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L’adaptation du réseau ferroviaire
national au changement climatique
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Le réseau ferroviaire, constitué de plus de 27 000 km de lignes, est
structurellement vulnérable aux événements météorologiques extrêmes qui
touchent le territoire métropolitain : les équipements électroniques et
métalliques (voies, caténaires) sont sensibles à la température, les voies et
leurs assises sont exposées aux inondations et ruissellements, etc. Cette
vulnérabilité intrinsèque
est pour partie liée à l’ancienneté du réseau. En
outre, la vétusté de certaines composantes de l’infrastructure accentue leur
sensibilité aux aléas météorologiques.
Vents violents, fortes pluies, foudre, fortes chaleurs, grands froids
provoquent chaque année des milliers d’incidents, du retard de quelques
minutes à la fermeture de voies pour remise en état. Les gestionnaires du
réseau ferroviaire doivent donc composer au quotidien avec les aléas
météorologiques et s’y adapter. Or, les tendances qui se dégagent des
modèles de prévision climatique montrent un accroissement de la pression
des aléas météorologiques sur le réseau ferroviaire, malgré la raréfaction
des épisodes de grands froids en plaine.
SNCF Réseau a été la première entité au sein du groupe ferroviaire
national à engager une réflexion sur les risques accrus par le changement
climatique et à mener des études de vulnérabilité physique du réseau. Un
comité stratégique sur l’a
daptation au changement climatique se réunit
deux fois par an au niveau du groupe et une étude de vulnérabilité est
actuellement en cours au sein de SNCF Gares et connexions.
Les conséquences opérationnelles et financières du changement
climatique sont encore mal connues. Ces données sont pourtant essentielles
à la mise en place des programmes d’investissements à venir. S’il est hors
de portée financière et peu pertinent de mettre l’ensemble du réseau
historique aux normes les plus exigeantes, l’investisse
ment à consentir pour
le régénérer et le moderniser doit être mis en regard des coûts
qu’occasionnerait une absence d’adaptation au changement climatique.
COUR DES COMPTES
392
Au vu de la vulnérabilité physique du réseau ferroviaire, accentuée
par la vétusté de certaines de ses composantes, les conséquences du
changement climatique sur sa fiabilité pour les usagers et l’évolution de
son équilibre économique ne sont pas encore suffisamment connues pour
éclairer les choix stratégiques d’adaptation
(I).
La mise en œuvre d’une
démarche d’adaptation nécessitera une structuration de l’action des
gestionnaires d’infrastructure mais également une plus grande implication
des pouvoirs publics pour définir un niveau de résilience cible et veiller à
ce que l
es gestionnaires d’infrastructure puissent le décliner dans des
plans d’adaptation opérationnels (II).
I -
Des conséquences opérationnelles
et financières encore mal connues
Dans un contexte où le changement climatique se traduira par une
augmentation des événements météorologiques extrêmes, les gestionnaires
d’infrastructure SNCF Réseau et SNCF Gares et connexions doivent se
doter d’outils d’identification des conséquences opérationnelles et de
mesure des coûts induits par les vulnérabilités du réseau.
A -
Une vulnérabilité au changement climatique accrue
par la vétusté du réseau
1 -
Des événements météorologiques extrêmes plus fréquents
et plus intenses
Plus qu’à la température moyenne, l’infrastructure ferroviaire est
sensible aux fortes chaleurs et aux grands froids. Or les modèles
climatologiques (cf. chapitre de cadrage) font apparaître, outre une
évolution à la hausse des températures moyennes annuelles et estivales, une
augmentation des épisodes de fortes chaleurs, de trois à quatre fois plus
fréquents par rapport à la situation actuelle dans le scénario RCP 4.5 et de
cinq à dix pour le scénario 8.5 du GIEC. À l’inverse, les périodes de gel
devraient devenir rares en plaine dès 2050. Dans les zones montagneuses,
les successions d’épisodes de gels et dégels pour
raient être plus fréquentes.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
393
La France devrait également connaître des épisodes de
sécheresse plus marqués entraînant une augmentation des feux de
végétation et des risques de déstabilisation des sols par les phénomènes
de gonflement et de retrait des argiles. Comparées à la situation
actuelle, les simulations des scénarios RCP 4.5 et 8.5 du cinquième
rapport du GIEC
343
montrent respectivement une augmentation de
l’ordre de cinq jours et dix jours de sécheresse par an. L’ensemble du
territoire pourrait être concerné, mais la moitié ouest du pays ainsi que
le pourtour méditerranéen seraient plus affectés.
Les modèles climatiques du rapport DRIAS
344
2020 anticipent, une
augmentation de la fréquence et de l’intensité des fortes pluies, les régions
les plus exposées étant celles de la moitié nord, notamment aux frontières
du Nord et Nord-Est et sur le littoral de la Manche.
2 -
Une vulnérabilité
intrinsèque accrue par l’ancienneté
du réseau et par la vétusté de certains éléments
a)
Une infrastructure structurellement vulnérable
Dans les gares de voyageurs, les aléas climatiques se traduisent
surtout par des problèmes de confort des voyageurs et de maintenance. Les
retraits/gonflements des argiles
peuvent cependant être à l’origine de
dégâts significatifs sur la structure des bâtiments
345
. Certaines gares sont
également exposées aux inondations : en octobre 2015, la gare de Cannes
a ainsi dû être fermée pendant 48 heures en raison de pluies diluviennes.
Les voies ferrées, constituées de rails en acier fixés à des traverses
et maintenus en position par le ballast, sont un ensemble solidaire qui guide
le train et absorbe les contraintes imposées par son poids et sa vitesse. Elles
doivent aussi résister aux autres forces qui s’imposent à elles, notamment
les éventuels mouvements du terrain et la dilatation des rails.
343
Pour plus de détails, voir chapitre introductif.
344
« Donner accès aux scé
narios climatiques Régionalisés français pour l’Impact et
l’Adaptation de nos Sociétés et environnemen
ts » (DRIAS).
345
Cf. Cour des comptes,
Sols argileux et catastrophes naturelles - Des dommages en
forte
progression,
un
régime
de
prévention
et
d’indemnisation
inadapté
,
communication au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de
l’Assem
blée nationale, février 2022.
COUR DES COMPTES
394
Les voies courent le long d’ouvrages en terre (déblais, remblais) et
sont jalonnées d’ouvrages d’art (tunnels, ponts, etc.).
Ce sont les éléments
dont la durée de vie est la plus longue, de l’ordre du siècle
; les ouvrages
en terre n’ont d’ailleurs pas vocation à être remplacés sur l’ensemble du
linéaire. Leur stabilité dépend notamment de facteurs météorologiques et
hydrogéologiques.
Les voies sont également équipées de postes et d’appareils de
signalisation et de guidage, qui permettent de connaître la position du train,
de contrôler sa vitesse et sa trajectoire et de manœuvrer à distance des
systèmes de sécurité (barrières aux passages à niveau par exemple).
L’informatisation progressive de ces équipements les rend
plus
performants mais aussi plus vulnérables au climat. Malgré des normes de
construction exigeantes, une parfaite étanchéité
n’est pas garantie et la
résistance aux chaleurs extrêmes des abris techniques qui les hébergent, est
limitée à 70°C
346
.
Enfin, les voies électrifiées (environ 15 000 km) sont équipées de
caténaires elles-mêmes alimentées par un réseau de transport et de
transformation de l’électricité géré par SNCF Réseau.
Les principales vulnérabilités de l’ensemble de ces éléments sont
reprises ci-après.
346
Des températures supérieures à 60 ° C ont déjà été mesurées sur les toits en tôle dans
la zone de Ballan Miré -
Joué lès Tours, dans le cadre de l’expérimentation sur des
revêtements isolants visant à rehausser ce degré de résistance.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
395
Schéma n° 16 :
vulnérabilités physiques du réseau
aux aléas climatiques rencontrés
Source
: Cour des comptes, d’après données SNCF Réseau
COUR DES COMPTES
396
b)
Un réseau ancien et parfois vétuste
Le réseau ferroviaire français se compose de 2 136 km de lignes à
grande vitesse, 13 999 km de lignes à trafic fort ou moyen (catégories 1 à 6
de l’Union Internationale des Chemins de fer
- UIC) et 11 078 km de lignes
à faible trafic (UIC 7 à 9)
347
. Outre cette diversité d’usage, le réseau
ferroviaire réunit un ensemble de composantes très hétérogènes, reflétant
plus d’un siècle de conceptions et de technologies.
Le réseau classique a souvent été construit sur des points bas
(contrainte de pente), avec des marges de sécurité inférieures à celles
pratiquées aujourd’hui et sur la base d’historiques météorologiques datés.
La crue du Rhône de décembre 2003 a, par exemple, largement excédé le
précédent pic de 1856, contraignant SNCF Réseau à réaliser de lourds
travaux sur les ouvrages hydrauliques de la voie ferrée entre Tarascon et
Arles afin de restaurer sa transparence hydraulique
348
, pour un montant de
travaux de l’ordre de 100 M€.
À
l’inverse, les lignes à grande vitesse
(LGV) bénéficient à la fois de normes de construction plus exigeantes et
d’un tracé moins exposé aux aléas. Par exemple, lors de l’épisode cévenol
de 2021 dans le Gard et l’Hérault, la ligne classique
et la route ont été
inondées mais pas la ligne nouvelle construite entre Nîmes et Montpellier.
L’ancienneté des technologies présentes sur le réseau historique obère
aussi sa capacité à absorber tant les exigences du trafic ferroviaire actuel que
les contraintes météorologiques, les deux pouvant se cumuler. Ainsi, les
premières caténaires posées sur le réseau ne bénéficiaient d’aucun dispositif
de régularisation, c’est
-à-dire de systèmes de contre-poids permettant de
compenser mécaniquement les phénomènes de dilatation ou de contraction
du métal en fonction de la température. La durée de vie des caténaires étant
de l’ordre de 80 à 100 ans, il existe encore un linéaire signific
atif de
conducteurs non régularisés ou seulement partiellement (caténaires de type
« Midi » et
« Compound »
)
349
.
Même lorsque les caténaires sont équipées,
les plages de régularisation
350
restent variables : 45 °C pour les plus
anciennes, 70 °C pour les plus récentes et même 80 °C sur les LGV.
L’audit externe sur l’état du réseau réalisé en 2022 a constaté la
persistance des difficultés liées à la vétusté de certaines composantes de
l’infrastructure malgré les efforts de régénération entrepris, ce qui peut se
traduire par une moindre résilience aux aléas climatiques.
347
Source
: Audit sur l’état du réseau 2021 réalisé par IMDM pour SNCF Réseau.
348
La transparence hydraulique est l'aptitude que possède un ouvrage ou un
aménagement à ne pas faire obstacle aux mouvements des eaux.
349
En 2018, le rapport d’audit du réseau faisait état de 800 km de voies équipées
de
caténaires de type « Midi » dépourvues de tout dispositif de régularisation.
350
La plage de régularisation correspond à l’amplitude thermique couverte par le
système des contre-poids. Au-dessus de la température maximale, les contrepoids
reposent sur leur butée et ne jouent plus leur rôle de tenseur.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
397
Par exemple, l’usure des différentes composantes de la voie ferrée
amoindrit sa capacité à absorber les forces qui
s’exercent sur elle, dont la
dilatation des rails. Une voie usée devra faire l’objet d’une surveillance
renforcée, voire de limitations temporaires de vitesse, à des niveaux de
température inférieurs à ce qu’elle peut nominalement supporter (souvent,
70 °C au niveau du rail, soit environ 50 °C ambiants) pour prévenir les
déformations au passage des trains.
Le graphique ci-dessous
retrace l’évolution de l’indice de
consistance de la voie qui est l’outil utilisé par SNCF Réseau pour mesurer
la vétusté de ses
voies (ICV). L’indice optimal est fixé à 55, une voie neuve
étant cotée à 100. Il s’est dégradé
entre 1993 et 2017, sauf pour les voies
de catégorie UIC 7 à 9 avec voyageurs. Depuis cinq ans, on note une légère
amélioration de la consistance des voies des groupes UIC 2 à 4 (soit
l’essentiel des réseaux de transit de masse et de haute performance) et
UIC
5 à 6. L
’ICV
des petites lignes de fret (UIC 7 à 9 sans voyageurs) demeure
très faible et celui des lignes à grande vitesse a continué à baisser.
Graphique n° 32 :
évolution
de l’indice de consistance des voies
entre 1993 et 2020
Source
: rapport de la mission d’audit sur l’état du réseau ferré national
- 2021
Les voies considérées comme trop vétustes (voies dites hors d’âge)
représentent encore 18 % du linéaire classé en UIC 2 à 4 et 15 % du linéaire
classé en UIC 5 et 6. L’audit externe de 2022 conclut que
«
l’effort de
rattrapage n’est pas terminé
»
.
COUR DES COMPTES
398
De la même façon, le réseau des télécommunications ferroviaires
reste constitué de 33 000 km de fils de cuivre, souvent mal isolés et
sensibles aux inondations, contre 27 765 km de fibre optique, résistante
face au changement climatique.
3 -
Des diagnostics de vulnérabilité physique à affiner
a)
Une augmentation du niveau de risque
et de la part exposée du réseau
SNCF Réseau a réalisé plusieurs études de vulnérabilité selon deux
scénarios du GIEC, le RCP 4.5 et le RCP 8.5 et deux horizons temporels
distincts, 2030 à 2050 et 2080 à 2100. Elles révèlent une augmentation de la
part du réseau ferré national (RFN) concerné par des risques considérés comme
forts ou très forts. Le génie civil est particulièrement exposé aux risques de
retrait/gonflement des argiles et d’inondations par ruissellement, tandis que le
génie électrique est très affecté par l’augmentation des fo
rtes chaleurs.
Tableau n° 22 :
pourcentage de linéaire de voies du RFN affectées
par type et intensité de risque (risque fort et très fort)
Source : Analyse de la résilience au changement climatique du réseau ferré national
focus sur les vulnérabilités
physiques
SETEC/ Risk Weather Tech/ SNCF Réseau (2023)
Note
: le dégradé de couleur du jaune au violet correspond à l’évolution du linéaire
concerné pour les niveaux de
risque fort à très fort par rapport à la situation de référence.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
399
SNCF Gares et connexions a lancé en 2023 une étude de
vulnérabilité dont les résultats ne sont pas encore connus.
b)
La nécessité d’une analyse prédictive des vulné
rabilités du réseau
Au-delà de ces premiers travaux, qui devront être poursuivis à
l’échelle régionale et mieux intégrer les aléas climatiques plus rares tels
que les submersions marines et les phénomènes d’embruns ou les effets de
l’augmentation des épiso
des de gel/dégel sur la stabilité des sols en
montagne, SNCF Réseau et SNCF Gares et Connexions devront
développer des outils de diagnostic et de surveillance prédictifs, en
particulier pour les aléas risquant d’affecter les actifs les plus nombreux et
les moins bien documentés comme les ouvrages en terre. Les outils de
maintenance prédictive qu’a développés SNCF Réseau, tels que l’outil
Toutatis de gestion des risques liés aux fortes pluies, permettent d’anticiper
la réaction à cet aléa en temps réel, mais sans pouvoir modéliser les effets
du changement climatique.
Or, dans un contexte de changement climatique, l’approche actuelle,
qui s’appuie sur une analyse rétrospective des risques fondée notamment
sur l’historique des ouvrages et les zones de fragilité
repérées lors des
tournées, pourrait amener le gestionnaire de réseau à avoir trop souvent un
temps de retard. SNCF Réseau, en coopération avec SNCF Gares et
Connexions, devraient développer des initiatives plus prospectives sur le
modèle du projet MINERVE de modélisation du réseau ferroviaire sous la
forme d’un «
jumeau numérique », qui devrait permettre à terme de
disposer de simulations sur
toute l’infrastructure.
B -
L’absence d’évaluation des effets du changement
climatique sur la performance du réseau
Les conséquences des événements météorologiques sur la fiabilité
du réseau, ses coûts de fonctionnement, les dépenses d’investissement
induites ou encore le produit des péages ne sont pas suivies en tant que
telles et de façon exhaustive dans les outils de gestion des deux entreprises.
Les études existantes ne donnent donc encore qu’une vision incomplète des
effets du changement climatique sur la performance de l’infrastructure.
COUR DES COMPTES
400
1 -
Une vision partielle des risques liés au changement climatique
sur l’exploitati
on du réseau
a)
Une hausse prévisible de l’indisponibilité à moyen terme
Les intempéries génèrent des désordres sur l’infrastructure et donc des
irrégularités imputées à SNCF Réseau. En 2022, le taux d’irrégularité
351
global du système ferroviaire s’est établi
à 10,6 %. SNCF Réseau a été à
l’origine d’un tiers de ces irrégularités. 46
% des irrégularités imputables à
SNCF Réseau relèvent de causes externes qui se répartissent comme suit :
Graphique n° 33 :
répartition des minutes perdues pour causes
externes en 2022 imputables à SNCF Réseau
Source : SNCF Réseau
En 2022,
les intempéries ont été à l’origine
de 19 % des minutes
perdues imputables à SNCF Réseau pour causes externes. À titre illustratif,
au cours de la période 2019-
2021, les principales causes d’incidents ont,
en moyenne, été les vents forts et les orages (41 %), les pluies violentes
(21 %), suivis du givre et de la neige (20 %) et des fortes chaleurs (12 %),
mais il existe
de fortes variations d’une année à l’autre.
351
Entendu comme le ratio entre la somme des trains commerciaux arrivant avec
5
minutes 59 secondes et plus de retard à l’arriv
ée et la somme de tous les trains
commerciaux circulant sur la même période
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
401
Les dysfonctionnements relevés dans les gares sont rarement
d’origine météorologique et génèrent relativement peu d’irrégularités.
Les premiers travaux sur la vulnérabilité fonctionnelle du réseau au
changement climatique ne sont pas encore disponibles. SNCF Réseau a toutefois
effectué une première ap
préciation du risque d’augmentation de l’indisponibilité
du réseau du fait des intempéries sur la base d’une projection de la fréquence des
événements météorologiques extrêmes
352
selon les scénarios du GIEC. L’étude
conclut à une multiplication des irrégularités par 2,2 à horizon 2050 et par 8 à
horizon 2100 sur la base du scénario RCP 4.5, et à une multiplication par 2,4 à
horizon 2050 et par 11 à horizon 2100 dans le scénario RCP 8.5 du GIEC.
Ces résultats sont cependant sous-évalués, les irrégularités
journalières utilisées dans cette étude ne prenant notamment pas en compte
les annulations du fait de la fermeture des lignes pour travaux de réparation.
Les conséquences opérationnelles du changement climatique pourraient
donc être plus importantes que ce qui est actuellement mesuré ou projeté.
Elles ne peuvent cependant être précisément appréciées que par des études
à l’échelle des axes ferroviaires, les conséquences pour le trafic de la
fermeture d’une ligne dépendant du maillage du réseau.
b)
Un changement climatique non encore pris en compte
dans le système de management de la sécurité ferroviaire
D’une manière générale, SNCF Réseau privilégie la sécurité
ferroviaire et interdit la circulation des trains lorsque des épisodes
météorologiques violents sont prévus. Dans le cadre du management des
risques naturels, SNCF Réseau suit cinq risques météorologiques qui figurent
tous à des niveaux de fréquence élevée : vents violents, fortes chaleurs, froid
extrême, foudre et risques liés aux précipitations et inondations. Ces deux
derniers sont cotés parmi les risques naturels dont la gravité est la plus élevée.
Selon les données de l’établissement public de sécurité ferroviaire
(EPSF), sur l’ensemble des incidents impliquant la sécurité ferroviaire, les
intempéries o
nt été à l’origine de 33 accidents significatifs
353
sur la période
2015-2022 (pour 120 à 150 accidents significatifs par an
354
). Deux
accidents ont entraîné des blessures graves.
352
Augmentation de la fréquence des phénomènes de fortes chaleurs et de fortes pluies
de période de retour de 10 ans ou de 50 ans actuellement, stabilité des vents violents et
des orages, nette diminution des épisodes de neige et gel.
353
La directive (UE) 2016/798 du 11 mai 2016 définit l’accident significatif comme
tout accident impliquant un véhicule ferroviaire en mouvement et provoquant la mort
ou des blessures graves pour au moins une personne ou des dommages matériels
significatifs (150 000 €) ou des interruptions de circulation de six heures ou plus.
354
Hors année 2020, non significative en raison des conséquences de la crise sanitaire
sur les circulations ferroviaires.
COUR DES COMPTES
402
Le risque que pourrait faire peser le changement climatique sur la
sécurité ferr
oviaire n’est pas analysé en tant que tel, même si l’EPSF
envisage de mener une réflexion sur ce sujet. Les risques météorologiques
restent appréhendés dans une logique rétrospective d’identification des
causes qui, par construction, ne tient pas compte de
l’évolution future du
climat. Les données recensées ne s’inscrivent pas dans un référentiel de
suivi permettant de garantir la qualité et l’homogénéité des remontées
d’information sur les incidents causés par un aléa météorologique.
2 -
L’absence de mesure de
s coûts des aléas climatiques
SNCF Réseau ne dispose pas d’outils fiables de suivi des pertes de
recettes et des coûts occasionnés par les intempéries, en investissement
comme en fonctionnement. Les projections à moyen et long terme
constituent donc un exercice délicat, dont les résultats ne peuvent être
considérés que comme des ordres de grandeur provisoires.
a)
Une première estimation des pertes d’exploitation
Une étude de SNCF Réseau, menée en 2022, estimé à 530
000 € par
an, entre 2018 et 2021, les pertes de péages liées aux trains supprimés. Sur
cette base, ces pertes pourraient, selon les scénarios 4.5 et 8.5 du GIEC,
dépasser 1 M€
par an en 2050, et atteindre respectivement 4,2
M€
et
5,8
M€ en 2100
, pour un
chiffre d’affaire
total de SNCF Réseau de
8,2
Md€ en 2022
dont 7 Mds de péages. SNCF Réseau reconnaît cependant
que ces évaluations sont très sous-estimées du fait des limites des outils de
suivi des suppressions de trains et de péages.
Ces pertes ne reflètent en outre que très partiellement le coût pour le
système ferroviaire dans son ensemble. La fermeture durant un mois de la
voie entre Montpellier et Béziers à la suite des inondations de 2019 a
occasionné des pertes d’exploitation pour l’entreprise ferroviaire SNCF
d’un montant de 17,5 M€, netteme
nt plus élevé que le coût de réparation
des dégâts constatés sur la voie par SNCF Réseau (4,1 M€).
L’étude menée par SNCF Réseau apprécie également le coût socio
-
économique des minutes perdues pour les usagers finaux. Elle conclut à
une perte de 13 M€ par
an en moyenne sur la période 2018 à 2021. En
projetant les données des scénarios RCP 4,5 et RCP 8.5, il pourrait être de
28,6 M€ à 31 M€ à horizon 2050 et de 104 M€ à 143 M€ à horizon 2100.
À ces sommes, s’ajoute le coût social de la perte d’attractivité
du mode
ferroviaire liée à la diminution de la régularité des trains, alors même que
les pouvoirs publics ont retenu d’ambitieux objectifs de report modal.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
403
b)
Des surcoûts climatiques non identifiés
Les événements météorologiques ont des conséquences financières
à plusieurs niveaux : investissements pour la protection des ouvrages,
investissements curatifs de réparation des dégâts, surcoûts liés à la
surveillance et à la maintenance. Ni la comptabilité analytique des
différentes entités du groupe SNCF, ni les outils de suivi des travaux et de
la maintenance de SNCF Réseau et de SNCF Gares et Connexions, ne
permettent d’isoler ces coûts.
Le réseau peut en effet subir de nombreux dégâts directs causés par
des aléas climatiques : effondrement de remblais ou de déblais (Villeneuve-
lès-Béziers
2019,
Wimereux
2022),
envahissement,
déformation,
déstabilisation, emportement des voies, défaut d’alimentation ou rupture
de caténaire (pour l’année 2020
: tempêtes Ciara le 10 février, Dennis le
16 février, Leon et Jorge les 29 février et 1
er
mars, Alex le 30 septembre,
Barbara le 21 octobre, Bella les 25-
27 décembre), pertes d’appareils de
voie ou d’équipements informatiques, incendie (sous
-station de Noisy-le-
Sec en 2019), dégâts sur le bâti du fait de la sécheresse ou des inondations,
dégâts sur les verrières, inondations (Cannes en 2015, Toulouse Matabiau
en 2017), etc. Il subit aussi des dégradations indirectes liées par exemple à
une augmentation des effets de la corrosion ou à la déstabilisation des sols.
Ces
dégâts
e
ngendrent
des
coûts
qui,
en
l’absence
de
comptabilisation spécifique et exhaustive, peuvent être approchés à travers
le suivi des sinistres occasionnés par des événements naturels établi par le
département Risques et assurances de SNCF SA. Pour SNCF Réseau et
SNCF Gares et Connexions, 3 139 sinistres ont été recensés au titre des
causes naturelles entre 2019 et 2022 pour un montant total de 70,8
M€, soit
17,7 M€ en moyenne par an
355
. Ces sinistres représentent 12 % du total des
sinistres renseignés par les deux entités et 36 % des montants. Les montants
des dégâts peuvent être ponctuellement très élevés lors d’événements
météorologiques exceptionnels tels que la tempête Alex en octobre 2020,
qui a causé de lourds dommages sur des ouvrages d’art (vallée de la R
oya)
pour un montant estimé à 25 M€. Entre 2009 et 2021, SNCF Réseau a
connu cinq événements de ce type, pour un montant total de 38
M€
356
.
355
Les c
oûts des dommages s’entendent au sens strict
: réparation et remplacement des
biens concernés, à l’exception des pertes de chiffre d’affaire
s
, des coûts d’immobilisation
des matériels roulants, des péages perdus, des coûts de gestion des perturbations de trafic.
356
Outre la tempête Alex il s’agit de
:
la tempête Klaus (2009, 7,4 M€), la tempête
Xynthia (2010, 6 M€), les inondations de la Seine (2006, 5,6 M€), les inondations de
Villeneuve-les-
Béziers (2019, 4,1 M€)
COUR DES COMPTES
404
Le changement climatique pourrait également entraîner une
augmentation des coûts des opérations de surveillance telles que les
visites des ouvrages en terre après de violentes lames d’eau, les tournées
liées aux fortes chaleurs (relevé des températures au niveau du rail,
surveillance de la voie dans les trains etc.) ou les tournées de bûcherons
après des vents violents. Il en va de même des opérations de maintenance
préventive visant à préparer l’infrastructure aux épisodes de fortes
chaleurs, de grands froids ou aux crues (renfort en eau dans les gares,
vérification des caténaires et des ouvrages hydrauliques
357
, démontage
des appareils de voie, etc.
) ou encore au risque d’incendie (traitement de
la végétation aux abords des voies). Ces coûts ne sont pas non plus suivis
de manière agrégée par SNFC Réseau ou SNCF Gares et Connexions.
Il n’est pas illogique de considérer que
les surcoûts liés aux phénomènes
climatiques font partie de la « vie normale
» d’un réseau de transport, au même
titre que le roulement des trains sur la voie ou le passage des voyageurs sur les
quais contribuent à leur usure. Toutefois, leur mesure devient indispensable à
l’appréciation des investissements à consentir pour s’adapter aux effets du
changement climatique, au regard, notamment, des surcoûts occasionnés par
la pression supplémentaire que le climat exercera à l’avenir sur l’infrastructure.
À ce jour, il n’existe pas de plan d’investissement afin d’améliorer
la résilience de l’infrastructure au climat futur. On peut certes rapprocher
de cet objectif certains travaux comme ceux réalisés sur la voie Tarascon-
Sète pour restaurer sa transparence
à la suite des inondations d’Arles en
2003 (de l’ordre de 100 M€) ou le plan d’investissement en pompes de
relevage dans les gares d’Île
-de-
France. Mais il s’agit d’interventions
ponctuelles qui répondent au risque d’inondation à climat constant.
II -
Le besoi
n d’une démarche stratégique
d’adaptation structurée, encadrée par l’État
Pour sortir d’une logique de réponse au cas par cas et construire
une stratégie d’adaptation au changement climatique, les gestionnaires
d’infrastructure doivent pouvoir se référer à
un niveau de résilience cible,
partagé par les parties prenantes, dont la définition relève de la
responsabilité de l’État.
357
Les interventions préventives sur les dispositifs longitudinaux d'écoulement et de
drainage
des ouvrages d’art ont par exemple représenté un coût de 10,8 M€ par an entre
2016 et 2021.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
405
A -
Une approche de l’adaptation au changement climatique
trop centrée sur les ajustements à la marge et
a posteriori
Ni la politique p
ublique d’adaptation au changement climatique, à
travers le PNACC-2 ou le chantier « Mieux se déplacer » du Secrétariat
général à la planification écologique, ni les documents encadrant l’action
des gestionnaires d’infrastructures, comme les contrats de pe
rformance
passés avec l’État, ceux conclus avec les autorités organisatrices de la
mobilité ou encore la charte de l’État actionnaire responsable de l’Agence
des participations de l’État, ne prévoient d’objectif à atteindre ou
d’obligations pour le secteur
ferroviaire en matière d’adaptation au
changement climatique. Ce phénomène n’est seulement mentionné dans le
contrat de performance de la filiale SNCF Gares et Connexions, qu’en tant
qu’élément de contexte de l’activité des gares.
Les incitations économi
ques n’apparaissent pas non plus suffisantes
pour faire émerger une stratégie globale
d’adaptation. Les investissements
pour le réseau ferroviaire, qui contribuent positivement à la réduction des
émissions de gaz à effet de serre, sont par exemple systématiquement
reconnus comme durables au sens du Règlement « taxonomie », sans que
soit démontrée
leur adéquation avec l’objectif d’adaptation au changement
climatique
358
. La hausse des primes d’assurance dans un marché
assurantiel tendu, notamment après l’épidém
ie de covid 19, a certes incité
le secteur à prêter davantage attention au degré de résilience des
infrastructures assurées, mais cet examen est par construction réalisé au
regard des aléas climatiques de court ou moyen terme.
De ce fait, la gestion au quotidien des infrastructures existantes est
ajustée pour tenir compte des aléas climatiques pour des raisons de sécurité
à titre principal, mais aussi de préservation de l’infrastructure et du matériel
roulant, au regard de leurs effets déjà connus, et non de ceux projetés.
En ce qui concerne l’exploitation, les gestionnaires d’infrastructures
s’appuient sur un contrat passé avec un fournisseur de services
météorologiques, dont les données abondent de premiers outils prédictifs,
comme l’outil Metigate qui m
odélise la température du rail à trois jours à
358
Le Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020
sur l’établissement d’un cadre
visant à favoriser les investissements durables et
modifiant le règlement (UE) 2019/2088
prévoit six objectifs pour qu’une activité soit
considérée comme durable
: l’atténuation du changement climatique
; l’adaptation au
changement climatique
; l’utilisat
ion durable et la protection des ressources aquatiques
et marines ; la transition vers une économie circulaire ; la prévention et le contrôle de
la pollution ; et la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.
COUR DES COMPTES
406
partir des prévisions de nébulosité, d’ensoleillement et d’humidité. SNCF
Réseau peut ainsi décider de réduire les vitesses de circulation en fonction
des alertes, par exemple en période de fortes chaleurs pour préserver la
géométrie de la voie, ou lorsque des vents traversants risquent de renverser
le matériel roulant. Des tournées de surveillance « chaleurs et fortes
chaleurs » sont aussi déclenchées lorsque la température du rail est
susceptible d’atteindre
45 °C. D
es retours d’expérience
systématisés
permettent d’affiner les gestes métiers d’une saison sur l’autre.
L
a gestion de l’infrastructure existante est
ainsi rendue plus efficace
par ces différents ajustements au fil de l’eau
. Cependant les référentiels qui
encadrent ces opérations ne font pas l’objet de révisions prospectives pour
tenir compte des effets anticipés du changement climatique.
Il en va de même en ce qui concerne les choix de modernisation ou
de renouvellement des composantes de l’infrastr
ucture. Le remplacement
des éléments les plus vétustes contribue certes à renforcer la résilience du
système aux aléas climatiques mais ces éléments restent à dimensionner
par rapport aux prévisions d’évolution du climat
.
Une partie de ces choix résulte du recours contraint à certains
composants industriels standardisés, dans une logique de baisse des coûts.
Lorsque les constructeurs appliquent strictement des normes européennes de
construction non encore adaptées au changement climatique, ces produits
n’
offrent pas toujours une résistance suffisante pour un environnement
météorologique plus contraignant (ex. des abris techniques). De la même
manière, parmi les normes Eurocodes auxquelles sont soumises les
constructions et reconstructions, comme celles des gares, certaines, comme
la norme NF EN 1991-1-
4 sur l’action du vent, ne peuvent plus être
considérées comme prévoyant des marges suffisantes
359
. L’impact du
changement climatique (actions du vent, actions thermiques notamment) sur
certaines valeurs caractéristiques des ouvrages peut en effet nécessiter la
révision de leur dimensionnement, sous l’effet de la hausse des marges.
La mise à jour des normes relatives aux infrastructures est prévue
dans la stratégie européenne d’adaptation au changement climatiqu
e,
« Bâtir une Europe résiliente
la nouvelle stratégie de l’Union européenne
pour
l’adaptation
au
changement
climatique
»
360
.
Toutefois,
les
gestionnaires d’infrastructures gagneraient à identifier, dans l’attente et au
cas par cas,
d’une part,
les équipements industriels pour lesquels les
exigences de sécurité ou de performance justifient des produits aux
359
Source :
Face au réchauffement climatique, la résilience des infrastructures remise
en cause
, Le Moniteur, 29 septembre 2021
360
EUR-Lex - 52021DC0082 - EN - EUR-Lex (europa.eu), février 2021
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
407
spécificités techniques adaptées à un environnement plus contraignant et,
d’autre part,
les gares
que l’environnement immédiat expose à des
vulnérabilités nouvelles, ce qui implique
d’en renforcer la résistance.
La
démarche d’éco
-conception EMC2B (Energie, Matière, Carbone, Climat et
Biodiversité), retenue par SNCF Gares et Connexions et par sa filiale
AREP
361
, qui
comporte un volet d’adaptation au changemen
t climatique
des gares
362
, pourrait être complétée d’une méthodologie permettant de
s’assurer de leur bon dimensionnement.
Concernant les composantes de l’infrastructure dont les normes de
développement constituent des référentiels internes à la main des
ge
stionnaires d’infrastructures
363
, les marges en conception ne sont pas
nécessairement connues, la question de la résilience ne s’étant pas posée en
ces termes jusqu’à présent. Certains ajustements de la résistance des
composants ont été décidés compte tenu d
es retours d’expérience, comme le
relèvement, après la canicule de 2003, de la température extérieure que les
rails supportent (+ 6 °C), ou les réglages de la nouvelle génération de
caténaires sur la ligne Tarbes-Montréjeau, qui seront en capacité de supporter
une amplitude thermique de
10 °C à + 60 °C, au lieu de
20 °C à + 50 °C
jusqu’à présent. Ces choix n’ont toutefois pas été examinés sous le prisme
d’analyses prospectives des aléas auxquels ces composantes seront soumises.
Il existe parfois des solutions dites « sans regrets » (cf. chapitre
introductif) pour rehausser le niveau de résistance des composantes, comme
l’installation de revêtements de protection, expérimentés sur les abris
techniques, qui aurait permis de diminuer la chaleur interne de ces installations
de 16
°C en moyenne durant l’été 2021. Mais les marges ainsi créées ne sont
pas toujours suffisantes pour pallier des dimensionnements insuffisants en
conception. Dès lors, la révision régulière de ces normes internes pour les
adapter à l’évolution des connaissa
nces en matière de changement climatique
devrait être réalisée à une fréquence préalablement établie, par exemple sur un
rythme décennal, et associer des personnalités qualifiées indépendantes.
361
AREP est une agence d’ingénierie et d’architecture pluridisciplinaire, spécialisée
dans la conception écologique d’infrastructures, dont les gares, au travers de la
démarche EMC2B.
362
EMC2B prévoit d’adapter les gares au changement climatique, en portant p
ar
exemple une attention spécifique à la ventilation intérieure naturelle des sites, et pour
leur extérieur, en combinant plusieurs techniques visant à éviter de retenir la chaleur
(par exemple le recours aux masques solaires, volets, peinture blanche à effet albédo et
végétalisation des toits).
363
Dans le cadre de la revue des normes à adapter au regard des enjeux du changement
climatique, prévue par le premier Plan national d’adaptation au changement climatique
(PNACC 1), le Cerema avait identifié 34 normes à actualiser, dont 27 constituaient des
référentiels internes à SNCF Réseau.
COUR DES COMPTES
408
Enfin, pour la construction de lignes nouvelles, si les principaux effets
probables du projet sur son environnement doivent être détaillés en tenant
compte du changement climatique dans les études d’impacts
364
, celles-ci ne
spécifient pas le degré de résilience du projet au changement climatique, qui
est laissé à la d
iscrétion du maître d’ouvrage. Ainsi, les lignes nouvelles les
plus récentes, dont les contrats ont été formalisés au début la décennie
2010
365
, n’ont pas été dimensionnées au regard du changement climatique.
Pour les projets en cours de lignes nouvelles, des études ont été
réalisées pour examiner les vulnérabilités potentielles de certains ouvrages
(par exemple, dans le cadre de la ligne nouvelle Paris-Normandie, la hausse
anticipée du niveau de la mer a été prise en compte pour modéliser le
niveau de press
ion exercée par l’eau sur le tunnel sous
-fluvial traversant de
Rouen). Mais d
es choix structurants, comme celui des tracés, n’ont pas été
examinés à l’aune du changement climatique. Or la carte actuelle des zones
présentant des risques d’inondation (
plan de prévention du risque
inondation, ou atlas des zones inondables), utilisée pour ces tracés, ne tient
pas non plus compte des anticipations de hausse du niveau de la mer
366
.
Sans rendre sa certification par un tiers obligatoire, comme le prévoient
notamment les lignes directrices
« Optique des changements climatiques »
au
Canada, le recours à un référentiel d’analyse normé de l’adaptation au
changement climatique des projets d’infrastructure ferroviaire, sur le modèle des
référentiels qui existent en matière
d’analyse socio
-économique des projets de
transports, pourrait être systématisé dès les étapes de configuration des tracés,
pour favoriser une meilleure prise en compte de cet enjeu à chaque étape du projet.
B -
Une vision cible de l’adaptation au changement
climatique à définir par l’État
L’élaboration d’une vision cible de l’adaptation au changement
climatique du réseau ferroviaire, partagée par les différentes parties prenantes
(autorités organisatrices de la mobilité, gestionnaires d’infrastructures, usag
ers),
apparaît nécessaire pour enclencher une dynamique d’adaptation. L’adoption
d’une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au
changement climatique (TRACC), pour laquelle une consultation a été lancée
364
Articles L. 122-3 et R.122-
5 du Code de l’environnement
365
Contrat de concession de la ligne TGV-Sud Est Atlantique passé en 2011 pour 50 ans
avec Lisea, contrats de partenariat de la ligne Bretagne-Pays de la Loire conclu en 2011
pour 25 ans avec Eiffage, et du Contournement Nîmes-Montpellier signé en 2012 pour
25 ans avec la société Oc’Via.
366
Seul le Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) est majoré du risque
d’élév
ation du niveau de la mer.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
409
par le ministère en charge de la transition écologique en mai 2023, constitue un
préalable nécessaire à cette démarche. Il convient en particulier de déterminer
un niveau de disponibilité attendu du réseau en fonction de l’intensité des aléas
rencontrés ; celui-ci doit être compatible a
vec l’atteinte de l’objectif consistant
à porter à 42 % la part modale du transport ferroviaire en 2050
367
.
De manière symétrique, cette cible devrait aussi déterminer le
niveau d’indisponibilité
jugée acceptable du réseau ferroviaire en fonction
de l’intensité
et de la fréquence des aléas climatiques rencontrés, afin de
concentrer les investissements sur les adaptations prioritaires. Par exemple,
renoncer à investir dans l’
adaptation de certaines parties du réseau aux
épisodes de givre ou de neige, qui seront plus rares, à la condition d’assurer
des solutions de substitution quelques jours par an, pourrait permettre en
contrepartie
d’
effectuer des aménagements assurant la résistance du réseau
aux fortes chaleurs, plus longues et plus fréquentes.
Le déploiement d’un indicateur de performance du réseau selon
différents degrés de gravité des phénomènes météorologiques, comme celui
développé par
Network Rail
au Royaume-Uni, constituerait également un
outil d’évaluation utile.
Graphique n° 34 :
niveau de performance du réseau ferroviaire
au Royaume-
Uni, selon l’intensité des aléas climatiques rencontrés
Source : Network Rail
367
Article L. 143 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement
climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience ».
COUR DES COMPTES
410
En pratique, enfin,
la résilience de l’infrastruc
ture ferroviaire
dépend de sa bonne articulation avec son environnement, et donc de la
coordination des parties prenantes dans les territoires. SNCF Réseau a ainsi
mis en place en Bretagne un projet en partenariat avec le secteur agricole
pour limiter le ruissellement des champs vers les voies et pour développer
des solutions dont le coût et le maintien en état sont partagés. De la même
manière, la gestion de la végétation contre le risque
d’
incendie implique
pour SNCF Réseau de dialoguer avec un nombre croissant de parties
prenantes par suite de
l’extension du périmètre des obligations légales de
débroussaillement.
La gestion de la végétation : des impératifs contradictoires
à concilier
Outre son impact indirect sur l’extension du périmètre des
obligations légales de débroussaillement pour des raisons de sécurité
ferroviaire et de prévention des incendies, le changement climatique
modifie le cycle de croissance des végétaux, ce qui implique pour les
gestionnaires
d’infrastructure
de
procéder
à
des
opération
s
de
débroussaillement plus fréquentes chaque année. Or, la réalisation des
opérations de débroussaillement est contrainte dans le temps par
l’application des dispositions de l’article L. 411
-1 du code de
l’environnement, qui interdit «
la destruction, l’a
ltération ou la dégradation
[des]
habitats naturels
» des espèces protégées, et se traduit par des périodes
d’interdictions. Ces impératifs contradictoires complexifient la gestion par
SNCF Réseau de ses obligations de débroussaillement et risquent d’en
au
gmenter les coûts, alors que SNCF Réseau consacre 200 M€ par an à la
gestion de la végétation aux abords des voies.
C -
Une réflexion stratégique à structurer
En raison de leur degré d’exposition aux risques météorologiques,
les gestionnaires d’infrastructure SNCF Réseau ainsi que
Lisea
et Oc’Via,
respectivement concessionnaire de la LGV Sud-Est Atlantique et titulaire
du contrat de partenariat portant sur le contournement Nîmes-Montpellier,
apparaissent comme plus avancés dans la prise en compte des enjeux
d’adaptation du réseau liés au changement climatique que les autres acteurs
du secteur des transports.
Depuis le 1
er
janvier 2020 et le passage de la SNCF au statut de
société anonyme, la holding a mis en place un comité stratégique
d’
« adaptation au changement climatique »
, qui réunit les présidents du
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
411
groupe deux fois par an. En 2022, ce comité a choisi de retenir les scénarios
RCP 4.5 et 8.5 du GIEC pour la généralisation des études de vulnérabilité.
Pour la poursuite de ces travaux, un suivi plus fin, à l’aide d’indicateurs
par exemple, permettrait de mieux mesurer au niveau du groupe les
avancées réalisées par chacune des filiales, alors qu’aucune obligatio
n de
rapportage ne leur est
aujourd’hui
imposée.
SNCF Réseau et SNCF Gares et Connexions
n’ont pas
mis en place
d’organisation
spécifique. Pourtant, des freins structurels au déploiement
d
’une
politique
d’adaptation
demeurent. Un audit interne réalisé en 2019
par la SNCF
identifiait ainsi, parmi les principales limites à l’émergence
d’une stratégie d’adaptation chez SNCF Réseau, l’absence de déclinaison
des orientations stratégiques en plans d’actions. Du côté de
SNCF Gares et
Connexions, la connaissance re
nforcée de l’état de
s quais et des halles
transférés par SNCF Réseau au 1
er
janvier 2020, qui a débuté avec
l’identification des principales zones de risques d’inondations en
Île-de-
France, constitue un préalable.
La mise en place d’instances de suivi
apparaît donc comme une condition de réussite de
l’adaptation
.
En outre, une meilleure identification des vulnérabilités du réseau
au changement climatique suppose d’internaliser certaines compétences, et
de
poursuivre
la
sensibilisation
du
personnel
des
gestionnaires
d’infrastructures. La poursuite de l’identification des vulnérabilités du
réseau
implique d’abord de ne pas dépendre du savoir
-faire et de la
disponibilité
des
bureaux
d’étude,
et donc de s’approprier
les
connaissances nécessaires à
l’exercice
de la
maîtrise d’ouvrage, à l’aide
d’une méthodologie d’analyse des vulnérabilités partagée par les
collaborateurs pour garantir une approche homogène de ces études.
SNCF
Réseau a entrepris de le faire pour l’étude en cours sur l’arc languedocien.
Des formations au pilotage de ces études plus approfondies que celles
actuellement proposées devraient être organisées
368
. L’actualisation des
systèmes d’information établis pour traiter les données de ces études devra
aussi être assurée dans la durée.
Plus largement, la sensibilisation des acteurs opérationnels de
terrain doit être poursuivie
afin d’
assurer leur bonne appropriation des
cartes et des enseignements des études de vulnérabilité, et donc la
traduction de ces dernières dans leurs gestes métiers et la gestion
opérationnelle du réseau.
368
Pour les agents en charge de la rédaction des cahiers des charges des études de
vulnérabilité régionales de SNCF Réseau, deux formations de trois heures ont été
organisées avec le Cerema.
COUR DES COMPTES
412
Enfin, la réflexion stratégique des gestionnaires d’infrastructures
doit inclure la formalisation d’un véritable plan d’action, sous la forme
d’un document
-cadre permettant de rendre compte du niveau de résilience
de l’infrastructure et de son évolution. Le
Climate Change Act
adopté en
2008 au Royaume-
Uni, qui impose aux opérateurs d’infrastructure de
réaliser une évaluation des risques liés au changement climatique tous les
cinq ans et de communiquer un suivi des mesures prises, constitue un
possible modèle normatif.
Exemple de plan d’adaptation au changement climatique
:
le cas de
Network Rail
au Royaume-Uni
Network Rail
a publié en décembre 2021 son troisième rapport sur
l’adaptation au changement climatique de l’infrastructure ferroviaire du
Royaume-
Uni, complété par huit plans régionalisés qui couvrent l’ensemble
du réseau ferroviaire.
Le plan d’adaptation de
Network Rail
détaille entre autres :
l’évaluation des vulnérabilités actuelles du réseau ferroviaire au
Royaume-
Uni, les coûts engendrés par type d’aléas climatiques chaque année,
l’organisation de la gouvernance climatique de l’entreprise et sa stratégie,
la méthodologie d’évaluation des risques dus au changement climatique, et
un rapport de progrès sur la
mise en œuvre du plan.
Ce plan a été examiné par l’
Office of Rail and Road
, le régulateur
britannique, qui a rendu un avis dans lequel il a souligné les limites de la
stratégie menée par
Network Rail
, comme l’absence d’informations fournies
quant à la man
ière dont l’opérateur la lie aux plans commerciaux et de
gestion des actifs ferroviaires.
L’intégration des plans d’adaptation aux contrats de performance
passés avec l’État permettrait d’en effectuer le bilan selon une fréquence
préétablie. Ces revues régulières devraient aussi être l’occasion d’approfondir
les risques aujourd’hui mal appréhendés à l’échelle d’un seul opérateur, tels
ceux issus des interdépendances entre réseaux. En effet, ces interdépendances,
matérialisées notamment par 16 000 points de connexions entre les réseaux de
distribution d’électricité, d’eau et de télécommunications
et le réseau
ferroviaire, constituent un angle mort des études de vulnérabilité réalisées,
alors même qu’il est arrivé qu’un
black-out
électrique paralyse une gare
369
.
L’intégration des plans d’adaptation de l’infrastructure dans les
contrats de performance permettrait également de garantir que le coût des
investissements à effectuer, non encore connu, soit pris en compte dans les
enveloppes financières allouées.
369
Le 23 décembre 2020, la circulation de tous les trains (TER et TGV) a par exemple
été interrompue à la gare Lille Flandres
pendant près de 45 minutes, en raison d’une
panne d’électricité survenue après de fortes pluies.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
413
Estimation des besoins de financement et d’investissement
sur le réseau ferroviaire
Graphique n° 35 :
investissements de régénération du réseau :
trajectoire de l’audit et montants alloués dans le contrat
de performance entre l’État et SNCF Réseau
Source : Autorité de régulation des transports
Le contrat de performance passé entre l’État et SNCF Réseau pour la
période 2021-
2030, fondé sur une trajectoire de 2,84 Md€ courants par an en
moyenne, en progression par rapport à la trajectoire financière précédente,
représente une enveloppe inférieure de 13 % en moyenne aux préconisations
de l’audit externe du réseau f
erroviaire de mars 2018.
Pour assurer un fonctionnement optimal de l’infrastructure, ce qui
conduirait à résorber complètement le vieillissement des voies et appareils de
voies, à stabiliser l’âge moyen des postes de signalisation à l’horizon 2040 puis
cha
nger les postes obsolètes à l’horizon 2060, et à ralentir le vieillissement des
autres composantes, l’audit externe de 2022 estime nécessaire d’augmenter
l’enveloppe de régénération de 1 Md€ par an.
SNCF Réseau a élaboré des scénarios d’évolution du réseau
pour la
période 2022-2040, la simulation « Ulysse », qui dessine :
-
un scénario au «
fil de l’eau
» à 118 Md€ de dépenses d’investissement
(CAPEX) qui ne permet pas d’enrayer le vieillissement du réseau
;
-
un
scénario à 158 Md€ de CAPEX qui préserverait sa performance
actuelle et augmenterait les capacités de trafic ;
-
un scénario à 212 Md€ de CAPEX, qui permettrait de doubler la part modale
du secteur ferroviaire, et de rajeunir l’infrastructure et son exploi
tation.
COUR DES COMPTES
414
Le coût des investissements à réaliser, dont l’évaluation est
complexe mais nécessaire à l’établissement de ces plans, pourrait
a minima
être approché par grandes masses à partir de premiers périmètres limitatifs,
comme l’a proposé
SNCF Gares et Connexions
avec une liste d’opérations
types, dont la surélévation des équipements informatiques et le
renforcement des toitures, la pose de brise-soleil et de fissuromètres pour
mesurer les effets du retrait/gonflement des argiles. Dans le cadre de la
révision de la programmation pluriannuelle de ses investissements, SNCF
Gares et Connexions a prévu de consacrer 113
M€ en fonds propres à
l’adaptation au changement climatique sur la période 2024
-2032.
En outre, les gestionnaires de réseau devraient identifier des mesures
d’adaptation susceptibles d’être rapidement intégrées dans les programmes
de renouvellement en cours. Par exemple, la question du relèvement de la
température de libération du rail
370
, établie de manière standard à 25°C sur
l’ensemble du réseau
ferroviaire, pourrait être posée lors de toutes les
opérations de renouvellement des voies dans les régions les plus exposées
aux grandes chaleurs.
370
C’est
-à-dire la température à laquelle la contrainte exercée sur la voie est nulle.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
415
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Les études disponibles ne donnent qu’une image très macroscopique
des vulnér
abilités physiques de l’infrastructure et ne permettent pas d’en
apprécier la vulnérabilité fonctionnelle, élément pourtant central pour
l’attractivité du transport ferroviaire. De la même façon, les gestionnaires
d’infrastructure ne disposent pas des outils nécessaires à l’identification
et à la mesure des coûts générés par le changement climatique.
Les gestionnaires d’infrastructures doivent également s’assurer, tant
pour les projets nouveaux que pour les opérations de régénération, que les
matériels pré
sentent des marges suffisantes par rapport à l’intensité et à la
fréquence des aléas futurs. Dans cette optique, une révision régulière des
normes et des référentiels de conception au regard des évolutions climatique
devrait être mise en œuvre. Le référent
iel des analyses socio-économiques
des projets devra être complété sur le volet climatique.
L’adaptation au changement climatique nécessite un pilotage
stratégique plus structuré chez les deux gestionnaires d’infrastructure,
mais surtout une implication forte des pouvoirs publics, sur lesquels repose
la responsabilité de définir un niveau de résilience cible et de veiller à ce
que les gestionnaires d’infrastructure puissent le décliner dans des plans
d’adaptation opérationnels.
La Cour formule donc les recommandations suivantes :
1.
identifier et mesurer les coûts d’adaptation au changement climatique
du réseau ferroviaire et des gares, en fonctionnement et en
investissement (SNCF Réseau, SNCF Gares et connexions ; 2026) ;
2.
intégrer les dernières prévisions de changement climatique dans les
normes et référentiels nationaux de conception des composantes du réseau
ferroviaire et des gares et ajuster régulièrement les marges de conception
en conséquence (SNCF Réseau, SNCF Gares et connexions, ministère de
la transition écologique et de la cohésion des territoires ; 2024) ;
3.
p
our les projets de développement d’infrastructures de transport,
compléter le référentiel des analyses socio-économiques par une
analyse de la résilience au changement climatique (ministère de la
transition écologique et de la cohésion des territoires ; 2025 );
4.
définir un plan d’adaptation au changement climatique inclus dans le
contrat d’objectifs et performance, et fondé sur une étude d’impact, une
budgétisation et un suivi organisé (SNCF Réseau, SNCF Gares et
connexions, ministère de la transition écologique et de la cohésion des
territoire ; 2025).
Réponses reçues
à la date de la publication
Réponse du ministre de la transition écologique et de la cohésion des
territoires
.................................................................................................
418
Réponse du président-directeur général de SNCF réseau
.......................
419
Réponse de la directrice générale de SNCF Gares et Connexions
..........
420
Destinataire n’ayant pas répondu
Monsieur l
e ministre délégué auprès du ministre de la transition
écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports
COUR DES COMPTES
418
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
Les constats de la Cour des comptes illustrent bien l'ampleur des
enjeux d'adaptation au changement climatique pour le réseau ferroviaire
et mettent en lumière les démarches déjà engagées par les gestionnaires
d'infrastructures, notamment en matière d'analyse des risques. Ces
travaux, impliquant nos services, s'inscrivent en cohérence avec le
troisième plan national d'adaptation au changement climatique, à
l'élaboration duquel SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions sont
associés,
Je soutiens pleinement l'intégration du changement climatique dans
les normes et référentiels techniques et nous nous assurerons que celle-ci
s'appuie sur le scenario de réchauffement de référence. En particulier, nos
services veilleront à la définition par les gestionnaires d'infrastructures
d'une feuille de route sur les modalités de révision de leurs référentiels
internes. L
Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) travaillera
avec les acteurs du secteur pour encourager et accompagner l
intégration
des risques liés au changement climatique au sein de leurs méthodes de
gestion de la sécurité et du risque.
Je partage également la nécessité de prendre en compte les impacts
du changement climatique dans l'évaluation des projets de transport. À cet
effet, nos services, en lien avec France stratégie, feront évoluer le
référentiel socio-économique national en un référentiel socio-écolo
économique tenant notamment compte des coûts liés au changement
climatique. Pour l
adaptation du réseau existant, des outils socio-écolo-
économiques complémentaires pourront être développés pour hiérarchiser
les investissements à partir des études de vulnérabilité.
Je soutiens aussi l
élaboration de plans d
adaptation au
changement climatique par SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions,
dont les grands principes et jalons seront définis à l
occasion des
prochaines actualisations des contrats.
Sur le plan financier, je tiens à souligner
l’
engagement inédit pour
la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire, avec
respectivement 1
Md€/an et Md€/an d’
investissements complémentaires
d
ici la fin du quinquennat, ce qui apportera des réponses aux enjeux de
maintien à niveau du réseau ferré évoqués dans votre rapport.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
419
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE SNCF RÉSEAU
Je vous remercie pour le chapitre du rapport public annuel 2024,
relatif à l
adaptation du réseau ferré au changement climatique, que vous
m
avez transmis le 30 octobre.
La résilience face au dérèglement du climat est une priorité de
l
entreprise et sans doute l
un des plus grands défis de la société moderne.
Le chapitre de la Cour nous paraît bien expliciter les actions déjà engagées
par SNCF Réseau et celles qu
ils convient de déployer dans les prochaines
années pour se préparer à un réchauffement pouvant atteindre + 4 °C à
l
horizon de la fin du siècle.
SNCF Réseau a déjà lancé de nombreuses initiatives pour s
adapter
au changement climatique, à la fois pour approfondir la connaissance
(à travers des études prospectives de vulnérabilité pour la. France entière
et des focus sur certaines régions plus particulièrement exposées) et pour
engager les actions concrètes. Celles-ci s
organisent autour de trois axes :
-
l
adaptation des politiques d
exploitation, pouvant impliquer le
ralentissement des vitesses commerciales en période de canicule,
voire la décision de ne pas faire partir les trains en cas d
avis de
tempête majeure ;
-
l
adaptation des actions de surveillance et d
entretien : traitement de la
végétation aux abords des voies pour éviter les chutes d
arbres et les
départs de feu, automatisation de la surveillance des talus, utilisation
d
une peinture thermique blanche pour que les équipements chauffent
moins en plein soleil, pour ne citer que quelques exemples.
-
l
adaptation des actifs eux-mêmes : en profitant le plus possible des
cycles de renouvellement déjà prévus, la régénération permet d
équiper
le réseau avec des composants plus résilients à la chaleur, à l'eau et au
vent
cartes électroniques de la signalisation, caténaires, etc.
L
augmentation de l
effort de renouvellement du réseau ferré, annoncé
par la Première ministre en début d'année 2023, va à ce titre contribuer
à une meilleure résistance du réseau aux intempéries.
La Cour formule quatre recommandations, que nous intégrons à
notre stratégie :
-
S
agissant de la mesure des coûts de l
adaptation (recommandation 1),
nous suivons déjà les impacts financiers des intempéries (réparations,
pertes de recettes, investissements dans la résilience), même s
il reste
difficile d
attribuer au changement climatique ces différents coûts. Un
suivi plus centralisé permettra d
améliorer la vision globale.
COUR DES COMPTES
420
-
La mise à jour des référentiels (recommandation 2) pour se préparer
à un réchauffement allant jusqu'à + 4 °C constitue aussi un outil de
pilotage essentiel. Il faut agir au bon niveau : parfois au niveau
européen ;
parfois
au
niveau
local,
pour
répondre
à
des
problématiques territoriales spécifiques. Dans tous les cas, il sera
indispensable de tenir compte des impacts financiers pour limiter le
renchérissement des coûts pour SNCF Réseau et pour le secteur.
-
L
analyse de la résilience, à inclure dans l
évaluation des projets de
développement (recommandation 3), même si elle est prioritairement
adressée au ministère de la Transition écologique et de la cohésion des
territoires, est un sujet essentiel pour SNCF Réseau. Nous souhaitons
développer un outil qui pourrait permettre de coter la résilience non
seulement des grands projets mais aussi d
autres types d
investissements.
-
Enfin, la définition d'un plan stratégique d
adaptation au changement
climatique (recommandation 4) est d'ores et déjà engagée au sein de
SNCF Réseau et pourrait en effet utilement se traduire dans notre
contrat de performance, pour confirmer la mobilisation au plus haut
niveau de l
entreprise comme de l'actionnaire.
Le défi du changement climatique concerne non seulement SNCF
Réseau, SNCF Gares & Connexions et l'État, mais l
ensemble du secteur
ferroviaire français (opérateurs, ingénieries...) et avec, comme vous le
notez, la nécessité en amont de déterminer le niveau de disponibilité
attendu pour le réseau. Nous espérons que votre rapport et sa publication
permettront de mobiliser tous les acteurs concernés en s
appuyant sur les
premiers résultats déjà atteints par SNCF Réseau.
RÉPONSE DE LA DIRECTRICE GÉNÉRALE SCNF GARES
ET CONNEXIONS
Je vous remercie pour le chapitre du rapport public annuel 2024,
relatif à l’adaptation du réseau ferré au changement climatique, que vous
m’avez transmis le 30 octo
bre ainsi que pour la qualité des échanges que
nous avons eu avec la 2
ème
chambre au cours du 1
er
semestre.
En complément des éléments inscrits au chapitre je souhaite voir
publier les points suivants :
SNCF Gares & Connexions remercie la Cour des comptes pour ce
chapitre consacré à «
L’adaptation du réseau ferroviaire national au
changement climatique » et les recommandations formulées.
L’ADAPTATION DU RÉSE
AU FERROVIAIRE NATIONAL
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
421
Comme le rapport le souligne, le changement climatique est une
réalité déjà tangible en France qui impacte de façon sensible le réseau
ferroviaire et les gares, pouvant affecter aussi bien l’intégrité des
infrastructures, le fonctionnement des équipements que le confort des
agents et des voyageurs.
C’est pour prendre en compte ces impacts que nous avons formalisé
dès 2019 et intégrons dans la conception de nos projets de construction ou
de rénovation de gares la démarche EMC2B pour énergie, matière,
carbone, climat, biodiversité.
L’année 2023 marque cependant une accélération dans la
structuration de notre démarche d’adaptation avec l’allocation d’une
enveloppe d’investissement de 113 millions d’euros couvrant la période
2024-2032, pilotée par une équipe dédiée au sein de la Direction RSE,
intégrée au Secrétariat Général de l’entreprise créé au 1er septembre. Ce
positionnement au sein du Secrétariat Général assure une articulation du
sujet de l’adaptation avec les équipes financières, juridiques, et
stratég
iques en charge de la feuille de route globale de l’entreprise.
Comme le souligne la Cour des Comptes, nous avons également
lancé en septembre 2023 une étude de vulnérabilité globale sur l’ensemble
de nos actifs et activités, nous permettant de mieux évaluer nos
vulnérabilités physiques et fonctionnelles aux horizons 2030, 2050 et 2100,
selon les scenarii du GIEC RCP 4.5 et 8.5.
Cette étude, dont les premiers résultats sont attendus pour la fin de
l’année 2023, livrera des cotations de vulnérabilité déta
illées qui pourront
être intégrées aux outils de gestion du bâti et de gestion d’actifs et ainsi
aux démarches de pilotage des investissements.
Ce diagnostic initial de vulnérabilité servira de socle à la
formulation d’un plan d’adaptation au changement cl
imatique. Le
dimensionnement des investissements à mobiliser sera précisé dans ce
cadre. Ces travaux rejoignent les recommandations 1 et 5 de la Cour.
Dans le cadre de ces travaux, tel que le mentionne la Cour, nous
reconnaissons qu’un maximum de leviers
devront être activés : allant de
la formation des équipes jusqu’au développement d’outils de suivi
d’impacts en passant par la mise à jour de nos normes et référentiels de
conception des composantes de gares.
COUR DES COMPTES
422
Sur ce point, qui fait l’objet de la recomman
dation 2 de la Cour des
Comptes, nous précisons que les enjeux d’adaptation au changement
climatique sont intégrés à notre référentiel de gestion de projet via le
renvoi à la méthode EMC2B. Nous rappelons également l’importance de
la mise à jour par les pouvoirs publics des réglementations et normes
nationales et européennes liées au secteur du bâtiment auxquels nous
sommes également soumis afin d’accélérer la prise en compte de la
résilience dans les projets de construction et de rénovation.
En synthèse, il nous parait essentiel de souligner que les enjeux du
changement climatique concernent un ensemble large de parties prenantes
au-
delà même de SNCF Gares & Connexions, SNCF Réseau et l’État, avec,
comme vous le notez, la nécessité en amont de déterminer le niveau de
résilience cible. Nous souhaitons que ce rapport contribue à faciliter les
travaux de tous autour d’un cadre partagé.