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3
L’adapt
ation des parcs nucléaire
et hydro-électrique au changement climatique
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Le parc nucléaire est composé de 18 centrales regroupant
56 réacteurs en exploitation,
d’
une puissance totale installée de
61,4 GW
266
. Ce sont tous des réacteurs à eau pressurisée de deuxième
génération, dits « REP », qui ont été construits à la fin du XX
e
siècle, pour
une durée initiale de 40 ans, susceptible d’être portée à 50 puis 60 ans.
Carte n° 15 :
paliers de puissance et mode de refroidissement
des 56
réacteurs nucléaires d’EDF en exploitation en
France
Source : RTE, Futurs énergétiques 2050
Note
: en circuit ouvert, l’énergie non transformée en électricité est renvoyée au
milieu aquatique sous forme de chaleur (mer ou cours d’eau). En circuit fermé,
95
% de l’énergie non transformée en électricité est évacuée dans l’atmosphère
par évaporation et convection
via
les aéroréfrigérants.
266
La puissance des réacteurs actuellement en exploitation est comprise entre 900 MW
et 1 450 MW.
COUR DES COMPTES
322
L’annonce d’un programme «
nouveau nucléaire »
267
avec une
première tranche de six réacteurs EPR2
268
de 1 650 MW prévus pour
fonctionner au moins 60 ans, puis une seconde tranche additionnelle à
l’étude de huit EPR2, oblige à inscrire les préoccupations climatiques dans
une perspective de très long terme (2080-2100, voire au-delà).
Le parc hydro-électrique représente près de 26 GW de puissance
installée. Il est le fruit d’un héritage historique caractérisé par un grand
nombre de concessions attribuées à trois principaux gestionnaires dont les
deux premiers sont au centre de l’enquête de la Cour
: Électricité de
France (EDF), assurant environ 70 % de la production hydro-électrique
nationale
269
, et la Compagnie nationale du Rhône (CNR), environ 25 %.
Carte n° 16 :
puissance des installations hydrauliques
par département fin 2021
Source : SDES, chiffres clés des énergies renouvelables
édition 2022
267
Déclaration du Président de la République sur la politique de l’énergie, le 10
février
2022 à Belfort.
268
L’EPR2 est la version
industrialisée de la tête de série EPR, en cours de construction
à Flamanville.
269
EDF exploite 5 500 centrales hydrauliques, réparties sur près de 300 concessions.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
323
En France, les parcs nucléaire et hydro-électrique ont représenté
jusqu’à 89 % de la production totale d’électricité au cours de la période
2014-2022
270
. L’année 2022, marquée par le cumul d’une faible
disponibilité du parc nucléaire et d’une baisse de la
production hydro-
électrique, a affiché un net recul avec une production cumulée représentant
seulement 73 % de la production électrique totale.
Les parcs nucléaire et hydro-
électrique ont en commun d’être à la
fois des infrastructures prévues pour foncti
onner sur le long terme et d’être
dépendants de la ressource en eau pour l’exploitation et la s
ûreté des
installations. Or, la disponibilité de l’eau est affectée par le réchauffement
climatique, dont les impacts directs sur la ressource iront grandissant
(baisse des débits, pressions environnementales, arbitrage sur les usages).
Le présent chapitre fait suite à une communication de la Cour portant
sur l’adaptation au changement climatique du parc de réacteurs nucléaires,
remise au Sénat au mois de février 2023
271
. Il vise à appréhender les effets
prévisibles du changement climatique sur la sûreté, l’exploitation et la
production des parcs nucléaire et hydro-électrique. Il examine la manière
dont le changement climatique est pris en compte dans les référentiels et les
normes de sûreté, les actions d’adaptation mises en œuvre par les acteurs,
ainsi que la difficile évaluation de leurs coûts, avant d’évoquer les exigences
nouvelles qu’il fait peser sur le développement des installations futures.
I -
Le changement climatique soumet
les parcs nucléaire et hydro-électrique
à des risques accrus
Ces parcs ont en commun d’être des infrastructures prévues pour
fonctionner sur le long terme tout en étant dépendantes, pour l’exploitation
et la sûreté des installations, de la ressource en eau dont la disponibilité est
affectée par le réchauffement climatique.
270
Source : RTE, Production d'électricité en France - Accès aux données RTE (rte-france.com).
Sur la période 2014-2022, la production hydro-électrique a contribué à hauteur de 10 à 13 %
de la production totale annuelle d’électricité et la production nucléaire de 62 à 77
%.
271
La Cour des comptes avait été saisie, le 18 janvier 2022, par la Commission des
finances du Sénat, sur le fondement de l’article 58
-2° de la loi organique du 1
er
août
2001 relative aux lois de finances, d’une demande d’enquête portant sur
«
l’adaptatio
n
au changement climatique du parc de réacteurs nucléaires »
.
COUR DES COMPTES
324
A -
Une expertise climatique mobilisée pour définir
les risques associés au changement climatique
1 -
La recherche de projections climatiques de long terme
S’agissant du parc
nucléaire, des projections climatiques de long
terme sont nécessaires tant pour la poursuite du fonctionnement des
centrales actuelles au-
delà de 40 ans d’exploitation que, plus encore, pour
la réalisation des nouveaux programmes
272
. Pour l’hydro
-électricité, au-
delà de projections de long terme qui
demeurent utiles, l’élaboration de
modélisations hydrologiques à partir des modèles climatiques représente
un enjeu plus important.
Le service climatique
273
d’EDF réalise, pour les parcs hydro
-
électrique et nucléaire, une sélection de projections climatiques à partir des
scénarios du GIEC : RCP4.5 et 8.5, ponctuellement le RCP6.0, pour le
5
ème
rapport, SSP1-2.6, SSP2-4.5, SSP3-7.0, SSP5-8.5, pour le 6
ème
(cf.
chapitre d’introduction générale)
En complément, les modèles du programme Euro-Cordex
274
et de
Météo France, qui les affinent, sont utilisés pour une modélisation à
l’échelle
locale
(maille
régionale
généralement)
des
projections
climatiques globales.
2 -
Les modélisations hydrologiques à l’appui de la gestion
du parc hydro-électrique
Les méthodes d’évaluation des impacts du changement climatique
utilisées par EDF permettent d’estimer si les évolutions futures du climat
peuvent avoir une influence sur l’hydrologie du bassin versant d’un
aménagement hydro-électrique
275
. Les projections climatiques utilisées,
dites
« Global climate models »
(GCM), consistent en 17 trajectoires pour
les deux scénarios d’émissions de gaz à effet de serre du GIEC, RCP4.5 et
272
Déploiement de 14 EPR2, dont huit
à l’étude
, annoncé en 2022 par le Gouvernement.
273
Créé en 2014.
274
Déclinaison européenne du programme international Cordex, Euro-Cordex, auquel
participent les principaux établissements et laboratoires publics français de recherche
sur le climat, a réalisé à l’échelle de l’Europe un ensemble de projections climatiques à
une très haute résolution spatiale (12 km).
275
EDF Hydro a participé au développement d’un
nouveau guide dit IHA (, 2019) pour
l’évaluation de la résilience des aménagements hydro
-électriques aux effets de
l’évolution climatique.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
325
RCP8.5. La chaîne de modélisation, développée en interne, suit trois
étapes : la déclinaison territoriale des projections climatiques globales en
précipitations et en températures, une étape de modélisation hydrologique
et la traduction de l’hydrologie en production potentielle.
La Compagnie nationale du Rhône (CNR) s’appuie
sur les travaux
de ses services d’ingénierie ainsi que sur les études menées à l’échelle du
bassin versant du Rhône,
sous le pilotage de l’agence de l’Eau Rhône
-
Méditerranée-
Corse et de la direction régionale de l’environnement
, de
l’aménagement et du logement (DREAL) de bassin.
Une récente «
Étude
de l’hydrologie du fleuve Rhône sous changement climatique
», publiée en
mars 2023
276
,
s’appuie sur les deux scénarios
RCP 4.5 (médian) et RCP 8.5
(le plus pessimiste) du GIEC et dix projections climatiques.
3 -
Les paramètres retenus pour appréhender les risques associés
au changement climatique
L’arrêté fixant les règles générales applicables aux installations
nucléaires de base (INB)
277
ne prévoit pas explicitement leur adaptation au
changement climatique, mais impose la prise en considération des conditions
météorologiques ou climatiques extrêmes, ainsi que leurs interactions, à
chaque démonstration de sûreté, en particulier lors des réexamens
périodiques décennaux
. S’agissant des aléas les
plus sensibles au
changement climatique, EDF réalise des projections temporelles pour
alimenter les stratégies de prévention et d'adaptation du parc. Les paramètres
physiques associés à ces aléas sont les températures élevées de l’air et de
l’eau, la sécheresse entraînant une diminution des débits des cours d’eau, et
le risque de submersion marine (marée, vitesse de vents, etc.).
276
BRLi, 2023,
Étude de l’hydrologie du fleuve Rhône sous changement climatique
.
277
Arrêté des ministres chargés de l'écologie et
de l’industrie
du 7 février 2012 fixant
les règles générales relatives aux installations nucléaires de base (INB) dont l’article
3.6
porte sur les agressions externes à prendre en considération.
COUR DES COMPTES
326
Tableau n° 15 :
l
iste des agressions externes d’origine climatique
et paramètres physiques associés
Agressions externes
d’origine climatique
Paramètres physiques
Canicule
Températures maximale
s de l’air et de l’eau
Inondation externe
Débit et/ou niveau haut de la source de prélèvement en eau
(source froide), pluie, vitesse de vent associée à la houle
Sécheresse
Débit et/ou niveau bas de la source froide
Neige et vent
Vitesse de vent et niveau de neige
Tornade
Fréquence et intensité des tornades
Grand froid, frasil
et prise de glace
Températures minimales de l’air et de l’eau
Foudre
Épisodes orageux / caractéristiques des arcs de foudre
Source : EDF
L’évolution de l’hydrologie constitue le principal risque affectant
l’exploitation des ouvrages du parc hydro
-électrique. EDF distingue les
risques chroniques, qui découlent de la hausse des températures et de
l’évolution du régime de précipit
ations, des risques aigus issus des vagues
de chaleur, des sécheresses, des précipitations extrêmes et des tempêtes.
Pour la CNR, le principal risque est l’évolution du débit du Rhône qui
influe directement sur la production électrique des ouvrages au fil
de l’eau.
En matière de sûreté, le changement climatique expose les barrages
à des évènements tels que des crues exceptionnelles ou des glissements de
terrain. Les risques sont de deux ordres : une rupture du barrage par la
surverse
278
ou, à l’aval,
un risqu
e d’inondation. Indépendamment de la
sûreté, l’évolution de l’hydrologie peut entraîner des variations dans la
production électrique, des pressions accrues sur l’environnement et des
conflits d’usages de l’eau.
278
Par l’a
ugmentation instantanée mais de courte durée de la charge hydrostatique sur
le barrage ou
l’
érosion des matériaux du barrage pour les barrages en remblai.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
327
B -
Des contraintes majeures liées à la ressource en eau
et aggravées par le changement climatique
1 -
Les contraintes de prélèvements et de rejets du parc nucléaire
Le volume d’eau douce prélevé chaque année en France pour les
activités humaines représente, en moyenne depuis 2010, environ
32 milliards de m
3
, hors barrages. Un peu plus de la moitié de ce volume
est destinée au refroidissement des centrales électronucléaires. L’eau
prélevée est ensuite presque entièrement rejetée dans le milieu aquatique,
à proximité du point de prélèvement mais à une température plus élevée.
Graphique n° 24 :
prélèvements et consommation d’eau douce
en France métropolitaine par usage et par bassin hydrographique,
en millions de m3 moyenne 2010-2018
synthese-des-connaissances-en-2021
Note : Le commissariat général au développement durable (CGDD/SDES) a mis à jour en mars 2023 les
données liées à la consommation d’eau
en apportant l’explication suivante : «
La série de données sur
l’estimation de la consommation d’eau douce a été révisée à la baisse, en mars 2023, à la suite de la mise à
disposition
de données détaillées de consommation d’eau par centrale électrique nucléaire. Ces estimations de
consommation par les centrales, transmises par EDF, ont montré que les coefficients précédemment utilisés
pour l’estimation de la consommation des centrales c
onduisaient à une surestimation de cette consommation.
Cette révision modifie en conséquence la valeur de consommation totale et la répartition des usages.
».
Ce graphique remplace donc celui qui figurait dans le rapport de la Cour remis au Sénat en février 2023.
COUR DES COMPTES
328
Le type de circuit de refroidissement conditionne la consommation
finale d’eau. En circuit ouvert (18 réacteurs en bord de mer, dont
quatre en
estuaire, et huit
en bord de fleuve), l’eau prélevée est utilisée pour refroidir
le réacteur puis rejetée dans son milieu : les prélèvements sont donc très
importants mais la consommation très faible. En circuit fermé (30 réacteurs
en bord de fleuve), la quantité d’eau pré
levée est beaucoup plus faible mais
subit une évaporation moyenne de 24 %
279
; l’échauffement de l’eau y est
également moindre que pour une centrale à cycle ouvert.
Ainsi qu’exposé sous le graphique n°
1, les estimations de la
consommation d’eau des centrale
s ont été revues à la baisse au premier
trimestre 2023 par le ministère de transition écologique lors de la
présentation du
plan gouvernemental sur l’eau
280
, passant de 31 % à 12 %
du volume annuel consommé en France métropolitaine
281
. Les relevés des
données de prélèvement et de consommation sont réalisés par EDF mais
seuls les prélèvements font l’objet d’une obligation de mesure,
communiquée aux agences de l’eau. Les corrections opérées en 2023
comme les contraintes à venir sur la ressource en eau doivent inciter les
pouvoirs publics à améliorer la qualité du système d’information sur l’eau
et son accessibilité au public, comme la Cour l’a déjà recommandé
282
. Le
plan gouvernemental sur la gestion de l’eau prévoit l’installation
obligatoire, pour les prélèvements importants, de compteurs avec
télétransmission des volumes prélevés. Mais la Cour réaffirme la nécessité
de fiabiliser davantage les mesures de prélèvement et de consommation
d’eau des centrales.
De son côté, l
’exploitant reconna
ît la nécessité
d’améliore
r les échanges et la qualité des mesures, tant pour les eaux de
surface que pour les nappes souterraines, qui sont également sollicitées
pour les besoins des installations.
Les enjeux relatifs à la disponibilité de la ressource en eau pour les
centrales nucléaires en exploitation portent également sur les limites
réglementaires de prélèvements et de rejets d’effluents radioactifs ou
chimiques
283
et d’eau chaude. Pour les sites implantés en bord de cours
d’eau, les rejets d’effluents ne sont autorisés que si
le débit est suffisant. À
279
Estimation moyenne pour le parc sur l’année 2021.
280
Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau –
avril 2023.
281
Source service statistiques du MTES, mise à jour 2023.
282
Cour des comptes,
L
a gestion quantitative de l’eau en période de changement
climatique
,
rapport public thématique, juillet 2023.
283
Une centrale utilise des produits chimiques pour son fonctionnement. Ces rejets
chimiques sont liés principalement à l’usure des condenseurs, au conditionnement des
circuits primaire et secondaire, aux traitements biocide et antitartre du circuit de
refroidissement ainsi qu’aux rejets des stations de déminéralisation et d’épuration des sites.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
329
défaut, l
exploitant est tenu de les stocker dans des réservoirs, le temps que
les débits augmentent. Des capacités supplémentaires d'entreposage sont
mobilisables mais soumises à l
autorisation de l
’autorité de sûreté nucléaire
E
n l’absence de capacité mobilisable, l’exploitant est alors tenu de réduire
ou d'interrompre la production.
Au cours de l’été 2022, plusieurs fleuves
ont connu de faibles débits, interdisant tout rejet radioactif, sur des périodes
de quelques jours, dont en particulier la Loire, la Seine et la Moselle. Cette
situation a conduit l’
autorité de sûreté nucléaire à accepter, pour cinq
centrales nucléaires
284
, l’usage des réservoirs de secours.
Les
limites de températures, prescrites sous forme d’une
température
maximale de l’eau rejetée en aval et/ou d’écart maximal entre
la température en aval et en amont de la centrale, peuvent également
imposer à EDF de réduire ou d’arrêter sa production. Toutefois, lorsque le
maintien en exploitation des réacteurs est jugé né
cessaire à l’équilibre et à
la stabilité du réseau par son gestionnaire (RTE),
ou qu’il relève d’une
nécessité publique, des dérogations temporaires sont prévues par la
réglementation
. Lors de la sécheresse de l’été 2022, l’
Autorité de sûreté
nucléaire et le ministère de la transition énergétique ont ainsi modifié
temporairement les limites de rejets thermiques des centrales pour
maintenir la production sur les sites de Bugey, de Golfech, de Saint-Alban
et de Tricastin.
2 -
Les contraintes d’exploitation du par
c hydro-électrique
Les grands ouvrages fluviaux fonctionnant au fil de l’eau, capables
de fournir de l’électricité en continu, doivent faire l’objet d’une gestion
coordonnée, surtout lorsqu’ils assurent un service pour la navigation.
Les
barrages à écluses, structures principalement utilisées pour la navigation
fluviale, peuvent être équipés de turbines hydro-électriques et sont alors
utilisés pour produire de l’électricité en période de pointe. Les grands
barrages dotés d’un lac de retenue sont prioritairement affectés au stockage
inter saisonnier (remplissage au printemps, turbinage en hiver) mais
peuvent rendre d’autres services au s
ystème électrique grâce à leur
puissance et leur souplesse d’utilisation.
284
Les principaux sites où la gestion des rejets d’effluent est délicate sont Civaux, Nogent
et Chooz, et dans une moindre mesure quelques sites sur le Rhône (Cruas, St-Alban).
COUR DES COMPTES
330
La gestion de l’eau nécessaire à l’activité hydro
-électrique est
encadrée, en particulier, par la législation résultant de la directive cadre de
2000
285
visant le
« bon état des mas
ses d’eau
»
. Ses exigences relatives à
l’hydromorphologie
286
, à la continuité sédimentaire et piscicole ou encore
aux débits réservés peuvent soustraire à la production électrique des
volumes d’eau importants.
Certains cahiers des charges des concessions pré
voient l’exigence
d’un débit minimal garanti en aval (cas de
la centrale hydro-électrique de
Montpezat sur la Loire et de ses retenues amont
) ou l’obligation de
constitution d’une réserve au printemps et d’un débit minimum l’été pour
sécuriser l’approvisio
nnement en eau potable (cas du barrage et de la
centrale de Rochebut sur le Cher). Ces débits garantis ont été fixés sur la
base d’hypothèses d’apports hydrologiques ne tenant pas nécessairement
compte du changement climatique. Au cours de l’été 2022, plus
ieurs
retenues ont été presque intégralement vidées
287
pour respecter un débit
imposé à l’aval, comme à Puylaurent sur le Chassezac en Lozère ou à
Gnioure dans les Pyrénées. Dans d’autres cas, EDF a
conclu des
conventions fixant
des volumes de soutien d’étia
ge
288
, sous le contrôle de
l’État, comme avec le syndicat mixte d’études et d’aménagement de la
Garonne (SMEAG). Ces dispositions
, en contraignant les usages de l’eau,
réduisent la souplesse de la production hydro-électrique.
3 -
Les exigences des accords transfrontaliers
Pour les cours d’eau transfrontaliers, des débits minimums au point
de passage des frontières ont été fixés pour prendre en compte les besoins
des États voisins
. Ils contraignent donc l’exploitation des centrales et des
ouvrages hydrauliques en France. Ainsi, le débit du Rhône et le maintien
d’un niveau suffisant à l’étiage dépendent, sur la partie française du fleuve,
du débit sortant du Lac Léman, dont la gestion est assurée par un opérateur
285
Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000
établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.
286
L'hydromorphologie est l'étude des caractéristiques physiques naturelles des cours
d’eau
et de leurs annexes hydrauliques.
287
L’exploitant a dû solliciter les services de l’État pour déroger au débit imposé par le
cahier des charges afin d’éviter de passer sous la cote minimale d’exploitation
.
288
L’é
tiage
est le niveau moyen le plus bas d’un cours d’eau ou l’abaissement
exceptionnel de son débit. Le soutien d’étiage est une modalité de mise à disposition
des usages liés à l’activité humaine, en période d’étiage, d’une eau stockée hors période
d’étiage, le plus souvent dans un ouvrage barrant, en amont du lit du cours d’eau.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
331
suisse
289
. Une gestion coordonnée de la ressource a été mise en place dans
le cadre des Accords d’Emosson de 1963 relatifs au stock des eaux d
e
l
’Arve. Les restrictions des stockages et les lâchers depuis Genève, liés au
maintien de la cote des eaux du lac, ont conduit EDF et la CNR à conclure
en 2020 un accord avec le canton de Genève pour garantir un débit minimal
à l’étiage et assurer la production en aval
290
.
L’exploitation de la centrale nucléaire de Cattenom sur la Moselle
est également contrainte par une convention conclue en 1986 entre la
France et le Luxembourg,
qui prévoit qu’en deçà d’un certain débit moyen
journalier à la frontière germano-luxembourgeoise, les prélèvements d'eau
sont subordonnés à leur compensation par EDF à l'aide de lâchers d'eau
depuis la retenue de Vieux-Pré, dont le remplissage p
eut s’avérer difficile
en fonction des conditions hydrologiques, comme en 2020. De même, le
fonctionnement de la centrale de Chooz sur la Meuse est soumis à un
accord franco-
belge de 1998 selon lequel, à partir d’un débit minimal, la
totalité du débit en a
val de Chooz est réservé à d’autres usages, comme la
production d’eau potable en Belgique.
C -
Des conséquences encore limitées sur la production
1 -
Des indisponibilités faibles mais croissantes
pour le parc nucléaire
L’augmentation de la température des cours d’eau du fait des
conditions hydrométéorologiques exceptionnelles (températures élevées
potentiellement amplifiées par des débits de cours d’eau faibles), peuvent
générer des limitations de production pour les centrales. Les graphiques
ci-après illustrent les pertes de production cumulées en découlant, par
année et par site depuis 2000.
289
Les Services Industriels de Genève (SIG).
290
Un accord-cadre sur la régulation des eaux transfrontalières du Léman et le débit du
Rhône est en cours de négociation entre la France et la Suisse.
COUR DES COMPTES
332
Graphique n° 25 :
pertes de production (MWh) par année attribuées
aux températures élevées (canicule) et aux faibles débits (étiage)
Source : EDF
Graphique n° 26 :
bilan des pertes de production (en MWh) par site pour
les critères de débit (étiage) et température (canicule) entre 2000 et 2022
Source : EDF
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
333
Les pertes de production sont demeurées inférieures à 1 % de la
production en moyenne annuelle sur les deux dernières décennies, hormis
lors de la canicule de 2003 (1,5 %). Elles peuvent apparaître faibles mais
la puissance perdue lors de ces aléas climatiques peut être ponctuellement
conséquente : les indisponibilités ont atteint plus de 6 GW en 2003, soit
près de 10 % de la capacité nucléaire installée. Les pertes de l’année 2022,
également marquée par la canicule, ont été contenues à 0,18 % mais elles
sont minorées par le fait que de nombreux réacteurs étaien
t à l’arrêt pour
d’autres motifs, notamment les dommages liés à la corrosion sous
contrainte de certains équipements.
Ces
pertes
de
production
concernent
les
centrales
dites
thermosensibles en circuit ouvert en bord de rivière ou estuaire (Saint-
Alban, Tricastin, Bugey, Blayais), ainsi que celle de Golfech (circuit
fermé). Elles sont principalement liées aux critères thermiques (limite
d'échauffement ou température du fleuve accentuée par son faible débit) et
non à des limites de prélèvements d'eau. Les pertes liées aux faibles débits
sont concentrées sur la centrale de Chooz et consécutives aux limitations
découlant de l’accord franco
-belge de 1998.
Au début des années 2000, les pertes de production ont atteint des
niveaux significatifs avant de revenir à des niveaux plus faibles en raison
de l’évolution, en 2006, de la réglementation, qui a assoupli le régime des
rejets thermiques
291
. Depuis 2018, une nouvelle augmentation des arrêts
pour causes climatiques est observée, avec des pertes s’élevant à plusieurs
térawattheures par an. Les dernières études d’EDF laissent augurer un taux
d’indisponibilité multiplié par trois ou quatre d’ici à 2050. Ces statistiques
corroborent, en les amplifiant, les constats déjà établis par RTE dans ses
récents travaux
292
.
Le changement climatique devrait entraîner une augmentation de la
demande d’électricité au cours de la période estivale, non seulement dans
le contexte général d’électrification des usages, mais plus spécifiquement
du fait du développement de la climatisation. EDF considère que les
conséquences qui pourraient résulter de ce besoin de consommation accru,
même associé à une indisponibilité croissante du parc nucléaire, devraient
demeurer modérées. De son côté, l’État fait valoir que cette question ne
constitue pas un risque pour le réseau électrique et que les pertes de
productions estivales seront compensées par une mobilisation accrue des
énergies renouvelables.
291
Conditions climatiques exceptionnelles et situations exceptionnelles.
292
Rapport
Futurs énergétiques 2050
, octobre 2021.
COUR DES COMPTES
334
2 -
Une érosion du potentiel de production hydro-électrique
La production hydro-électrique est dépendante de la disponibilité de
la ressource en eau, et donc fortement déterminée par les précipitations
(neige et pluie) ainsi que par les températures et leur influence sur
l’évaporation des lacs. Des variations importantes peuvent être observées
d’une année sur l’
autre, comme le montre le graphique n° 4 : la production
a varié entre 50 et 75 TWh au cours de la période 1995-2022, alors même
que la capacité de production du parc était stable. Cette variation s’avère
plus marquée dans la période récente, des périodes infra-annuelles de
faibles précipitations et de sécheresses pouvant conduire à des limitations
conséquentes de la production en période estivale.
Graphique n° 27 :
évolution de la production hydro-électrique depuis 1995
Source : RTE, bilan électrique 2022
EDF n’est pas en
mesure de fournir une estimation précise des pertes
de production annuelles associées aux aléas climatiques
. L’entreprise
retient des moyennes pluriannuelles sur 10 ou 20 ans pour estimer son
potentiel de production
293
, qui peut varier en raison des débits réservés et
du changement climatique. Ce dernier aurait ainsi, en moyenne, réduit le
productible annuel de 1 TWh entre 2012 et 2022, les plaines étant plus
affectées que les têtes de bassin
294
. EDF prévoit que cette érosion se
poursuivra au même rythme au cours des vingt prochaines années.
293
Ou productible.
294
À titre d’exemple, le productible Dordogne a connu une baisse de 14
% sur les vingt
dernières années. Dans le même temps,
le productible du Rhin ne connaissait qu’une
baisse de 3 %.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
335
La CNR reconnaît une légère baisse de la production du Rhône sur
les 30 dernières années, de l’ordre de 0,4
% en rythme moyen annuel.
L’étude conduite par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse sur le
Rhône à horizon 2055
295
conclut cependant au maintien des débits en
moyenne annuelle à long terme, mais à une baisse de ces débits en période
de basses eaux et à leur augmentation en période hivernale. Compte tenu
de l’importance de la production hydro
-électrique, ces études gagneraient
à être poursuivies et approfondies.
II -
Les exploitants ont pris en compte
le changement climatique mais doivent encore
intensifier leurs actions d’adaptation
Le changement climatique est largement intégré dans les référentiels
et normes de sûreté
mais l’adaptation fait peser des exigences nouvelles
pour les exploitants et le développement des installations futures.
A -
Les premières réponses apportées
au changement climatique
1 -
Des référentiels et normes de sûreté exigeants et respectés
La conception des centrales du parc actuel et les dispositions
relatives à la sûreté nucléaire n’ont, à l’origine, pas intégré les effets du
changement climatique. Les niveaux de protection retenus prenaient en
compte un niveau de référence pour faire face aux agressions externes
d’origine naturelle, auquel ont été ajoutées des marges supplémentaires.
Les centrales en exploitation ont ainsi été conçues avec des règles et des
conservatismes
296
permettant de faire face à des aléas de niveau au moins
centennal. L’EPR de Flamanvi
lle a été conçu pour résister à des aléas
climatiques d’un niveau équivalent mais en intégrant les effets du
changement climatique à l’horizon 2100. Dans le cadre des réexamens
périodiques de sûreté,
a minima
lors des visites décennales propres à
chaque réacteur, les référentiels de sûreté sont réévalués en tenant compte
du retour d’expérience national et international, de l’évolution des
connaissances et des meilleures pratiques disponibles.
295
BRLi,
Étude de l’hydrologie du fleuve Rhône sous changement climatique
,
2023.
296
Dans le cadre de la démonstration de sûreté nucléaire, la notion «
d’approche
conservative
» est utilisée pour désigner une démarche fondée sur des hypothèses qui
majorent les effets des phénomènes.
COUR DES COMPTES
336
Des valeurs maximales de températures de l’air et de l’eau ont
été
prises en compte à la conception des installations et renforcées après
l’épisode caniculaire de l’été 2003
,
à l’issue duquel EDF a conçu un
référentiel avec des niveaux d’aléas projetés à l’horizon de 2030 et procédé
à des modifications de ses installations. En matière de submersion marine,
l’inondation partielle de la centrale du Blayais lors de la tempête de 1999
a conduit l’exploitant à effectuer des travaux de renforcement sur la digue
périphérique et un réexamen global des principes de protection des
centrales. De son côté
, l’ASN
a publié un nouveau guide en 2013
297
sur la
protection des installations contre les inondations, qui prévoit la prise en
compte de l’impact de l’évolution du climat entre deux réexamens. Ces
marges de protection ont conduit EDF à construire une digue à Gravelines,
à rehausser celle du Blayais et à renforcer les protections des stations de
pompage des centrales de Paluel, de Flamanville et de Penly. Quant au
risque d’étiage pour les sites de bord de rivière, EDF l’a pris en com
pte à
la conception par l’installation d’un seuil hydraulique permettant de
garantir un niveau d’eau minimum,
par la création de lacs artificiels
(comme le lac du Mirgenbach à Cattenom) ou encore par
l’installation
d’aéroréfrigérants. Enfin, l’accident de
Fukushima-Daiichi au Japon en
2011 a conduit EDF, à la demande de l’ASN, à mettre en place un «
noyau
dur » de dispositions matérielles et organisationnelles visant, en cas
d’agression extrême d’origine externe, à prévenir un tel accident.
Ces référentiels et leurs renforcements lors des réexamens périodiques
décennaux des réacteurs sont des acquis pour la sûreté des installations. Cette
périodicité n’est toutefois pas adaptée à toutes les problématiques liées au
réchauffement climatique, notamment dans l’hypothèse d’une prolongation
de leur exploitation. C’est pourquoi l’ASN a lancé avec EDF une démarche
d’analyse des enjeux liés à la poursuite du fonctionnement des réacteurs
actuels jusqu’à 60 ans et au
-delà. Par ailleurs, certains ajustements de sûreté
g
agneraient
à
s’accompagner
d’une
réflexion
plus
globale
sur
l’environnement des centrales, notamment celles susceptibles d’être soumises
au risque de submersion marine, dans le cadre d’une approche intégrée et
territorialisée de ce risque, prenant en compte par exemple les potentielles
difficultés d’accès aux axes routiers conduisant au site.
La sûreté et la sécurité des ouvrages hydro-électriques ont
progressivement intégré le changement climatique. La maîtrise de la sûreté
relève de la responsabilité des exploitants. Les principaux risques naturels
auxquels sont exposés les barrages
crues exceptionnelles, séismes et
glissements de terrain
peuvent se traduire par des ruptures d’ouvrages.
La conception des installations hydro-électriques, dont certaines sont très
297
Guide n° 13,
Protection des installations nucléaires de base contre les inondations externes
.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
337
anciennes, n’a pas intégré spécifiquement les effets du changement
climatique, les normes retenues pour leur construction et leur exploitation
prenant toutefois en compte les évènements extrêmes en intégrant des
marges importantes. Des règles spécifiques ont été édictées, notamment en
1961
298
et en 1995
299
, complétées par des instructions techniques
spécifiques. Elles ont été harmonisées par la loi sur l’eau de 2006
300
qui a
été à l’origine d’un renforcement des référentiels avec l’élaboration, à
partir de 2008, des études de dangers (EDD) que les exploitants doivent
établir tous les 10 ou
15 ans selon l’importance des ouvrages et qui
intègrent les effets du changement climatique depuis la publication de
l’arrêté technique barrages de 2018
301
.
Ces prescriptions prennent en compte des hypothèses qui majorent
les effets des phénomènes naturels pour le dimensionnement des ouvrages.
La sécurité à l’amont ou à l’aval des ouvrages est également prise en
considération à travers des plans particuliers d’intervention (PPI) pour les
barrages présentant un danger. Les barrages ont par ailleurs été équipés à
la conception d’évacuateurs de crues qui permettent le passage de débits
extrêmes sans mettre en cause leur tenue. Les glissements de terrain des
berges des retenues peuvent également représenter des risques qui font
l’objet d’une surveillance régulièr
e.
L’État est chargé de piloter la surveillance de la sécurité des
ouvrages hydrauliques, quel que soit leur usage, notamment en élaborant
les réglementations relatives au contrôle des documents et aux visites par
les gestionnaires. Le contrôle des instal
lations, sous l’autorité des préfets
de régions, prend la forme de dossiers documentés que l’exploitant doit
communiquer à l’administration et d’inspections sur sites. Il fait l’objet
d’un référentiel national. EDF réévalue régulièrement les crues de
référence et les scénarios de danger. De 2009 à 2017, les études de dangers
des 240 ouvrages concernés ont été réalisées. De construction ancienne
(datant de 50 à 100 ans en majorité), ces ouvrages ont fait l’objet, au cours
des quinze dernières années, de rénovations et de modernisations pour
améliorer leur fiabilité et leur sûreté. Les installations hydro-électriques de
la CNR, composées
d’ouvrages au fil de l’eau, sont potentiellement
confrontées à des étiages sévères ou à des crues extrêmes. Elles sont
soumises aux mêmes études périodiques de dangers.
298
Règles de Construction des Barrages
.
299
Réglementation Technique pour la Sécurité des Barrages
.
300
Loi n°
2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques.
301
L’arrêté technique barrages
(ATB) du 6 août 2018 fixe les prescriptions techniques
sur la sécurité des barrages.
COUR DES COMPTES
338
2 -
La mise en œuvre de démarches d’adaptation
par les exploitants
La CNR intègre le changement climatique dans sa cartographie des
risques majeurs et veille à ce que les risques associés soient pris en compte
dans
les processus de production, d’exploitation et de maintenance.
L’entreprise n’a pas spécifiquement structuré et mis en œuvre de plan
d’adaptation. Elle s’appuie sur des prestations externes pour ses travaux de
recherche et développement ou sur la productio
n d’études menées dans le
cadre des travaux d’exploitation et de maintenance, ou encore sur des
relations conventionnelles avec les services de l’État pour les outils de
prévision des crues ou les réseaux de mesures.
L’objectif d’adaptation au changement
climatique est intégré depuis
quelques années à la politique de responsabilité sociétale d’entreprise d’EDF
mais les épisodes climatiques de l’été 2022 ont constitué un accélérateur, le
groupe n’anticipant alors la survenue d’épisodes semblables qu’à un ho
rizon
plus éloigné de 15 ou 20 ans. Des plans d’adaptation au changement
climatique ont été élaborés, notamment au sein de la direction de la
production nucléaire
302
, avec le projet « ADAPT », initié en 2021, avec pour
objectif à horizon 2050 d’analyser les
conséquences du changement
climatique pour sécuriser la production, notamment l’accès à l’eau et aux
infrastructures. Ce plan bénéficie de ressources propres, d’un conseil
scientifique et du concours des services climatique et de recherche et
développement du groupe. Son approche « site par site » et sa vision
systémique
303
, initiées sur le site de Chooz, doivent être étendues à toutes les
centrales en 2025. Les investissements d’adaptation résultant de ce plan sont
intégrés dans le programme Grand Carénage.
Pour
les
nouveaux
programmes
nucléaires,
la
démarche
d’adaptation s’inscrit dans un plan de gestion et d’atténuation des risques
dès la conception, mis en œuvre pour Flamanville 3 et les projets d’EPR2.
Dans le cas de Flamanville 3, cette approche intègre le changement
climatique à la méthode de quantification de l’intensité ou
de la fréquence
des aléas naturels, en prenant en compte les scénarios du GIEC à l’horizon
du terme d’exploitation du réacteur. Elle a conclu à la nécessité de prendre
des marges de conception spécifiques, notamment pour la protection contre
les inondations externes.
302
Direction de la production nucléaire et thermique (DPNT).
303
Pour chaque site, le projet ADAPT va dérouler une méthodologie en choisissant des
scénarios d’évolutions climatiques (haut, bas, médian) et en réalisant des projections
climatiques, hydrologiques et thermiques adaptées à chacun. Ensuite, des thèmes
identifiés (eau, outil industriel, tissu industriel, environnement socio-industriel,
stratégie d’influence) feront l’objet d’une analyse au regard des spécificités du site
.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
339
Pour l’exploitation hydro
-électrique, compte tenu de la nature
variable des apports en eau, EDF s’est, de longue date, doté de capacités
d’expertise hydrométéorologique à
travers un important parc de capteurs
(neige, pluie, etc.), des capacités de prévisions saisonnières ou encore une
organisation spécifique prévue en période de crues. L’expertise interne
d’EDF Hydro, en partenariat avec les services de recherche du groupe
,
contribue à de nombreuses études publiques, comme les projets
Explore
sur les perspectives hydrologiques sous changement climatique. EDF
Hydro s’est dotée en 2021 d’un plan d’adaptation au changement
climatique, décliné en plans d’actions, qui analyse le
s risques majeurs
pesant sur la sûreté, la gestion de l’eau, l’exploitation et les performances
environnementale et économique de l’entreprise.
3 -
La coordination de la gestion de l’eau au sein d’EDF
Dans chaque bassin hydrographique, l’action d’EDF s’inscri
t dans
le cadre général de régulation de la ressource en eau
, sous l’autorité de
l’État. Les réservoirs hydro
-électriques, qui constituent une grande partie
des capacités de stockage de l’eau en France, sont ainsi largement sollicités
pour d’autres usages que la production, notamment le soutien d’étiage. La
gestion de la ressource hydraulique fait l’objet d’une coordination
nationale au sein du groupe EDF pour concilier l’optimisation de la
production d’électricité et le soutien aux autres usages.
La gesti
on du stock d’eau dans les retenues est réalisée à la maille
des vallées hydrauliques, sur un horizon de temps annuel. Les
modélisations intègrent les apports hydrologiques, les prévisions de débits
et de températures, l’équilibre entre l’offre et la deman
de sur le marché de
l’électricité, les contraintes liées à l’exploitation et aux usages de l’eau
,
pour lesquelles des conventions peuvent prévoir, contre compensations,
des volumes d’eau pour certaines périodes ou certains usages.
Les ouvrages hydraulique
s d’EDF
implantés en amont des centrales
nucléaires situées en bord de rivières permettent de réguler les débits des
fleuves et interviennent en soutien lorsqu’apparaissent des risques
d’atteinte des seuils réglementaires. En 2022, les aménagements
hydraul
iques d’EDF ont été sollicités à hauteur de 826 Mm³, dont 18 Mm
3
pour la source froide des centrales nucléaires, en complément desquels 290
Mm³ d’appels à des ressources externes (eaux de l’
Arve, CNR, Grands lacs
de Seine, CACG
304
, établissement public de la Loire) ont été mobilisés.
Ce soutien permet de contenir
les pertes d’exploitation du parc nucléaire.
304
Compagnie d’aménagement des coteaux de Gasco
gne.
COUR DES COMPTES
340
4 -
Un coût de l’adaptation difficile à mesurer
La CNR a indiqué à la Cour ne pas avoir identifié de dépenses
d’investissement
ou
d’exploitation
significatives
qui
relèveraient
spécifiquement de l’adaptation au changement climatique.
Pour sa part, EDF ne comptabilise pas séparément les dépenses
engagée
s en lien direct avec l’adaptation au changement climatique. EDF
Hydro précise ne pas être en mesure d’isoler le coût de l’adaptation au
changement climatique, en fonctionnement comme en investissement.
Pour ce qui concerne le nucléaire, au titre du plan ADAPT
(
cf
. supra)
, il
devient possible d’évaluer certaines dépenses. Le budget alloué à ces
démarches correspond,
d’une part
,
à celui du service climatique d’EDF
,
dont une partie est spécifique aux actions du plan ADAPT et,
d’autre part
,
à des actions de re
cherche et développement dédiées à l’adaptation
305
. Ces
budgets (estimés, car disséminés dans de nombreux projets) sont présentés
dans le tableau ci-dessous :
Tableau n° 16 :
estimation du budget Service climatique
et projet ADAPT
EDF (en milliers d’€)
En milliers d’€
2021
2022
2023
Service climatique
1500
1600
2000
dont financement spécifique projet ADAPT
150
270
550
Actions R&D dédiées à l’adaptation (milliers €)
1300
1900
2730
Total
2 800
3 500
4 730
Source : EDF
En matière d’investissements, EDF a indiqué que la mise en œuvre
des différents dispositifs sur la thématique climat/météo (programme
Grands Chauds ou rénovation d’aéroréfrigérants
; tornades et digues)
représente un montant d’investissements de 960 M€
déjà réalisés sur la
période 2006-2021.
305
Le service climatique a été créé pour partager ses analyses avec l’ensemble du Groupe
EDF. Progressivement des actions spécifiques ont été engagées en complément pour
évaluer l’impact du changement climatique sur le fonctionnement des installations d’EDF.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
341
Tableau n° 17 :
investissements réalisés liés aux évènements
météorologiques extrêmes
à fin 2021 (en M€)
Dépenses
Grands Chauds
VD4 900
VD3 1300
VD2 N4
12,3
319,1
18,0
Projet agressions externes
(Grands Chauds)
Palier 900 MW avant VD4
429,3
Autres
Source froide
Tornades
Digues
Autres
125,3
1,8
52,3
3,8
Total
961,8
Source : EDF
Note de lecture : VD4 : 4
ème
visite décennale ; VD3 : 3
ème
visite décennale ; VD2 : 2
ème
visite
décennale ; 1 300 : réacteurs de 1 300 MWe ; N4 : réacteurs de 1 450 MWe, du palier N4.
Les dépenses programmées en lien avec l’adaptation au changement
climatique sur la période 2022-
2038 s’élèveraient à environ 612 M€. Ce chiffre
ne tient pas compte de projets de tours aéroréfrigérantes, d’un co
ût unitaire
évalué à 500 M€
(
cf.
infra)
, qui pourraient être installées sur certaines centrales
à circuit ouvert en bord de fleuve.
Tableau n° 18 :
i
nvestissements d’adaptation programmés
sur la période 2022-
2038 (en M€)
Dépenses
Grands Chauds
VD4 900
VD3 1300
VD2 N4
52,2
100,7
8,0
Autres
Source froide
Tornades
Digues
Autres
238,1
158,4
53,6
1,6
Total
612,6
Source : EDF
Note de lecture : VD4 : 4
ème
visite décennale ; VD3 : 3
ème
visite décennale ; VD2 : 2
ème
visite
décennale ; 900 : réacteurs de 900 MWe ; N4 : réacteurs de 1 450 MWe, du palier N4.
COUR DES COMPTES
342
L’exploitant met en avant la difficulté d’isoler ce qui relève
spécifiquement du changement climatique dans les investissements de
sûreté, tout en reconnaissant qu’il doit remédier à cette difficulté. EDF
enten
d y travailler en s’appuyant sur les plans d’adaptation que les grandes
entités du groupe doivent élaborer dans le cadre de sa politique RSE.
L’effort de recherche qui correspond à ces investissements pourrait
également être mesuré et l’entreprise aurait i
ntérêt à comptabiliser les
dépenses de fonctionnement associées.
Il est donc nécessaire, au titre de leurs politiques de responsabilité
sociale et environnementale comme de leur communication financière,
qu’EDF e
t
la CNR puissent disposer dans l’avenir d’
une information
précise sur le coût de l’adaptation climatique. La Cour réitère donc en
l’élargissant à la CNR, la recommandation faite
sur ce point à EDF dans
son rapport remis au Sénat en février 2023.
B -
De nouvelles exigences pour l’avenir
1 -
La nécessité de mieux appréhender la contrainte hydrique
Pour connaître la disponibilité de la ressource en eau, l’État
306
, à
travers le projet
Explore 2070
, a étudié depuis 2012 les impacts du
changement climatique sur les milieux aquatiques et sur la ressource pour
élaborer des stratégies d’adaptation. Les projections hydro
-climatiques qui
seront établies par le nouveau programme
Explore 2
permettront de
préparer les documents de planification des usages de l’eau. Des études
prospectives ont été con
duites par les agences de l’eau sur les besoins et
les ressources en eau du bassin de la Garonne en 2014
307
et, pour le Rhône,
en 2014 et 2023
308
afin d’
évaluer les prélèvements existants par rapport aux
débits, analyser leur évolution au cours des dernières décennies et simuler
les variations des débits du fleuve à l’horizon 2055. EDF conduit également
ses propres travaux, comme ceux réalisés entre 2012 et 2014 sur les deux
sites du Bugey et de Golfech pour étudier l’évolution de la disponibilité de
leur sourc
e froide à horizon de 30 ans. L’entreprise travaille également à la
mise à jour des scénarios d’évolution hydro
-climatiques et à la réalisation
de projections hydrologiques à moyen et long terme.
306
En collaboration avec les principaux organismes de recherche et centres
universitaires français.
307
Garonne 2050
: étude prospective sur les besoins et les ressources en eau à l’échelle
du bassin de la Garonne
(2014).
308
L’état des eaux des bassins
Rhône, Méditerranée et Corse
(2014)
Étude de
l’hydrologie du fleuve Rhône sous changement climatique (2023).
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
343
Eu égard aux enjeux associés aux rejets radioactifs liquides des
centrales nucléaires dans des situations d’étiage prolongé, il est également
nécessaire d’examiner le dimensionnement des capacités d’entreposage
avant rejet des effluents liquides, d’autant
que ces effluents sont produits
de manière continue par les réacteurs dont l’arrêt ne permet pas d’en
interrompre le flux et peut même
l’amplifier. En outre, quatre centrales
nucléaires étant situées sur chacun des deux fleuves Rhône et Loire (cinq
en comp
tant Civaux sur la Vienne), l’impact des consommations d’eau et
des rejets radioactifs et chimiques peut se cumuler. Les épisodes
caniculaires de l’été 2022 ont conduit EDF à programmer des
investissements destinés à accroître ces capacités de stockage, notamment
à Civaux. L’État, en particulier l’
Autorité de sûreté nucléaire, qui
détermine les modalités de prélèvement et de consommation, ainsi
qu’EDF
,
doivent poursuivre et généraliser à l’ensemble du parc les études
et les prévisions en cours pour connaîtr
e l’évolution globale de la
disponibilité des parcs sur les dix à vingt prochaines années.
Le régime thermique des cours d’eau conditionne les seuils de
prélèvements et de rejets des centrales nucléaires. L’effet de la
température de l’eau sur les organism
es aquatiques a constitué un thème
central des recherches dans les années 1970, en réponse aux interrogations
sur l’impact des installations industrielles utilisant l’eau comme source
froide
309
. Des seuils de température (25
°C) et d’échauffement (3
°C) en
rivière, à partir desquels un effet serait observable sur les peuplements
aquatiques, ont été retenus. La limite de 28 °C en aval des installations
(25 °C + 3 °C) est devenue la référence
310
. Cette température demeure
donc aujourd’hui la limite considérée comme n’ayant pas d’incidence
notable pour le milieu aquatique. Ces valeurs ont contribué à la définition
des limites thermiques actuellement prescrites par l’autorité de sûreté
nucléaire pour chaque site. Depuis l’apparition fréquente d’épisodes
caniculaires
depuis 2003, EDF souligne l’effet pénalisant de telles limites
alors que l’évolution des températures conduit à des dépassements de
température dès l’amont des centrales.
309
Selon la biotypologie de Verneaux (1973), la structuration biologique des cours
d’eau (poissons et invertébrés) est définie en fonction de la
température, de la dureté de
l’eau, de la section mouillée à l’étiage, de la pente et de la largeur du cours d’eau
.
310
Ces seuils ont été repris dans les directives européennes (DCE), pour les eaux
cyprinicoles et l’alimentation en eau potable, puis dans la
réglementation française
(arrêté ICPE du 2 février 19
98) à laquelle fait référence l’arrêté INB et qui sont
applicables à toutes les installations (nucléaires ou conventionnelles).
COUR DES COMPTES
344
Des études et des programmes de recherche conduits sur l’influence de
la température sur le fonctionnement des écosystèmes aquatiques
311
ont
permis d’appréhender l’évolution des écosystèmes aquatiques des grands
fleuves français au cours des quatre dernières décennies. Ils semblent conclure
à ce stade au faible impact de la présence des centrales au regard des autres
déterminants des évolutions constatées. Il apparaît nécessaire de les
poursuivre afin d’affiner la connaissance de l’évolution du milieu récepteur
dans un contexte de changement climatique. Les services de l’État, en lien
avec l’autorité de sûreté nucléaire, doivent conduire ce
travail en veillant à ce
qu’une expertise indépendante puisse objectiver cette problématique, tant
pour la préservation de la biodiversité autour des installations nucléaires que
pour la sécurité et le bon fonctionnement de ces dernières.
2 -
Des innovations à exploiter pour limiter la consommation
d’eau ou les rejets d’effluents du parc nucléaire
EDF assure une veille des innovations sur les systèmes de
refroidissement pour faire face au changement climatique. Cependant
aucune innovation significative n’a jusqu’ici été déployée sur le parc
existant. Les études dont elle dispose ont conduit l’entreprise à ne pas faire
évoluer la conception des sources froides, qu’il s’agisse des stations de
pompage ou des échangeurs associés, et à confirmer ses choix
technologiques de circuit ouvert pour des sites en bord de mer et
d’aéroréfrigérants humides pour des sites en bord de rivière.
Installer des tours aéroréfrigérantes sur les centrales actuellement à
circuit ouvert ne susciterait pas d’économie d’eau mais contribue
rait à
réduire les températures de réchauffement des rivières. Des études
exploratoires conduites par EDF pour les trois sites thermosensibles de Saint
Alban, de Bugey (2-3) et de Tricastin font état de coûts importants (un
investissement de l’ordre de 500
millions d’euros pour une tour
312
et des
coûts de maintenance significatifs restant à évaluer), d’inconvénients
environnementaux (consommation d’eau par évaporation et rejets chimiques
consécutifs aux traitements biocides) ou encore de contraintes foncières et
paysagères, auxquelles s’ajouteraient les indisponibilités de production
durant les travaux. EDF n’exclut pas de recourir à de tels investissements à
partir des cinquièmes visites décennales, notamment dans l’hypothèse où
311
Étude de l’hydrologie du fleuve Rhône sous changement climatique
(2023) par
l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et
programme de recherche thermie-
hydrobiologie de
la direction de la recherche d’EDF
.
312
Huit réacteurs en bord de fleuve ne sont à ce jour pas dotés de tours aéroréfrigérantes.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
345
l’entreprise solliciterait une
autorisation de poursuivre au-
delà l’exploitation
de certains réacteurs. C’est le cas pour la centrale de Saint
-Alban (pallier
1300 MW) pour laquelle l’entreprise envisage de réouvrir les études de
faisabilité
313
, en faveur d’équipements d’appoint alternati
fs.
Au titre de la recherche sur les systèmes de refroidissement,
l’entreprise expérimente un procédé de récupération d’eau des panaches
d’aéroréfrigérants dont un démonstrateur est en cours de déploiement sur
le site de Bugey et permettra d’apprécier la p
erformance de cette
innovation au regard de la quantité et de la qualité d’eau récupérées. La
technologie
des
aéroréfrigérants
impose
également,
du
fait
des
développements microbiologiques, de réaliser des traitements biocides à
l’origine d’effluents chimi
ques
314
,
dont les effets du changement
climatique intensifient la fréquence et la durée. Accélérer la recherche en
ce domaine s’avère nécessaire dans la perspective d’une réduction des
débits des cours d’eau, d’une dilution moindre des rejets d’effluents
chi
miques et de leurs effets cumulés sur un même cours d’eau
, au bord
duquel plusieurs centrales dotées de cette technologie sont présentes.
L’entreprise doit s’attacher à poursuivre les études qu’elle conduit
et mettre en œuvre des solutions technologiques
innovantes, non seulement
sur les systèmes de refroidissement sobres en eau, mais également sur des
systèmes de traitement biocide rejetant moins de réactifs chimiques dans le
milieu naturel.
3 -
Des modèles de long terme à concevoir
pour le nouveau nucléaire
Les nouveaux réacteurs
, qui fonctionneront jusqu’en 2100 voire
au-delà,
seront probablement confrontés à des aléas climatiques d’une
autre ampleur que celle des vingt à trente prochaines années. Ces
évolutions justifient que l’exploitant explore, dès la co
nception, de
nouvelles voies permettant de sécuriser les infrastructures et l’exploitation
tout en optimisant la production au regard de la gestion de l’eau, et anticipe
la localisation des nouveaux réacteurs selon, entre autres critères, les
contraintes liées au climat.
313
Cette centrale avait initialement été conçue avec des tours aéroréfrigérantes mais le
projet s’était heurté à des oppositions locales.
314
Les traitements biocides luttent contre les légionelles et les amibes pouvant se
développer dans les circuits et les tours aéroréfrigérantes, notamment lorsque la
température de l’air et de l’eau du cours d’eau sont élevées.
COUR DES COMPTES
346
Certaines unités de production d’électricité (qu’elle soit d’origine
nucléaire ou non) fonctionnent déjà dans des zones de la planète où le
climat est particulièrement éprouvant pour les infrastructures. Aux États-
Unis,
dans l’Arizona, la c
entrale de Palo Verde, mise en service dans les
années 19
80, présente la particularité de n’être située ni à proximité d’un
fleuve, ni sur un littoral. Elle est la seule au monde à utiliser exclusivement
des eaux usées pour le refroidissement de ses circuits. EDF mène
actuellement une mission d’échange avec cette centrale. La centrale
Barakah à Abu Dhabi
315
, située sur la façade maritime ouest de l’Émirat,
comme le CEPR de Taishan
316
au sud de la Chine dont le climat est
subtropical chaud, en sont également des exemples.
Les projets relatifs au nouveau nucléaire en France portent sur une
première tranche de trois paires de réacteurs EPR2, puis une seconde de
quatre paires additionnell
es à l’étude, dans un scénario de mise en service
progressive de ces dernières à horizon 2050. Des évolutions éventuelles
restent ainsi envisageables pour les quatre paires à l’étude, mais non pour
les trois premières, dont le
design
est en voie d’être fig
é.
La logique industrielle retenue pour la conception des EPR2 est de
définir un
design
générique adapté à la plupart des sites d’implantation en
France. Ce
design
intègre des marges afin d’absorber d’éventuels besoins
de changement de dimensionnement. Il distingue les EPR2 en bord de mer,
sans aéroréfrigérants, des EPR2 en bord de fleuve, dorénavant
systématiquement équipés d’aéroréfrigérants. Ces choix de conception
sont encadrés réglementairement.
L’article 4.1.7 de l’arrêté INB prévoit
que le refroidissement en circuit ouvert est en principe interdit pour les
nouveaux sites en bord de rivière, avec néanmoins une possibilité de
dérogation à cette interdiction dans le décret d’autorisation de création.
L
es questions climatiques sont l’un des paramètres de
la décision
d’implantation de ces nouveaux EPR. EDF a évalué la possibilité
d’i
mplantation de premières paires de réacteurs EPR2 sur les sites
nucléaires existants, au terme d’études techniques de préfaisabilité. Ces
études ont été menées de 2016 à 2018 et ont permis de désigner les premiers
sites d’implantation, Penly et Gravelines. Elles tiennent compte de critères
315
La centrale de
Barakah, mise en service en 2020, a été construite par un consortium
mené par
Emirates Nuclear Energy Corporation
(ENEC) et par le sud-coréen
Korea
Electric Power Corporation
(KEPCO). Elle est la première centrale nucléaire dans le
monde arabe.
316
Construction de deux réacteurs nucléaires de type EPR (ou CEPR pour
Chinese
Evolutionary Power Reactor
) en Chine, mis en service en 2018 et 2019. Ce projet a été
dirigé par
Taishan Nuclear Power Joint-Venture Company Limited
(TNPJVC), une
coentreprise détenue à 30 % par Électricité de France (EDF).
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
347
comme le foncier et l’urbanisme, la constructibilité, les normes
environnementales. Le changement climatique est pris en compte au
travers de
ces critères lorsqu’ils y sont sensibles, ce qui est le cas la plupart
du temps, sans pour autant faire l’objet d’une analyse ou d’une étude
« systémique ». EDF a récemment fait part de sa décision de retenir le site
du Bugey pour la construction de la tr
oisième paire d’EPR2 ce qui va
nécessiter de fournir, comme pour les autres sites, dans le cadre des
procédures d’autorisation, les éléments permettant de justifier la suffisance
des dispositions de conception à l’égard du risque d’agressions externes et
donc du changement climatique.
S’agissant des projets de réacteurs EPR2 de bord de mer, les futurs
réacteurs de Penly seront installés à 11 mètres au-dessus du niveau de la
mer, ce qui n’est pas le cas de ceux de Gravelines. EDF prend en compte
une prévisio
n qui permet de couvrir l’élévation du niveau marin due au
changement climatique à horizon 2100 selon le scénario le plus pessimiste
du GIEC. Ces nouveaux réacteurs sont conçus pour résister à des aléas
climatiques de niveau décamillénal (10 000 ans). Ils intègrent une marge
d
’un
mètre
. En revanche, ils n’offrent pas de marge
à la hauteur des effets
éventuels d’une accélération de la fonte des calottes glaciaires, évènement
à faible probabilité mais à fort impact, dont le Haut conseil pour le climat
estime
qu’il est prudent de tenir compte pour des installations sensibles de
long terme. Ce scénario induit dès 2075 une élévation du niveau de la mer
de 0,9 à 1,25 mètres, soit plus de deux fois ce qui est projeté à la même
date dans le scénario SSP5-8.5.
Pour l
es huit EPR2 additionnels à l’étude
,
dont les sites n’ont pas
encore été désignés, mais qui vraisemblablement seront situés pour la
plupart en bord de rivière, EDF a précisé que de nouveaux sites
n’étaient
pas envisagés à ce stade. Au vu des analyses menée
s par l’exploitant, il
convient d’appeler l’attention sur la thermo
-sensibilité de certains sites,
pour lesquels le réchauffement climatique devrait nécessiter la présence de
tours aéroréfrigérantes, pour un budget d’investissement qui se situerait
entre t
rois et quatre milliards d’euros (dans l’hypothèse
de six à huit tours
aéroréfrigérantes), tout en risquant d’accroître les pertes de producti
on à
horizon 2050. Ce risque pourrait être accentué en cas d’effets de cumul des
rejets résultant de la prolongation du parc actuel et de la concentration
d’EPR2 sur certains fleuves. La question du choix de la localisation de ces
huit EPR2 devra être attentivement examinée lors des études de
préfaisabilité. La consolidation de leur plan de déploiement, et en
particulier les plannings de construction et de mise en service, peuvent en
effet difficilement être entérinés en l’absence de ces études.
COUR DES COMPTES
348
4 -
Des projets de développement hydro-électriques à concrétiser
La flexibilité de la production hydro-électrique incite à rechercher
les moyens de la développer. Dans son rapport « Futurs Énergétiques
2050 », RTE juge possible pour les opérateurs nationaux de développer
5
GW supplémentaires, dont 3 GW de stations de transfert d’énergie par
pompage (STEP). La programmation pluriannu
elle pour l’énergie (
PPE)
prévoit 1
GW supplémentaire d’ici 2028 et 1,5 GW de STEP à l’horizon
2030-2035, ce potentiel de développement étant conforté par les
dispositions de la loi climat et résilience du 22 août 2021
317
qui prévoient
une réévaluation des capacités installées à l'horizon 2035.
EDF souhaite développer la performance de l’hydro
-électricité en
optimisant la disponibilité des ouvrages existants à travers la maintenance
préventive ou des projets de turbinage de débits réservés. Des réhausses de
barrages et de projets de développement sont également à l’étude, dont
certains ont été récemment menés à bien, comme sur la STEP de la Coche
en Savoie
318
en 2019 ou la construction de l’usine hydro
-électrique de
Gavet en Isère en 2020
319
. À Montézic (Aveyron), le projet d’une centrale
de 430
mégawatts attenante à l’existante est prêt à démarrer. Enfin, un
projet à Saut-
Mortier, près de Vouglans dans le Jura, est à l’étude.
Ces projets de développement dépendent de l’évolutio
n du cadre
juridique et de la résolution du contentieux européen sur le renouvellement
des concessions arrivant à échéance. La Première ministre a confirmé le
11 avril 2023, en réponse au référé de la Cour du 2 décembre 2022 sur le
renouvellement des conce
ssions hydroélectriques, l’objectif
« de relancer
rapidement des projets de développement du parc hydraulique français
bloqués par le contentieux européen, dont des projets de STEP »
. Elle a
par ailleurs précisé que
« la poursuite des réflexions sur le mode de
renouvellement ne doit pas empêcher de débloquer des investissements
dans nos concessions hydro-électriques
320
»
.
317
Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et
renforcement de la résilience face à ses effets.
318
Avec l’ajout d’
une pompe turbine de 240 MW.
319
Construction d’une usine unique sur la Romanche en lieu et place de cinq
installations existantes, pour un gain substantiel de production de 40 % sur le même
tronçon de r
ivière. D’une puissance de 97 mégawatts (MW), la centrale hydr
o-
électrique de Gavet produira 560 millions de kWh/an.
320
La loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production
d'énergies renouvelables permet ainsi de faciliter les augmentations de puissance et de
libérer les investissements pour le remplacement de gros équipements dans les
concessions hydroélectriques échues.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
349
Le cas des STEP doit toutefois être traité séparément car leur
fonctionnement ne mobilise pas seulement des coûts fixes, comme les
autres ouvrages hydro-électriques, mais supporte des charges variables
proportionnelles au coût du pompage, ce qui rend leur modèle économique
très dépendant des prix de marché. Ces équipements de grande puissance
unitaire, actuellement au nombre de cinq, font l
’objet d’une exploitation
intensive qui traduit leur importance pour l’équilibre du réseau mais exige
de lourdes dépenses de maintenance. Pour sortir de la difficulté résultant
de la prolongation de la durée des concessions, il serait opportun de ne plus
considérer les STEP comme des ouvrages ordinaires destinés à
commercialiser de l’électricité sur le marché de détail mais comme des
équipements destinés à contribuer à la flexibilité du réseau. Leur mode de
rémunération devrait être revus en ce sens. La Cour réitère donc la
recommandation figurant dans le référé précité d’étudier un modèle de
rémunération propre aux STEP.
COUR DES COMPTES
350
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La multiplication des événements climatiques a conduit les
exploitants des parcs nucléaire et hydro-électrique à décliner des
modèles pour mesurer leurs impacts et anticiper leurs évolutions. Ils ont
plus récemment mis en œuvre des plans d’adaptation au changement
climatique dont les coûts doivent être mieux identifiés. Les aléas
climatiques sont reconnus comme des éléments clé de la sûreté et de la
sécurité des ouvrages. La production ne subit que modestement les
conséquences
du
changement
climatique
mais
cette
contrainte
s’intensifiera à moyen et long terme.
L’intensification des contraintes climatiques nécessite, pour l’État
comme pour EDF, de mieux appréhender la contrainte hydrique pour les
centrales nucléaires comme pour l’environnement en poursuivant les
études sur l’évolution quantitative et qualitative
de la ressource en eau.
EDF devra accélérer la mise en œuvre de systèmes de refroidissement
sobres en eau, notamment dans le cadre du nouveau programme nucléaire
pour lequel le changement climatique devient un critère majeur du choix
d’implantation. Le dév
eloppement de
l’hydro
-électricité doit être conforté
par la mise en œuvre d’un modèle de rémunération propre aux STEP.
Dans son référé du 2 décembre 2022 sur le renouvellement des
concessions hydro-électriques
321
puis dans sa communication de mars
2023 à la commission des finances du Sénat
sur l’adaptation au
changement climatique du parc des réacteurs nucléaires
322
, la Cour a déjà
eu l’occasion de formuler les recommanda
tions rappelées ci-après :
-
consolider et mettre à jour les fondements scientifiques justifiant les
limites réglementaires applicables aux rejets thermiques des réacteurs
nucléaires (ministère de la transition énergétique, ministère de la
transition écologique et de la cohésion des territoires, autorité de
sûreté nucléaire, 2024) ;
-
renforcer la recherche et développement sur les systèmes de
refroidissement sobres en eau ainsi que sur des systèmes de traitement
biocide plus sobres en réactifs chimiques rejetés dans le milieu naturel
(EDF, 2024) ;
321
Référé Le renouvellement des concessions hydroélectriques (ccomptes.fr)
322
L’adaptation au changement climatique du parc des réacteurs nucléaires | Cour des
comptes (ccomptes.fr)
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
351
-
produire les études de préfaisabilité prenant en compte le changement
climatique concernant les huit EPR2 en option (ministère de la
transition énergétique, EDF, 2025) ;
-
proposer un modèle de rémunération propre aux stations de transfert
d’énergie par pompage (STEP) à la hauteur de leur contribution au
fonctionnement du système électrique français et permettant d’assurer
un développement des investissements en ligne avec les objectifs de la
programmation pluriannuelle de l’énergie (
ministère de la transition
énergétique, 2024).
À l’issue de cette nouvel
le instruction, la Cour formule ou complète
les recommandations suivantes :
1.
fiabiliser les mesures de prélèvement et de consommation d’eau des
centrales nucléaires (ministère de l'économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique, ministère de la transition
écologique et de la cohésion des territoires, autorité de sûreté
nucléaire, EDF, 2024) ;
2.
i
dentifier et mesurer les coûts d’adaptation au changement climatique
des
parcs
de
production
nucléaire
et
hydro-électrique,
en
fonctionnement comme en investissement (EDF, CNR, 2024) ;
3.
mesurer et publier les impacts de la contrainte hydrique sur les
centrales nucléaires situées en bord de rivière ou d’estuaire et adapter
si nécessaire leurs capacités d’entreposage avant rejet des effluents
liquides (ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, ministère de la transition écologique et de
la cohésion des territoires, autorité de sûreté nucléaire, EDF, 2024) ;
4.
f
ormaliser une approche commune de l’adaptati
on au changement
climatique pour le nouveau nucléaire, intégrée et déclinée par site
(ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, autorité de sûreté nucléaire, institut de
radioprotection et de sûreté nucléaire, EDF, 2024).
Réponse reçue
à la date de la publication
Réponse du président-
directeur général d’Électricité de
France
.............
354
Destinataires n’ayant pas d’observation
Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion
des territoires
Monsieur le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN)
Madame la présidente du conseil d’administration de l’Institut
de radioprotection et de la sûreté nucléaire (IRSN)
Madame la présidente du directoire de la Compagnie nationale du Rhône (CNR)
Destinataire n’ayant pas répondu
Madame la ministre de la transition énergétique
COUR DES COMPTES
354
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
D’
ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
Cette synthèse est le point d’aboutissement des enquêtes successives
engagées par la Cour depuis deux années. Elle présente un état des lieux
dont nous partageons le diagnostic.
Dans le prolongement des observations de la Cour et comme vous
me l’avez suggéré, j’apporte bien volontiers quelques compléments de
nature à éclairer la position et la démarche de notre entreprise.
EDF partage pleinement la préoccupation exprimée par la Cour des
comptes à l’égard du réchauffement climatique et considère avec elle que
ce phénomène est un fait majeur auquel l’humanité sera confrontée
durablement tout au long de ce siècle et au-
delà. EDF s’est impliquée avec
beaucoup de soin dans l’instruction conduite par votre haute juridiction et
a mis à disposition des rapporteurs son capital de connaissances acquises
depuis une vingtaine d’années sur l’évolution
du climat et ses
conséquences, notamment au niveau de la recherche-développement et de
son ingénierie. Notre entreprise contribue également aux études
transversales engagées par les services de l’État au niveau français
; elle
est fière que les travaux de ses experts puissent être reconnus dans les
instances scientifiques.
Nos équipes, tout particulièrement celles du nucléaire, de
l’hydraulique et de la recherche
-développement, ont mis à profit ce temps
d’instruction avec la Cour des comptes pour approfon
dir leurs analyses et
ré-
interroger la compréhension qu’elles en avaient, notamment à la
lumière de la canicule exceptionnelle de l’été 2022 et de l’épisode de
sécheresse qui l’a caractérisée
Des plans d’adaptation au changement climatique ont été établis
aussi bien pour les infrastructures nucléaires que pour nos aménagements
hydroélectriques. Ce n’est pas le lieu d’en faire une présentation détaillée.
Il importe que vous sachiez que nos ingénieurs les ont intégrés, qu’ils
prennent en compte la nécessité de consolider la résilience de nos
équipements en exploitation et d’anticiper pour les nouvelles installations
leur aptitude à faire face à des événements nouveaux comme la montée des
mers. Les arbitrages à faire se situent sur un chemin critique entre la
recherche d’une résilience affirmée et la prise en compte des possibles en
l’état actuel des technologies. Les solutions retenues par EDF se veulent à
la fois pragmatiques et proportionnées par rapport aux enjeux, ceux qui
relèveraient de la sûreté étant bien évidemment priorisés sous la
surveillance de l’Autorité de Sûreté Nucléaire.
L’ADAPTATION DES PAR
CS NUCLÉAIRE ET HYDRO ÉLECTRIQUE
AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
355
S’agissant de la ressource en eau, les installations hydroélectriques
gérées par EDF représentent une majeure partie des capacités de stockage
en France. L’entreprise contrib
ue activement à la gestion de ce bien
commun en lien étroit avec l’État et les territoires, afin d’en faciliter
l’allocation aux différents usages. Elle travaille à des projets
d’optimisation des installations existantes et au développement de
nouveaux moyens de production comme les STEP (Stations de Transfert
d’Energie par Pompage). Par ailleurs, comme la Cour l’indique dans son
rapport, on retiendra que les prélèvements en eau opérés par les centrales
nucléaires d’EDF sont relativement faibles.
En dernier lieu, je voudrais souligner combien EDF participe à la
construction d’un futur décarboné. La préservation de ses moyens de
production est par conséquent un impératif qui oblige l’entreprise à
anticiper les conséquences du réchauffement climatique sur leur
fonctionnement ; elle requiert aussi une grande attention et un
accompagnement de la part de l’État. C’est bien le sens du rapport de la
Cour des comptes, ce dont je vous remercie.