production de neige sur les ressources en eau a
pparaît
sous-estimé dans de nombreux territoires », ni que les régions alpines
auraient conforté la production de neige « sans tenir compte des
perspectives du changement climatique » puisque la Cour ne montre aucun
investissement subventionné qui ne puisse pas (ou ne pourrait rapidement
plus) fonctionner.
COUR DES COMPTES
256
Pour fonder son opinion sur l’impact du prélèvement d’eau en aval
d’une station, la Cour aurait pu, a contrario, s’intéresser aux études les
plus récentes disponibles, qui sont précisément des études françaises
Les principaux résultats issus de cette étude sont loin d’être aussi
alarmistes que la Cour.
La Cour indiqu
e enfin que le stock d’installations à démonter serait
« particulièrement important », avançant le chiffre de 194 appareils de
remontées mécaniques, calculé par le STRMTG. Ce chiffre inclut une
majorité d’appareils qui, bien que suspendus, n’ont pas vocati
on à être
démontés puisqu’ils doivent être remis en service rapidement. Seuls 72
n’ont aucune chance d’être remis en service et nous contribuons à leur
démontage, aux côtés de d’acteurs comme
Mountain Wilderness
. Il n’est
pas utile de lever une taxe pour cela.
Ces éléments ne se veulent nullement vindicatifs mais nous ne
pouvons que regretter que ces audits n’aient pas permis, par une plus
grande neutralité, la production d’une vision de référence plus équilibrée
qui aurait été nécessaire pour projeter notre profession et ses retombées
économiques dans les décennies à venir.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENT DE LA LOIRE
L
enquête de la chambre régionale des comptes de Lyon a porté son
analyse sur l'ancien plan de développement voté en 2019 par le
département. Celui-ci prévoyait notamment la création d'une retenue
collinaire pour permettre une meilleure production instantanée de neige
afin de s
adapter à la réduction des fenêtres de froid. C
est pourquoi, il a
pu être compris dans l'analyse que la station de Chalmazel étendait son
réseau de production de neige.
Quoi qu
il en soit, suite à l'avis de l
autorité environnementale porté en
novembre 2022, et compte tenu des enjeux que doivent intégrer les stations de
moyenne montagne face au changement climatique, le département a pris la
décision en 2023 de réfléchir à une refonte totale du plan de développement de
la station de Chalmazel. Ce travail est actuellement engagé avec une volonté
affirmée de repositionner ce projet avec une prise en compte indispensable des
différents enjeux. Ainsi, des scénarios sont en cours d
élaboration et intégreront
le changement climatique en s
appuyant sur une dynamique de mutation et
transition douce tant sur le plan environnemental, social qu'économique. J
ai
porté ces éléments d'information à la connaissance du président de la chambre
régionale des comptes dans le cadre de l
enquête précitée.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
257
RÉPONSE DU MAIRE DE LA COMMUNE
DE BESSE-ET-SAINT-ANASTAISE
En tant que Maire de Besse, et Président de la Saeml Pavin Sancy,
j
e souhaite réagir vivement par rapport à l’interprétation réalisée par vos
services concernant la stratégie de notre station, et sollicite un entretien
afin de rectifier une analyse qui porte injustement préjudice à cette
stratégie et à notre collectivité.
Malgré des entretiens poussés et une stratégie de diversification
explicitée à maintes reprises, les conclusions extraites «
d’un rapport
» ou
«
d’un chapitre
» citant nommément notre station sont erronées et
induisent une erreur d’appréciation sur nos ob
jectifs.
Mon souhait, par ces quelques lignes, n’est pas de soutenir
l’enneigement de culture, ni de contester le réchauffement climatique,
(dont la montagne est victime et non responsable), mais d’expliquer la
stratégie de diversification d’une station de
moyenne montagne, opérée
depuis des années, dans un contexte topographique particulier à notre
territoire (lac réservoir des Hermines en pied de bassin versant où se
situent les installations de production de neige).
Ainsi, notre stratégie est bien d’assu
rer un espace skiable minimal
(sécurisé en neige) pour répondre à l’attente, des visiteurs, en particulier
pour l’apprentissage du ski, notamment pour les familles (cible de notre
station, détentrice du label Famille Plus) et garder l’ensemble de ce
pouvoi
r d’attractivité et les retombées financières correspondantes,
disponibles pour financer la diversification.
En effet, depuis plus d’une dizaine d’années, ce sont les recettes de
la neige qui permettent les investissements lourds de diversification, en
activités de pleine nature et 4 saisons.
Les recettes hors neige de la station s’élèvent à plus de 20
% de
l’ensemble des recettes annuelles, ce qui montre l’importance des efforts
déjà réalisés pour la mise en œuvre d’une diversification affirmée. Ceci
place notre territoire, en tête des stations ayant le plus diversifié
Le temps de travail dédié aux activités hors neige est, sur une année
entière, comparable à celui consacré à l’activité neige. En hiver, un tiers
des effectifs de la SAEML est exclusivement embauché pour ces activités
hors neige.
Un autre élément, abusif, est d’évoquer une «
consommation
d’eau
» pour l’enneigement de culture comme s’il s’agissait d’une
disparition de l’eau.
COUR DES COMPTES
258
L’eau prélevée dans le Lac des Hermines, est acheminée ou
transformée en neige quelques mètres ou centaines de mètres en amont, et
est restituée naturellement en quelques jours ou semaines.
Aucune disparition de ressource significative ne correspond au
terme «
consommation d’eau
» et ceci mérite d’être souligné.
Par ailleurs, cette utilisation, et non «
consommation d’eau
», se fait
à une période où l’eau est abondante. Ainsi, sur le dernier trimestre 2023,
notre station a reçu plus 1
000 millimètres de hauteur d’eau par mètre
carré (soit plus de 1
000 litres d’eau au mètre
carré).
Sur l’ensemble de notre station, bassin versant et lac des
HERMINES compris, ceci représente près de 3 millions de mètres cubes, à
rapprocher des 150
000 mètres cubes utilisés pour l’enneigement de
culture, soit seulement 5 % de la pluviométrie sur la même période, qui
repartira dans le cycle de l’eau.
En outre, l’utilisation moyenne, sur notre station, a diminué entre
les années 2009 à 2013 (471 000 m
3
) et les années 2019 à 2023
(415 300 m
3
).
Superbesse, du fait de sa configuration topographique particulière,
est un exemple de résilience et de transformation. Celle-ci ne se fait pas en
claquant des doigts ni même par injonction, mais bien par une stratégie de
transformation d’un modèle, initialement centré sur la seule activité neige.
Les situations financières satisfaisantes de la SAEML et de la
commune, que vous soulignez dans votre rapport, sont également la preuve
d’une stratégie pertinente, permettant à notre territoire de garder une
attractivité et des recettes, malgré le bouleversement climatique de ces
trente dernières années.
À
l’heure où nombre de stations de moyenne montagne et de haute
altitude se trouvent, soit dans l’impasse, soit dans l’obligation de cesser
toute activité, Superbesse montre une capacité de transformation aboutie.
Acteurs ruraux et de la moyenne montagne, nous subissons un
modèle économique responsable du réchauffement climatique, qui lui,
n’est jamais remis en cause, et nous devons seuls ou presque, faire face
à l’ensemble des problématiques actuelles
: triplement du coût de
l’énergie, hausse du coût de l’ensemble des matières premières,
augmentation de coût de la mobilité, gestion de l’emploi saisonnier,
absence de logement social, etc.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
259
Vous comprendrez, suite à ce constat, et à cette solitude de l’élu
local, que je ne peux accepter la lecture ou la traduction erronée qui est
faite de notre stratégie.
Si l’enneigement de culture ne doit pas être un moyen de fuite en
avant, il est à coup sûr, pour notre station, et l’ensemble de notre territoire,
l’outil d’aide à sa transf
ormation vers un autre modèle non dépendant de
l’activité neige. Les situations de notre commune et de notre station,
malgré son altitude moyenne montrent que notre stratégie porte ses fruits.
De plus, cette stratégie s’accompagne de nombreux efforts, que
réalisent commune et station, en faveur de l’environnement, de
l’adaptation au changement climatique et de la sobriété (plantation de
haies, résorption des fuites sur le réseau d’eau potable, réfection des
réseaux assainissement et pluvial, réseau de chaleur, récupération de
chaleur dirigée vers les locaux, limitation de l’urbanisme, contrat de lac,
contrat de rivière et Espace Naturel Sensible, transport collectif inter
bourgs
et
intra
station,
mise
en
place
de
photovoltaïque
et
méthanisation…).
Pour conclure, cela paraît être un contre-sens de citer notre station
comme un exemple de « mal-adaptation » au changement climatique, alors
même qu’elle est au contraire, un exemple de résilience et de
transformation, et ce depuis des années.
Notre modèle d’économi
e mixte (SAEML), gérant la station, est lui
aussi, un modèle à suivre : aucune rémunération des dirigeants, aucun
dividende versé.
L’ensemble des recettes est consacré à la rémunération des salariés,
aux dépenses de fonctionnement et à l’investissement lo
cal.
Cet investissement local est, aujourd’hui, affecté à 80
% à la
diversification et aux activités de pleine nature qui nous permettent, jour
après jour, de diminuer notre dépendance au froid.
Permettez-moi également, de solliciter celles et ceux qui analysent ces
situations pour qu’ils mettent en exergue le nécessaire accompagnement de
nos collectivités pour réussir une transformation plus efficace.
Celles et ceux qui sont en bout de chaine, et victimes d’une
dérèglementation générale, ne peuvent porter, seuls, la transformation de
ce modèle et encore moins la responsabilité de la situation climatique,
énergétique et environnementale, dans laquelle nous nous trouvons.
COUR DES COMPTES
260
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU SYNDICAT MIXTE
DES STATIONS DU MERCANTOUR
Ces extraits ont retenu toute mon attention et, comme vous m
y avez
invité, je vous communique la réponse que le Syndicat Mixte des Stations
du Mercantour souhaite apporter.
1 - Coût du projet de restructuration du domaine skiable de la station d
Auron
Le Syndicat Mixte des Stations du Mercantour a mené une étude
pour établir une stratégie de développement et d
aménagement du domaine
skiable d'Auron, en prenant en compte notamment l
étude prospective
climatique réalisée par la Région Sud.
Suite à cette étude, plusieurs propositions ont émergé visant à
conjuguer la diversification des activités multi saisons avec le maintien et
le confortement de l
activité de ski alpin.
En concertation avec les élus de la commune, un programme de
restructuration du domaine skiable a été arrêté dont le coût s
élève
aujourd’
hui à environ 30
M€
au lieu des 50
M€
prévus initialement.
Les derniers axes de développement définis en accord avec la
commune sont les suivants :
l/ Construction d
une télécabine au départ du Riou avec une arrivée
sur le plateau de Chastellares en lieu et place du téléski actuel
2/ Construction d
une télécabine dans le prolongement de la
télécabine du Riou avec une arrivée à Sauma Longue
3/ Sécurisation du versant du Dôme avec l
installation de gazex
3/ Rénovation du Télériou au départ de la place centrale
Les principaux objectifs de ce programme de restructuration consistent à :
-
Améliorer le confort des usagers par la modernisation des remontées
mécaniques ;
-
Développer le ski en altitude ;
-
Offrir un nouveau secteur d
activité l'été ;
-
Renforcer la sécurisation du domaine ;
2 - Amortissement et rentabilité de la nouvelle télécabine au regard
des conséquences du changement climatique sur le tourisme
Les nouveaux aménagements prévus sur le secteur de Las Donnas
s
inscrivent dans l
objectif global du Syndicat Mixte des Stations du
Mercantour de pérenniser la vitalité économique du territoire et de la
station d
Auron pendant la totalité de la saison.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
261
En effet, certaines pistes ont connu des difficultés d
exploitation lors
des dernières saisons, par manque de neige naturelle engendré par le
changement climatique, et notamment sur la partie basse du secteur concerné.
La création d'une nouvelle infrastructure de type télécabine
débrayable à deux tronçons, nommés Riou en partie basse et Sauma longue
en partie haute, avec l
implantation d
une gare intermédiaire au niveau du
parking existant des pistes » permettra d
assurer un important débit, de
l
ordre de 3 000 pax/heure, au départ du village d
Auron.
Ce projet améliorera le confort des usagers par la modernisation
des remontées mécaniques existantes et vieillissantes, ainsi que
l
accessibilité du secteur par le réaménagement des remontées mécaniques
sous dimensionnées, notamment en période de pleine activité.
Le front de neige sera ainsi requalifié par un aménagement
qualitatif et moderne.
Il participera à l
amélioration globale des équipements du domaine
skiable d
Auron et confortera le positionnement de la station et son
rayonnement à l
échelle de la Métropole Nice Côte d'Azur.
En effet, des études sur l
enneigement actuel et futur de la station
permettent de démontrer l
intérêt de restructurer le secteur, d
un point de
vue des remontées mécaniques et équipements de neige de culture, pour
privilégier les zones dont l
enneigement futur sera le plus important. Le
projet global de restructuration de la station a donc été étudié en tenant
compte des secteurs du domaine skiable qui bénéficient du meilleur
enneigement naturel, ce qui, dans un contexte de changement climatique,
permettra la pérennité de la station en limitant le recours à la neige
artificielle et donc la préservation de la ressource en eau. En tout état de
cause, il améliorera la situation de la station de ski de ce point de vue. De
plus, la modernisation des remontées mécaniques pour celles nouvellement
construites concourent à' un objectif secondaire général de baisse des
consommations électriques et énergétiques. Par ailleurs les deux
télécabines seront équipées de panneaux photovoltaïques.
Le projet pérennisera non seulement les activités liées à la pratique du
ski mais permettra également la diversification des activités en ouvrant un
nouvel espace raquette l'hiver et un nouveau secteur VTT et randonnée l’été.
Au-delà de la seule commune de Saint Etienne de Tinée, ce projet
confortera l'économie touristique du Haut-Pays, permettant ainsi de
préserver et développer les emplois liés à ces activités et par conséquent
de maintenir la population dans la commune et au sein de la vallée. Avec
300 000 « journées-skieur » comptabilisées en moyenne par saison (hors
période covid 19), le secteur représente 300 emplois dont 250 saisonniers
dans les remontées mécaniques.
COUR DES COMPTES
262
La station d
Auron est un maillon incontournable de la structuration
économique et sociale de la Haute Tinée. Elle constitue une source essentielle
de revenus et participe activement au maintien du tissu économique rural et
à l’entrainement de l'économie. Ainsi, ce projet s’
inscrit pleinement dans ces
orientations puisqu
il concourt à la restructuration globale du domaine
skiable de la station d
Auron et participe ainsi à la dynamisation des activités
touristiques et de loisir de montagne en améliorant le fonctionnement de ses
équipements et le confort pour les usagers.
Espérant que les précisions apportées fassent l
objet d'une parfaite
considération de la part de votre juridiction.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU SYNDICAT INTERCOMMUNAL
D’EXPLOITATION DU CAMBRE D’AZE
Bien que le Syndicat Intercommunal d
Exploitation du Cambre
d
Aze (SIECA) dont je suis Président depuis sa création en octobre 1999
ne soit plus l
organe décisionnaire depuis que la station est exploitée par
la SPL TRIO Pyrénées dans le cadre d
une DSP, je souhaite néanmoins
réagir à vos propos.
Dans votre rapport et compte tenu des investissements projetés en
matière de réseau de production de neige, vous citez la station du Cambre
d
Aze dans les Pyrénées Orientales (1600/2400) comme un exemple de
mal-adaptation au changement climatique.
Comme vous le mentionnez et bien que des améliorations techniques
aient été apportées dans le domaine de la production de neige de culture et
de son exploitation, compte tenu des scénarios de réchauffement retenus, les
velléités d
équipement doivent être regardées avec beaucoup d
attention,
économique pour l
exploitant, mais aussi en fonction des choix des
ressources et à l
adaptation d
autres activités que celle du domaine skiable.
De ce fait, votre communication, uniquement basée sur des études
faites sur la fiabilité de l
enneigement et sans fondement notable sur la
teneur globale du projet, m
interpelle.
En ce sens, pour étayer son bien-fondé en apportant de mon humble
avis la transparence nécessaire à sa compréhension, je vous saurai gré de
prendre en compte, ce complément d
information.
Le réseau de production de neige est lié à celui de se doter d
une
retenue d'eau, déjà acceptée par arrêté préfectoral en 2018 pour le SIECA et
maintenant reprise et révisée à la baisse pour sa contenance par la SPL Trio.
LES STATIONS DE MONTAGNE FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
263
Sur ce thème, je souhaiterai revenir sur l'affectation de celle-ci à
plusieurs fonctions complémentaires et non exclusives les unes des autres.
La retenue projetée est située en pied de forêt, dans un endroit très
accessible hiver comme été.
Cet investissement doit devenir à court terme un lieu ludique et
porteur de valeur ajoutée.
Manifestement, elle viendra conforter sensiblement un réseau de
production de neige déjà existant pour assurer notamment à tous les
pratiquants, quelque soient leurs niveaux, les retours en pied de station
entre les deux villages de Saint Pierre dels Forcats et d
Eyne composant
la station du Cambre d
Aze.
En ce sens permettre d'écrêter le cas échéant, la courbe des mauvais
résultats en assurant surtout en début de saison, la pérennisation des
ventes et réservations,
Son alimentation se fera gravitairement grâce, d
une part, au
captage du trop-plein du répartiteur d
eau potable qui est aujourd
hui
perdu et d
autre part, par les sources dites « des Fontanais » qui s
écoulent
déjà naturellement sur place.
De par son positionnement, la fonte des neiges confortera enfin son
remplissage de sorte que celui-ci n
impliquera aucun prélèvement
supplémentaire sur le milieu, ni aucun pompage,
À aucun moment, le parcours de Veau ne sera dévié et il poursuivra,
comme antérieurement à la construction de cet ouvrage, sa « route » vers
la vallée de la Têt.
En aval de cette retenue, existe un réseau important de canaux
d
arrosage servant à l'agriculture. Une réfection de ces derniers
permettra de favoriser l
arrosage d
à minima 50 hectares de prairies de
fauche et de ce fait, soutenir favorablement l
agropastoralisme bien
implanté sur le territoire.
Au regard des constats sur l'évolution climatique et des
revendications reçues périodiquement des éleveurs installés sur la
commune, cette réserve d
eau sera assurément d
un grand secours dans
les prochaines années.
Également, compte tenu de la configuration du territoire, St Pierre
dels Forcats et Eyne sont des communes forestières à plus de 50 % : cette
retenue s
’i
nscrit naturellement dans le dispositif de défense contre les
incendies (aucune autre réserve d'eau, naturelle ou artificielle, n
existe sur
ce versant de massif).
COUR DES COMPTES
264
En ce sens, et compte tenu de la diversification de sa potentielle
utilisation, je ne pense pas que l
investissement prévu soit un exemple de
« mal-adaptation au changement climatique ».
Plus généralement, la mutualisation des investissements nécessaires
au renouvellement de « l
offre montagne » et précisément sur celle
entreprise sur les trois stations composant la SPL TRIO Pyrénées est un
véritable projet de territoire mené pour la vitalité et la pérennité de nos
stations de montagne toute l
année, en restant très vigilants sur la
dynamique locale de développement,
Le réchauffement des « lits froids » devra également trouver un écho
favorable à cette adaptation.
Nous sommes bien conscients des changements climatiques, et notre
adaptation à ces derniers sera sans faille, en guidant systématiquement
notre réflexion par la recherche de l
indispensable équilibre économique.
La montagne a connu dans les années 70 un traumatisme profond
avec un exode rural massif.
Nos vallées se sont vidées d
une source vive irremplaçable : leurs
jeunes actifs. La petite agriculture, pas viable, a disparu.
La santé, les maisons d
enfants et les sanatoriums, ont
définitivement fermé. Le constat est difficile mais sans ambiguïté.
Depuis cette date, les stations de ski et leurs économies induites
avaient contribué à maintenir et à pérenniser l
emploi et de ce fait elles
ont permis d'avoir une montagne habitée et vivante toute l'année.
Aujourd
hui, face au changement climatique, notre anticipation, notre
mobilisation, notre réflexion dans la pertinence de nos investissements sont
déterminantes. Elles ont pour objectifs de varier les ressources économiques
et de contribuer activement au maintien de la population des hauts cantons,
car qu'elle soit résidente à plein temps, excursionniste, ou saisonnière, elle est
en droit de continuer d
y vivre décemment.
Cela suppose et je partage votre réflexion, des investissements
permettant une diversification de l’offre, à la fois sur le volet touristique
et pour
permettre le maintien d
une agriculture dont les structures se sont concentrées
sur quelques exploitations, ainsi que pour préserver la forêt et son exploitation.
Comme je l
ai déjà écrit, le projet du Cambre d
Aze retenu dans sa
globalité, s
inscrit parfaitement dans cette perspective.